N° 226
Avril

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Avril 2022
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
https://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,

Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
Les Textes, photos ou images sont protégés par un copyright et ne doivent pas être utilisés
à des fins commerciales ou sur d'autres sites et publications sans avoir obtenu
l'autorisation écrite du Webmaster de ce site.
Copyright©seybouse.info

Les derniers Numéros : 216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 223, 224, 225,

EDITO

REVEIL OU ACCEPTATION !

        Ce 1er avril n'est pas un gros poisson, nous sommes rentrés dans la dernière ligne droite de l'élection présidentielle 2022. Une élection où le président actuel refuse le débat avec ses poursuivants. Quel mépris pour le pays, pour les citoyens, pour la démocratie. S'il est élu avec ce mépris, la France n'aura pas à rouspéter, cela prouvera que De Gaulle avait raison : " les français sont des veaux qu'on amène à l'abattoir en silence. "
        Que chacun fasse un choix, il y a des concurrents valables et ne pas laisser les sondages truqués, voter pour votre conscience.

         Cette élection du 10 avril rappelle étrangement un référendum d'il y a 60 ans (8 avril 1962) où la France décidait du sort d'un million de Pieds-Noirs sans que ceux-ci puissent s'exprimer. C'était la décision de Charles le Félon.

         Une guerre atroce fait rage en Ukraine, où ce sont encore les civils qui paient les pots cassés. Seule la neutralité totale de l'Ukraine peut la sauver et ne pas faire le jeu des grandes puissances.

         C'est bientôt Pâques avec les traditions des gâteaux, cazadielles, mounas, oreillettes, à vos fourneaux.
        Profitez, car la fin de notre civilisation approche, à moins qu'un réveil……

Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         
         A tchao.


La Croisée des Chemins.

        S'il m'arrive souvent de partir allègrement à la recherche de mes anciens souvenirs, et, ce faisant, m'en aller éternellement revisiter ce passé qui m'obsède, c'est toujours pour tenter de trouver et rapporter quelques bonnes graines, afin de donner de quoi moudre à mon moulin, sans négliger le vôtre frères du bastion de France.

        A quoi bon me direz-vous ! Puisque, certaines personnes sûrement bien intentionnées et toutes remplies de sagesse, nous font croire avec beaucoup de certitude et de sincérité, qu'il ne faut vivre que dans le présent et donner avec dédain un vigoureux coup de chiffon sur le tableau noir du passé.

        Peut-être ? Ont-elles raison d'affirmer cela ! Mais, à mon humble avis - en partie assurément ! - car, que pourrions-nous trouver en observant le présent ? Rien ou presque, sinon le quotidien - serais-je tenté de penser ! Autrement dit, le temps qui s'enfuit, apparaîtra en direct avec les images fugaces des heures qui passent et qui sont vécues strictement sur l'instant...

        C'est cela que nous pouvons appeler le présent sans risquer de faire fausse route !

        A contrario, remonter le temps pour atterrir dans le passé, est à mon sens le meilleur moyen de se retrouver au milieu d'un monceau de précieux souvenirs anciens, bons et / ou moins bons, mais, d'abord et surtout, d'avoir le privilège immense de pouvoir choisir à discrétion, ceux, ou celui, qui pourrait permettre de faire revivre un moment les temps de jadis et parfois de générer dans nos esprits, quelques bonnes remarques ou réflexions sur une époque bénie, dont nous avons encore et toujours quelques bien tenaces nostalgies.

        Tout cela pour dire, que ce retour dans le passé m'a un jour vivement interpellé, en me faisant très gentiment remarquer qu'il fut à La Calle une époque héroïque où, sans même nous en rendre compte, il s'est trouvé un moment particulier où, tout un chacun s'est retrouvé soudain - campé à " la croisée des chemins" : je veux parler de toutes les innovations courantes et quotidiennes qui furent apportées en grande partie, par les alliés de passage lors de la guerre 39/45, d'une part, puis, progressivement par le progrès de la société, d'autre part, au cours des quelques années qui ont suivies.

        L'existence de notre petit peuple Callois était alors bien définie et parfaitement stéréotypée dans sa vie de tous les jours, ainsi que dans tous les domaines qui touchaient à l'existence de la population : vêtements - nourriture - ustensiles de cuisine - outils divers - pêche - agriculture - moyens de transport...etc.

        Pour ce qui me concerne et pour l'heure, il ne m'est pas du tout matériellement possible d'aborder tous les domaines, mais, de tenter d'en explorer quelques-uns parmi les plus courants et d'en faire une critique que je souhaite objective et cela sans aucun à priori basé sur la nostalgie de jadis.

        Cette croisée des chemins nous l'avons tous rencontrée autrefois et je peux dire qu'elle a parfois bouleversée notre façon de vivre, puisque, se sont soudain subtilisées à notre façon de faire habituelles, nos coutumes et traditions ancestrales...etc., toute une panoplie de choses et de moyens nouveaux, qui les ont un moment remis presque entre parenthèses.

        Mais qu'ai-je donc rencontré alors de si particulier et qui mérite sérieusement d'être ici évoqué ?

        Le PAIN =
        Commençons par le principal aliment qui ne manquait pas sur nos tables - j'ai nommé le pain !

        Ah ! Ce délicieux pain bis lourd et massif cuit au feu de bois, dans le secret des fours antiques de nos braves boulangers. Ce divin pain qui à lui seul pouvait nous rassasier et bonifier sans limite même les plus humbles repas, lesquels, étaient autrefois servis sans façon sur nos modestes et accueillantes tables. Ce pain constituait la base principale de toute notre alimentation et il était alors parfaitement exclu, voire, impensable, de faire un repas sans pain. Encore aujourd'hui, je suis fermement persuadé qu'au sein de notre communauté, bon nombre d'entre-nous ont conservé en mémoire, le goût sublime de ce bon pain bis merveilleusement doté d'une croûte mordorée à souhait...

        Mais voilà ! Arriva la croisée des chemins, lentement, mais sûrement, pour apporter le dit progrès dans son sillage. C'est ainsi que dans notre petite cité est apparu chez certain boulanger, le premier four à pain made in Italia chauffé au fioul, et puis, dans le même temps, firent pompeusement leur entrée en scène des farines trop blanches, qui donnaient de merveilleux pains - peut-être ? - mais, avec une mie abondamment aérée et à la limite je dirais même au goût presque insipide... En vérité, des pains, à vrai dire trop légers pour remplir la panse, des humbles sujets de notre petit peuple...

        Au total, des pains sans aucune commune mesure avec ceux d'autrefois, lesquels, dont il faut le dire, avaient ce parfum particulier qui fleurait bon le fagot des fougères de nos campagnes.

        Cependant, il fut même un temps où sont apparus des pains dits viennois, dont la composition intime les rendaient agréable à la vue et leur donnait un petit goût bien particulier... Là aussi, le cadre était beau et séduisant mais la peinture pas bien fine : ils avaient dirons-nous - "l'air, mais pas la chanson !" A vraie dire, ce pain n'eut pas beaucoup de succès en son temps et notre pain bis ne s'en porta pas plus mal ! Pensez, il était fait d'une farine naturelle garantie sans aucuns additifs et pétri longuement avec l'eau du Boulif, puis, cuit dans un four généreusement chauffé aux fagots de bois odorants et fraîchement coupés dans les campagnes environnantes. Tout cela lui conférait s'il en est, cette saveur unique, sa texture massive et ses qualités nourrissantes exceptionnelles, qui ont contribué à combler avec bonheur bien de nos repas de jadis.

        De plus l'utilisation régulière des fagots, favorisait le débroussaillage réguliers des forêts où, les risques d'incendie se voyaient ainsi limités, sans parler du travail que le ramassage de ces fagots donnait à toute une foule de petites gens : il est arrivé que certains de nos boulangers troquaient régulièrement leurs pains, contre la livraison régulière d'une quantité donnée de fagots par les autochtones... C'était alors ce qu'aujourd'hui on pourrait appeler : de la solidarité !

        Que faisiez-vous des monceaux de cendres résiduelles - me direz-vous ? Et bien, elles étaient distribuées gratuitement par les boulangers, à toutes les ménagères qui venaient en demander et servaient tout simplement à blanchir efficacement toutes les lessives de la cité et des environs...
        Ecolo - bio ? appelons cela comme vous le voudrez !

        Puisque nous sommes en plein dans l'alimentation de l'époque, continuons sur ce registre et parlons un instant cuisine et façon de cuisiner :

        L'HUILE d'OLIVE
        et autres huiles - Beurre et Margarine =

        Commençons par évoquer notre savoureuse huile d'olive pure, qui servait de base à la préparation de tous nos repas : fritures - plats cuisinés maison - sauces - salades...etc.

        Alors que nous nagions dans le bonheur, avec cette cuisine faite à l'huile d'olive pure, arrivèrent alors sans même crier gare à la croisée des chemins :

        Les huiles d'arachides - de tournesol - de maïs ... dites, "huiles sans goût" dans le langage populaire, dont on peut sincèrement reconnaître qu'elles ont rendu à cette époque d'après guerre, les plus grands services aux ménagères de jadis, compte-tenu, de leur faible coût et de leur abondance sur les marchés, mais, sans ne jamais hélas surpasser : toutes les belles qualités - le parfum et le goût sublime d'une huile d'olive bien de chez-nous et surtout pas originaire d'Espagne ou d'ailleurs !

        Puis ce fut le beurre, un produit alors rare et onéreux, dont on ne se servait qu'exceptionnellement en cuisine et qui fut un temps remplacé par un succédanée : la margarine - une matière grasse d'origine végétale, que faussement il nous arrivait de qualifier parfois de "beurre"!

        Denrées variées apportées par les Alliés =
        Lors de la guerre 40 / 45 et du passage des alliés à La Calle, nous allions découvrir toutes sortes de denrées alimentaires jusque là inconnues : Corned Beef - boites de conserves variées - pâtisseries emballées, bonbons, chocolats, biscuits divers - Chewing-Gum - cigarettes à bouts colorés - poudre pour potage et café minute...etc.

        Les Pâtisseries nouvelles - Alsa et ses poudres :
        Plus tard venant insidieusement de la ville de Bône, des pâtisseries au beurre de chez Hadj le Kabyle, vinrent supplanter nos modestes gâteaux maison et c'est ainsi que devaient presque disparaître : les Zouzamiels - Pastières - tartes maison - gâteaux de semoule - petits gâteaux secs... restait heureusement le Gazadiel, l'un des rares survivants de cette croisée des chemins...

        Puis la maison ALSA vint mettre son grain de sel, en créant une curieuse poudre aromatisée conditionnée en sachets hermétiques, qui permettait de réaliser des flans minute et c'est alors que tout le monde cria au miracle ! Mais hélas ! où, était donc ce soit-disant miracle ? Ces flans colorés au parfum trompeur de vanille, n'avaient rien à voir en saveur avec les délicieux flans maison, cuits tendrement au four dans un bain-Marie par nos chères mamans !.. Mais là aussi le mal était fait, puisque, à partir de cet instant et par mesure de facilité, le petit peuple callois se mit lui aussi à réaliser régulièrement des flans Alsa et dans le même temps, devaient rapidement émerger d'autres sachets, ayant pour vocation de générer des glaces Alsa dont la prétention était de faire pâlir de dépit nos sublimes bombes glacées maison, qui, depuis des lustres, sortaient toutes droites de nos antiques sorbetières mues à la main de l'homme.

        Les Raviolis nouvelle formule :
        Je n'ose plus continuer cet étalage de nouveautés culinaires, sans évoquer le souvenir d'un regrettable sacrilège, surtout, chez un petit peuple de Callois venant tout droit d'Italie : je veux parler des nobles ravioli ! Qu'avons-nous pu alors observer d'anormal en la matière ? Et bien, à un moment donné, à la croisée des chemins devaient apparaître dans le commerce, de chétifs et bien mignons ravioli - conditionnés par plaque de 12 bien emballés sous cellophane. Aussitôt et par mesure de facilité plus que par curiosité, ce fut la ruée générale vers ce nouveau produit...

        Il est certain que depuis toujours, nous avions vu nos mères préparer ces traditionnels et gros ravioli maison, qui, arrosés d'une généreuse sauce tomate, faisaient le délice de notre société calloise et alentours. Mais quel gros travail de préparation où, toute la famille était mise durement à contribution. Cependant le jeu en valait la chandelle et le déjeuner devenait comme par enchantement, le festin des jours de fêtes par la seule présence de ces opulents ravioli, qui officiaient fièrement ce jour-là en vedette de la table... Bien-sûr, rien à voir avec les nouveaux-venus, ces minus de pâte étriqués, ces sloughis à la farce incertaine trouvés à la croisée des chemins ! Pourtant, hélas, la quasi-totalité des nôtres se convertirent volontiers et du moins par facilité à ce nouvel article, avec pour résultat la disparition progressive et presque sans aucun regret, d'un des plus éminent seigneur des tables du dimanche et des grandes occasions, lequel, fut relégué pour un temps, aux oubliettes de bien des mémoires.

        Café - lait - confitures - conserves :
        Il en fut également de même pour d'autres denrées alimentaires et boissons : le Nescafé et le lait en poudre - les confitures industrielles en boites - les olives CRESPO en bocaux et variantes - les conserves en tout genre...etc. Bien heureusement les surgelés n'avaient pas encore fait leur apparition et nous avions encore l'avantage de pouvoir consommer, quantité de très bons produits locaux fraîchement disposés sur les étals des commerçants de la cité.

        Je pourrais encore énumérer d'autres nouveautés trouvées à la croisée des chemins et dire que si la liste ci-dessus n'a pas la prétention d'être en aucun cas exhaustive, elle aura eu au moins le mérite de faire toucher du doigt ce phénomène particulier, lequel, a marqué sans conteste un réel tournant dans les habitudes alimentaires et bousculé sans façon quelques-unes de nos belles traditions ancestrales.

        Mais poursuivons encore notre discours, en abordant objectivement un autre sujet que je trouve particulièrement important, celui que nous ne pourrons éviter de rencontrer et qui nous attend à la croisée des chemin : j'ai nommé le feu, ce grand maître et seigneur de nos cuisine d'antan !

        Les feux du Potager des cuisines d'antan :
        Rappelons-nous avec nostalgie, les antiques cuisines d'autrefois avec leur Kanoun et leur grand potager où, les braises ardentes venaient pour nous réchauffer en hiver, mais, surtout, n'arrêtaient cependant jamais, de mijoter tendrement de bien merveilleuses préparations, en compagnie de vieilles cocottes de fonte noire, lesquelles, conféraient toujours aux aliments, un goût que j'oserais qualifier de divin... Bien-sûr ! me direz-vous, faire la cuisine en ces temps héroïques, prenait beaucoup de temps et nécessitait bien du travail : il fallait préparer le feu au charbon de bois made in La Calle - s'occuper de débiter les ingrédients et les installer dans nos antiques ustensiles de cuisine - surveiller attentivement leur cuisson, qui le plus souvent était très longue... Mais au total reconnaissons sincèrement, que le résultat culinaire dépassait en goût et saveurs diverses, tout ce qu'aujourd'hui nous apporte le progrès...

        Pour exemple, souvenons-nous de la célèbre sauce tomate, dite "sauce rouge", qui accompagnait habituellement les spaghetti du dimanche et demandons-nous un seul petit instant seulement, les raisons pour lesquelles cette sauce avait un goût et un parfum incomparable, malgré les modestes ingrédients traditionnels qui le plus souvent constituaient cette préparation ? Et bien, c'est parce que cette sauce mijotait très lentement toute la matinée sur les braises du potager, ce qui par conséquent, libérait toutes ses merveilleuses propriétés gustatives qui enchantaient la maisonnée.

        Rappelons qu'il fut un temps où, durant la chaude saison de l'été, fleurissaient ça et là de grands et profonds plateaux de bois, remplis à ras-bord de jus de tomates bien mûres fraîchement ébouillantées et consciencieusement moulinées, que nos mères exposaient au rude soleil de la journée, afin de le concentrer lentement avec bonheur en un merveilleux et inoubliable coulis, lequel, était soigneusement mis dans des bocaux stériles rangés bien religieusement pour l'hiver...

        Les sauces rouges avaient alors du goût, avec ce parfum inimitable des fières et opulentes tomates, toutes gorgées par les brûlants rayons de soleil de l'été. Mais, hélas ! au cours des ans, cette tradition fut mise au placard par l'apparition du concentré de tomate, mis en boite dans les concentreurs de la Tomacoop, établissements cautionnées et agréé par nos voisins les bônois... Mais soyons justes et sincères : les sauces réalisées avec ce concentré, n'étaient mauvaises au goût, bien qu'elles donnaient une certaine acidité dont nous avions trouvé le remède, en ajoutant une ou deux pierres de sucre et quelques rondelles de carottes, lesquelles, gommaient le côté acide toujours désagréable de la préparation. Aujourd'hui, les boites de concentré de tomate siègent toujours en bonne place dans nos cuisines, mais, à la moindre occasion, une sauce au coulis de tomates fraîches pour accompagner le Général Spaghetti, reviennent au galop pour enchanter nos papilles gustatives, qui, elles-aussi, ont bien le droit d'avoir comme nous quelque nostalgie des temps de jadis.

        Butagaz - Cuisinière modernes - Chauffage :
        Mais les sources de chaleur nécessaires à la cuisson des aliments, se sont vues, elles aussi confrontées par le progrès qui les attendait de pieds ferme à la croisée des chemins. Progressivement dés 1948/49 le Butagaz comprimé en bouteille d'acier, fit son apparition dans la cité... Je ne peux dire honnêtement que ce fut une mauvaise chose, puisque, il devait apporter un confort journalier et épargner nos mères de toutes les servitudes que nécessitaient l'entretien des feux du potager. Je me souviens de 1949 date de ma Communion solennelle où, j'avais pu recueillir de la générosité de nos connaissances et amis, la coquette somme de 9000 anciens francs, que j'avais donné à ma mère pour me permettre de participer à l'achat de notre première cuisinière à gaz. Toute la famille fut alors ravi de cet achat, même mon grand-père Vincenzo, qui, il faut le dire, n'était auparavant pas du tout favorable, à l'endroit de toutes ces modernités qu'il trouvait à son avis contre nature.

        Ma grand-mère exultait de faire le constat d'une si grande facilité - de réchauffer un café ou, un reste alimentaire de la veille - de faire un plat au four, qui la dispensait de "courir" chez le boulanger - de mijoter rapidement, une traditionnelle et belle sauce tomate...etc. sans avoir dés le matin le souci de préparer le feu du potager, qui nécessitait toute une organisation préalable : aller régulièrement chez M.Sousse Krief, Poropane ou Bertot les menuisiers du village, afin de récupérer les copeaux de bois nécessaires pour faire partir le feu - se rendre dans la cours de la maison, pour aller à la quête du charbon de bois, bien rangé dans des sacs au fond du débarras... etc, mais, le travail n'était pas encore fini et nos mères n'étaient pas arrivées au bout de leurs peines, puisqu'il fallait ensuite allumer correctement le feu du potager, ce qui n'était, je vous l'assure, pas très facile pour les non initiés, car, parfois, la qualité du charbon laissait à désirer et que de plus l'humidité des lieux où, il était entreposé, n'arrangeait pas les choses. Alors, il fallait savoir manier l'éventail prévu à cet effet et parfois même souffler un long moment sur les braises pour enfin les activer.

        Avec le progrès toute cette corvée fut mise au placard... Finis les feux ardents du potager - les Primus et autre réchaud à alcool, qui pourtant, nous avaient bien rendu service avant l'arrivée du Butagaz.

        L'hiver le Kanoun et cheminée furent boudés au profit d'un chauffage au gaz dispensé par un ensemble monté sur roues, que l'on pouvait promener dans toutes les pièces, lequel appareil, contenait une bouteille de gaz butane et était muni d'un brûleur, qui répandait une douce chaleur dans la maison. C'était propre - pratique et peu encombrant...éclipsant définitivement toutes les sources de chaleur de jadis.

        Régulièrement et sur appel, en général, tous les mois, une bouteille de gaz était livrée et installée à domicile, par un préposé qui remportait ensuite la bouteille de gaz vide. Le coût de cette opération et celui du gaz était à la portée de toutes les bourses, ce qui à l'époque ne fut pas négligeable.
        Que demandaient de mieux nos chères ménagères !

        Cependant, il m'arrive parfois aujourd'hui, de songer avec nostalgie à ce parfum sublime qui régnait dans nos cuisines d'antan, où, se mêlaient à la fois, toutes les senteurs végétales du foyer et celles des différentes préparations culinaires de nos mamans, que je revois mijotant lentement et tendrement leurs sublimes recettes sur le feu du potager.

        Mais voilà ! le gaz avait de bonne guerre conquis nos demeures et reconnaissons aujourd'hui qu'il est toujours resté fidèle à son poste, malgré les nombreuses décennies qui depuis se sont écoulées, sans avoir un seul instant changé de visage, puisqu'on le trouve toujours sagement contenu dans les éternelles bouteilles d'acier de jadis.

        Pourtant de nos jours le feu a conservé tout son attrait et j'en veux pour preuves l'utilisation des cheminées à bois en hiver et des grillades sur barbecues en été, pour la grande joie, le plaisir et la satisfaction de tous.

        Nostalgie d'une époque révolue ? Allons-donc ! Plutôt, ce me semble, un retour aux sources du passé, sans lesquels je le crois nous ne pourrons exister.

        Puisque nous sommes encore dans la cuisine, je retrouve à la croisée des chemins une nouveauté intéressante, qui a apporté bien du plaisir dans le monde et en particulier dans ce pays chaud de l'Afrique : je veux parler de l'utilisation du froid, qui permettait de rafraîchir les boissons et conserver les aliments à l'aide de moyens plus adéquats, d'abord, primitifs, puis progressivement modernes.

        Le Froid sous toutes ses formes :
        Rappelons-nous de la façon dont nos anciens rafraîchissaient les boissons en été, en exposant les bouteilles au courant d'air ambiant, après les avoir bien entourées d'un linge humide. N'oublions pas non plus, l'ingéniosité des célèbres gargoulettes arabes, qui de par leur porosité maintenaient l'eau parfaitement fraîche, ni, tous les petits malins qui tranchaient en deux en été, melons et pastèques qu'ils exposaient au soleil pour les rafraîchir évaporation aidant !

        Tous ces gens de jadis avaient découvert sans même le savoir, que, l'évaporation créait du froid, qu'ils se sont mis à utiliser pour leurs besoins vitaux. Reconnaissons que le progrès qui s'en est suivi, avec l'apparition des glacières, d'abord, puis, des réfrigérateurs, ne fut qu'un plagiat de ce principe d'évaporation sous couvert de modernité.

        Chez-nous, nous eûmes d'abord, une glacière de taille modeste faite de bois et alimentée régulièrement tous les deux jours, par 1/2 barre de glace venant de chez M. Saury et livrée à domicile par un de ses employés. Quel bonheur : les boissons étaient toujours bien fraîches et la conservation des aliments si précieux à l'époque était plus que parfaite.

        Lorsque nous avions de grandes quantités de fruits et de bouteilles à rafraîchir, notamment, en été lors d'une fête où nous étions très nombreux à table, ma mère installait les produits à rafraîchir dans une grande lessiveuse avec 1/2 barre de glace : je n'ai jamais trouvé aucun autre moyen, pour rafraîchir aussi parfaitement denrées - fruits - bouteilles diverses.

        A côté des glacières dont je viens de parler, sont apparues des installation meublantes identiques, mais, à pétrole, lequel, chauffait de par sa combustion, un fluide particulier qui s'évaporait en créant tout naturellement du froid.

        Nous avions fidèlement conservé notre chère glacière, jusqu'au grand départ pour la France en 1962 où, un réfrigérateur moderne muni d'un compartiment congélateur, devait prendre bonne place dans notre nouvelle demeure.

        Il est vrai que les réfrigérateurs avaient déjà depuis quelques années, fait leur apparition dans toutes les magasins des villes et villages d'Algérie. Cependant, ils étaient très coûteux et pas toujours à la portée des bourses de chacun... Je me souviens que dans ma famille bônoise, un appareil de la marque Frigéco avait été acquis à prix d'or pour l'époque : une somme qui dépassait au moins, les deux à trois mois de salaire du chef de famille - menuisier aux Chemins de Fer Algériens. Mais, quel appareil : esthétique - solide - jamais en panne et très efficace par le froid qu'il distribuait... Pour l'histoire, je dirais que ce Frigéco devait servir très fidèlement la famille en Algérie, mais, aussi poursuivre, quelques années encore ses fonctions en France, puisque, ayant suivi ses propriétaires dans leur exil.

        T.S.F. - Phonographes à manivelle et disques 78 tours - Pick-Up - Tourne-disques TEPPAZ et microsillons :
        Ecouter les programmes diffusés à la radio, n'était autrefois pas donné à tout le monde. En effet peu de familles disposaient alors, d'un poste de TSF qui était encore très coûteux à l'achat et qui à vrai dire, relevait d'une utilisation qui n'était encore pas tout à fait rentrée dans les mœurs. Puis au cours du temps, sont apparus différents postes de marques diverses, à la portée des bourses les mieux garnies. Informations - musiques en tout genre - publicités...etc. Ce fut presque une petite révolution dans notre cité où, dans toutes les maisons fusait de la musique et des chansons à la mode.

        Dans quelques familles survivaient encore, de vieux phonographes à manivelles munis de leur grand pavillon, qui continuaient à diffuser fidèlement sur un ton nasillard de la musique et des chansons gravées sur des disques 78 tours.
Jean-Claude PUGLISI.
de La Calle de France
83400 - HYERES.

$=$=$=$=$=$=$=$=$=


ALGERIE FRANÇAISE
S.A.R.L. ALGUDO Antoine et ses fils
Travaux Publics MOSTAGANEM

Exploitation de M'Zila en découvert d'argiles smectiques bentonites
Situées au lieu dit " l'ACHASTA " commune de BELLEVUE dans le département de MOSTAGANEM et bordant la plaine du fleuve " Cheliff ", ces collines arides recèlent en sous-sol différentes sortes d'argiles. Avant le début des travaux il fallait déceler et sélectionner par sondages les veines les plus pures destinées à la transformation en usine de produits servant à la lubrification des trépans des foreuses des puits de pétrole et de gaz du Sahara, ainsi qu'à l'élaboration de produits cosmétiques.


Illustration 1 : la direction de la Sarl.
De droite à gauche ALGUDO Antoine et ses fils Alain et Paul.



2 : le site d'exploitation.


3 : coupes de découvert des bentonites
dans les collines de M'zila

Les terrassements nettement moins durs que sur le site de MARNIA, ont cependant nécessité beaucoup d'attention. Seuls l'expérience et " l'œil " du Chef de chantier pouvaient déterminer quand les veines à exploiter étaient atteintes par les scrapers et les bulldozers, tant elles étaient similaires.


4 : découvert des bentonites en cours.

L'extraction pouvait alors commencer. Les matériaux étaient chargés sur nos camions bennes par des excavatrices chargeuses Caterpillar à renversements directs ou frontaux.

Pour accéder à ces lieux d'exploitation il fallait, au départ de MOSTAGANEM, traverser le centre ville puis prendre la direction des villages de PELISSIER, TOUNIN, AIN TEDELES et BELLEVUE. Nous entamions alors la longue descente vers l'ACHASTA dans la plaine du Cheliff.

Franchissant le pont sur le fleuve, nos camions parcouraient ensuite une dizaine de kilomètres de piste jusqu'aux lieux de chargement par la pelle excavatrice. Sur la photo ci-dessous c'est un technicien de chez Caterpillar qui est à la manœuvre en démonstration.


5 : excavation de bentonites par pelle frontale.

6 : chargement des camions par pelle frontale.

7 : extraction chargement des camions par pelle renversée.


8: MOSTAGANEM -
Au premier plan l'hôtel de ville et le jardin Public.

Chargés, ils repartaient jusqu'à l'usine de transformation CECA (Cie d'Exploitation et Chimie Appliquée) en longeant le fleuve " Cheliff " sur une vingtaine de kilomètres jusqu'à son embouchure. Puis, après le passage du pont, ils suivaient le bord de mer, au pied du " djebel diss ", sur une dizaine de kilomètres, avec une arrivée directe à l'usine installée sur les quais du port.

Six camions faisaient une à deux rotations suivant les jours.

La logistique et la direction de ces activités de transports et de terrassements étaient assurées directement depuis notre siège social de MOSTAGANEM.



9 : MOSTAGANEM. La Mairie avec le jardin Public et le port.

10 : années 1920

- Début de l'entreprise de transports Antoine ALGUDO, à RIVOLI.


11 : M'ZILA début de la Sarl Antoine ALGUDO et ses fils
- Fin des années 1940.


Notre société n'était que le prolongement progressif voulu par mon père de son entreprise de transports qu'il avait fondée dans les années 1920. Simple petit mécanicien du village de RIVOLI, il avait subi au préalable la perte de son atelier détruit par un incendie. Alors, aidé par son beau-père Alphonse SAINT UPERY agriculteur, il s'était lancé, avec l'achat d'un premier camion, dans le transport de marchandises en venant s'installer à MOSTAGANEM.

C'est une équipe chevronnée et compétente de jeunes et d'anciens de l'entreprise initiale (TAM) Transports Auto Mostaganemois qui a été à l'origine de la réussite de ce qui allait devenir la Sarl ALGUDO transports et travaux publics.

C'est à eux qu'il me plaît de rendre hommage ici car ils furent par leur travail, leur professionnalisme et leur courage dans des moments très difficiles, le secret de notre progression :
Georges SAINT UPERY, mon tout jeune oncle à l'époque, frère de ma mère, Jean ALGUDO le plus jeune frère de mon père Antoine,
Félix NAVARRO mon cousin germain, chef comptable,
René BAZUS notre vieux chef d'atelier mécanique, un formateur hors pair et tourneur d'exception,
et Joseph ALCAZAR qui lui succéda brillamment,
Miloud BENARABI le plus ancien collaborateur de mon père qui passa toute sa vie laborieuse auprès de nous, son fils Lahcen prenant sa suite.

Ces anciens qui formèrent à leur tour quelques jeunes qui ne déméritèrent pas : Armand HERNANDEZ, coursier, encore aujourd'hui proche de nous (Marseille) ainsi que Yves ALFONSO, aide comptable (Grasse) et Christian LLORENS apprenti magasinier (Béziers) et son triporteur, formé par notre vieux et fidèle chef magasinier MADANI, et encore Joseph ALMANSA, Mohamed GOUMIDI le bagarreur ; il a fini ses jours tué lors d'une rixe avec un policier dans un café maure, après l'indépendance.

Enfin, comment oublier notre gardien de nuit, ce cher et fidèle Bendjelloul BENAOUDA, adoré par les enfants de notre famille qu'il entourait de toute son attention !


12 : BENAOUDA et nos enfants -Laurence PUJOL,
Jean-Christophe et Aline ALGUDO

Evidemment j'en oublie certainement, mais Georges ALARCON qui devint notre dernier Chef comptable occupait avec son épouse Micheline MANSINO une place particulière dans notre famille; son père chauffeur de poids lourds dans notre entreprise fut tué lors de son retour un soir à son domicile, renversé par un chauffard qui prit la fuite.
Mon père, incidemment, retrouva la voiture du coupable qui était le fils d'une famille fort connue de MOSTAGANEM. Il devint alors le tuteur de Georges qui ne quitta plus notre entreprise et notre famille jusqu'à l'indépendance.

Anecdote tragique, c'est pendant nos travaux, dans ces collines de M'ZILA, que nous avons vécu, fin 1961, un événement aux conséquences dramatiques pour tous : nous avons perdu un de nos gardes tué lors d'une attaque surprise des rebelles. Ces faits ont mis fin à ce climat de confiance qui régnait jusqu'alors dans notre environnement. Il y avait eu " un avant ", il y avait, suite à cette attaque " un après ! "


13 : bulldozer Caterpillar D8 - Damian ORTEGA
expert en ouverture de piste.



14 : Laradj BLIDI l'expert en nivellement et finition des ouvrages.

Nous avions atteint ces lieux d'extraction en créant au bulldozer et au motor grader (niveleuse) dix kilomètres de pistes à travers les collines. La CECA louait les espaces traversés aux chefs des douars ainsi désenclavés par nos travaux. Un accueil chaleureux nous était alors toujours réservé.
Conséquences, nos deux conducteurs d'engin attitrés Damian ORTEGA pour le bulldozer, et Laradj BLIDI pour la niveleuse devaient alors souvent de se plier un moment à la coutume d'accueil du " café pâtisseries " du bled.
Le soir le matériel à l'arrêt était l'objet du rituel d'entretien habituel sous la direction de l'incontournable et professionnel duo chargé des opérations : Diego GARCIA et Pierrot PINOTIE en présence des conducteurs de chaque engin.


15 : l'équipe d'entretien à pied d'œuvre
lors d'un arrêt ravitaillement carburant.


16 : opérations d'entretien du matériel.

Dans ces paysages magnifiques de notre belle Algérie, qu'il était beau aussi ce chantier où régnait une ambiance cordiale dans toute l'équipe et avec les propriétaires de ces terrains loués à Monsieur Alix BAUDIN représentant la CECA.

C'était surtout cette noble et sympathique famille FADLI d'un " douar " tout proche où nous étions souvent invités à partager chez eux des moments en toute convivialité. Etait toujours présent parmi eux le jeune et sympathique Mohamed FADLI le fils aîné, chef des ouvriers.
Il respirait la gentillesse. Hélas, nous ne devions plus jamais le revoir, il a disparu après que le départ de l'attaque contre notre chantier ait été localisée depuis ce douar où ils nous recevaient !
Parti de son plein gré ou enlevé par les assaillants en fuite, arrêté et emprisonné après la réplique de l'armée ? Nous ne l'avons jamais su !



17 et 18 : ma famille sur le tarmac
de l'aéroport de LA SENIA (ORAN) 16 juin 1962.

Des événements particulièrement graves allaient suivre après cette attaque : l'équipe de garde du chantier qui venait de perdre un de ses membres a été évacuée pour sa sécurité, en ma présence, par un commando de l'OAS venu de MOSTAGANEM, emportant en même temps toutes les armes présentes dans la tour de défense de l'ACHASTA et dans le véhicule blindé laissé sur place.

C'étaient les derniers soubresauts de notre belle Algérie Française abandonnée et moribonde.
Encore un de ces épisodes dramatiques qui ont émaillé ce gâchis d'une politique démentielle de duplicité pour le malheur des deux peuples, l'un forcé à l'exode, l'autre qui devait subir des gouvernants dictatoriaux et une corruption institutionnalisée.

19 : 5 juillet 1962. Mon cargo de l'exode au départ de MOSTAGANEM.

20 : Blason de Mostaganem. Mosaïque
réalisée par Paul ALGUDO.
Alain ALGUDO
15 mars 2021


LA PHILOLOGIE...
OU L'ETUDE DU VERBE "METTRE"
ECHO D'ORANIE - N° 281
QUAND LE PROFESSEUR PAQUITO FAIT DE LA PHILOLOGIE... OU L'ETUDE DU VERBE "METTRE" DANS LE VOCABULAIRE PIED-NOIR"

                Le verbe "mettre" a connu dans la lexicologie pied-noir, une évolution sémantique particulière et son emploi ont rapidement pris dans la langue de là-bas, une importance considérable.

