N° 236
Mars

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Mars 2023
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
https://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO
LE MOIS DU PRINTEMPS

        Ah ! Le joli mois de mars, le printemps arrive le 20 en mars. Ce mois qui débute par des bourgeons, en retard cette année.
        Le 8 mars, la Journée de la femme, nouvelle journée commerciale et de bonne conscience. Mais en fait, y a t-il une journée de l'homme, puisque soi-disant il doit y avoir égalité. Foutaise tout cela, le respect mutuel est la meilleure des fêtes.

        Journée Mondiale du Bonheur, Journée du compliment, journée du Printemps, Journée internationale du macaron, Journée du compliment, Fête des Grands-mère (crée par le café Grand-mère), etc… Il paraît que chaque jour, il y a une fête journalière pour fêter le mois, pourquoi faire, à quoi rime cela ?

        Les crises telles que du Covid, de la guerre russo-ukrainienne, inflationniste, sanitaire auraient dû révéler notre attachement aux valeurs européennes de la France, telles que la liberté, la fraternité, la démocratie, les droits de l'Homme et le respect de l'Etat de droit et des acquis sociaux. Au lieu de tout cela, ce qui est ressenti et exprimé dans la population, c'est leurs fragilités, car malheureusement le choix des français aux élections ne permet pas de sauvegarder et de renforcer ces valeurs au bénéfice des générations futures.
        Malheureusement, on n'est pas près d'en voir le bout du tunnel.

        Ce mois-ci, pour nos communautés d'expatriés d'Algérie, il y a les commémorations douloureuses :
        1) Du massacre du 26 mars 1962 à Alger ordonné par le félon de gaulle.
        2) De l'assassinat le 11 mars 1963, du colonel Jean Bastien-Thiry, ordonné par le même félon et criminel.
        Nous passerons sur le 19 mars, sans oublier la signature par la seule France des honteux et abominables, " Accords Déviants ", encore sous les ordres du même traître qui n'a pas respecté sa parole.

        Bonne Fête du printemps
        Bon mois de mars à tous et toutes
        Bonne lecture
Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         
         A tchao.


Le Juge et les forbans.
Envoyé par Jean-Claude PUGLISI.

           C'est aujourd'hui l'été, mais encore une fois je l'avais presque oublié !
           Pourtant je vous l'assure toute la Sainte journée, les Cigales de mon jardin me chantent que juillet se termine et qu'il serait bien temps de m'éveiller... J'y pense l'espace d'un instant et puis chemin faisant, je m'égare comme de coutume, le long des fraîches allées de ce jardin que j'ai gardé dans les étoiles. Puis vers le soir lorsque se taisent enfin ces radoteuses, le calme et la douceur de la nuit me font presque oublier, la chaude et envoûtante chanson de l'été.
           C'est alors avec un délice non dissimulé, que je m'installe confortablement sur mon siège le regard un moment perdu dans l'immensité du ciel étoilé, avec la ferme intention de poursuivre inlassablement mon rêve inachevé... Mais hélas ! Un énergumène qui passait, m'a raconté d'une piquante façon et d'un air très détaché, qu'en moustique bien né il n'avait que l'été pour pouvoir exercer. L'été... L'été ! ? Enfin ! puisqu'il me faut l'avouer, nous sommes bien en été à quoi bon le renier... Mais si par hasard il m'arrive très souvent de l'oublier, cigales et moustiques en escadrilles serrées se chargeront à coups sûrs de me le rappeler.
           En guise d'excuses et pour distraire les cigales sans froisser les moustiques, je m'en vais de ce pas leur conter une bien vieille histoire, que depuis bien longtemps j'ai gardé en mémoire. Ce récit savoureux tentera un instant, d'expliquer à la ronde le pourquoi d'un refrain qui me hante l'été, à tel point, qu'il me fait oublier ce côté merveilleux de la Méditerranée - où hélas ! Je ne suis pas né.
           Mais ! Laissez-moi un instant... Un instant vous conter... Vous conter, tout simplement et sans même faire l'éloquent - la belle histoire Calloise de :

            Monsieur le Juge de paix et de certains Forbans !
           A Monsieur le Juge que dans sa sieste je vais certainement déranger, qu'il veuille bien accepter les mille et une excuses de ma plume nostalgique.
           Quant aux Forbans ces garnements ! qu'ils se rassurent... car, sur cette affaire et depuis bien longtemps - il y a très largement prescription.

            Il était une fois, La Calle de France et nous étions en été.
           A cette heure de l'après-midi, le Bastion inondé de soleil s'adonnait béatement aux délices de la sieste...
           Il faisait chaud, très chaud et le port était désert... Sur l'horizon pas encore un seul chalutier ne pointait le bout de son nez et dans les eaux paisibles qui baignent la petite plage de l'avant-port, des poissons en banc immobiles somnolaient eux aussi - comme tout le monde... Par derrière la Pointe on pouvait voir quelques barques tranquilles et bien rangées qui doucement ondulaient au gré des flots, sous la garde majestueuse des clochers de l'église Saint-Cyprien, qu'une timide horloge marquait par moments sur un mode cristallin et inexorable, la douceur incomparable du temps qui passait...
           Les volets étaient clos et le Cours Barris vide de tout promeneur, sauf, parfois à l'Ours polaire, où la fraîcheur salutaire de ses Créponnets, faisait un instant oublier ces heures torrides de la journée... Dans l'église Saint-Cyprien, même le bon dieu devait faire la sieste et c'est pourquoi profitant de l'occasion, quelques bons petits diables échappés par miracle de l'enfer d'une sieste obligatoire, s'en étaient allés ce jour-là traîner leurs pieds-nus le long des quais, à la recherche de quelques rares activités, susceptibles de meubler agréablement ces instants de pure liberté...
           Ainsi, ces heures paisibles de l'après-midi, étaient parfois troublées par le bruit de ces gamins, qui en tenue plus que légère, se baignaient frauduleusement du côté de la Pointe ou vers les rochers du Lion : le choc d'un plongeon dans les eaux du port - quelques cris rapportés par l'écho de la Presqu'île... Tout cela, faisait partie intégrante du paysage habituel de ces après-midi d'été Callois.
           Mais ce jour-là des événements un peu moins habituels, donnèrent un peu plus de piquant au tableau paisible du port.
           Venus de derrière l'hôpital, deux célèbres et inséparables cousins néanmoins enfants du pays, étaient descendus - allez savoir pourquoi ! - du côté de la Pointe qui sépare le port et l'avant port le port... Ces deux zigotos par ailleurs bien connus de tous les gamins de La Calle, avaient depuis bien longtemps gagné chacun leur bâton de Maréchal, au cours de leurs multiples exploits accomplis sur tout le territoire du Bastion de France. C'est dire que ces sérieuses références, ne pouvaient que forcer l'admiration et le respect absolu de tous les enfants de notre âge... Nous étions donc tous là réunis, silencieux et attentifs comme de bons élèves à les observer avec curiosité, conscients que quelque chose d'exceptionnel ne manquerait pas de se passer en direct sous nos yeux.
           Après avoir exploré les possibilités locales qui pouvaient être exploitées et pour donner un peu d'agrément à ce moment de liberté, ils ne trouvèrent-là que des pauvres barques à emmerder… L'HEURE était propice et Morgat le Shérif de la cité, devait comme tout le monde sacrifier son temps aux plaisirs de la sieste...
           Nos deux héros qui depuis un moment reniflaient la bonne affaire, jetèrent leur dévolu sur une barque sans histoire qui n'avait disons-le, même pas la prétention ni la prestance d'un navire Amiral parmi l'armada des embarcations voisines... Alors pour épater la jeune galerie ils débutèrent sans tarder le premier acte, par un magnifique abordage dans toutes les règles de l'art et puis ils enchaînèrent directement la suite du programme, en chahutant de plus belle la frêle et innocente esquif : pendant que l'un tirait la corde en proue, l'autre l'imitait en poupe et ainsi de suite... Cependant dans leur grande et généreuse bonté, ils avaient même consenti à embarquer sur leur navire un petit Callois riverain, ravi de pouvoir admirer d'aussi prés de telles célébrités venues d'un autre quartier.
           Sur la pauvre embarcation et depuis un bon moment déjà, les deux lascars débordant de santé continuaient sans vergogne leur subtil ballet en riant de plus belle... Passons rapidement sur le beau langage de circonstance alors employé, sans toutefois négliger un seul instant sa particularité : une espèce de jargon singulier aux couleurs d'un catéchisme très spécial appris manifestement derrière l'église.

            Mais voyons plutôt la suite, car, ce qui devait arriver, arriva à la vitesse d'un cheval au galop : d'un bruit sec la corde rendit l'âme à la surprise quasi-générale et c'est ainsi que sans même le vouloir nos Forbans prirent la mer, pour se retrouver médusés et à la dérive, immobilisés au beau milieu du port.
           Bien que surpris par cette banale péripétie, qui n'était à vrai dire pour nos deux héros qu'une bricole sans importance, ce jour-là, un ver s'était semble-t-il insidieusement glissé dans le fruit défendu : la barque en question appartenait à Monsieur le Juge de la cité, qui, plus est avait de son domicile, le privilège de jouir d'une vue panoramique sur la totalité du port et de ses structures... Ainsi, bien loin des quais, sur un petit navire figé au beau milieu du port, l'abondante rigolade des Forbans de l'été, vira illico en panique générale lorsque soudain ! le Juge fit claquer ses volets en hurlant haut et fort tout un flot de qualificatifs accompagné de terribles menaces, qui ne laissaient présager qu'une sentence sans appel.
           Prisonniers comme des rats sur leur barque à la dérive, l'équipage se voyait déjà expédiés chaînes aux pieds et costumes rayés, dans la froideur inquiétante et humide d'une geôle obscure : en quelque sorte, pensionnaires d'un bagne des plus hideux qu'il soit !
           Une sacrée pagaille s'était alors propagée sur le pont étroit du navire, que les Forbans malgré toute leur science, n'arrivaient pas à ramener vers le rivage salvateur... Alors que pendant ce temps-là sur son perchoir, Monsieur le Juge écumant de colère continuait très fort à crier, esquissant dans les airs des gestes menaçants et sans équivoque quant à l'avenir des forbans en faillite...
           A la Pointe, nous, les enfants du quartier, assistions impuissants et épouvantés aux événements plus que gravissimes, qui en direct se déroulaient sous nos yeux. Nous étions tous là à nous demander pourquoi ? Ces deux artistes n'avaient pas choisi une autre barque pour faire leur exhibition navale : pensez donc ! celle du Juge de la Cité.

            Quelle catastrophe nationale pour nous les jeunes, puisque, c'était en quelque sorte, le jour du jugement dernier... mais que dis-je ! ? la mort et la déchéance de nos deux héros.
           Mais c'était très mal connaître les deux compères, qui, depuis longtemps déjà, étaient passés maîtres dans l'art des bêtises : au fond de leur sac à malice il y avait toujours en réserve une solution à tous les problèmes, y compris et surtout celle concernant les replis stratégiques d'urgence...
           C'est ainsi qu'ils décrétèrent à l'unanimité un sauve-qui-peut général, en empruntant la seule voie possible : celle des eaux du port... Mais voilà ! c'était là aussi prendre le risque de tremper ses vêtements et par conséquent de se faire essorer en retour quelques côtes par les parents !
           C'en était que de trop et de là-haut Monsieur le Juge à sa fenêtre continuait de s'égosiller de plus belle, alors que vers le bas la panique s'était propagée aux quatre coins du port, car, manifestement, nous étions sur le point de vivre un instant dramatique... Que dis-je mes amis ! un véritable drame national : la défaite de nos héros en piteuse posture sur une coquille de noix.
           L'apocalypse, quoi ! de les voir ainsi paralysés sur leur bateau comme de pauvres imbéciles. Eux qui depuis toujours, étaient les plus fins stratèges du bastion de France.
           Soudain ! au plus fort de la tourmente, les deux compères crièrent d'une même voix : " sauve-qui-peut... tous à poils... le linge sur la tête ! "
           Le linge sur la tête ! ?... Nous retrouvions enfin dans cette admirable stratégie, la valeur réelle de nos as des as : décamper en quatrième vitesse par la voie des eaux et de plus sans mouiller les vêtements... Avouons tout de même que pour les gamins que nous étions alors, c'était-là incontestablement du très, très, très grand art... Voilà pourquoi depuis ce jour, cette sublime façon de procéder devint très à la mode et régulièrement pratiquée par tous les garnements de notre âge, qui d'aventure voulaient rapidement se soustraire de quelques mauvaises affaires... Ce fût en quelque sorte un peu le mot de passe, le sésame ouvre-toi lorsque certaines situations devenaient disons-le - très urgentes à régler !

            Je dois dire qu'au moment de l'abandon du navire, le petit moussaillon devait remarquer que sur la même galère, il y avait des inégalités : " A poil ! ..." les cousins plus âgés présentaient, eux, des cheveux sur toutes les contrées, alors que lui petit riverain sans panache... des poils ! ? Il n'en possédait pas ailleurs que sur les sommets... Quelle injustice ! Mais elle fût bien vite effacée, lorsque rapidement tout l'équipage se dispersa loin du courroux de Monsieur le Juge.
           Ce jour-là chacun rentra bien vite au bercail et le port du Bastion retrouva son habituelle quiétude des chaudes après-midi de l'été... Les cousins regagnèrent à la hâte leur quartier, sans même penser un seul instant à leur farce préférée : aller taquiner la cloche de l'hôpital, pour faire accourir le concierge l'excellent M. Victor Bertot...
           Était-ce ! ? l'ombre du Juge en colère et l'écho toujours présent de ses terribles grondements, qui les ont dissuadé.
           Allez donc savoir ! ?

            Les histoires de l'été du Bastion de France, pourraient occuper bien des pages du grand livre de souvenirs que j'ai en mémoire et si aujourd'hui nous sommes en été et qu'il m'arrive de l'oublier, je sais à présent que cigales et moustiques me laisseront en paix, car, si ma petite histoire ne leur suffit pas, je me ferai un plaisir d'enchaîner en chantant le bleu de la mer et la splendeur du Corail, sans omettre un seul instant d'évoquer le beau soleil de là-bas en plein été, surtout, celui qui tout rouge de bonté, s'en va tous les soirs par derrière les monts du Boulif discrètement se coucher...
           Oui mes amis ! nous sommes bien en été.
           Mais je l'avais presque oublié… oublié peut-être ! ? Parce que pour un enfant du Corail il ne peut exister qu'un seul été :
           Celui de son passé !

            Parfois il m'arrive de songer à ces deux turbulents cousins, que je sais aujourd'hui bien rangés : l'un d'eux, a trouvé sa vocation sur les quais trop grands d'un port de l'Atlantique et que souvent il doit contempler d'un air distrait, les gros navires qui passent sous son nez... Mais je pense que parfois, il doit aussi songer au navire de son enfance, quelque part, là-bas sur les côtes de Barbarie, avec en toile de fond Monsieur le Juge et ses hurlements...
           Quant à l'autre complice, il a eu la bonne idée de se faire policier, mais loin de la mer afin d'éviter qu'un brave Juge mal réveillé, lui ordonne d'aller cueillir sur les bords d'un quai, deux gamins qui ne faisaient que jouer avec une pauvre barque qui somme toute devait bien s'ennuyer.
           Quant au petit matelot ? Lui, son port d'attache, à défaut du petit Paris de son enfance, c'est dans la région parisienne qu'il l'a trouvé... Savez-vous que dans cette affaire, il y a surtout une chose qu'il n'a pas digérée : ce sont les inégalités qui à l'époque portaient sur la pilosité !

            Mais demain je reviendrai au Bastion de France...
           Dans les rues de La Calle Tchichotte et Dounani croiseront mon chemin et comme de coutume je m'en irai en bas la marine pour saluer Ali pieds de plomb... Peut-être que ma ballade m'amènera ensuite par derrière la Pointe et les quelques barques tranquilles pourraient bien se demander le pourquoi d'un certain sourire, surtout, lorsque d'un œil, je scrute les eaux du port et que de l'autre je surveille certains volets là-haut prés de la Mairie, afin de me souvenir du bon temps de mon enfance :
           Celui, du Juge et des Forbans.

            - A M. le Juge - avec mon profond respect.
           - A Marquis - le Roi des emmerdeurs.
           - A Jean-Pierre - autre célèbre célébrité.
           - A Roger - Moussaillon malgré lui.

            - En m'excusant par avance s'ils ne retrouvent pas dans ces quelques lignes, toute la saveur et le parfum d'un passé encore proche.
           - Comme d'habitude, j'ai pensé naïvement que le plus court chemin d'un point à un autre ne pouvait être que le rêve... J'ai donc un moment fermé les yeux et je me suis mis à rêver d'un après-midi d'été...
           - Pardonnez-moi mes amis, si je vous ai retrouvé là sur la barque de M. le Juge, plantés comme des couillons au beau milieu du port de La Calle...
           - Si ma petite histoire bien ancienne devait réveiller en vous quelques nostalgies, faites-moi ce grand plaisir : ne dites pas " bonjour tristesse ! ... " avec amertume, mais, souriez, riez, riez très fort et riez encore et encore... Comme autrefois souvenez-vous :
           Au bon temps du Juge et de certains Forbans.
Jean-Claude PUGLISI
- de La Calle bastion de France.
Août 1989.


VOYAGE A LA " CHRISTOPHE COLOMB "
DES QUATRES CHALUTIERS CALLOIS

Envoyé par M. Georges Barbara
            En ce petit matin du mois de Juillet 1962, quatre chalutiers naviguent de concert dans un épais brouillard quelque part sur la Méditerranée. Il y a là : le Sylvia, le Jean Paul, le Plongeon du bassin de La Calle, mais aussi le Provenço du bassin de Bône ; ils s'interrogent de temps à autre par radio, pour essayer de situer leur position, dans ce maudit brouillard à couper au couteau qui s'est levé durant la nuit. Devant cette situation, ils envisagent de lancer un appel sur les ondes pour essayer de trouver un point de repère, car les côtes de France vers lesquelles ils avaient essayé de mettre le cap en ce début de mois, ne leur paraissaient pas loin. Pas loin sans aucun doute, car les sondages effectués toutes les demi heures, indiquent des fonds à près de 20 mètres. Grande est alors leur surprise, lorsqu'au bout de quelques minutes, la radio se met à grésiller et une voix nasillarde se fait entendre. Une voix qui leur demande : " Qui êtes vous ? Identifiez-vous ! Ici la capitainerie du port de Marseille. " Au milieu des cris de joie des marins du bord, et de la bousculade qui s'en suivit autour du poste de pilotage, la réponse fusa immédiatement : " Nous sommes quatre chalutiers Callois de l'Inscription Maritime de Bône, qui venons d'Algérie pour rejoindre les côtes de France, et nous sommes quelque peu perdus dans le brouillard, car nous ne sommes pas équipés de Radar. "

            Leur interlocuteur leur conseille alors de naviguer à vue, leur position se situant à quelques milles de " Port de Bouc " où ils devraient arriver dans moins d'une heure. Tout se passa bien entendu comme prévu, et après avoir accosté et s'être amarrés dans ce petit " Havre de Paix ", cette " Terre promise " comme diraient certains, ils décidèrent de prendre quelques jours de repos, et Dieu sait s'ils en avaient besoin ! Mais qu'elle fût angoissante et pénible cette traversée de la Méditerranée, pour ces quatre coques de noix Calloises, qui avaient décidé sur les conseils de leur Patron, M. Esposito de Bône, de rejoindre la France, afin de protéger leur outil de travail, face aux incertitudes qui pesaient sur l'avenir de ces petits pêcheurs, d'origines Napolitaines, qui s'étaient établis voici plus d'un siècle sur ces côtes de l'EST Algérien.


            Nous allons faire si vous le voulez bien un petit retour en arrière, et vous conter les péripéties des préparatifs de ce départ, les angoisses que connurent nos marins Callois et leurs familles, mais surtout le terrible moment du " LARGUEZ LES AMARES ! " qui devait à jamais retentir dans leurs oreilles et couper le cordon ombilical qui les reliait à leur terre natale. Terre natale qui avait vu " VIVRE ET MOURIR " plusieurs de leurs générations !

            Le Sylvia nous servira de base, pour porter à votre connaissance, le récit qui va suivre et qui est sans doute encore inconnu de beaucoup de nos compatriotes. Ce chalutier donc, armé par Mrs Esposito de Bône, avait à son bord comme Capitaine : Joseph Yengo - dit Châtaigne - , son fils Vincent, Samuel Balzano dit " COCO "le mécanicien, son frère Jean-Louis, Sauveur Manca et...Xavier Camardelle !! Bien avant le 1er Juillet, le bateau s'était rendu à Bône pour effectuer " Quelques réparations d'usage ", embarquer moult matériel de pêche, et surtout un moteur de rechange, " AU CAS OU ! "

            Puis un soir ce travail effectué, le Sylvia s'en retourna à La Calle pour embarquer cette fois femmes et enfants, chargés de quelques maigres valises et divers objets personnels. Le retour sur Bône s'effectua par une belle journée aux alentours de Six heures du matin, et une fois arrivés sur place, ils apprirent que le Sidi Okba, bateau qui devait ramener les familles en France, avait deux jours de retard. Le gîte des familles n'étant pas prévu, cette petite communauté Calloise, s'en alla passer deux nuits dans des HLM vidés de leurs locataires et pour cause.

            Notons au passage que les patrons des chalutiers bienveillants, avaient réservé les places et les couchettes pour toutes les familles de leurs matelots. Le jour du départ - le 2 Juillet - arriva enfin, et une fois tout ce petit monde embarqué dans des cales surchargées, mais aussi dans une ambiance que l'on peut deviner, nos marins Callois séjournèrent encore quatre à cinq jours dans le port de Bône, ce qui permit aux capitaines de bord, accompagnés des armateurs des chalutiers, de rencontrer le Capitaine du port - encore en service en ce temps là - qui leur traça minutieusement l'itinéraire à respecter pour rejoindre la France.

            Le 8 Juillet donc à Midi pile, alors que la ville connaissait un calme plat " absorption du repas oblige ", nos bateaux sortirent sans encombre par la passe de la Grenouillère et mirent sans plus attendre, pendant 1 heure et demi environ, le Cap sur l'Est comme il leur avait été conseillé, puis virèrent de bord en prenant alors la direction du Nord. Notons au passage que les mats des bateaux étaient parés du pavois Français et du pavois international comme l'exige les règlements maritimes internationaux. Ayons en mémoire aussi que de jour, nos chalutiers ne naviguaient qu'au moyen d'une boussole et l'aide des étoiles la nuit par temps clair !

            Il essuyèrent au cours de cette première partie de leur voyage, deux jours de grosse tempête qui les fit dériver sur le côté Est de la Sardaigne, ce qui leur permit d'échanger par Radio, des conversations avec des chalutiers Italiens qui rentraient de pêche. Ceux-ci les guidèrent - solidarité des gens de Mer oblige - vers le détroit de Bonifacio. Mais en cours de route, comble de malchance, le Provenço tomba en panne de moteur, et du être remorqué par le Sylvia et le Plongeon. Il répara seul, et par gros temps, tant bien que mal son avarie et pu normalement reprendre sa route.

            Pour la petite histoire, nos quatre chalutiers qui naviguaient côte à côte, avait comme bateau de pointe le Plongeon, barré par Angelo Ambrosino qui comme chacun sait, connu une fin tragique plus tard un jour de pêche à Port la Nouvelle ! Arrivés dans le détroit de Bonifacio, notre petite flottille ne sachant que faire, mais avide d'un peu de repos, décida de mouiller là pendant la nuit ; cela ne dura pas longtemps, car au petit jour ils furent accostés par des vedettes de la Marine italienne, qui les sommèrent de partir, leur point d'ancrage étant d'une part à l'intérieur des eaux Italiennes, mais aussi trop prés d'une petite île servant de pénitencier.

            Ils mirent alors le Cap sur le port d'Ajaccio en contournant la Corse par le bas, et en suivant à bonne distance le rivage de l'île, ils arrivèrent enfin dans ce magnifique golfe qui abrite la ville Impériale ; Cette ville impériale qui leur réserva un accueil inoubliable. - El là ils allèrent de surprises en surprises - . Dés leur amarrage, apparut un douanier qui vint vers eux. Mais quel douanier, je vous le donne en mille : C'était Mathieu Pinelli le fameux joueur du R C L C qui, muté depuis peu en Corse, prenait là son premier service ! L'accueil Corse fut disons-le inoubliable, la population les approvisionnant gratuitement en victuailles chaque jour. Puis arriva aussi le fils Andreani ce Callois qui logeait dans la cour de Léon Zigliara, et qui avait rejoint le pays de ses parents, et enfin les autorités maritimes locales.

            Tous les marins Callois que nous avons retrouvés, et ils ne sont pas légion de nos jours, n'oublieront jamais cet accueil spontané des Corses, qui insistèrent longuement pour que ces Callois et leur famille s'installent définitivement chez eux. Mais les fonds Corses étant trop profonds pour la pêche pratiquée par nos bateaux, ils ne purent se permettre de travailler sur les côtes de l'ile de beauté. Et c'est à regret, qu'ils quittèrent quelques jours après cette île, pour remettre le Cap sur l'ouest et ses 400 Kms de navigation. Il est vrai que nos compatriotes durent s'armer de patience, les chalutiers en ce temps-là ne l'oublions pas, ne flirtaient pas avec les 25 nœuds que développent les gros chalutiers de nos jours, hélas !

            La suite, et la fin assez angoissante de ce voyage à la " Christophe Colomb ", comme nous avons intitulé ce récit, nous vous l'avons décrite en introduction ! Et c'est ainsi, que de Port de Bouc à Marseille, de Port la Nouvelle à Sète en passant par La Ciotat, les points de chute de nos chalutiers furent nombreux bien sur, mais quelques fois inhospitaliers il faut le dire. Nous étions loin, de l'accueil chaleureux de la Ville d'Ajaccio ! C'est pourquoi, nous tenons à vous décrire rapidement : " l'accueil Sétois " qui mérite d'être cité, car si nos chalutiers avaient touché Terre, ce n'était sûrement pas " LA TERRE PROMISE ", comme vous le constaterez. Le port et les pêcheurs de Sète, ne virent pas d'un très bon œil ces bateaux aux moteurs puissants s'établir " CHEZ EUX ". Eux qui ne possédaient que de petites embarcations. L'accueil disons le, ne fut pas des plus chaleureux, comme vous le verrez par la suite !!!


            Après quelques jours occupés à regrouper leurs familles, nos marins fixés à Sète, décidèrent de reprendre la mer pour pêcher ; il fallait pouvoir vivre aussi bien sur, et la vie se devait de continuer. Nos Callois trouvant là des fonds qui convenaient assez bien à leur mode de travail, rentrèrent chaque soir avec des pêches " Miraculeuses " au grand étonnement des autochtones, qui n'en croyaient pas leurs yeux. Les pêcheurs Sétois accusèrent alors nos marins, de s'approvisionner en poisson auprès des Espagnols et de venir le revendre à la criée locale. La pêche et les casiers de poissons de nos chalutiers, fut même quelques fois jetée à la Mer raconte un de nos marins encore de ce monde ! Ces Sétois qui s'étaient entre temps pas mal servi dans les containers de déménagement, arrivés d'Algérie et entreposés sur les quais de leur port, Bloquèrent l'entrée de la passe avec tous les bateaux disponibles sur les canaux de Sète. Ce qui empêcha en fait nos chalutiers Callois de reprendre la Mer pour continuer à travailler. Pendant les deux mois que dura ce blocus, réunions sur réunions se tinrent à l'Inscription Maritime, pour faire prendre raison - Hospitalité oblige Madame -, à tous ces récalcitrants. Cela ne se fit pas sans mal, palabres et invectives étant chaque jours au programme.

            De nos jours et 50 années plus tard - que le temps passe vite - les Callois, les Oranais, et autres Algérois ou Tunisiens, ont eu le mérite de faire comprendre aux gens de Mer des ports de Méditerranée, qu'une autre pêche était possible, à condition que celle-ci découle d'une association étroite entre des bateaux plus puissants, et un savoir faire que seuls les pêcheurs sub-méditerranéens pouvaient apporter ! Ce savoir faire, ces " ESTRANGERS " comme on les surnommait surent avec le temps le transmettre aux marins locaux. Le port de pêche de Sète, devenu de nos jours le premier Port poissonnier Français en Méditerranée, doit beaucoup à ces gens de mer venus d'ailleurs, mais surtout à tous ces humbles marins que furent " LES NOTRES ", qui surent donner ce petit coup de pouce salutaire à la pêche et à l'économie locale !

            Et là est aussi " LEUR FIERTE, NOTRE FIERTE " !!! Reste néanmoins, que ce travail de mémoire que nous avons toutes et tous entrepris, un demi siècle plus tard, a pour but de mettre en exergue l'épopée Africaine de ces hommes et ces femmes venus du pourtour Méditerranéen, afin qu'elle perdure dans le temps et qu'elle n'aille pas simplement alimenter la rubrique " Anecdotes " des livres d'histoire qui circulent çà et là ! Si de nos jours, beaucoup d'eau est passée sous les ponts, c'est vrai, nous constatons qu'à La Calle lors de nos multiples voyages, les anciens marins Algériens se souviennent encore de ces petits pêcheurs, durs au travail qui ne roulaient pas toujours sur des Louis d'or ! Leurs coutumes, leurs termes marins, tous ces mots d'origine Napolitaines, Siciliennes ou Maltaises ont toujours cours dans le langage local. L'histoire retiendra que nos gens de Mer sont passés par là !

Georges Barbara, août 2012


LA FERME BROUSSAIS
ET DE GAULLE

ACEP-ENSEMBLE N° 302, décembre 2016
                                  Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Afrique du Nord voit débarquer les forces américano-britanniques, Alger devient le siège du commandement Allié, chargé de préparer le débarquement en Europe sous la direction du général Eisenhower, futur président des États-Unis. Elle devient la capitale provisoire de la France, lorsqu'elle accueille le général de Gaulle qui y constitue, avec le général Giraud, le Comité français de la Libération nationale, y convoque l'Assemblée consultative provisoire.
                Au début de 1943, le général de Gaulle était à Alger avec sa famille et entre autres, sa fille fragilisée par un handicap. Celle-ci ne supportant pas les bombardements sur la ville, le général avait demandé à son aide de camp de chercher, loin d'Alger un endroit calme pour l'éloigner de la capitale.
               En plein massif, une petite piste forestière se détache à droite et conduit à une maison isolée : la ferme Broussais qui correspondait en tous points à ce que le général souhaitait. Seulement la maison était occupée.

               On conseilla à la famille Broussais d'aller à Ilzi-Reniff choisir une maison qui pourrait leur convenir.
               L'autorité administrative prendrait alors un arrêté de réquisition. Le choix de la maison tomba sur la villa de Mme Marie Gilbert, veuve de guerre 1914/1918, qui y vivait seule. Sans autre forme de procès, elle dut quitter sa maison (Nouvel exemple des méthodes expéditives et terriblement autoritaires du général)
               La mairie la relogea dans une petite masure sans aucune commodité, située à l'entrée du village. Elle servait de pied à terre à un garde forestier, monsieur Poléti. Quand celui-ci venait au village s'approvisionner ou prendre quelques jours de détente.

               Aux vacances, un des petits-fils de Mme Gilbert âgé de cinq ans vint séjourner chez sa grand-mère. Est-ce l'état d'insalubrité de la maison, toujours est-il que le petit garçon attrapa là, la fièvre typhoïde.
               Il s'en tira heureusement, mais on n'a jamais pu enlever de la tête de cette grand-mère que de toute façon, le grand responsable de la maladie était le général.

               Pour des raisons, inexplicables, de Gaulle ne cite même pas cette ferme dans ses mémoires et ses discours et les historiens n'ont jamais entendu parler de cette ferme. Seuls les habitants de notre région et la famille Broussais et De Gaulle lui-même et sa famille connaissent cette cachette historique du général en période de la deuxième guerre.
               La majorité des français pensent que De Gaulle était à Londres de 1939 à 1945, oui certes mais entre autres il était aussi caché à Beni Khelfoune dans la ferme Broussais. (Photos prises par la famille Broussais)
    


PHOTOS de BÔNE
VOYAGE 2018 du groupe Bartolini
ORAN



















MUTILE N° 169, 28 novembre 1920

La Chanson du Tango

               La France, glorieuse, souffre :
               S'il faut rouler au fond du gouffre.
               Soit : jouissons auparavant.
               Voyons les soucis trop sévères
               Dans le vin qui remplit nos verres
               Le tango se danse en buvant.

               On dit que vers nous la famine,
               Séditieuse, s'achemine ;
               Y songer est trop affligeant.
               Avec de l'argent dans sa poche.
               On a toujours de lu brioche.
               Le tango se danse en mangeant.

               Devant le buffet que Paul danse.
               Lorsque Pierre, mange en cadence.
               C'est peut-être un abus criant :
               Mais on n'est pas sur cette terre,
               Comme dit l'autre, pour s'en faire.
               Le tango se danse, en riant.

               On entend à travers le monde,
               Je ne suis qu'elle voix qui gronde :
               Etouffons ce bruit irritant.
               Etouffons-le sous la voix tendre
               Des femmes qu'il est doux d'entendre,
               Le tango se danse en chantant.

               Si la clameur est la plus forte ;
               Si tout vient à crouler, qu'importe !
               Le tango jamais ne se rend.
               Que chacun danse sur sa tombe,
               Gaiement, jusqu'à, ce qu'il y tombe !
               Le tango se danse en mourant.


Maurice Olivaint.