               Abondamment utilisé dans le truculent langage de chaque jour, ce verbe avait une signification suffisamment explicite pour que l'on ne soit pas tenté d'avoir le mauvais goût de vouloir éclairer le lecteur innocent sur une certaine valeur érotico-péjorative. Chacun, en Piednoirie, connaissait cette valeur. Et c'est tellement vrai qu'il n'arrivait que très rarement - et encore fallait-il être vraiment distrait - que l'on demandât, au milieu d'un groupe, lorsqu'un objet quelconque devenait embarrassant :"Où je le mets ? .. "

               Il ne manquait jamais quelque malin pour vous répondre - le plus gentiment du monde, d'ailleurs - avec la sollicitude de celui qui apporte une solution à votre problème : " Tu te le mets dans le c..!". Il n'y avait dans cette réponse, ni méchanceté, ni agressivité vis-à-vis de l'autre. C'était tout simplement un réflexe conditionné, à l'état pur, provoqué par l'audition du fameux verbe "mettre".

               Lorsque celui qui avait posé la question était un personnage à manipuler avec précaution, un supérieur hiérarchique, par exemple - d'ailleurs, il ne disait pas :"Où je le mets ?...", mais :"Ou dois-je donc le mettre ?.. " - personne ne répondait ;il s'instaurait un silence épais, métaphysique, où chacun, prenant un air dégagé dans l'attente qu'un audacieux se décide, évitait de croiser le regard du voisin, car il aurait pu y lire très clairement la réponse à la question posée.

               Je me rappelle que, jeune officier instructeur au 2ème Zouaves, au Quartier Magenta d'Eckmühl-Oran, alors que je venais de démonter un fusil mitrailleur, modèle 24-29, et que je procédais à son remontage, au milieu d'un cercle attentif de jeunes recrues, tenant à la main un long boudin métallique, je déclarai : "Ceci est un ressort récupérateur ; où dois-je le mettre ?... "

               Un silence embarrassé suivit la question. Je sentais bien que les jeunes Bretons, Lorrains et gars du Nord qui m'entouraient, supputaient les différentes possibilités d'emplacement de la pièce en question. Mais comme la réponse tardait à venir, je levai les yeux... Je vis alors, sur le visage épanoui d'Armand V..., le boulanger de Bab-el-Oued, le seul Pied-Noir de ma section, un sourire béat qui en disait long...
               Je compris aussitôt qu'il "savait" où je devais "me" mettre le ressort récupérateur.
               Autour de nous, dans leur candeur infinie, les "petits Français" n'avaient rien vu, rien entendu, rien compris...

               Parti donc du registre érotique le plus trivial, le verbe "mettre" a conquis en quelque sorte des lettres de noblesse en prouvant son utilité en des domaines aussi relevés que peuvent l'être la Sociologie, la Politique, la Morale ou l'Histoire, domaines nécessitant la détermination d'une hiérarchie de valeurs.

               En Sociologie, par exemple... les spécialistes de toutes écoles, examinant les structures d'une société, procèdent à des classements variés de peuples, de races, d'ethnies, de religions, de communautés, de conditions sociales, de groupes, de sous-groupes, et j'en passe... Le Pied-Noir ne s'est jamais éparpillé en de telles considérations. Il a toujours classé les gens, en deux grandes catégories :"Ceux à qui on la met" et "Ceux à qui on la met pas".

               Les sociologues ne trouveront sans doute pas dans ces raccourcis, l'explication rationnelle de la lutte des classes, des conflits de génération, des différences entre partis de droite et partis de gauche, ou de l'évolution des mouvements d'opinion, à l'intérieur d'un pays. Mais le colossal effort de simplification, apportée par la pensée pied-noir de la première moitié du XXème siècle, dans une discipline aussi complexe, ne saurait échapper à personne.

               En politique, le verbe "mettre" a toujours présidé aux multiples débats, empoignades et face à face, quand ce n'était pas corps à corps, qu'engendrait la moindre campagne électorale. Le programme d'un parti, la personnalité des hommes qui pouvaient l'animer, la plate-forme des revendications qu'il fallait soutenir, ont toujours été là-bas des éléments de second plan. Fallait-il, en effet, pour se déterminer dans un choix politique, savoir si l'on allait changer dans la stabilité ou se stabiliser dans le changement, s'aventurer dans la stagnation ou stagner dans l'aventure, continuer dans le progrès ou progresser dans la continuité ?... Les critères du Pied-Noir étaient plus simples et se ramenaient à ces constatations de bon sens :
               1° - "Tous ceux qui sont dans la politique, ils te la mettent !'
               2° - "Il faut choisir çuila qui te la met le moins."
               3° - "Encore content, s'il laisse pas que les autres, ils te la mettent aussi."


               A partir de là s'est manifestée, au sein de la société pied-noir, l'élaboration de toute une hiérarchie de valeurs professionnelles, religieuses, sociales, énoncées en quelques principes clairs, ne souffrant la moindre contestation et que seuls, "les événements d'Algérie" sont venus bouleverser, après plus d'un siècle de tranquillité qui, sans atteindre la "pax romana", n'en était pas moins l'expression sereine de la bonne conscience d'un peuple :
               "l'ouvrier qui travaille pas, pas besoin de syndicat pour ça, il la met au patron, tous les jours ; mais le patron c'est toujours le plus fort parce qu'il lui met à l'ouvrier à la fin du mois !
               "Aux fonctionnaires, on leur met pas : il leur tombe le mois tous les mois... et en plus, pour un oui, pour un non, ils se tapent les congés de maladie et ils ont la retraite ! "

               "A Martinez, tu lui mets pas dans le travail ; mais Touboul, c'est le champion du monde, parce qu'à lui, personne il lui mets dans les affaires."
               "De toutes les façons - concluait-on avec une philosophie à l'opposé de toutes ces manifestations qui fleurissent de nos jours, aussi bruyantes que stériles - d'accord ou pas d'accord, le gouvernement, il la met à tout le monde !'


               Selon certains chercheurs, cette philosophie prendrait ses sources dans l'Antiquité greco-latine. Ainsi, Roland Bacri, dont le sérieux des travaux n'est pas à mettre en doute, attribue à l'historien Suétone, dans son dictionnaire pataouète de langue pied-noir, le Roro, la phrase suivante :"A César, personne y lui met !".

               Enfin, ce verbe "mettre" appartient à l'Histoire. Il fut "mis" (sans redondance inutile) à l'honneur dans l'un des faits d'armes du corps franc des Français libres juifs de la division Leclerc.
               Ces soldats, qui avaient quitté clandestinement l'Algérie et avaient débarqué parmi les premiers en Normandie, toujours volontaires pour les coups durs, servaient d'éclaireurs à la fameuse division blindée. Le fait m'a été rapporté par mon ami Roger Gabbay - que l'Eternel lui donne une place de choix au paradis.

               Un soir, leur commando de cinq hommes, sous les ordres d'un sergent bônois, arriva aux abords d'un petit village d'Alsace. Leur mission : savoir si l'ennemi l'avait évacué ou si, au contraire, il en avait fait un point d'appui. Tandis qu'ils progressaient, un volet s'entrouvrit avec précaution presque au-dessus d'eux et, alors qu'ils s'apprêtaient déjà à tirer, une vieille femme apparut qui leur fit signe de se glisser dans sa maison. Là, elle leur dit que les Allemands s'étaient retranchés dans la partie haute du bourg. Comme ils avaient reçu l'ordre de rester sur place en observation, ils acceptèrent l'offre de la vieille Alsacienne de s'installer dans le grenier de sa maison d'où l'on découvrait tout mouvement dans le village.

               " - Ah ! mes enfants ! Que je suis heureuse de voir des petits Français ! Tenez ! ... Tenez ! ..." disait leur hôtesse, et ouvrant un placard, elle en sortit toutes les provisions qu'elle avait jalousement cachée aux Allemands... Après un plantureux repas qui changeait bien nos héros de leurs rations militaires, la vieille dame voulut encore les installer pour la nuit. Elle leur distribua toutes les couvertures disponibles et, pour qu'ils puissent s'éclairer, elle ouvrit une boite de bougies qu'elle avait précieusement conservée pendant toute la durée de la guerre. Après avoir tendu à chacun des cinq sa bougie, il lui en restait une dans la main.

               "- Il m'en reste une, dit-elle, où voulez-vous que je la mette?..."
               Alors, le sergent bônois, ne laissant à personne l'initiative de la réponse, s'écria précipitamment :
               "- Entontion vous autres ! Cette femme, elle a été formidable, avec nous !... Si y'en a un qui lui dit où il faut qu'elle la mette, je lui donne sa mère !.. "

               Et voila comment le verbe mettre s'est introduit - pour ne pas écrire s'est mis - dans l'un des innombrables faits d'armes de ces courageux, dans l'épopée de ces hommes, venus des colonies pour défendre le pays et libérer la mère patrie.,.
               Le lendemain, le village était pris... Aux Allemands, on leur avait mis !...
Professeur PAQUITO - Université de la Calère

               "Çuila qui sait lire, il a vu le désaccord qu'y a dans l'accord de l'adjectif féminin pied-noir. Pied-Noir, ça s'accorde en nombre (des Pieds-Noirs, il en reste encore beaucoup) ; il ne s'accorde pas en genre (des fois que ça ferait mauvais genre). "Pepico Panadero in "Morphologie et Syntaxe des Pieds-Noirs avant les Désaccords d'Evian". Editions de la Calère, 1958, P.43
               Prononcez :"Ceusse" "la" ou "le", comme vous voudrez ou ad libitum, comme disent les savants. Statistiquement parlant, on préférait "le" à Alger, et "la" à Oran. L'explication possible, avancée dans une thèse fondamentale par d'éminents philologues de la Faculté de Monte Seco, est que le mot remplacé par le pronom est masculin en ltalien, proche du pataouète algérois, et féminin en Espagnol, à l'origine du parler oranais.
               Roland Bacri, Dictionnaire Pataouète de Langue pied-noir, le Roro, Denoë|, Paris, 1969,p.72



Les Ravioli et leur Sauce

        A tout Seigneur, tout honneur, serais-je tenté de dire ! Mais, au fond, en méditant sur les Seigneurs en question, j'ai très envie de poursuivre cette causerie intérieure, à la manière des gladiateurs Romains, qui clamaient avant de combattre :" Ave César, morituri te salutam ! " N'étant, ni gladiateur ni, Romain, mais tout simplement Callois, j'ai pensé, que dans le combat audacieux qu'il va me falloir livrer, une autre formule verbale sera mieux adaptée. Alors, laissez-moi m'en aller en haut du Moulin et là, faisant face au Bastion, comme un gladiateur dans l'arène, je crierai de toute ma hauteur : " Ave Cyprianus, criticuri te salutam !"

        En clair, je m'attends à recevoir quelques appréciations bien placées, qu'il faudra que j'encaisse sans sourciller.

        Voyez-vous, même si je ne suis pas un gladiateur, j'ai décidé courageusement de prendre le risque immense, de conter les Ravioli au bon petit peuple du Bastion de France. Donner la recette avec la sauce tomate en prime, c'est à coup sûr recevoir sur la caboche, une volée de critiques qu'il me sera difficile d'esquiver. Du côté Presqu'Île, ils vont me prendre à coups de " Catchoutchels " et si je me sauve sur le cours Barris, toute l'artillerie des " gatsoumarines " sera là pour m'accueillir chaleureusement et certainement pas pour me présenter les armes... Mais, j'ai dit gatsoumarines ! ? pardonnez-moi, mes frères, je voulais dire holoturies et mille excuses si je n'ai aucun don pour les langues étrangères. Si dans cette affaire je bats en retraite vers le sud du territoire, quelques coups de pieds bien placés auront au moins le mérite, de me faire gravir la route de Bône sans même transpirer. Mais, passé les quatre chemins, " les Tsapadours " en embuscade, me gratifieront de quelques tomates bien mûres, en visant bien derrière les oreilles.

        Mais, soyons sérieux un instant, car, le moment est plus que grave. Comment vais-je me justifier ? puisque la critique étant aisée, mais l'art bien difficile. Ne dit-on pas chez-nous, que même sans le savoir, nous avions résolu le mystère d'une grande recette, que chacun de nous peut tenter sans se faire baptiser. Alors, laissez-moi inscrire cette vérité en lettres d'or : " au Bastion de France, il n'y avait pas qu'une recette de Ravioli, mais, autant de recettes qu'il y avait de famille ! "

        C'est ce qu'il fallait démontrer pour se faire un peu moins étriper.

        La recette qui va suivre est une façon parmi tant d'autres, de préparer ce plat traditionnel venant de nos ancêtres. Lorsque parfois, il m'arrive de préparer quelques ravioli et leur sauce, en suivant scupuleusement les indications de la formule que je vais indiquer, je retrouve tout d'un coup en plus de leur subtil parfum, le sentiment d'une grande bonté et d'une affection qui encore aujourd'hui a marqué mon existence : ceux de Mme Marie Costanzo-Dinapoli +, ma chère tante de cœur préférée.

        J'ai naïvement pensé, qu'un bon plat de ravioli avec la recette de ma Tante Marie, le tout accompagné d'une généreuse sauce tomate, servis dans la plus grande bassine que vous possédez, croyez-moi, alors si on vous critiquait, se serait plus par habitude qu'avec l'intention de le faire.
        Alors, laissez-moi crier aux 4 vents :
" AVE CALLAÏOUNS ! Raviolicus te Salutam.
Jean-Claude Puglisi

Recette pour 120 ravioli :

        Préparation de la farce =
        Les ingrédients
        - 500 gr de chair à saucisse
        - Une cervelle de veau hachée
        - Le vert de deux paquets de blettes, d'épinards ou de scaroles
        - 1 à 2 gousses d'ail et un bouquet de persil hachés
        - 5 oeufs frais
        - Sel et poivre
        - Gruyère rapé

        Confection de la farce

        - Faire blanchir le vert des blettes, épinards ou scarole
        - Bien les égoutter, en les pressant entre les mains, les hacher soigneusement
        - Mélanger avec la chair à saucisse, la cervelle hachée, les œufs, le hachis d'ail et persil, le gruyère rapé, sel et poivre
        - Réservez au frais

        Préparation de la pâte à ravioli =

        Ingrédients
        - 1 kg de farine tamisée
        - 150 gr d'Astra
        - ½ litre d'eau
        - 2 œufs
        - Sel et poivre

        Confection de la pâte à ravioli
        - Dans un grand récipient, former un puits de farine
        - Casser les œufs, saler et poivrer, les battre et verser dans la farine
        - Fondre l'Astra dans ½ litre d'eau tiède et l'incorporer dans la préparation
        - Pétrir la pâte jusqu'à ce qu'elle devienne bien lisse

        Montage des ravioli =
        - Etalez la pâte au rouleau ou, avec une bouteille vide, en bandes très fines de 120 à 130 mm de large
        - Répartir la farce par petits tas à intervalles réguliers à l'aide d'une cuillère à café
        - Rabattre la pâte sur la farce
        - Souder les bords à l'aide d'une roulette ou, les bords d'un verre à boire
        - Ranger sur un plan fariné ou, un drap blanc disposé sur une grande table

        Cuisson de ravioli =
        - Portez à ébulition un volume d'eau suffisant
        - Saler modérement et ajouter un peu d'huile
        - Verser les ravioli en petite quantité
        - Dés qu'ils remontent à la surface, ils sont bien cuits
        - Retirez à l'écumoire et égoutter
        - Réservez dans un plat chaud et parsemez de beurre ???

        Présentation sur la table =
        - Dans un grand plat, nappez généreusement de sauce, poivrez au moulin
        - Fromage de gruyère et Parmesan à volonté

        Préparation de la sauce tomate =
        - 1 kg de porc ou de bœuf, dans ce dernier cas rajoutez quelques saucisses fraiches
        - Faire revenir la viande dans de l'huile et réservez
        - Dans la même huile, faire dorer un gros oignon coupé en quatre
        - Ajoutez deux boites de concentré de tomate moyennes et le faire revenie un instant
        - Réintégrer la viande et couvrir d'eau
        - Laisser cuire à petit feu un bon moment, en ayant soin de rajouter de l'eau pour conserver le niveau liquide
        - Rajouter alors une boite de tomate 4/4 passée au moulin à légunes
        - 1 tête d'ail entière
        - 1 branche de thym, 1 feuille de laurier, 2 à 3 clous de girofle
        - Sel et poivre
        - Cuire à petit feu, dés que la viande est cuite la sauce est prête. NB = nos voisins les Bônois, réservent les ravioli dans un grand plat en Pyrex, qu'ils nappent de sauce tomate, saupoudre de fromage, puis, ils passent un moment le plat au four pour faire gratiner.
Jean-Claude PUGLISI.
de La Calle de France
83400 - HYERES.

$=$=$=$=$=$=$=$=$=


HISTOIRE D'UN NETTOYAGE ETHNIQUE PASSÉ SOUS SILENCE

Ce document est tiré intégralement du Site de M. Antoine Martinez, pour rappeler à la France qu'en 1962, déjà 60 ans, il y eu un terrible exode de FRANÇAIS qui n'a pas suscité la même compassion que l'actualité de mars 2022.
https://exode1962.fr/


Petite remise en mémoire concernant un des plus grands déplacements de population du vingtième siècle.

Français d'Algérie : une histoire occultée

« Il y a quarante ans (60 en 2022), la tragédie de l'Algérie française prenait fin par l'exode massif des pieds-noirs vers la métropole. Concentrant sur eux l'opprobre attachée, désormais, au passé colonial de la France, ils virent leur histoire caricaturée, niée ou inversée.

3 juillet 1962 : le général de Gaulle reconnaît officiellement l'indépendance de l'Algérie. Deux jours plus tard, à Oran, environ quinze cents Européens seront massacrés ou enlevés, dans l'indifférence générale de la métropole. Pour elle, la page de l'Algérie est tournée. Trois mois auparavant, le 8 avril, 17,5 millions d'électeurs métropolitains (les Européens d'Algérie n'ont pas été consultés), soit 90,7 % des suffrages exprimés, ont approuvé par référendum les accords d'Évian, signés le 18 mars, cédant l'Algérie au FLN. 7,7 millions se sont abstenus. Seuls 1,8 million d'électeurs ont voté « non ».

En cet été 1962, les Français ne songent qu’à partir en vacances. Ils n'ont que faire du drame d'Oran. De même, n'ont-ils que faire, à de rares exceptions près, du sort de leurs compatriotes d'outre Méditerranée qui, ayant dû abandonner précipitamment leurs foyers, leurs biens, leurs morts, leurs souvenirs, débarquent, hagards, apeurés, démunis de tout. Pas le moindre regard de compassion. Au mieux, une indifférence glaciale.

En cet été 1962, les Français ne songeaient qu'à partir en vacances...

Froideur, également, des autorités. N'ayant envisagé, contre tout réalisme, que l'arrivée de deux cent mille réfugiés - sur une population d'un peu plus d'un million -, échelonnée sur plusieurs années, celles-ci n'ont prévu que des structures d'accueil réduites au minimum. Or, en quelques semaines, c'est un demi million de personnes qui ont fui l'Algérie dans les pires conditions. Elles sont hébergées à la hâte dans des casernes, des écoles, voire de simples camps de toile.

Cette imprévoyance matérielle, à laquelle s'ajoute, bien souvent, la malveillance de certains fonctionnaires, ne sera compensée par aucun geste, aucune parole officielle susceptible de répondre à la détresse morale de ces malheureux.

L'exemple est donné par le chef de l'État. Jamais, il n'exprima le moindre mot de sympathie pour les Français d'Algérie. Alain Peyrefitte rapporte dans le deuxième volume de ses conversations avec le général de Gaulle, " C'était de Gaulle " (Fayard/De Fallois, 1996), qu'ayant préparé à son intention un projet de discours aux « rapatriés » disant, en substance, que « la mère patrie leur ouvre tout grands les bras », il s'entendit répondre : « Vous n'avez qu'à leur dire ça à la télévision ! » Protestant que cela n'aurait pas « le millième de l'impact» que si cette allocution était prononcée par lui, Peyrefitte se fit ainsi rembarrer :

« C'est votre travail. Vous avez été mis à ce poste pour ça ! »

Silence, aussi, des « intellectuels » qui donnent le ton à Saint-Germain-des-Prés. La plupart d'entre eux ont soutenu la cause du FLN. « Aucune grande voix ne s'est élevée en leur (celle des "rapatriés") faveur, soulignait, alors, l'historien Philippe Ariès dans l'hebdomadaire La Nation française (n° du 4 avril 1962) : pas de Michelet ni de Lamennais, ni de Proudhon. Peut-être Camus, s'il avait vécu ? ».

Silence, enfin, des Églises. Cela valait mieux car lorsqu'elles le rompaient, c'était généralement pour condamner moralement les victimes et les inciter au repentir.


Les Français d'Algérie découvraient ainsi, brutalement, que la « mère patrie », que beaucoup ne connaissaient pas, dont ils s'étaient fait une représentation idéale et pour laquelle ils avaient éprouvé, depuis des générations, un amour ardent (qu'ils prouvèrent, notamment, à l'occasion des deux guerres mondiales) était devenue pour eux une marâtre.

Aux blessures de l'exil s'ajoutaient celles, plus profondes encore, causées par l'opprobre dont ils étaient maintenant l'objet.

En effet, aux yeux d'une majorité de Français de métropole, les pieds-noirs n'étaient, grosso modo, que des « colons » qui s'étaient enrichis en faisant « suer le burnous ».

Forgée, peu à peu, tout au long des huit années du conflit algérien, cette image a fini par s'imposer à eux comme une vérité. «

A lire une certaine presse, remarquait déjà Albert Camus en 1955, il semblerait vraiment que l'Algérie soit peuplée d'un million de colons à cravache et à cigare, montés sur Cadillac.
»

François Mauriac s'illustra particulièrement dans ce registre, dans son Bloc-notes de l'Express, puis du Figaro Littéraire.

En dépit d'un vif sentiment d'injustice face à cet opprobre, nombre de « rapatriés » resteront longtemps silencieux, mettant toute leur énergie à rebâtir une existence nouvelle (un rapport de la Documentation française de mars 1976 soulignera, à ce propos, la réussite exemplaire, dans l'ensemble, de leur intégration économique). Tant et si bien que le portrait péjoratif qui a été brossé d'eux entre 1954 et 1962 s'est perpétué dans l'imaginaire collectif. Au point de brouiller totalement leur véritable histoire, leur singularité.

« Une histoire qui est niée, caricaturée ou inversée », écrit Jeannine Verdès- Leroux, directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques, dans une récente étude intitulée Les Français d'Algérie de 1830 à aujourd'hui. Une page d'histoire déchirée (Fayard, 2001).

Pour restituer cette histoire et cette singularité dans leur réalité vécue, elle a complété son appareil documentaire de cent soixante-dix témoignages de « rapatriés », recueillis sur plusieurs années, de tous âges, de toutes origines et de toutes conditions.

Ceux-ci soulignent tous le désarroi dans lequel les a plongés la culpabilisation dont ils ont fait l'objet. Désarroi d'autant plus profond que, résultat d'un brusque renversement à 180 degrés, cette culpabilisation a succédé à une longue période où la République n'eut de cesse de chanter leurs mérites. »

Régis Constant « la nouvelle revue de l'histoire » N°1 juillet-août 2002 ( Extrait)

N'oubliez pas de cliquer sur les liens soulignés en bleu.



19 MARS…
LA COMMEMORATION DE LA HONTE
Par M.José CASTANO,


       « La mémoire n'est pas seulement un devoir, c'est aussi une quête » (Commandant Hélie de Saint-Marc - " Les champs de braises ")

       Dans quelques jours, les ennemis de la France commémoreront dans la honte et le déshonneur, les « accords d’Evian » du 19 mars 1962. Pour eux, cette date funeste représente la « victoire » du FLN - leur allié d’alors - sur « l’odieux colonialiste »… sans la moindre pensée pour ces milliers de jeunes soldats, d’Européens et de Musulmans assassinés tout au long de ces huit années de guerre.

       « Je consens que mon frère est mort ; c’est la loi commune. Ce qui me révolte, c’est l’arrogance de ses assassins » écrivait Christopher Marlowe, dans « Edouard II ».

       Ce qui me révolte, c’est cette arrogance despotique qu’affiche depuis 60 ans ce milieu gauchisant représentant l’anti-France, pour qui la colonisation française ne fut qu’« agression » et « souffrance » envers les « pauvres Musulmans marchant à coups de trique » (sic). C’est proprement odieux !

       Alors que les meilleurs soldats que la France ait jamais eus tombaient chaque jour dans cette sordide guerre et au moment même où leur sacrifice lui permettait de relever la tête et d’émerger d’une longue série de défaites, cette intelligentsia gauchiste -qui de tout temps a pris le parti de l’étranger- n’eut de cesse de soutenir la cause des écorcheurs du FLN. Ce sont ces mêmes souteneurs que l’on retrouve aujourd’hui sous La bannière NPA, PC, Verts, CGT, FNACA… flanqués de leurs satellites « humanistes » champions des « droits de l’homme ».

       Les âmes chagrines disent que la conscience se révolte au spectacle de certains crimes. Les images qui représentent les milliers d’hommes égorgés, les visages mutilés au couteau, les enfants déchiquetées par les bombes, les femmes violées puis éventrées, reculent les limites assignées à l’horreur. Cependant, ces atrocités, répliques de tant d’autres commises déjà en Indochine, ne révoltent pas les consciences contre les criminels mais contre les victimes. Ces milliers d’innocents versés dans la mort servent à apitoyer le monde sur le sort des bourreaux. Le réflexe n’est pas l’indignation devant la sauvagerie du crime, mais la compassion envers les assassins à qui l’on trouve toujours une excuse à leur acte « désespéré »... Et si les survivants excédés ou terrorisés prennent les armes pour sauver leur vie, dans un geste de défense aussi vieux que les âges, ils soulèvent contre eux l’unanimité des censeurs.
La honte ne se raconte pas : elle s’encaisse !
José CASTANO   15 mars 2022    
e-mail : joseph.castano0508@orange.fr

       - 19 MARS 1962 - LE CESSEZ LE FEU… Ou la victoire du FLN
       – Cliquez sur : Lire la suite


       Et sur : "19 MARS 1962...LE CESSEZ LE FEU".

       Mon blog : http://jose.castano.over-blog.com/


       Ma biographie, cliquer sur : - Ma Biographie -
-o-o-o-o-o-o-o-


La date maudite du 19 mars 1962
Par Jean Monneret
Envoyé par M. P. Barisain

              Le 18 mars 1962, les négociateurs d'Evian signaient un accord de cessez-le-feu entre l'armée française et le FLN qui dirigeait la rébellion indépendantiste. Le texte était accompagné de " déclarations gouvernementales " censées garantir la sécurité des Européens présents en Algérie, comme de ceux, de toutes origines, qui s'étaient opposés au FLN. Les harkis (I), supplétifs de l'armée française n'étaient pas mentionnés. La promesse, toute verbale, du FLN qu'il n'y aurait pas de représailles contre eux, fut jugée suffisante par L. Joxe. (II)

               Le texte d'Evian fut publié le 19 mars 1962. Il fut suivi pour les Européens d'un surcroît d'enlèvements et d'horribles massacres. Les victimes musulmanes du FLN furent probablement plus nombreuses durant ces six mois qu'elles ne l'avaient été durant les huit années précédentes. Le nombre des Pieds-Noirs enlevés quintupla (III), contraignant l'immense majorité d'entre eux à un exil définitif résultant d'une épuration ethnique pure et simple. Ajoutons que durant ce semestre abominable, nombre de militaires français furent tués ou enlevés ; 177 d'entre eux demeurent portés disparus à ce jour (chiffre provisoire sans doute inférieur à la réalité. IV)

               Donner la date du 19 mars à des places, à des rues, à des ponts ( à Toulouse), fêter cette journée, prétendre y voir la fin du conflit algérien, est donc une insulte à toutes les victimes de cette époque, un outrage à l'Armée française, un défi au sens national le plus élémentaire et une injustice criante.

               En effet, contrairement à ce qui s'affirme parfois avec légèreté, le FLN représenté par Krim Belkacem, à l'époque homme fort de ce mouvement, a bien signé et paraphé les accords d'Evian. Cette organisation a donc délibérément violé le texte auquel elle avait souscrit (et qu'elle négocia durement). Elle a donc totalement engagé sa responsabilité morale et matérielle dans ce qui suivit. La participation ouverte de ses commandos, de son armée et de ses militants aux enlèvements massifs et aux exécutions durant les neuf mois postérieurs au 19 mars devrait inspirer une condamnation unanime. Ce n'est pas le cas, ce qui illustre le relativisme troublant de l'idéologie des droits de l'homme, devenue le fondement de l'univers occidental actuel. L'opprobre ne devrait d'ailleurs pas épargner certains responsables politiques français de l'époque.

               Dès le 17 avril 1962 , l'encre d'Evian étant à peine sèche, le FLN inaugura le terrorisme silencieux, les enlèvements massifs d'Européens à Alger, à Oran, dans la campagne oranaise et en Mitidja. Ces rapts prenaient pour prétexte : la lutte contre l'Organisation Armée Secrète(OAS). (V) Après l'échec du putsch des généraux en avril 1961, les partisans de l'Algérie française soutenaient en effet cette organisation clandestine. Mais les enlèvements visaient n'importe quel européen, au hasard.

               Les " anticolonialistes ", qui donnent le ton aujourd'hui dans les médias et les milieux officiels, font de l'OAS la responsable de l'échec d'Evian et de l'exil des Pieds-Noirs. C'est un procédé commode mais malhonnête. L'organisation secrète, surtout en fin de course, en juin 1962 n'avait plus ni stratégie, ni tactique. Il en résulta des dérives diverses et une confusion chaotique terminées par une (pseudo) négociation avec le FLN. (VI) A ce stade, l'OAS menaça de pratiquer la " terre brûlée ". Des historiens de pacotille lui imputent cette politique depuis sa naissance, alors qu'elle ne dura qu'une semaine.

               L'histoire de l'OAS s'étend sur seize mois, de mars 1961 à juin 1962. Quelles que furent ses errances finales, -elles furent indéniables et eurent des conséquences-, en faire le bouc-émissaire de tous les échecs ultimes des autorités françaises n'est qu'une manière peu subtile d'exonérer le pouvoir d'alors et de blanchir le FLN de ses crimes vis-à-vis de l'Algérie, des harkis et des Pieds-Noirs.

               Car après le ratissage de Bab-el-Oued, ceux-ci subirent aussi la fusillade du 26 mars 1962 rue d'Isly (VII), puis la longue succession des crimes des nouveaux maîtres du pays. Un exemple en donnera une idée : en mai 1962 ,272 Européens furent enlevés en Alger contre 44 en avril. A la fin du mois de juin, on évaluait à près de 1000 les victimes européennes de rapts dans la seule capitale.

               A partir du 17 juin, à la suite d'un accord FLN-OAS, les enlèvements ralentirent. Ils reprirent de plus belle après le 3 juillet, date de la proclamation de l'indépendance. Deux jours après, le 5 juillet à Oran, une manifestation venue des quartiers musulmans submergea le centre-ville européen. Quelque 700 Pieds-Noirs et une centaine de Musulmans (sans doute pro-français) furent massacrés. (VIII) Ceci accentua l'exode et le rendit irréversible.

               Les victimes les plus nombreuses se situent toutefois parmi les Musulmans. Dès la signature des accords du 19 mars, des harkis furent attaqués à Saint-Denis-du-Sig. A Saïda, des membres du commando Georges furent enlevés et tués par l'organisation indépendantiste alors même que plusieurs d'entre eux étaient des officiers français. Après le 3 juillet, les représailles contre les Musulmans ayant combattu le FLN s'intensifièrent. Des dizaines de milliers furent assassinés, emprisonnés ou persécutés de diverses manières. (IX) Quelque 90000 harkis, familles comprises, furent transférés en France grâce à l'action clandestine de quelques officiers. Les autorités militaires, tout en signalant les épreuves subies par nos compatriotes musulmans, n'en relayèrent pas moins des recommandations insistantes et répétées de ne pas les faire venir en France. Ces faits largement établis historiquement n'en sont pas moins dissimulés voire niés aujourd'hui par quelques chercheurs " engagés ".

               Ceux qui ont vécu les événements de ce vilain temps en sont marqués à jamais. La date du 19 mars 1962 demeurera celle d'une ineffaçable infâmie.
Jean Monneret

               NOTES
1- Harkis : supplétifs mobiles de l'armée française. Par extension, tout Musulman ayant combattu le FLN.
2- Ministre d'Etat chargé des affaires algériennes, dirigeait la délégation française à Evian.
3- JJ Jordi Un silence d'état. Ed. Soteca 2011, p. 155, chiffre à 300 les Européens disparus avant le 19 mars et à 1253 après. S'y ajoutent 123 personnes dont les corps furent retrouvés et 170 cas incertains.
4- A ce jour, le gouvernement français a refusé d'ouvrir ces archives concernant ces militaires disparus. Seuls les civils ont été étudiés.
5- M. Faivre Les archives inédites de la politique algérienne. Ed ; L'Harmattan 2001. Vers la Paix en Algérie op. collectif Ed. Bruylant. Bruxelles 2003. Les pages signées y sont reproduites.
6- L'OAS fut créée à Madrid le 10 février 1961 et devint active en mars et surtout à l'automne suivant. Le FLN et ses séides prétendent aujourd'hui que les enlèvements ciblaient des militants de l'OAS. Dans La Phase Finale de la Guerre d'Algérie Ed. L'Harmattan 2011 nous avons montré que les rapts pouvaient toucher aveuglément n'importe quel Européen.
7- Voir notre ouvrage Une Ténébreuse Affaire : La Fusillade du 26 mars 1962. Ed. L'Harmattan 2009.
8- Jordi. op. cité ,p.155.
9- M.Faivre Les combattants musulmans de l'Armée française. Ed. L'Harmattan 1995.



 
Heurs et malheurs
d'un renouvellement de carte d'identité

Envoyé par M. D Bonocori

            Yvette P a 94 ans ; elle est Bônoise, comme toute la famille ou presque, et vit en métropole depuis 1962. Tous les dix ans, sa carte d'identité a été renouvelée sans aucune procédure, tout comme sa carte d'électrice à chaque déménagement.
            Elle demande donc, sans imaginer la mésaventure future, le renouvellement de sa CNI à la Mairie d'Angers.

            Or, voici que le CERT (" Centre d'expertise de ressource et des titres ", le service au nom si convivial qui établit les cartes d'identités…) de la Sarthe lui demande, parce qu'elle est rapatriée d'Algérie, un certificat de nationalité.
            Tous les textes, codes, circulaires, instructions particulières des ministres, les sites internet officiels indiquent cependant qu'on ne peut demander cela à un Français d'Algérie. La présentation de l'ancienne carte est suffisante. Au pire, la nationalité se constate au vu d'un acte de naissance du registre d'état-civil européen ( dit " de droit commun ") mentionnant au moins un parent né dans un département français. Ou l'évidence de la possession d'état de français ( CNI même ancienne et carte l'électeur). D'ailleurs, à chaque question de parlementaire, le ministre de l'intérieur fait la même réponse : il n'est pas question de demander un certificat de nationalité à un Français d'Algérie

            La Mairie s'excuse de n'être qu'une boîte aux lettres.
            Le préfet est saisi, par téléphone, mail, lettre, et se cantonne dans un silence méprisant.
            Et voici donc une veuve de 94 ans au tribunal judiciaire, pour obtenir ce fameux certificat. Dans le temps, c'était simple, l'acte de naissance suffisait…. Oui mais aujourd'hui, le greffe demande à remonter jusqu'aux grands parents….avec des copies conformes de moins de trois mois….

            Parfait, elle se retourne vers le site du service central de l'état-civil de Nantes ( tristement célèbre pour les pieds noirs, considérés comme nés à l'Etranger !!!).
            Aie, Bône n'existe plus sur ce site…Ils ont remplacé le nom …et surtout, le service ne délivre plus d'actes pour les événements datant de plus de 120 ans…aucun donc de ses ascendants n'y figure plus ( mais qu'en ont-ils fait au fur et à mesure ???

            Alors, direction l'ANOM ( les archives nationales d'outre-mer, à Aix en Provence) …un site passionnant …où tout cependant ne figure pas ( tous les registres n'ont pas été microfilmés à l'indépendance), et qui ne délivre de toute façon pas de copies conformes.

            Spirale infernale d'une française qui au soir de sa vie devient une sans-papiers.
            Pourtant, le président Macron disait bien, le 26 janvier 2022 :
            " Il y a 60 ans, les rapatriés d'Algérie ne furent pas écoutés. Il y a 60 ans, ils ne furent pas reçus avec l'affection que chaque citoyen français en détresse mérite….
            La voie que nous empruntons ensemble est la seule dans laquelle je crois. Celle de l'honneur et de l'espérance pour les rapatriés, pour leurs enfants, pour leurs petits-enfants, leurs familles, à eux, à vous qui n'avez jamais cessé d'être fiers, tout simplement d'être Français. "

            Il y a donc encore du chemin à faire….
            Restait une piste …le secrétaire d'Etat aux rapatriés …Ah, il n'y en a plus…Le délégué interministériel de même nom…disparu également
            Aujourd'hui, le service en charge est l'office national des anciens combattants et victimes de guerre ( direction générale aux Invalides à Paris, et une direction dans chaque département)

            Saisie par courrier, la directrice générale, Mme Véronique Peaucelle Delelis, s'est impliquée immédiatement et personnellement. Un coup de fil de sa part au préfet de la Sarthe, et 5 jours plus tard Yvette (oui, c'est ma maman) pouvait sans autre forme de procès récupérer sa carte d'identité
            Honneur à cette Directrice
Daniel BONOCORI 17 mars 2022


            NDLR : Cette histoire vraie et très récente, montre qu'après 60 ans, une certaine France a encore des rancoeurs, de la haine et aucune reconnaissance envers les Pieds-Noirs, alors qu'elle fête un 19 mars infâme pour le pays et contre les dépatriés d'Algérie.
Je pense qu'à chaque reproduction de tels faits, il faudrait déposer plainte contre ces dépositaires de la loi française pour discrimination.
C'est vrai que ces gens sont les successeurs de leur "grand homme" et aux ordres d'un Président repentant qui ne connaît pas l'histoire, mais par contre il sait "emmerder" ses citoyens.
Il semble que de tels faits sont habituels dans la Sarthe, il serait temps que la justice y mette fin.


LES ACCORDS "DEVIANTS"
Envoyé par Hugues.

        Anniversaire, ce jour, d'un palliatif d'Accords
         Censés clore un conflit, sous les meilleurs auspices
         Entre les deux parties, en plantant le décor
         D'un scénario parfait respectant la justice !

         Le texte des Accords est le stéréotype
         D'un contrat équitable passé devant notaire.
         Rédigé par la France, il défend le principe
         Des droits et des devoirs des branches signataires.

         Trois membres éminents de la Mission Française,
         Apposent paraphes et seing, cosignent leurs engagements.
         L'Algérie tergiverse, se retire, elle biaise,
         Belkacem, FLN, signe seul le document,

         Un visa sans valeur, non gouvernemental !
         Le Pouvoir Algérien n'a donc aucun devoir
         A l'égard de l'Etat qui lui remet le Graal
         Qu'il ne souhaiter partager avec aucun Pied Noir !

         Il provoque leur exil : "Valise ou le cercueil" !
         La purification, les massacres d'Oran,
         Les tueries de Harkis et tant d'autres écueils.
         Un Pouvoir corrompu, ses membres des tyrans !

         De Gaulle organise l'autodétermination,
         Appuyant sa campagne sur "les Accords d'Evian".
         Il trompe l'électorat. Coupable d'indignation,
         Calque sa politique sur des "Accords Déviants" !

Hugues Jolivet
18 mars 2021


LE MUTILE N° 129 du 22 février 1920

Faudra t-il tuer M. Lebureau
A COUPS DE GRENADES ?

               En dépit de l'effroyable tourmente qui a secoué et bouleversé le-, pays pendant 4 ans, M, Lebureau n'est pas mort. Immuable, impavide, à l'abri de ses cartons verdâtres et de ses dossiers poussiéreux, il oppose toujours aux demandes du public ses mêmes tracasseries. Lorsqu'il s'agit d'une mince affaire, on la supporte allègrement et avec le sourire, mais lorsqu'il est question de choses, urgente" et douloureuses on se sent secoué de sentiments légitimes de colère et de révolte.

               Savez-vous, par exemple les pièces que doivent fournir à M. Lebureau pour, toucher un dérisoire pécule de 1000 francs, les pauvres papas ou les mamans pitoyables qui ont eu un fils tué à la guerre ?
               Voici :
               1° Un acte de naissance du fils
               2° Un avis de décès du fils
               3° Un état signalétique et de services du fils
               4° Un acte de naissance du père
               5° Un acte de naissance de la mère
               6° Un acte de mariage du père et de la mère
               7° Un certificat du percepteur indiquant que les parents ne sont pas imposés par le receveur.

               Et ce n'est pas fini. Quand, après plusieurs mois, les malheureux parents du héros défunt ont rassemblé toutes ces pièces; il leur faut alors se présenter "flanqués- de 4 témoins devant M. Lebureau qui condescendant et solennel veut bien, si tous les papiers sont en règle, les autoriser à faire la demande du pécule de 1000 francs qu'ils toucheront plus lard, beaucoup plus tard.
               Quand on pense que dans l'espoir du législateur, le pécule avait le caractère d'un secours urgent et immédiat on s'indigne véritablement de ces complications grotesques et odieuses.

               Ah ! L'esprit nouveau, hardi alerte et fécond dont ont fait preuve les combattants pendant la guerre qui donc le fera pénétrer dans l'antre administratif ?
               Et quel dommage que l'usage des grenades soit prohibé en temps de paix Le public se réjouirait fort de l'écroulement de la " cagna " où somnole depuis si longtemps M. Lebureau.
Rouïna, le 15 février 1920.
BILLIET.
Conseiller général
NDLR : Cela se reproduira plus de 40 ans après lors de l'exil des P.N. pour toucher une modeste prime de rapatriement. Il y en avait à foison des M. Lebureau.


1962-2022…J'ai 60 ans…depuis 60 ans !
Par M. Eric Wagner
      
         Un chouia plus de 60 ans car je suis né le 4 décembre 1961, à Bône.
         Bône…en Algérie alors française.
         Ville où naquirent mes parents, ma sœur, mes grands-parents, oncles, tantes, cousin(e)s et tant de générations avant eux, avant moi…la ville natale du Maréchal de France, de son vivant, Alphonse JUIN.

         Ce Bône qui n'existe plus…son nom a été changé, son identité plurielle associée également.
         Annaba est l'avatar de Bône. Ne demeure, immuable, que son ciel bleu.
         Et si on a conservé plus ou moins bien le décor, on a totalement changé les acteurs.

         Bône qui pour devenir Annaba a été complètement vidée (à de rares exceptions près) de la partie de sa population d'alors bônoise estampillée " d'origine européenne " selon la classification de cette époque, et avec les Bônois, leur légendaire faconde…à la mer.
         Restent dans la place les annabis, quasi exclusivement arabo-berbères.
         Bien que lorsque je me rends parfois à Annaba sur mes traces familiales, au passage de la douane passeport en main, il m'est gentiment dit : " Bienvenue chez toi ". Déroutant, troublant, émouvant.
         De cet accueil je prends bien la mesure de l'accueil et remercie en conséquence.

         Toutefois si restent " chez moi " des murs, ils ne sont plus porteurs, de la maison de mes Pères dont on m'a spolié, entre ceux-ci ne demeurent que leurs ombres. Pas même trace de leur mémoire effacée.

         Pieds-Noirs, nous sommes " d'un pays qui n'existent plus, ils ont même changé le nom des rues " (Jean-Pax Méfret).
         J'ai ainsi de la peine d'être in fine de " nulle part "…Quoique ni sans racines ni sans histoire.
         Suis-je pour autant de n'importe où ?
         Non, car français avec pour supplément d'âme et de bagages ma part cultivée algérienne. Ce qui fait un immense pays en moi !
         " Français de corps, d'esprit et de cœur mais Pieds-Noirs de sang " paraphrasant la façon dont se définissait, Corse, le colonel de Légion Jean Luciani (héros de la bataille de Diên Biên Phu).

         " Rapatrié " qu'ils disent administrativement depuis 1962…Mouais…
         Pour l'être vraiment, " rapatrié ", il faudrait que les mauvais comptes de l'Histoire soient soldés. Or ils ne le sont toujours pas, sauf " baisement dans la cours Patel " selon l'expression réunionnaise. Et quel baisement camarade !

         Surtout pas du " 99 " je suis…J'ai légalement récupéré, il y a quelques années le numéro de mon département de naissance, celui de Bône, le 93. Il a été donné en 1966 à la Seine Saint-Denis…et donc du 9-3 je ne suis pas non plus.

         Je suis d'ici et d'ailleurs, toujours entre deux rives…
         Entre trois précisément car depuis 1989, en famille, avec bonheur, reconnaissance, je suis réunionnais adopté, fraternellement.
         C'est une chance de vivre à la Réunion la bien-nommée. Un parmi cette multitude où nous tous, du plus ancien au plus récemment arrivé, sommes " d'ailleurs "… puis d'ici...et Français finalement.

         Des Pieds-Noirs y sont arrivés dès 1962, rejoints au fur et à mesure du temps par toutes les générations apportant alors à leur pays d'adoption leurs compétences, leur dynamisme, leur esprit pionnier.

         Cela fait 60 ans que j'ai 60 ans ! Un jeune de trois fois 20 ans…
         60 ans…Ce n'est que tardivement que j'ai pris conscience que c'est l'âge et l'acte de naissance de l'Algérie nouvelle qui signa l'acte de décès de notre Algérie plurielle. Je suis bien, dès lors un trait d'union entre 2 mondes.

         Dont avec notre Algérie alors française que certains de manière souvent condescendante se plaisent à dénommer " l'Algérie de papa " comme pour nous signifier des " tares " originelles, pour dénigrer nos sentiments, nos attachements.
         Cinq dans ton œil !

         Six décennies marquées au fer depuis l'exode, suivi de son exil, de mon petit peuple bigarré d'origine, de l'arrachement violent à sa terre.
         Pour que naisse une Algérie nouvelle voulue " pure " selon l'épurateur ethnique en chef Ahmed Ben Bella (1er président de la République algérienne) et ses séides, puisque selon lui " arabe, arabe, arabe " !

         Participant dès lors par cette extirpation à un génocide culturel faisant sa sombre œuvre, car il est très difficile de transmettre une culture quelle qu'elle soit sans terre de ressourcement, sans points d'ancrages.

         C'est un crime contre notre humanité qui devrait être recevable devant les Tribunaux internationaux, pour la reconnaissance de ce crime.
         " Arabe, arabe, arabe "…qu'ils disaient…mais " c'est bien sûr " !
         En bafouement complet de l'Histoire plurimillénaire de cette terre ouverte aux 4 vents et de tout temps plurielle, qui n'en finit plus de se désagréger, car on ne bâtit rien de durable sur le sable mouvant des mensonges.

         Et de la maison laissée derrière soi, sans se retourner, le cœur à l'envers, seule la clef aujourd'hui au fond d'un tiroir les uns et les autres gardèrent.
         La clef de leur paradis perdu. Tel un bâton de relais, ils la passent comme un témoignage à leurs descendants.

         Un arrachement brutal pour une transplantation qui si elle est bien au regard de l'Histoire une réussite collective n'en demeure pas moins un traumatisme profond dont nul n'est totalement guéri. Chacun se soignant comme il le peut. Une amputation à vif dont le membre fantôme est toujours là en 2022, se faisant rappeler à tous ses souvenirs.

         Aucunes cellules de soutien psychologique en 1962 (après non plus !) de la part d'un Etat défaillant. Parjure et lâche à la fois…
         Il a fallu faire sans, dans l'adversité, la famille éclatée, dispersée, étant le dernier refuge de ces déracinés. Le dernier rempart.

         Ce petit peuple humble, laborieux et joyeux est le mien, c'est celui du " (Le) Premier Homme " d'Albert Camus (roman autobiographique inachevé. Gallimard 1994), il est le peuple Pied-Noir.
         Oui un peuple, car il en possède bien tous les attributs.

         Ce peuple, celui des Camus, Roblès, Juin, Franchet d'Espèrey, Roy, Claudia Cardinale, Betton, Cohen-Tanoudji, Derrida, Yves Saint-Laurent, Cerdan, Nakache, Leyris, Chevallier, JP Belmondo, N Garcia, Reinette l'Oranaise, Schiaffino, Macias… et de tant d'autres des plus renommé(e)s aux plus humbles qui dans tous les domaines ont tant apportés à la France, bien ingrate et amère patrie, partout où elle est présente.

         Ce peuple de plus d'un million d'âmes qui après avoir subi les années terroristes FLN 54/62, de terreur, d'attentats, d'assassinats, d'enlèvements, de disparus à jamais par milliers (nullement jusqu'à ce jour recherchés par aucunes des Autorités en place depuis 1962 !), mais persistant ardemment à vivre sur sa terre malgré les drames quotidiens et la tragédie en cours, fut tout de même jeté à la mer en 1962. Jeté hors de chez lui par le FLN et ses exécuteurs de sales besognes.

         Des " Accords " chiffons de papier, signés le 18 mars 62 entre une France de l'abandon et une partie algérienne FLN de l'abjuration et des mensonges, étaient censés les protéger pour vivre libres dans cette Algérie nouvelle où leur sécurité et leurs droits devaient leur être garantis...il n'en fut rien. Tout au contraire. Du sang et des larmes.

         Le 19 mars ne peut par conséquent nullement être commémoré. Il est la marque sanglante de la honte au front de la Vème République, celle née d'un coup d'état gaulliste en mai 1958 sur le Forum à Alger.
         Après 132 ans de présence sur sa terre algérienne qu'il participa à féconder, de générations en générations avec toutes les composantes de l'Algérie alors plurielle, colorée…la seule perspective à lui " offerte " par le FLN qui la mit en actes de sang était " la valise ou le cercueil ".

         La France et son armée ne le protégeant plus, voire se liguant avec l'ennemi de la veille pour casser toutes formes de résistances, ce fut alors LA valise, pour unique bagage.

         Et les défunts laissés sans fleurs ni couronnes - déchirante séparation pour un peuple méditerranéen si attaché à ses morts - dans leurs cimetières aussitôt profanés et ce qui ne cessent de l'être depuis 1962 (pour ce qu'il en reste, à de rares notables exceptions près à saluer).
         Cimetières que certains, dont je suis modestement, ni n'oublient ni n'abandonnent, dans la mesure de nos moyens. L'entreprise, titanesque, menée de concert avec des Algériens de cœur, de conscience, de fidélité.
         Merci à eux.

         Ce deuil ainsi que les souffrances contenues de mon peuple, de nos anciens qui moururent dont de chagrin ailleurs que sur le sol de nos Pères, je les fais mien.
         Pas réac, pas passéiste…moderne et volontariste, homme de convictions à la longa memoria. Ma part maltaise en moi !
         J'en porte toute sa charge symbolique et affective, empruntant en cela les chemins ardus de la mémoire, de sa transmission. Pas chose aisée il est vrai.
         Camus et Sisyphe m'y aident.

         " Au nom de tous les nôtres ".
         Et ce n'est pas un poids sous lequel je ploierais, c'est une force de vie !
         Je réponds en cela au Onzième Commandement de l'écrivain André Rossfelder né à Saïda, dans son roman éponyme (Gallimard 2000) : " tu resteras fidèle aux tiens surtout quand la nation les oublie ou les diffame ". Cela depuis juin 1987 et mon voyage familial de renouement à Nice pour le rassemblement des " 25 ans après " qui réunit alors durant 4 jours près de 300 000 Pieds-Noirs.

         André Rossfelder, ami d'Albert Camus, ancien combattant de l'Armée française d'Afrique et de la 1ère Armée française qui est mort en 2011 à 86 ans en son exil californien.
         Et ce ne sont pas les insincères opportunismes insincères de fin 2021 début 2022, par force de danses du ventre, qui me feront renier d'un iota ce Onzième Commandement, surtout pas.

         Car insincérité il y a bien dans les propos tenus devant un parterre de " rapatriés " le 26 janvier 2022, puisque aucune amende honorable ne fut faite en préambule par le maître de l'Elysée sur les propos diffamatoires, violents, polémiques, infamants, finalement tenus contre les nôtres depuis terre étrangère, les siens à Alger le 14 février 2017 (entretien donné à la chaîne algérienne Echorouk News le 14/02/2017 lorsqu'il osa - dédaigneux, cynique, menteur - l'expression honteuse de " crime contre l'humanité " pour la colonisation par la France de ce qui n'était pas alors Algérie, induisant donc que ceux qui oeuvrèrent pour elle étaient donc complices de ce crime.

         Les nôtres ne sont pas des criminels monsieur le Président. Ils étaient humbles, travailleurs, laborieux, modestes, pas des exploiteurs.
         Votre propos aurait dû être tout en nuances, en contextualisation, en précautions de langage.
         Ils ne le furent nullement, ils furent ceux abruptes d'un homme, jeune, du 21ème siècle portant son regard affirmatif sur ses aînés du 19ème siècle, les insultant ainsi du haut(ain) de son magistère.
         Indigne sortie " d'Alger " dont vous aurez à (nous) rendre compte.

         Relisons Albert Camus, dans L'Express du 21/10/1955, un article intitulé " la bonne conscience " qui résonne tant en ce mois de janvier 2022 :
         Entre la métropole et les Français d'Algérie, le fossé n'a jamais été plus grand. Pour parler d'abord de la métropole, tout se passe comme si le juste procès, fait enfin chez nous à la politique de colonisation, avait été étendu à tous les Français qui vivent là-bas. A lire une certaine presse, il semblerait vraiment que l'Algérie soit peuplée d'un million de colons à cravache et à cigare, montés sur Cadillac. [...]

         Quatre-vingt pour cent des Français d'Algérie ne sont pas des colons, mais des salariés ou des commerçants. Le niveau de vie des salariés, bien que supérieur à celui des Arabes, est inférieur à celui de la métropole. Deux exemples le montreront. Le SMIG est fixé à un taux nettement plus bas que celui des zones les plus défavorisées de la métropole. De plus, en matière d'avantages sociaux, un père de famille de trois enfants perçoit à peu près 7200 francs contre 19000 en France. Voici les profiteurs de la colonisation. [...]

         …Reconnaissons donc une bonne fois que la faute est ici collective. [...]
         Une grande, une éclatante réparation doit être faite, selon moi, au peuple arabe. Mais par la France toute entière et non avec le sang des Français d'Algérie. Qu'on le dise hautement, et ceux-ci, je le sais, ne refuseront pas de collaborer, par-dessus leurs préjugés, à la construction d'une Algérie nouvelle.

         Par conséquent, si ses mots élyséens faussement empathiques du 26/01/22 étaient depuis 1962 attendus par beaucoup qui dirent alors, " enfin ", dans cette bouche-là ils sonnaient tellement faux…et le seront d'autant s'ils ne sont pas suivis d'actes concrets (dont la recherche et l'inhumation digne de nos milliers de disparus).


         Car la page n'est pas tournée, parce que les mauvais comptes de l'Histoire ne pas soldés. Ni par la France, ni, plus encore, par l'Algérie actuelle.
         En 2022 ils ne restent plus en El Djezaïr que quelques centaines de Pieds-Noirs. Les autres - près de 4 millions de toutes générations dont environ 500 000 natifs - sont disséminés aux 4 coins du globe.

         Et pourtant l'algérien d'origine française est tout autant légitime en Algérie que le Français d'origine algérienne l'est en France.
         La chance qui est mienne est de ne pas avoir, malgré tous les écueils, perdu le fil de notre mémoire collective, de l'avoir renouer même.
         Je l'offre donc en partage pour, ambitieux, tisser entre nous 4 millions de fils inrompables.

         Ainsi donc, tout du long de l'année 2022, " j'ai 60 ans " !
         J'entends donc cette année encore prendre grandement ma part pour honorer la mémoire des nôtres, la défendre âprement si nécessaire.
         J'espère tout simplement que nous serons 4 millions plus UN à en faire de même ! Solidairement, pugnacement, pour 2022 soit enfin l'année de la reconnaissance, de la réparation morale, de la justice. Car elle est celle de la maturité.

         Pour, à partir de là, rassérénés, plonger plus encore dans le grand bain de l'aventure humaine. Notamment dans celui de l'espace naturel euro-méditerranéen du peuple Pied-Noir, et toutes ses rives, son bain de jouvence dans lequel s'exprime aisément son identité.

         S'associe bien évidemment à mon peuple Pied-Noir, car je ne les oublie jamais, celles et ceux qui lui sont proches par affinité et par destinée. Je pense notamment à la communauté des oubliés, les Harkis et leurs familles à qui la France, à juste raison, a demandé pardon par la bouche du même Emmanuel Macron pas à une contradiction prés.

         Et forts de cette grande œuvre commune, qui sait, gardant solides les liens nous unissant, peut-être qu'un jour notre élément manquant dans le grand puzzle algérien retrouvera t-il parmi les autres pièces, in situ, sa place historique légitime…
         Pour ce faire, il faut continuer à être du temps présent, perdurer.

         En attendant, retrouvons-nous tous au pied de l'arbre à palabres nous rappelant l'olivier de Saint-Augustin à Souk-Ahras, pour dessiner de concert les nouveaux contours de notre destin collectif en cette année commémorative.

         Et, paraphrasant l'appel à se souvenir, à se rassembler, à espérer, lors de la Pâque juive, " l'an prochain à Jérusalem ", déclamons en chœur " l'année prochaine à Sisyphe " notre capitale Pied-Noire mondiale.

         Notre peuple, jeune dans l'histoire longue de l'humanité, a 192 ans (1830-2022).
         En réalité il est bien plus ancien que cela car il puise profondément à des racines, à des attaches et à des filiations millénaires en terres nord-africaines. Il a également apporté à la construction du monde et il est donc tout aussi légitime que n'importe quel autre peuple.
         Qu'on se le dise, qu'on en soit assuré.

         Certes, s'il n'a pas monté des dolmens, élevés des menhirs, des pyramides, il a tout de même contribué à bâtir un pays neuf, moderne, l'Algérie. Pas mal, non !

         Pas seul bien évidemment, avec l'ensemble de ceux qui constituaient alors ce pays bariolé. Avec toutes les composantes de ce peuple mosaïque chez qui la fraternité n'a pas manqué même si elle n'a pas toujours été à la hauteur de l'espérance des uns et des autres mais si souvent toutefois, durant 132 ans de vie commune qui furent aussi celles du partage.

         Ainsi, malgré la guerre passée, la séparation violente, là où ils se retrouvent les enfants de cette terre de passions savent généralement se reconnaître et échanger en toute amitié.
         Si ces enfants de la terre algérienne se reconnaissent de la sorte, c'est parce qu'ils parlent la même langue, chatoyante, celle de la terre originelle commune.

         " Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes, la mer cuirassée d'argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres…Je comprends ici ce qu'on appelle gloire : le droit d'aimer sans mesure ". Albert Camus, " Noces à Tipasa ", 1939.

         Ce peuple, mon peuple, mérite par conséquent le respect ainsi que la mise en place des conditions morales, juridiques, matérielles pour son droit à sa continuité historique. Son legs aux siens, au monde.
         Je continue dès lors de lutter inlassablement pour tout cela en quoi je crois.
         Ainsi dit.
         Il me faut maintenant reprendre le cours de mon existence…
" Rêver un impossible rêve
Porter le chagrin des départs
Brûler d'une possible fièvre
Partir où personne ne part… "

Jacques Brel, " la quête ", dans " l'homme de la Mancha " 1968.

Eric-Hubert Wagner,             
De Bône le 4 décembre 1961 à la Réunion le 25 février 2022.
Militant Pieds-Noirs, citoyen de la Fédération des 2 Rives.  

Addendum : si le cœur vous en dit, pour marquer le coup en 2022, et peut-être apprendre plus encore, 2 propositions de lecture :
- Alain Vircondelet " Pieds-Noirs, un exil inconsolable " 03/2022, Tohu-Bohu éditions.
AV est algérois et a aussi récemment écrit un livre sur Albert Camus durant la guerre d'Algérie

- Hervé Féat, sur le 5 juillet 1962 à Oran, un roman historique " été 62 ", préfacé par le grand écrivain Algérien, amis des Pieds-Noirs, Boualem Sansal. IGB édition 2022



PHOTOS de BOUGIE
Envoyé par Diverses personnes


PORTE SARAZINE




CINQ FONTAINES





CHALETS





BAIE





EGLISE et ROUTE DJIDJELLI



BRIDJA



LE BONOIS ET LA LANGUE
DE MOLIERE!

Envoyé par M. Georges Barbara

            "OUAIS Ô TANOUTE ,,,TU T'L'ENLEVES CE ZLABIA QUE T'YA T'SUR LA TETE,,,,, OU TU VAS ALLER T'LE CHERCHER CHEZ LES CHÈRES SŒURS A L'ORPHELINAT !"
            Coiffée d'un beau chapeau la Parisienne interloquée, bien calée dans un fauteuil du cinéma "L'OLYMPIA", se retourne fort surprise. Quel est ce langage qu'elle comprend à moitié ?
            N'est-elle pas en Algérie où les gens doivent parler le français qu'elle croit connaître ? Et bien non, le français n'était pas la langue maternelle de cette province d'Algérie. Sa langue c'était le " Bônois " et si un certain français existait au sud de la Méditerranée, c'était que les gouvernements de la - Métropole - s'étaient efforcés d'inculquer à ces Méridionaux, la langue des français de Paris à coups de bâtons et de punitions.
            Toutefois la langue Bônoise avait résisté, s'était rebiffée et finalement elle s'était immiscée dans la langue française importée. Les instituteurs croyant bien faire, avaient mis tout leur zèle au service de ce français - Parisien - qu'on leur disait être la seule langue digne de ce nom dans ce pays. Il fallait chasser ce Patois, ce Sabir, tout en corrigeant ce français teinté de Bônois que ces enfants retrouvaient dés qu'ils avaient un pied dans la rue.

            Mais voilà, après cent ans d'efforts, l'école de la - République - n'avait pas réussi à tuer - le Bônois - ni même à éviter l'influence du Bônois parlé sur le français de La Colonne qui était bien vivant. Et les mots Bônois francisés, s'étaient introduits dans cette langue venue de - Métropole -. Cependant au fil des temps, ce français à la sauce Bônoise est apparu aux yeux des autochtones, comme leur français à eux, ils se sont mis à l'apprécier et à l'utiliser sans complexes et parfois même avec une certaine fierté. C'était pour eux, une façon de plus de s'affirmer - Bônois - avec ce français local haut en couleurs et si vivant.
            Quand l'entendions-nous ?

            Partout et toujours : de Joanonville jusqu'au Pont Blanc et de la plage de Chapuis à celle de la Grenouillère. Dés que le français de - Métropole - ne pouvait traduire une réalité ou une nuance, les termes Bônois apparaissaient. En effet comment dire en français officiel : " T'ya sûrement une dent qui prend racine au cul, pour imager un mec qui sentait de la bouche et qui ne se lavait jamais les dents, comme le disaient si bien nos p'tits Oualliounes de la rue des Prés Salés ? De même comment traduire tous ces dérivés que l'on entendait constamment, qui indiquaient le dégoût ou la tendresse ? Quels étaient les termes français qui, correspondaient à une " Madonne de Dormade " ou une " de ces Mandgeades ", il n'y en avait point ! Sieste ou Repas ne suffisaient pas ! Alors que dire de ce français - Bônoinisé - ?
            Et bien, il s'agissait sûrement de la résurgence de nos réalités Bônoises, inconnues dans cette France du nord et même d'ailleurs en Algérie, et de la présence de l'âme de " la Colonne à nous " qui transpirait à tout moment, de cette âme de nos ancêtres avec ce parler véhiculé à travers le temps, qui pouvait grâce aux dérivés d'un seul mot, exprimer la grandeur ou la petitesse, l'affection ou la colère.
            Bônois d'la Colonne, vous qui parlez français entre vous, n'ayez pas honte, utilisez le plus possible tous ces termes irremplaçables d'origine Bônoise. Ils témoigneront de votre personnalité véritable que vous avez le droit et le devoir de protéger, afin que la civilisation de troubadours qui était la nôtre continue à travers le temps, à donner généreusement le meilleur d'elle même à un environnement qui, à travers l'incompréhension il est vrai, l'attend peut-être !
Georges Barbara



Robert Cohen,
un Grand de la boxe est parti
Par Alexandre Terrini
Envoyé par M. Henri Lunardelli
            
            L'ancien champion du monde (36 v, 3 n, 4 d) des coqs (1954-1956) est décédé mercredi 2 mars, à Bruxelles, à quatre-vingt-onze ans. Il demeure l'un des plus grands boxeurs français de l'Histoire, lui qui avait tout gagné chez les professionnels

             Robert Cohen naquit le 15 novembre 1930, en Algérie, à Bône. Robert est issu d'une famille de dix enfants.
            Il découvrit la boxe en assistant à une rencontre amateur entre une sélection algérienne et une équipe lyonnaise. Ce fut la naissance d'une vocation. Son paternel tenta pourtant de l'en dissuader. En vain. Il débuta donc à la Jeunesse Bônoise Athletic en 1948 et, moins de deux mois après, il remporta le championnat du Constantinois puis le championnat d'Algérie avant de s'incliner en demi-finale du championnat d'Afrique du Nord devant Jo Ventaja, futur sélectionné olympique et champion d'Europe amateur. Une défaite, à ses yeux imméritée, qui l'incita à vouloir… raccrocher les gants. Son frère aîné Léon ainsi que son patron parvinrent à lui à faire changer d'avis. Bien leur en prit puisqu'en avril 1951, Robert Cohen atteignit la finale des championnats de France amateurs à l'issue de laquelle il fut dominé par Joseph Perez pour avoir été trop attentiste.

MANAGÉ PAR GASTON CHARLES-RAYMOND

            Un échec en forme de victoire car, dans les tribunes, le manager et ancien boxeur d'avant-Guerre, Gaston Charles-Raymond, fut séduit par le caractère de battant du vaincu et lui proposa de passer professionnel sous sa coupe. Si bien qu'en juin de la même année, le jeune Robert arriva dans la Capitale avec Léon. Quand il devint professionnel, il signa une licence avec Gaston Charles-Raymond un des grands managers de l'époque (avec Bretonnel et Filippi). Dès lors, les succès s'enchaînèrent : une victoire de prestige face au fantasque et vieillissant Théo Medina, le 20 octobre 1952, puis le titre national aux dépens de l'ancien champion d'Europe Maurice Sandeyron, le 6 novembre 1953, et, dans la foulée, le sacre continental en dominant l'Irlandais John Kelley par KO (3e), le 27 février 1954 à Belfast.

             L'opportunité de conquérir le monde survint après que l'Australien Jim Carruthers abandonnât son bien. Ses deux poursuivants au classement, Robert Cohen et le Thaïlandais Chamrern Songkitrat, s'affrontèrent pour lui succéder, à Bangkok.
            Le 19 septembre 1954, Robert COHEN obtenait sa chance pour le titre mondial mais il lui fallait se déplacer à Bangkok et rencontrer un certain SONGKITRAT, idole de tout un peuple.
            Dans la salle qui contenait 70.000 spectateurs, on ne comptait qu'une trentaine de supporters français et un seul journaliste de notre pays: Georges PEETERS du journal L'Équipe. Georges PEETERS était considéré comme le pape de la boxe tant il connaissait ce sport et les boxeurs. A L'ÉQUIPE, on avait prévu que Georges PEETERS enverrait un câble après chaque round et au journal, on notait la présence des anciens champions du monde CRIQUI, PLADNER et ROUTIS. Andrée, la sœur de Robert COHEN, était également présente.

             Tout avait été prévu pour que la nouvelle soit annoncée le plus rapidement dans la rue du Faubourg Montmartre, siège de l'Équipe. Mais une chose n'avait pas été prévue: le décalage horaire. Si bien qu'on sut deux heures avant, que Robert COHEN avait battu, aux points, en quinze reprises, son adversaire thaïlandais.

             L'émotion fut trop forte pour la sœur de COHEN qui devait s'évanouir et être transportée à l'hôpital le plus proche. On devait apprendre que COHEN avait été blessé à la main droite dès le 5e round puis à l'arcade sourcilière au 8e round mais qu'il avait déployé un courage énorme sur le ring.

             La décision était indiscutable et le clan de Robert COHEN qui avait passé cinq semaines sur place, se plaisait à louer la sportivité de SONGKITRAT mais aussi des Thaïlandais dans l'ensemble. Ce combat eut un grand retentissement en France. Robert COHEN était le douzième Français à s'emparer d'une couronne mondiale. A l'époque, il n'y avait qu'un champion par catégorie. . Robert COHEN était donc le meilleur poids coq au monde. Le grand patron de la boxe française sur le plan des organisations (il était le patron du Palais des Sports) , Gilbert BENAIM soulignait alors: "Le succès de COHEN c'est plus qu'un titre qui échoit à la France. C'est un magnifique exemple pour les jeunes amateurs, c'est l'indispensable élan qui stimulera mieux la cause de la boxe".
            Quelle belle époque! (sic Lionel HERBET)

             C'est sous les yeux du couple royal et de 70 000 spectateurs qu'au terme d'un duel âpre, l'enfant de Bône, qui avait mieux débuté et fini le combat, obtint logiquement les faveurs des juges.

             Cette consécration marqua à la fois l'apogée et le début de la fin de sa carrière. Convalescent après avoir notamment eu la mâchoire fracturée lors d'un grave accident de la route, il remit en jeu son titre devant le Sud-Africain Willie Toweel, le 3 septembre 1955, à Johannesburg, devant 30 000 Blancs, Apartheid oblige. Le Français démarra pied au plancher et envoya plusieurs fois son challenger au tapis. Mais ce dernier fut aidé par l'arbitre qui lui permit de récupérer et ne sanctionna pas ses diverses irrégularités. Le tenant s'énerva et se désunit. Cependant, deux juges lui accordèrent le nul tandis que le troisième vit Willie Toweel vainqueur. Seule satisfaction pour le Tricolore, il trouva l'amour en la personne de Zita Hasson qu'il connut lors d'une exhibition sur une plage de Durban. Un mois avant, à Durban, il avait rencontré la fille d'un riche industriel du Congo belge (aujourd'hui République Démocratique du Congo), qu'il allait épouser.