2 Couronnes de Pâques Corses
( Relevées en partie sur Internet)
par Jean Claude PUGLISI, année 2000
Les Cacavelli

        Ingrédients :
        - 500 gr de farine
        - 1 sachet de briochin
        - 2 oeufs frais
        - 125 gr de sucre en poudre
        - 1 pincée de sel
        - 50 gr de saindoux
        - 1 dose de pastis
        - 20 cl d'eau

        Préparation :
        - Préchauffer le four à 180° / Th.6
        - Mélanger : la farine + le sel + l'eau
        - Faire un puits et introduire = 2 oeufs + le saindoux ramolli + le Pastis + 20 cl d'eau tiède + la levure Briochin
        - Pétrir vigoureusement et laisser la pâte reposer 2 heures, couverte et à t° ambiante
        - Former 2 couronnes et enfoncer 1 ou 2 oeufs frais avec leur coquille, retenus par des croisillons de pâte
        - Cuire 40' / Th.120°
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Les Cacavellu

        Ingrédients ( pour 3 couronnes ):
        - 500 gr de farine
        - 3 oeufs frais - dont 1 pour dorer
        - 50 gr de saindoux
        - 125 gr de sucre en poudre
        - 40 gr de levure de boulanger
        - 1 verre à liqueur de pastis
        - 10 gr de sel ; - 5 cl d'eau
        - 3 à 6 oeufs pour la décoration

        Préparation :
        - Délayer la levure dans l'eau tiède
        - Ajouter : la farine + le sel + le sucre + 2 oeufs
        - Pétrir vigoureusement
        - Intégrer : le pastis + le saindoux ramolli
        - Pétrir de nouveau
        - Laisser reposer 2 heures à t° ambiante
        - Pétrir de nouveau
        - Former 2 à 3 couronnes
        - Les garnir par 1 ou 2 oeuf frais avec leur coquille retenus par des croisillons de pâte
        - Dorer au jaune d'œuf
        - Laisser encore lever 30' à t° ambiante
        - Cuire à 220°, environ 40 mn
Docteur Jean-Claude PUGLISI, Octobre 2022
de La Calle de France
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage.


ECHO D'ORANIE - N° 215
A mon vieil ami Léo Palacio en souvenir des jours heureux
P.B.
ORAN

        Oui, je la chanterai, la ville méprisée
        Si noble en son jupon troué de gitana,
        Avec ses yeux meurtris, avec sa peau bronzée
        Et ce pic où jadis l'Espagne culmina !

        Qui dira les reflets changeants de sa falaise,
        Les aurores de nacre et les midis dorés
        Et les couchants qui la couvrent de rouge braise
        Et l'encens qu'à ses pieds versent les flots moirés.

        Je dirai la Calère et le coin d'Italie
        Où l'on entend le soir des airs Napolitains,
        Où les couples unis sous la lune pâlie
        Mêlent à leurs baisers des rires argentins.

        Je dirai la splendeur du beau golfe où se mirent
        Les sévères donjons du vieux Rosalcazar,
        Les jardins de Létang où la brise soupire
        Etalés au soleil comme un frileux lézard.

        Et tous ces murs puissants dont te dota l'Espagne
        Blasonnés de gueules au lion passant d'or,
        Et les noirs souterrains rampant sous la campagne
        Et le haut Mudjardjo, sublime mirador.

        Et tes grands boulevards déferlant vers la plaine
        En cercles élargis, submergeant les faubourgs,
        Tes casernes qui sont de héros toujours pleines,
        Où des échos lointains répondent aux tambours.

        Que d'autres fassent fi de ton Hôtel de Ville :
        Il atteste la France avec sérénité,
        Deux lions orgueilleux de sa gloire civile
        Proclament sa présence et sa pérennité.

        Et les lions de bronze et les blondes Victoires
        D'un obélisque fait du granit le plus dur,
        Célèbrent à jamais, France, ta double gloire :
        Guerrière du passé, prêtresse de l'azur.

        Et partout, même au pied de tes sombres bastilles
        Dans tes jardins, à l'heure où finit le travail
        Qui donc n'a remarqué la beauté de tes filles
        Leurs yeux de flammes et leurs lèvres de corail.

        Qui n'admira sur tes grands stades et tes pistes
        La force de tes fils et leur ardeur au jeu
        Hélas ! et qui n'a lu dans le marbre les listes
        Tragiques de tous ceux qui sont tombés au feu.

        Des noirs combats, durant les affreuses années
        Oui, combien sont tombés, combien tombent encor
        Sur tous les ponts du globe où l'alerte est donnée
        Chaque fois qu'on entend Roland sonner du cor.

        Oran, que l'Aidour coiffe d'un diadème,
        Oran, reine des cœurs humbles et dévoués,
        Ta beauté, ta bonté, ta douceur, je les aime
        Et ton accueil et tes beaux rires enjoués.

        J'aime tes habitants, tes fécondes familles
        Cet accent spécial que l'on raille en Alger
        Tant d'amour frémissant sous tes brunes charmilles
        Tant de poètes nés parmi tes orangers.

        Et les essaims joyeux que tes écoles
        Lâchent deux fois par jour sur les trottoirs étroits
        Classes où l'on attend que les heures s'envolent
        Gais retours au bercail quand le soleil décroît.

        Grandi pour accomplir ta haute destinée
        Rivale de Marseille et de Naples, grandis !
        Ta gloire éblouira la Méditerranée,
        Elle a déjà franchi les déserts interdits.
Paul BELLAT
Grand Prix Littéraire de l'Algérie - 1950



 La Fête de Sainte Salsa à Tipasa
Bibliothéque Gallica


       De mémoire d'homme, la petite cité de Tipasa n'avait Encore connu les magnifiques fêtes organisées les 22 et 23 août derniers.

      Dès le samedi après-midi, les élèves du Petit Séminaire arrivèrent de Novi où ils passent leur colonie de vacances. Leur défilé plein de discipline et d'entrain, tout retentissant de chants fut fort remarqué : on admira leur tenue de campagne si élégante et si commode : culotte bleue et maillot blanc.

      Quelques heures après, à la tombée de la nuit, on los vit de nouveau, mais cette fois, vêtus en moinillons blancs, au nombre de plus d'une trentaine, se dirigeant dans un grand recueillement vers l'église où ils chantèrent l'office de Complies. L'office de complies terminé, ils se dirigèrent en cortège au monument aux morts de la Grande Guerre.

      Rien ne fut plus émouvant que cette cérémonie : ces enfants tout vêtus de blanc, rangés le long des marches de la statue de la Victoire, faisant entendre leurs chants et leur complainte dans le soir qui tombait... et nous en savons plus d'un qui, venu là en indifférent ou même avec scepticisme, s'en alla profondément ému.

      La cérémonie se termina par le chant de la "Marseillaise " et le dépôt d'une gerbe de fleurs, après quoi M. le Maire tint à remercier le Directeur du Séminaire : belle manifestation d'union nationale qu'il convenait de souligner.

La Procession

      Le lendemain dimanche ce fut la grand'messe célébrée dans les ruines de la Basilique de Sainte Salsa.


      Dès 8 h. 30 du matin une belle procession partit de l'église : à travers champs elle se déroula, comprenant, derrière les petits séminaristes dans leurs robes blanches, une grande foule de fidèles auxquels vinrent se joindre d'autres fidèles aussi nombreux qui, par d'autres chemins, parvinrent sur les ruines de la basilique de Sainte Salsa.


La Messe

      C'est sur ces ruines que se déroulèrent ensuite les splendeurs de la grand'messe avec diacre et sous-diacre, avec le concours d'une dizaine de Grands Séminaristes et une trentaine de petits, groupés autour de l'autel. Ils devaient nous faire entendre au cours de la grand'messe un Kyrie de Vittoria à quatre voix, particulièrement émouvant, le Gloria et l'Agnus Dei de Perosi.

Evocation de Sainte Salsa.

      A l'Evangile, M. le Supérieur du Grand Séminaire prononça avec force un beau panégyrique de Sainte Salsa.

      L'orateur rappela les paroles sublimes du Divin Maître : " Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi " ; et encore : " Celui, qui aime son père ou sa mère plus que moi est indigne de moi "... et il nous montra l'attirance que le Christ a exercée au cours des âges sur les plus belles âmes qui se sont données à lui, sans réserve et sans retour. Parmi ces âmes, Sainte Salsa occupe certainement une très belle place. C'est une enfant ; elle n'a environ que 14 ans, elle est chrétienne, mais sa famille est encore païenne... Notre Afrique, en effet, dès la fin du 1er siècle très probablement, certainement au cours du IIe siècle, a accueilli l'Evangile du Christ et de Carthage ; rapidement la Parole divine s'est répandue dans toute l'Afrique du Nord. Tant s'en faut cependant que l'Afrique soit tout entière chrétienne ; les païens y sont encore les plus nombreux au IVe siècle, et cette situation va créer des conflits douloureux dont la jeune Salsa sera une des plus nobles victimes.


      A Tipasa, patrie de la jeune sainte, existe le culte d'une idole, un dragon, qui compte les parents de Salsa parmi ses fidèles. Chaque année, des fêtes solennelles sont célébrées en son honneur. Les parents de Salsa y sont venus, y ont amené leur enfant qui déjà s'est donnée toute au Christ. Les fêtes se déroulent, les beuveries succèdent aux cérémonies religieuses... à tel point qu'à l'heure de la sieste tout dort, les gardes du temple du Dragon comme les autres sont appesantis par le vin... C'est alors que Salsa pense à se venger de la violence que l'on a faite à son amour pour le Christ... et, pour protester contre cette violence, elle s'avance jusque dans le temple, s'empare de la tête du monstre et la précipite dans la mer.

      Grand émoi parmi les païens le lendemain... on cherche l'auteur de cet attentat sacrilège sans pouvoir le trouver... on organise autour du temple une garde plus sévère. De son côté, enhardie par son premier exploit, la jeune sainte veut aller jusqu'au bout ; elle revient le lendemain, réussit à s'emparer du corps de l'idole et le jette à la mer ; mais le bruit du bronze sur les rochers attire les gardes ; au milieu des cris de la foule, la jeune enfant est mise à mort et son corps est jeté du haut de la falaise dans les flots, de la mer... Or, voici que trois jours après aborde dans le petit port de Tipasa un bateau, venant des côtes de Provence... pendant la nuit, une tempête d'une violence extrême s'élève, le bateau va être englouti par les flots, quand son capitaine reçoit en songe, l'ordre de rechercher le corps de la jeune sainte. A l'aube, lui-même plonge dans les flots et ramène le corps de la jeune sainte qui flottait entre deux eaux.

      Les chrétiens honorèrent aussitôt la jeune sainte : deux basiliques furent élevées en son honneur, l'une où elle a dû être enterrée s'élevait peut-être à l'endroit de son martyre là où est construit aujourd'hui le phare de Tipasa, - l'autre était une basilique funéraire, celle-là même où le culte se célèbre aujourd'hui.


      Rien de plus émouvant que ce récit, tiré d'une Passion de Sainte Salsa, du IVe siècle, d'après le grand historien de l'Afrique chrétienne, P. Monceaux. Prononcée dans ce site incomparable, au milieu de tombes innombrables que nos archéologues ne cessent de découvrir, face à la mer que domine dans le lointain le massif du Chenoua, dans les ruines de la basilique d'où l'œil peut découvrir de l'autre côté du petit golfe les ruines de la vieille ville, avec ses autres basiliques, son forum, ses thermes.

      Ce panégyrique prenait une ampleur, un sens, une éloquence qui touchèrent profondément les auditeurs, au premier rang desquels avaient pris place M. le Maire de Tipasa, M. le Conservateur des monuments historiques, au milieu des pèlerins venus de Tipasa, de Marengo, de Cherchell, de Novi et même d'Alger.

      Après la grand'messe toute la foule se dispersa, non sans avoir entendu quelques mots de remerciement, du jeune et distingué curé de Tipasa, M. l'Abbé Dodard, qui n'oublia qu'une chose, de dire la part si importante prise par lui à l'organisation de cette belle cérémonie qui, espérons-le, se renouvellera l'an prochain avec plus d'ampleur encore, s'il plaît à Dieu.

Une larme de saint Vincent de Paul

      Saint Vincent de Paul apprend un jour qu'une fête splendide se prépare à la cour d'Anne d'Autriche, mère de Louis XIV, à laquelle il avait souvent donné des conseils. A ce titre, il avait ses entrées à la cour à toute heure.

      Il est préoccupé de la reine, qui dépense tant d'argent pour plaire aux vaniteux ce soir-là, et des enfants trouvés qui vont mourir de faim si l'on cesse d'être généreux.

      Il arrive jusqu'aux salons avec sa pauvre robe, sa barbe rude et ses cheveux blancs ; les courtisans parfumés se mettent à sourire.
      - Reine, dit-il, vous allez à une fête. Il me tarde aussi de procurer une fête aux pauvres oiselets mourant de faim et de froid dans leurs nids, et qui sont les enfants trouvés. Mes mains sont vides ; mais bénie soit leur misère pour vous, car vous n'avez jamais refusé de les secourir.

      Anne d'Autriche avait l'âme grande et sensible. Elle se regarde, rougit de son luxe, comme d'autres de leur dénuement ; et détachant les pierreries de son front, les bracelets de ses poignets, elle jette le tout dans la main du pauvre prêtre.
      - Que faites-vous, Madame ? Vous vous privez de ces magnifiques perles de vos cheveux, en un pareil soir ! dit une dame. Votre coiffure est tout en désordre. Comment réparer tout cela ?

      Mais, sans s'émouvoir, la reine cueille aux nombreux bouquets une rose, et la passant dans ses cheveux : - Cette rose est-elle laide ? Cela ne vaut-il pas des bijoux taillés par les mains des hommes ?

      Et puis, voyant briller une larme dans les yeux du Saint chargé de ces parures, elle ajoute : - Quelles perles, du reste, auraient l'éclat d'une seule larme tombée des yeux de " Monsieur Vincent " !...

ALGERIE CATHOLIQUE N° 5, septembre 1936


LA MIXITE !
Envoyé par M. Georges Barbara


            -" Ninette ! Ô ma sœur, l'atchidente arogards moi ça... qu'est ce qu'y t'arrive ? T'yes tombée du lit ou quoi ?

            - " Françoise, te prends toujours les choses à la légère toi. Y faut que t'ya toujours le mot pour rire….et pis d'abord te m'as vue quelque fois que je suis tombée du lit moi ? Si tu me 'ois assise comme une âme en peine t'sur ce banc, c'est parce que j'attends qu'la prof de Gymastique elle finit d'espliquer a ce Tchoutche du Proviseur, la chanson à sa manière.

            - " Ma qué chanson ? A chante métenan, elle ?

            -" Chanson, c"est une façon d'parler, madone comme te comprends vite toi mais y faut t'espliquer longtemps c'est ça l'problème!. Attends je vais t'raconter une chose vite fait, avant qu"'elle rossort du bureau cette Cataplase endimanchée !

            -" Te sais que depuis qu'y z'ont mis cette madone de loi qu'y z'appellent " la proximité " ou quelque chose comme ça, ce nouveau truc à la zouzguef pour te mélanger à l'école les filles a'c ces mal appris des garçons ? Et ben l'aut' jour qu'on a fait la gymastique en bas dans la salle d'la JSH à coté du Lycée Mercier, te 'ois, on s'a retrouvés tous ensemble bien sur, te dis pas le sac de fèves...enfin. Alors quand il est arrivé mon tour, pour grimper t'sur cette madonne de corde à nœuds, qu'elle porte bien son nom celle là aussi tiens, que t'aurais dit un Stroundze qui te pendait du plafond, et ben tiens toi bien, ce demi tcheugade de cet emplatré de Franço, te sais celui qu'y te roule les micaniques dans le quartier, et ben y t'a pas fait mieux que de me mettre ses grosses mains que tu dirais des buftecks, t"'sur les hanches ! Il voulait jouer à ça qu'y dit " Le bon samaritaine " te 'ois ?

            -" Abonn ? Ses mains t'sur tes hanches, et où nous sommes ma Fi ?
            -" Ouais, alors moi que mon sang y t'a fait qu'un tour, j'te lui ai dit " C"est ça, te gènes plus main'an, te crois que je suis ta soeur ou quoi ? Et pis entre nous ô le Franço de mes deux, peut être que je m'arrapelle plus, mais on a jamais enlevé les cochons ensemble au Pont Blanc, ça qu'je sais !... Et tu te fugures pas toi ça qui m'a répondu 'ac sa tete de stokafiche ?….. -"Atso, ne le prends pas mal ô belle en cuisses ? Moi c'est juste pour t'aider un peu, où y l'est le problème ?

            M'aider un peu ? Ca y'est te 'oila, comme le jeune homme dans le film des coboys ! Et c'est juste à toi que moi j'attends pour m'aider, toi que quand te fais un tour du stade du Lycée y te faut qu'on t'amène à l'infirmerie pour te mettre la bouteille de l''oxygène ! Alors j" lui ai dit aussi, et ça m'est venu d'un coup j'te jure, : Ô monsieur du nœud, te vas me présenter des escuses..( Y parait que ça se fait mai"nan Françoise non?.) Et lui, a'c sa tronche enfarinée, y t'a pas trouvé mieux que de me tirer une putain de langue. Aussinon j'te dis pas comment le sang y m'a fait un tour et j'ai fait ni une ni deux ,j' te lui ai mis un madonne de beignet en plein dans la fugure !

            -"Ah ! Ah ! Ah ! Et Zeck...y l'a du se tailler la route comme j'le connais le Franço ! non ?

            -"Et ben non, comme tu 'ois, au contraire, y m"est tombé dessur, et arosement que la prof elle a nous séparés. Et mai'nan c'est que j'ai l'oeil qu'on dirait une bille à gatte. Mais lui merci mon Dieu, je me l'ai fait neuf-neuf, même qu'on l'a emmené en dedans l"infirmerie du Lycé. Dieu merci moi à coté de ce strounze j'ai pas à me plaindre, ,j'ai trois fois rien, mais métenan meme si j'ai raison, te'ois les choses comm'elles sont...et ben c'est moi que j'dois passer devant leur tribunal à la six quatre deux !

            -" Et Ben ma pauvre Suzette, j"aimerai pas être à ta place,… et tu sais si c'était que de moi, y z'aurait jamais du nous mélanger a'c les garçons à l'école ...Jamais.... jamais….. Au bal encore te 'ois, c'est bien, ça peut passer c'est pas grave, mais à la gymastique alors là y z'ont fait une horreur !

            - " Bon ma sœur casse toi métenan, te'ois pas que ces deux tètes de lune là-bas dedans y sont entrain de nous écouter !

Georges Barbara, Août 2022



Philippe Néel,
Par M. Marc Donato
Ma curieuse rencontre avec
Philippe Néel,
mari d'Alexandra David (Néel).

          Ce travail a été réalisé à titre confidentiel et non commercial pour la Seybouse.
          Au cas où il serait édité à titre commercial, il faudra obtenir les autorisations nécessaires à la publication de certains documents de la part de la Maison Alexandra David-Néel.


            L'enveloppe

            Lors d'une conférence de Marie-Madeleine Peyronnet, surnommée Tortue par Alexandra David-Néel dont elle aura été la secrétaire et la confidente, une diapositive évoquait la correspondance de la célèbre exploratrice et, au-dessus de tous les autres documents, il y avait cette enveloppe (Communiquée par la Maison Alexandra David-Néel.). L'adresse m'a tout de suite interpellé : quartier du Lever de l'Aurore à Bône, en Algérie. Toute ma jeunesse remontait brutalement avec cette mention, puisque né à Bône d'une famille installée dans la ville depuis quatre générations, marié à une Bônoise, elle-même née à Bône, issue d'arrière-grands-parents venus s'installer dans la ville. A partir de là, une lecture des renseignements portés sur le document a aiguisé une curiosité qui n'était pas près de se dissiper.

            Passé le choc de la nostalgie, je me suis intéressé à Philippe Néel, cet homme qui avait vécu à Bône, et immédiatement, tout un passé, le mien, m'a sauté au visage. Toute ma jeunesse bônoise a ressurgi, et la boîte de Pandore entrouverte n'a pu retenir le vent de tous les souvenirs qui s'en sont échappés.

            Ouenza où un de mes parents était intervenu en tant qu'architecte. "Le quai de l'Ouenza" sur la jetée sud du port de Bône avec ses montagnes de minerai stockées sur le terre-plein, rivalisant de hauteur avec celles des phosphates du Kouif, dans l'attente d'être avalées par les panses avides de minéraliers prêts à affronter la mer pour rallier Southampton ou Hambourg. Bône-Guelma où Philippe (Pour alléger la lecture, Philippe Néel et Alexandra David-Néel seront désignés par leur prénom.) fut ingénieur en chef ; Guelma où mon épouse a enseigné pendant les trois dernières années de notre présence en sol algérien. Et cette gare du Bône-Guelma, à 200 mètres de chez mes grands-parents maternels, là-bas, à deux pas de l'avenue Prosper Dubourg. Celle qu'on appelait "l'ancienne gare", pour la distinguer de "la" gare, Bône-voyageurs, celle qui fut construite dans les années 1930. Comment ne pas imaginer que Philippe n'a pas traîné ses guêtres d'ingénieur en chef de la compagnie dans la première gare de Bône ?

            La porte des Caroubiers. Que de fois y suis-je passé ! J'imagine Philippe enfourchant sa bicyclette, celle qu'il va envoyer à "Samten Dzong", la Résidence de la Réflexion, à Digne en 1929, pour qu'elle puisse s'oxygéner sur les routes des Basses-Alpes. Il parcourt la longue avenue à l'ombre des caroubiers qui dispersent sur le sol leurs gousses gonflées de caroubes, longues, rouges comme le minerai d'Ouenza, stocké de l'autre côté du port qui s'étale sous la colline. Au niveau du pont de la tranchée, il tourne sur sa droite, empruntant la descente le long des casernes, rejoint la cathédrale et le cours portant depuis peu le nom de celui qui a agrandi le port, Jérôme Bertagna. Il s'arrête alors au Crédit Lyonnais pour régler quelque affaire de sous pour le compte de Mme Alexandra David-Néel…

            Comment ne pas évoquer le docteur de famille, le docteur Bonnet, qui nous a soignés tous les deux…


            Et enfin, il y a cette plage du Lever de l'Aurore. Le lieu choisi par Philippe pour voir la mer, respirer les embruns, et se rappeler les heures bénies à Tunis ou à La Goulette pendant lesquelles, jouant les Neptune sur son Hirondelle, il pourfendait, toutes voiles dehors, les eaux de la Méditerranée après, pas fou, lui, avoir embarqué ses sirènes dont Alexandra qui, un jour de septembre 1900, devait remplacer toutes les maîtresses de ce M. Néel. Cette plage du Lever de l'Aurore, sur cette corniche parcourue dix fois, cent fois, fier de ma jeunesse bronzée sur ma Vespa avec ma sirène en croupe sur la selle biplace. Heureux de fendre l'air, de respirer à pleins poumons cette atmosphère iodée devant une mer adulée, celle de Philippe aussi. J'avais 20 ans, comme les 20 ans de la vie de Philippe passés à Bône, chez moi.

            Du coup, je me suis senti très proche de lui et je me suis empressé de marcher dans ses traces pour essayer de le faire vivre dans sa période bônoise, indépendamment (mais est-ce possible ?) d'Alexandra et de le sortir de l'arrière-plan où il est placé traditionnellement, n'apparaissant, à tort, seulement comme le bailleur de fonds de sa femme voyageuse.
            Sur le recto d'abord, l'écriture principale, celle d'Alexandra David-Néel, l'expéditrice.
            Le destinataire : Philippe Néel, son mari.
            Sa profession : ingénieur en chef, directeur des travaux du Chemin de Fer et du port de la Compagnie de l'Ouenza.
            L'adresse : quartier du Lever de l'Aurore à Bône, villa Louise, avec cette précision : Afrique du Nord française.
            Au-dessus, la mention manuscrite : reçu le 9 juin 1918, répondu….
            Le tampon de la poste : Shanghai, le 5 avril 1918. Via "Peking".
            Et d'autres indications, manuscrites, probablement de la main d'un archiviste : Wengtichien (Wen li Chen) et Tungchow.
            Au verso, les timbres de la République de Chine représentant une jonque sur le fleuve Jaune. Un tampon attestant du passage à Peking (Pékin). Un "timbre-tampon" de la censure, indiquant que le courrier avait été ouvert par l'autorité militaire.
            Les caractères chinois (Remerciements à Jean Bensaïd et à ses amis Fei et Wei, de Shanghaï.) :
            La poste de la République de Chine
            Pékin
            Année 7, mois 4 (avril), jour 2 (le 2)
            Shanghai
            Étranger

            Voyons en détail.
            L'adresse d'abord, puisque c'est elle qui a attiré notre attention. La ville de Bône, Annaba aujourd'hui, est une ville côtière de l'Est algérien. La côte rocheuse est interrompue parfois par des plages sablonneuses, celle du Lever de l'Aurore en est une. C'est même la première sur ce qui s'est appelé la corniche, après l'agglomération et l'avant-port. Avant les années 1920, quelques villas de maître y avaient été construites, la villa Louise en fit partie, le lieu étant admirablement bien situé. A l'époque où Philippe est arrivé à Bône, le quartier devenait plus populaire avec des maisons modestes, des cabanons en bord de mer…

            Pour l'Histoire, c'est sur cette plage que le 27 mars 1832, le capitaine d'Armandy a débarqué avec vingt-six marins de La Béarnaise. Le capitaine Yusuf (Joseph Vantini) a quitté le bord à deux heures du matin pour mettre en place un dispositif qui devait permettre à cette petite troupe de pénétrer furtivement dans la casbah et s'emparer de la ville, ce qui fut qualifié de "plus beau fait d'armes du siècle".

            Le tampon de Shanghai porte la date du 5 avril 1918. La lettre d'Alexandra à son mari est datée du 2. La mention via Péking est reprise par le tampon du verso. Un autre tampon est illisible.
            Le tampon de la censure. Les six cachets de cire n'ont pas empêché la censure militaire d'ouvrir la lettre, sur le côté, selon le règlement. La Grande Guerre n'est pas finie et une lettre arrivant de Chine ne pouvait pas échapper à l'administration dédiée. Le timbre créé en 1915 porte le chiffre 801, le secret militaire interdisant de nommer le service concerné. En l'occurrence, il s'agit du bureau de Constantine à qui on avait attribué les numéros allant de 801 à 806 https://semeuse25cbleu.net/grande-guerre-2/ controle-postal-de-linterieur/le-controle-postal-a-partir-de-juillet-1915/

            La mention manuscrite Tunchow évoque le lieu où la lettre a été écrite, Tungchow (Tongzhou, Tongchuan). Après un passage rapide à Wen li Chen, village à la limite entre le Shen Si et le Honan, Alexandra et Yongden, son compagnon de voyage, arrivent en pleine guerre civile à Tungchow, hébergés par des missionnaires suédois, avant de s'enfuir de la ville assiégée vers la lamaserie tibétaine de Kum Bum, située sur la route de la Mongolie, dans la province du Qinghai (Chine), où Alexandra résidera de 1918 à 1921.

            Quand Alexandra et Philippe seront séparés par des milliers de kilomètres pendant toutes ces années, Philippe deviendra un confident puis un ami cher à qui Alexandra écrira des lettres superbes, regroupées dans le journal de voyage. Ils scelleront définitivement leur union épistolaire et leur amour profond jusqu'au décès de Philippe Néel. Pendant 30 ans, ce fut une correspondance, pour le moins originale, qui constitua le seul lien entre les deux époux durant leurs trente-sept années de mariage.

            La lettre elle-même fait partie de cette énorme correspondance entretenue entre eux pendant toute la période de leur vie où ils ont vécu séparés par la volonté d'Alexandra de voyager et d'étudier. Le couple ne tiendra qu'à travers cet échange épistolaire continu de 30 ans. Alexandra met Philippe au courant de tout ce qu'elle fait, de tout ce qu'elle ressent, de ses épreuves physiques, de ses angoisses métaphysiques, de ses doutes, de ses problèmes financiers, immobiliers à son retour en France…

            Ces lettres ont été retrouvées, lues, traitées et portées à la connaissance du public par Marie-Madeleine Peyronnet, la secrétaire d'Alexandra, lues, déchiffrées et publiées après un énorme travail sous le titre " Alexandra David-Neel - Correspondance avec son mari .(1904-1941) " (Paris, Plon, 2016).

            Dans cette lettre précisément, Alexandra raconte qu'elle se trouve à Tungchow où elle, la bouddhiste, est accueillie par des protestants " illuminés " en pleine guerre civile qui oppose Chinois et Tibétains. Elle y rapporte ses moments sous les balles des belligérants, houspille les pacifistes, " ceux-là seuls qui renoncent ", philosophe sur l'existence, la folie du suicide…

            Quelques considérations vestimentaires et les mots à l'égard de Philippe : " Je vais envoyer ma lettre à la poste. Qu'elle te porte mes affectueuses pensées, grand cher. Combien tu es différent de tous ces maris, pourtant excellents, que je rencontre dans les ménages avec lesquels j'entre en relation au cours de mes voyages. Combien plus intelligent qu'eux ! Et par ce que tel, meilleur qu'eux tous ". Femme amoureuse ? Calculatrice ? Quoi qu'il en soit, pratiquement chacune de ses lettres, ou presque, se termine par une déclaration d'amour à celui qui, un jour, lui a permis de partir en voyage pour satisfaire ses envies métaphysiques et partant, soigner sa neurasthénie de femme au foyer.

            Les protagonistes
            Alexandra
            " Les êtres vont où le vent de l'esprit les pousse " (Lettre du 9 mai 1917).

            Quelques mots brefs sur Alexandra David-Néel, Madame toujours prête à partir. Il ne s'agit pas ici de retracer la vie de cette femme hors du commun. Beaucoup se sont intéressés à elle ; la bibliographie signale les ouvrages principaux. Notre propos concerne avant tout Philippe Néel, son mari. Rappelons quelques traits essentiels de cette féministe, libertaire, anarchiste, franc-maçonne, écrivaine, orientaliste, bouddhiste… Alexandra David-Néel, Louise Eugénie Alexandrine Marie David de son nom de naissance, est née à Saint-Mandé en 1868 et est décédée à Digne en 1969. Jeune, elle connut une vie artistique accomplie lors de son passage par l'art lyrique. Sept jours après son mariage à Tunis avec Philippe en 1904, Madame Néel part seule pour un périple à travers les Alpes.

            En 1911, à 43 ans, irrésistiblement attirée par l'Asie, elle s'en va pour un voyage de plus de quatorze années en Inde, laissant son mari seul à Tunis, puis à Bône. Elle regagnera la France en 1925, repartira ensuite vers la Chine en 1937 d'où elle reviendra en 1945, quittant définitivement l'Asie pour s'installer à Digne (Basses-Alpes, à l'époque) où ses économies lui ont permis d'acquérir une maison en 1928.

            Grande voyageuse, elle fut la première femme occidentale à atteindre Lhassa, la capitale du Tibet interdit, en 1924. Elle a laissé une correspondance abondante, des carnets de voyages qui racontent ses aventures. Elle fut écrivaine et conférencière, commandeur de la Légion d'honneur et titulaire de plusieurs autres décorations.

            Philippe

            Peut-on se faire une idée de l'homme Philippe Néel (Nous n'entrerons pas dans la polémique Néel ou Neel. En reconnaissance de ce qu'elle doit à Philippe, Alexandra fera suivre son nom de celui de son mari. Lettre de Kum Bum du 12 janvier 1919. Nous choisirons Néel.), et de l'homme, à Bône, à travers la correspondance qu'échange Alexandra avec lui ? On distinguera 3 périodes à Bône par rapport à elle.
            1917-1925, elle est en Asie.
            1925-1937, elle est en France.
            1937, elle repart en Asie. Philippe restera encore deux années à Bône avant de quitter définitivement l'Afrique du Nord en 1939. Sa femme partie en Asie en 1937, bloquée par la guerre, ne rentrera à Digne qu'en 1946.

            Philippe François Néel est né à Alès le 18 février 1861 et il est décédé à Saint-Laurent d'Aigouze, dans le Gard, le 8 février 1941.
            Bachelier en 1879, puis ingénieur diplômé de l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures de Paris, à 22 ans, il part en Algérie, où il arrive primitivement à Bône. Est-ce l'appel des colonies, le fait d'avoir trouvé un travail intéressant, un climat qui convenait à ses bronches fragiles ? Peut-être toutes ces raisons ont-elles contribué à ce qu'on trouve Philippe en décembre 1884, au service de la "Compagnie des Chemins de fer Bône-Guelma et prolongements" pour collaborer activement à l'entretien et à l'extension du réseau de la Compagnie.

            La Compagnie des chemins de fer de Bône-Guelma avait été créée en 1875 par la Société de construction des Batignolles pour la construction et l'exploitation de lignes de chemin de fer, principalement en Algérie et en Tunisie. La ligne Alger-Tunis a été inaugurée en 1886 et elle est, sur la moitié de son parcours environ, dans le réseau Bône-Guelma. En 1914, le gouvernement général de l'Algérie, rachète le réseau algérien de la Compagnie. Amputée de cette partie - à laquelle elle devait son origine - la compagnie se consacre ensuite entièrement à l'exploitation et au développement de son réseau tunisien où elle fait porter principalement ses efforts d'extension.

            En 1898, la Compagnie ayant obtenu la concession de la ligne Tunis - La Goulette - La Marsa (Hamdi Raissi.), Philippe est chargé de son réaménagement. C'est pour cette raison qu'il résidera à Tunis.