ENTRAÎNEUR DE L'ÉQUIPE NATIONALE DU ZAÏRE

            Ayant des difficultés à faire le poids, Robert Cohen s'essaya dans la catégorie supérieure, en plumes, et défia, le 10 décembre 1955, le grand espoir Cherif Hamia qui fit parler sa puissance supérieure. Le champion du monde fut arrêté au dixième round après avoir eu l'arcade sourcilière gauche ouverte. Une blessure lourde de conséquences car elle se réveilla, le 29 juin 1956, à Rome, alors que le champion du monde défendait son bien devant le Transalpin sourd-muet Mario d'Agata, qu'il avait battu aux points en mai 1954 à Tunis. À la fin du sixième round de leur revanche, l'arbitre, estimant la coupure à l'arcade sourcilière du Français trop grave, l'arrêtait et il perdait son titre. Jamais en mesure de faire la différence, ayant perdu les qualités qui lui avaient permis d'atteindre les sommets, Robert Cohen tira sa révérence.
            Professionnel de 1951 à 1959, Robert Cohen avait enregistré 36 victoires (dont 14 avant la limite), 3 nuls, 4 défaites.
            Démoralisé après la perte de son titre mondial, il abandonnait la boxe à 25 ans (il disputera un ultime combat trois ans plus tard) et s'installait à Elisabethville (aujourd'hui Lubumbashi) au Congo Belge pour travailler dans la filature (250 employés) de son beau-père.

             Il alla s'établir à Lubumbashi, capitale de l'ancien Congo belge où officiait son industriel de beau-père. Il fit profiter les jeunes de son expérience dans la salle qu'il avait ouverte et baptisée Eurafricaine. Au début des années soixante, il devint entraîneur de l'équipe nationale du Zaïre puis, plus tard, au début de sa carrière, du futur champion du monde WBA des moyens, Sumbu Kalembay. Il vécut la fin de sa vie en Belgique.
            En 1998, victime d'une rupture d'anévrisme, il quittait Lubumbashi avec sa famille et partageait son temps entre Le Cap (Afrique du Sud) et Bruxelles, avant d'y rester en 2014 à cause d'une embolie et de difficultés à marcher.

             Combats : 43 ; Victoires 36 ; Victoires par KO14 ; Défaites 4 ; Matchs nuls 3 Titres professionnels Champion du monde poids coqs (1954-1956)
            Champion d'Europe poids coqs EBU (1954)
     



La jeunesse d'Albert Camus
Envoi de M. Christian Graille
               Il faut chercher les aïeuls de Camus au Faubourg Saint Antoine. Albert Camus est né à Mondovi, près de Bône. C'est l'un de ces villages comme :
               - Zurich dans l'Algérois,
               - Pontéba dans la vallée du Chélif ou
               - Saint-Cloud dans l'Oranie qui ont été fondés par les vaincus de la révolution de 1848, les Saint-Simoniens " communalistes " selon le terme inventé par Proudhon.


               Pour Paris il s'agissait de se débarrasser des éléments les plus turbulents de ce faubourg Saint Antoine où les émeutes ne cessaient jamais de surgir du pavé. On " invita " donc les plus enragés à aller coloniser l'Afrique. C'était une déportation déguisée, une sorte d'éloignement politique.

               On possède sur l'évènement une documentation iconographique d'une extraordinaire richesse :
               - l'embarquement au quai de Bercy,
               - la lente navigation le long des canaux et des rivières de France des chalands transportant les familles, les gosses, les candidats forcés à l'aventure …

               " harangués à chaque halte par le maire et chapitré par le curé " … dira l'un d'eux.
               - Puis la descente du Rhône,
               - l'embarquement à Marseille et
               - le débarquement à Mostaganem, à Cherchell, à Philippeville.

               On craignait que ces pestiférés ne contaminassent les grands ports.

               En Afrique on avait promis à chacun de ces étranges colons :
               - un lot de terre,
               - une maison avec un jardin,
               - une paire de bœufs,
               - un porc et
               - une charrue.

               Ils trouvèrent des tentes dressées par l'armée et sous l'aveuglant brasillement de la lumière, les steppes de pierres semées de palmiers nains plus difficiles à arracher que des buissons d'épines.
               Ils trouvèrent aussi le paludisme dans les coulées de lauriers qui dessinaient le lit des oueds et parfois, comme à Mondovi justement, les nuits troublées par la voix des lions.

               Il existe sur le voyage et l'arrivée de l'une de ces colonies entre Cherchell et Pontéba, une relation hallucinante. Surtout ces Parisiens étaient :
               - des artisans, des tailleurs, des menuisiers, des horlogers, des tapissiers.
               L'un d'eux dont je me suis amusé à suivre la trace dans l'Algérois était luthier ! …
               Ils n'étaient pas préparés à ce qui les attendait et qui, même pour un paysan, eut été une tâche de géant.

               Ils firent ce qu'ils n'avaient jamais cessé de faire, de la politique.
               - Fleurissent partout les clubs,
               - les feuilles incendiaires et, bien sûr,
               - les estaminets.


               En une occasion on refusa l'accès d'un banquet à un Polonais sous prétexte qu'il était sujet d'un tyran.
               Cependant ces " ultras " de gauche n'étaient pas " anticolonialistes ", loin de là. " Ils avaient conscience d'apporter les lumières à des populations arriérées. "
               Ceux qui eurent la sagesse d'abandonner la terre survécurent tant bien que mal. Les autres sombrèrent.
               Les arrière-parents de Camus étaient tonneliers.

               Un lycéen frêle au sarraut déchiré
               Si je me suis arrêté, un peu longuement sur ces détails, c'est qu'il me parait porter un sens.
               On retrouve dans l'œuvre de Camus comme un écho lointain de ce qui fut le credo des " colons " de 1848.
               Il faut chercher les aïeuls de l'écrivain du côté de Bercy ou du Faubourg Saint Antoine. Si j'interroge la mémoire pour faire surgir la première image de Camus que je possède, j'aperçois :
               - un petit garçon frêle,
               - au visage triangulaire et
               - aux yeux fendus en amande.


               Elle s'inscrit dans le cadre du lycée d'Alger avec ses alignements d'arcades.
               Le comble du snobisme était alors d'avoir un sarraut et certaines blouses noires littéralement en loques conféraient un grand prestige à ceux qui les portaient.
               Camus ne dédaignait pas cette mode insolite.
               Les trous de son sarrau lui prêtaient d'honnêtes quartiers de noblesse.
               M. Morvan Lebesque dit en substance qu'Albert Camus au lycée d'Alger, ce fut une entrée d'un boursier chez les héritiers des millionnaires.
               Il est évident, qu'entre ces lignes, il faut lire ici " les héritiers des colons millionnaires " c'est-à-dire " les exploiteurs de la sueur et du sang des Algériens. Ceci relève de la pure invention.

               C'est une image pieuse pour l'iconographie progressiste. Elle n'a rien en commun avec la réalité. Personnellement je n'ai pas su par le livre de M. Morvan Lebesque que Camus était boursier et je suis convaincu que neuf sur dix de nos condisciples d'alors l'ignorent encore.
               De toutes façons, Camus n'était pas le seul boursier. Je l'étais aussi.
               Nous étions infiniment plus nombreux que semble l'ignorer M. Lebesque.
               Je puis témoigner ce que jamais au cours de ces années il ne m'a été fait la plus légère allusion blessante à ce sujet.
               Jamais je n'ai décelé chez les " élèves à part entière " comme on le dirait approximativement aujourd'hui, la moindre réticence de la camaraderie.
               Je ne pense pas avoir été privilégié.
               Et Camus, franc lycéen, volontiers joueur, n'a été l'objet d'aucun dédain comme le faisait gratuitement entendre M. Morvan Lebesque.
               Au reste, nos camarades n'étaient pas tous, loin de là, héritiers de millionnaires.

               On amuserait beaucoup les survivants de nos classes en leur assénant cette épithète. Nous n'étions tous qu'une image de tous les lycées de France où se coudoyaient les fils :
               - de fonctionnaires,
               - de soldats,
               - de commerçants ou
               - d'agriculteurs.


               Mais ici on appelait les agriculteurs des colons. On ne relevait qu'une seule originalité : la présence des musulmans pour la plupart héritiers des fortunes plus importantes que celles des fameux colons, mais dont quelques-uns étaient aussi des boursiers. Rien ne nous séparait d'eux.
               - Ils partageaient nos études,
               - nos jeux, et
               - nos chahuts.

               Quelques-uns ont choisi la nationalité française. Nous tombons dans les bras les uns des autres quand nous nous retrouvons.
               D'autres ont choisi la rébellion plus ou moins avouée. Ceux-là ont manifesté les premiers quelque réticence à notre égard, jamais nous.
               Ni la haine, ni le racisme ne sont notre but.

               Un footballeur nommé Camus
               De ce lycéen en sarrau déchiré qui s'appelait Camus il me reste une autre image : celle d'un gardien de but dans les tournois de football que nous disputions. Deux piliers d'arcades délimitaient le but. Camus y évoluait avec :
               - beaucoup d'agilité,
               - une évidente précision des gestes et
               - surtout une extraordinaire témérité.

               Il " plongeait " selon l'expression consacrée, sur le ciment de la cour et, une fois au moins, je l'ai vu blessé aux lèvres par une coupure, assez gravement pour que le sang coulât en abondance.
               Puis un moment il occupa le même poste dans l'équipe junior du Racing Universitaire d'Alger, le fameux RUA, alors à peine né.
               Dans l'hagiographie qu'il a consacré à Camus, M. Morvan Lebesque publie un photo assortie de la légende " Albert Camus, gardien de but du RUA. " Non.
               Tout de même le RUA était une grande équipe de football comme Reims ou Monaco.

               Elle battit souvent le Racing Club de Paris par exemple. Et Camus n'était même pas gardien de but de l'équipe du lycée d'Alger. Le titulaire s'appelait André Berthelot si ma mémoire est bonne et je sais qu'elle l'est.
               Albert Camus humilié parce qu'il était boursier et Camus " goal " de l'équipe du RUA relèvent ensemble d'une légende.
               J'oserais la dire sotte si je ne craignais pas de fâcher M. Morvan Lebesque.
               En fait, celui-ci a été abusé sur la jeunesse de Camus, je crois savoir aussi par qui.



Mort de l'écrivain Albert Camus
Mardi 5 janvier 1960
Envoi de M. Christian Graille

               Albert Camus, pour moi, c'est un garçon rieur :
               - aux yeux bizarrement fendus,
               - aux lèvres gouailleuses,
               - aux fossettes espiègles qui joue le rôle d'un gardien de but improvisé entre deux piliers de la cours du lycée Bugeaud à Alger.


               Une photographie prise en classe de cinquième montre ce visage triangulaire, un peu étrange qu'avait Camus enfant, et indique déjà les soucis qu'inspirait sa santé. Il était un des plus petits et l'un des plus frêles de la classe et on l'avait assis à croupetons (en position accroupie) au premier rang devant " les grands ".

               Un jour, sur un stade, Albert Camus, gardien de but du RUA bloqua un " shoot " d'un avant adverse sur la poitrine et s'évanouit.

               Le " tireur " s'appelait Eugène Dustou qui vit aujourd'hui sur ses terres de Félix Faure et j'ai eu la grande joie de mettre un jour en présence, vingt ans après, mon ami Eugène Dustou qui avait si bien botté et celui qui l'avait si mal bloqué : mon ami Albert Camus.

               On a tout dit sur la jeunesse de Camus, la classe de " cagne " faite par monsieur le professeur Mathieu et l'influence capitale de Jean Grenier.
               Happé par la vie et fasciné par le journalisme comme tous les intellectuels, il débuta dans un quotidien algérois, non pas dans les grands reportages, comme l'écriront un jour les biographes en quête de légende, mais dans les humbles rubriques quotidiennes, et René Bouchet par exemple, se souvient avoir couru avec lui dans les commissariats de police en quête des faits divers les plus dérisoires.

               Mais très vite il avait abandonné les petites besognes et composé quelques grands reportages dont la classique étude sur la Kabylie qui reste l'examen de passage de tous les journalistes de qualité.

               Blessé comme beaucoup de jeunes par les souffrances humaines et les inégalités sociales, Albert Camus avait participé au lancement d'un quotidien qui compte, à mon sens, parmi ceux qui ont fait le plus de mal à la France algérienne.
               Je le luis dit un jour, au lendemain de la libération dans cette " Rhumerie Martiniquaise " qui était l'un de ses P C parisiens.
               Il me répondit qu'il savait … Qu'il avait été, comme tous les idéalistes, victime de gens dont les intentions étaient moins pures … mais qu'il convenait de se taire sur les choses.

               Il méprisait l'orientation que d'autres avaient donné au journal de ses premières passions et de ses premiers enthousiasmes. Mais il ne voulait pas risquer de tarir la source d'autres enthousiasmes par une condamnation collective.
               Ce reste appartient à l'histoire littéraire de ces dernières années. Le maquis à Lyon où Camus rejoint le groupe Combat … et la libération qui voit la naissance du journal du même nom, dirigé par Pascal Pia.
               Une violente polémique avec François Mauriac impose son nom … et c'est le début de la renommée.

               Je bavardais avec lui, il y a quelques années, à la terrasse du Coq Hardi, ce haut lieu algérois des années passées et j'évoquais justement cette étonnante réussite qui avait fait d'Albert Camus un auteur célèbre.

               Il me répondit en souriant : " J'ai eu de la chance. J'ai débuté à Paris dans une période où il n'y avait personne ! " Et la modestie exprimée par cette réponse est admirable.

               Sur le plan littéraire Albert Camus a fait entrer l'Afrique par la grande porte dans la littérature française. Il est sans doute le premier qui échappe à l'école des écrivains régionaux pour prendre rang parmi les maîtres à qui les lettres françaises devront beaucoup. On débattra encore longtemps du contenu et des mérites de son art.
               Dans le modeste cadre de ce billet, peut-être peut-on dire qu'il précède de deux sources, un souci philosophique contestable, et une inspiration païenne servie par un style éblouissant.

               On a reproché à ses personnages d'être trop abstraits et de n'être pas bâtis de chair et de sang. Je partage cet avis et peut-être faut-il chercher là l'explication des échecs d'Albert Camus au théâtre.
               Mais la voluptueuse splendeur de la Méditerranée lui avait inspiré des pages admirables dignes du lyrisme passionné de Chateaubriand ou de Barrès. " Il n'est pas un mètre de la route d'Alger au Chenoua que je ne connaisse. "

               Le drame algérien l'avait déchiré comme il déchire tous les Algériens passionnément attachés aux paysages qui ont bercé les premiers émerveillements de leur enfance.

               J'ai de lui une très longue lettre m'exhortant à travailler au rapprochement des cœurs et des âmes.
               Mais il n'avait pas rejoint ceux qui croyaient être ses compagnons littéraires.

               Il était trop attaché à l'Afrique par trop de liens charnels … et après un net appel pour la paix, il s'était enfermé dans un silence douloureux qu'il n'avait rompu qu'à Stockholm lors d'une réception donnée en son honneur à l'occasion de la remise du prix Nobel, quand il avait crié à un jeune objecteur FLN :
               " Entre ma mère et la justice …. J'aime mieux ma mère ! … "
               La phrase avait fait scandale à gauche.

               Elle exprime ce qu'il y a d'atroce dans le drame algérien où la fatalité de la violence conduit chacun à rejoindre " son clan " pour sauver l'homme avant les notions abstraites que faute d'un autre terme on appelle humaines.
Jean Brune.
La Dépêche quotidienne d'Algérie, 5 janvier 1960.
Texte relevé par Francine Dessaigne.



EPHEMERE
Envoyé Par Hugues Jolivet


          Face à l'éternité, les vies sont éphémères,
          Vouloir les prolonger, n'est qu'humaine chimère !
          Notre Dieu Créateur a ordonné le monde
          Pour qu'il Lui rende hommage, que la Terre soit féconde
          Dans un temps imparti, immédiat ou durable,
          Pour que profitent les êtres d'une vie favorable !

          Ephémère est la fleur dont la beauté s'étiole
          Le soir de sa naissance quand elle perd son pétiole.
          Et Ronsard, le poète, invite sa dulcinée
          A aller voir la rose, car, serait-elle fanée ?
          Ephémère, sur la plage, le beau château de sable
          Que la prochaine marée rendra méconnaissable !

          Papillon éphémère que chante Céline Dion,
          Naît à l'aube et le soir fuit dans un tourbillon !
          Fleurs, animaux et hommes, ou tout être sur terre,
          Sont soumis à la loi, intangible critère,
          D'une durée de vie, comblée ou solitaire,
          Qui, aux yeux de l'Histoire, ne peut être qu'éphémère !
         
Hugues JOLIVET
1 Mars 2022



L'enfance
Envoi de M. Christian Graille
Quel est le rôle de la femme chez les Arabes ?
               C'est une question que la curiosité européenne s'est posée souvent.
               Tout l'invincible attrait du mystère se rencontre dans ce sujet, puisqu'il s'agit d'une créature confinée dans la partie la plus secrète de la tente ou de la maison et qui, même quand elle se produit au dehors, se dérobe encore sous le voile qui l'enveloppe, à nos curieuses investigations.
               Puis à la curiosité vient se joindre un sentiment philosophique : cet être dont la vie forme un contraste si frappant avec l'existence des femmes européennes, ne trouve-t-il, dans la condition qui lui est faite qu'amertume et humiliation ?
               Dans cette société où sa place semble si obscure, la femme n'aurait-elle point, par hasard, une importance qui aurait échappé à des observations superficielles.

               Comme d'habitude, je préférerai les faits aux réflexions. Voici ce que :
               - de longues études
               - des interrogations patientes et
               - la pratique sont loin de s'accorder en cette matière les hommes, en pays arabe se chargent de faire la différence que, suivant eux, Dieu ne fait pas.


               (C'est Mahomet qui abolit, chez les Arabes, l'infâme usage de sacrifice des enfants aux idoles et qui défendit, d'enterrer vivantes les jeunes filles que l'on craignait de ne pouvoir ni nourrir, ni marier.)
               Tandis que le garçon reste avec sa famille, ajoutant à la force de la tribu dont il soutient la fortune et l'honneur, la jeune fille aussitôt qu'elle est parvenue à l'âge nubile, suit la destinée d'un mari ; elle quitte ses parents, son douar (le douar est une subdivision de la tribu : il comprend les tentes disposées en cercle et c'est de là que lui vient son nom), sa tribu va devenir quelquefois sous une tente lointaine, une femme étrangère.

               De là, une manière bien distincte de saluer, en ce monde, l'arrivée d'une fille ou celle d'un garçon.
               Aussitôt qu'un garçon est né, c'est une joie réelle et profonde, on dit au père : " Dieu a augmenté ton bien (que le nouveau-né soit heureux, que Dieu allonge son existence. "
               A celui qui a une fille en partage on dit simplement : " que le tout soit béni. "
               Et le père répond d'habitude : " Ce n'est pas la peine, il m'est né une malédiction."
               Par cela il veut faire comprendre qu'un jour viendra où sa fille sera obligée de s'entendre dire par un mari : " Fais ceci, fais cela ; fille d'un tel que Dieu le maudisse ; Oh ! Par la bénédiction du pain, ne tiens pas ce langage répliquent les assistants ; Dieu te préservera des tentations du Diable, elle donnera le jour à des musulmans et ses enfants seront tous des saints ou des guerriers de la foi. "

               Quel que soit le sexe de l'enfant toutefois, les fêtes de la naissance ne diffèrent point. " Ce sont des innocents a dit le prophète, en parlant des nouveau-nés et la fête des anges doit être la même. "
               C'est le septième jour après la naissance que ces fêtes ont lieu en présence :
               - du cadi,
               - des marabouts,
               - des parents,
               - des amis et
               - de la sage-femme.

               On retrouve là ce qui sert du reste à exprimer la joie chez presque tous les peuples :
               - des cris,
               - des danses,
               - des chants, et
               - le bruit de la poudre.


               Les femmes dansent en agitant des yatagans, les hommes tirent des coups de fusil et donnent de l'argent aux danseuses. Des repas où coule le lait et où figurent :
               - le mouton rôti
               - le kouskoussou,
               - les dattes,
               - le raisin sec,
               - le miel et
               - le beurre terminent ces solennités.

               Le cadi lit ensuite le Fatiha (sourate du Coran) et le héros de la fête reçoit un nom de l'assemblée.

               Si c'est un enfant du sexe masculin, pour honorer la religion, on commence par lui donner le nom de Mohammed, nom que le père et la mère sont libres de ne pas conserver.
               S'il appartient au sexe féminin, on lui choisit généralement un des trois noms suivants :
               - Fatma, la fille du prophète,
               - Reguiya, sa tante paternelle,
               - Meryem, sa tante maternelle.


               Ce devoir accompli, on peut, également ne plus la désigner, dans la famille que par le nom d'une amie ou d'une femme distinguée qui devient alors, pour elle, ce que la marraine est pour nos enfants, une parente en dehors du sang, s'occupant de celle qui lui a été consacrée, la suivant dans sa vie et lui faisant des présents.
               Voici les noms les plus usités des femmes chez les Arabes :
               Khedidja, Kheddoudja, Aycha, la vie. Aychouna diminutif d'Aycha.
               Zohra, la fleur. Djamila, la parfaite.

               Noms des femmes du prophète :
               Meryem, Marie. - Aâtika, la noble. - Fatma, nom de la fille du prophète.
               Fatima la petite Fatma. - Khira, celle qui apporte le bien.
               Zineub, la tremblante. - Sâida, Saâdya, l'heureuse. - Mebrouka, la bénie.
               Mesâouda, l'heureuse. - Badra, la lune .- Zina, la belle. - Aziza, la chérie,
               Loulou, la perle. - Djohra, le joyau. - Khadra, la verte (courageuse).
               Nedjema, l'étoile. - Halima, la douce. - Safia, la pure.
               Kheroufa, la petite brebis. - Zohra, la fleur. - Rebiaa, le printemps, - Yammouna, Yamina, la prospère. - Mouny, diminutif de Yammouna. - Ourida, la petite rose.
               Zalikha, nom de l'une des femmes de Haroun Er Rechid.
               Baya, l'éclatante. - Reguïa la petite. - Oumm-Hani, la mère de douceur. - Leïla, la nuit.


               Les musulmans procèdent d'une manière toute différente de celle des peuples chrétiens dans l'appellation de leurs enfants.
               Chez nous le nom que le père a reçu de ses aïeux, il le transmet à ses descendants qui se distinguent à leur tour par un nom spécial et variable qui est celui de leur baptême.

               Chez les musulmans au contraire le nom de famille n'existe pas ; il est remplacé par un nom de désignation et notre prénom devient chez eux un surnom (agnomen).

               Un enfant vient de naître ; sept ou huit jours après le père :
               - réunit dans une fête ses parents et ses amis,
               - prend le nouveau-né,
               - convoque ou fait convoquer à la prière (izan) et
               - l'appelle ensuite tout haut par le nom qu'il veut lui donner (nomen).

               S'il s'agit d'un garçon, ce nom alam (mot qui signifie désignation) sera :
               - tantôt celui du prophète,
               - de l'un des prophètes ou
               - des compagnons du prophète,

               Tantôt il consistera dans le mot abd (serviteur) suivi de l'une des épithètes données à Dieu :
               - Abd-El-Kader, serviteur du puissant.
               - Abd-El-Rahmân, serviteur du miséricordieux.
               - Abd-El-Kerim, serviteur du généreux.


               S'il s'agit d'une fille l'alam qui lui sera donné sera emprunté à l'une des femmes de Mohammed :
               - Khadidja,
               - Zohra,
               - Aycha,
               - à sa fille Fatma ou

               A l'une des qualités de la femme comme :
               - Aziza (chérie),
               - Saïda (heureuse),
               - Loulou (perle).


               Mais comme il est facile de le concevoir, le nombre des alam est excessivement restreint chez les musulmans.
               Une immense quantité d'individus porteront donc le même nom, celui de Mohammed par exemple ; dès lors, comment distinguer le Mohammed qui appartient à telle famille du Mohammed qui appartient à telle autre ?

               Les musulmans arrivent à établir cette distinction en ajoutant à l'alam donné aux enfants, le nom ben (fils) bent (fille) suivi du nom du père.
               C'est ainsi que l'on dira :
               - Ali Ben Mohamed, Ali fils de Mohammed,
               - Ali Ben Moustapha, Ali fils de Moustapha,
               - Ali Ben Ahmed, Ali fils d'Ahmed,
               - Aycha bent Hassan, fille d'Hassan,
               - Aycha bent Ismaïl, fille d'Ismaïl,
               - Aycha bent Kaddour, fille de Kaddour.


               On ne pourra donc plus confondre les individus portant le même alam. Remarquons en passant que la femme mariée ne perd pas l'alam qu'elle portait jeune fille.
               Avant comme après le mariage elle continuera à s'appeler du nom qu'elle a reçu de son père, elle sera toujours Aycha, fille de Hassan.
               Nous ne parlerons ici des prénoms (kounia) que pour faire remarquer qu'ils varient à l'infini.

               Ils se rapportent à un fait particulier, soit à un état, soit enfin à l'origine.
               En voici quelques exemples :
               - Moustapha bou mezrag. Moustapha, le père de la lance.
               - Mohammed ben Abdallah, Bou maza. Mohammed ben Abd Allah, le père de la chèvre,
               - Hamed, Bou Chelagham. Hamed, le père aux moustaches.
               - Abd-El-Kader, ben Derâou. Abd-El-Kader, le fils de son bras
               - Ismaïl, el haffaf. Ismaïl, le barbier.
               - Zina el messerara. Zina, la gracieuse.
               - Yamina, el aaguera. Yamina, la stérile.


               La croyance aux mauvais esprits (Djenoun) ou dans le mauvais œil (Aâïn) est très répandue chez le peuple arabe.
               Pour préserver de leur pernicieuse influence on ne met jamais les enfants dans leurs berceaux sans prononcer cette formule sacramentelle : " au nom de Dieu. "
               On leur attache aux bras différentes sortes de talismans ; plus tard ces amulettes passeront au cou ; et plus tard encore, la jeune fille, qui sera presque une femme, les portera sur la tête.

               Quoique les femmes arabes aiment beaucoup leurs enfants elles sont loin de leur prodiguer cette multitude de soins qui chez les peuples civilisés, deviennent pour les petits êtres qui en sont l'objet, un péril, peut-être, plutôt qu'un avantage.

               Toutefois, par une nécessité du climat, elles les nourrissent longtemps pour ne pas s'épuiser à un allaitement qui dure d'un an à deux ans, elle font intervenir souvent le lait :
               - des brebis, des vaches, des chamelles.
               Les chamelles ont, dit-on, dans leurs mamelles, des trésors de vigueur et de santé. Excepté dans les grandes familles, les nourrices mercenaires sont inconnues.
               Le prophète a dit : " ne vendez jamais ni le lait, ni les cheveux de vos femmes ; ce serait avilir la majesté humaine. "
               Quand une mère ne peut nourrir, c'est :
               - une voisine, une parente,
               - une amie qui, pour l'amour de Dieu vient offrir le lait à son enfant trois ou quatre fois par jour.


               Aussi, cette nourrice est appelée une seconde mère, elle a presque tous les droits que donne le sang, et toute union entre elle ou un de ses enfants et son nourrisson serait réputée incestueuse.
               (Dès qu'un enfant a sucé le lait d'une femme, il devient l'enfant de cette femme et aucune union conjugale ne peut s'établir entre le frère ou la sœur de lait des nourrissons. Telles sont les conséquences de la parenté du lait.)
               On fait la plus grande attention au choix de la nourrice. Il faut qu'elle soit saine de corps et d'esprit, sa conduite doit être irréprochable.
               Les Arabes disent : " Surveille avec soin l'allaitement, c'est de lui que dépendent la santé et le caractère. "

               Chez les nobles (djouad) on trouve des serviteurs intimes dont l'unique mission est d'élever les enfants de leurs seigneurs. On les nomme terrabas (éleveurs).
               Ils jouissent d'une grande influence et les épouseurs ne manquent jamais de les mettre dans leurs intérêts, quand ils recherchent, en mariage, des filles de grande tente.
               Ces terrabas sont considérés comme faisant partie de la famille ; à ce titre, ils ont le privilège d'y pénétrer quand ils le veulent. On les traite toujours avec bienveillance.

               Pendant les premiers mois l'enfant est enveloppé dans des chiffons de laine, et les mères vaquent à tous les travaux domestiques en le portant derrière leur dos ; ingénieusement suspendu dans un haïck, la tête et les mains libres ; la petite créature peut embrasser avec ses cuisses les reins de sa mère.
               Je ne serais pas étonné que cette habitude ne produisit, chez les Arabes, une disposition à se lier, par la suite, aux flancs d'un coursier.
               La nuit, on place simplement l'enfant dans une zagaou ou corbeille à pain que l'on suspend à une traverse de la tente : voilà son berceau.
               - Au bout de dix-huit mois arrive l'époque du sevrage.
               - Les mères se noircissent les mains avec du charbon.
               - Les enfants se dégoûtent et s'effraient. Le but est immédiatement atteint.


               On leur donne progressivement ensuite la nourriture que leur température peut supporter.
               Aussitôt qu'une fille est sevrée, on lui apprend les soins de propreté, on lui lave les mains, les pieds, le corps tout entier.
               Puis après la propreté, la coquetterie fait bientôt son apparition.
               On lui perce les oreilles à deux ou trois endroits, et l'on maintient les trous avec des fils de soie.
               Cependant les bijoux ne viendront que dans la suite, ils sont interdits à l'enfance.

               Au lieu d'être maintenus, comme chez nous, dans des appareils qui ressemblent à des instruments de supplice, les enfants :
               - errent à leur gré dans la tente,
               - ils se traînent sur leurs genoux,
               - se dressent, tombent, se relèvent en peu de temps,
               - ils savent marcher.


               Les premières années de leur vie se passent au milieu :
               - des chevaux, des bœufs, des moutons,
               - des chameaux, des chèvres et des chiens.

               On les laisse courir pieds nus, en chemise, au gré de leurs fantaisies : c'est à coup sûr la meilleure partie de leur existence car ils ne connaissent que les bons traitements, ils ne reçoivent que des caresses.
               Tout ce qu'ils font est bien, tout ce qu'ils disent encore mieux.
               Ils n'ont pas de raison, ce sont des enfants. Laissons leur toute liberté.
Revue africaine. Volume 56. Année 1912
La femme arabe par le Général Daumas


L'adolescence
Envoi de M. Christian Graille
L'enfant est un papier blanc, pur de toute souillure sur lequel on peut écrire le bien ou le mal. La jeune branche se redresse sans grand travail, le gros bois ne se redresse jamais.
               Les Arabes, on ne doit pas s'en étonner, ne sont point partisans d'une instruction étendue chez les femmes.
                Excepté dans les familles de Marabouts, on apprend à très peu de filles à lire, et, surtout à écrire.
                Ce sont là des connaissances qui, suivants eux, favorisent les amours coupables.
                Le premier emploi qu'une fille fera de l'écriture sera d'écrire à l'homme qu'elle aime, si des obstacles la séparent de lui.

                Mais dès qu'une fille commence à parler, on veut qu'elle se serve de la parole pour prier Dieu. La première prière qu'elle prononce est celle qui prélude aux repas.
                " Au nom de Dieu nous nous reposons en Dieu et en son prophète, que Dieu, le maître du monde, nous accorde sa bénédiction à nous et à ceux que nous allons manger. "

                Plus tard la jeune fille doit prier cinq fois par jour comme les hommes.
                - Au fedjeur (point du jour),
                - au Dohor (une heure après-midi),
                - à El-Aâsser (trois heures),
                - au Moghreb ( coucher du soleil),
                - A El-Eucha (huit heures du soir).


                La prière du Fedjeur est due à notre seigneur Adam,
                la prière du Dohor à notre seigneur Abraham,
                la prière d'El Aâsser à notre seigneur Jonas,
                la prière du Moghreb à notre seigneur Jésus-Christ,
                la prière d'El-Eucha à notre seigneur Moïse.


                Les prières sont avancées ou retardées suivant la saison et doivent toujours être précédées d'une ablution.
                La beauté est, d'habitude, le partage des femmes arabes. Leurs yeux sont noirs et évoquent naturellement chez le poète, cette pensée qui revient si souvent du regard profond et doux de la gazelle. Même dans les affections les plus pures, la beauté a toujours un rôle important.

                Jamais les jeunes filles dans la tente et même dans la tribu, n'ont à subir de mauvais traitements mais celles à qui Dieu a fait le présent d'un joli visage, sont, dans leurs familles, les objets d'une prédilection particulière.

                En grandissant la jeune fille quelle que soit sa naissance, prend l'habitude du travail , elle apprend à confectionner :
                - les burnous, les tentes, les tapis,
                - les haïks, les musettes , les besaces etc. etc.


                Sa mère en fait une compagne qui l'aide à remplir tous les devoirs domestiques et à partager les soins de cette hospitalité entendue d'une manière si large et si touchante chez les Arabes.
                Quoique étrangère à la loi chrétienne, elle apprend la pratique de la charité.
                Sa main et son cœur doivent s'ouvrir quand un pauvre vient à la porte de la tente, prononcer ces paroles consacrées ; " O les croyants, donnez-moi un peu que ce Dieu vous a donné "

                Enfin on lui inculque, le plus promptement possible, ces principes que la sagesse musulmane regarde avec raison comme des conditions essentielles du bonheur.
                - On lui apprend la discrétion,
                - on lui inspire le culte du silence qui est une des plus grandes puissances de la société arabe.
                - On lui enseigne un respect profond pour ceux à qui elle doit le jour et afin que la fille docile devienne plus tard une femme intelligente et dévouée,
                - on accoutume son esprit à s'échauffer aux récits des nobles actions,
                - à se prendre d'enthousiasme pour la gloire de la famille et de la tribu.
                - On lui fait réciter les chants qui excitent les âmes à l'héroïsme.


                C'est seulement lorsqu'il n'y a point d'étrangers que la jeune fille mange avec son père et sa mère ; on ne peut point dire, toutefois, qu'elle soit exclue de la vie sociale. Dans la compagnie ou sous la surveillance de sa mère,
                - elle rend des visites aux voisins,
                - aux marabouts,
                - elle assiste aux fêtes nuptiales,
                - elle apprend à danser en agitant un yatagan (sabre turc mesurant 60 à 80 centimètres) ou des mouchoirs si elle n'a pas la force de tenir des armes, toujours en prenant des attitudes voluptueuses.


                Elle doit aussi savoir frapper le bendaïr, espèce de tambour et le guellale petit tambourin qui figure dans toutes les fêtes.
                Quand la jeune fille atteint l'âge nubile, elle pratique le jeûne.
                Si elle appartient à une grande tente elle ne sort que voilée ; la fille du pauvre marche le visage découvert.
                Mais pauvre ou riche la femme arabe se familiarise de bonne heure avec les habitudes de coquetterie.