            " Sorti de tes études tu as trouvé une situation très maigre, j'en conviens mais qui t'a évité de battre le pavé… et tu t'es tenu dans ta coquille y vivotant chaque jour un peu mieux... " c'est ce début puis cette progression que décline l'état des services de Philippe au sein de la compagnie : employé, chef de district, chef de section, inspecteur, ingénieur, chef du service de la voie, ingénieur en chef des services algériens en 1899, inspecteur en chef du service de la voie, ingénieur en chef représentant la compagnie (des Batignolles. N.P.) en Algérie (Base Léonore).

            A Bône, nous retrouvons Philippe ingénieur en chef à la Compagnie de l'Ouenza après être resté au service de la Compagnie fermière des chemins de fer tunisiens jusqu'en 1917, partant comme retraité le 1er janvier, à 56 ans, en qualité d'ingénieur en chef honoraire, ayant accompli 32 ans et demi de service. Il fera partie de son conseil d'administration après le rachat de l'entreprise en 1915.

            La même année, il est envoyé au Maroc pour effectuer l'étude d'un projet de chemin de fer de Fédalah à Camp-Bouleaux vers un gisement minier. Il en obtient la concession, ce qui, apparemment, n'aura pas de suite. A cette occasion, il a des rapports avec le général Lyautey qui, à son départ, après un séjour de deux mois, lui exprima toute sa satisfaction.

            Pendant la Première Guerre Mondiale, Philippe (53-54 ans), a été chargé de diriger les opérations de la mobilisation. Ainsi les contingents nord-africains purent être acheminés dans les plus brefs délais vers les champs de bataille européens, ce qui lui valut les félicitations du général Moinier (Charles Émile Moinier (1855-1919) est un officier français, qui a servi au Maroc de 1908 à 1918, et s'est illustré pendant la campagne du Maroc. À la fin de la Première Guerre mondiale, il est gouverneur militaire de Paris.). À 20 ans, il avait été dispensé de service militaire, bénéficiant d'une loi qui en exemptait les élèves des Grandes Écoles, échappant ainsi à cinq années qui lui auraient peut-être été fatales compte tenu de sa santé fragile (La loi Freycinet de 1889 a supprimé cette disposition.).

            À partir de 1917, ne pouvant rester inactif après ce qui sera sa première retraite, il entre comme ingénieur à la Société de l'Ouenza en tant que directeur des travaux de la mine, procédant à toutes les installations ferroviaires sur le site et ses environs ainsi que sur le port de Bône où arrivent les convois avec le minerai pour l'exportation, jusqu'en 1931, date à laquelle il a cessé tout service.

            La Société de l'Ouenza a exploité à partir de 1921 la mine d'Ouenza, en Algérie, à 150 km de Bône, près de la frontière tunisienne, qui renfermait d'importantes quantités de minerai de fer utilisable pour la sidérurgie.
            C'est la raison pour laquelle, il quitte Tunis pour venir s'établir à Bône, au quartier du Lever de l'Aurore. Cet amoureux de la mer pouvait ainsi se faire plaisir tous les matins en ouvrant ses persiennes sur le golfe. En 1935, il a alors 74 ans, il réside toujours à Bône mais en 1924, il a déménagé villa des Pins, porte des Caroubiers, Bab El m'qaber, la porte des tombeaux par rapport au cimetière musulman voisin, à quelques encablures du Lever de l'Aurore. Le site est remarquable
            " Si tu vois le cimetière de Bône, envie de mourir y te donne ! ". Quel Bônois n'a jamais été référencé par ce fameux cimetière ? D'aucuns pensent qu'il s'agit du cimetière chrétien, riche de ses monuments à l'italienne. En réalité, cette phrase célèbre est tirée du livre de l'écrivaine Isabelle Eberhardt, Le Vagabond. La romancière allait souvent rendre visite à sa mère, à Bône, et, chaque jour durant ses vacances, elle venait méditer au niveau de la fontaine romaine d'Ain Yassir, en sa compagnie. Ce lieu de méditation, situé en amont de la mer, avait une vue panoramique imprenable sur le cimetière Zaghouane qui surplombait la plage du Lever de l'Aurore, pour contempler l'admirable paysage, avec, à gauche, la verte colline sacrée aux sombres cyprès funéraires, les koubas bleuâtres et les blancs tombeaux du cimetière qui se détachaient en nuances pâles sur le vert sombre des figuiers. " Rouge et ardent, baigné d'or pourpré, le soleil se levait au dessus de la mer d'une nuance liliacée, où de légers serpents d'argent couraient rapides, furtifs ". Les arbres funéraires laissaient voir à travers les interstices des figuiers qui les séparaient, la masse somptueuse du Rocher du Lion se profilant au loin, et la jolie courbe du premier tournant de la route de la corniche, et les maisons du Lever de l'Aurore. Ce coin paraît l'avoir fascinée au point qu'elle écrira : " Je voudrais que, au jour fixé de mon destin, ma dépouille soit mise dans la terre rouge de ce cimetière de la blanche Annaba ".

            L'homme
            Sur les photos, Philippe apparaît tel qu'alexandra le décrit dans ses lettres, celui qu'elle surnomme Mouchy après l'avoir appelé Alouch parce qu'il était frisé comme un mouton. Seulement Alouch, en arabe, signifiant agneau, Alouch deviendra Mouchy.
            Est-ce qu'on peut se faire une idée de l'allure de Philippe Néel pendant sa période bônoise ?

            En 1917, lorsqu'il quitte la Compagnie du Bône-Guelma, il a alors 56 ans. Il n'est plus l'homme jeune et fringant des premières années en Tunisie.

            Apparence extérieure.
            Alexandra nous donne une idée du soin Philippe porte à sa tenue d'homme d'état anglais... D'une extrême élégance… " Tu es un monsieur élégant et je me souviens que mes sentiments esthétiques m'ont plus d'une fois portée à te regarder de loin avec plaisir, comme un joli objet ".

            Sa profession et son rang exigeaient qu'il fût vêtu très soigneusement, aussi lui conseille-t-elle de se faire habiller à Paris plutôt qu'à Bône. " Tu ne pourrais point poser pour Phébus-Apollon, mais tu es extrêmement élégant d'allure et il te faut vêtir cette élégance d'enveloppe en rapport. "
            Sur toutes les photos, il apparaît effectivement singulièrement bien vêtu, comme un homme particulièrement soigné de sa personne qui tient à impressionner les autres avec ce souci de paraître qui est le sien. " M. Néel est bien connu de tous les Tunisiens… Il est remarquable par plus d'un point… par plus d'une originalité de tenue… Toujours mis d'une manière irréprochable, M. Néel a cependant un chic particulier, un je ne sais quoi ; un petit cachet personnel le fait ressortir au milieu de la foule. On le voit vaquer à ses affaires, un immuable cigare ou une éternelle cigarette aux lèvres... Il semble que ce soit toujours un sportman se rendant à son cercle. La coupe de ses favoris qu'il coupe à la façon des jardins anglais, ajoute encore à la surprise. Il n'a pas du tout l'air d'un ingénieur. " (Mascolo. La Dépêche tunisienne, 12 octobre 1899.)

            Chez lui, à Tunis, à la Mousmée, décontracté, mais aussi sur des portraits non-professionnels, jaquette longue, col dur montant, cravate, décoration à la boutonnière. Sans parler de sa fière tenue de yachtman sur son Hirondelle, lui, le président du comité local de la société de sauvetage des naufragés de La Goulette.
            Et puis, il y a les clichés pris dans le cadre professionnel. Les deux photos datent probablement toutes les deux de la période du Bône-Guelma (inscriptions des lettres B G sur le matériel). Sur l'une, situation oblige, il porte le chapeau, les bottes, un long manteau car il doit faire froid, et il semble tenir une pipe dans sa main gauche (?). Sur l'autre, il accompagne un groupe d'officiels arborant gibus. La saison est plus clémente, la draisine est à "l'air libre" et Philippe porte une tenue des plus élégantes, mais plus légère aussi. Casquette irlandaise, jaquette, gilet, col dur, cravate, main gauche gantée (avec une pipe?), pantalon blanc rentré dans des bottes. Monsieur l'ingénieur est en service commandé. Raide, il l'est physiquement, mais la raideur intellectuelle, morale transparaît avec cette attitude.
            " Très froid, sévère, même… profondément juste… Aimé de tout le personnel " (Mascolo. La Dépêche tunisienne, 12 octobre 1899).

            Toujours la même prestance de l'homme plus avancé en âge sur des photos prises en studio. Même soin de la tenue avec redingote laissant apparaître deux décorations antérieures à la Légion d'honneur qu'il n'obtiendra qu'en 1936, date de sa photo prise aux côtés d'Alexandra dans son jardin de Bône quand elle a passé deux jours auprès de lui, arrivant de Tunis et repartant vers Alger, le Maroc… A cette époque, l'homme est fatigué, malade. Sur la photo, Philippe a vieilli, il a 75 ans, il s'est empâté. Mais il a revêtu encore un costume croisé et porte casquette. Devenu plus fragile qu'avant du côté pulmonaire, il doit certainement protéger son crâne dégarni.

            A ce propos, sa chevelure était relativement abondante quand il était jeune. Ses frisettes lui ont valu, comme dit précédemment, le surnom d'Alouch de la part d'Alexandra, " mon petit mouton, mon Alouch ". On le voit y ramener deux anglaises sur son front qui a tendance à se dégarnir au fil des ans ; par la suite, elles passeront à la trappe de la calvitie. Et l'homme mûr apparaît alors le front complètement dégarni, le cheveu grisonnant mais toujours avec ses moustaches qui semblent avoir disparu du visage de l'homme fatigué chaussant lunettes (?) Qu' Alexandra retrouve lors de son passage à la villa des pins, en 1936.

            Il était " ce qu'on appelle un "bel homme" au port majestueux, un peu raide et même sévère " (Jacques Brosse). Visage émacié, front large, yeux enfoncés dans les orbites, moustache conquérante, air sévère sur les photos - mais souriait-on à l'époque sur les photographies ? - autant de traits qui laissent apparaître l'homme inquiet, soumis à la " neurasthénie ". Le mot d'Alexandra est peut-être un peu fort, mais " idées noires ", " méditations tristes " sont de la même veine et en disent long sur la tendance de son mari à la mélancolie. Ailleurs, Philippe se mortifie en se qualifiant de mari grognon. " Que s'avise-t-il de dire que j'ai un mari grognon… Mon mari est très gentil et bien préférable à tous ceux que je vois autour de moi ", réprouve Alexandra qui lui attribue des " lèvres dédaigneuses ", révélant le mépris. En plus, elle ne manque pas de lui rappeler : " ton caractère difficile, cela a été ta note, elle t'a énormément nui ".
            " Voix sourde… impassibilité… distinction un peu hautaine… courtoisie raffinée envers les dames… " écrira Jean Néel, un de ses neveux.

            Qualités et défauts
            Philippe semble très sensible au regard des autres, sa tenue vestimentaire en est un témoignage, mais c'est vrai qu'il a un rang à tenir, et s'il fallait s'en persuader, il n'y aura qu'à se rappeler le refus qu'il opposera à la venue de Yongden, le jeune compagnon d'Alexandra, à Bône. Cet étranger, ce jaune, jetterait le discrédit sur la famille Néel en apparaissant comme incongru dans la bonne société bônoise.

            Intellectuellement, c'est quelqu'un d'instruit, qui a des lettres, qui a fait de brillantes études, a obtenu son baccalauréat et son diplôme d'ingénieur. Il a fait preuve de ses qualités professionnelles dès son arrivée à Tunis.
            Il adore la musique et pratique lui-même l'art de la flûte qu'il partage avec son frère, Fredéric-Louis, ce qui lui vaudra le surnom familial de "cinq bémols". (Joëlle Désiré-Marchand, citant Jean Néel)
            Alexandra lui attribue bien des qualités : intelligent… délicat… dévoué… doté de largeur d'esprit, meilleur des maris… d'une grande bonté… homme d'honneur… homme d'action… fin et subtil d'esprit. Mais il faut interpréter ces jugements à l'aune de l'amour qu'elle porte à Philippe et de la reconnaissance qu'elle lui voue chaque fois que surgit un besoin d'argent. Rappelons qu'à travers ses lettres, Alexandra apparaît toujours comme amoureuse de cet homme qui deviendra par la suite, " son meilleur ami " après son refus de l'héberger à Bône.

            Néanmoins, sincère et lucide, cette femme pour amoureuse qu'elle soit, ne tarit pas de conseils clairvoyants à l'égard de Philippe : " Sois prudent dans tes rapports avec les personnes avec qui tu auras à faire. Laisse de côté le monsieur cassant, coupant et pas toujours très poli en ses phrases que tu as été. Cultive l'amabilité le sourire et cette précieuse indifférence… Ne prends rien trop à cœur. C'est un tort quand on est le représentant des intérêts des autres ".
            Et de rajouter quand il arrive à Bône : " Tâche de t'entendre et d'être en amicales relations avec tes nouveaux collaborateurs et membres du Conseil comme tu l'es avec ceux du "Bône-Guelma" ". Peut-être y a-t-il eu quelques achoppements avec ses supérieurs, ses collaborateurs dans sa période antérieure ? À preuve ce dernier extrait : " Les caractères forts, entiers, trop logiques ne sont pas aimés et réussissent mal dans le monde… Fais-toi des angles doux et arrondis pour ne pas souffrir des frottements ".

            Il aura vécu avec la Compagnie du Bône-Guelma les refus à Paris de projets sur la ligne Souk-Ahras-Tebessa engorgée suite à l'exploitation du phosphate du Kouif que l'on prévoit encore plus fréquentée après la découverte de gisements de fer très importants dans le massif de l'Ouenza et à Bou-Khadra. On peut penser que de par sa fonction, il s'est impliqué dans ces études. Le Bône-Guelma, désabusé, se tournera vers son réseau tunisien en délaissant son réseau algérien. A son arrivée comme directeur des travaux du chemin de fer de la Compagnie de l'Ouenza, il aura tout à construire.
            C'est peut-être ce fort caractère qui l'amène à se plaindre de ne plus avoir de relations dans ses dernières années à Bône. Rappelons-nous la remarque d'Alexandra : "ton caractère difficile, cela a été ta note, elle t'a énormément nui ".

            C'est étrange, cet isolement pour un homme qui était censé avoir un réseau assez important de connaissances "professionnelles" et d'amitiés. Mais alors faut-il en déduire que sa vie mondaine a été affectée par son départ en retraite et, forcément, par la maladie ? Il est vrai qu'on est à une époque où l'honorabilité et le rayonnement sont très dépendants de la fonction et des titres. A partir du moment où ces deux références n'existent plus du fait d'une cessation d'activité, le rayonnement disparaît en même temps et les "amis" se font plus rares. Or, personne ne sait mieux qu'alexandra que Philippe, avec cette envie de paraître qui est sa marque, a peur de " n'être plus personne ".

            Il n'en demeure pas moins qu'il faut constater que pour avoir accepté de vivre loin de sa femme aussi longtemps, Philippe aura fait preuve de grandeur d'âme et d'une serviabilité extrême eu égard à la gestion de ses avoirs financiers et des services innombrables rendus pendant ses années de voyage.
            Philippe, lui, il a les pieds sur terre. Il est à mille lieux des préoccupations mystiques de sa femme qui " l'énerve ", qui " l'ennuie " avec ses développements philosophiques, sans compter que son absence, en plus des demandes de divorce refusées, lui est de plus en plus insupportable au fil des années qui passent.

            On sent l'homme ordonné, précis quand, sur la lettre qui nous intéresse, il en note la date d'arrivée, la date de réponse ou encore quand il détaille les frais d'envoi des meubles d'Alexandra, ses avoirs en banque... C'est aussi quelqu'un d'économe, un gestionnaire avisé qui pratique les ventes et les achats en Bourse, laissant en héritage à la fin de sa vie un patrimoine en actions confortable. C'est encore un homme d'action capable de travail exagéré et qui, après son expérience au Bône-Guelma, craint l'inactivité, l'oisiveté, effrayé par " le spectre des journées uniformément vides ". Parce que Philippe est de plus un inquiet : il est hanté par les accidents de chemin de fer fréquents, sur mer, il craint les naufrages. Curieux pour un passionné de voile qui a passé des heures sur l'Hirondelle ! On sait également sa tendance aux idées noires, à la neurasthénie. Il n'y a pas à dire, le physique correspond bien au moral.

            En dehors de son travail quel type d'homme était-il ?
            Alexandra se souvient de l'homme qu'elle a connu, qui fréquentait assidûment le casino de La Goulette pour jouer et écouter les airs qui s'échappaient de l'opéra. Tunis, la belle société, les réceptions, le "monde" qui a toujours des charmes pour lui quand, chaque année, il va prendre les eaux à Vichy. Un épicurien qui s'est éloigné - encore que ! - des principes inculqués par le protestantisme paternel et l'éducation maternelle. " Nous ne sommes l'un et l'autre que de lointains huguenots, l'un est bouddhiste et l'autre… mécréant ", lui rappelle Alexandra. Idée confortée par la question posée par la tante à la nièce Simone : " As-tu cru devoir faire appel au pasteur ou bien as-tu jugé préférable que les obsèques soient seulement civiles ? ". Déjà le mariage à Tunis, le 4 août 1904 au Consulat de France avait été un mariage civil.

            A Bône, Philippe a une situation aisée. Il mène un train de vie très bourgeois. Sa retraite lui permettrait de vivre avec sa femme une " vie d'anachorètes cossus ".
            Déjà lors de son mariage en 1904, " Son traitement est de 6 000 francs auxquels viennent s'ajouter une indemnité de 600 francs par an et une prime variable qui a été de 4 500 francs pour 1903 " (Lettre de M. de Traz, président du conseil des Chemins de fer Bône-Guelma et Prolongements à M. David). Et sa situation s'est améliorée au fil des ans.

            En 1920, il a une situation plus que convenable en tant qu'ingénieur en chef directeur, dit Alexandra qui rajoute qu'il dispose de 12 000 frs de rente en 1920, et qui, en 1929, peut espérer une retraite confortable de plus de 20 000 frs à laquelle s'ajouteront des revenus de placements.

            Un homme aux mœurs bourgeoises, avec " voiture, domestiques, cuisinière particulière ". Installé à Bône en bord de mer, au quartier du Lever de l'Aurore, quartier encore exclusivement résidentiel à cette époque, cet amoureux de la mer pouvait ainsi assouvir tous ses plaisirs. A 56 ans, aura-t-il racheté un petit yatch pour pratiquer la voile, son sport favori (et celui d'Alexandra !) ? Le petit port tout proche de son domicile, la Grenouillère, aurait pu lui fournir un point d'amarrage.

            Terminons ce portrait pour dire que c'est le soleil qui lui plaît plus que le froid. Encore une différence avec sa philosophe de femme qui se complaît dans les neiges du Tibet contrairement à lui, (Jacques Brosse.) plus attiré par des balades dans le Sahara.

            Moralité
            Sur le plan moral, Il est présenté comme " un homme sérieux dont le métier n'a pas toujours été de tout repos… Très méritant… d'une parfaite honorabilité… Jouissant de l'estime unanime de ses concitoyens… Ayant rendu des services de tout premier ordre… ". Faut-il se limiter à ces compliments formulés par ceux qui intervenaient en sa faveur auprès du Grand Chancelier de l'Ordre de la Légion d'honneur ? Ils sont repris dans une lettre par M. De Traz, président du conseil des Chemins de fer Bône-Guelma et Prolongements. " l'honorabilité de M. Néel ne fait pas question… Je le tiens en parfaite estime ". (Extrait des archives familiales rapportées par Mme Désiré-Marchand.)

            Déjà la Dépêche tunisienne faisait l'éloge de M. L'ingénieur : " Monsieur Néel est, depuis un an, à la tête des services du réseau Tunis-La Marsa-La Goulette… M. Néel a, depuis longtemps, fait ses preuves. Très froid, sévère même, le directeur de la ligne Tunis-Goulette est profondément juste et aimé de tout le personnel… Il a su conserver à ses différents services [une] réputation excellente... De nombreuses améliorations même, ont été apportées sur cette ligne… Les traditions de courtoisie sont demeurées ; la régularité des trains s'est accrue… Il m'est agréable de constater tout cela et à la veille de l'anniversaire de sa nomination, d'en reporter la cause en grande partie à M. L'ingénieur Néel. " (Base Léonore.)
            Rappelons que Philippe Néel sera cet homme de cœur qui ira jusqu'à permettre à Alexandra d'adopter Yongden, serviteur, compagnon de voyage devenu son fils adoptif.

            La littérature le concernant le présente aussi sous un autre angle, ce qui n'enlève rien à ses capacités ni aux travaux qu'il a effectués pendant sa carrière : il aime les plaisirs de la vie, c'est un gentleman, un grand séducteur toujours en quête de conquêtes féminines " Serrements de mains, baisers et le reste, tu en as usé et abusé avec maintes partenaires ". Ses conquêtes, il les entraîne à bord de l'hirondelle, sa garçonnière flottante, quand il habite à La Goulette, près de Tunis. Rapidement, Philippe emmène Alexandra faire un tour sur son voilier, et il est à penser, d'après un petit mot écrit de la main de la jeune femme, que c'est là, le 15 septembre 1900, qu'ils devinrent amants : " Hirondelle, prima volta ".
            D'autres aventures ? Peut-être… Mais à Bône, il n'a plus 20 ans, il en a 56 … et plus. Encore capable de batifoler, certes, d'autant que c'est encore un bel homme. Avec cette attirance certaine pour les femmes, se sera-t-il accordé quelques privautés ? La sienne est loin. Pourrait-on lui reprocher d'avoir eu une ou plusieurs aventures à Bône ? C'est du moins ce que laisse supposer le souvenir qu'il a laissé à la famille qui vivait dans la maison mitoyenne à la Sienne aux Caroubiers (Témoignage O.S).

            Témoignage à prendre avec précaution : réalité ou interférence dans la mémoire des ouvrages publiés sur Alexandra ? Mais cette dernière y pense quand Philippe s'obstine à ne pas vouloir qu'elle s'installe avec lui à son retour d'Asie. Elle connaît le côté volage de son mari et déjà elle lui avait écrit quelques années auparavant : " Qu'est-ce que tu souhaites […] que je promette de ne pas revenir, de ne pas gêner ta vie, de ne pas chercher un jour à reprendre ma place au foyer où tu auras installé une autre ? Est-ce cela ? Quand on parle de ces choses, c'est qu'elles sont déjà à moitié réalisées. Est-ce que tu as une liaison qu'il te plairait de rendre à peu près stable ? Pourquoi ne pas le dire franchement ? ". Elle sait très bien qu'un grand séducteur comme lui, quelqu'un qui " aime les jolies filles " ne se résout pas généralement à une abstinence totale.
            Mais la rencontre avec Alexandra aurait-elle transformé l'homme superficiel qu'elle a connu ? Les principes inculqués par l'éducation rigoureuse du protestantisme familial auraient-ils ressurgi le ramenant à une vie plus réelle, plus profonde, l'éloignant des artifices au point d'épouser une femme totalement à l'opposé de ce milieu plein de frivolités d'une vie de plaisirs. Quand Alexandra part en Inde, Philippe a 50 ans, l'âge de raison, il a fait des promesses à sa femme. Les a-t-il tenues ?

            Son travail à Bône et Ouenza
            Dans des lettres de mars et avril 1914, Philippe annonce à Alexandra qu'il s'apprête à quitter Tunis pour Bône. Mais il ne lui donne pas de détails. En juin, elle lui écrit pour lui rappeler qu'on ne doit plus lui adresser de courrier à Tunis " Ma présente adresse est à Bône ". C'est quand même sa femme, l'aurait-il oublié ? Il est bon de rappeler le domicile conjugal.
            Un an plus tard, Philippe signale son changement de situation professionnelle après le rachat de la Compagnie du Bône-Guelma par la " colonie ". À Bône, en 1917, nous le retrouvons à la Compagnie de l'Ouenza et du port de Bône. Philippe a 56 ans, il vient de quitter le son premier emploi, touché par l'âge de la retraite ; il aurait pu s'arrêter là, mais il est appelé à de " plus hautes fonctions ", il va devoir faire ses preuves dans une autre société où il est satisfait de sa nouvelle situation ; il restera à l'Ouenza jusqu'en 1931, date à laquelle il prendra sa deuxième retraite.

            Il est ingénieur en chef, ce qui permet à Alexandra d'ironiser : " j'aimerais bien avoir quelques photos du pays où tu construis cette ligne de chemin de fer avec "Monsieur l'ingénieur en chef, Directeur" dans le paysage ".
            C'est certainement un homme scrupuleux, un gros travailleur, "actif et créateur", très occupé, qui se donne à plein à un travail fatigant mais passionnant. " c'est une bien intéressante besogne que celle que tu as entreprise. A notre âge tout excès de fatigue pèse lourd. Ne va pas t'y dépenser outre mesure ". Il faut constater que Ouenza est loin de Bône, 150 km, environ, les routes pas faciles, les déplacements malaisés, et Philippe est contraint à se déplacer beaucoup.
            Dans sa nouvelle fonction Philippe devra réaliser deux projets d'importance : la voie ferrée privée reliant la mine au réseau public et l'aménagement du terre-plein du port de Bône pour réceptionner les convois chargés de minerai.
            La société concessionnaire des mines de fer de l'Ouenza qui emploie Philippe construit en 1921 une ligne à voie à voie étroite de 21 km de la mine à Oued-Keberit sur la ligne Bône-Souk-Ahras-Tébessa entre les stations de Clairefontaine et de Montesquieu. Les travaux sont terminés en 1920, permettant les transports de minerais à destination de Bône (L'Écho des mines et de la métallurgie, 20 décembre 1920, p. 533.). La Société de l'Ouenza entrait dans la phase de l'exploitation (haflouchka. L'histoire de Ouenza. Histoire de la mine de l'Ouenza et de Boukhadra.). L'inauguration eut lieu en mars 1921. En 1925, au moment où la fabrication d'aciers spéciaux augmente fortement à Ugine, la société devint concessionnaire du gîte de fer de Bou-Khadra, situé à trente kilomètres plus au sud. Pour desservir les mines de ce gisement, un nouveau raccordement de 18 km s'embranchera sur le précédent à Aïn-Chediat (Historique du chemin de fer -la ligne Oued Keberit (canalblog.com).). Nouvelle charge pour l'ingénieur en chef. Ces deux embranchements ont été repris par les Chemins de Fer Algériens en 1930. Philippe prendra sa retraite l'année suivante.
            En novembre 1921, les minerais de l'Ouenza arrivent et sont chargés à Bône. Le vapeur italien "Alga" emporte un premier chargement de 4 000 tonnes en provenance de la mine (Le Sémaphore algérien, 9 novembre 1921.). En ce qui concerne les installations portuaires, un quai a été construit par M. Pancrazi, entrepreneur bônois qui laissera un renom à Bône, en qualité de président administrateur de la Société d'Entreprise, contre la jetée sud de la petite darse et il a été aménagé par la société (et Philippe) qui y a construit une estacade de 200 m. Permettant d'embarquer 1 500 tonnes de minerai par jour. En 1922, la mine en fournit 200 000 environ au port et y déversera 1 000 000 en 1924 (René Lespès. Le port de Bône et les mines du Constantinois. Annales de géographie. 1923.) quand seront construits 200 mètres de quai dans la petite darse, quai Sud. (Le Sémaphore algérien, 31 août 1923.)

            Outre ses déplacements à Ouenza, Philippe se déplace pour des raisons professionnelles aussi à Tunis, Constantine, Tébessa, Alger, Paris encore, où il se rend aux bureaux de sa compagnie dont le siège est au 3, rue Jules-Lefebvre (9e) ; il loue une chambre à l'hôtel du griffon, 15, rue de Maistre près de la place Clichy, à Montmartre (18e). Il s'y fait d'ailleurs adresser son courrier. Sur son dossier pour la Légion d'honneur, il est porté n'habitant pas à cette adresse.
            Une lourde tâche, aussi rude, peut-être plus, que celle des années passées à Tunis au Bône-Guelma pour Philippe qui va accuser le coup physiquement. Le temps passe, il vieillit et il ressentira les conséquences de ces années de travail.
            Les préoccupations avec Alexandra
            Une gestion minutieuse
            Celui qui a tout payé… Le mécène… Que n'a-t-on dit de Philippe par rapport au financement du voyage d'Alexandra !
            Pendant que son épouse philosophe sur les pentes de l'Himalaya, Philippe, lui, aligne les chiffres, compte, additionne, soustrait. Ce qu'il a commencé en 1911 à Tunis, il le continue à Bône, puisque le projet de sa femme ne se terminera qu'en 1925. Il gère au mieux le capital dont elle dispose, son portefeuille d'actions (de sociétés de chemins de fer de préférence, pourquoi pas ?), " tond les coupons ". En ce sens, selon le mot de Jean Chalon, la meilleure action que possédait Alexandra, c'était son époux lui-même. La voyageuse était bien détachée de l'argent, mais elle avait quand même des besoins pour réaliser ses vues. Pour philosophe qu'elle fût, l'argent lui était indispensable et le soutien, l'aide que Philippe lui a apportés ont rendu ses voyages possibles et son projet réalisable.

            L'héritage
            Alexandra a bénéficié, dans les années 1890, d'un héritage légué par sa marraine. En 1904, année de son mariage avec Philippe, elle dispose d'un portefeuille d'actions et d'obligations de 77 696 Frs. Or. De 1904 à 1911, grâce aux judicieux conseils de son mari, elle augmente ses avoirs par l'achat de nouvelles valeurs, notamment des obligations diffusées par des compagnies de chemins de fer (Victor-Emmanuel) ou encore des titres espagnols, la Rente française, la Ville de Paris, l'Emprunt, l'Afrique occidentale et elle place ses économies à 4%, parfois à 9%. Ensuite, après le décès de sa mère survenu en 1917, elle pourra disposer en plus d'un héritage, modeste, certes, mais qui lui permettra d'éponger ses dettes contractées au Sikkim, Philippe se chargera de liquider la succession de Madame David mère à sa place, en 1920, se déplaçant de Bône à Bruxelles pour régler les affaires de sa femme. Il accepta de lui servir de correspondant bancaire en lui envoyant les fonds nécessaires à son quotidien. Chèques dans des lettres, transferts télégraphiques, versements pour elle à Marseille, transfert d'argent du Crédit Lyonnais à la banque Nationale… Il gère… Pour cela, il dispose des autorisations pour toucher les arrérages, signer les récépissés, acheter, vendre à sa banque de Bruxelles, réaliser les legs de la voyageuse : 3 000 roupies à Yongden ; 2 000 frs pour éponger un prêt et il effectue divers remboursements.

            Philippe, le gestionnaire
            Pourquoi Philippe Néel gérera-t-il les avoirs d'Alexandra ? À cette époque, l'épouse n'a pas le droit d'avoir un compte en banque. Lorsque Alexandra demande à son mari de lui envoyer de l'argent, c'est le sien qu'elle lui réclame. (Communication de Marie-Madeleine Peyronnet.)
            " Je ne peux pas me permettre de disposer de ces fonds (en Belgique) sans ton assentiment… ta délicatesse… cet argent t'appartenant autant qu'à moi… ".
            Ce à quoi Philippe lui répond qu'elle aura la ressource de réaliser ses fonds de Bruxelles quand elle le voudra et il ne le lui reprochera pas. Certes avec son autorisation !
            Par le truchement des ambassades, Alexandra envoie à son mari les procurations pour qu'il gère son portefeuille. Philippe lui a ainsi servi d'intermédiaire bancaire durant ses grands voyages en lui envoyant les sommes qu'elle demandait et qui lui appartenaient en propre.

            Les besoins d'Alexandra
            En 1911, Alexandra part en Orient - subventionnée par divers ministères dont l'Instruction publique - pour un voyage d'études qui devait durer 18 mois.
            Et puis ?
            Elle écrit des articles pour l'université de Pékin, fait des conférences à Rangoun, Calcutta…
            La plus grande partie des subsides que Philippe lui adressait (envois à Pékin, à Pondichéry, à Shanghai, à la banque de Tien-Tsin… au gré des pérégrinations) provenait de ses actions placées en Belgique et du montant des droits payés par divers journaux et revues auxquels elle envoyait des articles par l'intermédiaire de Philippe qui les faisait taper à la machine par sa secrétaire. Ces fonds furent parfois bloqués par la guerre. C'est pendant les quatre années de guerre que Philippe Néel a pu intervenir personnellement pour aider Alexandra en difficulté (10 ans avec Alexandra. Marie-Madeleine Peyronnet - Fondation Alexandra - 2005 Note p.116.).
            En plus des envois réguliers et des demandes récurrentes d'argent, car c'est souvent qu'elle est démunie, il y a les crises ponctuelles.
            Kum Bum 1920, Alexandra n'a plus rien, elle s'endette. " Il me faut une très grosse somme… la plus forte dont tu puisses disposer " ; elle envoie deux lettres de la banque nationale 4 titres sortis remboursables " Je t'autorise à acquitter les récépissés et tu donneras des instructions pour envoi d'argent ". En mai 1920, elle demande à Philippe une allocation pour deux années sinon elle mourra au Tibet, dit-elle. " Décide : m'abandonner ou me sauver ". L'argent mettra du temps à arriver, la poste est lente. Ce n'est que 3 mois plus tard qu'elle recevra les 8 000 frs envoyés par Philippe.
            Et puis, il y a Lhassa et surtout l'après Lhassa. 1924 : elle est de nouveau sans le sou, fauchée, en haillons. " c'est le retour que je prépare ". Pressée de rembourser ses dettes, elle a un besoin urgent d'argent.
            Période difficile où Alexandra isolée et démunie est dans le plus grand besoin. Par là-dessus, la dévaluation lamine les envois de Philippe qui en deviennent " ridicules ". Les dettes s'additionnent. Il faut que Philippe l'aide financièrement, elle en a vraiment besoin.
            Elle qui ne voulait surtout pas écorner ses avoirs belges demande instamment à Philippe : " Fais un emprunt sur mes fonds en Belgique " et Philippe négocie ses titres remboursables, lui envoyant 15 000 Frs. A Calcutta.
            Plus tard, en France, et cela n'a rien à voir avec le voyage, Philippe la dépannera encore avec une avance de 6 000,00 Frs pour une année de loyer.
            1937, Alexandra retourne en Asie avec Yongden. En juin 1940, elle est dans une " triste situation financière ". Plus de projets pour les éditeurs qui manquent de papier, c'est la guerre, plus d'acheteurs de ses écrits.
            Philippe veut lui envoyer 15 à 20 000 frs pris sur ses économies. " Cette somme viendrait en déduction de ce que je te laisserai après ma mort ", mais les avoirs bloqués et les transferts sont difficiles. Par ailleurs, le cours du dollar est à 43,90, ce qui donnerait une faible somme après l'opération de change. Finalement, il renonce.
            Philippe conseille
            Il la conseille pour qu'elle effectue des virements de banque à banque.
            Il la recadre quand elle s'embarque pour la France, à Colombo, le 6 avril 1924.
            " Ta lettre m'a causé quelque surprise. Tu me demandes 15 000 frs je fais le nécessaire.
            Tu vas dépenser une grosse somme pour la traversée surtout si tu prends une cabine demi-luxe, fréquenter des hôtels à 30 frs par jour, payer des tarifs de chemin de fer exorbitants, louer des habitations hors de prix. Je ne sais pas comment tu pourras t'en tirer surtout si tu as à te faire accompagner par ton garçon tibétain ". Dédaigneux, Philippe ?
            Alexandra en fait son héritier pour le récompenser de tout ce qu'il a fait pour elle.
            " j'ai quelque argent à Bruxelles… te laisser ce capital entier si je viens à mourir la 1ère… " .
            De son côté, lui qui a la hantise de la mort, il va prévoir aussi. Il doit venir en France et il évoque les dangers des voyages sur mer. On est en 1920, la tragédie du Titanic en 1912 avec ses 1 500 morts est encore dans toutes les mémoires, le torpillage du Lusitania en 1915 avec ses 1 000 victimes, aussi. La traversée Bône-Marseille lui fait peur. Comme les déplacements en train, d'ailleurs. Les accidents de chemin de fer sont fréquents et l'homme de l'art sait de quoi il parle. A cette occasion, il décline la liste de ses avoirs personnels en 1920.
            " j'ai 1°) À la Compagnie Algérienne à Tunis :
                        a) Un coffre loué où se trouvent nos anciennes valeurs. Clé dans un petit coffre-fort scellé dans le mur de ma chambre de Bône. Clé de coffre dans une boîte à cols.
                        b) Un compte courant d'argent liquide assez (?)
                        c) Des titres en dépôt dont les récépissés sont dans le coffre-fort de ma chambre à coucher à Bône.
            2°) À la Compagnie Algérienne de Bône, un compte courant plus important que celui de Tunis.
            3°) Au Crédit Lyonnais à Bône : un petit compte qui me sert à tes envois de fonds (nul à présent) et des titres en dépôt. Les récépissés de ces titres sont dans le petit coffre de ma chambre à coucher.
            Avec ces renseignements, une liquidation sera facile ".
            1928, Alexandra sera sollicitée pour faire partie de la croisière jaune d'André Citroën. Elle refusera. Philippe lui corrige la lettre de refus.
            Plus tard, en 1940, alors qu'il a quitté Bône, il a de sérieux ennuis de santé qui l'empêchent de s'occuper des affaires d'Alexandra repartie en Chine. Il n'a plus la force d'assumer, il abandonne et lui conseille de prendre un gérant sérieux qui prenne en charge ses questions immobilières pour sa propriété de Digne.
            Le bon ami conseillera jusqu'au bout de ses forces.
A SUIVRE, Marc DONATO


LA POSTE A BÔNE
BONJOUR N°37 du 18 juin 1933, journal satyrique bônois.

Certains Postiers Bônois
violent, systématiquement,
le secret de la correspondance.


               Nous avions révèle. ici, sous le titre : " il y a un cabinet noir à la Poste de Bône." Un fait délictueux qui avait été accompli par un fonctionnaire bônois lequel s'était permis de décacheter une lettre adressée à un homme politique et avait fait état du contenu de cette lettre.
               Nous n'avions pas jugé à propos de signaler à nos lecteurs que nous avions eu entière satisfaction et nous ne l'aurions pas fait si des gestes analogues ne venaient de se produire dans le même bureau.

               En effet, notre correspondant de Constantine nous avait appris que la Direction du Département avait pris la sanction suivante qui est grave pour un fonctionnaire.
               "Le postier dont il s'agit. Et dont nous pourrions écrire le nom si nous n'avions un peu de charité, a été frappé d'un blâme avec inscription à son dossier et avisé, officiellement, qu'il serait déplacé d'office à la première récidive.

               Voici, maintenant, que grâce à la rage politique de certains fonctionnaires, un journal du soir, inutile d'indiquer lequel puisqu'il s'agit d'une indélicatesse, a été mis en possession des textes d'un coup de téléphone et d'un télégramme envoyés d'Alger, par un homme politique, à ses collaborateurs bônois.

               Nous avons connu la chose, simplement parce que ce journal a eu la stupidité de publier, notamment, le texte du coup de téléphone et le texte d'un télégramme.

               Naturellement, pour les besoins de sa polémique, le dit journal, conformément à ses habitudes, a truqué les deux textes, notamment en jouant sur la ponctuation et leur a donné un sens contraire à ce qui avait été dit et télégraphié. Mais ceci importe peu.

               Ce qui importe c'est que les destinataires interrogés par nous, reconnaissent que le coup de téléphone et le télégramme ont existé. Et voilà qui est particulièrement grave. Si le journal du soir a eu connaissance des textes c'est que des fonctionnaires les ont communiqué et que décidément, ils comprennent leurs devoirs professionnels d'une manière odieuse.

               La population de cette ville, nos concitoyens, à quelque parti qu'ils appartiennent, trouveront, comme nous, qu'il est intolérable de penser qu'à Bône, on ne peut plus envoyer ou recevoir une correspondance sans que son contenu soit violé, répandu, divulgué dans des buts inavouables et pour satisfaire les passions honteuses de certains politiciens qui ne reculent devant aucun moyen même les plus crapuleux.

               L'Administration sait que nous ne parlons qu'avec mesure et après nous être assurés personnellement de la sincérité de nos révélations. Nous espérons que la Direction de Constantine voudra bien, comme elle l'a fait pour le premier postier, procéder à une enquête poussée à fond et punir de la façon la plus sévère les fonctionnaires qui se livrent à des semblables agissements.

               Il y a quelque chose de pourri à la Poste de Bône. Nous sommes persuadés que le Directeur de Constantine et le Receveur de Bône et ses principaux collaborateurs nous débarrasseront de cette gangrène.

Rédaction de Bonjour.
 


NOTRE CUISINE

ACEP-ENSEMBLE N° 302- 2016

Gâteaux qui se font dans les familles spécialement à Noel en grande quantité et pour le partage.


ROSCOS A L'ANIS
                  
               INGREDIENTS :
         1 verre de vin blanc,
         1 verre de sucre,
         1 verre d'huile,
         1 poignée de grains d'anis,
         1 s de sucre vanillé,
         1 s de levure chimique.
         Environ 3/4 de farine, 1 jaune d'œuf.

               PREPARATION :
         Chauffer l'huile avec l'anis
         Dans un saladier mélanger le vin blanc, l'huile et les autres ingrédients
         Rajouter progressivement la farine jusqu'à obtention d'une pâte souple et non collante. Façonner des petits ronds. Les passer au jaune d'œuf
         Mettre sur plaque et cuire au four préalablement chauffé à 130/140 ° 0,50 h environ

BORACHUELOS

               INGREDIENTS :
         2 verres de vin blanc,
         1 verre d'huile, 1 verre de sucre,
         1 c à soupe de cannelle,
         2 s de sucre vanillé,
         2 s de levure chimique anisette espagnole/ rhum un tout petit verre de chaque,
         1 kg de farine environ.

         Mélanger le tout, verser la farine en dernier progressivement jusqu'à obtention d'une pâte souple non collante faire des petits ronds
         Faire frire et saupoudrer de sucre

    


Une histoire de l'Algérie par un instituteur
Envoyé par M. Christian Graille

                 On nous a communiqué la préface d'une histoire de l'Algérie qui doit être publiée prochainement. Cette préface nous parait être de patriotisme et c'est pour ce motif que nous l'analysons en en donnant des extraits.

                 L'auteur un membre de l'enseignement, commence par rappeler l'expansion coloniale française au siècle dernier, avant le traité de Paris, puis il montre que nous avons acquis au XIXe siècle, de riches domaines en Afrique et en Asie et pourtant l'émigration de nos nationaux se dirige vers des pays où l'on ne parle pas notre langue.
                 Cependant dit-il : " Par delà la mer bleue à 24 heures de Marseille depuis le 14 juin 1830, une jeune terre s'offre aux émigrants français.
                 Pourquoi nos émigrants ne viennent-ils pas en Algérie ?
                 Quelques heures d'une navigation aisée les porteraient au but.
                 Du pont du navire, dès la pleine mer, ils verraient Alger : fêtant leur arrivée captivant leurs yeux de l'éblouissante blancheur de ses maisons de la profondeur azurée de son ciel de l'élégance coquette des collines où elle s'appuie.

                 Sur le quai, le doux parler de France viendrait enchanter leurs oreilles et faire vibrer leurs cœurs de patriote. Ils retrouveraient en Algérie les vieilles habitudes françaises un peu moins étroites ...
                 L'étranger ici balbutie notre langue il s'honore d'employer le parler officiel : du gouvernement, de la justice, des écoles. L'Algérie donne à ses enfants l'éducation française.
                 L'Espagnol, colonisateur élevait d'abord une église ;
                 l'Anglais s'empresse de bâtir un dépôt biblique
                 les Français fondent maintenant des écoles. ....

                 L'émigrant venant de France en Algérie conserve donc à ses enfants l'éducation française. Il leur conserve aussi : le même drapeau. Les mêmes institutions, la même justice .... Il n'est donc pas dépaysé.

                 Aussi, je ne sais quel vent de folie pousse nos nationaux vers l'Amérique de Sud .... L'Algérie est-elle moins féconde ? Elle est la fécondité même.
                 Le climat algérien serait-il moins salubre ? Deux générations de colons sont tombées, fauchées en d'héroïques travaux pour l'assainissement du sol !

                 L'auteur fait ressortir ensuite que l'Algérie, pays montagneux, se prête aux cultures les plus diverses.
                 Peut-être trop optimiste. Il dit que notre colonie très fertile offre une viabilité développée pour transporter les moissons qu'elle fournit.
                 Il passe aux diverses races qui peuplent l'Algérie, et loue fort les Kabyles. " Ils sont blonds, dit-il, châtains ; ils habitent les montagnes, et comme la montagne domine en Algérie, les Berbères y prédominent aussi.
                 Ils sont laborieux et viennent faucher moissonner, façonner les vignes, vendanger sous la direction des colons.
                 Ces Auvergnats de l'Algérie sont de précieux aides pour nos cultivateurs.
                 Il est moins tendre pour les Israélites et se plaint que les colporteurs de cette nation ne vendent pas à prix fixe et trompent sur la qualité, mais ajoute - t-il :

                 L'utilité est grande d'avoir à point ce qui est indispensable quand on ne peut se déplacer sans inconvénient ; l'Algérienne, sans illusion d'ailleurs, sait apprécier à leur juste valeur les services du colporteur israélite. "
                 L'Algérie est une autre Provence pour l'émigrant français, poursuit l'historien, mais elle n'a pas toujours été ainsi.

                 Les Turcs, écumeurs de mer et coupeurs de têtes, y étaient avant nous ; les Arabes et les Romains les avaient précédés.

                 Les Romains grands bâtisseurs avaient triomphé des Carthaginois : agriculteurs commerçants et navigateurs.
                 On le voit, termine l'auteur, ces dominations furent peu stables.
                 Qu'adviendra-t-il de la nôtre ? Elle sera éternelle.
                 Elle implante en Afrique la doctrine française des droits et des devoirs de l'homme et du citoyen. Les œuvres de cette nature sont immortelles.
                 Nos lecteurs nous en voudront-ils de leur avoir fait part de cette réconfortante et patriotique préface ?

Musis. Les Annales algériennes et tunisiennes (18-09-1892)


Au soleil
Envoyé par M. Christian Graille
Depuis ces quatre mois de brouillards et de neige
De pluie et de verglas, ah ! Je comprends pourquoi,
L'hiver disparaissant avec son blanc cortège,
L'homme ait courbé son front, ô soleil devant toi !

Lorsque tes flèches d'or perçaient, archer céleste,
Les lourds nuages noirs tendus le long des cieux,
Comme le vent passait, le vent chassait le reste,
Et l'homme t'adorait, car les cieux étaient bleus.

Ah ! C'est que l'homme alors n'avait pour se défendre,
Des aiguilles du froid qui lui piquaient les chairs,
Que l'antre des forêts où, fier allait se rendre,
Aussi, lui, le lion aux poils roux, aux yeux clairs.

Et là, dans le silence implacable de l'antre
Et sous sa voûte obscure ils se livraient combats
Le lion attendait, allongé sur le ventre
L'homme qui, pour lutter, n'avait que ses deux bras

Oh ! Sombres jours vécus par notre grand ancêtre !
Qui saura les tourments, qui saura les terreurs
Qui durent secouer les fibres de son être
Dans ces luttes sans fin pour ses enfants en pleurs ?

Qui le saura jamais : cependant sur la plaine
Il voit tomber la neige et tisser un linceul
Et les plaintives voix de la forêt lointaine,
Arrivant jusqu'à lui, lui dise qu'il est seul.

Seul avec un ciel gris, vide et sans espérance,
Mais lorsque sur le mont qui devenait vermeil,
L'aurore aux pieds légers jeune comme l'enfance
Et comme elle, rieuse, annonçait le soleil.

L'homme, alors, reprenait sa force et son courage
Et, levant son regard vers le soleil en feu,
Il allait, plus joyeux reprendre son ouvrage :
Il sentait qu'il était en présence d'un Dieu.

Or dimanche dernier, en te voyant paraître
Après ces quatre mois que nous ne t'avions vu
O soleil ! j'ai senti le sang de mon ancêtre
Me refluer au cœur et je t'ai dit : Salut !
Bonneli. Les clochettes algériennes et tunisiennes (29-03-1903)


Bel-Abbès, le 4 août 1885
Envoyé par M. Christian Graille
Distribution des prix
à l'école communale des filles

                 Mardi, 31 juillet, à cinq heures 1/2 du soir, a eu lieu la distribution des prix aux élèves de l'Ecole dirigée par Mlle de Saint-Romain.
                 L'excellente musique de la Légion, toujours dévouée avait bien voulu prêter son gracieux concours à cette cérémonie, organisée avec un goût parfait et digne de tous les éloges.
                 Le cadre de notre journal ne nous permettant pas de donner un compte-rendu aussi complet que nous l'aurions voulu, nous ne retiendrons, de cette fête, que les traits principaux : Tout d'abord, notons le dialogue des bassins de la France parfaitement dit par six charmantes jeunes filles :
                 Mlles. Akriche, Cadiergues, Prévost, L. Nahon, Durand et Abécassis.

                 Puis l'allocution de Mlle De Saint-Romain que nous avons tenu à reproduire dans son entier :
                 Mesdames, Messieurs Chères Elèves !
                 " S'il est vrai que la bouche " doive parler de l'abondance du cœur " c'est, surtout, lorsque comme le nôtre, en ce moment, le cœur déborde de reconnaissance, ce sentiment si noble si naturel dont il m'est doux de vous offrir le sincère hommage.
                 A vous, premier Magistrat de la cité de Bel-Abbès, jalouse de donner à ses enfants les bienfaits inappréciables de l'instruction et qui avez bien voulu honorer de votre présence la cérémonie ayant pour but de mettre en lumière et de récompenser les efforts généreux de ceux-ci.
                 A vous pères et mères dévoués des chers enfants confiés à nos soins, qui avez su comprendre qu'après les avoir incités : au travail ; à l'amour du bien ; à la lutte contre l'ignorance, il était juste que vous vinssiez applaudir à leur triomphe pour en doubler le prix.
                 A vous tous, enfin, qui, désireux de constater les progrès de l'instruction partout où ils se révèlent, avez bien voulu assister à notre petite fête de famille.

                 Oui, c'est dans les preuves que vous donnez de votre intérêt à la science ; c'est dans les efforts et les sacrifices constants que vous vous imposez pour prodiguer à vos enfants une instruction physique intellectuelle et morale qui puisse, alors que les difficultés de la vie se présenteront pour eux, les soutenir en leur donnant les armes nécessaires à leur défense : l'abnégation la vertu ; c'est, enfin, dans la complication de ce grand devoir qui vous incombe et auquel vous vous donnez entièrement que, nous aussi, faibles femmes, nous puisons, quels que soient les obstacles que nous rencontrons, l'énergie le dévouement les forces que réclame de nous la sublime tâche que nous avons l'honneur de partager avec vous : l'éducation et l'instruction de nos jeunes élèves, dont vous êtes les mères, de par nature, Mesdames, dont nous sommes, nous, les mères de par l'adoption.

                 Oui chers enfants ! Former vos cœurs former vos esprits vos cœurs, à la vertu vos esprits, à la science former vos esprits, à la science, voilà notre mission !
                 Voilà le but auquel, vous le savez, nous consacrons tout ce que nous avons de force : de zèle, de dévouement, de tendresse !

                 Mais seules, nous ne saurions y suffire ! Il nous faut votre propre concours et vainement, ferions-nous pour vous ce que feraient les meilleures des mères, si vous ne faisiez, pour nous, ce que feraient les meilleures des filles ; si vous ne répondiez à nos soins à nos enseignements par votre application par votre docilité. Demandez plutôt à vos excellents parents, venus ici pour assister à vos succès ?
                 Ou, mieux, rappelez-vous : leurs vœux, leur sollicitude, leurs sacrifices de chaque jour en vue de votre plus grand bien matériel actuel et moral !
                 Qu'ont-ils réclamé de vous en échange ?
                 De suivre leurs conseils, de pratiquer leurs leçons, d'imiter leurs exemples !

                 Et bien ! Nous aussi qui voulons être dignes du titre de " vos mères d'adoption " nous ne vous demandons rien de moins !
                 A cette condition seulement, nous pourrons remplir le noble mandat qu'ils nous ont confié : d'orner votre cœur de ces vertus civiques qui feront de vous des femmes des mères de famille commandant le respect et méritant l'affection de tous d'enrichir votre esprit de ces connaissances variées toujours, mais, aujourd'hui surtout, si utiles et si nuisibles, suivant qu'elles sont ou non appuyées sur des principes solides que, seuls peuvent donner l'amour filial l'amour de la patrie et parfumées de cette odeur de vraie et solide affection du prochain en tout temps et en tous lieux, si utile à tout et à tous !
                 Donc, chères enfants, application ! Docilité ! Voilà ce que nous attendons de vous ; ce à quoi vous ne faillirez pas, n'est-il pas vrai ? pendant les quelques instants de votre vie que vous cheminerez à nos côtés, sous notre égide.

                 Quant à vous, parents justement soucieux de l'avenir de vos enfants, vous aurez à cœur de nous faciliter notre tâche, en inculquant à ces âmes jeunes et généreuses, le respect de ces secondes mères de vos enfants oui, armées d'une douceur inaltérable, s'efforcent d'ouvrir à la vérité et leur intelligence et leur cœur ! Vous leur direz la reconnaissance l'amitié dues à celles qui vouent leur existence à la direction de leurs premiers pas ! Voilà ce que nous attendons de vous !
                 Il m'eût été agréable ici de vous rappeler un devoir que vous eussiez assurément rempli avec joie ; celui de vous rendre compte par vous-mêmes des progrès accomplis par vos enfants en examinant les travaux exécutés par eux dans le cours d'une année consacrée au travail ; devoir dans l'accomplissement vous eût appris, et les efforts des uns pour arriver à bien faire, et la valeur des procédés employés pour arriver au but.

                 Mais appelée depuis trop peu de temps à l'honneur de diriger cette école, et tous les travaux de nos jeunes élèves, qui eussent pu faire l'objet d'une exposition scolaire, remontant déjà à une époque éloignée, ayant été expulsés plusieurs fois, notamment à l'Exposition scolaire de Bel-Abbès, où le jury a gracieusement décerné à leur mérite une médaille d'argent, nous avons pensé inutile de les reproduire et cru devoir renvoyer à l'année prochaine ce complément de notre petite fête, auquel nous donnerons une extension toute nouvelle.

                 Je ne voudrais, du reste, pour rien au monde, retarder trop longtemps l'heure impatiemment attendue pour vous toutes, chères élèves, où vous devez recevoir le prix de vos travaux le témoignage de vos succès.
                 Et à cet égard, c'est à vous que je m'adresse, chères amies, qui avez triomphé du dernier obstacle, et que nous allons perdre, n'oubliez pas, malgré vos succès, que jusqu'à ce jour, vous n'avait appris qu'à apprendre, et que notre seule prétention est d'avoir placé entre vos mains l'instrument de votre bonheur : l'amour du travail.
                 Sachez-vous en servir, non pas pour rabaisser celles qui, moins heureuses que vous, n'auront pas su ou pu l'acquérir, mais au contraire, pour en partager avec elles les joies qu'il vous procurera, et alors vous aurez bien mérité de ceux qui, à un titre quelconque, auront travaillé à votre bonheur.

                 Quant à vous, chères enfants, qui nous reviendrez bientôt, revenez joyeuses et animées d'un zèle que nous puissions mettre à l'épreuve. Ce sera là le meilleur gage de votre affection, la meilleure preuve que nos efforts et notre peine n'auront pas été prodigués en vain.

                 Chacune des parties du programme de la fête était coupée par l'audition de brillants morceaux exécutés par la Légion avec ce goût exquis et cette harmonie qui lui ont valu cette légitime renommée si bien acquise.
                 Nous devons également signaler la chanson des fauvettes chantée avec beaucoup de sûreté et parfaitement nuancée.

                 Pourquoi faut-il qu'au milieu de cette réjouissance, de ce charmant concert, nous ayons à mêler une note discordante qui a jeté un certain froid sur la cérémonie ?
                 Nous voulons parler de l'incident qui s'est produit au moment de la lecture du palmarès : les adjointes refusant de prêter leur concours à la Directrice et prétextant, toutes, un motif peu sérieux pour se soustraire au devoir de lire, à haute voix, le nom des élèves récompensés.

                 Ce fait regrettable nous a causé une réelle surprise et nous avons voulu, alors en savoir plus long : de nos informations, il découle logiquement que Mlle de Saint-Romain rencontre, depuis longtemps dans ses adjointes, une opposition systématique, alors que ces dernières devraient, au contraire, être pour elle des auxiliaires précieux, pouvant la seconder utilement.
                 Cette situation n'est plus possible, et il serait nécessaire qu'on y mît un terme, d'une façon ou d'une autre ; l'Autorité Académique serait, du reste, saisie de la question. Nous devons à la vérité, cependant, de reconnaître, qu'après de nombreux pourparlers, une de ces demoiselles a bien voulu enfin se sacrifier ; nous lui en savons gré, car l'incident menaçait de tourner au ridicule.
                 Du palmarès nous n'avons retenu que les renseignements suivants :
                 Ont obtenu le brevet de capacité :
                 A la session du 6 mars 1883 : Mlles Marie Lloret, Lucie Vieillard.
                 A la session du 18 juin 1883 : Mlle Catherine Luciani.

L'Avenir de Bel-Abbès (04-08-1883)


VIEILLIR EN BEAUTÉ
Envoyé par Eliane
POEME DE FÉLIX LECLERC SUR LA VIEILLESSE.

         Vieillir en beauté, c'est vieillir avec son cœur;
         Sans remords, sans regret, sans regarder l'heure;
         Aller de l'avant, arrêter d'avoir peur;
         Car, à chaque âge, se rattache un bonheur.

         Vieillir en beauté, c'est vieillir avec son corps;
         Le garder sain en dedans, beau en dehors.
         Ne jamais abdiquer devant un effort.
         L'âge n'a rien à voir avec la mort.

         Vieillir en beauté, c'est donner un coup de pouce
         À ceux qui se sentent perdus dans la brousse,
         Qui ne croient plus que la vie peut être douce
         Et qu'il y a toujours quelqu'un à la rescousse.

         Vieillir en beauté, c'est vieillir positivement.
         Ne pas pleurer sur ses souvenirs d'antan.
         Être fier d'avoir les cheveux blancs,
         Car, pour être heureux, on a encore le temps.

         Vieillir en beauté, c'est vieillir avec amour,
         Savoir donner sans rien attendre en retour;
         Car, où que l'on soit, à l'aube du jour,
         Il y a quelqu'un à qui dire bonjour.

         Vieillir en beauté, c'est vieillir avec espoir;
         Être content de soi en se couchant le soir.
         Et lorsque viendra le point de non-recevoir,
         Se dire qu'au fond, ce n'est qu'un au revoir

NE REGRETTE PAS DE VIEILLIR.
C'EST UN PRIVILEGE REFUSÉ A BEAUCOUP !




La pêche du corail
Envoyé par M. Christian Graille

                 8 avril
                 C'est le dimanche de Pâques ; il fait un soleil superbe et un vent violent. La mer est très agitée et toutes les barques des corailleurs sont retirées très loin sur le sable. Elles font un singulier effet avec : leurs pavillons flottants, l'animation de leurs équipages, avec leurs mâts qui arrivent jusque sur la rue et sous lesquels il faut passer pour aller à la presqu'île.

                 Toutes les dames et les personnes en toilette qui reviennent de la messe militaire sont forcées de baisser la tête sous ces nombreux mâts qui portent des franges de cordages et des quantités de matelots perchés, se reposant, causant ou dormant.
                 Partout sur les barques et dans les intervalles qui restent entre elles flânent les Napolitains, oisifs et retenus au port par le temps. Ils sont en veste, en gilet, en pantalon de laine blanche, avec une ceinture rouge, de grandes bottes de marins à semelles de bois, et ils portent pour coiffure le gros bonnet national ou un béret à macaron rouge. Ils chiquent, ils causent ou ils fument.

                 9 et 10 avril
                 Le temps est beau et la mer calme est unie comme une glace. Les corailleurs se préparent pour la pêche et remettent leurs barques à flot.
                 Pour celles du premier rang, les plus rapprochées de la mer, deux hommes placent de grosses planches sous la quille, et le reste de l'équipage tourne et tire au cabestan sur une ancre placée en avant dans l'eau.
                 Mais pour celles qui sont loin dans le sable, les corailleurs s'aident tous réciproquement : ils attachent une longue corde à la barque et vingt à trente hommes tirent, en donnant des secousses et criant en même temps :
                 " A...ve, Ma ...ria ! "

                 Puis lorsque la lourde barque s'ébranle, se décale et glisse, ils tirent plus vite en récitant ensemble le reste de la prière.
                 Mais la barque ne va pas loin et, lorsqu'elle s'arrête, ils recommencent à donner des secousses en chantant encore en mesure leur Ave, Maria !
                 Quand l'embarcation arrive près de la mer, les corailleurs appuient ensemble et avec ensemble sur chacun des côtés, leur dos ; Puis en donnant des secousses et la balançant, ils la font caler sur les planches qu'ils glissent toujours dessous, même dans l'eau et lorsqu'elle part et plonge, les uns s'accrochent et remontent au mât, les autres reviennent à la nage ...

                 Les Napolitains sont forcés de faire cette rude manœuvre plusieurs fois par semaine, et chaque homme est payé à raison de 150 francs pour toute la saison de la pêche qui dure trois à quatre mois.
                 De plus ils se contentent pour nourriture : de leurs biscuits, de leurs macaronis et des provisions sèches qu'ils apportent de Naples : ce qui fait que bien que les corailleurs remplissent le port de La Calle de leurs barques et de leurs cris bruyants, ils ne sont d'aucun avantage pour la ville, car ils vivent, couchent, cuisinent et travaillent tous sur leurs barques.

                 Ces dernières montées par huit ou dix hommes chacune, ont la forme de gondoles avec une étrave très élevée sur la proue et supportant une grosse boule peinte en bleu ou en blanc sur laquelle est écrit leur nom.
                 Une fois à flot, elles sortent du port à la rame et déroulent leurs deux voiles latines, dont la grande tient au mât du milieu par une longue antenne et la petite au beaupré (mât majeur d'un voilier).
                 Les corailleurs vont en mer à la distance qu'ils veulent et pêchent jusqu'à une profondeur de 80 mètres le corail qui se trouve sur toute la côte. Pour cela : ils assemblent deux travons en bois ; ils les chargent avec un gros morceau de pierre ou de plomb qu'ils placent au milieu pour les faire aller à fond ; ils entourent de gros chanvres ces travons qui ont aussi à chaque bout un filet en forme de bourse, et ils les attachent à deux cordes, dont l'une tient à la proue et l'autre à la poupe de leur barque.

                 Ensuite ils laissent aller cet engin au courant et au fond de l'eau, afin qu'il s'accroche sous les avances des rochers.
                 Par ce moyen le chanvre s'entortille autour des branches de corail qui y restent attachées lorsque l'on retire le tout à bord à l'aide du cabestan ; cabestan autour duquel les Napolitains tournent, sans se fatiguer de ce travail monotone, qui dure sans relâche pendant plusieurs jours et plusieurs nuits ; enfin tant qu'ils ont des provisions en une bonne mer.

                 Ils sont surveillés par un brick de l'État qui circule autour de leurs barques et les visite de temps à autre pour s'assurer qu'on n'emploie pas des crochets ou des engins de fer qui sont expressément défendus, parce qu'ils arrachent le corail avec les éclats du rocher qui leur servent de base.
                 On sait que le corail ressemble à un arbrisseau rouge dépouillé de ses feuilles ; on le trouve collé fortement : sur la surface des rochers dans les antres de la mer, et toujours les branches en bas.
                 Cependant ce n'est nullement un arbrisseau de mer pétrifié, comme l'on pourrait croire, c'est d'un polypier : d'une substance dure et compacte, entièrement massive, pleine et solide, sans aucun trou ni porosité et il se forme comme les coquilles et les madrépores. Les polypes sont des vers blancs, mous, un peu transparents, ayant des bras qui se présentent sous la forme d'une étoile à huit rayons ; ces petits bras ainsi étendus servent au polype pour saisir sa proie.

                 Tout ceci ne peut s'observer que dans le corail récemment pêché et tenu dans l'eau de mer ; car au moindre mouvement les polypes se contractent par un jeu semblable à celui des cornes de limaçons et ils se replient dans leurs cellules.
                 Ces polypes se multiplient par des œufs extrêmement petits qui se détachent par les côtés de l'animal et la mollesse de leur consistance les fait adhérer aux corps sur lesquels ils tombent.
                 Tant que cette première cellule ou cet œuf de polype est encore fermé, tout y est dans un état de mollesse, mais lorsqu'il s'est ouvert, on commence à y remarquer quelques petites lames dures, qui, prennent peu à peu la consistance du corail.
                 A mesure qu'il croît, c'est que les polypes se multiplient et il se forme de nouvelles ramifications ; et à mesure que les polypes abandonnent leur première habitation, le corail acquiert de la grosseur, de la dureté, de la pesanteur.

                 Les petits tubes qui forment l'enveloppe extérieure du corail sont de couleur jaunâtre ; ils ne sont point solides comme ceux qui sont en dedans : on les trouve plein d'une matière laiteuse qui est le corps tendre des polypes.
                 Cette espèce d'écorce : on met le corail dans du vinaigre ou dans de l'esprit de nitre, on le polit avec du blanc d'œuf et de l'émeri pour le sculpter ensuite et en faire des parures.
                 Il y en a aussi du blanc, dont les rameaux sont arrondis, lisses, tortueux et entrelacés les uns dans les autres.

                 Lorsque les barques de corailleurs rentrent au port, chacun d'elles dépose le produit de sa pêche à la douane, ou il est enfermé et conservé dans des cases particulières jusqu'à la fin de la saison.
                 La plus grande hauteur des tiges de corail est d'un pied à un pied et demi, sa grosseur d'un pouce et au-dessous, et il ne s'en vent aucun morceau en France avant d'avoir été porté et choisi à Naples.

                 J'ai déjà dit que chaque barque napolitaine payait 800 francs au gouvernement français pour tout droit ; j'ajouterai que la pêche moyenne ici s'élève à 200 kilos de corail par bateau, lequel se vend à raison de 60, 70, 80, 100 et même quelquefois 140 francs le kilo : ce qui fait que les cent barques napolitaines nous donnent chaque année 80.000 francs et nous enlèvent environ pour 1.600.000 francs de corail.
C. Carteron. Voyage en Algérie. (1866)



L'Algérie, reine du tourisme
Envoyé par M. Christian Graille

                 Aujourd'hui le tourisme a créé en France une industrie productive qui était autrefois le monopole de nos voisins et amis les Suisses ou les Italiens.
                 En Algérie l'intérêt du tourisme est évident à plusieurs points de vue : à côté des profits que réalisent tous ceux qui vivent du voyageur, il y a pour notre grande colonie un moyen de montrer aux capitalistes de tous pays quels magnifiques résultats nous avons obtenu de l'autre côté de la Méditerranée.
                 Souvent le touriste est séduit, au cours de son voyage, par : tel site, tel aspect original de la vie indigène, tels vestiges des civilisations passées et aussi par l'effort qui a été réalisé par la transformation économique des régions qu'il traverse.