                Les jours de fête :
                - on lui met sur la figure du rouge (zerkoune),
                - on lui noircit les paupières avec de la mine de plomb (koheul),
                - on lui teint avec du henna les mains et les pieds
                - et enfin sa mère la confirme avec soin dans la pratique des ablutions prescrite par la loi.


                On lit dans le Koran : Lorsque vous vous disposez à la prière, lavez-vous le visage entre les mains jusqu'aux coudes ; lavez-vous aussi la tête et les pieds.

                On accuse souvent les Arabes de malpropreté parce qu'on les voit toujours couverts de vêtements de laine qu'il est assez difficile d'entretenir ; mais qu'on ne s'y trompe pas, si l'extérieur laisse à désirer le corps d'habitude est irréprochable grâce aux fréquentes ablutions qu'ils sont obligés de faire.
                Ces ablutions avant la prière sont tout à fait indépendantes de la grande ablution (oudou el kébir) que le musulman doit pratiquer après toute espèce d'impureté ou de souillure.

                Un poète arabe a donné ces conseils aux femmes :
                Ornez vos yeux du " koheul " et ils brilleront d'un éclat lumineux comme une source d'eau vive au milieu des sables.
                Parez aussi vos doigts de henné et ils ressembleront aux fruits élégants du jujubier.
                Et enfin, mâchez le souak ( branche de l'arbuste salvadora persica) qui parfume l'haleine, fait les dents blanches et les lèvres de pourpre.
                Vous serez ainsi plus agréable aux yeux de Dieu car vous serez plus aimées de vos maris.


                Les Arabes pratiquent le tatouage, non point un tatouage :
                - brutal, barbare,
                - altérant l'œuvre de Dieu comme celui des tribus américaines, mais le tatouage plein de grâce et d'élégance qui rappelle presque quelques-uns des artifices chers à la coquetterie du siècle dernier.


                (Le tatouage est cependant défendu par la loi qu'on appelle l'écriture du Diable.)
                Ainsi quand une jeune fille a dix ou douze ans on lui fait aux poignets et aux pieds des dessins qui ressemblent à de larges bracelets. Au front entre les sourcils à la joue et au menton, on leur dessine une mouche ou une étoile.
                Les Arabes trouvent à ces figures un charme extrême : elles font, suivant eux, ressortir la blancheur de la peau.
                C'est un art véritable que celui du tatouage. Ceux qui l'exercent forment une classe à part qui ne procède jamais qu'en présence de la mère.
                Dans les tribus cette opération a lieu d'habitude le jour de la circoncision.
                Il y a grande fête alors et si le père du néophyte est riche il fait tatouer les filles pauvres à ses frais.

                Malgré la faveur qu'ils semblent accorder à la coquetterie, les Arabes attachent un grand prix à la pureté de leurs filles. Nous verrons en parlant du mariage quelle honte rejaillit sur une famille entière quand une femme n'apporte point à son époux ce qu'il est en droit d'attendre d'elle. Aussi dans les grandes tentes, épargne-t-on aux oreilles virginales toute parole déshonnête.
                La nubilité arrive vite. Dans les tribus les filles riches, fiancées quelquefois à quatre ou cinq ans, sont mariées de dix à quinze ans. On attend davantage dans les familles pauvres.
                Mais sous toutes les tentes cependant on ne veut pas qu'une jolie fille soit soustraite trop longtemps aux liens conjugaux. Tandis que sa beauté s'accroît, on craint que sa réputation diminue.

                Aussitôt, dit le proverbe, qu'une fille peut porter une cruche à sa bouche, Elle peut porter ce qu'a porté sa mère.
                Ces paroles ne paraîtront pas trop empreintes de l'exagération orientale, quand on saura qu'il n'est pas rare, en Afrique, de voir une fille nubile vers l'âge de 10 ou 12 ans.
                J'ai entendu citer l'exemple d'une mère qui avait 11 ans à peine de plus que sa fille. De pareils faits ne rappellent-ils pas ce joli mot de M. de Chateaubriand voyant danser des jeunes filles dont il avait admiré les grands-mères et aussi les mères : Regardez ces générations de fleurs.

Embrouille le fil de l'infidèle et ramène nos guerriers triomphants
Fait que les adorateurs de morceaux de bois,
Qui se nourrissent de cochon,
Et boivent du vin dans des verres (1),
Soient anéantis et humiliés.
Oui qu'ils repassent la mer sur leurs barques,
Notre étouffement cessera et nos pays respireront.
Mille saluts de ma part aux Arabes qui patientent,
A ceux, surtout, qui vendent leur âme à Dieu
Mille prières sur le prophète,
Sur ses compagnons, sur ses amis,
Et sur les chefs de la loi,
Autant de fois salut que la poudre a tonné.

                1) Les Arabes comme du temps d'Abraham, boivent encore tous à la ronde dans le même vase (Tassa, mâoune) et ils méprisent souverainement tout notre attirail de table. Qu'en ferait-il au surplus, dans la vie de la tente qui les astreint à n'avoir que des meubles simples et solides ?
                Ceux que j'ai interrogé après un diner splendide faits chez nos gouverneurs ou généraux m'ont toujours répondu : Bien, mais beaucoup de cliquetis et peu à manger. Ils n'y avaient pas trouvé le mouton rôti tout entier qu'ils estiment tant.
Revue africaine. Volume 56. Année 1912.
La femme arabe par le général Daumas.



Le Singe et la Colombe
Envoyé par Mme Nicole
Une fable qui valut un Bref de Sa Sainteté Pie IX à son auteur en 1876.

         Une colombe toute blanche
         Au sommet d’un hêtre perchait,
         A l’extrémité d’une branche
         Qui sur un abîme penchait.
         Un gros singe armé d’une hache
         Grimpa si haut qu’il put vers elle et, furieux.
         Se mit à frapper sans relâche
         Ce vert rameau qui les portait tous deux.

         – Que faites-vous, dit la colombe ;
         Ce que vous ébranlez est votre unique appui.
         Si par malheur, le rameau tombe,
         Bûcheron insensé, vous tombez avec lui !

         – Moi, répond le singe avec rage,
         C’est à toi, c’est à toi, colombe, que j’en veux !
         Ton renom d’innocence est pour tous un outrage
         Ton roucoulement doucereux
         M’empêche de dormir. Au gouffre ce feuillage
         Qui cache en ses replis tes complots ténébreux !

         Il redouble, à ces mots, les efforts de sa haine
         Et le rameau craque et se rompt;
         Et l’animal pervers qu’en sa chute il entraîne
         Avec lui roule jusqu’au fond.
         Mais la colombe ouvrant son aile,
         S’échappa dans les airs, paisible et sans effort,
         Et le singe élevant vers elle
         Son œil déjà voilé des ombres de la mort,
         La vit planer là-haut vers la voûte éternelle.

         Combien de fois, depuis dix-neuf cents ans,
         De l’Église du Christ les rameaux bienfaisants
         Ont été mutilés par des mains criminelles !
         Hardis persécuteurs, les plus forts des humains,
         Frappez, frappez encor : la hache est dans vos mains ;
         Mais vous verrez un jour que l’Église a des ailes.
Jacques Melchior Villefranche,
Le Fabuliste chrétien.




Les cérémonies du mariage
Envoi de M. Christian Graille

               On commence à connaître maintenant la pensée des Arabes sur les femmes et la manière dont la société musulmane envisage l'acte important dont la famille tire son origine.
               Voici le moment où vont se dérouler les tableaux les plus étrangers à nos habitudes, les mœurs les plus contraires aux nôtres.

               Que le lecteur s'apprête à pénétrer dans ce que la société musulmane a de plus intimes et que sa curiosité s'arme d'indulgence pour des coutumes qui peuvent révolter la délicatesse européenne.
               Ces coutumes existent, ces documents doivent donc être acceptés comme ils ont été recueillis, avec la gravité qu'exige une étude consciencieuse sur les usages d'une notable portion de la race humaine.

               D'habitude on prend femme dans sa tribu. Cependant la politique pousse quelquefois les Arabes à se marier dans des tribus étrangères pour contracter des alliances qui peuvent être utiles au moment du danger.
               Quand un jeune homme désire une fille en mariage, il charge un ami d'aller porter sa demande aux parents de celle qu'il aime ; mais si la jeune fille est célèbre par :
               - sa beauté, son origine, sa richesse,

               Le père qui la désire pour son fils, monte à cheval avec sept ou huit compagnons, tous bien vêtus, portés sur leurs plus beaux coursiers et il se rend, avec ce cortège, chez le chef de la tribu où se trouve celle qu'il recherche. Ce chef leur dit : " Marhaba bi-koum, soyez les bienvenus.", pratique envers eux les devoirs de l'hospitalité, puis leur demande l'objet de leur visite.
               " Nous sommes venus pour nous unir contre les mauvais jours, hériter les uns des autres, faire en sorte que nos tentes n'en forment plus qu'une ; en un mot, nous voulons la fille d'un tel pour mon fils, nous désirons que tu nous aides à réussir. "
               Pour obtenir cet appui, on remet à celui que l'on sollicite, des bracelets de pieds et de mains pour sa femme et une quarantaine de douros d'Espagne.
               Si l'alliance lui paraît impossible, le chef répond : " C'est une affaire dans laquelle je ne peux entrer. "
               Il refuse les présents et tout est terminé.
               Si l'alliance lui convient au contraire, il accepte et jure par le livre de Sidi-Abdallah, qu'il fera aboutir l'entreprise.

               Il monte à cheval avec les envoyés ; tous se rendent chez le père de la fille.
               On leur fait un bon accueil, on leur sert un repas, la conversation s'engage sur maints sujets ; puis dans un moment opportun, le chef entame la négociation.
               Tirant à par le père et les parents de la jeune fille, il leur dit :
               " Ces gens ont couché hier chez moi ; ils désirent, de faire avec nous plus qu'un seul et même fusil ; ce sont des hommes de grande tente, renommés pour leur hospitalité, des maîtres du bras. Ils appartiennent à une tribu puissante, il faut nous les attacher sincèrement. Le temps tourne sur lui-même et revient (la fortune est inconstante). "

               Habituellement le père réplique : " Fais ce que tu voudras, ma fille, tu es son père, son oncle, son frère, son oukil ( gérant et représentant ; ma barbe est dans ta main. " Le chef reprend :
               " Tu as raison, c'est ma fille et si je ne reconnaissais pas l'origine de ceux qui la demandent, je ne te les proposerais pas. Sois tranquille :
               - la fille ne moudra point le blé,
               - elle n'ira ni au bois ni à l'eau ;
               - elle aura une Djahafa,
               - son nègre et sa négresse,
               - ses effets, ses bijoux,
               - elle sera entourée de considération et
               - mènera une bonne existence.

               C'est une famille riche, demande lui ce que tu voudras.
               Nous pouvons lui manger beaucoup d'argent. "

               Après cet entretien le chef retourne auprès de ceux qu'il a amenés, il leur déclare que l'affaire ne souffrira pas de difficulté, puis les engage à revenir dans sept à huit jours, il a encore besoin de ce délai pour se consulter.
               Au bout de sept ou huit jours c'est une nouvelle ambassade qui arrive.
               Ce sont cette fois des marabouts. Ils tiennent à peu près ce langage :
               " Que Dieu maudisse le démon ! Nous sommes des hommes de paix, le bien vaut mieux que le mal et nous espérons qu'en notre considération, vous consentirez à cette union. Vous dites que vous êtes nos serviteurs et que vos ancêtres étaient les serviteurs de nos ancêtres, eh bien ! Accordez-vous pour l'amour de Dieu, de vos ancêtres et des nôtres. "

               On recommence des fêtes et une seconde fois, parole est donnée.
               Ce n'est pas tout, trois ou quatre jours après, surviennent :
               - la mère, les sœurs,
               - les parentes du jeune homme,

               Elles ont pour mission de hâter, par de nouvelles instances, l'alliance désirée.

               Le chef va alors trouver le père et lui parle ainsi : " Allons, un tel, c'est assez :
               - Tous les jours ces gens-là sont chez nous.
               - Nous tuons pour eux des moutons,
               - nous leur donnons du kouskoussou,
               - nous épuisons notre beurre,
               - leurs chevaux mangent notre orge,
               - ils nous ruinent. Ce que nous pouvons faire de mieux, c'est de leur accorder celle qu'ils demandent ;
               - elle ne perpétuera pas votre nom.


               (Haroun Rechid ayant un jour à ses côtés deux de ses petits-fils, l'un issu de son fils et l'autre de sa fille. On lui demanda comment ils se nommaient.
               Le premier répondit, je me nomme Osmane, fils de Mohammed, petit-fils de Haroun Rechid, mais le second ayant indiqué comme cela devait être. Le calife s'écria avec émotion : " décidément les enfants de nos fils sont nos véritables enfants ; ceux de nos filles sont étrangers.)
               - Elle ne nous montera jamais un cheval,
               - elle ne nous portera jamais un fusil,
               - c'est une femme. Donnons-la pour nous faire des amis. "


               Rappelez-vous que les anciens ont dit :
               " Une tribu ne peut s'acheter que par une femme."

               Ces considérations d'un ordre singulièrement positif, et où le caractère arabe se révèle tout entier, persuadent complètement le père.
               Le chef renvoie alors les femmes en leur disant : " Vous avez notre dernier mot, retournez chez vous et soyez bientôt ici."

               Le Cadi arrive ensuite avec le père et la mère du futur, quelques cavaliers et quelques amis de la famille.
               On faut les conditions ; le cheik parle pour les parents de la fille ; les intérêts du futur sont défendus par son père.
               Des concessions mutuelles terminent rapidement ces difficultés, surtout quand l'union projetée réunit des conditions :
               - de convenances de fortune, de naissance, d'éducation.

               On règle la dit que l'époux doit finir car il ne peut y avoir de mariage chez les Musulmans sans une dot spécifiée en faveur de la femme. Cette dot varie suivant l'état de fortune ou la générosité du mari.
               Plus elle est considérable, plus on espère que l'importance du don, qui doit être renouvelé en cas de divorce préviendra ce malheur.
               Voici une des dots les plus fréquentes parmi les gens de la grande tente.

               L'exactitude des détails propres à donner une connaissance complète des mœurs que nous étudions nous fera pardonner, peut-être cette minutieuse énumération :
               - Deux ou trois cents douros,
               - trois chameaux et une chamelle,
               - une centaine de moutons,
               - une bonne tente, maison (khéima),
               - vingt peaux de Filaly (maroquin),
               - trois ou quatre pièces de cotonnades (mektaa),
               - deux ceintures en soie (hazame),
               - deux paires de guerches (bottes),
               - deux beaux haïks rouges, teinte en kermès,
               - deux Melhafa ou haïks en coton pour se voiler,
               - des mouchoirs (maharrma),
               - un ferache ou tapis immense dont on fait un lit,
               - quelques zerbias ou tapis ordinaires,
               - quelques bons coussins (oussâda),
               - deux paires de bracelets de pieds, une pour la mère, l'autre pour la fille (khelkhale)
               - deux paires de bracelets de poignets (souar),
               - deux énormes boucles pour attacher les haïks (bezima) plus ou moins ornés de corail,
               - deux boucles de cou (bezima el Gueurzi),
               - un miroir plus ou moins riche,
               - deux paires de boucles d'oreilles montées en corail (ounaïss),
               - deux khatem ou bagues en or ou en argent,
               - du corail pour une vingtaine de douros,
               - un nègre, une négresse.

               Les parents de la femme ne lui donnent qu'un trousseau en rapport avec leur fortune.

               C'est encore devant le cadi ou le thaleub autorisé (notaire) que la famille de la mariée stipule parfois, en sa faveur, suivant les caractères ou les contrées quelques conditions comme celle-ci :
               - L'épouse ne quittera pas ses parents,
               - elle ne sera jamais frappée,
               - son mari ne pourra pas de son vivant, contracter des unions nouvelles.


               Si l'époux manque à une de ces conditions, il ne peut pas s'opposer à un divorce qui est prononcé de droit.
               Quand il ne reste plus aucun point en litige on procède à la cérémonie des fiançailles (nhar el mellak).
               La fiancée seule n'y paraît pas ; elle est représentée par ses parents.
               Son père dit en présence du magistrat :
               " de mon plein gré je donne ma fille, Fatma, fille de Zohra à un tel, fils d'un tel.
               Acceptez-vous reprend le cadi en s'adressant au futur ? Oui. "

               Après cette déclaration le cadi, les mains ouvertes et tournées vers le ciel lit le fatiha (invocation religieuse par laquelle on appelle les bénédictions de Dieu sur les biens, sur les familles et sur les entreprises.
               La voici traduite littéralement :
               Au nom de Dieu clément et miséricordieux.
               Louanges à Dieu, seigneur de l'univers, très cléments et très miséricordieux ; il est le souverain, maître du jugement.
               Nous t'adorons seigneur et nous implorons ton assistance.
               Dirige-nous dans le sentier du salut, dans le sentier de ceux que tu as comblés de tes bienfaits, de ceux qui n'ont pas mérité ta colère et qui ne sont pas du nombre des égarés) et pour le moment tout est terminé.

               Toutefois cela ne se passe pas sans coups de fusil de la part des hommes et, de la part des femmes sans cris de joie que le père de la future est obligé de rémunérer. Le mari est encore séparé de sa femme, mais il envoie à sa nouvelle famille :
               - des moutons, du blé, des poulets, du beurre et
               - des fruits destinés à fêter son union.


               Cependant si la femme est une veuve, le mari peut se mettre en route, dès le lendemain et passer la nuit près de celle qu'il vient d'épouser, en lui faisant un présent.

               Dans le désert il peut même en user de la sorte pour une fille du peuple et la famille ne voit là qu'une marque d'empressement.
               Mais sans nous inquiéter des exceptions que l'usage peut y apporter, voici la règle toute entière. Huit ou dix jours après la cérémonie des fiançailles, vient la nuit du Hanna (Le henna est un petit arbuste qui ressemble au troène.
               Ses feuilles sont d'un beau vert :
               - on les fait sécher au soleil,
               - on les réduit en poudre,
               - puis on en fait une pâte qui, appliquée sur :
               - les ongles,
               - le bout des doigts,
               - les mains ou
               - les pieds, teint en beau rouge orange.


               Les Arabes l'emploient encore pour teindre :
               - la crinière,
               - la queue ou le dos des chevaux.

               Dans ce dernier cas on lui attribue la propriété de fortifier l'épiderme et d'empêcher les blessures).

               Voici ce qu'on entend par-là :
               La mère et les sœurs ou parentes du futur vont avec un cortège de musiciens trouver la fiancée pour lui mettre en grande cérémonie, aux pieds et aux mains, ce henna que les femmes arabes aiment avec passion comme un des auxiliaires les plus puissants de leur beauté. On place :
               - un soltani (ancienne pièce de monnaie d'or) dans chacune des mains de la mariée,
               - une pièce d'argent sous chacun de ses pieds,
               - une bague sur son front
               - et on fixe ces objets avec de la poudre de henna délayée dans de l'eau tiède.


               Le sens de cette coutume est que la jeune fille doit être aimée sur cette terre, comme y sont aimés l'or et l'argent.

               Cette cérémonie, on l'espère, lui portera bonheur ; pendant toute sa durée, les instruments résonnent, les mets circulent : c'est en dehors de la tente un bruit continuel de poudre, une fantasia effrénée.
               Vient ensuite ce que l'on appelle le jour le jour de l'enlèvement.
               Le futur envoie à la famille de sa femme des provisions de bouche et à sa fiancée :
               - des habillements, des mouchoirs de soie, des ceintures, des chemises, des coiffes brodées, des babouches, des bijoux, boucles d'oreilles, des bagues, des bracelets de pieds et de mains,
               Tous les présents qui s'adressent à la coquetterie féminine, de plus, la dot fixée qui doit, on ne l'a pas oublié, être payé le jour même de l'enlèvement.
               Dix ou douze parents ou amis vont porter ces dons au beau-père.
               Celui-ci, bien qu'aucune stipulation ne l'y force, peut, si sa fortune le lui permet, faire à sa fille des cadeaux d'une valeur égale à ceux qu'elle vient de recevoir.

               La dot cependant n'est pas toujours comptée le jour même de l'enlèvement.

               Quelquefois on permet au mari de s'acquitter à une époque ultérieure, quand ses ressources lui permettront de le faire ; mais il faut qu'il y ait pour cela une convention expresse.
               Aussitôt la dot comptée, le futur envoie :
               - sa mère, ses sœurs, ses parents et leurs amis enlever la fiancée chez son père.

               Les cavaliers des deux tribus montent à cheval, le père de la future la met en route, sur une bonne chamelle avec son fauteuil bien orné (âtouche), une négresse et des bijoux d'une valeur de 40 ou 50 douros.
               Ce sont là les présents habituels.
               On part alors et on simule des jeux de guerre, l'amour propre des cavaliers est excité.
               La tribu dont sort la jeune fille est pressée par celle où elle va rentrer. Ce sont des deux côtés force coup de fusil ; toutes les figures sont animées par le plaisir. Cela s'appelle faire le barouk el djerra, la bénédiction de la trace.
               Cette fantasia s'exécute souvent à balles, les cavaliers courant à la rencontre des aâtatiches (sorte de cages placées sur le dos des chameaux dans lesquelles peuvent se tenir quatre femmes, leurs enfants et leurs ustensiles de cuisine) et déchargent leurs fusils à vingt pas et au-dessus de la tête de la mariée.

               Ce jeu, qui n'est pas sans danger, est le plus grand honneur que l'on puisse faire à une jeune fille de noble origine.
               Il a encore pour but de l'habituer à la poudre et aux combats réels qu'elle sera, sans doute, appelée à affronter plus tard.
               Après une conduite qui dure plus ou moins longtemps, suivant la distance qui sépare les deux tribus engagées, les goums s'arrêtent et se réunissent sous la présidence des marabouts.

               Voilà à peu près les paroles qu'avant la séparation, ces graves personnages ont l'habitude de prononcer :
               " Que Dieu vous rougisse la figure vous êtes frères aujourd'hui ; qu'il n'y ait plus à présent que du bien entre vous. Bannissez :
               - les vols, les représailles, les tueries et tenez-vous prêts à vous secourir mutuellement la nuit comme le jour. "

               Chacun alors rentre chez soi et on amène la mariée dans la tente de son époux.
               Ce dernier est absent parce que l'usage lui interdit encore de voir celle qu'il a choisie pour compagne.
               A huit ou neuf heures du soir suivant la saison les amis du mari la ramène chez lui au son des instruments, au bruit de lac poudre. Il arrive jusqu'à l'appartement de l'épousée.

               Là, de chaque côté du rideau qui partage toujours une tente arabe en deux parties, il trouve deux femmes qui, portent, pour cette nuit, le nom d'ouziarate.
               Ces prêtresses de l'amour conjugal lui adresse un discours qui est à peu près celui-ci : " Mohamed, traite-là avec douceur, c'est une enfant : que ses premiers pas dans la vie nouvelle ne soient point marqués par la souffrance.
               Mais à quoi bon te dire tout cela ; tu es de noble race, ne sais-tu pas comment tu dois te conduire. "
               Puis avant de s'éloigner, elles disent à la femme : " Aycha, ne crains rien. Tu es unie à un homme sage ; ouvre ton âme, soit confiante, c'est ton mari. "
               Sans contredit le moment est solennel pour les époux.
               La femme ne sait point quels traitements l'attendent.
               Le mari se demande comment il va trouver celle qu'il n'a pas encore vue.

               Bientôt la voix de la femme s'élève, et sa mère qui cette nuit ne s'éloigne pas de la tente où l'union s'accomplit, lui crie à travers la porte : " Allons ma fille chérie, supporte courageusement les épreuves que j'ai supportées moi-même, soit digne de ton sang, la famille compte sur toi. "
               Puis elle dit au mari : " Et toi Mohamed, je t'en prie, soit bon pour ma fille.
               Impose à ton amour la patience. Le temps est long et tu as le temps devant toi. Si ce n'est pas aujourd'hui ce sera demain. "

               Pendant cette scène on frappe le guellale (tambour) instruments retentissent et les invités couvrent à dessein, de leurs éclats de voix, ce qui se passent dans l'intérieur de l'appartement nuptial.
               Que ceux qui veulent connaître toute la signification de ce mot, relisent Montaigne. L'infortuné qui frappe cette disgrâce du sort appelle un thaleub pour qu'il mette fin au maléfice dont il se croit victime.
               Pendant que le thaleub écrit ses talismans, les femmes qui sont en dehors de la tente insultent le pauvre époux :
               " Dieu t'a donc jauni la figure, tu avais cependant la langue bien longue dans les causeries, tu devrais mourir de honte. Non, tu n'es pas un homme. "

               Quelquefois aux sanglots de la femme on pense que c'est elle qui est victime d'une sorcellerie, alors l'époux se retire.
               La mère et les matrones entrent, elles étendent la mariée sur un métier à tisser et la lavent de la tête aux pieds.
               On pense l'arracher ainsi à l'influence qui la fait souffrir. Mais quand aucun de ces obstacles ne s'est présenté ou quand tous ont été aplanis et que le mari vient jeter aux femmes, avec un des haïks étendus sous la couche nuptiale, le témoignage de son bonheur, ce sont des cris de triomphe.
               Le gage passe de main en main, la poudre recommence son fracas et parents, amis, tous les convives se disposent à offrir un présent à la mariée.

               A la pointe du jour, le mari sort de la tente. A peine a-t-il disparu, qu'on se précipite, de toute part dans l'appartement nuptial.
               La mariée est un objet de louanges et de caresses. Mais toutes ces démonstrations sont effacées par celles de son père et de sa mère. " Louanges à Dieu, disent-ils, tu es une brave fille, l'honneur de notre tente. Tu as comblé les souhaits de ton époux. Dieu merci, tu es entière, tu as rougi (le rouge, les couleurs éclatantes sont chez les Arabes le symbole de la joie et du bonheur.

               Tandis que les couleurs sombres, le jaune principalement, sont les indices du chagrin et du malheur) la figure des auteurs de tes jours. Dieu te bénira dans ce monde et dans l'autre. "
               La pratique, si ce n'est la loi, autorise le mari qui n'a pas pu faire éclater la vertu de sa femme par la preuve que nous venons de raconter, à rompre son union sur-le-champ.
               Il renvoie celle qui a déçu ses espérances et se fait rembourser tous ses frais.
               Mais la famille traitée ainsi se regarde comme mortellement offensée.
               Aussi un semblable évènement amène-t-il souvent des luttes sanglantes entre les familles et même entre les tribus.

               Pour prévenir de telles extrémités, la coutume a fourni un moyen : la mère peut déclarer et prouver que sa fille est née un vendredi, le jour de la réunion.
               On n'a point alors pour les femmes placées ainsi sous la protection directe du Prophète, les exigences accoutumées.
               Sept jours après l'enlèvement arrive le jour de la ceinture (n'har el hazame) ; c'est encore une grande fête à laquelle on convie les parents, les amis et les pauvres de Dieu.

               Comme d'ordinaire la derbouka et le guellale résonnent. Ce sont :
               - des repas, des jeux, et des rires.

               Les femmes font la toilette de la mariée et terminent cette cérémonie en lui ajustant avec pompe la ceinture qu'elle ne doit plus quitter.
               Dans l'avenir elle pourra tout au plus la dénouer pour porter bonheur à un goum partant pour la chasse ou pour la guerre.
               Puis cette vie exceptionnelle disparaît et la vie ordinaire reprend ses droits. S'il a épousé une jeune fille, le mari doit passer près d'elle sept nuits consécutives, il lui donnera trois nuits si c'est une veuve.
               Ce temps expiré il ne pourra plus faire de la nouvelle épouse l'objet d'une faveur exceptionnelle. Il ne pourra même pas lui accorder un présent, sans le consentement de ses autres femmes.
               " Vous ne pouvez pas dit le prophète, malgré tous vos efforts, avoir un amour égal pour toutes vos femmes. Mais que la balance ne penche jamais d'aucun côté, qu'elle reste en suspens. "

               Pendant le premier mois qui suit la consommation du mariage, les nouveaux époux, même pendant le jour, ne se parlent qu'en cachette.
               La nuit quand ils doivent se réunir, ils emploient mille précautions, je dirai même mille artifices pour ne pas être vus.
               On les prendrait pour des amants tremblants d'être surpris, pour des coupables près à commettre un méfait.
               Le même sentiment de pudeur leur fait éviter soigneusement la rencontre de leurs pères et mères ; contrastes singuliers avec les scènes qui se passent aujourd'hui de l'enlèvement. (Nhar el refoude).
               Le gendre garde habituellement sa belle-mère, un mois environ après ses noces.

               Il lui fait ensuite suivant sa générosité, des présents tels :
               - qu'un chameau avec son aâtoutiche,
               - un nègre et une négresse,
               - des cotonnades,
               - des bracelets de mains et de pieds, puis il la renvoie sous l'escorte de quelques cavaliers.

               Un ou deux mois après son mariage, la femme va rendre visite à ses parents.. Là, elle reçoit encore de son père des dons qui sont d'ordinaire semblables à ceux que sa mère a reçu jadis.

               On vient de le voir, le mariage chez les Arabes se divise en quatre phases principales :
               - 1° Nhar el mellak, le jour des fiançailles,
               - 2° Leilt el henna, la nuit du henna,
               - 3° Nhar el refoude, le jour de l'enlèvement,
               - 4° Nhar el hazame, le jour de la ceinture.


               Et pour qu'il soit légitime d'après la loi, il doit réunir les six conditions suivantes :
               - 1° La déclaration des époux,
               - 2° La cérémonie dans les formes prescrites,
               - 3° L'intention des conjoints de remplir le but du mariage qui est la propagation des sectateurs du Prophète,
               - 4° L'état de majorité et de bon sens,
               - 5° le consentement libre des parties,
               - 6° la volonté des époux d'accomplir leurs devoirs mutuels.
Revue africaine n° 56. Année 1912.
La femme arabe par le général Daumas.



La femme mariée
Envoi de M. Christian Graille

               Maintenant la jeune fille n'existe plus, c'est la femme mariée que nous allons étudier.
               - Quelle vie mènera-t-elle ?
               - Quel sera son caractère,
               - quelle influence lui accordera-t-on ?
               - Voici les réponses que l'on peut faire en se tenant dans les généralités.
               - Les conditions sociales,
               - les diverses aptitudes morales et physiques peuvent apporter aux règles, que nous essayons de tracer, maintes modifications.


               La toilette pour la femme arabe est toujours une grande préoccupation. Son costume consiste dans :
               - une chemise, un haïk, une ceinture,
               - une coiffe brodée en soie,
               - un mouchoir que l'on met par-dessus et des pantoufles.

               Le haïk est maintenu par de longues épingles à boucle :
               - soit en bois,
               - soit en argent,
               - soit en or (bezima) ; on le met ingénieusement.

               Il couvre la poitrine et il tombe en formant des plis élégants.
               La finesse du tissu est la seule différence de ce vêtement dans les tentes pauvres et dans les tentes riches.

               Dans les villes les femmes riches portent des cafetans espèce de tunique à manches courtes ou longues, en soie ou en drap avec des broderies d'or ou d'argent. Elles ajoutent à cette parure un frimela, corset étroit, et de larges pantalons qui descendent jusqu'aux genoux.
               Un mouchoir de soie, noué avec grâce enveloppe leurs cheveux et une fouta (espèce de tablier) leur ceint les reins et se noue par devant et retombe jusqu'à terre. La chaussure est large et ne déforme pas le pied.

               Les femmes arabes ne peuvent :
               - aller au marché,
               - tenir boutique,
               - vendre ou
               - acheter dans les rues.
               Les hommes sont chargés de ces soins.
               Lorsqu'elles sortent pour visiter :
               - des parentes,
               - des amies ou
               - des lieux saints,
               - pour se rendre au bain,
               - pour assister aux fêtes des marabouts vénérés, elles se revêtent d'un haïk plus ou moins riche ou d'une pièce de calicot (toile de coton assez grossière ) qui les couvrant tout entières, à l'exception d'un œil nécessaire pour les conduire, leur donnent cet aspect si mystérieux (melhafa).


               C'est une des prescriptions de la pudeur si expressément recommandée à la femme arabe par la religion et si consacrée dans la pratique.
               La femme ne doit pas regarder l'homme ni être vue de lui, de manière à exposer son cœur aux dangers de la tentation : " Les regards énervent l'âme et affaiblissent les facultés. "
               Dans les tribus, les femmes nobles font seules à la jalousie ou à la pudeur ces rigoureux sacrifices. Les femmes du peuple sortent d'habitude le visage découvert.
               J'ajouterai que les vêtements d'intérieur ne se quittent pas même la nuit, les femmes dorment toutes habillées sur des tapis nommés ferachat. Le lit est inconnu dans la tente ; les pauvres dorment sur des nattes.

               Tout en ordonnant la pudeur à la femme, la religion et l'usage ne lui défendent pas le soin de sa personne et même une certaine coquetterie.
               Ainsi la plus grande propreté est recommandée.
               Le Prophète veut qu'elle se lave tout le corps une fois la semaine ou tout au moins tous les quinze jours. Elle doit faire souvent ses ongles et s'épiler : ainsi, encore, elle peut porter la soie qui est interdite aux hommes.

               Le prophète a dit : " Ne portez point d'habits de soie ; certes, celui qui s'en revêt dans ce monde, ne s'en revêtira jamais dans l'autre. " Cette défense est fréquemment éludée. Les bijoux sont en grand honneur.
               Celles qui sont riches s'en surchargent. Elles portent des boucles d'oreilles en haut et en bas au nombre de quatre, quelquefois de six.
               Ces joyaux sont très lourds ; pour que l'oreille n'en soit pas déchirée, on les maintient par une chaîne qui vient s'accrocher sur le front en formant une sorte de diadème.

               On donne à, l'amour de la femme arabe pour les boucles d'oreilles une origine curieuse et peu connue. La voici :
               Sara, femme de notre seigneur Ibrahim (Abraham) était devenue très jalouse de Hadjira (Agar) servante de son mari, lui fit dans un moment de colère, et autant pour s'en venger que pour l'humilier, percer cruellement les oreilles.
               Mais Hadjira passa des anneaux d'or dans ses blessures et son affront fut effacé.
               Toutes les autres femmes trouvant cet ornement de leur goût, s'empressèrent d'imiter son exemple. Les colliers sont de toutes les formes et de toutes les dimensions.

               Les femmes du peuple en font avec :
               - des pièces de monnaie,
               - des boutons de nos soldats,
               - des coquillages,
               - du corail et de l'ambre.

               Il y en a de très longs en clous de girofle que l'on appelle mekhanga.
               Joignez à cela des bracelets de main de tous les métaux (messaïse) et des bracelets de pieds (khalkhal), façonnés comme le fer à cheval qui ont plutôt l'air d'un signe d'esclavage que d'un ornement.
               Enfin ce sont des quantités de bagues :
               - en or, en argent ou en cuivre.

               Puis viennent les talismans dont les femmes se munissent avec un soin aussi superstitieux que les hommes.