                 Beaucoup de voyageurs, beaucoup de passants ont été conquis par le charme inexprimable que dégage la vie algérienne ; ils se sont définitivement fixés en Algérie, y apportant leur intelligence et leurs capitaux et aidant ainsi à la mise en valeur de toutes les richesses de la colonie. Au point de vue des races, l'intérêt n'est pas moins vif.
                 Le tourisme n'est-il pas un moyen de mettre en présence l'esprit musulman et l'esprit européen, et de les faire s'apprécier ?

                 Peu à peu, l'Algérie est mieux connue. Maintenant ce ne sont pas seulement : les paysages kabyles, les oasis des Territoires du Sud, les ruines classiques de Timgad qui attirent le touriste...
                 Même l'Aurès s'ouvre au flot touristique et les ruines fameuses de Djemila, l'antique Cuicul dont la mise à jour est poussée activement, deviennent le point de mire de nos grandes entreprises de voyages.

                 On dit que l'Algérie était le premier studio du monde, on a répété qu'elle était la reine du tourisme : rien n'est plus exact.
                 De tout notre empire colonial : l'Algérie est le pur joyau, la terre de prédilection des artistes et des rêveurs.
                 Qui ne connaît : la majesté de ses forêts de cèdres millénaires, la splendeur de ses nuits argentées, le mystère de ses oasis enchantés, ne peut s'imaginer : tout le charme, tout l'imprévu, toute la poésie qui se dégagent de cet admirable pays.

                 L'Algérie possède des sites remarquables : au pittoresque des régions montagneuses, elle joint la beauté de son littoral qui est l'égal de notre Côte d'Azur et la splendeur de ses magnifiques oasis.

                 Des vestiges imposants de l'occupation romaine se retrouvent sous tout son territoire : Les fameuses ruines de Timgad, de Lambèse, de Tébessa, de Khamissa, de Djemila, de Tipaza ou de Cherchell ont pour le touriste ou l'archéologue un intérêt aussi considérable que celles de Pompéi.
                 Ces merveilles sont encore trop méconnues ; l'Algérie offre cependant aux touristes les multiples ressources d'une large hospitalité.

                 Ses routes bien entretenues permettent des randonnées faciles en automobile ses chemins de fer valent ceux de la Métropole.

                 Dans toutes les grandes villes ou centres touristiques des hôtels confortables et modernes accueillent les voyageurs. Les trésors touristiques abondent en Algérie. Qu'il nous suffise de citer dans la province d'Oran : la ville arabe de Tlemcen l'ancienne capitale du Maghreb et du royaume des Abd-el-Ouadit, curieuse par ses mosquées, par ses monuments nombreux, vestiges de sa prospérité passée, le port de Mostaganem qui a conservé tout son cachet arabe, les palmeraies superbes de Figuig et de Colomb-Béchar.

                 Dans la province d'Alger : l'impressionnante oasis de Bou-Saâda, la grande Kabylie avec ses populations originales, les ruines romaines de Tipaza et de Cherchell, les gorges de La Chiffa, la merveilleuse forêt de cèdres de Teniet-el-Haad, la mer d'alfa à Djelfa, enfin, au-delà, dans l'extrême Sud, l'oasis du M'Zab, unique au monde avec ses cinq cités confédérées groupées autour de Ghardaïa.

                 Dans la province de Constantine : les célèbres gorges de Chabet-el Akra, une des merveilles de l'Algérie la corniche impressionnante de Djidjelli, les gorges du Rhummel avec la ville de Constantine perchée sur un rocher à pic au-dessus du gouffre, les ruines romaines de Lambèse, de Timgad au pied de l'Aurès, ville détruite au VIIe siècle par l'invasion arabe, la célèbre oasis de Biskra, reine des Zibans, les palmeraies du Souf avec la ville aux mille coupoles d'El-Oued, l'oasis de Touggourt, la cité parmi les sables et plus au Sud encore cette ville saharienne d'El-Goléa qui est bien la cité la plus nostalgique et la plus prenante de cette Afrique mystérieuse.

                 L'Algérie laisse à ceux qui la visitent l'impression réconfortante d'une terre de beauté et d'originalité où les contrastes les plus violents se mêlent agréablement aux jouissances artistiques les plus raffinées.
                 La nature, les hommes et la vie, par leurs oppositions et leurs curieuses transitions y forment un ensemble qui est pour le voyageur le spectacle le plus attachant et le plus original qui se puisse concevoir.
                 Toutes les variétés de races : Berbères, Maures, descendants de barbaresques, juifs que l'on croirait sortis des vieilles ruelles de Jérusalem, sahariens, touaregs évoluent dans les décors plein de lumière et de poésie.

                 L'Algérie toujours pittoresque, offre aux touristes ; des curiosités naturelles absolument uniques, des richesses historiques ou ethnographiques d'une valeur incomparable. Aussi n'est-il pas étonnant que le mouvement touristique se développe chaque année un peu plus, donnant à cette nouvelle France un essor économique indéniable.
                 Comme on comprend bien ceux qui viennent chercher sur cette terre algérienne des impressions originales et violentes et qui aspirent ; à un climat plus clément, à un ciel plus pur à un soleil plus généreux !
                 L'Algérie prodigue tout cela avec une générosité sans limites.
Félix Falk. L'Algérie illustrée (avril-juin 1932)


Un mari assassin
Envoyé par M. Christian Graille
Fait divers

                 Samedi matin, vers sept heures et demie, la rue Uder était mise en émoi ; une agitation extraordinaire y régnait. Les bruits les plus divers circulaient et on parlait de plusieurs personnes tuées.
                 La vérité, bien que tragique, était heureusement plus simple.
                 Le drame qui venait de se dérouler au numéro 4 de cette rue avait en effet fait une malheureuse victime, et les coups de revolver qui avaient été tirés, avait vite réuni une foule très nombreuse.
                 Voici ce qui venait de se passer.
                 Depuis quelque temps déjà, le ménage Braka ne vivait plus dans une bien parfaite intelligence. Des querelles fréquentes et violentes avaient lieu entre les époux. Les voisins souvent avaient même été obligés d'intervenir pour que ces scènes n'eussent une mauvaise suite.

                  Agé de trente ans Braka, qui est d'origine Tripolitaine, exerçait la profession de menuisier et travaillait rue de Jérusalem. La victime, Louise Bouzaclou, âgée de vingt-trois ans, avait depuis quelques jours abandonné son mari à la suite de mauvais traitements qu'il lui faisait subir, et s'était retirée avec son enfant chez une personne amie.
                 Louise était revenue néanmoins au domicile conjugal sur la prière de celui-ci qui devait être son meurtrier et qui l'avait supplié de lui ramener l'enfant.
                 Une nouvelle discussion ne tardait pas à s'élever dans le ménage et c'est alors qu'avant-hier matin, au paroxysme de la rage et de la colère, Braka, saisissant son revolver, le déchargea six fois sur sa compagne.
                 Quatre projectiles atteignirent l'infortunée ; une balle qui toucha le cœur foudroya la malheureuse qui expirait deux minutes après, sans avoir pu prononcer une seule parole.
                 Le meurtrier fut mis immédiatement en état d'arrestation.
                 Ce drame dont on ne connaît pas bien exactement la cause intime, mais qu'il faut attribuer à la jalousie, a produit dans tout le quartier une pénible émotion et a fait toute la journée l'objet des commentaires du public.

Le Républicain de Bône (06-07-1908)


Non aux idéologies modernes destructrices de nos valeurs
De Hugues Jolivet


       Il paraîtrait que les « anciens » ont détruit la planète !
         Quelques grossièretés, mais beaucoup de vérités


         On lavait les couches des bébés.
         On faisait sécher les vêtements dehors sur une corde
         On avait un réveil qu'on remontait le soir.

         Dans la cuisine, on s'activait pour préparer les repas ; on ne disposait pas de tous ces gadgets électriques spécialisés pour tout préparer sans efforts et qui bouffent des watts autant qu'EDF en produit.
         Quand on emballait des éléments fragiles à envoyer par la poste, on utilisait comme rembourrage du papier journal ou de la ouate, dans des boites ayant déjà servi, pas des bulles en mousse de polystyrène ou en plastique.
         On n'avait pas de tondeuses à essence autopropulsées ou auto-portées :
         On utilisait l'huile de coude pour tondre le gazon.
         On travaillait physiquement ; on n'avait pas besoin d'aller dans un club de gym pour courir sur des tapis roulants qui fonctionnent à l'électricité.

         Mais, c'est vrai, on ne connaissait pas le mouvement écologiste.
         On buvait de l'eau à la fontaine quand on avait soif.On n'utilisait pas de tasses ou de bouteilles en plastique à jeter.
         On remplissait les stylos dans une bouteille d'encre au lieu d'acheter un nouveau stylo.
         On remplaçait les lames de rasoir au lieu de jeter le rasoir entier après quelques utilisations.

         Mais, c'est vrai, on ne connaissait pas le mouvement écologiste.
         Les gens prenaient le bus, le métro, le train et les enfants se rendaient à l'école à vélo ou à pied au lieu d'utiliser la voiture familiale et maman comme un service de taxi 24 H sur 24.
         Les enfants gardaient le même cartable durant plusieurs années, les cahiers continuaient d'une année sur l'autre, les crayons de couleurs, gommes, taille- crayon et autres accessoires duraient tant qu'ils pouvaient, pas un cartable tous les ans et des cahiers jetés fin juin, de nouveaux crayons et gommes avec un nouveau slogan !.

         Mais, c'est vrai, on ne connaissait pas le mouvement écologique !
         On n'avait qu'une prise de courant par pièce, et pas de bande multiprises pour alimenter toute la panoplie des accessoires électriques indispensables aux jeunes d'aujourd'hui.
         ALORS VIENS PAS ME FAIRE CH..r AVEC TON MOUVEMENT ÉCOLOGISTE !
         Tout ce qu'on regrette, c'est de ne pas avoir eu assez tôt la pilule, pour éviter d'engendrer la génération des jeunes cons, qui s'imaginent avoir tout inventé, à commencer par le travail, qui ne savent pas écrire 10 lignes sans faire 20 fautes d'orthographe , qui n'ont jamais ouvert un bouquin autre que des bandes dessinées, qui ne savent pas qui a écrit le Boléro de Ravel (pensent même que c'est un grand couturier), qui ne savent pas mieux où passe le Danube quand on leur propose Vienne ou Athènes, etc. Mais qui croient tout de même pouvoir donner des leçons aux autres, du haut de leur ignorance crasse !
         M...e à la fin !
         Merci de ne pas imprimer ce texte afin de préserver l'environnement.
         Mais ne vous privez pas de faire suivre ! !
         (Ah ! ça défoule ...)
Hugues Jolivet         
Le 21 Décembre 2022          





Le rire
Envoyé par M. Christian Graille

                 Comme le sanglot, le rire est la conséquence de contractions spasmodiques et involontaires du diaphragme. Il se traduit par un bruit particulier, dû à la résonance des cordes vocales, et par une série d'expirations plus ou moins prolongées qui succèdent à une courte aspiration.
                 Ainsi c'est par le même mécanisme que s'expriment ces deux sentiments si opposés en appartenance et pourtant si voisins l'un de l'autre, la joie et la douleur.

                 Le rire est toujours accompagné de contractions des muscles de la face. Dans le rire bruyant, les lèvres de la glotte rendent un son à peu près semblable à celui de la voix ; dans le rire modéré, au contraire, le voile du palais vibre seul et les cordes vocales ne produisent aucune résonance.
                 Quant au sourire qui n'est que l'expression d'un sentiment de gaîté, d'une pensée fine il est presque toujours volontaire et ne se manifeste que par un léger mouvement des lèvres sans intervention aucune des phénomènes de la respiration.

                 Esquissé plutôt que dessiné, il ne détermine qu'une faible contraction musculaire.
                 C'est dit-on, l'apanage des délicats et des gens d'esprit. En somme, le rire est une excitation nerveuse, plus ou moins intense, généralement due à une disposition mentale dont les causes sont souvent tout à fait opposées, et qui peut être motivée, soit par une joie vive, soit par un spectacle étrange, ou bien encore par une surexcitation physique.

                 Ainsi on rit en entendant un comique dire une chansonnette ou un monologue, en voyant un clown bouffon et agile et même en regardant tomber quelqu'un, non à la pensée qu'il a pu se faire mal, bien que La Rochefoucauld ait dit "qu'il y a dans le malheur de nos meilleurs amis quelque chose qui ne nous déplaît pas " mais parce que dans sa chute la victime a pu prendre une position plus ou moins grotesque.

                 Enfin le rire peut être causé par l'inhalation du protoxyde d'azote que Davy a dénommé gaz hilarant pour la propriété qu'il possède de provoquer, par action réflexe, les contractions du diaphragme et les autres phénomènes physiologiques qui en sont la conséquence.
                 Un effet analogue est encore produit par une crise hystérique ou un chatouillement forcé, lequel devient à la longue une souffrance et peut déterminer la mort.
                 Une chute sur le sommet de la tête peut aussi provoquer un rire compulsif, car l'on a vu un maladroit qui, chaque fois qu'il tombait de cheval, parait d'un grand éclat de rire.
                 Les gens : froids, sérieux, pondérés, accoutumés à ne s'étonner de rien, rient très rarement.

                 Il en est même qui ne rient jamais et parmi ceux-ci il convient de citer les Weddas que le rire d'un autre homme met dans une violente colère.
                 Ces êtres étranges, au nombre de trois cents au plus, forment une peuplade reléguée dans les jungles de Ceylan et n'ont, depuis plusieurs siècles, aucun rapport avec les autres hommes.
                 Bien certainement ces aborigènes derniers survivants de civilisations disparues ont dû passer par des états d'âme exceptionnels.
                 Le rire disent Rabelais et Lord Chesterfield est " le propre de l'homme ".
                 On n'a jamais, en effet, observé semblable manifestation de joie chez les animaux, tandis qu'elle se traduit quelquefois même chez le nouveau-né.
                 Schelhamer cite un jeune garçon, trouvé dans les bois à l'état de sauvage, qui riait, mais ne parlait pas.

                 L'expression " mourir de rire " généralement prise au figuré, peut aussi l'être au propre.
                 Un rire prolongé outre mesure peut devenir fatal, surtout chez un enfant et chez un vieillard, en déterminant la rupture d'un vaisseau. Le cas est fort rare, il est vrai, mais il s'est néanmoins présenté.
                 On raconte que Chrysippe (philosophe grec) mourut de rire à l'idée d'un âne invité à un banquet, et que la mort du Pope eut pour cause la vue d'une tiare posée sur la tête d'un singe.
                 En revanche Erasme dut la vie à un éclat de rire qui fit percer un abcès qu'il avait à la gorge et qui l'aurait certainement emporté.

                 Quoiqu'il en soit le rire modéré est hygiénique ; il dénote une heureuse disposition de l'âme et un état de santé en général satisfaisant.
                 Au contraire le rire fréquent et sans cause réelle est souvent un symptôme de bêtise et jamais un individu qui " s'esclaffe " à tout propos n'a passé et ne passera pour un être intelligent ou spirituel.
                 Sans " se tordre de rire ", comme on dit vulgairement, il est bon d'être gai et de rire de bon cœur chaque fois que l'occasion s'en présente.

                 Cette manifestation de l'état de notre âme procure, en effet de l'apaisement à notre système nerveux rétablit son équilibre et prouve que nous sommes, à ce moment-là du moins, aussi saint de corps que d'esprit.

Alfred de Vaulabelle. Les clochettes algériennes et tunisiennes (25-05-1902)


Au square
Envoyé par M. Christian Graille

          Oui, je le sais, je suis un gueux, un misérable.
           Mais je sais encore mieux que je tire le diable
           Constamment par la queue, étant, hélas ! de ceux
           Que le sort mit au jour pour être malheureux.
           Sur ce chapitre là je pourrais bien écrit,
           S'il m'en prenait l'envie, une longue satire,
           Mais à quoi bon ? Le sort me traiterait de sot.
           Et pour me disculper que lui dirais-je ? Mot.
           Moins heureux que Garo discourant sur ces choses
           Si j'en sens les effets je n'en vois pas les causes.
           Et puis ce n'est pas là le but de mon sujet
           Et quel est-il alors ? Nous y sommes. L'objet,
           Pour et contre mon humble esprit s'escrime,
           En dépit de Minerve et du lien de la rime,
           N'est pas bien loin d'ici, monsieur, c'est à deux pas.
           Et je n'ai nul besoin pour exposer mon cas,
           D'imiter ce bavard qui, plaidant chez le juge,
           Crut devoir, en parlant, remonter au déluge.
           Combien de députés l'égalant sur ce point
           Nous débitent encore son méchant baragouin !

           Bref ! Suffit, je m'entends. Je viens donc de vous dire
           Que j'étais, que je suis un gueux, un pauvre sire
           Errant par les chemins de tous les vents hantés
           Et qui sont pour cela du tout fréquentés ;
           Que mon orgueil, avec ma première chemise,
           A pris son vol, et n'ai plus rien que ma franchise.
           Ma franchise ! ... Croyez que ce n'est pas un bien
           Car dans ce cercle d'or elle ne sert à rien.
           A rien, entendez-vous, monsieur le Fantaisiste
           Flâneur qui, par loisir, tranchez du journaliste ?
           Et la preuve ? Voyez. C'est la morte saison
           C'est l'hiver, et l'hiver j'habite la maison
           De dépôt d'El-Harrouch. Or là, pour mon langage
           Rude et franc qui ne sent pas du tout le servage,
           Ce qui n'implique pas que je sois impoli,
           Je me suis vu, nouveau Diogène, proscrit
           De ce champêtre asile où je bravais la neige.
           O séjour fortuné ! Que le ciel te protège !
           Bien souvent, sous tes murs je me suis ri du temps
           De la brume des nuits et du baiser des vents.
           Aussi, quand j'ai quitté tes chauds calorifères
           J'ai senti se mouiller par des larmes amères
           Mes yeux qui, désormais, te chercheront en vain !
           Lors, je pris le bâton noueux du pèlerin
           Et je vins à Cirta, la ville des merveilles,
           Où la nuit on entend croasser les corneilles.

           Et gronder les flots bruns qui roulent à ses pieds.
           J'arrive donc, ici, chez vous, et je m'assieds,
           Brisé, moulu, rompu, sur un des bancs de pierre
           Que bordent les débris d'un âge séculaire
           Et que vos citoyens regardent, en passant
           Dans le jardin, avec un œil indifférent,
           J'étais assis et seul. Et seul, que peut-on faire
           Si ce n'est de songer aux choses de la terre ?
           ...le square était désert et le vent qui passait
           Tout en hurlant, disait des mots que j'entendais
           Fort bel et bien, monsieur, et ses plaintes émues,
           Chimène, qui l'eut dit ? s'adressaient aux statues
           Qui gardent et le jour et la nuit le bassin.
           Le vent monologuant tout comme Coquelin
           Leur disait : " Pourquoi donc me faîtes-vous la moue
           Quand je viens d'un baiser caresser votre joue ?
           Trouvez-vous, par hasard, mon baiser par trop froid ?
           Si mon baiser est froid est-ce ma faute à moi ?
           Je suis enfant du Nord et le Nord est de glace !
           Que n'êtes-vous, aussi, lorsque je vous enlace.

           Dans mes bras amoureux, recouvertes de fleurs ?
           Eh ! Pomone l'est bien, n'êtes-vous pas ses sœurs ?
           Je ne le sais que trop, las ! on vous abandonne.
           C'est lui, ce serviteur indigné de Pomone
           Qui n'a su, jusqu'ici, par d'élégants festons
           De jasmin et de lierre, ornée vos pâles fronts.
           Le lierre ignore-t-il qu'il est l'amant des marbres
           Alors que dans ses bras il étouffe les arbres ?
           Hé quoi ! ne disait-il pas que son feuillage épais
           Donne un charme de plus à vos divins attraits ?
           Oh ! comme avec l'amour, mes blanches mignonnettes,
           Le lierre grimperait pour couronner vos têtes
           Si votre noir gardien le plaçait près de vous !
           Mais non, il ne veut pas, le cruel, le jaloux,
           Qu'à vos bras mutilés, immobiles statues,
           De tresses de verdure, avec art suspendues,
           Se balancent au vent qui passe et qui vous mord.
           Vous me diriez plus que je suis un butor.

           Je vous plains ....
           .... Il disait encore bien des choses,
           Que l'on n'entend jamais qu'à la saison des roses
           Et qu'une femme écoute avec ravissement
           Quand elle est assise auprès de son amant.
           Mais moi qui ne suis pas amoureux, et pour cause
           Je me suis retiré de céans, je suppose
           Que vous ne pensez pas que pris de honte, oh ! non
           Car vous verriez plutôt rougir un vieux dragon
           Et je tombai d'un bond, ainsi qu'une gazelle
           Qui part comme un éclair dès qu'on s'approche d'elle,
           Dans un débit maltais où, prenant du papier
           Pour trois sols et pestant contre le jardinier
           Qui, pour ce, m'a privé de boire un second verre,
           J'ai composé ces vers dictés par la colère,
           Vous priant d'agréer, Monsieur l'heureux flâneur,
           Les salutations de votre serviteur.
          
Pour copie conforme : B. Bonnell.
Les Clochettes algériennes et tunisiennes ( 05-04-1903)


Echos Bel-Abbésiens
Envoyé par M. Christian Graille

                 Bel-Abbès a toujours fait les délices des baraques foraines ; nous avons vu se succéder dans nos murs : les chevaux de bois et le bagne ; nous avons vu le massacre des innocents, les trépieds élevés par quelque charlatan loquace, nous pouvons admirer encore, en ce moment autour du théâtre, dont ils sont les plus beaux ornements, et le kiosque glacier qui vient passer parmi nous la saison des chaleurs, alors que tant de nos concitoyens et concitoyennes s'apprêtent à les fuir en s'envolant vers des climats meilleurs et la fabrique en gros et en détails de beignets à l'huile, dont le moindre défaut est d'empester comme un simple bec de gaz de la Société Mora et Cie.

                 Mais ce que nous n'avions pas vu encore, et il fallait que ce progrès nous vienne de la patrie du très orthodoxe Alphonse XIII, c'est : cacahuètes, de toraïcos (pois chiches grillés), de castanas calientes (châtaignes chaudes) et d'autres produits ejusdem farioa (même farine) qui, montée fièrement sur ses trois roues et coiffée d'un vaste tuyau de poêle d'où s'échappe des torrents d'une fumée âcre et épaisse, se promènent paisiblement dans les rues et sur les places de la ville effrayant les chevaux, forçant les habitants à fermer portes et fenêtres ou à chercher leur salut dans la fuite.

                 Nous comprenons jusqu'à un certain point qu'il est excessivement agréable pour quelques Espagnols de grignoter des douzaines de cacahuètes sortant fraîchement du four et de chiper une poignée de tiède farine de châtaigne et d'arroser, le tout d'un cran d'aguardiente (eau-de-vie de vin) ; mais c'est que cette diable de machine, qui lui procure ces douces jouissances n'est pas précisément alimenté avec du bois de rose ou de l'encens.
                 Se fondant sur ce que la Compagnie du gaz fait du gaz avec de vieux chiens ou des mulets crevés, le propriétaire de la machine en question use, de préférence au charbon, ce détritus qu'il trouve sur son chemin et parmi lesquels se glisse, de temps à autre, une vieille paire d'espadrilles.

                 C'est ce qui nous met dans la cruelle nécessité de supplier la Municipalité ou de lui faire éteindre ses fourneaux de l'envoyer exercer à la Calle del sol.

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                 Nous revenons aujourd'hui sur l'affaire de Tirenat, des détails nous étant parvenus à ce sujet :
                 Un indigène du douar Tirenat dormait paisiblement sous sa tente quand soudain il fut réveillé par un bruit insolite ; il était à peine sorti de son engourdissement qu'il se trouvait aussitôt en présence d'un de ses coreligionnaires armé en guerre.
                 Une lutte s'ensuivit dans laquelle le malfaiteur eut le dessus ; son adversaire avait été blessé d'un coup de sabre.
                 Mais l'alarme avait été donnée ; le voleur et un compagnon qui l'attendait dehors, furent poursuivis par des gens du douar.
                 L'un de ces derniers, gardien des récoltes, enfourcha sa monture et rejoignit un fuyard lequel faisait volte-face mit son ennemi en joue.
                 Il n'eut pas le temps de faire feu ; Un premier coup tiré par celui qui lui donnait la chasse l'atteignit à la jambe ; un second coup dans le dos, l'achevait bientôt.
                 Le bandit était porteur : d'un fusil, d'un sabre, d'un yatagan et d'une cartouchière arabe.
                 M. le Juge d'Instruction a reconnu, dans le cadavre de cet indigène, un client de la Justice qui exerçait la profession de voleur de récolte. Un de moins !

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                 Monsieur le Ministre de la Guerre a décidé que les israélites indigènes de la classe 1882, compris dans la première partie de la liste de recrutement et affectés à l'arme de l'infanterie, devront être dirigés sur les corps ci-après désignés, savoir : 3e Régiment d'infanterie de Marseille
                 12e id., à Perpignan
                 15e id. , à Castelnaudary
                 17e id. , à Béziers.
                 61e id. , à Toulon
                 100e id. , à Perpignan
                 11e id. , à Nice
                 112e id. , à Aix.

                 Quant à ceux des israélites indigènes qu'il y aurait lieu d'affecter, soit à l'arme de cavalerie soit à celle de l'artillerie, ils seront dirigés sur un des corps de ces deux armes désignées ci-après :
                 4e régiment de hussards à Marseille
                 26e régiment d'artillerie à Nîmes.
                 Ce n'est que pour ces corps que les jeunes israélites qui n'ont pas encore satisfait à la loi du recrutement pourront être admis à contracter un engagement volontaire dans les conditions déterminées par l'article 31 de la loi du 6 novembre 1875.

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                 Voici les musulmans entrés dans la fameuse période de jeûne rendue célèbre par les curieuses prescriptions que le Prophète y a attachées.
                 Du lever du soleil jusqu'à son coucher, le vrai croyant : ne boit pas, ne mange pas, ne fume pas.
                 Mais sitôt le soir arrivé, un coup de canon se fait entendre, et on voit dans toute la ville les Arabes joyeux courir à la diffa nocturne.
                 Le Ramadan a commencé hier matin ; il dure 30 jours.

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                 Encore le bandit d'Aïn-Témouchent, Mustapha Ben Bahi qui fait des siennes.
                 Le Courrier d'Oran nous raconte d'avant-hier, dans la matinée Mustapha Ben Bahi a encore assassiné un indigène qu'il avait précédemment menacé de mort.
                 Il y a trois jours, ce bandit entrait dans la ferme d'un colon absent et il sommait la femme de celui-ci de lui dire qui avait écrit au Courrier d'Oran la lettre où étaient relatés tous ses crimes.
                 La femme répondit qu'elle n'en savait rien et il se retira.
                 Ce fait prouve d'une façon surabondante, que Mustapha Ben Bahi est tenu parfaitement des moindres faits qui le concernent.

                 A ceci nous ajouterons que la série des crimes de ce scélérat n'est pas finie ; nous avons eu hier l'occasion de nous trouver avec un habitant d'Aïn-Témouchent qui nous a appris que Ben Bahi se flattait bien haut d'avoir assassiné 10 personnes mais que 12 étaient encore portés sur sa liste et qu'il les tuerait.
                 M. Bédier de Chabat-el-Leham, figure, paraît-il, au nombre des victimes qui doivent encore tomber sous les coups de ce nouveau Bouzian.

                 Et pendant ce temps- là ... (Air connu).
                 C'est non seulement triste mais honteux de voir de nos jours, un brigand tenir la campagne et résister à nos autorités.
                 Combien notre prestige doit grandir aux yeux des Arabes ! !

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                 Comme d'habitude, il y avait, jeudi soir, un monde fou, entendons-nous à la musique du jardin public. Pour augmenter encore l'obscurité proverbiale de cette promenade, la musique a joué l'ombre, qu'un farceur a heureusement dissipée en allumant un feu de Bengale monstre.
                 M. T ... le meilleur marchand de tabac de Bel-Abbès, en a été tellement ébloui, qu'il n'a pas aperçu le rebord ménagé sur la promenade principale pour procurer des entorses aux promeneurs ; il a fait un faux pas et a failli casser sa pipe.

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                 Dans la matinée du 5 juillet, la Justice s'est transportée au-delà de Sidi-Lhassen, près la propriété Masson, où le garde-champêtre avait découvert le cadavre d'un Marocain.
                 Sur les lieux du crime, près de la route, on a trouvé une outre remplie d'eau une cafetière cassée ; plus loin, dans un champ labouré, on distinguait des traces de lutte, le sol était taché de sang et la victime, un homme d'une trentaine d'années, gisait là, déjà en décomposition.
                 A côté du cadavre étaient deux babouches et un couteau ployé en deux.
                 On a relevé des empreintes de pieds rejoignant la route.
                 Le crime remontait à 24 heures environ ; la victime, après une lutte acharnée, a reçu dans le ventre un coup de couteau qui a fait ressortir les entrailles.
                 Le temps passé entre le crime et la découverte du cadavre laisse peu d'espoir de découvrir les auteurs de cet attentat.
                 Ce sont probablement des Marocains qui connaissait le chiffre des économies de la victime.

                 Sur cette dernière on a découvert un papier écrit en arabe ; d'après la traduction, Mohamed Ould Mohamed salue ses parents et amis, et exprime son impatience de se retrouver au milieu des siens.
                 Renseignements vagues mais qui fera peut-être connaître le vrai nom de la victime et de ses compagnons de route.

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                 Avant-hier au soir, un peu après l'heure d'arrivée du dernier train, un individu à mine suspecte se présentait chez M. Paul Bails, Hôtel d'Orient, implorant la charité. Peu satisfait, sans doute, de cette recette sur laquelle il comptait pour absorber quelque petit verre, il a cherché une compensation en emportant le paletot d'un garçon qu'il avait prestement décroché de derrière une porte.
                 Ainsi drapé dans le vêtement d'autrui, en l'inspecteur de police Bresson un charmant homme qui lui a procuré un logement à bon compte.

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                 L'honorable maire de notre ville , M. Perret, a failli être victime, hier matin, à dix heures, d'un terrible accident :
                 M. Perret devait se rendre à la gare pour attendre des personnes d'Oran et dans sa préoccupation de manquer l'heure d'arrivée du train, il mit le pied sur l'un des ressorts de sa voiture avec une telle vivacité que le véhicule, un léger tilbury (voiture hippomobile légère de types calèches), chavira : Le cheval effrayé embarrassé dans les brancards, partit aussitôt entraînant dans sa course M. Perret qui était pris de telle sorte qu'il eut toutes les peines du monde à se dégager.
                 M. Perret, heureusement comprenant toute la gravité de la situation, ne perdit pas la tête ; à un moment donné, il put se rejeter en arrière et tomber tant bien que mal sur ses pieds. Il en a été quitte pour de légères contusions aux épaules. La voiture a été entièrement brisée.

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                 Ce soir à 6 heures, à la Mairie, réunion privée des jeunes gens de la ville pour l'organisation du bal du 14 juillet.

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                 La nuit dernière, au faubourg Thiers, il a été commis un vol de miel au préjudice de M. Laechler, Jean, propriétaire.
                 Les auteurs de ce larcin sont encore inconnus.
                 Les malfaiteurs ont pénétré dans le jardin en escaladant la haie et ont enlevé deux ruches.
                 Ruches et abeilles ont été retrouvées près du canal d'irrigation à 200 mètres environ de chez M. Lâcher.
                 Quant au miel, point : MM. les voleurs ont tout emporté.

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                 Une alliance trouvée sur la place des Quinconces par M. Manuel Rodriguez est déposée au commissariat de police où le ou la propriétaire peut aller le réclamer.
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                 Au moment de mettre sous presse, nous apprenons l'arrestation d'un des auteurs présumés du crime de Sidi-Lhassen.
                 C'est un arabe qui a été trouvé rôdant cette nuit aux environs du camp des spahis.
                 Contrairement à notre première version, la victime est également un arabe et non un marocain.
L'Avenir de Bel-Abbès (07-07-1883)



ALGER ETUDIANT

N°174, 9 mars 1934
Source Gallica

Rampe Valée, huit heures du matin
à DESPORTES

      Une aube hésitante de février s'est levée sur la ville. Là-bas, au-delà de l'Amirauté, c'est un ciel allègre, un horizon marin dépouillé. Mais de lourdes nuées traînent sur la haute ville, mal contenues par le dôme de la Medersa et les bâtisses neuves dont la Casbah est bordée. On les devine gorgées d'eau comme une éponge. Leur suie contraste avec la blancheur des murailles, donne à tout se plâtre un éclat livide, inquiétant. Et les yeux, d'instinct, laissent ce décor blafard pour chercher sur la mer des couleurs familières. C'est l'heure où le pas des ouvriers sonne plus clair sur le trottoir. Place du Lycée, les yaouleds crient l'Echo, la Dépêche et la Presse, la chéchia enfoncée jusqu'aux yeux et les pieds nus raidis de froid. Un tram grince, et l'autobus bleu-tendre de Vincent COM - Bouzaréa, Air de France - s'élance vers le Frais-Vallon.

      Sept heures. L'armée des balayeurs part à la conquête d'Alger. Voici les poubelles montées sur roues, chères au gouverneur Lutaud, piquées chacune d'un balai, superbe comme un étendard. Ce négroïde, qui pousse la sienne avec tant de dignité, on l'imagine, masque camus, torse musculeux, prosterné aux pieds d'un empereur romain ou debout dans l'arène des gladiateurs. A son bras, la plaque de cuivre du service vicinal devient un trophée.

      Sept heures et demie. Mon ami Joseph boit sa première anisette.

      Je prends alors la rue Sidi-Abderrahmane-el-Salbi, que plus communément on nomme escalier Marengo. A gauche, les murs du lycée ; à droite, la grille du jardin. " Il est défendu, sous peine d'amende, de jouer au ballon dans cet escalier ", annonce par deux fois un écriteau municipal. C'est pourquoi, sans doute, en attendant l'heure de la classe, ces gamins s'acharnent après une maigre pelote. Tout en haut des marches, un bec de gaz en forme de croix se découpe sur le ciel gris. Deux ouvriers, les mains aux poches, la casquette narquoise, grimpent à grandes enjambées. Trois filles en cheveux, qui descendent bras dessus, bras dessous, les frôlent au passage. Ils se retournent, elles rient, mais un coup de vent disperse leur rire et franchit la grille pour agiter toutes les palmes du jardin. Les larges feuilles des bananiers ont ployé sous les averses nocturnes. Des débris de pots cassés s'enfoncent dans l'humus et, de toute cette végétation matinale, se dégage une odeur humide, une vapeur mouillée.

      On aurait presque le cœur serré si, là, parmi la verdure, n'éclataient point les taches dorées des oranges, des oranges rondes, menues, naïves, comme dans une miniature de Racim. Il semble qu'il suffirait de tendre la main pour les cueillir. Ne doit-il pas les regarder, comme les fruits d'un paradis si proche à la fois et si lointain, l'éternel meskine qui psalmodie sa complainte à la porte de la mosquée ? En face de lui, un taleb enturbanné, assis à la turque sur une mince natte, des lunettes d'acier sur un nez bourgeonnant, lit son Coran en dodelinant de la tète. A portée de la main, le simple attirail des écrivains publics : deux encriers, du papier et des plumes. Une lettre finie, il plonge dans sa lecture sacrée.

      Rampe Valée, ce sont toujours des gosses qui trottent vers l'école, cartable sous le bras. Mais leurs cris agitent peu le carrefour, encore mal éveillé sous le ciel menaçant. Un Arabe traverse, tangue nonchalamment sur ses jambes maigres, et mord dans un large beignet, tout dégoulinant d'huile grasse et de miel. Le parfum du pissoir inondé encense les affiches du Bijou-Cinéma. Le long de la mosquée, des formes immuables, accroupies en tas, et qu'on retrouvera, des heures après, dans la même posture, au même endroit. Déjà, deux petites mendiantes haillonneuses se collent au passant, comme de mauvaises mouches, répétant avec obstination: " Don' moi un sou... Don' moi un sou... Don' moi un sou !... " A la porte de la mosquée, un vieux regarde l'effigie du paquebot Madonna, qui vient de partir vers la Mecque, et reste là, figé dans son burnous et dans sa méditation.

      Le dôme de la Medersa est rond comme une mamelle. Ici s'ouvrent les escaliers de la Casbah. Mais pourquoi ces marches achoppées, ravinées, visqueuses, où la pluie a creusé des trous pareils à des chancres, pourquoi les a-t-on baptisées : Boulevard de Verdun ? Ce n'est pas là le moindre mystère de la Casbah d'Alger. Des Sénégalais descendent prudemment, se gardant de déraper sur leurs grosses semelles clouteuses.

      Une vieille monte, ses pieds lourds d'œdème à l'étroit dans les souliers tordus, se hisse péniblement, ahane, rajuste son voile. Comme elle, je m'arrêterai à chaque plate-forme, et ce sera pour regarder Bab-el-Oued et la mer. Voici le Lycée à vol d'oiseau, avec ses terrasses pavées de rouge, l'avancée du quartier Nelson, et l'enseigne du Majestic, soleil candide hérissé de rayons, comme ceux que les enfants tracent sur leurs cahiers. Là-bas, des vagues se gonflent, courent vers les rochers de Saint-Eugène, brisent leur écume. L'horizon s'est gâté et des brumes blanchâtres gagnent Notre-Dame d'Afrique et les coteaux de la Bouzaréa.

      Ici, les immeubles de la Croix-Rouge attendent l'heure des consultations habituelles. Des femmes sont là, par groupes, debout, assises sur les marchés, ou quelque pâle enfant accroché à leur dos. Quelles misères, sous ces haïks bien ajustés ? Une fillette contemple ses pieds soigneusement teints de henné, mais dont le talon n'est qu'une plaie sanieuse. Tout à l'heure, elle repartira, faisant claquer dans l'escalier ses socques de bois, avec un pansement bien propre, - pour combien de temps ? Et quelle rue, quelle tanière absorbera son doux visage un peu grave, ses cheveux bien séparés par deux raies perpendiculaires, sa petite tresse dans le dos, raide comme une momie, et son sarouel de velours rose?

      Tout là-haut, le campement des gitanes est silencieux, abandonné. On cherche la magnifique pouillerie en plein air, les jeux des gosses demi-nus, l'opulence échevelée des matronés, l'éclat des jurons espagnols. Peut-être, toute la tribu s'est-elle serrée frileusement sous cette tente, dont une étrange auto, jaune et noire, défend l'entrée. Mais devant l'école franco-arabe, c'est une bousculade de chéchias criardes autour de la plaque, de zinc du marchand de calentita.

      Je laisserai la triste Prison Civile pour emprunter le chemin d'El-Kettar. Face aux terrains militaires, des badauds se sont attroupés, et je m'approche. C'est un manège en plein vent, une simple piste, où un sous-officier fait tourner un cheval au dressage. Chômeurs invétérés, vagabonds sans pain et sans gîte, que le refuge voisin a sans doute abrité cette nuit, ils sont tous là, mangeant des yeux, sans dire un mot, la belle bête, crinière volante, qui trotte, s'arrête, repart, soumise à la voix et au fouet. Je songe à l'instinct qui a immobilisé tous ces miséreux en extase devant ce cheval, devant le cheval, antique orgueil de leur race.

      Et soudain, une fanfare éclate; dissimulé derrière les eucalyptus, un orchestre militaire répète, arrachant à tous ses cuivres un air désolant de musique foraine, qui s'étire sous le ciel bas et m'emplit le cœur d'un sourd désespoir. Je chasse avec peine l'image d'une fête de village, en France, dans la boue. Mais des pigeons tournent dans le ciel, et le marteau du ciseleur arabe, devant le cimetière, frappe les stèles de marbre, blanc. Une passerelle franchit la brèche des fortifications, si légère qu'on l'imagine s'effondrant.

      Un homme passe, tenant deux chiens en laisse. Et comme j'ai suivi le mur du cimetière, Bab-el-Oued, tout d'un coup, a surgi sous mes yeux. Un fragile arc-en-ciel, né là-haut des casernes, de l'acropole du dey Hussein, perd vers la Cantera une arche impalpable. Comme je cherche à la saisir, parmi la masse des maisons, une pluie fine et froide se met à tomber, qui m'oblige à fuir. Mais je me retourne encore, et le faubourg, une dernière fois, me tend son visage, tout mêlé de larmes et de soleil.


Louis LATAILLADE.




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VOYAGE 2018 du groupe Bartolini
ORAN la gare





ARZEW





ARZEW



STIDIA



POURQUOI ?
De Jacques Grieu

     
          Certains vont jouer au bridge, aux échecs, au jeu d'oie ;
          Moi, je joue aux questions ; et que je pose à… moi.
          Me tirant par la manche, m'assaillant de " pourquoi ? ",
          Elles sont si tordues qu'elles me laissent coi.
          Si elles étaient faciles, aucune poserait :
          J'aime me prendre en traître et voir si sècherais.
          Même dans mon enfance, encore pas bien grand,
          Je posais des questions sans cesse à mes parents.

          " Grandis, mange ta soupe, on verra ça plus tard ! "
          Après beaucoup de soupe, et voyant mon retard,
          Mes questions repartaient. Dégoûté du potage,
          J'entendais les réponses : " Attends ! Et reste sage ! "
          J'ai donc laissé mûrir mais n'ai toujours rien vu.
          " Attends donc la retraite, il faut avoir vécu ! "
          Maintenant retraité, je suis toujours déçu ;
          Personne n'est plus là, qui m'aurait répondu.

          " Quel est ce coup du sort, ce virus insolent
          Qui ose perturber mes quatre vingt treize ans ? "
          Faut-il interroger, tous mes petits-enfants ?
          Ou bien la cantonade ? Avec ton chevrotant ?
          Ou bien le cimetière où gisent les réponses ?
          Et donc d'un résultat, j'en attends toujours l'once.
          La questionnite aiguë est une maladie :
          Courante chez l'enfant, l'adulte s'en guérit.

          Au contraire, chez moi, le mal va s'aggravant.
          " Des métastases, on voit ", dit mon docteur traitant.
          " Sans doute faudrait-il, échanger vos lunettes ;
          Leurs verres trop fumés, vous jouent les trouble-fête.
          Et toutes ces questions, trop sombres à vos yeux,
          Inquiètent votre esprit, et vous rendent anxieux ! "
          On recherche un vaccin, un baume anti-question
          La chimiothérapie tuant la rébellion.

          Au diable, les questions ! Déjà trop de réponses,
          Jamais sollicitées et que la vie dénonce !
          Pourtant de mes questions, certaines sont sensées :
          " Ce diable de covid, où a-t-il commencé ?
          Sont-ce bien les chinois qui l'auraient concocté ?
          La guerre de Poutine va-t-elle un jour cesser ?
          Le climat détraqué : où va-t-il nous mener ? "
          Ils avaient tous raison : les questions, ça fatigue.
          Bien plus que les réponses en bon sens peu prodigues.

          Car en fait de questions, les seules encor posées,
          Sont celles étiquetées, répertoriées, dosées.
          Des spontanées, osées, l'époque est révolue.
          Il n'y a plus que celles en titres des revues,
          Qui disent quoi penser, comment vivre ou dormir,
          Se distraire et aimer, travailler, réfléchir.
          Pourquoi mâche-t-on tout, pourquoi ne dit-on rien ?
          Sans doute on ne sait rien, mais on le cache bien !

Jacques Grieu                  



Tirailleur Algérien,
N° 502, 15 août 1900

Source Gallica

Le journaliste fin de siècle

            Le journaliste fin de siècle, qui commence à être démasqué, est un microbe d'un genre particulier dont il est impossible de déterminer l'origine. Il tient, pour sa rapacité, de la sauterelle et du charançon ; rampant comme le serpent et planant comme le vautour, selon la saison. II se nourrit de chair humaine, et s'il n'est pas poursuivi comme anthropophage, c'est que la police a peur de lui. Les journalistes vivent sans les cafés, avec une femme sur les genoux, un cigare dans une main, un verre de champagne dans l'autre, et ils écrivent avec leurs dents.

            Ou en rencontre parfois par bandes, et malheur au passant attardé. II n'y a pas un journaliste à Paris dont la montre ne suit le résultat d'un vol et souvent d'un assassinat. Si l'un et l'autre ont été ignorés, c'est que, par une sorte de franc-maçonnerie, les journalistes ne se dévoilent pas entre eux ; sauf l'auteur de ces lignes qui, plus misérable encore que les autres, n'hésite pas à mettre les pieds dans le plat et à trahir. la corporation.

            Le journaliste n'a pas de femme ; il s'accouple quelquefois et met au monde, le plus généralement, une créature qui tient à la fois du singe, du tigre et du perroquet. Ce monstre ne vit pas et le journaliste n'hésite pas à vendre, pour de l'argent, toujours pour de l'argent, le fruit de son amour à des médecins, qui le mettent en bocal ou font des expériences.

            Dans certains journaux de Paris, il n'est pas permis à un écrivain de faire une chronique d'en-tête sans avoir au préalable bu une pinte de bon sang dans le crane d'un ennemi.

            Si l'on savait quels criminels se cachent sous certains pseudonymes, la nature frémirait. Si canailles que nous soyons, nous n'irons pas jusqu'à publier ces noms dans cette esquisse.

            Il n'y a pas de poudre insecticide contre les journalistes. Ils défient toutes les mort-aux-rats. Le plus simple, pour s'en débarrasser, est encore de leur donner tout l'argent qu'ils demandent. Malheureusement, ils n'en ont pas plus d'argent pour ça.

            Aussi sont-ils insatiables.

LABRUYERE.



Un prince qui se dit calomnié.
Source Gallica
EST ALGERIEN N°41, 1871
             Il y a des gens qui n'ont véritablement pas de chance. Les circonstances leur ont fait des loisirs et un oubli qu'ils ne méritaient pas. Personne ne songeait à troubler leur quiétude. Tout à coup, sans rime ni raison, les voilà saisis d'un accès de fièvre chaude ; ils crient, s'emportent et jugent à propos d'agacer toutes les oreilles du bruit de leurs sottises.

             Ainsi vient de faire l'illustre Jérôme Napoléon, qui, depuis un an, avait gagné de si belles occasions de garderie silence.

             Le pauvre prince se croit calomnié, et il écrit à ses calomniateurs ! Calomnié, lui, Napoléon Jérôme Bonaparte ! Par qui et comment, grands dieux !

             L'aurait-on accusé d'être brave ? Aurait-on vanté sa probité politique ou ses vertus de famille ?

             Calomnier un Bonaparte ! Mais qui donc a pu se livrer à cette fantaisie étrange ? Et quel Bonaparte encore !

             Enfin, comme il faut tout lire en ce monde, nous avons parcouru la lettre adressée au Gaulois par le descendant du roi de Westphalie et, tout compte fait, nous n'en avons pas été fâché. La pièce est comique et vaut la peine d'être contée.

             Le prince établit d'abord d'une manière irréfutable que, s'il n'est pas mort à Reichshoffen, à Forbach, à Sedan, c'est que son impérial cousin le lui a sévèrement défendu.
             Gredin de cousin, va ! Il n'en a jamais fait d'autres.

             Donc, Jérôme, ne pouvant mourir devant l'ennemi, voulait du moins se sacrifier aux pieds du trône et sauver la dynastie menacée ou périr. Mais au moment où le prince vole au secours de sa cousine et souveraine, l'empereur l'attrape par le pan de son habit et lui adresse le discours suivant : " Les affaires vont mal ; tu m'es plus gênant qu'utile. Je reconnais tes intentions. File immédiatement chez ton beau-père, et surtout ne traverse point Paris, ou je me fâche. "

             Jérôme résiste, dit qu'il veut mourir en brave, comme il a vécu; qu'il n'a rien à faire en Italie, et que... le séjour de Paris serait plus favorable aux intérêts de l'empire.

             Mais le cousin ne veut rien entendre, et force est à Jérôme d'aller méditer à Turin sur les vicissitudes des trônes et des prétendants.

             Tel est, en résumé, l'ensemble des faits qui se dégagent des lettres du prince. Si nous cherchons maintenant, dans ce fatras, à quelle calomnie il a essayé de répondre, nous ' arrivons à ce singulier résultat : " On m'a accusé, pense Jérôme Bonaparte, de n'avoir pas profité des bêtises de mon cousin pour prendre sa place ; c'est une erreur. J'ai fait tout mon possible pour tenter un 1830 bonapartiste ; mais je n'ai pas réussi ; ce qui prouve que la vertu n'est jamais récompensée. "

             Oh ! L'honnête famille ! Et qu'un peuple doit être glorieux d'avoir été gouverné vingt ans par une race pareille : (L'Eclaireur)
A. DE LABERGE


PHOTOS de KRISTAL ET MOSTAGANEM
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KRISTAL





KRISTAL



MOSTAGANEM




MOSTAGANEM






LE SANG DES RACES
Par LOUIS BERTRAND
Source Gallica
LA FORCE DU SANG
VII

pages de 76 à 81

         Rafael rentré de Laghouat descendit du tramway devant la maison de sa mère.
         Des petites filles qui se tenaient par la main lui crièrent
         - Bonjour. Rafaelète !
         Et elles s'approchèrent de lui en faisant des grâces. Il les écarta, il monta l'escalier, suivi par une foule dis bambins qui le contemplaient de loin avec respect.
         Quand Rafael entra dans la cuisine, sa mère était occupée à lui repasser une chemise. Une corbeille pleine de linge lessivé était à côté de la table.
         Ah ! Te voilà, - dit-elle, sans quitter son fer, ni l'embrasser ; - il était temps que tu reviennes !... Il parait que tu en as fait de belles, à Médéa !
         Rafael soupçonna Pépico d'avoir bavarder. Mécontent de cet accueil, il répondit sur un ton si bourru que Rosa crut entendre Ramon quand il rentrait après ses débauches.
         - Qu'est-ce que tu as à te plaindre ?... Je t'ai donné de l'argent avant de partir, maintenant je t'en rapporte...
         Il tira de son calepin son dernier billet de cinquante francs, et il le posa sur la table à côte des torchons.


         - Tout de même, il me semble qu'on dépense beaucoup ici. Moi, j'ai moins dépensé que vous autres, là-bas !
         - Rosa, épanouie à la vue de l'argent, évita de lui répondre ; puis, d'un ton plus caressant ;
         Quand est-ce que tu pars ? Dit-elle.
         - Je vais aller voir Bacanète. Je pense que c'est lundi dans la matinée.
         - En ce cas, apporte-moi tout ton linge : je ne veux pas que tu manques de rien, quand tu voudras te changer.
         Tout en disant cela, elle réfléchissait que ce Rafael n'était pas, en somme, si méchant : une mauvaise tète, comme son père ! Mais sans lui, qu-est-ce qu'on serait devenu ?

         Alors elle se décida â lui faire une confidence qui la gênait un peu :
         - Tu sais ? Dit-elle, ta sœur va se marier, elle fréquente...
         - Comment ? Et moi, on ne m'a pas prévenu !..
         - Ne te fâche pas, Rafaeléte ! C'est un beau mariage, lui, c'est un Espagnol, bon ouvrier, qui gagne de l'argent, un imprimeur... Comment est-ce qu'il dit cela ?... Un typographe ! Oui un typographe ?...
         La tia Rosa comptait éblouir Rafael par ce mot extraordinaire. Mais celui-ci sentait sa colère grandir, de ce qu'on ne l'eût pas consulté : est-ce qu'il ne remplaçait pas le père, est-ce que ce n'était pas à lui â commander ?
         La noce n'est pas encore faite, dit-il sèchement.
         - Ne parle pas comme cela à ta sœur, elle te crèverait les yeux !...
         Rafael eut un mouvement de révolte, Le sang lui monta au visage. Il devint furieux. Cependant il se contint, tout lui déplaisait dans cette maison, et il aurait voulu ne pas y avoir mis les pieds. Il regarda le petit divan où s'amoncelaient des couvertures en désordre et où l'on voyait encore marquée la place de son jeune frère Juanète, qui, chaque soir, y couche.
         Des jupons traînaient sur les chaises, le carrelage était tout sali de détritus de mangeailles et de taches de graisse ; et, comme il apercevait au fond de l'autre pièce une grande glace, au cadre en bois doré, que son père avait acheté jadis pour le café, il se rappela amèrement ce qu'était autrefois le ménage de ses parents : ce n'était pas Ramon qui aurait toléré des choses pareilles !
         Il aurait plutôt roué de coup la tia Rosa.,.

         Les mots injurieux lui venaient à la bouche. Il sortit pour ne pas insulter sa mère.
         Tu soupes ce soir ? Dit-elle.
         Et alors ?.. Est-ce que je ne suis pas le maître ici ... dites d'un air de défi, il claqua la porte.
         Il s'acheminait vers l'auberge afin de voir Bacanète et de réclamer son linge au garçon d'écurie, lorsque quelqu'un lui frappa sur l'épaule. C'était le tio Martino, un ancien ami de son père, homme de grande prudence et très estimé dans tout le Faubourg. Rafael, dans l'état où il était, aurait envoyé promener tout autre qui se fût approché de lui. Mais il répondit au salut du tio Martino, et, comme celui-ci lui faisait mille politesses, il accepta même son offre de boire quelque chose.
         Ils entrèrent dans une taverne espagnole, car le tio Martino, homme de l'ancien temps, n'aimait pas les cafés â la mode française. Les tonneaux d'alicante étaient alignés au fond sur des gîtes. Le sol formé de terre battue très inégale et ravinée, faisait botter les tables et les tabourets. On ne voyait clair, comme dans une grange, que par la porte ouverte, dans le fond, des araonètes jouaient aux cartes avec une grande attention, et, devant un comptoir très primitif, le patron un nouveau débarqué lui-même, rinçait des verres dans un baquet, Le seul luxe était une vieille illustration de l'impérial collée au mur et qui représentait le petit roi Alphonse XIII en uniforme. Cet aspect de rusticité déplut à Rafael, habitué maintenant à tout le clinquant des estaminets français. Cependant il répondit poliment aux questions du tio Martino. Ce vieux, qui lui rappelait son père, lui inspirait un peu de confiance ; il aurait aimé s'épancher auprès de lui, et il cherchait à lui faire deviner ses ennuis de famille.

         Mais Martino était au courant de tout, et ce n'était pas sans intention qu'il avait arrêté Rafael. Avec sa tête de moine aux lèvres minces, ses petits yeux en vrille, il paraissait très malin et très rusé. Autrefois joueur de pelote en Espagne, il avait couru beaucoup de pays sans amasser grand chose ; et, au temps de la famine, il était venu s'installer à Alger, comme contremaître aux carrières.
         Pour l'instant, il avait une place très chétive, il était employé au marquage des galères, n'ayant d'autre occupation que d'enregistrer les entrées et les sorties. Sa fille, qui était couturière, gagnait presque tout l'argent de la maison. Néanmoins comme il avait beaucoup voyagé, comme il savait lire et écrire, on faisait grand cas de ses conseils, et chacun le considérait. Il dit à Rafael, d'un air bonhomme
         Tu as trouvé du nouveau à la maison, Chico !
         Quoi ? Dit Rafael surpris de cette brusque attaque.
         Eh bien ! mais ta sœur fréquente maintenant.?
         Rafael prit son courage à deux mains - Voyons ! vous, tio Martino, vous le connaissez, celui qui fréquente....
         - Si le connais, Maria santissima !
         Tu sais ! Je ne veux pas le faire de peine, mais ta sœur a tort de lui courir après. Tout le monde dit qu'il veut s'amuser d'elle... Enfin ! Tu verras sa figure, puisqu'il est tout le temps chez ta mère...
         Deux inconnus, qui buvaient une anisette au comptoir, ricanèrent en écoutant les paroles du tio Martino. Ce ricanement fit rougir Rafael. Il s'empressa de se lever, malgré les instances du vieux, qui aurait voulu le faire causer,
         - Allons, adieu, Rafaelète ! dit celui-ci… Viens nous voir de temps en temps à la maison quand tu reviens de Laghouat :

         Mais Rafael était loin de toute idée d'amusement. Les yeux torves et le front serré, il marchait à grandes enjambées vers la rue d'Isly. La honte de sa sœur lui paraissait sure maintenant. Son imagination lui faisait voir des choses abominables et, chemin faisant, il fouettait sa bile, il s'exaspérait. A l'auberge, comme Bacanète le plaisantait, il lui répondit par une bordée d'injures. Ils se seraient certainement battus si Pépico ne l'eut emmené à l'écurie.

         II revint au Faubourg, son sac à linge sur le dos. Et, arrivé avant la maison de sa mère, ne voulant pas entrer, il appela son frère Juanète, qui polissonnait, sur le trottoir, et il lui donna le sac à monter. Puis il repartit vers Alger, toujours tout seul, évitant les cafés, où les camarades auraient pu l'appeler, Il finit par se planter devant les jeux de boule sur l'esplanade de Bâb-el-Oued et, là, sans rien voir, sans changer de place, il se reput de sa colère jusqu'à l'heure du souper.

         Les quatre couverts étaient mis lorsqu'il rentra. Le petit Juanète était assis devant son assiette vide, lançant des billes contre les verres. Sitôt qu'il vit Rafael, il ramassa ses billes, se mit la tête entre les deux poings et ne bougea plus.
         - Tu ne pouvais pas attendre les autres, toi, pour te mettre à table ? Dit Rafael, en le menaçant de la main.
         - Tu vois bien qu'il ne mange pas ! - dit la mère, et le regardant en face - tu vas t'en prendre à un enfant maintenant !
         - Allez ! Lève-toi. va-t'en me chercher une chaise, - dit Rafael en bousculant son frère, sans même répondre à la tia Rosa, Il poussa la chaise brutalement et, avant de s'asseoir :
         - Où est Pépa ? Dit-il d-une voix tonnante.
         Rosa était très inquiète de ne pas voir rentrer sa fille. Elle dit en affectant un grand calme
         - Qu'est-ce que tu as encore ? Elle va revenir, Pépa ! Elle doit être avec des amies de la fabrique...
         Avec des amies de la fabrique ! - reprit rageusement Rafael : elle court avec son chiqueur, oui ! Si tu crois que mon père aurait passé çà !... Moi,, il fallait que je mange à la maison et que je sois rentré pour neuf heures tous les soirs... Tu t'en souviens de ce temps là ?
         Rosa se retourna vers ses casseroles, en poussant un soupir d'impatience. Pour calmer Rafael, elle lui rempli son assiette de pâtes fumantes. Au même moment, on entendit un bruit de pas dans le corridor, puis des rires et des voix. On frappa à la porte, et une bande de jeunes filles fit irruption dans la cuisine, en criant :
         Bonsoir tout le monde.

         Une toute petite, un peu décoiffée et assez laide de figure, mais qui paraissait être la plus hardie, demanda à la tia Rosa :
         - Et Pépa, où est-elle ? Nous venons la chercher pour essayer la robe chez Assomption.
         Assomption, c'était la couturière, la fille de Martino. Rafael s'était levé, malgré sa mauvaise humeur. Il offrait des chaises. Mais les jeunes filles refusèrent, puisque Pépa n'était pas rentrée. D'ailleurs la robe â essayer n'était qu'un prétexte : elle n'étalent montées que pour voir Rafael. Toutes le dévisageaient très franchement, mais sans nulle effronterie. Quand elles l'eurent bien vu, la petite laide dit :
         - Bonsoir, tia Rosa ! Bonsoir Rafaelète !
         Elles reprirent, en un ramage assourdissant :
         - Bonsoir, Rafaelète ! Bonsoir, tia Rosa !
         Et elles se précipitèrent vers la porte en se bousculant. Leurs rires sonnèrent dans, le corridor et dans l'escalier, tandis que Rafaël, plus irrité par cette visite, se rasseyait devant son assiette.
         Il n'avait pas le cœur à manger. Du bout de sa fourchette, il chipotait des morceaux de soubressade, les coudes sur la table, dans un silence farouche. Il but une gorgée de vin, et sans adresser une parole à sa mère, il s'en alla.

         Il était tellement dégoûté de tout qu'il envoya au diable le rendez-vous de Cecco, et y attendant le sommeil, il s'attabla dans un café désert de l'avenue Bab-el-Oued. Puis il rentra à l'auberge en prenant des rues détournées.
         Le lendemain Pépico vint le retrouver. Ils passèrent la matinée ensemble. Celui-ci prit plaisir à lui gonfler la tête, comme disait Rafael :
         - Tu sais c'est un nommé Louisot, que nous avons connu dans les temps, il est à moitié pourri ! Il faut qu'elle en ait du goût, ta soeur, pour se mettre avec lui !
         - Ne m'en parle pas ! Ne m'en parle pas ! - répétait Rafael hors de lui : ce soir, je veux lui manger le foie. Aussi vrai que je te le dis, je lui coupe le ventre comme une pastèque !
         - Ce soir, reprenait Pépico, tu vas le trouver à la maison, il vient souper chez vous tous les dimanches. Tu n'as qu'à demander dans le Faubourg...
         A chaque mot, Pépico sentait Rafael bondir comme sous, la piqûre d'une banderille. Il se délectait à le mettre en fureur, heureux pour une fois, de le dominer. Rafaël finit par lui enjoindre de le laisser tranquille..

         Il se mit à errer par la ville, s'arrêtant dans tous les cafés, où il but plus que de coutume, afin qu'un commencement d'ivresse lui ôtât ses dernières hésitations.
         Comme Pépico l'avait dit, Louisot le typographe était arrivé à six heures, selon son habitude. Pépa, qui avait mis sa robe neuve, l'attendait. Elle aurait voulu qu'il l'emmenât souper en ville, par crainte de Rafaël. Mais Rosa les pria de rester.
         - Il n'est pas venu déjeuner, dit-elle, pour sûr il ne rentrerait pas.
         Elle commença même à disposer le couvert, un peu troublée néanmoins. Dans son amour aveugle pour sa fille, elle ne voyait aucun mal à ce que Louisot la fréquentât. Et elle se souvenait de ce qu'elle-même avait fait autrefois pour Ramon. Cette passion de Pépa, il lui semblait que c'était un peu la sienne. Elle l'encourageait d'autant plus qu'elle entendait par-là faire échec à Rafaël, dont Les façons autoritaires lui rappelaient le joug conjugal.

         Cette Pépa lui ressemblait d'ailleurs d'une manière aussi frappante que Rafael ressemblait à Ramon. Elle était très grande comme sa mère. C'était la même allure masculine, le même visage aux traits un peu lourds, mais sans cette fermeté des chairs qui donnait à la figure de Rosa le relief exagéré d'une statue colossale. A côté d'elle, Louisot faisait assez pauvre mine avec sa petite taille, son teint gris de buveur d'encre et sa bouche édentée. Aussi les gens du Faubourg se demandaient comment cette grande fille pouvait aimer cet avorton.
         Lui, ne se sentait pas rassuré à cause des appréhensions des deux femmes, et même, par dignité, il se leva, disant d'un ton de dépit :
         - Je m'en vais !... Je ne veux pas vous gêner en famille...
         Mais Pépa le fit rasseoir, et Rosa lui dit :
         - D'abord il n'y a rien à craindre, tu es chez moi. Et puis voilà que sept heures sont sonnées : il ne viendra plus...
         On envoya Juanète regarder dans la rue. L'enfant remonta jusqu'aux Portes et n'aperçut pas Rafael. On se mit à table plus tranquilles.

         Cependant Rafael, après avoir promené longtemps sa colère, s'était mis brusquement en route vers la maison.
         Il allait tout droit devant lui, fendant les groupes de promeneurs. Monté comme il l'était, la tête troublée par la boisson, il éprouvait le besoin d'assommer quelqu'un, et il se sentait sacré comme un justicier. Quand il fut devant la porte, une voisine lui dit en riant :
         - Tu ras trouver ton beau-frère, Rafaelète...
         Il entra dans da cuisine comme une bombe, et, regardant Louisot avec des yeux Flamboyants.:
         - Qu'est-ce que tu fais ici, toi ? Tu vas me faire le plaisir de déménager tout de suite sinon je t'allonge un soufflet, je veux que le poil des doigts ne me repousse pas !...
         Il avait soulevé Louisot de sa chaise et, le prenant par les épaules, il le poussait vers la porte. Pépa se leva aussitôt, les ongles dressés, mais, d'une gifle formidable, son frère l'abattit sur sa chaise, où elle s'affaissa en sanglotant. Alors Rosa, vociférant des injures, saisit un fer à repasser sur une planche, et elle le lança de toutes ses forces contre Rafael. Le fer lui effleura la tempe et vint s'abattre contre le buffet, dont il fit sauter les vitres, au milieu d'un fracas de vaisselles brisées qui dégringolaient. Les voisins accouraient de tous les paliers.

         Louisot, sur le seuil, arrangeait sa cravate froissée, et, sans oser regarder Rafael, il balbutia d'une voix blanche :
         - Si tu es un homme, tu n'as qu'à descendre !
         - Un homme ? C'est à toi qu'il faut demander ça, espèce de ruffian !
         Il courait derrière lui, lorsque Rosa lui barra le passage. Presque aussi forte que son fils, elle le prenait à bras-le-corps, elle le secouait à le renverser :
         - Ne me touche pas ! Hurlait Rafael.. Tu sais bien que je ne peux pas te frapper, toi !...
         D'un coup d'épaule, il se dégagea. Mais Pépa, la joue encore cuisante du soufflet, s'était jetée sur un couteau. Elle lui criait :
         - Si tu le tues, je te tue !
         Elle se lança à sa poursuite, malgré les voisines qui essayaient de la désarmer. Rafaël, bousculant le monde, descendait les escaliers avec un bruit de tempête.
         - Où est-ce qu'il est, le lâche ? Où est-ce qu'il est ?...

         Un rassemblement se fit immédiatement sur le trottoir. Louisot avait disparu. Mais Pépa, furieuse, arrivait droit sur son frère, le couteau levé. En voulant le lui arracher, Rafael se blessa à la main. Son sang coula.
         A ce moment, il ne vit plus rien, il se mit à la souffleter comme un forcené, en l'accablant d'effroyables injures. Des hommes indignés se jetèrent sur lui.
         - Mais tu es fou ! Tu es fou ! Rafaelète !...Tu ne vois pas que c'est ta sœur ?
         On criait dans la foule :
         - Battre une femme comme cela, ce n'est pas d'un homme
         Alors, pris au milieu de la cohue, les bras emprisonnés, Rafael se renversa le cou à la façon des aveugles, et, les yeux perdus, les lèvres violettes, il cria d'une voix déchirante, comme s'il allait pleurer :
         - Laissez-moi, vous autres !... il faut que je la tue !...
         - Mais c'est ta sœur, Rafaelète !...
         - Que ? Ma sœur ? Je boirais le sang du Christ !
         Les femmes entraînaient Pépa, qui se roulait dans une crise. Pépico accouru s'efforça de dégager Rafael. Il le prit doucement par les épaules. Mais celui-ci, sans le regarder :
         - Lâche-moi, toi ! Ou je te tape !...
         Des larmes brillaient dans ses yeux. Sa figure livide était effrayante à voir. Un mouvement de peur se fit dans la foule, on se recula, des femmes crièrent. La tête basse, il passa devant les curieux, et, après quelques pas, il se retourna d'un air menaçant : personne n'avait osé le suivre.
         Il marcha si longtemps, ce soir-là, et d'une allure tellement fiévreuse qu'il arriva jusqu'au Champ de manœuvres, où Pépico l'aperçut. Comme pour user sa fureur par la fatigue de la course, il repartit vers Alger, il traversa Mustapha, franchit les portes, longea les rampes désertes du boulevard. Devant les lumières paisibles du port et le grand espace noir du golfe et de la mer, à mesure que tombait le bouillonnement de son sang, il prenait conscience de la sottise et de l'inutilité de sa colère.