               Je leur ai vu porter jusqu'à des pattes de porc-épic et des griffes de lion montées en argent. On croit ainsi se soustraire à l'influence du mauvais œil (aâïn) El aâïn, ce mot signifie œil, veut dans certains cas dire mauvais œil.
               Les Arabes attribuent à certaines personnes le pouvoir de jeter un sort au moyen du regard. De là la convenance pour un individu qui touche ou qui admire un objet quelconque qui ne lui appartient pas de prononcer toujours ces paroles : Bi Essem Allah ou Mebrouk : au nom de Dieu. Qu'il soit béni.
               Elles ont pour effet de détruire les influences pernicieuses et prouvent qu'on n'est animé d'aucune intention perfide, qui empêche les succès ou se préserver des Djenoune (démons) qui causent les maladies.

               Les talismans sont faits par les marabouts ou les Tholbas (savants).
               - On les place sur la tête,
               - on les attache au bras ou bien
               - on les suspend au cou.

               Suivant la vertu qu'on leur attribue, préventive ou curative, on les appelle hadjeb ou heurz et ils contiennent, à peu près tous, ces paroles : " Louange à Dieu, maître de l'univers, le clément le miséricordieux, souverain au jour du jugement dernier. "
               Ou bien : " J'ai mis ma confiance en Dieu ; il n'est pas un seul être créé qu'il ne tienne par le bout de la chevelure. "

               On sait l'importance que l'on attache au henna qui est l'objet d'une cérémonie. Les femmes en mettent à leurs pieds et à leurs mains qui deviennent écarlates :
               - elles se noircissent les paupières avec du koheul (fond de couleur sombre utilisé pour le maquillage des yeux),
               - teignent leurs lèvres avec de l'écorce de noyer (souak) et
               - mâchent habituellement de la gomme résineuse du lentisque.

               On la nomme mesteka. Elle a une odeur agréable, on la croit bonne pour les dents et l'estomac.

               Le culte de l'européenne pour son miroir, n'est rien près de celui que ce meuble parlant inspire aux femmes arabes. Elles ont toujours un miroir suspendu à leur côté, ce qui ne les empêche pas de tenir, d'habitude, un chapelet à la main ;
               - tantôt elles s'en servent pour prier,
               - tantôt c'est une simple facilité de convenance et quand elles veulent travailler, elles le passent à leur cou.

               On en voit de toutes les formes, de tous les prix, suivant la fortune ou la qualité :
               - en ambre, en fruits de lentisque, en bois,
               - en corail et même en perles fines


               Dois-je citer comme ornement, comme arme ou comme instrument de travail, le petit couteau dans une gaine, dont jamais elles ne se séparent.
               Leur deuil dure quarante jours, pendant ce temps,
               - elles s'habillent en bleu ou en noir,
               - elles ôtent leurs bijoux et les remplacent par des morceaux de cuir,
               - elles s'interdisent l'usage des bains.


               Dans la société arabe, comme dans toutes les autres, la différence de condition modifie profondément l'existence féminine.
               La femme de grande tente est comme le lys de l'Écriture, elle ne se livre à aucun travail difficile. Plus son origine est illustre et plus la suprématie sur toute la famille lui appartient :
               - Elle dirige ses maisons, ses serviteurs, ses esclaves,
               - elle s'occupe de ses enfants,
               - elle pense à sa toilette,
               - elle mange avec ses égales, car jamais les distinctions sociales ne sont mises de côté,
               - elle tisse les étoffes dans lesquelles l'or ou la soie peuvent entrer,
               - elle brode certains objets,
               - elle se rend dans les villes surtout, fréquemment au bain,
               - elle visite ses compagnes,
               - elle va prier dans les marabouts renommés.


               Si elle ne fréquente pas la mosquée ce n'est pas que Dieu s'y oppose. Il a dit : " N'empêchez pas mes adorateurs de se prosterner devant moi. " Mais c'est la prudence ou la jalousie des hommes qui l'en éloignent, tant qu'elle est jeune.
               - On la rencontre sans cesse au cimetière où elle pleure sur des morts chéris.
               - Elle distribue des aumônes, le vendredi de préférence
               - Elle prie,
               - elle jeûne.
               - Elle prépare l'hospitalité, cette principale vertu de son peuple.
               - Elle s'abandonne à de longues et charmantes causeries où l'amour, la guerre et les chevaux jouent toujours un rôle principal.
               - Montée sur une mule ou sur un chameau richement caparaçonné
               - elle paraît aux fêtes de sa tribu (ouadâa) et, par sa présence et ses cris de joie,
               - encourage les guerriers à lutter d'audace et d'adresse.
               - Elle assiste aux noces de ses parents ou amis.


               Au printemps suivie de ses compagnes,
               - elle parcourt les prairies pour y cueillir les fleurs.
               - Elle chante ces chants de guerre et d'amour qui rendent les hauts faits populaires chez les Arabes.
               - Chez elle ou dans des réunions de femmes
               - elle exécute ou voit exécuter ces danses gracieuses et guerrières.
               - Enfin elle aime et elle est aimée.
               - Et lorsque la journée est terminée, elle la trouve aussi remplie, aussi heureusement employée que celle de l'Européenne qui d'un air de supériorité charitable et dédaigneux lui aura vingt fois parlé de son indépendance et de sa liberté.


               En effet elle ne connaît ni la dissipation, ni les plaisirs tumultueux des sociétés européennes, accoutumée à la vie intérieure et aux soins domestiques, elle ne peut faire aucune de ces comparaisons affligeantes qui inspirent des désirs et remplissent la vie d'amertume.
               Elle ne parle que sa langue et quand elle saurait lire où trouverait-elle un ouvrage écrit en arabe et traitant des coutumes des peuples étrangers.
               Elle se croit donc très heureuse.

               Rien de plus actif que l'existence des femmes d'une condition inférieure : sur une autre échelle, il est vrai, elles ont toutes les distractions de la femme noble, mais ce sont elles qui sont chargées de tous les détails de la vie de la famille :
               - Elles fabriquent l'étoffe des tentes, les hamale, les sacs,
               - les bâts de chameaux, les couvertures de chevaux,
               - les lits, les tapis, les coussins, les musettes,
               - les filets et les cordes.


               Elles vont :
               - au bois, à l'eau, à l'herbe,
               - elles sellent de dessellent les chevaux,
               - les entravent, les soignent.


               Le mari n'a qu'à monter sur son coursier. Il est libre de tout soin domestique.
               Quand on change de lieu, ce sont encore elles :
               - qui chargent et déchargent les bêtes de sommes.
               - Elles marchent à pied,
               - elles tannent la peau du bouc, du mouton, de l'antilope ;
               - quelques fois elles remplissent l'office de pâtres,
               - elles conduisent les moutons et les chameaux.

               En un mot elles sont employées à tout ; et l'on s'excuse du travail qu'on leur impose par ce dicton auquel on n'admet pas de réplique : La aâsseul li-houm.

               Elles n'ont pas d'origine.
               (Sans doute la femme arabe du peuple est soumise à de rudes et pénibles travaux. Mais est-il juste d'induire de là, comme on l'a fait, que dans la société arabe, la femme n'est qu'une bête de somme, soumise à toutes les fatigues pendant que le maître se repose ? Evidemment non, car ce serait se former une idée générale de la condition de la femme arabe d'après celle qui est faite à la femme du peuple.
               Quant à moi, je l'avoue, je vois la même différence entre la situation de la femme arabe de la grande et de la petite tente, qu'entre celle de nos femmes riches et de pauvres paysannes de nos contrées.
               Les travaux que l'on s'étonne de voir imposés à la femme de la petite tente sont assurément moins rudes que ceux qui incombent aux femmes de nos campagnes.)

               Quoiqu'il en soit, dans toutes les conditions, avec les nuances toutefois, apportées :
               - par la naissance,
               - la fortune ou
               - l'éducation.

               La femme arabe :
               - est bonne, elle aime son pays,
               - son mari, ses enfants, sa famille,
               - elle possède une grande facilité d'élocution,
               - elle est gracieuse, agréable dans ses propos,
               - elle adore les fêtes qu'elle égaie par sa présence et ses chansons.
               - Son cœur est rempli de compassion pour les pauvres,
               - elle pratique largement l'aumône et l'hospitalité.


               Ce serait une grande erreur de croire que son influence est nulle dans la famille :
               son action s'exerce quelquefois dans la tribu.
               Elle professe un grand respect pour son mari, elle ne l'appelle jamais que Sidi (monseigneur) c'est vrai, elle lui baise la main à l'époque de certaines fêtes religieuses où quand il rentre après une longue absence, c'est encore vrai, mais lui, de son côté, :
               - ne prend aucune décision importante,
               - ne se met pas en voyage,
               - n'achète, ni ne vend,
               - ne donne même pas une livre de beurre sans son assentiment.

               J'ai vu souvent, en plein marché, des Arabes remettre à huit jours une affaire par le seul motif qu'ils n'avaient pas consulté leurs femmes.

               On demandait à un Arabe :
               - " Crois-tu à la fin du monde ?
               - Oui, répondit-il, depuis que j'ai perdu ma femme, la moitié du monde a déjà disparu et quand je mourrai, l'autre moitié finira. "

               Dans ces discussions sans nombre, qui sont la vie du peuple arabe, la femme a son rôle. Elle participe aux décisions les plus importantes.
               La trahison politique envers son mari lui est interdite, sous peine d'une réprobation qui lui rendrait l'existence impossible.

               L'espèce humaine, dit-on au désert est un composé :
               - d'or, d'argent et de cuivre
               - et dans ce monde chacun ne doit passer que pour sa valeur réelle. Partant de ce principe on y voit rarement les chefs et les puissants refuser la demande d'une femme qui vaut de l'or.

               Ils ont toujours au contraire, quelque faveur à lui accorder, la grâce d'un coupable, la liberté d'un prisonnier ou la remise d'un amende. Bien des individus ont échappé à la mort par le seul fait de s'être réfugiés chez les femmes.

               Voilà donc la gynécée (appartement réservé aux femmes) arabe, cette prison, au dire des observateurs superficiels transformé tout à coup en lieu d'asile, en sanctuaire inviolable.
               Mais on ne pourrait voir là, que l'indice d'un sentiment qui n'a jamais été refusé aux Arabes, une sorte de galanterie passionnée.
               Il faut donc pour montrer qu'elle est au vrai, la considération que les Arabes ont pour les femmes :
               - ne pas se borner à la peinture de la vie intime,
               - ne pas se contenter de récits anecdotiques, de circonstances individuelles.


               En effet des épisodes d'une importance plus générale et qui rappelle ce que Tacite nous dit des mœurs germaines, sembleraient prouver que c'est dans les conjonctures les plus délicates et les plus difficiles des relations de tribu à tribu que l'intervention des femmes est réclamée et que, par leur seule influence, les affaires les plus embrouillées sont souvent menées à bonne fin.

               Je citerai deux de ces épisodes : Les Semya et les Arbaâ, deux des plus puissantes tribus du Sahara desquelles j'ai déjà, souvent parlé, avaient eu une affaire de Nif, une querelle d'amour-propre.
               A force de temps, de Khotfa (rapine), de Razzia (pillage à mains armées), de Théha (tuerie) cette question était devenue une bonne haine, cette vendetta s'était transformée en état de guerre. On avait :
               - pillé, tué, escarmouché, combattu.
               Bref, après être allé de l'inimitié à l'hostilité, on avait juré de s'entre détruire. La guerre bien et dûment déclarée, on fixa le jour et le lieu de la rencontre.
               Le faste, on le pense bien ne manqua pas à ce formidable tournoi, chacun des deux partis se fit accompagner de ses chameaux garnis des plus jeunes et des plus jolies femmes de la tribu.

               Leurs cris devaient être les encouragements aux exploits, les actions de grâces et leurs applaudissements, les premières et peut-être les plus douces récompenses de la victoire.
               C'est dans la vallée de Taounza à 4 lieues à l'Est du Kuesir-el Héyran que le combat eut lieu. Il fut long et terrible. Les Selmyas furent vaincus. Ils prirent la fuite laissant bon nombre de leurs meilleurs cavaliers aux mains des Arbaâ, puis ils furent poursuivis et abandonnèrent en outre, à la merci du vainqueur, la plupart des chameaux porteurs d'Aâtiche (palanquins de parade dans lesquelles on place les femmes).
               A la faveur de la nuit ils se réfugièrent dans le djebel Bou Kahil ; les Arbaâ :
               - campèrent sur le champ de bataille,
               - se partagèrent les dépouilles des prisonniers, puis
               - délibérèrent sur leur sort ultérieur.

               Ces prisonniers étaient les plus vaillants des Selmyas.
               C'était à proprement parler la force même de la tribu, les tuer c'était la détruire, on décida de les tuer.
               La nouvelle en vint aux Selmyas par celles des femmes qui avaient été capturées et qu'on avait ensuite relâchées, ainsi que cela se pratique, d'habitude dans le désert. Pour détourner ce coup fatal, pour prévenir cet anéantissement, on ne trouva rien que mieux que d'envoyer, en toute hâte aux Arbaâ, une députation exclusivement composée de femmes nobles de la tribu.

               Elle portait une lettre dont voici la traduction :
               " Louange à Dieu l'unique, son règne seul est éternel.
               A la tribu des Arbaâ, grands et petits, salut : vous avez fait prisonniers nos cavaliers ; il n'y a pas de honte à être vaincu quand on a bien combattu.
               Nous vous envoyons une députation choisie parmi nos femmes. Elles vont vous prier de laisser la vie à nos frères. Ne leur jaunissez pas la figure.
               Le pardon est une des qualités qui distinguent les âmes généreuses.
               Le temps tourne sur lui-même et revient, sachez que la fortune favorable, aujourd'hui peut vous être contraire demain.
               La députation féminine fut très bien reçue par les Arbaâ, on lui demande quel était le but de son voyage.

               La lettre fut remise et lue en pleine assemblée.
               " - Ainsi vous êtes venues pour demander la liberté de vos cavaliers ?
               - Oui, fut-il répondu, tout d'une voix, c'est notre seul désir.
               - Eh bien dirent les Arbaâ, en votre considération vos cavaliers vous sont rendus.

               En votre considération encore, nous leur laissons leurs chevaux et leurs armes.
               Partez, emmenez vos frères, acceptez ces présents (dix chameaux) et quand vous aurez rejoint votre tribu, remettez-lui notre réponse.

               Elle était ainsi conçue :
               Vous nous avez envoyé vos femmes ; nous avons toujours eu de la considération pour les femmes.
               Il est du devoir de tout homme de les honorer.
               Ce n'est pas par la trahison, mais en plein soleil et par la puissance de notre bras, que nous avons fait nos ennemis prisonniers, n'importe, malheur à ceux qui ne cèdent pas à la considération qu'on doit aux femmes.
               Grâce à elles la chair des vaincus ne sera pas donnée en pâture aux oiseaux de proie. Nous vous rendons vos frères, salut.

               Voilà maintenant un autre fait non moins grave, non moins significatif et qui démontre jusqu'où va le pouvoir des femmes dans la vie publique.
               Les ouled Yagoub (les enfants de Jacob) étaient en quête d'aventures, c'est-à-dire à la recherche d'une razzia ; à force de tuer le terrain, les éclaireurs découvrent un campement ; c'était une nezla (douar) des Oulad-Naïls avec lesquels les Ouled Yagoub étaient en guerre.
               - On décide immédiatement l'attaque,
               - on force la marche et
               - l'on se trouve sur l'ennemi dès le point du jour.

               Le goum était nombreux, il n'eut pas de peine à envelopper de toutes parts la nezla au centre de laquelle se trouvaient réunis les troupeaux.
               Les Oulad-Naïls cernés par un ennemi beaucoup plus fort qu'eux ne songèrent pas à la résistance et ne vinrent de salut que dans la protection des femmes, dans le respect qu'elles ne pouvaient manquer d'inspirer aux cavaliers ennemis.

               Quatre des plus jolies filles de la nezla,
               - les cheveux flottants,
               - la ceinture dénouée, se précipitèrent vers les quatre faces du camp.

               Puis chacune d'elles se mit à crier : " Ce côté est sous ma protection ! Tout vaillant cavalier doit respect aux femmes. "
               Les Ouled Yagoub s'arrêtèrent puis se retirèrent sans attaquer les ennemis.

               De retour à la tribu les gens du goum sont assaillis de questions ; on les voit revenir les mains vides, on leur en demande ironiquement la raison.
               Ils répondent sans s'émouvoir :
               " Nous avons atteint nos ennemis, nous les avons pris, mais quatre femmes nous les ont repris, par la seule force de la considération que nous avons eue pour elles. "
               Ils ajoutèrent :
               " La dignité de la femme ressemble à l'éclat du soleil dans les cieux, il est impossible aux regards de se fixer sur lui. "
               Ils dirent " Comme aux souverains, on doit respect et considération aux femmes. Si elles nous avaient demandé nos chevaux nous le leur aurions donnés. "

               Cette influence que la femme arabe sait acquérir dans toutes les circonstances de la vie, grandit singulièrement, on le conçoit, et se change presqu'en pouvoir absolu quand on est sur le terrain de l'amour.
               Dans toute affaire de cœur, pour me servir de la locution maintenant employée, elle aime à prouver qu'on serait mal venu à lui disputer un pouvoir qu'elle regarde comme son domaine légitime. C'est elle qui fait vivre ou mourir.
               Il y a bien des hommes qui se hasardent à provoquer des hostilités féminines, mais il y a toujours aussi des femmes qui se chargent de leur apprendre qu'en définitive, elles tiennent à peu près dans leurs mains, ou leur existence ou leur réputation. Khedidja, la fille d'Osman, Bey de Tunis, donna une assez bonne leçon de ce genre à son amant nommé Ben Guerada.

               Ceci n'est pas une vieille légende, c'est une anecdote toute contemporaine. Elle m'a été racontée par des chefs arabes de la province même où le fait s'est passé :
               Ce Ben Guerada était un fat, moins amoureux que vaniteux.
               Plus fier de sa bonne fortune avec la fille d'un Bey, qu'heureux de l'amour de Khedidja qui, après tout, était une femme charmante, il parvint à se glisser un jour chez elle et, feignant d'être jaloux, il lui fit entendre que, s'étant mise à sa merci, il pouvait la perdre quand cela lui plairait.
               - " Crois-tu, dit Khedidja ? Eh bien tu te trompes et tu à tort de me défier, je ne te crains pas. Vois-tu nous autres femmes riches ou pauvres, filles de Bey ou filles de mekhazeni, c'est nous qui faisons vivre ou mourir, selon notre caprice. Ne me tente pas, je te le prouverais à tes dépens.
               - Allons donc, répliqua Ben Guerada, Dieu seul peut faire vivre ou mourir. "
               - Il n'avait pas achevé qu'ils entendirent dans le vestibule des pas lourds et lents. Il était facile de les reconnaître ; c'étaient ceux du Bey qui venait à l'improviste visiter sa fille chérie. Le Bey Osman était très gros.


               Comment se tirer d'un aussi mauvais pas ?
               Ben Guerada était demi- mort de frayeur, mais Khedidja ne perd pas la tête.
               Avec le plus grand sang-froid, elle indique un vaste coffre où son amant se blottit avec précipitation et puis elle va au-devant de son père qui, à peine rentré s'assied sur ce meuble et se met à causer et badiner avec elle.
               Khedidja le lutine à son tour et après toutes sortes de paroles étourdies, d'agaceries câlines qui le mirent en belle humeur, elle tire à moitié du fourreau un superbe yatagan qu'il portait ce jour-là et lui dit :
               - " Est-il vrai, mon père que ton yatagan coupe même le fer ; on me l'a maintes fois assuré.
               - Et l'on ne t'a pas trompée, ma fille, répond Osman. C'est une lame de Khorassan (région située dans le Nord-Est de l'Iran).
               - J'ai cependant bien de la peine à le croire encore, quoi tu pourrais, si tu le voulais trancher le couvercle de ce coffre en deux coups.
               - Il ne m'en faudrait qu'un.
               - Eh bien voyons, je t'en donne trois. "
               - Le Bey dégaine et pour prouver la vigueur de son bras et la bonté de son arme, il allait, sans aucun doute, pourfendre et le coffre et Ben Guerada quand sa fille l'arrêta en se jetant vivement à son cou.
               - " Assez, assez, mon père, ce n'était qu'une plaisanterie.
               - Ne va pas me gâcher mon coffre, jamais je ne pourrai le remplacer, il me vient d'Italie, vois quel délicieux travail. Oh non, ne me fais pas ce chagrin. "


               Le Bey Osman rengaine son yatagan, causa quelques minutes encore et sortit.
               Aussitôt Khedidja délivra son amant et lui dit : " O mes yeux, ô mon cœur pour aujourd'hui pas un seul mot hâte-toi de partir. Tu sais maintenant que la vie des hommes est entre nos mains, sois plus sage une autre fois et ne t'attaque jamais aux femmes. " Il est probable que la leçon profita et que Ben Guerada fut guéri de sa présomption.

               L'état d'infériorité dans lequel on croit la femme arabe est, on vient de le voir, plutôt apparent que réel, elle peut, quand elle a du jugement et du cœur jouer un rôle très important.
               Pour mon compte, j'ai connu beaucoup d'Arabes qui professaient ouvertement pour leurs sœurs ou pour leurs femmes, un grand respect, quelquefois une grande déférence. Il y a bien un proverbe qui dit : consulte ta femme et fais ce que tu veux.
               Mais pas plus que chez nous ces préceptes ne sont suivis.
               Tout le monde sait aujourd'hui que l'émir Abd-El-Kader n'a cessé de témoigner à sa mère Lalla Zohra des égards tels qu'ils auraient honoré même un enfant de notre civilisation.
               Et il est vrai qu'elle passait pour avoir grandement contribué à son élévation, pour l'avoir habilement aidé dans la prospérité et noblement soutenu dans le malheur, tant par son énergie que la sagesse de ses conseils.

               L'exemple suivant puisé dans la vie intime des Arabes vient à l'appui de nos assertions.
               Abd-El-Malek esclave du prince se présenta un jour pour demander la main de l'une des filles de Ben Senane mais lorsque ce dernier connut ses intentions il lui dit brusquement : " Adressez-vous ailleurs mes filles ne sont pas à marier. "
               Cette réponse courrouça le jeune homme et il se retira.
               - Quelle est donc la personne que vous venez de rencontrer avec aussi peu d'égards, demanda la femme de Ben Senane ?
               - C'est Abd-El-Malek, reprit celui-ci, c'est le seigneur des Arabes.
               - Pourquoi ne l'avez-vous pas engagé à descendre de cheval ?
               - Parce qu'il m'a irrité.
               - Comment cela ? Il m'a demandé une de mes filles en mariage
               - Vous ne voulez donc pas marier vos filles ?
               - Par la tête du prophète je ne demande pas mieux.
               - Eh bien, si vous les refusez au seigneur des Arabes à qui donc les donnerez-vous ?
               - C'est ainsi qu'il en a été.
               - Allons, réparez cette faute, courez rejoindre Abd-El-Malek et ramenez-le.
               - Comment puis-je le faire après la conduite que j'ai tenue ?
               - Quel prétexte employer ?
               - Dites-lui que vous étiez dans un accès de mauvaise humeur lorsqu'il s'est adressé à vous,
               - que vous le plaignez d'en avoir supporter le poids,
               - engagez-le à revenir et
               - promettez de lui accorder tout ce qu'il vous demandera. "


               Ben Senane monta à cheval, suivit les traces d'Abd-El-Malek et lorsqu'il fut à sa portée de la voix, il l'invita à rebrousser chemin, en un mot, il s'acquitta fidèlement de la mission que lui avait imposée sa femme.
               Abd-El-Malek, satisfait de la tournure que prenaient les choses, fit taire son ressentiment et suivit Ben-Senane.
               Lorsque tous les deux furent arrivés dans la tribu, Ben Senane ordonna à sa femme de faire comparaître, en sa présence, sa fille aînée. Elle accourut :
               " Ma fille, lui dit-il, le seigneur des Arabes vous demande en mariage ; je serais fier d'avoir pour gendre un guerrier tel que lui, qu'en pensez-vous, dites-moi votre sentiment !
               - Ne me mariez pas s'écria la jeune fille.
               - Et pourquoi cela ?
               - Pourquoi ? Parce que j'ai de la laideur dans ma création et un défaut de langue. Je ne suis pas de ces parentes pour qu'il y ait compassion de moi et me pardonne mes imperfections ; il n'est pas non plus notre voisin, pour que votre présence le retienne ; si j'allais lui déplaire, il me répudierait et ce serait un déshonneur pour notre famille qu'en même temps qu'un tache à ajouter à tous mes autres défauts. "

               C'est ainsi lui dit son père, allez en paix et que Dieu vous bénisse. "

               La sœur puînée (qui est née après un autre enfant ) fut ensuite appelée ; la même proposition lui fut faite ; mais comme sa sœur aînée elle refusant en mettant en avant d'autres motifs.
               Ben Senane fit alors venir Aïcha la plus jeune et lui fit la même ouverture que ses sœurs. " Volontiers répondit-elle, je consens à ce mariage. "
               Ben Senane crut devoir lui apprendre alors que ses sœurs venaient de refuser.
               " Mes sœurs ont eu raison, répondit-elle mais moi :
               - je suis jolie, j'ai une taille svelte,
               - du courage, un jugement sûr,

               Et si Abd-El-Malek venait à me répudier il en serait le premier puni car il ne pourrait jamais me remplacer. " Ben Senane manda, sur le champ, Abd-El-Malek et lui dit : " je vous donne ma fille Aïcha.
               - C'est convenu " répliqua le jeune homme.

               Une tente fut aussitôt dressée auprès de celles de la famille de Ben Senane.
               Aïcha reçut l'ordre de se préparer au mariage et quelques jours après, avec le cérémonial usité, elle fut envoyée à son mari.
               Le lendemain, de grand matin, Abd-El-Malek quitta sa tente pour rejoindre un ami qui l'avait accompagné. - Eh bien ! Lui dit cet ami, le mariage est-il consommé ?
               - Non. Pourquoi ?
               - Parce qu'ayant voulu l'attirer à moi pour en faire ma femme, elle s'y est constamment opposée en jurant qu'elle ne me cèderait jamais tant qu'elle serait aussi près de son père et de ses sœurs. "


               Abd-El-Malek résolut alors de quitter la famille de Ben Senane pour regagner son pays. Pendant la route il lui arriva de s'éloigner avec Aïcha de ceux qui ceux qui les accompagnaient.
               L'absence avait été assez longue, à son ami l'aborda et lui dit :
               - " Eh bien le mariage a été consommé ?
               - Non.
               - Pourquoi ?
               - Elle m'a dit que je l'avais pas le droit de la traiter comme une vile esclave, comme une fille perdue et qu'elle ne serait à moi que lorsque j'aurais fait tout ce qu'il convient de faire en pareille occurrence, c'est-à-dire lorsque j'aurais célébré une noce, invité :
               - les Arabes, ma famille, les amis et donné à manger aux pauvres et aux orphelins.
               - Voilà une fille de race, pleine de pudeur et de raison, s'écria l'ami d'Abd-El-Malek : sans nul doute elle fera une femme accomplie. "


               Abd-El-Malek arriva enfin chez lui. Il s'empressa :
               - d'immoler des moutons, des chameaux,
               - de convier ses parents, ses amis, les pauvres etc., etc.,
               - de faire une noce somptueuse et puis, la nuit arrivée, joyeux il pénétra chez sa fiancée : quand il en sortit, son ami qui avait encore assisté à la fête vint à sa rencontre et lui dit : " J'espère qu'à présent tout est terminé.
               - Non, par Dieu le maître du monde.
               - Pourquoi ?
               - Lorsque je me suis présenté à elle, je lui fit remarquer que m'étant conformé à tous ses désirs, il était temps d'en finir.


               " Vous vous êtes paré, me répondit-elle, d'une qualité qui ne me paraît pas être la vôtre. Vous vous prétendez et le seigneur des Arabes et vous ne l'êtes pas.
               - Comment cela m'écriai-je, que voulez-vous dire ?

               Voici : vous n'êtes préoccupé que d'une idée, celle de consommer notre mariage, tandis qu'un autre soin devrait vous absorber. Vos tribus s'égorgent, le deuil et la misère règnent dans la contrée (et en effet la guerre était alors très acharnée, si vous êtes le seigneur des Arabes, allez rétablir l'ordre, c'est le devoir d'un chef responsable et puis revenez me trouver, je vous jure que ce que vous ambitionnez ne vous aura pas fui, vous le retrouverez tel que vous l'avez laissé.
               Quelle femme s'écria l'ami d'Abd-El-Malek. "
               Le jeune homme se mit alors en campagne :
               - il fit des prodiges de valeur,
               - punit les injustes,
               - dédommagea ceux qui avaient souffert et
               - pacifia le pays.

               Couvert de gloire, il revint ensuite auprès de sa fiancée ; cette fois elle le reçut et il eut d'elle une nombreuse postérité.

Revue africaine. Volume 56. Année 1912.
La femme arabe par le général Daumas.


PHOTOS de SETIF
Envoyé par diverses personnes


BAINS ROMAINS





CASERNE DES TIRAILLEURS





JARDIN ORLEANS






MONUMENTS AUX MORTS






MOSQUEE






SOUS-PREFECTURE







EGLISE                                        SYNAGOGUE
  


La femme chez les nomades
Envoi de M. Christian Graille

          Le bijou d'or ne peut être fait qu'avec de l'or.
          Heureux ceux qui apportent leurs maux avec résignation !
          Heureux ceux qui au sein de l'indigence ne cessent de s'écrier :
          Nous sommes les enfants de Dieu et nous retournerons à Dieu.


          Les Arabes ont conservé, non par les livres, mais par les traditions, un tel souvenir de leurs ancêtres et de leur histoire, qu'ils se croient tous nobles et qu'ils n'hésitent pas à se proclamer le plus noble de tous les peuples de la terre.
          Ils ne reconnaissent entre eux que les différences amenées par :
          - la science, les vertus, le courage ou la richesse
          - et depuis l'islamisme, par les parentés avec la famille du prophète.

          La fortune a pu trahir, les conditions ont pu varier, la souche reste la même. Ils viennent tous d'Ismayl et d'Agar.

          De là un immense orgueil qui les a constamment engagés à repousser toute alliance avec l'étranger, comme ne pouvant qu'amener de la dégénérescence dans la pureté de leur sang.
          Le bijou d'or ne peut être fait qu'avec de l'or.
          Cette opinion a besoin d'être corroborée par des faits. Il ne me sera pas difficile d'en produire de nombreux et concluants aussi bien dans la vie quotidienne que dans les conjectures exceptionnelles.

          Ainsi les Turcs ont dominé l'Algérie pendant 365 ans. Ils sont musulmans et forts estimés pour leur bravoure, hé bien l'on ne peut citer pendant cette longue période, que de rares exemples d'unions volontaires entre les deux races, et, encore, si l'on cherchait avec attention les motifs de ces alliances, on trouverait toujours au fond quelque mobile :
          - de politique, de crainte ou d'ambition.

          (On m'objectera, peut-être l'exemple de Kouloughlis (fils de Turcs et de femmes indigènes) que l'on rencontre encore en Algérie et qui s'y trouvaient en bien plus grand nombre avant la conquête.
          Je fais remarquer que les Kouloughlis ne proviennent pas d'unions entre les Turcs et les femmes arabes mais bien de mariages entre Turcs et femmes des villes ou mauresques.
          Le mot Kouloughli est la réunion de deux mots turcs koul et oglon, serviteur de Dieu. C'est l'équivalent du nom arabe Abd-Allah. )

          Ainsi encore, depuis les invasions contemporaines des premiers califes, les Kabyles (Berbères) sont placés dans les montagnes, à côté des Arabes qui habitent les plaines. Il y a de cela plus de douze siècles : ils se disent aussi musulmans, leurs relations sont forcément nombreuses et, cependant, on a vu que bien rarement des filles arabes données à des Kabyles.
          Cet esprit d'exclusion ne s'arrête pas là.

          Ces répugnances, l'Arabe qui vit sous la tente, les éprouve déjà contre celui des villes, malgré la communauté d'origine :
          - agriculteur, pasteur, guerrier,
          Il méprise le pacifique citadin, celui que nous appelons Maure et qu'il nomme hhadri. Ce ne sont point-là des hommes de poudre disent les gens de la maison de la tente qu'en ferions-nous ?
          Ce sont :
          - des épiciers,
          - des pères du ventre (gourmands) et ils ont toujours la main fermée (avares).

          Quand ils viennent nous voir nous les traitons largement :
          - Nous leur saignons des moutons,
          - nous les défrayons eux et leurs montures et
          - quand nous fréquentons leurs marchés,
          - ils nous vendent le plus cher qu'ils peuvent,
          - nous font asseoir sur le devant de leurs boutiques et
          - croient nous avoir donné une magnifique hospitalité, s'ils nous ont offert une méchante tasse de café, le plus souvent non sucrée.


          Ils ne sont point du goum (cavalerie) qui a pour devise :
          - Le sabre, la main ouverte et une seule parole.
          Vous voyez nous n'avons rien de commun avec ces enfants du péché.
          Cette opinion des Arabes sur les Maures, sur leurs frères des villes, n'a pas de nature, on le voit à faciliter entre eux les unions conjugales.
          Il y a des préjugés à vaincre, des difficultés très grandes à surmonter.

          Je vais essayer de les faire comprendre par un exemple puisé dans la vie intime de la tente.
          Abd Allah ben Abd Allah des Oulad Zyan (fraction des Arbâa) avait hérité de son père, deux belles juments de race pure.
          La mère et la grand-mère de ces juments avaient été élevées avec lui, il les avait vu grandir, servir son père et mourir en laissant une postérité digne d'elles.
          L'une était blanche, l'autre alezan brûlé.
          Abd Allah disait souvent : " la blanche m'emporte et me rapporte (bonne pour les voyages), l'alezane m'enrichit. " Aux jours de fêtes, la première, aux jours de poudre et de razzia, la seconde.

          Suivant l'expression arabe, sa tente était remplie elle contenait :
          - ses deux sœurs, un jeune frère,
          - des esclaves, des serviteurs et
          - sa mère, Lalla Zhora qui le pressait sans cesse de se marier.

          " Mariez-vous, lui disait-elle chaque fois qu'elle en trouvait l'occasion, imitez votre père ; ma bru m'aidera dans les mille travaux de la tente et me soulagera des soins à donner à vos juments.

          Mes os sont devenus grêles, ma peau s'est amaigrie, je vieillis et maintenant la fatigue vient avant la fin de la besogne."
          Mais Abd Allah gardait le silence ou mettait ordinairement un terme aux obsessions dont il était l'objet, par ces courtes paroles : " On se repent souvent d'avoir trop parlé … On ne se repent jamais de s'être tu. C'est vous qui me l'avez appris, ma mère : Le moucheron ne peut entrer dans la bouche qui est fermée.
          - Vous avez tort d'agir ainsi répliquait Lalla Zohra ; le cœur s'appuie toujours sur le cœur, si vous n'avez aucune confiance en moi, vous finirez par détruire celle que je dois avoir pour vous. Votre conduite, en ce moment, ne plaide pas en votre faveur. "

          Ému par ces plaintes, par ces reproches continuels, Abd Allah fut enfin forcé de céder. Après une scène plus vive que de coutume : " Vous voulez absolument que je vous réponde, dit-il à sa mère, eh bien, sachez-le donc aujourd'hui, je compte suivre vos conseils et veux prendre pour femme Fatima Bent el-Béye fille de Sidi Hhamed, le hakem (juge dont la fonction est de rendre la justice) de Laghouat. Je l'aime comme mes yeux. On me la donne, bien. On ne me la donne pas, je l'enlève.
          - La fille du chef de Laghouate ! Grand Dieu ! Mais c'est une folie mon enfant.
          - Et d'abord pas de violence, je vous en conjure par la tête du prophète.
          - Vous n'avez déjà trop levé la main contre les créatures,
          - vos ennemis sont nombreux,
          - un rapt serait un évènement terrible.