         Mais aussitôt lui revenait comme un exemple le souvenir de son père, si terrible quand il s'emportait; et son orgueil, se révoltant, l'empêchait de reconnaître son tort. Accoudé sur le parapet, il se glorifiait de ce qu'il avait fait, et, pour achever de s'étourdir autant que par bravade, il le décida à monter à la Casbah.
         Le lendemain, dans la matinée, il s'en vint à la maison. Rosa, qui l'attendait, terminait de lui préparer son linge. Chez elle, aussi, un grand changement s'était fait depuis la veille. Des voisines lui avaient monté la tête contre Louisot. Pépa, qui était allée le relancer à l'entrée de l'atelier, s'était vue éconduite et insultée par lui, ce qui avait achevé d'ouvrir les yeux à la mère. Mais surtout la colère de Rafael, le ton de maître dont il avait parlé, la peur qu'il avait inspirée aux autres, tout cela avait fait une étrange impression sur Rosa.

         Il lui semblait que Ramon était revenu, et, de même qu'autrefois, elle s'était éprise de la vaillance du père, elle commençait à s'enorgueillir de la force de son fils. Toutes ces idées se mêlaient dans sa pauvre cervelle. Il s'en dégageait un sentiment si fort et si troublant que cette grande femme robuste, uniquement faite pour être mère, mais sans raison ni volonté, s'y laissait emporter comme une enfant.
         Rafael entra, le front baissé, sans regarder sa mère :
         - Bonjour !
         Ce fut tout. Encore le dit-il d'un ton bourru et comme à regret. Mais, la tia Rosa lui en ayant fait le reproche, il ajouta :
         - Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?... Si tu ne m'as pas tué hier soir, ça n'est pas de ta faute.
         Elle n'y pensait plus, à ce fer lancé à la tête de Rafael. Soudain elle le vit voler par-dessus la table et briser la tempe de son fils. Le sang de son enfant coulait, il gisait à terre, tué par elle. Alors, affolée par cette image, elle se précipita en pleurant sur Rafael et se mit à l'embrasser avec emportement. Elle ne pouvait rien dire, elle le noyait de ses larmes. Rafael, enveloppé par ce grand amour, se débattait en vain. Et tout à coup, comme si un poids lui tombait sur le cœur, un sanglot terrible s'arracha de sa gorge et son cœur se fondit.
         - Pleure ! Disait la mère, pleure ! ça te fera du bien...

         Par orgueil, il aurait voulu rentrer ses larmes, car il ne savait pas pourquoi il pleurait, et il devinait déjà tout ce qui les séparerait encore. Mais, à sentir contre lui la chaleur du sein maternel, mille sentiments vagues l'agitaient et le troublaient, il entrait avec stupeur dans un monde inconnu.
         Cependant Rosa, s'essuyant la figure, lui dit
         - Tu avais bien raison de le chasser, ce Louisot ! J'en ai appris, va ! Depuis ce matin ; mais elle ne l'aura pas, Pépa, encore qu'elle l'aime... Je te le jure sur la tombe de ton père... que Dieu le repose!
         Elle dit cela d'une voix si solennelle que Rafael crut voir Ramon devant eux ; et, dans un même souvenir, la mère et le fils se réconcilièrent.
         Rosa, toute heureuse et perdue dans son passé, se mit à remplir le sac à linge de Rafaël. Elle allait et venait, cherchant les effets épars et tout à coup elle dit :
         - Mais toi, Rafaelète, il faudra bientôt que tu te maries !
         - Oh ! Moi, j'ai autre chose à faire. Il y a le pain à gagner, d'abord. Il annonça qu'il devait partir, l'après-midi même, avec Bacanète, et qu'ainsi il ne pourrait même pas déjeuner à la maison. La mère poussa un grand soupir.
         - Ay de mi! Nous ne pourrons donc jamais nous voir !...

         Debout devant le sac, un paquet de linge à la main, elle regardait Rafael avec des yeux navrés. Puis elle continua son travail, disposant au-dessus des autres effets les chemises amidonnées. En serrant la dernière, elle l'examina un instant, puis la montrant à son fils :
         - Tiens ! dit-elle, ton père avait la pareille quand nous nous sommes mariés... La tia Rosa resta un instant songeuse...

         Après les adieux, quand il fut dans la rue, Rafael éprouva une grande joie. Il avait agi comme il l'avait dû, comme eût fait son père à sa place. Et une chose nouvelle lui était venue, cette affection de sa mère, qui le liait maintenant au logis.
         Depuis l'amour de Thérèse, que de changements en lui !
         Comme il sortait du Faubourg, une grande jeune fille qui passait le regarda.
         Elle marchait avec ce balancement gracieux des hanches qu'ont les filles de Valence. Elle portait une robe noire de coupe élégante, et elle avait une mantille de tulle sur ses cheveux blonds. C'était Assomption, la fille du tio Martino.



Louis Bertrand



LE PATAOUETE
Par M. Bernard Donville
                Chers amis, Bonjour aux fidèles

            S'il y a eu pataouete c'est qu'il y a eu beaucoup de gens qui ne parlaient pas la même langue et surtout le français. Mais il a bien fallu se comprendre et ce fut fait .Une preuve de cette cohabitation proche nous a été donnée par l'étude" des locataires d'un immeuble près de la place Soult Berg réalisée par Edgar Scotti. Regardez la bien et analysez l'éventail des origines .
            Et ainsi est né Cagayous de l'imagination de Gabriel Robinet qui publia sous le pseudonyme de Musette. Et les publications décrivant les tribulations de Cagayous vont avoir ,à l'époque, un gros succès pas seulement à Alger .
            Je vous laisse découvrir ce personnage

            Mais je voudrais vous faire connaitre les erreurs qui me sont imputées à juste raison quand ces remarques viennent de personnes compétentes .C'est ce qui est arrivé avec mon dernier envoi concernant Bab el Oued de la part de Francis Rambert dont je vous livre le courier :
            Juste pour signaler une erreur qui a du faire bondir les anciens de Bab-el Oued, thème de ce document. Le commentaire sous la photo du carrefour du boulevard de Provence et de l'avenue des Consulats est une contre vérité "Plus près de nous le carrefour central fut occupé par une pissotière qui sera remplacé bien plus tard par un pylône à trois horloges instituant un point de rendez vous incontournable."
            Les "3 horloges" se trouvent au carrefour du Boulevard de Provence et de l'avenue de la Bouzaréah et elles n'ont jamais été implantées au niveau du carrefour avec l’avenue des Consulats (voir les photos de ce carrefour à divers époques)
            Je reconnais mon erreur et pris tous les connaisseurs de ce quartier de m'excuser de cette "contre vérité" qui n'altère en rien le thème principal "le pataouete".

            On poursuit avec notre "ancetre" Cagayous" en travaillant au plus profond de sa langue. Si j'ai un conseil d'ami à vous donner :n'hésitez pas à lire tous ces textes à haute voix et en petit comité c'est encore plus sympathique.
            Amitiés et bonne lecture.
            Bernard Bernard : bernardonville@free.fr
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Pata 2
Pata 3
A SUIVRE


ESCALIER

De Jacques Grieu

MARCHES et DEMARCHES

On ne se méfie pas, en tout cas, pas assez,
Des marches d'escalier qui sont un vrai danger :
Que ce soit en montée et surtout en descente,
On risque d'y tomber… sur la mauvaise pente.

La marche est traquenard propice aux dérapages
Et les marches funèbres en sont le témoignage.
L'inventeur d'escalier logeait-il au premier,
Ou a-t-il fait exprès de vouloir nous piéger ?

Même si chaque marche en est franche et honnête,
L'escalier " dérobé " à tous complots se prête.
L'escalier " de service " en est un autre aspect :
A de sombres intrigues on sait qu'il se complaît.

L'escalier " tortueux " est de forme excentrique
Souvent indispensable aux montées… politiques.
Si c'est bien en son pied qu'on glane les copeaux,
L'escalier se balaie, au début... par le haut.

Pour certains escaliers la montée est facile
Mais hélas, le descente est bien plus difficile…
Au Festival de Cannes ou dans la vie courante,
On en a des exemples aux multiples variantes.

Des escaliers français, certains sont réputés :
De Chambord à Montmartre ou l'Opéra Garnier,
Colimaçon ou pas, on aime s'y croiser.
Ce sont de purs chefs-d'œuvre méritant le respect.

" L'esprit de l'escalier " est pour les gens distraits
Ce qu'est un armistice à qui voulait la paix…
… Qui n'a pas de rapport avec " marche palière !"
La " volée d'escalier " est bien ancrée à terre…

Jacques Grieu                  


ALGÉRIE
Gallica : Revue de l'Orient 1850/2-pages 28 à 36

RICHESSES MINERALES

         M. Henri Fournel, ingénieur en chef des mines, a publié, sous les auspices du ministère de la guerre, un savant ouvrage sur les mines de l'Algérie. Cet ouvrage vient d'être honoré des suffrages de l'Académie des sciences sur le rapport de M. Héricart de Thury. Nous, nous empressons de reproduire en entier le travail de l'honorable rapporteur ; c'est le compte rendu le plus complet et le plus compétent que nous puissions publier; et nous saisissons avec empressement l'occasion de constater non seulement le mérite d'un livre qui a coûté tant de recherches et de fatigues, mais encore les ressources, pleines d'avenir, que recèlent les mines de notre possession africaine.

         La Richesse minérale de l'Algérie présentée par M. H. Fournel, ingénieur en chef des mines, pour le concours de statistique, est déjà en partie connue de l'Académie par le rapport fait au nom d'une commission spéciale, le 1er mai 1848, par M. Elie de Beaumont, disant dans ses conclusions " que le travail de M. Fournel figurerait très-dignement dans le recueil des savants étrangers, mais que la commission, convaincue que M. le ministre de la guerre, appréciateur éclairé de tout ce qui peut contribuer au développement de notre colonie, voudra que la Richesse minérale de l'Algérie soit imprimée dans une forme plus accessible a tous ceux qui peuvent y puiser d'utiles renseignements, croyait devoir se borner à proposer à l'Académie d'accorder son approbation au travail de M. Fournel, et de remercier cet habile ingénieur de son importante communication. "

         1) La commission était composée de MM. Charles Dupin, Boussingault, Poncelet, Mathieu et Héricart de Thury, rapporteur.

         L'ouvrage de M. Fournel a pour titre : Richesse Minérale de l'Algérie, accompagnée d'Eclarcissements historiques et géographiques sur cette partie de l'Afrique septentrionale.
         Ces éclaircissements, fruits d'immenses et savantes recherches, servent à compléter l'étude de la richesse minérale et de son exploitation à diverses époques, sous les dominations romaines, vandale, sarrasine et autres ; aussi, et d'après les renseignements qui nous ont été adressés en réponse à nos demandes par divers correspondants militaires, civils, ecclésiastiques, ingénieurs et archéologues en Algérie, considérons-nous l'ouvrage de M. Fournel comme une véritable statistique générale et complète de toutes les substances minérales de l'Algérie, et particulièrement de tous les gisements par lui découverts et étudiés.

         Ayant adopté la division des trois provinces ou départements de Constantine, d'Alger et d'Oran, il l'a suivie dans ses descriptions, en marchant de l'est à l'ouest ; ainsi il a commencé par la province de Constantine et il a successivement décrit celles d'Alger et d'Oran. Puis, et comme pièce justificative, il a joint à la description de chaque province une double collection géologico-minéralogique d'échantillons bien choisis et bien caractérisés. L'une de ces collections est déposée dans le musée d'Alger et l'autre dans celui de l'Ecole des mines à Paris. Elles ont l'une et l'autre leur série de numéros et les mêmes descriptions, de manière à faciliter à Paris comme à Alger les études comparatives et les vérifications, avantage précieux qu'à notre connaissance ne présente encore aucune collection minéralogique.

         Avant d'entrer en matière, M. Fournel a donné un tableau synoptique qui fait embrasser d'un seul coup d'œil tout le mécanisme et les divisions de son ouvrage. Ainsi, il présente la province de Constantine divisée en trois grandes bandes dirigées de l'est l'ouest sous les noms de zone du littoral, de zone moyenne et de zone méridionale, et subdivise ensuite chacune d'elles du nord au sud, depuis Philippeville jusqu'au Sahara, marche qu'il suit jusque par delà les oasis de Onareyia, pour ne s'arrêter qu'à la lisière du désert proprement dit.

         Dans son rapport à l'Académie, M. Elie de Beaumont ayant énuméré les principaux gisements découverts par M. Fournel dans la zone du littoral, nous nous bornerons à citer les plus remarquables, tels que les masses prodigieuses de fer magnétique des environs de Bone et du lac Fezzara ; la mine de plomb argentifère de Kef-Oum-Teboul, les marbres du cap Lagarde, des environs de Hippone et de la rive gauche de I'Oued-el-Aneb ; le gisement de cuivre pyriteux de l'Àïn-Barbar, découvert dans les macignas qui enveloppent les belles et énormes masses porphyriques du Raz-el-Hadid du cap de Fer ; les mines de fer et les marbres du mont Filfila, au sommet desquels M. Fournel a trouvé une vaste carrière romaine, ouverte dans les couches d'un marbre statuaire remarquable par son grain, sa blancheur, et par les dimensions des blocs que cette carrière pourrait fournir à raison de son voisinage de la mer ; les mines de fer du raz-Skidda, aux portes de Philippeville, enfin les singuliers calcaires des environs d'El-Harrouch, calcaires dont la composition est identiquement la même que celle de la pierre â aimant naturel de Suède.

         Au pied de l'Edough et dans les monts Filfila, M. Fournel a reconnu sur quinze à dix-huit points différents, d'anciennes scories, dont il a déterminé l'âge avec une précision qui semblerait devoir échapper à toutes les recherches ; et, dans le paragraphe qu'il a consacré au parti qu'il convient de tirer des richesses minérales que nous venons de citer, il se livre sur le boisement de cette contrée dans la haute antiquité à des recherches qui méritent l'attention de l'administration.
         Il résulte en effet de ses nombreuses citations empruntées à toutes les époques de l'antiquité, aux pères de I'Eglise d'Afrique et aux auteurs arabes, que là où règne aujourd'hui une complète nudité qui semble originelle, les anciens chassaient l'éléphant dont la présence dans cette région démontre nécessairement l'existence de vastes et antiques forêts avant sa nudité actuelle.

         La zone moyenne de la province de Constantine, peut-être moins riche en substances minérales que la précédente, est cependant loin d'en être dépourvue. Ainsi, elle présente à l'est de Guelma des mines de plomb et les sources salées du Djebel-Madour ; deux gisements d'antimoine sulfuré, l'un au Djebel-Mtâia, où l'antimoine est moucheté de mercure sulfuré, l'autre près de Ain-el-Babbouch, au sud-est de Constantine. Au pied du Djebel-Sidi-Rghen, M. Fournel a découvert d'anciennes galeries de déblais assez considérables, restes d'une ancienne exploitation de mines de cuivre, et probablement d'une de ces mines aux travaux desquelles les Romains faisaient expier aux chrétiens leur refus de sacrifier à leurs dieux, comme cela ressort du texte de saint Cyprien : sur un grand nombre de points, des sources d'eaux minérales et thermales presque toujours entourées de ruines et de vestiges de monuments romains, attestant, comme en Europe, le fréquent usage que les anciens faisaient de ces eaux, et en les énumérant toutes, M. Fournel s'arrête plus particulièrement sur celles de Hammam-Meskoutine, qui sont si remarquables par leur température de prés de 100°, par les cônes qu'elles engendrent dans leurs cours, et par le déplacement continuel des points où ces sources se font jour successivement.

         En s'avançant d l'ouest dans la province de Constantine, M. Fournel a découvert et constaté les ruines de la station d'Aquartilla, indiquée dans la table de Pertinger, et qu'aucune autre carte ne mentionnait; puis, au-delà de Mila, il décrit un puissant gisement de sel gemme, dont l'exploitation (vrai gaspillage) par les Kabyles, serait cependant aussi facile qu'abondante et productive.
         Des pages d'un grand intérêt à lire sur cette zone moyenne sont celles que l'auteur a consacrées aux renseignements qu'il a recueillis des tribus arabes de cette région, où toute étude est encore aujourd'hui, sinon impossible, du moins difficile et périlleuse par la route de Sétif à Bougie, à travers les Kabyles. Divers riches gisements de substances minérales y attireront certainement plus tard l'attention des Européens ; des sources salées, jusqu'à la causticité, fournissent d'abondantes quantités de sel, par leur simple circulation dans de petits canaux. Deux tribus, celle des Barbâcha et celle des Beni-Slimân s'y livrent au traitement du minerai de fer, en suivant très-probablement encore l'ancienne et grossière méthode que leur ont léguée les Vandales du cinquième siècle. Au reste, si M. Fournel n'a pu visiter ces usines et satisfaire une curiosité qu'il eût peut-être bien payée de sa vie, il est du moins parvenu à se procurer et à nous rapporter les minerais qui y sont traités et dont il fait connaître la composition.

         Sous le nom de zone méridionale, l'auteur a décrit, en marchant toujours de l'est à l'ouest, l'immense espace compris entre Tébessa et le Djebel-bou-Tâleb, dont il indique les carrières de meules de moulins des environs de Tébessa, puis les sources salées du Djebel-el-Guelb, les mines de plomb argentifère de Medjana-el-Maden, les mines de fer de Merouàna chez les Oulad-Sultan, la production de salpêtre de Ngaôus et les mines de plomb de Bou-Taleb.

         Un des chapitres les plus curieux de cette zone est celui que l'auteur a consacré à la description de l'Aurés et à l'examen comparé de la fameuse description que Procope nous en a laissée.
         En étudiant la zone du littoral, M. Fournel nous avait conduits de Philippeville au col des Kentoures. Dans la zone moyenne, il avait Passé de Constantine aux points vers le nord jusqu'à ce même col et fait connaître le gisement du lignite de Smendou, puis aux autres points vers le sud jusqu'aux grands lacs salés qui sont derrière le Djebel-Nif-en-Neur. Ainsi se trouvait déjà étudiée une ligne du nord au sud depuis la Méditerranée jusqu'à l'extrémité méridionale de la vaste plaine des Zamouls, et c'est cette ligne dont il va donner la description sans s'arrêter en s'avançant toujours vers le sud, où la découverte de nombreux fossiles appartenant les uns à des espèces connues en Europe, d'autres à des espèces nouvelles, le mettent à même de déterminer l'âge des terrains qui renferment tous des gîtes de substances minérales qu'il nous à fait connaître successivement. Ainsi à Batna, au défilé d'Alfâouï, à Mezâb-el-Messâï, d'abondantes récoltes de fossiles montrent des espèces nouvelles, déterminées et nommées, quelques-unes par M. Deshaies et le plus grand nombre par M. Bayle; mêlées à des espèces bien connues en Europe pour appartenir à la craie chloritée.

         M. Fournel arrive ainsi à EI-Kantara, le premier plantage des palmiers, et, à cette occasion, il se livre à une digression climatologique sur la véritable latitude qui convient à cet arbre, en même temps qu'il redresse d'assez nombreuses erreurs publiées à ce sujet.
         En marchant toujours vers le sud, il atteint dans la plaine d' El-Out-Aïa une énorme montagne de sel gemme dont M. Fournel a trouvé la description dans un auteur arabe du onzième siècle; puis, longeant le revers méridional de la chaîne, il s'arrête au bord du Sahara pour jeter sur l'Atlas un coup d'oeil général, ensuite duquel il démontre : 1° que la distinction du grand et du petit Atlas, établie par Rotomée, ne s'est jamais appliquée qu'au massif qui limite au sud l'empire du Maroc et borde l'Océan ; 2° que ce sont les géographes arabes qui ont étendu le nom d'Atlas à la chaîne entière ; et 3° que la distinction de grand et petit Atlas appliquée à cette chaîne se trouvant complétement fausse, doit disparaître de la géographie d'Afrique.

         Un nivellement barométrique exécuté par M. Fournel en 1844 depuis la Méditerranée jusqu'à Biskra, l'a même amené à modifier aussi les idées reçues sur la coupe que présents cette chaîne du nord au sud. On considérait en effet généralement l'Atlas comme descendant en pente douce vers le sud depuis son sommet jusqu'au Soudan, de telle sorte que le Sahara et le désert lui-même devaient occuper un plan légèrement incliné vers le sud ; mais il n'en est pas ainsi, car sur le méridien parcouru par M. Fournel, l'Atlas présente au sud des pentes extrêmement abruptes, et descendant des points culminants de l'Algérie, qui s'élèvent dans l'Aurès à 2,400 mètres environ. On se trouve dans le Sahara à 100 mètres seulement au-dessus de la mer, et, selon toutes les apparences, le Sahara forme un plan légèrement incliné vers l'est, pour se confondre à la petite Syrte, avec le niveau de la Méditerranée.

         On a pu remarquer dans ce qui précéda la distinction faite entre le Sahara et le désert par M. Fournel. Cette distinction existe réellement ; les anciens l'avaient parfaitement établie. Suivant une expression empruntée aux indigènes, dit-il, les anciens comparaient le vaste espace qui borde le pied méridional de l'Atlas à une peau de panthère, exprimant par-là le singulier aspect de ce désert moucheté d'oasis.
         Au-delà de cette peau de panthère se déroule le désert proprement dit, qui offre une solitude presque absolue. Mais le Sahara est une dépendance nécessaire de l'Algérie, et M. Fournel le décrivant s'est attaché à faire sentir de quelle importance y seraient les puits forés.

         Unir les Zibans à la capitale de I'Oued-Kir de manière à rétablir à travers la province de Constantine le courant commercial du sud, qui maintenant se bifurque à Touât pour s'écouler à l'est par Tunis et à l'ouest par le Maroc, augmenter ainsi l'importance de Touggourt, et rendre ce marché, déjà si fréquenté, accessible aux Européens, tel est le but de ma proposition, et créer par la sonde artésienne une série de sources jaillissantes et par conséquent d'oasis entre Biskra et l'Oued-Rir, tel est le moyen (moyen suivi et pratiqué par les anciens sur le parcours des itinéraires de leurs caravanes dans les déserts de l'Asie et de l'Afrique).

         A chacune de nos stations, le voyageur trouverait, au moyen de ces puits, de l'eau et de l'ombrage ; mais, pour frayer encore mieux cette route, pour y rendre tout à fait faciles les voyages aujourd'hui si difficiles, je proposerais, ajoute M. Fournel, dans chacune de ces oasis un phare qui, pendant la nuit, servirait de guide pour y former des étapes, les marches des caravanes étant toujours pénibles de jour à l'ardeur du soleil de cette région.

         Le projet que M. Fournel formulait ainsi en 1844 n'est pas une conception vague. Cet ingénieur démontre jusqu'à l'évidence, par une série de témoignages, l'existence longtemps niée de puits forés dans les oasis de l'Oued-Rir, de Temacin et d'Ouargla, puits d'abord creusés comme des puits de mines, ensuite par un procédé de forage et dans lesquels, aussitôt le percement du banc de pierre qui recouvre la grande nappe d'eau souterraine, celle-ci surgit et s'élève avec une force extraordinaire. Les Romains ont occupé le Sahara et n'ont pu l'occuper qu'en y creusant des puits forés, circonstance qui vient s'ajouter à celles déjà fournies par les oasis de Thèbes pour prouver l'antiquité des eaux jaillissantes obtenues par le travail de l'homme.

         Tel est, en peu de mots, l'ouvrage -présenté par M. Fournel sur la Richesse minérale de l'Algérie. Il se compose de deux volumes in-4 de plus de 500 pages et. d'un atlas, où sont figurées un grand nombre de coupes de terrains avec des profils, des cartes et des fossiles nouveaux de tous genres.
         Le catalogue des échantillons des deux collections formées par cet ingénieur et par lequel il termine son travail, est disposé de telle façon qu'on peut, ainsi que nous l'avons dit en commençant , vérifier à Alger comme à Paris les échantillons auxquels il renvoie constamment, quand il décrit la nature et la constitution physique des terrains.
         Mais ce qui nous a particulièrement frappés à la lecture de son ouvrage, c'est la méthode adoptée et suivie dans la distribution et le classement de cette immense réunion de faits encadrés dans un récit qui se suit rapidement et sans lacunes, comme si M. Fournel avait voyagé dans un pays soumis et tranquille, et cependant c'était dans les années 1843, 1844, 1845 et 1846, quelquefois avec les détachements envoyés dans les différentes tribus, mais bien souvent aussi accompagné d'un guide seulement.

         Il a donné au bas des pages et à la suite du texte de son ouvrage une foule de notes, de détails et de rapprochements curieux en géologie, géographie et archéologie, de manière à ne jamais être interrompu dans ses descriptions, qu'on peut suivre avec attention, sans perdre de vue l'ensemble et la corrélation des faits exposés. On dirait à cet égard due M. Fournel s'est proposé de joindre la clarté française à l'érudition allemande.
         Enfin nous croyons pouvoir dire, sans crainte d'être contredit, que si de nombreux ouvrages présentent autant de recherches scientifiques, il en est bien peu dans lesquels on ait tiré de l'érudition un aussi grand parti pour arriver à des conséquences pratiques.

CONCLUSION

         Quatre années de voyages, et de voyages souvent dangereux et pénibles, suivies de trois années de recherches et de travaux scientifiques immenses, la description d'un pays neuf ou même en partie encore inconnu, l'analyse d'une foule de substances recueillies et décrites avec soin dans un catalogue qui devient la table raisonnée et analytique de la Richesse minérale de l'Algérie, et conséquemment celle de toutes les découvertes de l'auteur, tels sont les titres que M. Fournel soumet au jugement de la commission de statistique.
         Mais ces titres ayant déjà été jugés et, appréciés par l'Académie, lorsque, sur le rapport de M. Elie de Beaumont du 1er mai 1848, elle a accordé son approbation à l'ouvrage de M. Fournel et émis le vœu qu'il fût imprimé aux frais et par ordre du gouvernement.

         La commission du prix Monthyon, pour le concours de statistique, décerne, au nom de l'Académie des sciences, le prix de l'année 1848 à M. Henri Fournel, ingénieur en chef des mines, pour sa richesse minérale de d'Algérie.
         (Ce prix a été décerné à M. Henri Fournel, dans la séance publique de l'Académie du lundi 4 mars 1850.)
Signé : HÉRICART DE THURY, rapporteur.
18 février 1850, Adopté en commission le 3 mars 1850.


PERIGOTVILLE
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui - N° 209, janvier 2013
En souvenir du Général Perrégaux
     
                Origine du nom
                 Le village de Périgotville porte de nom du général Perregaux François, Alexandre, Charles (1791-1937) né à Neuchâtel en Suisse, entré dans l'armée française, le 2 juillet 1807, il participe aux campagnes napoléoniennes. Il est naturalisé Français en 1815, de 1814 à 1824, il est garde du Roi, il est nommé en 1816 Chevalier de l'Ordre royal et remplit les fonctions de Lieutenant-Colonel de la Légion. En 1832, le Colonel de Perrégaux est mis à la disposition du Maréchal de Camp, commandant supérieur de Bône. En 1837 il est nommé chef d'Etat Major Général de l'Armée d'Afrique et prépare la deuxième expédition de Constantine où il est grièvement blessé lors de I'assaut de la ville le 12 octobre 1837.

                 Naissance
                 Périgotville fut créé en 1889. Le 4 Mai 1886, la Commission des centres, constituée par arrêté Préfectoral du 6 janvier 1886, à l'effet d'étudier le projet de création d'un Centre à Aïn-Kebira, ( nom arabe signifiant la grande source) s'est réunie sur les lieux. Après étude des lieux, Ies membres de la Commission consultés, ont émis ainsi qu'il suit leur avis sur le projet de création d'un Centre à Aïn-Kebira. Le village devrait être établi sur les ruines d'une cité Romaine, d'après une inscription, trouvée sur les lieux et parfaitement conservée, aurait porté le nom de Satafi.

                 Village romain
                 Vestiges de la domination Romaine à conserver. Les ruines romaines sur lesquelles sera établi le village n'ont pas livré tous leurs secrets, des découvertes intéressantes seront nécessairement faites lors de la création du village.
                 Parmi les ruines de monuments l'attention est appelée par les assises et les, colonnes d'une ancienne église, mesurant 16 m sur 13,80, divisée en trois nefs et terminée par une abside. De nombreuses inscriptions font connaître le nom de l'ancienne cité romaine.
                 La distance du centre projeté à Sétif est de 33 kms ; à Bougie de 102.
                 L'altitude est de 995 m au-dessus du niveau de la mer.

                 De grands atouts
                 Les terres qui seront affectées à ce centre sont entièrement disponibles, ce qui donne pour l'établissement du village un ensemble de 4.550 ha à être livrés à la colonisation.
                 Sécurité. La création du village d'Aïn-Kebira qui commande les Dehemcha et les termes du Babor, établira la sécurité dans toute cette contrée d'une façon absolue, par ses communications faciles avec les villages déjà établis autour. Salubrité. L'altitude assez considérable, rend le climat très sain et on n'y a pas à craindre la fièvre paludéenne, le grand ennemi des européens qui viennent s'établir en Algérie.
                 Le futur village bénéficiera d'une température plus clémente par les chaleurs d'été. Les eaux y sont abondantes et de bonne qualité, elles ne stagnent pas et trouvent facilement un écoulement, ce qui est bon contre les miasmes putrides des terrains marécageux.
                 Les voies de Communication, les ressources en eau, tout y est en abondance..

                 Commerce. L'exploitation des céréales et la production de quelques cultures spéciales, l'élevage du bétail, assureront aux colons d'Aïn-Kebira des transactions commerciales rémunératrices en attendant que la vigne bien cultivée vienne les enrichir.

                 lndustrie.
                 Les besoins des colons feront développer les diverses industries qui sont les conséquences de toute agglomération de population.
                 Le 28 Février 1888 la Commission municipale de la Commune mixte décide donc de donner le nom de Périgot afin de perpétuer la mémoire de ce brillant officier Général.
                 Le 13 Octobre, le Préfet donne son accord à condition d'ajouter la désinence Ville au nom Périgot de manière à éviter toute consonance semblable avec la ville de Perregaux en Oranie. C'est ainsi que le lieu dit, Aïn-Kebira devient Périgotville.
                 Le 9 Juillet, les travaux de nivellement des rues, de la construction d'une conduite d'eau, de quatre fontaines et abreuvoirs, d'un lavoir, d'un réduit fortifié avec école et logement d'instituteurs, sont adjugés.


                 Peuplement
                 Le 17 juin. Le lotissement est complétement terminé, le tirage au sort d'attribution des 45 concessions a été effectué..
                 Le 5 Mai 1890, des travaux de réfection du lavoir, mal conçu à I'origine.. sont effectués. Les travaux du réduit fortifié ne sont pas terminés.

                 Évolution du village
                 1895. - Le 11 Mars, adjudication pour la construction d'un mur au cimetière
                 1897. - Construction d'une église.
                 1899. - Le 30 octobre, les malfaçons constatées sont réparées, la réception de l'église
                 1900. - Le Bordj Administratif de Takitount s'est écroulé, les services administratifs sont transférés à Périgotville et Kerrata.

                 1901. - PERIGOTVILLE DEVIENT LE CHEF LIEU DE LA COMMUNE MIXTE
                 Le 15 février, les canaux d'irrigation, à partir des sources du Figuier sont pavés.
                 Situé dans la partie la plus fertile des Dehemcha, le village de Périgotville a sensiblement prospéré. Son territoire est sillonné de sources d'une eau excellente. La vigne vient bien ainsi que les plantes potagères. Tous les propriétaires actuels se livrent sérieusement à la culture. Le siège de la Commune mixte de Takitount qui a été transféré, vient contribuer au développement du Centre.

                 La situation des indigènes: Il y a chez ces derniers une diminution du cheptel et dans la culture, car nombreux sont ceux qui préfèrent s'employer chez les européens trouvant un bien-être supérieur à leur culture.
                 1901 - La population était en 1891 de 2O4 personnes, elle est en 1901 de 254, enregistre 86 naissances et 52 décès.
                 1904. - Le docteur Guedj est nommé médecin de colonisation affecté spécialement à I'assistance indigène.
                 1906. Le 10 Septembre, l'entreprise Canova construit, pour la Commune mixte un Bordj administratif.
                 1909. - Création sur un terrain de 2 ha, 70ca, d'un gîte d'étape, affecté au département de la guerre.
                 1913. - Mise en service d'un réseau téléphonique.
                 1914. - Construction d'une Justice de paix, du logement du médecin de colonisation, adduction d'eau à ces deux bâtiments, réparations du groupe scolaire, entourage de la place publique..
                 1929. - Trois membres représentent Périgotville au sein de la Commission Communale de la Commune mixte.
                 1939. - Le 20 Septembre. Responsable de défense des Centres en temps de guerre : Flandrin Ernest,
                 1940. - 40 fusils modèle 86/93, ainsi qu'une dotation de 4.000 cartouches sont entreposés à la Commune mixte sous la responsabilité de I'Administrateur Principal.
                 1945. - Le 8 Mai, Périgotville fait partie des villages qui ont subi la furie de l'insurrection avec des victimes et des destructions.
                 1946. - Scolarisation: une école mixte européenne avec une classe de 46 élèves et une classe indigène de 40 élèves qui est portée après agrandissement à 80 élèves.
                 Une usine locale actionnée par un moteur à mazout fournit au Centre du courant électrique de 110 V. Ce n'est qu'en 1947 que le courant à haute tension arrivera en provenance de I'usine de I'Oued-Berd.
                 1948. - Un réservoir aérien d'eau est construit avec une installation de pompage. Le village est alimenté en eau potable par la source de I'Aïn-Kebira située en amont à 200 m d'un débit de 31 M3 qui avait été captée en 1889.
                 1946. - Périgotville comptait à sa création 54 familles, en 1921, il n'en restait plus que 11.
                 24 concessions ont été revendues aux. Indigènes qui se sont enrichis pendant la guerre et rachètent tout ce qui se vend au prix fort. Cet échec est dû à la faible importance des concessions d'origine qui n'ont pu permettre aux européens de vivre décemment. Les bâtiments publics comprennent actuellement: Le Bordj administratif et l'appartement de I'Administrateur ; les bureaux de la Commune mixte, de la S.J.P ; la Justice de paix ; l'Hôpital auxiliaire de 25 lits, l'Eglise ; Les appartements de l'Adjoint Administrateur, du Médecin de colonisation, du Secrétaire principal ; la Poste ; les Contributions diverses ; la Prison ; une Ecole avec deux salles de classe, tous ces bâtiments publics comportent des logements de fonction. Un marché vient d'être créé.

                 1950 à 1960. - Des travaux très importants sont réalisés dans la commune : Amélioration de la distribution d'eau, réfection du captage de la source de Aïn-Kebira, remplacement des vannes, construction d'un réservoir avec verdunisation et groupe électro-pompe. Refonte des rues et des trottoirs, réparation du chemin N" 139 reliant à Sétif par El-Ouricia. Construction de docks silos de 10.000 quintaux pour la S.J.P. avec deux logements. Agrandissement et modernisation de I'Hôpital, déplacement de l'abattoir, électrification. Ecole de Garçons - 3 salles, 3 classes, 93 élèves, 2 logements de 3 pièces, une cour clôturée de 360 m2, 2 cours d'adultes, bibliothèque scolaire et populaire, coopérative scolaire.

PERIGOTVILLE
par Gilbert Flandrin

                 Vous venez de quitter Sétif par la RN 9, vous avez dépassé El-Ouricia.. vous bifurquez vers la droite tout en vous dirigeant vers le Nord. Depuis quelques kilomètres la route monte, vous entrez dans la zone de montagnes de la Petite Kabylie et soudain au détour d'une large courbe, tout en bas dans une petite vallée encaissée vous apercevez un vrai village de montagne, chaque année bloqué par les neiges, mais un tout petit village niché dans la verdure.. c'est Périgotville à 1100 m d'altitude.
                 Le village est entouré de montagnes... situé à une vingtaine de kilomètres du Djebel Babor qui culmine à 2OO4 m d'altitude.
                 Vers le N.E. la vallée s'élargit et jusqu'à Chevreul, ce ne sont que de riches cultures. La route ouverte pour se rendre à Chevreul ne traverse pas cette vallée, elle passe nettement à l'Est, afin de désenclaver les fermes Fabrer, Truffaut, Holtzer et Benhabyllès situées respectivement à 8, 10, 12 et 15 Km de Périgotville.


                 L'aspect géographique de la Commune est celui d'un massif montagneux très tourmenté, escarpé, coupé de petites vallées profondes, sans largeur, de ravins à parois très abruptes au fond desquelles coulent des oueds, les uns permanents, les autres intermittents, tarissant l'été. Périgotville, est le chef lieu de la Commune mixte de Takitount qui s'étend d'Aïn-Setta-Chevreul à Kerrata en passant par Périgotville et les Amouchas. Cette commune a la superficie d'un département de France. Le village ne va prendre son essor qu'après 1920. Des colons pionniers, il ne restera que quelques familles, les Flandrin, Janin, Farhn, Thivolle, Carrier qui ne pourront subsister qu'en exerçant un second métier, comme ma famille qui tiendra le café-hôtel-restaurant du village. Comme vrai colon en plus des 3 fermes citées plus haut, ajoutons M. Lecomte des Floris, habitant le village et dont la ferme est située à 2 Km. Périgotville est le village type de colonisation, tous les pouvoirs et décisions sont concentrés entre les mains de I'Administrateur aidé de son Adjoint qui en fait ne fait que répercuter les directives du Préfet, qui lui-même à travers le Gouverneur Général les reçoit de Paris. Les Français, trop peu nombreux désignent deux représentants qui n'ont aucun pouvoir de décision si ce n'est sur des questions mineures.

                 Dans les années 1920, I'eau courante est installée dans toutes les maisons, I'eau est abondante, trois abreuvoirs, un grand lavoir sont construits. Le village s'articule autour d'une place avec l'église, de chaque côté le tennis et un jeu de boules avec de petits jardins de verdure. Il comprend trois rues principales.
                 Rapidement tous les services publics sont mis en place. En 1936 se créent les Services de l'office du blé, de beaux bâtiments pour l'époque sont construits, les appartements de I'architecte communal, celui du chef des services techniques de la commune, de l'agent comptable de la S.l.P. Les routes sont goudronnées, les trottoirs aménagés. La vie se passera, calme et douce dans ce village, néanmoins animé par le service de car journalier venant de Sétif.


                 Périgotville étant le lieu de passage obligé pour se rendre à Sétif, les habitants des douars environnants y créent des commerces, une grande animation règne au village particulièrement le mardi, les indigènes se rendant au marché de Sétif. La commune mixte avec tous ses services fait vivre plus de cinquante familles.
                 Très peu d'indigènes habitent le village, ils préfèrent vivre dans une autre vallée encaissée à 500 m, là bien sûr les conditions d'hygiène sont précaires.

                 Le village connaîtra un plus grand développement vers les années 1950 avec la création des travaux d'initiative communale, l'électrification et la construction du barrage de Kerrata. En 1950, la création d'une route va permettre d'accéder aux premiers contreforts des Babors. À noter qu'entre 1920 et 1945, il n'y eut aucune friction, aucun conflit même mineur entre les populations indigènes et Françaises, même pas un vol important.

                 Périgotville, était un vrai village de colonisation, il n'y manquait que la gendarmerie, avec 25 à 30 familles, seules 4 sont de vrais colons : les Truffaut, les Fabrer, les Holtzer dont les fermes sont situées entre 10 à 15 km du village sur la route de Chevreul. Les Lecomte Des Floris qui habiteront le village dont la ferme est située à 1 km, 500 du village sur la route des Amouchas. On peut distinguer sur la photo aérienne, sur la place : l'église, la bâtisse qui est le Bordj de l'Administrateur. Dans le triangle qui jouxte, une fontaine, qui est devenu le jardin de I'Administrateur. Egalement le dispensaire où le docteur Mazzuca aidé d'un infirmier prodiguait les soins. On peut également voir les bâtiments imposants des nouvelles écoles construites en 1954.

                 Vers 1920, le Bordj fut transformé en école, deux classes, l'une pour les européens, I'autre pour les filles musulmanes.
                 En 1962, le village retrouva son nom d'origine AÏN KEBIRA.
 ACEP : Maurice Villard
Les villages des Hauts Plateaux sétifiens
Pieds-Noir d'Hier et d'Aujourd'hui N°209 - Janvier 2013
    


 
COMMEMORATION
Envoyé par Mme A. Bouhier
CERCLE JEAN BASTIEN-THIRY
Bulletin Mars 2023 N° 65semestriel d'information du Cercle Jean Bastien-Thiry B.P. 50070 - 78170 La Celle Saint-Cloud - Tel/Rep : 06 73 55 70 03 Email : basthiry@aol.com - Site Internet : www.bastien-thiry.fr
"Nous ne devons de comptes qu'au peuple français et à nos enfants"


      
       Chers amis
       Le mois de mars prochain verra le 60ème anniversaire de l'exécution de Jean Bastien-Thiry. Le Cercle Jean Bastien-Thiry a souhaité marquer cet anniversaire par l'organisation d'une journée-souvenir à Paris. De 9h30 à 17h30 le samedi 11 mars, nous pourrons nous retrouver autour de son souvenir, mieux comprendre son engagement grâce à un nouveau documentaire retraçant le contexte de l'époque et les raisons de son action, méditer en contemplant certains de ses écrits ou objets personnels, entendre la voix enregistrée ou en direct de témoins privilégiés l'ayant connu. Nous entendrons aussi des personnes ayant souffert de la politique du chef de l'état d'alors et réfléchiront sur le système judiciaire qui a condamné à mort un homme qui n'avait pas versé le sang. Enfin l'aspect moral de l'action du Petit-Clamart sera étudié à la lumière de l'enseignement de Saint Thomas d'Aquin. Nous vous attendons nombreux pour cette journée du 11 mars. N'hésitez pas à en parler autour de vous et à y entraîner des jeunes qui bien souvent sont mal informés sur tous ces évènements (modalités d'inscription sur le feuillet joint).
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       Toujours sur la région parisienne, une messe de requiem célébrée le vendredi 10 mars en soirée et une cérémonie sur la tombe de Jean Bastien-Thiry le dimanche 12 mars compléteront cette célébration des 60 ans de son sacrifice.
DATES A RETENIR ET A DIFFUSER
       Manifestations organisées par le Cercle Jean Bastien-Thiry pour le 60ème anniversaire de sa mort
       . Vendredi 10 mars à 19 heures : messe en l'église Sainte Odile, 2, av. Stéphane Mallarmé, 75017 Paris
       . Samedi 11 mars de 9h30 à 17h30 : journée-souvenir : II y à 60 ans, Bastien-Thiry, à la Maison des Associations de Solidarité (MAS) 10, rue des Terres au curé. 75013 Paris :
       . Dimanche 12 mars à 14h30 : cérémonie au cimetière de Bourg-la-Reine (92) sur la tombe de Jean Bastien-Thiry
       . A Lyon : messe le mercredi 1er mars à 18h30 au prieuré Saint Irénée, 23, quai Perrache (69002)
       . A Nancy : messes le samedi 11 mars à 18h15 et le dimanche 19 mars à 10h30 à la chapelle du Sacré Cœur, 65, rue maréchal Oudinot
       . A Nice : messe le samedi 11 mars à 9 heures en l'église du Vœu, quai Saint Jean-Baptiste
       . A Sens : messe le dimanche 26 mars à 9 heures en l'église Sainte Mathie, bd de Maupeou
       . A Toulon : messe le dimanche 12 mars à 10h30 en la cathédrale de Toulon
       . A Toulouse : messe le samedi 11 mars à 18h30 en l'église du Feretra, 11, place Saint Roch
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Autres messes pour Jean Bastien-Thiry :
       . A Dijon : messe le dimanche 12 mars à 10h30 en l'église Saint Bernard, bd de Yougoslavie
       . A Fabrègues (34) : messe le samedi 11 mars à 8h30 en l'église ND de Fatima, 1 rue Neuves-des-Horts
       . A L'Illiers l'Evêque (27770) : messe le dimanche 12 mars à 10h30 à la chapelle du Brémien, 2, rue de l'Orée du Bois
       . A Lourdes : messe le samedi 11 mars à 11 heures à la Maison Saint Ignace, 22, rue du Sacré-Cœur
       - A Paris : messe le vendredi 24 mars à 11 h, en l'église St Nicolas du Chardonnet (75005) pour les victimes de la fusillade du 26 mars 1962 à Alger
       - A Antibes : samedi 25 mars : messe à 18h15 en l'église du Sacré-cœur pour tous les martyrs de l'Algérie Française
       - A Gasseras (82) : samedi 18 mars à 15h : messe en l'église de Gasseras pour tous les martyrs de l'Algérie Française.

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       Chers amis,
       60 ans après, les causes de la révolte de ceux qui se sont opposés à la politique d'abandon de l'Algérie Française sont reconnues. Alors que dès 2009, Alain Duhamel dans la revue Historia Spécial n°122 affirmait que : " Sans hésitation ", l'acte de trahison le plus retentissant de la Vème république est " celui du général De Gaulle vis-à-vis des Français d'Algérie ", des déclarations plus récentes du Président de la République viennent mettre en lumière la responsabilité de l'Etat français dans les drames vécus par les populations francophiles d'Algérie, avant et après les accords d'Evian. Aux Harkis, en novembre 2021, il déclare : " Aujourd'hui, au nom de la France, je demande pardon ", et devant de nombreux Pieds-Noirs réunis à l'Elysée en janvier dernier, il admet au sujet de la fusillade du 26 mars : " En métropole, le drame fut passé sous silence. 60 ans après, la France reconnaît cette tragédie. Et je le dis aujourd'hui haut et clair : ce massacre du 26 mars 1962 est impardonnable pour la République ".
       Sur le massacre d'Oran il déclare : " Ce massacre, lui aussi, doit être regardé en face et reconnu. La vérité de l'histoire doit être de mise et l'histoire transmise. " Emmanuel Macron a également souligné le très mauvais accueil des rapatriés en métropole.
       Cependant, pas de mise en cause des responsables politiques de l'époque, en particulier du général De Gaulle ; " des victimes, mais pas de coupables " comme le souligne le Cercle Algérianiste à la suite de cette rencontre.
       Certains pourtant, comme Mohand Hamoumou lors du dernier colloque de la Fondation pour la Mémoire de la Guerre d'Algérie, disent haut et fort que le responsable de l'abandon des Harkis est bien le général De Gaulle.
       Jean Bastien-Thiry l'affirmait déjà dans sa Déclaration du 2 février 1963 : " Le désastre algérien, avec tous ses morts et toutes ses ruines, pouvait être évité, et il a tenu essentiellement à l'acharnement de la volonté d'un très vieil homme. "
       Souhaitons qu'en cette année anniversaire, la culpabilité du chef de l'Etat d'alors et l'iniquité de la condamnation à mort de Jean Bastien-Thiry soient enfin largement reconnues.
Hélène Bastien-Thiry

In Memoriam : 11 MARS 1963 L'EXECUTION DU COLONEL JEAN-BASTIEN THIRY
http://popodoran.canalblog.com/archives/2014/03/09/29400910.html

Vidéo exceptionnelle de la fille cadette du Colonel Jean BASTIEN-THIRY, Mme Agnès de MARNHAC (décédée en 2007 à l'âge de 47 ans) :
https://youtu.be/zLc9KeccnL8


LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.
             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens de faire des mises à jour et d'ajouter Oued-Zenati, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.
             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Clauzel, Duvivier, Duzerville, Guelaat-Bou-Sba, Guelma, Helliopolis, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Oued-Zenati, Penthièvre, Petit et Randon, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :

    
CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 


NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers


Fabrication de panneaux solaires

Envoyé par Aubin
https://www.lexpressiondz.com/economie/ deux-usines-algeriennes-voient-le-jour-366507


L'Expression.dz - par -26-02-2023

Deux usines algériennes voient le jour

         Deux premières usines de fabrication de panneaux solaires aux normes internationales sont entrées en exploitation en Algérie.
         Le niveau d'automatisation de ces usines est supérieur à 90%. Un taux qu'aucune unité européenne n'a atteint. Des usines comparables à celle installées en Algérie existent en Asie.
         Les deux usines implantées à Ouargla pour la société Zergoun Green Energy et dans la wilaya de Mila pour Milltech, ont respectivement 200MW et 100MW de capacités annuelles, couvrant largement les capacités des projets de BRN et Sarpi (Sonatrach) et plus de 30% des appels (Shaems), ces deux usines d'offres prévoient de doubler leurs capacités (pour atteindre plus de 600MW) et de produire également des modules plus larges avant fin 2023.

         D'autres sociétés algériennes sont prévues pour rajouter de la capacité pour un total de plus de 700MW aux normes internationales pour servir les besoins du marché national. Il faut savoir enfin que le coût de 10MW de modules importés peuvent atteindre environ 3 millions de dollars de dépenses inutiles qui représentent aussi le coût d'une usine clés en main de PV de 100MW de capacité.
          


Oran

Envoyé par Françoise
https://www.lexpressiondz.com/nationale/ le-poulet-redescend-sur-terre-366314


Le soir d'Algérie - Par : Wahib AÏT OUAKLI 21-02-2023

Le poulet «redescend» sur terre

         Ce produit demeure néanmoins, proposé à des prix bien plus élevés sur le marché «libre» de la deuxième ville du pays.

         Il est vendu à 350 dinars le kilogramme
         L'Oranais peut désormais manger sain et au prix abordable. Le poulet est à 350 dinars/ kg. Tel est le prix du poulet plafonné par l'Office national de la volaille, l'oravio. Implantés dans le quartier de Adda Benaouda, ex-Plateaux, les locaux de cet office sont submergés par une clientèle venant de toutes parts en quête de «cette denrée» qui a, des mois durant, repris des plumes, déplumant par la même les moins nantis, à telle enseigne que le prix de cette chair de couleur blanche a connu une flambée flagrante dans les boucheries appartenant au secteur privé.
         La baisse du prix du poulet est survenue suite à la décision prise par le ministère de l'Agriculture. Les clients et des familles entières s'agglutinaient également en force dans les locaux de l'Oravio en raison du produit sain proposé par cet office. Autrement dit, la volaille en question a fait l'objet d'un contrôle sanitaire rigoureux avant qu'elle ne soit exposée à la vente. «Nous sommes alimentés à hauteur de 10 tonnes viande blanche qui disparait aussitôt étalée», a-t-on indiqué au niveau de l'Oravio, annonçant par la même «l'ouverture de plusieurs autres points de vente en prenant en compte la forte demande». Si l'Oravio a cassé totalement le prix du poulet, ce dernier demeure presque inaccessible sur le marché «libre» «Libéré» par la loi du marché. Sinon En fait, comment interpréter l'idée que ce dernier soit vendu au prix fort oscillant entre 450 et 470 dinars/ kg un peu partout dans les boucheries implantées dans les marchés de Mdina Djedida, la rue des Aurès etc.?

         Cette hausse est d'autant plus considérable que plus d'un est resté pensif. Mais où sont passés les services censés juguler ce phénomène lié à la révision, sans aucune explication, à l'augmentation du prix du poulet? Quelle est donc cette partie à «incriminer» et accuser d'avoir décidé de la sorte? «Le coup est venu du premier fournisseur, l'éleveur», a-t-on fait savoir, expliquant curieusement que «la raison principale de la hausse du poulet est liée à la hausse substantielle du tarif du poussin, d'où la flambée décidée unilatéralement par les aviculteurs.
         Dans ce sillage, l'on fait état de «la montée de plusieurs crans du prix du poussin», rappelant que «le taux de survie de ces poussins varie d'environ un poussin sur deux ou trois». «Cela entraîne des pertes importantes pour les éleveurs, en plus du préjudice qui vient se greffer aux prix élevés des aliments». À cela s'ajoutent les pertes enregistrées par les producteurs, l'enregistrement de maladies touchant durant cette période les poules ayant affecté le marché de la volaille, d'où la hausse du prix des poussins et, du coup, une augmentation du prix des viandes blanches. Ces facteurs ont contraint près de plusieurs milliers d'éleveurs à lâcher,voire abandonner totalement cette filière.
Wahib AÏT OUAKLI           


Tebboune veut éviter les dérapages

Envoyé par Patrice
https://www.lexpressiondz.com/nationale/ tebboune-veut-eviter-les-derapages-366380

Le soir d'Algérie - Par : Walid AÏT SAÏD | 22-02-2023

Démolition des constructions illicites habitées

          Le chef de l'État a donné des instructions fermes afin que les cas concernés soient tranchés en toute équité...

           La démolition des constructions habitées ne doit pas intervenir en hiverLa démolition des constructions habitées ne doit pas intervenir en hiver
          Fini la récréation! Depuis quelques mois, l'État a décidé de mettre fin à l'anarchie qui règne dans le pays. Marchés informels et constructions illicites sont notamment, dans la ligne de mire des autorités. Des opérations coup de poing sont menées ces dernières semaines pour mettre fin à ces fléaux qui empoisonnent la vie des citoyens et leur environnement.
          La démolition des constructions a le plus fait parler d'elle, du fait de l'envergure qu'elle a pris. Des résidences entières ont été détruites, des villas irriguées sur des domaines maritimes ont été abattues. Comme celle dans la wilaya de Boumerdès ou à Béjaïa (Aït Mendil) qui sont des champignons qui ont poussé directement sur la plage!

          Des opérations saluées par la majorité de la population même si certains citoyens craignent que cela n'ouvre la voie à certains dérapages. Chose que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, veut absolument éviter.
          C'est ainsi qu'il a évoqué ce dossier hautement sensible lors du dernier Conseil des ministres. Le chef de l'État a donné des instructions fermes afin que les démolitions se fassent suivant «un plan étudié minutieusement». Il a ordonné aux walis de préparer ces plans.
          «Ils doivent le soumettre au ministre de l'Intérieur qui se prononcera de manière définitive», souligne le président Tebboune. Ces instructions claires du premier magistrat du pays ne signifient pas la suspension des opérations en cours. Il s'agit plus de réglages qui ne concernent que les logements déjà habités. D'ailleurs, il insiste sur le fait que la démolition des constructions habitées ne doit pas intervenir en hiver. Cela afin que des familles ne se retrouvent pas à la rue dans le froid et sous la pluie.

          Cette mise au point de Tebboune devra ainsi éviter une double sanction à des propriétaires déjà victimes de la bureaucratie algérienne. Car, c'est un secret de Polichinelle de dire que certains ont pris le risque de construire sans permis à cause des blocages au niveau des administrations.
          Des demandes de permis sont déposées sans qu'aucune suite ne soit donnée. Aucune réponse, alors que la loi mentionne que cela doit se faire en moins d'un mois. Pis encore, certains les orientent chez des «intermédiaires» qui peuvent vous l'obtenir immédiatement. Ces pratiques sont moins présentes qu'avant, mais elles existent encore. Les citoyens sont alors devant deux choix, soit ils attendent, soit ils prennent le risque de bâtir en espérant être régularisés un jour. Un dilemme que Tebboune avait tenté de régler à l'époque où il occupait le portefeuille de l'habitat.

          Il avait lancé la régularisation des constructions illicites et non conformes au permis de construire. Il l'a relancée, en 2021, après avoir pris les rênes du pays. Néanmoins, force est de constater que l'administration locale n'a pas suivi le «rythme».
          Certains dossiers sont depuis des années en attente de traitement, malgré les innombrables relances. C'est dans ce sens que le président de la République a soutenu le fait que le «ministre de l'Intérieur se prononcera de manière définitive après épuisement de toutes les voies de règlement administratif et réglementaire». Les bâtisses qui ne reprennent pas un danger, ou non, agressent l'environnement ou les domaines maritimes qui pourront ainsi être sauvés. Une décision des plus sages, qui doit permettre aux cas concernés d'être tranchés en toute équité...
Walid AÏT SAÏD             


Deux pèlerins algériens ont été assassinés

Envoyé par Clémence
https://www.tsa-algerie.com/un-algerien- soupconne-davoir-tue-2-de-ses-compatriotes-a-la-mecque/

tsa-algerie.com - Par: Zine Haddadi 21 Févr. 2023

Un Algérien soupçonné d’avoir tué 2 de ses compatriotes à la Mecque

           Deux pèlerins algériens ont été assassinés ce lundi 20 février dans leur hôtel à la Mecque. Le suspect est un autre pèlerin algérien, selon les autorités saoudiennes.

           Les autorités saoudiennes ont annoncé l’arrestation d’un « ressortissant algérien ayant mortellement agressé deux de ses compatriotes à l’arme blanche dans un des hôtels avant de prendre la fuite ».
           « L’individu a été arrêté puis présenté devant le parquet », indique un communiqué de la principauté de la Mecque sur Twitter.
           Selon le récit d’un autre pèlerin algérien, à travers une vidéo reprise par le média Al Quds Al Arabi, les deux victimes sont originaires de la ville de Constantine. Sur ces images, on peut voir une forte présence policière devant un hôtel abritant des pèlerins.

           L’union nationale des agences de voyage a donné, par le biais de déclaration de son secrétaire général Salah Eddine Toumi pour le journal El Khabar, quelques détails sur les victimes ainsi que sur le coupable présumé.
           Deux Algériens assassinés à la Mecque : les détails d’un drame sur les Lieux-saints

           Les victimes sont arrivées à la Mecque par un voyage organisé par une grande agence, basée à l’est de l’Algérie, spécialisée dans l’organisation de la Omra, indique El Khabar.

           Le drame s’est produit précisément à l’hôtel Seridji. L’auteur présumé des coups de couteaux mortels, âgé de 40 ans, suivait un traitement pour des troubles psychiatriques en Algérie au niveau de l’hôpital de Oued El Athmania dans la wilaya de Mila, selon Salah Eddine Toumi, d’après la même source.
           Ce lundi matin, l’assassin présumé a eu un comportement anormal des « suites de pressions psychologiques » qui l’ont mis dans une situation de nervosité anormale et l’ont fait sortir de son état normal, selon El Khabar.
           Les victimes sont K. B et B. K. Leurs photos ont fait le tour des réseaux sociaux en Algérie ce lundi. Ils étaient arrivés à Médine le 14 février dernier avant de rejoindre la Mecque trois jours après, ajoute El Khabar. Leur retour en Algérie était prévu pour le 1er mars
Hadia Beghoura             



Danemark

Envoyé par Benjamin
https://www.tsa-algerie.com/le-danemark-vide- certains-quartiers-de-leurs-locataires-musulmans/

  - Par lexpressiondz - Par: Soraya Amiri, à Paris 28 Nov. 2022

Le Danemark vide certains quartiers de leurs locataires musulmans

           C’est une décision stupéfiante qu’a prise le Danemark pour réguler la mixité démographique dans certains quartiers, en entamant l’expulsion des personnes d’origine étrangère en majorité de confession musulmane.

           Une enquête du quotidien espagnol El Pais, révèle que plusieurs locataires d’origine étrangère ont reçu des avis d’expulsion en raison de leur appartenance à un autre groupe ethnique.

           L’information semble irréelle. Pourtant une législation danoise le permet. Dans l’optique de réduire la proportion de la population dite "non occidentale" dans certaines régions du pays à moins de 30 %, les autorités ont la possibilité de demander à des locataires de quitter leur domicile, car leur présence fait augmenter ce taux.

           En 2018, le gouvernement de coalition conservateur-libéral a adopté une loi pour mettre fin aux "sociétés parallèles« et mettre un terme aux »ghettos durs" au Danemark.
           Pour ce faire, la loi a enclenché une transformation de certaines zones. Le but est d’améliorer le niveau de vie de ces aires habitables, soutient le gouvernement danois. Chaque mois de décembre, les ministères de l’Intérieur et du Logement publient une liste de "zones de transformation" visées par cet objectif à atteindre d’ici 2030.

           Toutefois la définition de ces "zones de transformation" laisse pantois. Ce sont des aires d’habitation dépassant les 1 000 habitants et réunissant plusieurs conditions socio-économiques, scolaires ou criminelles.

           Enfin, la demande la plus ambigüe pour définir une zone de transformation est que plus de la moitié des habitants doivent être des "non-occidentaux". On ne parle pas seulement de résidents étrangers mais aussi de personnes nées au Danemark et/ou ayant une nationalité danoise.
           Une loi anti-musulmans ?

           El Pais a rencontré des locataires menacés d’expulsion du quartier Mjolnerparken à Copenhague, où plus de 80 % des 1 700 habitants sont considérés comme « non-occidentaux ».
           Le quotidien espagnol raconte leur surprise de recevoir cette demande des autorités danoises, alors qu’ils occupaient leur logement normalement. Notamment une Danoise d’origine étrangère qui n’a aucunement l’intention de quitter son logement. L’autre point inquiétant dans cette mesure est le fait que les personnes visées par cette réglementation ont un point commun, elles sont de confession et de culture musulmanes.

           Ce n’est pas pour rien. D’après Lamies Nassri, directrice du Centre danois pour les droits des musulmans, interrogée par El Pais, la notion de "non occidentaux" est une manière courtoise de dire musulman. Le Danemark compte environ 6 % de citoyens de confession musulmane.

           Cette communauté semble être au centre de la politique du gouvernement. En 2018, le Danemark a totalement interdit le port de la burqa et du niqab. Récemment, le comité de lutte pour les femmes oubliées, fondé par le gouvernement social-démocrate, a recommandé l’interdiction du voile dans les écoles.
           Le Danemark se concentre sur la réduction de l’immigration
           Cette loi vient rejoindre l’armada de mesures anti-immigration que le Danemark a mis en place depuis 2001. Comme la demande de naturalisation des enfants d’étrangers nés au Danemark à leur majorité. Depuis 2004 ce n’est plus possible, ils doivent entamer un parcours du combattant pour obtenir la nationalité du pays où ils ont vécu depuis leur naissance.

           De manière générale, l’obtention de la nationalité danoise est devenue encore plus difficile et parfois impossible même pour des personnes vivant et travaillant depuis des années au Danemark.
           Les conditions d’accueil des réfugiés et demandeurs d’asile sont les plus strictes d’Europe. Le pays avait même exigé le retour de réfugiés syriens chez eux, estimant que depuis 2019, la situation s’est améliorée dans le pays.
           Le Danemark est également le seul pays qui a officialisé en 2020, la notion de "non occidentaux". Elle a une valeur légale et regroupe toutes les populations originaires du Proche-Orient, d’Afrique du Nord, de Turquie et du Pakistan. Soit seulement des pays musulmans.

           Dans le rapport sur l’islamophobie en Europe en 2021, le Danemark est désigné comme l’un des pays – avec la France et l’Autriche – menant l’une des politiques les plus strictes contre les musulmans.
           En effet, comme le rappelle ce rapport, l’utilisation de cette catégorie de citoyens n’est pas seulement faite dans le logement mais aussi en politique. Les candidats aux élections sont également étiquetés comme "occidentaux« ou »non occidentaux".

           "35 % de tous les descendants de migrants – dont beaucoup sont musulmans et nés au Danemark – n’ont pas la nationalité danoise", rappelle le rapport sur l’islamophobie. Ils n’ont donc pas le droit de vote au Danemark. Finalement tout est ficelé pour que les droits des musulmans soient restreints et qu’ils n’accèdent pas à une représentativité dans la société danoise.
           En Europe, la normalisation de la discrimination s’installe
           C’est le premier pays européen qui légalise ce type de mesure. Dans certains pays européens la règle est sociale et tacite. La France, citée comme l’un des pays prônant une politique islamophobe, participe aussi à ce type d’exclusion. Comme les locations sont acceptées après une étude approfondie du dossier personnel et des garanties financières du locataire, il est possible de faire soi-même ce tri ethnique ou religieux.
           SOS Racisme a procédé à un testing il y a huit mois sur le marché immobilier, en se faisant passer pour des propriétaires souhaitant louer leur bien, sauf à des profils "arabes« ou »noirs".
           L’enquête de l’association a révélé que sur les 136 agences immobilières sondées et réparties sur tout le territoire français, 49 % ont accepté de pratiquer une sélection discriminatoire, en écartant certaines ethnies.
           Un vent d’exclusion souffle sur l’Union Européenne et se normalise. La France laisse les comportements discriminatoires à l’égard des musulmans s’insérer naturellement dans sa société.
           La position du Danemark a bien été critiquée par des instances européennes comme internationales, à l’image de l’ONU, mais le pays poursuit sa politique d’exclusion. D’après El Pais, la loi danoise sur les "zones de transformation" pourrait mettre à la rue des milliers de musulmans d’ici 2030.


Soraya Amiri                




De M. Pierre Jarrige
Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
    PDF 164                                                  PDF 165
    PDF 165A                                                  PDF 166
    PDF 166A                                                  PDF 167
    PDF 167A                                                  PDF 168
    PDF 168A
Pierre Jarrige

Site Web:http://www.aviation-algerie.com/

Mon adresse : jarrige31@orange.fr


Ma femme a disparu !
Envoyé par Eliane
Les hommes vont adorer !
Les femmes vont apprécier !

     C'est un gars qui va au poste de police déclarer que sa femme a disparu...
     Le gars : - Ma femme est partie faire les boutiques et elle n'est pas revenue depuis deux jours.
     Le policier : - Combien mesure-t-elle ?
     Le gars : - Je ne lui ai jamais demandé.
     Le policier : - Maigre ou grosse ?
     Le gars : - Pas maigre, elle est peut-être grosse.
     Le policier : - Couleur des yeux ?
     Le gars : - Je ne pourrais pas vous dire.
     Le policier : - Couleur des cheveux ?
     Le gars : - Je ne sais plus, elle change chaque mois.
     Le policier : - Qu'est-ce qu'elle portait ?
     Le gars : - Une robe ou un pantalon... me rappelle plus exactement.
     Le policier : - Était-elle en voiture ?
     Le gars : - Oui
     Le policier : - Description de la voiture, s'il vous plaît.
     Le gars :
     - Une Audi RS4 V6 Bi-Turbo de 2,7 litres et 380 cv.
     - Couleur bleu nogaro, avec une transmission Tiptronic semi-automatique à 6 rapports.
     - Rétroviseurs extérieurs brossés aluminium, phares à LED à faisceau matriciel, GPS intégré.
     - Sièges baquets en cuir signée Recaro et une légère égratignure sur la porte du conducteur...

     Et alors là, le gars se met à pleurer...
     Le policier : - On se calme, on va la retrouver, votre voiture… !




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