          Il entraînerait inévitablement des représailles et nous amènerait la guerre. Nous en avons mille exemples. Le malheur qui frappe un peuple ne servira-t-il donc jamais d'enseignement à un autre peuple !
          Ensuite, croyez- vous que la fille des cités pourra vivre de notre vie, accomplir les devoirs imposés aux femmes de nos tribus. Si vous vous êtes fait cette illusion, chassez-là de votre esprit : c'est impossible. Comment supportera-t-elle :
          - nos émigrations, nos dangers, notre nourriture,
          - la fatigue, la chaleur, la soif ?


          Au Sahara le soleil brunit vite et il dévore, à plaisir, les natures frêles et délicates.
          - Elle fera sans murmurer, répondit froidement Abd Allah, tout ce que font les filles du désert. Les chameaux sont destinés à porter les fardeaux.
          Et les plus jeunes s'agenouillent quand les plus âgés en donnent l'exemple.
          - Elle s'efforcera de vous plaire, je le veux bien, répliqua la mère : elle vous tissera :
          - vos burnous, vos haïks ,vos lits, votre tente,
          - vos sacs à fardeaux, les couvertures de vos chevaux, leurs musettes,
          - leurs entraves etc. etc.


          Cela se pratique à la rigueur dans les villes aussi bien que dans les tribus ; mais saura-t-elle :
          - suivant le temps, le terrain ou la saison
          - préparer, votre tente et votre campement, surveiller vos troupeaux,
          - augmenter votre fortune, ménager vos provisions,
          - traire les chamelles et les brebis,
          - aider au déménagement quand la sécheresse vous forcera d'aller, au loin, chercher de nouveaux pâturages,
          - préparer vos aliments et donner, de la manière dont nous ont transmise nos ancêtres l'hospitalité aux invités de Dieu.
          - Croyez en celle qui vous a nourri, jamais la femme des villes ne consentira à se plier à nos usages.


          L'amour peut opérer bien des prodiges reprit Abdallah et je l'espère, il opérera celui-ci. Ainsi vous pensez, continua Lalla Zhora qu'au jour de la peur :
          - elle s'empressera de seller et brider votre coursier, tandis que de votre côté vous chausserez vos temagues (bottes) et vous prendrez vos armes.
          Et bien moi, je vous prédis qu'elle ne se résignera qu'avec peine à vous tenir l'étrier quand vous monterez à cheval ou quand vous en descendrez.

          Et puis au retour de vos lointaines expéditions sera-t-elle toujours là :
          - pour débrider, desseller, couvrir du djellale, le dos de vos juments,
          - les soigner et les nourrir.
          - Nos chevaux henniront-ils de joie à son approche et iront-ils à elle, comme à nous qui les avons vu naître et grandir ?

          Non, car elle n'aura point pour eux les attentions et le dévouement que nous leur prodiguons chaque jour.

          Comment fera-t-elle pour :
          - trouver, préparer et les assaisonner convenablement de sel, ces carottes dont vos juments sont si friandes.
          - Conduira-t-elle les chevaux aux sources éloignées pour les faire boire ?.

          L'eau vient à nous manquer :
          - comment s'y prendra-t-elle pour employer le lait précieux de nos chamelles ?
          - Sais-t-elle seulement que, mélangé avec des dattes, il peut suppléer à l'orge et sauver nos chevaux de la soif et de la faim. Et lorsque nos chamelles et nos juments seront sur le point d'augmenter vos richesses (mettre bas) laisserez-vous à l'inexpérience d'une habitante des villes, les soins et les traitements qui leur sont nécessaires.
          - Personne ne sort savant du ventre de sa mère interrompit Abd Allah.


          Pourquoi n'en apprendrait-elle pas ce que nous avons appris nous-mêmes ?
          Pourquoi ? Je vais vous le dire ô mon fils ! Parce que si nous savons, c'est que nous avons appris de notre enfance.
          Pourquoi ? Parce que si la jeune branche se redresse sans grand travail , le gros bois ne se redressera jamais.
          Croyez-moi, faite ce qu'on fait vos pères et les pères de votre père ; choisissez une femme chez les Arabes de la race de votre mère et de votre grand-mère et vous me remercierez un jour du conseil.
          Quand vous irez dans le Tell échanger vos produits contre les grains qui nous manquent, si le lion vient encore nous enlever nos agneaux, elle osera, comme moi, le suivre, l'injurier, le frapper même et lui faire lâcher sa proie.
          Pendant vos longues absences, comme moi encore, entourée de vos serviteurs armés, elle veillera des nuits entières et préservera vos biens des entreprises audacieuses des voleurs de la contrée.

          Comme moi, enfin, elle parviendra :
          - à tuer assez son cœur pour assister, sans crainte, à nos combats journaliers,
          - entendre chanter les balles,
          - voir couler le sang,
          - relever les morts et panser les blessés.


          D'un autre côté prenez-y garde, par une union mal combinée, n'allez pas faire de vos enfants une race dégénérée. Je vous en supplie par celui dont le règne seul est éternel, qu'ils soient comptés parmi les hommes qui aiment les travaux que notre état nous impose.
          Ces travaux, vous le savez, nous ont été transmis d'âge en âge depuis bien des siècles et ils nous rapprochent de la création du monde car depuis, rien pour ainsi dire n'y a été changé.

          Craignez de faire descendre votre postérité au niveau des êtres qui redoutent la vie en plein air, qui se créent des besoins factices, qui se plaisent à user par leur manière de vivre, jusqu'aux sens dont les a doués le Créateur et qui s'attachent à cette terre périssable comme s'ils ne devaient jamais la quitter. Que vos enfants puissent toujours répéter avec leurs aïeux.

          " Nous sommes Arabes : C'est nous qui vivons dans les vastes solitudes où l'on entend que la voix de l'ange, de la mort et le cri du chacal.
          Le mouton nous nourrit, sa dépouille nous habille,
          Le lait et l'eau, voilà notre boisson,
          Les herbes des champs, voilà nos médecins,
          Et le soleil nous chauffe, comme la lune nous éclaire.

          Nous sommes Arabes : C'est nous qui chaque jour couchons dans un pays nouveau, à l'abri des caprices des sultans.
          Pour palais nous avons une tente, pour compagnons nos armes et nos chevaux,
          Pour plaisir la chasse et les combats, et pour amis nos femmes et nous enfants.

          Nous sommes Arabes : C'est nous qui dédaignons ce monde ; le plus puissant n'en a jamais emporté qu'un linceul.
          Notre vertu, c'est la résignation
          Notre fortune, le mépris des richesses
          Votre bonheur, l'espoir d'une autre vie.
          Et si la misère tourne autour de nous, nous n'en glorifions pas moins Dieu.
Revue africaine. Volume 56. Année 1912. La femme arabe par le général Daumas.


La femme et la religion
Envoi de M. Christian Graille

               Il n'est point permis à une femme qui croit en Dieu et à l'autre monde, de voyager un jour et une nuit sans avoir pour compagnon un proche parent.
               S'il plaît à Dieu, Mohamed deviendra grand, je lui achèterai de belles armes, une selle brodée d'or et puis il combattra les infidèles ; il les égorgera et nous apportera leurs têtes avec leurs biens.
               Oh ! Alors j'embrasserai bien mon fils et l'aimerai davantage.

               La femme arabe ne peut voyager que dans les contrées de l'Islam. On ne pardonnerait pas d'aller visiter les pays chrétiens, même en compagnie de son mari, et la déconsidération la plus complète s'attacherait à ce dernier s'il osait violer ce principe et braver l'opinion publique.
               Aussi se garde-t-il bien de s'exposer à ce malheur, fût-il contraint à un long séjour chez les sectateurs de Christ, pour affaires de commerce par exemple.
               Il ne veut pas que le nom de Tahane lui reste à tout jamais.
               L'horreur traditionnelle pour le Roumi n'est pas la seule cause de cette coutume, due encore à la difficulté d'accorder l'observance régulière des mœurs et de la religion avec les exigences contradictoires de la vie chez l'étranger.
               Cette difficulté est déjà si grande en pays musulman que l'homme marié, obligé de voyager pour un motif ou pur un autre, ne songe point à emmener sa femme avec lui.

               S'il vient à changer de résidence, il peut, dans certains cas et dans certaines conditions la forcer à le suivre mais après avoir pris ou avoir fait prendre, par ses amis, toutes les précautions imaginables, toutes les mesures nécessaires pour que sa compagne trouve partout un gîte convenable au point de vue de la pudeur et de la réserve qui lui sont imposées par la loi.

               Il est cependant un voyage qui fait exception : c'est celui de La Mecque ; il est plein de dangers et de fatigues, néanmoins les femmes peuvent l'entreprendre.
               Comme les hommes elles sont libres d'aller visiter la chambre de Dieu et le tombeau du prophète à la condition d'être accompagnées de :
               - leur père, d'un frère, d'un parent,
               Enfin, au degré où les alliances matrimoniales sont défendues car le prophète a dit :
               " Il ne point permis à une femme qui croit en Dieu et en l'autre monde, de voyager un jour et une nuit sans avoir pour compagnon un proche parent. "

               Les commentateurs expliquent ainsi cette prescription. La femme est un être faible qui ne peut accomplir aucun acte sérieux important sans être :
               - présentée, guidée,
               - soutenue par un fidèle qui lui tienne de très près par le sang.

               Il est à craindre que la femme seule, dans une entreprise de longue haleine, ne soit circonvenue, égarée par le Chytane (démon).
               Il ne faut donc pas la laisser, livrée à ses propres forces dans l'exécution d'un projet aussi difficile à réaliser que le pèlerinage de La Mecque.

               Il arrive pourtant dans la pratique que la femme :
               - vieille, veuve ou divorcée,
               - peut entreprendre seule le pèlerinage, si elle a de la fortune.

               Elle doit alors s'entourer de domestiques à gages ou se mettre sous la protection d'amis de sa famille et pour se laver du péché de s'être présentée dans d'autres conditions que celles voulues par la loi, faire d'abondantes aumônes et de riches cadeaux à la Mecque et à Médine.
               La femme mariée qui désire aller en pèlerinage et que son époux ne veut pas accompagner, a droit de divorcer, si elle prouve que, chez elle, des motifs tirés de la religion et de la foi, ont seuls, présidé à sa détermination.
               Elle contracte alors une nouvelle union avec un homme qui la conduira aux lieux saints.
               Elle n'a voulu que se mettre en bonne condition pour accomplir le voyage religieux ; au retour le mariage ne subsiste que si les deux contractants se sont convenus ; si l'un des deux refuse de prolonger l'union, la séparation est prononcée.

               Autrefois on entreprenait très peu de pèlerinage par mer à cause des guerres maritimes et des corsaires de tous pays qui rendaient la navigation très périlleuse. Aujourd'hui, au contraire la plupart des pèlerins de l'Algérie et du Maroc vont par mer à Alexandrie.
               Ils s'entendent avec les capitaines des navires qui font ces voyages pour isoler et cacher leurs femmes le plus possible.
               Quant à ceux qui veulent encore se rendre au Caire par terre, comme les précédents, leur plus grande attention est de sauvegarder la pudeur et la vertu des femmes.
               - On les place deux à deux, sur des chameaux.
               - Elles ne voyagent que voilées,
               - les provisions sont assurées et à chaque bivouac,
               - on dresse des tentes sous lesquelles elles s'abritent jusqu'au moment du départ pour un autre gîte.
               - Les serviteurs vont à l'eau, au bois et les pèlerins d'un même pays forment toujours une caravane qui se choisit un chef habitué à ces pérégrinations et connaissant le pays jusqu'en Égypte.


               Quand une femme en route pour le pèlerinage vient à perdre son mari ou le parent qui l'accompagnait, elle peut avec l'assentiment du chef de la caravane, continuer son voyage sous la protection de l'un des amis du défunt.
               Ce n'est pas très régulier mais c'est un cas de force majeure.
               Il est des accommodements avec le ciel que l'on se rend, alors, propice par les aumônes et les présents aux établissements hospitaliers.

               Si c'est une femme qui vient à mourir, sa succession est immédiatement recueillie par les parents qui l'accompagnent et à défaut de parents, en présence du thaleb, par celui qui commande la caravane.
               Ce dernier, à la première ville qui se trouve sur la route, s'empresse de faire connaître l'évènement au pouvoir qui gouverne le pays de la défunte, et c'est par cet intermédiaire que la famille finit par être informée.

               Mais on arrive au Caire.
               Là se passe souvent un fait très singulier, tout à fait en dehors des mœurs musulmanes et auquel on ne voudrait pas croire, s'il n'était affirmé par des milliers de témoins. Le voici dans son originalité.
               On trouve des femmes du Caire ou de la Mecque qui ont un penchant très marqué pour les gens de l'Ouest et qui, soit par espoir du gain, soit pour tout autre motif, se proposent tout simplement à eux, pour femmes, pendant la durée du pèlerinage, aller et retour.
               Si elles sont acceptées, déclaration est faite au chef de la caravane.
               Les conjoints accomplissent ensemble le pèlerinage et au retour en Égypte, ils se séparent sans autre formalité.

               Quelquefois cependant ils veulent rester unis. Ils comparaissent alors devant le cadi et remplissent toutes les conditions exigées par le mariage musulman.
               Chose singulière chez un peuple aussi formaliste, ces mariages malgré leur anomalie et en dépit des conditions dans lesquelles ils se contractent ne sont cependant pas frappés de réprobation.
               On se les permet sans grand risque pour sa dignité et sa réputation. On appelle ces unions temporaires Zouadj-El-Hadjadje, (le mariage des pèlerins.)

               Une fois à la Mecque les devoirs et les obligations du pèlerinage sont à peu près les mêmes pour les femmes que pour les hommes.
               La première condition essentielle, sans laquelle le pèlerinage ne serait pas valable, c'est de se mettre en Irham c'est-à-dire de se préparer à ce grand acte par la prière et l'abstinence.
               L'Irham commence au mois de Choual (10e mois) et finit la nuit qui précède le 10e jour de Dou el-Hadja ou mois du pèlerinage. Il dure 70 jours.
               Pendant l'Ihram, il est défendu à la femme :
               1° de se placer les mains dans un objet cousu,
               2° de se couvrir le visage par délicatesse, par crainte de la chaleur, autrement, enfin, que pour se dérober aux regards de l'homme,
               3° D'aspirer, de toucher des parfums, de se plonger la tête dans l'eau, car alors, on risque de tuer quelque insecte logé dans la chevelure, et il est formellement interdit pendant l'Ihram de donner la mort à tout être animé, (Il ne peut y avoir exception à cette règle générale que pour les corbeaux, les rats, les scorpions et les chiens enragés)
               4° de se regarder dans un miroir,
               5° de se tailler les ongles, de s'épiler ou de s'oindre les cheveux avec des substances grasses,
               6° d'avoir aucun rapport avec son mari jusqu'à l'accomplissement des tournées de retour,
               7° et enfin de contracter mariage.
               (Le mariage de la femme en Ihram est nul.)
               8° de faire les tournées saintes en état d'impureté.
               Il est cependant permis à la femme de porter des vêtements de soie et des bijoux.


               Les femmes qui reviennent du pèlerinage, rapportent toujours, pour en faire des linceuls, quelques pièces de lin ou de coton qu'elles ont trempées dans l'eau du puits miraculeux que l'on appelle Byr Zem Zem.
               (Byr Zem Zem est une des stations du pèlerinage. Il est situé à quelque distance de la Mecque. D'après cette tradition, cette source est celle que l'ange Gabriel fit sortir de terre lorsqu'Agar, chassé par Abraham, invoqua Dieu en faveur de son fils Ismaïl prêt à mourir de soif.)

               Elles font provision aussi de l'eau même de ce puits. Elle est contenue dans des vases à long cou et l'on s'en servira dans la famille pour arroser ou laver les morts. Elles se munissent en outre, pour leurs parents ou amis, :
               - de chapelets, d'essences ou de parfums.
               Quand, enfin elles ont accompli le pèlerinage dans son entier suivant les prescriptions de la loi, elles acquièrent dans leur tribu, dans le pays, partout, un surcroît de considération.
               Dans les conversations, comme dans les actes authentiques, on fait toujours précéder leur nom du titre de Lalla hadja (madame la pèlerine).
               Le pèlerinage au temple du seigneur est un devoir imposé à tous les Musulmans qui sont en état de l'entreprendre, et ceux qui ne s'en acquittent pas, ne font tort qu'à eux-mêmes, car Dieu peut se passer de tout l'univers.
               Le prophète a dit : " Celui qui entrera dans la Mecque en sortira pur comme l'enfant qui vient de naître. "

               La femme arabe de distinction, dans ses voyages ou pour ses plaisirs, monte toujours sur des mules ou des chamelles plus ou moins richement caparaçonnées, suivant sa fortune et son rang ; elle ne monte presque jamais à cheval.
               On ne cite, de ce fait, que de très rares exemples dans les tribus, et encore les femmes, dont on parle, ne le faisaient-elles qu'en abandonnant les vêtements de leur sexe pour prendre ceux de l'homme.

               Dans le combat des Oulad Soultane (les enfants du sultan), Sidi el-Hadj Hamed, l'ancien Bey de Constantine, voyant que l'une de ses femmes allait tomber au pouvoir des Français, la fit placer sur l'un de ses chevaux de main, et puis, s'étant bientôt convaincu que peu façonnée à ce genre d'équitation, elle ne pouvait le suivre dans sa retraite précipitée, il la tua, lui-même d'un coup de fusil tiré à bout portant. Il l'aimait cependant beaucoup, et c'était dit-on :
               - une femme d'une grande beauté,
               - d'une illustre naissance,
               - c'était la fille du chef des Oulad Soulah.


               Dans ce moment la haine du chrétien était si vivace, nous étions si peu connus et l'on entretenait, sur nous, des contes si cruellement absurdes, que la femme du Bey Hamed, au lieu de maudire son mari, lui cria en tombant baignée dans son sang : " que Dieu te donne la force ! C'est ainsi que doivent agir les hommes de la vérité. "
               En opposition à cet exemple, on parle dans certaines tribus, de quelques jeunes femmes qui, vêtues en homme, font bravement le coup de fusil quand il s'agit de sauver ses biens ou son honneur.

               Ainsi chez les Oulad Abd el Nour (les enfants de l'esclave de la lumière), tribu considérable de la province de Constantine, puisqu'elle peut mettre 1.500 chevaux sur pied, on a connu une femme nommée Khodra (la verte) qui, par son courage dans l'action et la sagesse dans les conseils était devenue l'admiration de tous.
               Elle montait très vigoureusement à cheval et se servait de ses armes avec une adresse merveilleuse.
               Cependant ces exemples sont rares ; on en concevra la raison quand on saura que la selle en usage est très dure et que les vêtements sont peu favorables à un exercice qui ferait souffrir du même coup et la jalousie des hommes et la pudeur des femmes. Si la femme arabe ne monte point à cheval isolément, il arrive souvent qu'au milieu des péripéties d'un combat, pour échapper à la fureur d'une razzia, elle monte en croupe derrière son mari.

               On prétend que, lors de l'enlèvement de la smala en 1844, c'est ainsi qu'ont été sauvées beaucoup de femmes de distinction, en tête desquelles on cite Lella Zhora et Lella Khéra, mère et femme de l'Émir Abd-El-Kader.
               Mais je reviens à la vie intime de la tente. Quand un cheval est connu pour :
               - sa sobriété, son fond et sa vitesse,
               Les femmes le chantent ou l'exaltent dans leurs causeries. :
               " Le cheval d'un tel, disent-elles, mais c'est un brave, nous devons le chérir à l'égal d'un fils d'Adam, car dans les jours difficiles, il nous sauvera des serres de l'oiseau de proie. "

               Ce cheval meurt-il, c'est une désolation dans la famille. Les amis et les voisins s'empressent de venir faire leurs compliments de condoléances, souvent dans cette forme simple et concise : " O mes enfants ! Dieu remplace (sous-entendu les pertes).
               Et la maîtresse de la tente ne manque jamais de répondre d'un ton brusque et chagrin : " Oui que Dieu le remplace et pour nous et pour vous ! " voulant faire entendre, ainsi que son cheval était non seulement utile aux siens, mais encore à toute la tribu.
               La perte d'un cheval renommé est donc la cause d'une grande douleur dans une famille.

               Quelquefois même la mort de cet ami fidèle, qui a rendu de si grands services et que l'on aura de la peine à remplacer, fait qu'un guerrier, surtout s'il commence à vieillir, se retire tout à fait des affaires et de la politique.
               A l'appui de cette assertion, je citerai ces vers bien connus dans le désert :
               Salem est mort le jour d'un grand combat,
               Mais il est mort en me sauvant la vie,
               J'en porterai le deuil, c'est un fils que j'ai perdu.
               Je vous laisse les chevaux, ô pasteurs !
               Ils me connaissent et je les connais,
               Le temps (la fortune) vient de me trahir.
               Jamais je ne montrerai plus ceux auxquels on met un frein.


               Depuis que nous occupons l'Algérie si nous avons amolli, déjà grand nombre de caractères par le développement des intérêts matériels, si nous comptons même de nombreux partisans parmi les Arabes que nous avons placés au pouvoir, il ne faut pas cependant nous dissimuler que nous sommes encore l'objet de bien des haines et de bien des répulsions de la part de véritables Musulmans ; (nous autres Français, que dirions-nous si notre pays était au pouvoir de l'étranger ?).
               Sous notre pression ces haines, on le comprend ne peuvent s'épancher, se produire :
               - qu'entre amis,
               - dans la tribu,
               - sous la tente,
               - dans les causeries intimes.


               Par devant :
               - on dissimule,
               - on nous fait toutes les cajoleries imaginables,
               - on nous appelle Sidi (monseigneur) gros comme le bras,
               - on nous baise la main dessus et dessous

               Et c'est là ce qui fait dire, à ceux qui n'ont pas pu scruter ni les mœurs, ni la religion musulmane que le peuple arabe nous a franchement acceptés et qu'il aime et recherche notre civilisation. Voilà la vérité.

               On se soumet tout simplement à la force et à la volonté de Dieu ; on nous caresse aujourd'hui par crainte, par intérêt, pour avoir peut-être le pouvoir et les richesses, dont on est avide. Mais que demain la volonté de Dieu, de forts nous rende faibles,
               - adieu les Monseigneur,
               - adieu les baisements de mains : mon cheval te connaît, quant à moi je ne te connais plus. Préparons-nous à la lutte.
               - Ceci admis, on ne devra plus s'étonner, en apprenant qu'il n'est pas rare de voir, au désert, la femme arabe dans un moment de contentement et de bonne humeur, prendre son fils en bas âge, le placer sur le dos du cheval favori et lui dire en caressant et l'enfant et l'animal. " S'il plait à Dieu, Mahomet deviendra grand ; je lui achèterai de belles armes, une selle brodée d'or, et puis il combattra les infidèles ; il les égorgera et nos apportera leurs têtes avec leurs biens. Oh ! Alors j'embrasserai bien mon fils et je l'aimerai davantage.
               - Oui Mohammed chassera de notre pays les infâmes chrétiens ; il se souviendra que la haine du chrétien est un héritage légué par nos pères, et que l'on ne peut refuser l'héritage de ses pères. "


               Ce qui précède m'a été littéralement raconté par des chefs indigènes, hauts placés, et dont je pourrais citer les noms.
               Seulement comme correctif, ils croyaient devoir ajouter que cela ne se passait, le plus souvent, que dans les tribus éloignées, qui, ne nous ayant pour ainsi dire vus que pour nous combattre, conservaient encore sur notre compte des préventions et des préjugés absurdes.
               Le désir de nous vaincre, de nous humilier, se fait donc incessamment jour dans la vie de famille, dans ces réunions où chacun peut compter sur son voisin comme sur son cœur.
               Ce désir bien naturel chez un peuple conquis reparaît souvent aussi dans ces chants nombreux que l'on doit aux improvisateurs du Sahara et dont les femmes, comme partout, en pareil cas, se plaisent à augmenter elles-mêmes la popularité.

               En voici un qui, tout en peignant cet amour incroyable des Arabes pour les leurs, peut, en outre, donner une idée de tout ce qui se fait, dans ce sens, contre nous. Il raconte un départ de guerriers dans le Djehad (la guerre sainte).
Où sont ces jeunes gens montés sur des juments de race qui brayent leurs morts avec furie ?
Où sont ces burnous blancs et ces selles brodées d'or ?
Où sont ces étriers qui brillent comme les étoiles, et ces éperons (1) qui font marcher les morts ?
Lorsqu'ils courent à la poudre. Ils sont partis, que le prophète leur soit en aide ! Quels admirables cavaliers !
Jamais femmes n'enfanteront leurs pareils.
Ils feront blanchir les cheveux du Roumi
Et rassasieront les oiseaux de la chair des impies.
Les uns sont des lions qui défendent leurs petits,
Les autres des faucons qu'animent la vue du sang ;
Ceux-ci sont froids comme la neige qui tue,
Ceux-là sont vifs comme la poudre qui brûle.
Leurs chevaux mangent une orge pure,
Ils boivent le lait de nos chamelles
Pour eux le loin est toujours près ;
Sans nul doute, ils vaincront tous les peuples à chapeaux (2).
Au jour du départ nous nous volions des coups d'œil,
Une mèche de mes cheveux flottait sur sa corde de chameau,
Puis mes pleurs ont coulé comme des perles liquides,
Si j'avais pu les retenir, je m'en serais fait un collier pour mon coup.
Allons mon cœur, sachez supporter la séparation ;
Nul ne peut s'opposer à la volonté de Dieu !
Et vous mes yeux quand je veux consoler mon cœur,
Ne venez plus me trahir par vos larmes.
O mon Dieu, je t'en conjure, pardonne-nous tous nos péchés
Embrouille le fil de l'infidèle et ramène nos guerriers triomphants,
Fais que les adorateurs des morceaux de bois,
Qui se nourrissent de cochon, et boivent du vin dans les verres (3),
Soient anéantis et humiliés.
Oui qu'ils repassent la mer sur leurs barques,
notre étouffement cessera et nos pays respireront.
Mille saluts de ma part aux Arabes qui patientent,
A ceux, surtout, qui vendent leurs âmes à Dieu :
Mille prières sur le prophète,
Sur ses compagnons, sur ses amis, Et sur les chefs de la loi,
Autant de fois que la poudre a tonné.


               (1) Avec nos éperons disent les Arabes, nous suçons le cheval ; tant que la vie est chez lui nous allons l'y chercher ; ils ne sont impuissants que devant la mort
               (2) On ne peut se faire une idée de l'aversion que notre coiffure inspira aux Arabes. Ils aiment bien l'argent et, cependant, pour rien au monde, on ne pourrait décider, même un homme du peuple à porter, ne fut-ce qu'un instant, un chapeau devant ses coreligionnaires. Quand un Arabe veut affirmer une chose, il lui arrive souvent de dire : Si j'ai menti que Dieu me condamne à porter un chapeau comme les chrétiens.
               (3) Les Arabes comme du temps d'Abraham boivent encore dans le même vase et ils méprisent souverainement notre attirail de table. Qu'en ferait-il au surplus, dans la vie de la tente, qui les astreint à n'avoir que des meubles simples et solides ?
               Ceux que j'ai interrogé après un diner splendide fait chez nos gouverneurs ou généraux, m'ont toujours répondu : Beaucoup de cliquetis et peu à manger. Ils n'y avait pas trouvé le mouton rôti tout entier qu'ils estiment tant.
Revue africaine. Volume 56. Année 1912.
La femme arabe par le général Daumas.



PAPY / MAMIE . . . ! ! ! I-MALA
Envoyer par Mme Eliane


       Il y a quelques jours alors que je quittais une réunion, j’ai réalisé que je n’avais pas mes clés d’auto.
       Je me suis mise à les chercher.
       Elles n'étaient ni dans mes poches ni dans mon sac à main.
       Une recherche rapide dans le local de réunion n'a rien révélé.

       Soudain, j'ai réalisé que je devais les avoir laissées dans la voiture.
       Frénétiquement, je me dirigeais vers le stationnement.
       Mon mari m'a grondée plusieurs fois par le passé, d'avoir laissé mes clés sur le contact.
       Ma théorie est que le contact est le meilleur endroit pour ne pas les perdre.
       Sa théorie est que la voiture est plus facile à voler.

       Comme je me dirigeais vers le stationnement, j’en suis venue à une conclusion terrifiante.
       Sa théorie était juste, le stationnement était vide.
       J'ai immédiatement appelé la police.
       Je leur ai donné ma position, ai avoué que j'avais laissé mes clés dans la voiture et qu'elle avait été volée.

       Puis j'ai fait l'appel le plus difficile de tous :
       «Chéri» ai-je balbutié, je l'appelle toujours «chéri» dans ces moments-là.
       «J'ai laissé mes clés dans la voiture et elle a été volée. »
       Il y eu une période de silence.
       Je pensais que l'appel avait été coupé, mais ensuite j'ai entendu sa voix.
       Il aboya:
       « C’est moi qui t’ai conduite ce matin à ta réunion ! »

       Maintenant, c'était à mon tour de me taire.
       Embarrassée, j'ai dit: «Eh bien, viens me chercher. »
       Il rétorqua: «J'étais en route pour le faire, mais je vais être retardé. »
       «Pourquoi? » demandais-je.
       «Parce que je viens d’être arrêté par la police et tu dois maintenant les convaincre que je n'ai pas volé notre voiture !
       Parce que j'ai oublié les papiers !!!

       Il est dur de vieillir à deux !!...
                  



La femme et l'amour
Envoi de M. Christian Graille

               Ah ! Si les princes connaissaient les tourments de l'amour,
               S'ils savaient que c'est un feu qui brûle dans la poitrine,
               Ils ne puniraient que par la réparation,
               Et ne récompenseraient que par la réunion.
               Au jour du jugement dernier, Dieu pèsera dans une balance les bonnes et mauvaises actions de chacun. On sera puni ou récompensé, suivant que le plateau du bien sera plus léger ou plus lourd que celui du mal.


               En voyant les Arabes, comme dans les temps primitifs :
               - vivre sous la tente,
               - se nourrir du lait de leurs troupeaux et
               - vêtir de leurs dépouilles,
               - en les voyant, dis-je,
               - sobres, dignes et
               - patients on serait tenté de croire qu'ils ont gardé aussi bien les vertus que les habitudes patriarcales et conservé la candeur et l'innocence de leurs ancêtres avec le même soin que leur costume et leur manière de vivre.

               On se tromperait gravement.

               Les traditions, les préceptes de l'ancienne sagesse, subsistent, il est vrai et se transmettent avec un respect que rien ne saurait atténuer, mais à l'état de traditions et de préceptes, c'est-à-dire fréquemment omis ou du moins éludés dans la pratique.
               Le tout a été, quant au fond et dans la réalité, considérablement modifié.
               La prospérité et l'adversité, la puissance et l'asservissement ont passé par-là.
               - Envahisseurs ou expulsés,
               - vainqueurs ou vaincus,

               Ils ont connu la domination étrangère pour l'avoir imposée ou pour l'avoir subie.
               Ils ne se sont jamais mélangés avec les autres peuples ; cependant il y a eu frottement.

               Le fils d'Ismaël est toujours le même homme, mais il a vécu, il a grandi avec des fortunes diverses, des contacts variés qui ont altéré sa nature primitive sans détruire son essence, qui lui ont donné ce qui, pour les individus, s'appelle la civilisation. Aucun de ces deux mots n'est le synonyme d'innocence.

               Nous trouvons en effet à l'intérieur d'une tribu, comme dans nos grandes villes, sous la tente tissée de poils de chameau comme sous nos lambris, des vices et de la démoralisation.
               Décidément sous quelque degré de latitude que nous soyons nés, nous sommes bien tous les fils de l'homme à qui, par l'entremise d'Ève, le démon a fait manger la pomme.
               Les Arabes disent cela en un mot : Ben Adem, fils d'Adam signifie un homme.
               Que ceux dont, des Européens qui jalouseraient et regretteraient pour leur pays la simplicité de cœur des Arabes se rassurent à cet égard.

               Chez eux autant que chez nous, on trouve :
               - des envieux, des médisants, des dénonciateurs,
               - une grande avidité pour les honneurs et les richesses, avec plus de suite,
               - peut-être, dans les actes et beaucoup plus d'âpreté.


               Dans la société musulmane, pour de l'argent, on élude la loi, pour de l'argent on s'affranchit du devoir.

               C'est à qui en demandera le moins et en prendra davantage. L'exemple part des chefs : pour eux bien vivre, c'est en général, vivre aux dépends d'autrui. " Donne -moi une place " me disait un personnage que connaissent ceux qui me font l'honneur de me lire, le chambi " donne-moi une place, j'ai besoin de manger " littéralement, " je suis un ami de la mangeaille ", et cet aveu naïf, dans sa bouche signifie tout simplement : je désire faire fortune dussé-je, pour cela, écorcher un peu mes semblables.

               J'eus toutes les peines du monde à lui faire comprendre que, sous notre domination, il ne fallait plus considérer, comme perdue, la journée qui n'amenait aucune occasion :
               - de commettre un abus,
               - de frapper une amende,
               - de tirer profit de la répression d'un délit.


               Il est bien entendu que pour être Arabe on n'en est pas moins homme et qu'à côté de ces êtres :
               - chevaleresques, héroïques,
               - religieux jusqu'à la sainteté hospitaliers et pratiquant l'aumône, jusqu'à faire douter, que ce mot d'hospitalité ne soit pas le même que le grand mot chrétien, charité.

               Il y en a d'autres qui sont :
               - prévaricateurs cupides, avares,
               - invocateurs des lois divines et
               - violateurs des lois humaines.


               Maintenant que j'ai fait la part des hommes me sera-t-il permis de faire celle des femmes et d'expliquer comment, elles, aussi ont leurs imperfections.
               Nous n'avons pas encore envisagé les femmes arabes que sous d'autres aspects favorables ; admettons que ce soit là le vrai, au point de vue général, reste à dévoiler les faits particuliers.

               Notre impartialité nous impose de faire connaître toutes entières celles que nous étudions.
               - La maternité qui prête à toutes les femmes une sorte de grâce auguste,
               - l'amour conjugal, qui leur donne un charme si touchant,
               - la surveillance de la tente, qui l'associe, dans les limites de sa faiblesse, aux exploits de la vie aventureuse de l'enfant du désert, fait d'elle son auxiliaire dévouée, ces soins de toilette qui, dans ce qu'ils ont d'excessif, provoquent moins le blâme qu'un sourire indulgent, tout cela, dans le Sahara comme chez nous, n'est pas toute la femme.


               Il y a encore la pécheresse. Toute médaille a son revers. Ce revers nous allons le montrer ; cette pécheresse nous allons la confesser, en réclamant toutefois une indulgence qu'on ne peut manquer de lui accorder quand on se sera bien rendu compte des circonstances impérieuses qui, le plus souvent, amènent les chutes du milieu social dans lequel la femme doit fatalement passer sa vie.
               Et puis un moment d'égarement ou d'invincible passion ne fait-il pas courir des dangers trop sérieux pour que nous ne jugions pas moins sévèrement celles qui ne craignent point de s'exposer à la mort dans un pays où la jalousie revêt toujours un caractère si formidable.
               C'est la jalousie qui interdit à la femme la société des hommes. Aussi, confinées entre elles, les femmes.

               Aussi, confinées entre elles, les femmes ignorent en général ces délicatesses de maintien et de langage qui distinguent les Européennes et qu'elles acquièrent forcément dans ces jeux perpétuels de l'esprit dans ces entretiens plein de charmes avec des interlocuteurs qui se renouvellent sans cesse.

               Sous la tente on parle quelquefois de l'amour avec des gestes et dans un langage que nous regarderions comme propre à le conjurer pour toujours.
               Qu'on se réunisse :
               - chez soi, aux bains, dans les fêtes ou ailleurs,

               Les jeux et les causeries amènent de continuelles allusions à des détails soigneusement voilés chez nous, et, ce qu'il y a de plus curieux c'est que cette éducation, au lieu de préparer des disgrâces conjugales, amène, au contraire, des redoublements d'affection.
               Les Arabes n'entendent pas l'amour comme nous ; souvent la plus savante est la plus aimée.
               D'un autre côté ces idées développent, on le conçoit chez les femmes, une astuce et une puissance d'esprit vraiment extraordinaire, incomparablement supérieures à la finesse que les observateurs accordent au sexe de l'Occident, les uns en l'admirant, les autres en le blâmant.

               On a des thèmes tout faits pour sortir des difficultés imprévues : la mère les lègue à sa fille et les vieilles les transmettent aux jeunes ; il en résulte que l'ingéniosité se montre à la hauteur des cas les plus graves et que les femmes arabes se permettent, en général, des tours plus risqués que les mignonnes perfidies de nos contrées.
               Plus le fruit est difficile à cueillir, plus on s'enivre de son parfum. S'il pouvait y avoir un bon côté en pareille matière, ce serait le désintéressement qui est complet. On veut que l'amant soit :
               - beau, brave, généreux
               - mais cette dernière exigence est une affaire d'orgueil et non de cupidité.

               Chacun paie l'autre de la monnaie du plaisir.

               Les émissaires et les intermédiaires seuls tirent un profit de leurs bons offices, ce qui ne laisse pas, cependant, de rendre encore les amours très dispendieuses, grâce aux nombreux cadeaux qu'il faut faire au silence et au dévouement.
               On dirait vraiment que les précautions interminables de la jalousie n'ont abouti qu'à ruiner les amoureux.
               Ainsi les intrigues ne s'envolent pas avec les belles années. Elles revivent dans le secours que l'on prête aux plaisirs de la jeunesse. La vieille femme (adjouza) devient ordinairement le messager de la passion.
               On la choisit de préférence. N'a-t-elle pas le langage plus persuasif, plus rompu aux ruses du métier ? Elle n'a point à chercher bien longtemps pour trouver une réponse aux terreurs, j'allais dire aux scrupules.

               Elle n'a qu'à se souvenir, pour indiquer un moyen de vaincre les obstacles, un bon tour pour tromper les jaloux.
               Si l'adjouza fait défaut, l'amant a recours, alors, aux serviteurs de la tente, au nègre ou bien à celui qui, par ses fonctions, grâce à l'amour de l'Arabe pour le cheval peut facilement et en tous temps, pénétrer dans les familles, c'est-à-dire au maréchal-ferrant.
               Quand il a pu s'approcher enfin, sans témoin de celle vers laquelle il est envoyé, l'émissaire lui dit : " Un tel, fils d'un tel, est un homme de bonne société (comme nous dirions chez nous, c'est un galant homme) ; il est généreux ; chez lui les pauvres les pauvres rassasient leur ventre : ses ancêtres sont connus ; c'est un maître du bras ; il sait enterrer une parole ; il vous aime et il faut que vous l'aimiez aussi, je vous envie par Sidi Abd-El-Kader el Djilaly."
               (Saint très vénéré chez les Arabes, son tombeau est à Bagdad. Il vient au secours de tous ceux qui l'invoquent, sans aucune distinction de rang, de fortune et même de religion.)

               La femme, et c'est là le cas le plus ordinaire ne va pas chercher, pour se défendre les armes dans l'arsenal de la morale.
               Elle trouve sans doute que les remparts qui entourent sa vertu sont déjà bien assez difficiles à battre en brèche sans qu'elle ait encore besoin de la cuirasser outre mesure. Elle répond tout simplement :
               - " J'en suis fâchée, c'est impossible.
               - On ne me laisse aller ni au bois, ni à la fontaine et je ne puis sortir la nuit ;
               - il ne peut, non plus, venir dans ma tente car elle est toujours pleine de monde, entourée de chiens et, si l'on nous apercevait, nous mourrions tous les deux.
               - Je le répète, c'est impossible.


               Ne dites pas cela, je vous en conjure ; le démon doit seul désespérer ; promettez-nous, ne nous jaunissez pas la figure et Dieu nous fournira une occasion. Allons, on vient, partez : dites-lui qu'à dater d'aujourd'hui je suis sa sœur (son amante) ; portez-lui ce gage ; recommandez-lui la prudence et prenez ceci pour acheter :
               - un haïk, des savates, une chéchia. "
               Le gage, dont j'ai parlé, consiste ordinairement dans une mèche de cheveux ou dans un collier.
               La mèche de cheveux sera aussitôt montée en argent ou en corail et on la portera :
               - dans les fêtes, dans les réunions,
               - aux jours de combat, soigneusement attachée à la corde faite en poils de chameau qui ceint la tête du guerrier. La relique d'amour prend place à côté du talisman religieux et l'on devra se signaler par des actes de valeur ou même de folle témérité de jour où devant l'ennemi, l'on entonne ce refrain populaire :

               A la nage, les jeunes gens ! A la nage (1)
               Les balles ne tuent pas
               Il n'y a que la destinée qui tue.
               A la nage, les jeunes ! A la nage.
               (1) Lancez vos chevaux de toute leur vitesse


               Quant au collier, au premier rendez-vous, il sera restitué.
               On n'a plus besoin de ce gage, qui n'était pas un souvenir, mais une promesse.
               Ne faut-il pas d'un autre côté se débarrasser d'un objet compromettant de nature à faire naître des soupçons. On, conçoit que ce qui précède n'a pu se passer de préliminaires.
               Si vite que marche le drame, il est nécessairement un prologue.
               L'action n'est pas trop compliquée d'accidents inattendus ; le dénouement se renouvelle avec une infaillible identité, mais enfin, même dans le Sahara, il y a, de chaque côté, des manèges inséparables d'une bonne fortune.

               L'homme cherche à plaire et la femme a besoin de juger celui qui lui demande une si formelle preuve de sympathique observation.
               Quand le messager à la langue dorée se présente, ce n'est pas d'un inconnu qu'il prend les intérêts auprès de celle à laquelle il s'adresse.
               Elle n'ignore pas son amour et n'a pas eu grand peine à le deviner, car, dans maintes circonstances, il l'a arboré comme un drapeau, dont elle seule, il est vrai, connaît la couleur et la devise. Les femmes, en effet, aiment beaucoup les démonstrations faites en leur faveur.

               Le cavalier qui passe pour le plus généreux et pour le plus brave a déjà fait beaucoup de chemin. Il est, comme on dit, en bonne posture pour réussir.
               Mais il n'a qu'à parler, celui qui, par des actes a prouvé que sa réputation n'était pas usurpée qui a pu faire, devant celle qu'il convoite, étalage de bravoure, de magnificence et de grâce et que l'ivresse de l'amour a conduit jusqu'à l'audace, jusqu'aux plus insolentes profusions.
               On fait donc devant les femmes des folies incroyables.

               Dans les fêtes, c'est à qui prodiguera l'argent aux musiciens en regardant sa maîtresse. Dans la fantasia, on s'arrangera pour passer et repasser auprès de l'aâtouche (maison) où est renfermée la bien-aimée et lui permettre d'admirer ainsi tout à son aise :
               - le cavalier, le cheval, le vêtement et les armes.

               Et quand les guerriers se mettent en marche pour un combat où qu'ils reviennent d'une heureuse expédition habilement conduite, hardiment exécutée, la voix de l'amoureux, qui chante ses exploits passés ou futurs, s'élève d'autant plus, les paroles deviennent d'autant plus distinctes, qu'il est plus proche de celle qu'il a choisie parmi les femmes dont la présence encourage au départ ceux qui vont défendre ou venger la tribu.

               Ce sont autant de déclarations anticipées,
               - autant de témoignages d'un amour qui existe et qui s'est ouvertement fait connaître, mais ignore encore s'il est partagé.
               Pendant que les amoureux agissent, les maris ne s'endorment pas. Comme leurs rivaux ils ont pour auxiliaires :
               - les vieilles femmes, les nègres, les bergers, les maréchaux et de plus,
               - les enfants et les vieillards.


               Dans les villes les amants ont assez beau jeu, mais dans les tribus les intrigues sont très périlleuses car les lieux de rencontre sont à peu près tous prévus.
               Les rendez-vous ne peuvent avoir lieu que dans les endroits suivants :
               - dans la tente isolée d'un berger, ou
               - à la fontaine, ou
               - dans la forêt et alors trois ou quatre amis font le guet.

               Ce secret confié à tant de personnes parait bien difficile à garder et cependant comme en général ce n'est là qu'un service rendu à charge de revanche : la réciprocité est une garantie de discrétion.

               On assure qu'il est sans exemple, que des femmes arabes se soient trahies entre elles, fussent-elles ennemies jurées. Quand le mari :
               - est en expédition lointaine, voyage,
               - chasse ou guerroie,

               C'est plus facile, on reçoit l'amant chez soi.
               Il est même des femmes assez hardies pour le faire entrer sous la tente, lorsque l'époux y est endormi. Mais pour cela :
               - que de précautions, que d'adresse, que de génie ne faut-il pas déployer.
               La seule facilité qu'elles aient est bien illusoire.

               C'est la division de chaque tente en deux compartiments séparés par un simple tissu et destinés, l'un aux hommes et l'autre aux femmes.
               - On choisit une nuit pluvieuse, sans lune ni étoiles.
               - On fait taire les chiens et cet amant à peine rentré,
               - on s'empresse de le cacher jusqu'au moment opportun,
               - sous les sacs, les burnous ou
               - les harnachements qui encombrent toujours la tente arabe.


               Si le mari vient à se réveiller c'est un combat à mort : l'amant ne se laisse point égorger sans résistance ; il n'est venu que bien armé et parfaitement décidé : le sang doit couler.
               Un Arabe Abd-el-Kader ben Khatir, me faisait un jour le dénombrement des armes qu'il portait à ses rendez-vous d'amour. C'était un arsenal complet :
               - quatre pistolets chargés jusqu'à la gueule,
               - un yatagan, un couteau bien affilé,
               - plus un énorme bâton ferré et garni de clous.

               Son amour dura quatre ans.
               La tente de sa maîtresse appartenait à un douar distant du sien de deux heures de marche ; il s'y rendait pendant la nuit ; il la quittait toujours avant l'aube et n'y pouvait aller qu'à pied.
               A qui aura-t-il confié son cheval ?
               Restaient les occupations et les fatigues du jour. C'était on en conviendra un cœur bien épris et un robuste compagnon.
               Ceux qui pourraient s'intéresser à ce vaillant je dirai qu'il vit encore et que plus d'un Parisien a pu faire sa connaissance.

               L'amour, on le voit est accidenté de conjonctures hasardeuses pour tous :
               - amants, époux et maîtresses.
               Néanmoins, le cas est bien rare, il est vrai sous le ciel enflammé au milieu de ces personnages tragiques, on rencontre quelquefois des maris à l'humeur paisible et débonnaire qui ont horreur du trouble et du bruit, des égoïstes tolérants qui, entre le plaisir de la vengeance et l'agrément du silence pacifique, choisissent ce dernier parti.

               Se doutant de la brèche faite à l'honneur conjugal, mais ne voulant pas s'exposer par le meurtre d'un homme à la vendetta de la famille nombreuse et puissante, ils font du bruit et feignent de croire que des voleurs de bestiaux et non un larron d'honneur se sont glissés dans le douar.
               L'alarme se répand, ils détournent aisément les recherches et font naître un désordre qui favorise l'évasion du rival.
               Mais ce jeu d'homme d'esprit n'est pas facile à jouer. S'il est découvert il est de nature à attirer à son auteur non seulement le sarcasme et la déconsidération, mais le déshonneur.
               La solitude se ferait autour d'un tel homme qui devrait renoncer à toute idée d'ambition, à toute influence. Un fait pareil dans le passé, c'est tout un avenir perdu.
               Pour bien comprendre ceci, il faut savoir qu'il est de jurisprudence écrite et textuelle et surtout d'usage très formel, de tuer en cas de flagrant délit, d'abord et surtout l'amant.

               Quant à la vengeance contre la femme elle est seulement différée et le mari saura bien plus tard trouver l'occasion et le motif de la satisfaire.
               - Prendre le parti de l'indulgence,
               - oublier l'injure pour éviter un scandale
               - ou pour épargner un coupable qu'on ne peut se défendre de chérir, malgré sa faute, il n'y faut pas songer. Là encore on se heurterait contre les idées les plus respectées.


               On doit renoncer à toute pitié sous peine d'être méprisé, honni par les siens fût-on d'ailleurs le premier des hommes, le plus généreux, le plus brave ; un Bach radjel enfin, un mot que je traduirais volontiers par celui-ci, un archi-homme, si nous n'avions l'expression populaire un maître homme.
               Décidé à ne rien cacher, je ne puis omettre une horrible conséquence de la rigueur des lois et de l'opinion publique envers la femme coupable.
               L'ardeur du sang, les exigences d'un climat brûlant et aussi l'attrait du danger et l'amour des aventures sont plus forts que toutes les recommandations religieuses et toutes les sévérités pénales.

               De là naissent des désordres, qu'on a pu cacher pendant qu'ils s'accomplissaient et dont il est impossible de dissimuler les suites ; on cherche à les détruire.
               Et là encore on retrouve cette adjouza, cette matrone à la science diabolique qui, de même qu'elle a favorisé la faute, favorise le crime.
               C'est à elle qu'on s'adresse pour se procurer les breuvages qui rendent stériles ou qui anéantissent dans son germe, le fruit des amours illicites.
               Fatal résultat de l'inflexible cruauté qui poursuit l'oubli des devoirs.

               A côté de la rigueur impitoyable refusant tout pardon à la femme mariée, il est remarquable de voir la miséricorde témoignée à la fille repentie.
               Le dogme musulman dit : " Au jour du jugement dernier, Dieu pèsera dans la balance les bonnes et les mauvaises actions de chacun. On sera puni ou récompensé selon que le plateau du bien sera plus léger ou plus lourd que celui du mal. "
               Ce précepte exclut le remord. La bonne œuvre peut toujours expier le crime d'aujourd'hui.
               Le crime d'aujourd'hui ne détruit pas entièrement l'effet du bien accompli hier ; il ne peut que le contrebalancer. Pas de remord éternel mais aussi pas de réprobation irrévocable dans la société.

               Partant de là, on rencontre chez les Arabes, en compagnie des plus honnêtes gens, des hommes qui ont eu le nez, ou le poignet ou les oreilles coupées pour des vols insignes. On les reçoit on leur accorde certains égards, parce qu'ils sont venus à repentance. Il en est de même pour les femmes de mauvaises mœurs.
               La prostituée la plus avilie, lasse de la vie qu'elle mène, se présente un jour devant le cadi et dit :
               " O Khalifa (vicaire) du Prophète, je me repends et reviens à Dieu. "
               Le magistrat prend acte de cette solennelle déclaration ; les fautes sont remises ; elle trouve un mari, un honnête homme, dont la considération ne souffrira pas du passé de sa femme.

               Les familles les plus honorables les accueilleront tous les deux sans scrupule.
               C'est dire que cette réhabilitation consacrée par le représentant de la loi est toujours sanctionné par l'opinion publique.
               Chez un peuple si soucieux de l'honneur de son sang, n'est-il pas étonnant de voir mettre en pratique une tolérance, telle que notre société ne voudrait jamais l'admettre.

Revue africaine. Volume 56. Année 1912.
La femme arabe par le général Daumas.


EN MEME TEMPS,
QUOI QU'IL EN COÛTE !

Envoyé par Hugues.

        Au terme de son mandat, Jupiter, sur son trône,
         Souhaite prolonger son règne pour cinq ans !
         Les Français sont matés, même les "Gilets Jaunes".
         La lutte contre "Covid", l'argument convaincant :
         Vaccins obligatoires dont il nous fait l'aumône ;
         Tout antivax est classé d'office "délinquant" !

         Confinement, port du masque et tests PCR,
         Le menu quotidien, prôné par deux Ministres.
         Que chaque citoyen accepte cette vie austère
         Pour éviter le pire d'une pandémie sinistre.
         Car tout récalcitrant aux ordres de Jupiter
         Est condamné d'office et rayé des registres !

         Lutter contre "Covid", un lourd investissement :
         Frais des vaccinations et du chômage partiel.
         C'est "le quoi qu'il en coûte", nouvel asservissement
         D'une France fragile, au faible potentiel,
         Dont la dette colossale mène à l'enfouissement,
         Qui ne semble pas être souci présidentiel !

         Car le Chef de l'Etat mène, chaque jour, campagne
         Pour sa réélection lors du prochain printemps.
         Il lui faut éviter que la guigne l'accompagne,
         Laisser croire que sa charge l'accapare à plein temps.
         Il promet à son peuple un pays de cocagne
         Dans un avenir proche, d'ici cinq à dix ans.

Hugues Jolivet
11 mars 2022


La femme et le mari
Envoi de M. Christian Graille
               Le bonheur et le repos de la vie dépendent d'une épouse constante et vertueuse comme très souvent, les malheurs et les tribulations ne proviennent que d'une épouse acariâtre et vicieuse.
               La vie renfermée de la tente donne naissance à mille passions haineuses. Les femmes obligées de se trouver en contact perpétuel se poursuivent d'inimitiés sans trêve et, cependant ces animosités n'amènent jamais ni la dénonciation ni la trahison involontaire grâce à la circonspection traditionnelle que donne à tous ce proverbe si connu :
               La parole, oui, crée des embarras,
               La parole, non, sauve des mauvais pas.


               Un Arabe après une absence quelconque, rentre chez lui ; sur le seuil de la tente il appelle sa femme : - Aïcha ! Aïcha !
               Le silence pour toute réponse ; il entre :
               - Aïcha n'est pas là ? Non.
               - Vous ne l'avez pas vue sortir ? Non.
               - Y a-t-il longtemps que vous êtes ici ? Non,
               - Savez-vous où elle est allée ? Non.


               La réponse n'est peut-être pas toujours d'une grande concision ; pourtant il s'en faut de peu et quelle que soit la phrase, on y voit invariablement poindre cette négation regardée comme tout ce qui a de moins compromettant au monde.
               Il faut une certaine dose de diplomatie mêlée à beaucoup d'autorité pour obtenir un indice même fugitif.
               Mais à cette solidarité féminine, qui use de tant de prudence, le Diable, je veux dire la haine, ne perd rien car c'est un duel où toutes armes, une seule exceptée, sont mises en usage,
               - où les mauvais tours se succèdent rapidement,
               - où les embûches ne manquent pas,
               - où le poison joue quelquefois son rôle.


               J'ai à signaler encore d'autres misères attachées à la condition des femmes arabes. L'une des plus poignantes, c'est la tolérance qui règne au sujet des relations qui peuvent s'établir entre les chefs de tente et les esclaves.
               La loi musulmane est de ce côté aussi facile que mes mœurs bibliques, probablement en ressouvenir de l'épisode d'Abraham et d'Agar, épisode auquel les Arabes font remonter leur origine spéciale et distincte.
               Le Koran dit : " Ne forcez point vos servantes à se prostituer si elles désirent garder leur pudicité. Si quelqu'un les y forçait, Dieu lui pardonnerait à cause de la contrainte. "
               Il ressort de l'interprétation de cet article que, si les esclaves ne désirent pas garder leur pudicité, ce qui n'arrive pas trop souvent, les maris donnent à leurs femmes, en cachettes, il est vrai, des rivales dont les enfants ont des droits à la succession paternelle tout aussi bien définis que ceux des enfants légitimes.

               On se rendra compte des conséquences de cette disposition légale quand on saura qu'un Musulman peut posséder autant d'esclaves que sa fortune lui permet d'en nourrir.
               Je laisse à deviner les excès que doivent amener, dans une tente, les jalousies entre femmes de conditions si différentes.
               Au reste, tout conspire contre la moralité féminine : la vertu et la résistance sont souvent aussi fertiles en danger que la faiblesse et les fautes.
               Quand une femme veut conserver son honneur, elle court grand risque de mourir assassinée.
               Elle n'a peut-être pas d'autre ressource que celle d'avouer qu'elle a déjà un amant. Un jeune homme fait dire à une femme : " je t'aime, tu seras à moi ou je te tuerai " et il l'affirme par serment.
               Ce serment est presque toujours tenu.

               Quelque temps après, par une nuit sombre, quand la pluie tombe à torrents et que personne ne se garde, on entend un coup de feu, puis des cris ; c'est la malheureuse qui a été frappée à bout portant ou quelque fois mutilée.
               L'alarme est donnée ; on se lève ; on accourt mais l'assassin a disparu ; il n'y a ni preuves, ni témoins et la justice est d'ordinaire impuissante pour punir ces crimes.
               Il se trouve cependant des femmes assez courageuses pour se décider à courir toutes les chances du refus le plus formel.
               Elles appartiennent en général à des familles nombreuses et renommées.

               Dès qu'elles ont accepté la lutte, elles s'y préparent en avertissant leurs maris et leurs parents des serments proférés contre elles.
               On se garde, alors, avec le plus grand soin, mais l'amant surexcité par l'attrait du danger veut triompher de tous les obstacles : il ne tente plus d'entreprises que suivi par quelques amis braves et bien armés et les rencontres sont marquées par des luttes sanglantes et terribles, souvent même, une guerre entre tribus n'a d'autre origine qu'une intrigue amoureuse.
               D'autres fois, voyez le cœur humain, la résistance n'est qu'une épreuve.
               Certaines femmes feignent de refuser pour voir jusqu'à ira l'audace de leur amant. Il deviendra d'autant plus cher qu'il aura montré plus de persévérance et couru plus de dangers.
               Les femmes sont ainsi faites (disent les Arabes).

               Pour terminer ces tableaux, je n'ai plus qu'à parler d'un grave reproche fait, encore, à la société musulmane.
               On a beaucoup dit que, pour le moindre motif, la femme était frappée.
               La loi autorise dans certains cas les corrections corporelles. Ainsi le mari peut corriger sa femme :
               - lorsqu'elle fuit la couche conjugale,
               - si elle sort sans son autorisation,
               - si elle se refuse à faire la prière,
               - quand elle désobéit à des ordres justement donnés
               - et cependant il ne faut pas croire que, dans la pratique, les abus soient aussi fréquents et aussi révoltants qu'on le pense généralement.


               Le Cadi est le protecteur des droits de la femme et ces droits sont très nettement définis. Chez les gens du peuple le fait se produit plus souvent.
               Dans les grandes familles il est rare et pour les premiers le danger des corrections conjugales est réprimé par l'intérêt personnel.
               La déconsidération publique ne tarde pas à atteindre l'homme d'une brutalité reconnue, tandis que la loi, en édictant des peines contre lui, en prononçant même le divorce, peut le priver d'un utile soutien de la fortune et de sa famille.

               L'exemple suivant que je tiens d'un Agha qui commande à de nombreuses populations démontreraient que les Arabes n'éprouvent pas tous, au même degré, le désir ou la nécessité de battre leurs femmes.
               Je revenais, me dit-il, d'un enterrement et je passais auprès des tentes des Beni Selyman, lorsque j'aperçus deux personnes, une vieille femme et une jeune fille d'une beauté remarquable.
               Je leur demandais à boire bien que n'en eusse nul besoin.
               - Que désirez-vous boire me dit la jeune fille ?
               - Je boirai avec plaisir, répondis-je tout ce que vous voudrez bien m'offrir, ce qui sera le plus à votre portée.
               - Donnez-lui du lait aigre (leben) dit la vieille, cet homme est un Arabe. "


               Après avoir bu, j'interrogeai la vieille pour savoir quelle était la jeune fille qui venait de me servir avec tant de bonne grâce, et j'appris d'elle, qu'elle se nommait Zineub, qu'elle était fille de Kaddour el Hachemi et qu'elle n'était point occupée (mariée).
               Satisfait de ces renseignements je m'éloignai pour me reposer un peu car nous étions au milieu de la journée et il faisait très chaud.
               Après la prière du Dohor (3 heures de l'après-midi), je réunis mes amis, je leur fis part de mon désir d'épouser Zineub dont le souvenir m'était toujours présent et, sans plus tarder, je me rendis avec eux chez l'oncle de la jeune fille, qui était orpheline.
               Il nous reçut parfaitement et après quelques questions il m'accorda sa nièce en mariage, en présence de témoins que, chose singulière, les inconvénients du mariage vinrent se retracer à mon esprit dans toute leur brutalité et qu'effrayé, je fus sur le point de me rétracter. La honte me retint : je n'osai le faire.

               Je m'occupais donc, sans tarder de tous les préparatifs de mon mariage et quand ils furent terminés, ainsi que toute les cérémonies pratiquées en pareil cas, les femmes du voisinage s'empressèrent de rendre visite à ma fiancée, puis me trouvant, enfin seul avec elle, je voulus m'en approcher mais elle m'arrêta court en me disant : " Doucement, doucement, quand un mari rentre pour la première fois chez son épouse, il doit avant tout, suivant le rite Maleki ( rite suivi par les Arabes) demander la bénédiction de Dieu pour lui et pour sa femme ; il doit le conjurer d'éloigner tout mal de sa nouvelle union. "
               Je me mis alors à prier : elle en fit autant. Ce devoir accompli, je me parai de mes plus riches vêtements et je m'avançai de nouveau vers elle, heureux et empressé ; mais quel ne fut pas mon étonnement en entendant ces paroles sortir de sa bouche : " Priez sur le Prophète ; je vous suis étrangère, je ne connais pas votre caractère et vous ignorez le mien. Dites-moi, avant tout, ce que vous aimez pour que je l'aime et ce que vous détestez pour que je l'évite, car je veux que vous profitiez du peu d'instants que je dois être en votre possession pour me renvoyer avec égards ou pour me garder définitivement avec bonté. "

               Je vous assure que je ne sus d'abord que lui répondre ; en me torturant l'esprit, je lui répliquai cependant : " Vous désirez connaître ce que j'aime pour vous conformer à mes goûts et ce que je déteste pour l'éviter, cette connaissance formerait la règle de votre conduite ; eh bien ! J'aime telle et telle chose (je lui ai détaillai) et j'abhorre telle ou telle autre. Remarquez mes bonnes actions et taisez-vous sur les mauvaises. "
               - Seriez-vous disposé à tolérer les visites de mes parents ajouta-t-elle ?
               - Non je ne les souffrirai pas.
               - Quels sont ceux des vôtres que vous consentiriez à recevoir chez vous et ceux dont vous n'aimez pas la présence ?
               - Sidi Bal Abbas
               - J'aime telle famille, ce sont de braves gens et je n'aime pas telle autre ; ce sont des enfants du péché (oulad el harame).
               - C'est bien ajouta-t-elle venez et que Dieu remplisse notre tente. "


               Je passai une année entière dans le bonheur le plus complet sans rien voir de ma femme qui pût me déplaire.
               Un jour, en rentrant d'une expédition, je trouvai une vieille femme installée chez moi. C'était ma tante ; je la saluai et la comblai de prévenances.
               - Et bien me dit-elle vous voilà marié ?
               - Oui.
               - Etes-vous content ?
               - Je suis l'homme le plus heureux du monde.

               C'est égal reprit-elle, ne vous pressez pas trop de vous réjouir ; vous ne pouvez encore connaître votre femme car le caractère d'une femme ne se perce qu'après son premier accouchement.
               Si elle est chère à son mari et qu'elle ait le bonheur de lui donner un garçon, souvent, abusant de cet avantage, elle devient aussi capricieuse et impérieuse qu'auparavant elle était douce et résignée. Dans le cas où tout cela tournerait mal, je vous recommande sincèrement l'usage du bâton. "

               A chaque renouvellement d'année, ma tante revenait me tenir les mêmes discours et me faire les mêmes recommandations.
               Ma femme m'a donné des garçons ; voilà vingt ans que nous sommes ensemble et cependant elle s'est toujours montrée la même :
               - bonne, complaisante et
               - dévouée dans le bonheur que comme dans le malheur.

               Que Dieu la récompense dans cette maison et dans l'autre.
               Sidi Bal Abbas a dit : " Le bonheur et le repos de la vie dépendent d'une épouse constante et vertueuse, comme, très souvent, les malheurs et les tribulations ne proviennent que d'une épouse acariâtre et vicieuse. "

               Je n'ai qu'à remercier Dieu de la part qu'il m'a faite. Il est vrai que me rappelant le dicton de mes pères : deux habillements, dont un neuf et un vieux, ne peuvent aller ensemble, je m'étais marié jeune.
               Aussi a-t-on eu beau me crier sur tous les tons : " Ne prodiguez avec la femme ni le vernis de votre figure ni la moelle de vos os, " mon épouse a toujours été pour moi une couronne d'or que mes yeux se réjouissaient à regarder et j'ai même composé sur elle les vers suivants :
               Je connais des hommes qui battent leurs femmes,
               Pourquoi ne frapperais-je pas aussi ma Zineub ?
               Pourquoi ! Mais la frapper serait odieux et lâche.
               Zineub est pour les femmes ce que le soleil est pour les astres,
               Les astres s'éclipsent dès que le soleil paraît.

Revue africaine. Volume 56. Année 1912.
La femme arabe par le général Daumas.


La femme répudiée
Envoi de M. Christian Graille
               Le prophète (que la prière de Dieu soit sur lui) a dit : parmi les choses permises, le divorce est celle qui plait le moins à Dieu.
               Il a dit aussi : Dieu, n'a créé sur la terre aucune chose qui lui plaise plus que l'affranchissement des esclaves et il n'a créé aucune chose qui lui plaise moins que le divorce.

               J'ai montré la femme arabe pendant le mariage, telle que la société musulmane l'a faite, et peut-être, suis-je parvenu à dissiper bien des erreurs répandues à cet égard. Mais la vie de la femme arabe a encore une triste phase, triste pour elle, triste aussi pour ses enfants et je ne puis négliger d'en parler.
               C'est la facilité qu'a le mari de briser les nœuds du mariage, soit par la répudiation, soit par le divorce. Dieu a dit : " la répudiation est un acte réservé au mari, maître de rompre à son gré le lien conjugal.
               Sans des motifs graves un musulman ne peut justifier cet acte aux yeux de la religion et de la loi.
               Que Dieu maudisse quiconque répudie sa femme par le seul motif du plaisir. "
               Malgré les sages recommandations, la répudiation est très commune chez les Arabes et il n'est pas difficile de citer tel chef arabe, qui, dans le cours de sa vie, a eu douze ou quinze femmes légitimes.

               Quoique les femmes, elles aussi, puissent, comme nous le verrons plus loin, provoquer la séparation et se remarier, elles ont un peu moins de latitude que les hommes ; mais elles usent amplement de la facilité que leur laisse le veuvage.
               On raconte que Abd-er-Raham ben Abou Bokeur, le plus bel homme de son époque, ayant épousé Atika Bent Aomar, la plus jolie fille des Koreïch en devint tellement amoureux que ses facultés en furent totalement absorbées.
               Son père désolé voulut le forcer à divorcer et comme il persistait à garder sa femme, le père jura, par tout ce qu'il avait de plus sacré, qu'elle serait répudiée.
               Le respect qu'ont les Arabes pour leurs parents et la sainteté du serment obligèrent alors Abd-er-Rhahman à se conformer à la volonté de l'auteur de ses jours, mais, une fois ce sacrifice accompli, il en conçut un si violent chagrin, qu'il renonça à toute espèce de nourriture.

               Des amis vinrent alors prévenir Abou Bokeur de l'extrémité où se trouvait son fils et lui dirent que, sans nul doute, en persistant, il serait la cause de sa mort.
               Abou Bokeur effrayé se rendit, chez Abd-er-Rahman ; il le trouva étendu au soleil composant des poèmes sur sa femme et chantant son amour. Il en eut pitié et lui permit de la reprendre.
               Abd-el-Rahman la reprit et la conserva jusqu'au moment où il fut tué dans un combat. Atika composa sur lui les vers suivants :
               Toujours je serai triste en pensant à toi :
               Ton souvenir brûle mon cœur et fait souffrir mon corps
               Je te jure, jamais on ne vit ton pareil !
               Tu étais jeune, persuasif et patient,
               Et quand tu revenais de la lutte,
               Le fer de ta lance était toujours teint en rouge.


               Plus tard, cependant Atika épousa le Kalifa Aômar Ben el-Khottab qui ne tarda pas à mourir aussi.
               C'était un homme extrêmement jaloux et comme sa femme fréquentait la mosquée, il conçut le projet de l'en dégoûter, non par la violence mais par un moyen détourné. Il se cacha un jour dans le Mesdjid où elle se trouvait pour prier et, sans qu'il en fut reconnu, il porta la main sur elle et la toucha à la cuisse.
               Elle cessa immédiatement ses dévotions ; son mari lui en demanda la raison.
               " Je ne vais plus à la mosquée, lui répondit-elle depuis qu'on se s'y comporte plus convenablement. Aômar mourut quelque temps après et il fut remplacé par Mohamed ben Aly qui, lui-même ne tarda pas à être tué en Égypte.
               Ce fut son dernier mari. Elle l'avait juré car, disait-elle où cela s'arrêterait-il ? C'est une fatalité, tous ceux que j'épouse doivent périr. "

               Les cas les plus habituels qui amènent à la répudiation sont :
               - Les antipathies, les querelles intérieures,
               - les contestations, la jalousie,
               - la vieillesse ou
               - les excès de la femme.


               Pour ce dernier motif, les gens bien élevés, quand ce n'est point public, dissimulent et mettent leur honneur à couvert en invoquant un prétexte quelconque.
               L'acte de la répudiation a lieu, quand on prononce certaines formules, quand on profère certains serments, qui suffisent pour mettre la femme dans la position que voici :
               Si dans un moment de mauvaise humeur ou par un mouvement irréfléchi, un Arabe vient à dire " Tellokteuk " (je t'ai répudiée) c'est la répudiation simple.
               Si la réflexion a été plus grande et que le mari se soit écrié " je t'ai répudié sur le dernier dinar " c'est la répudiation double ou par deux.
               La femme est obligée de se mettre en iddet.
               On entend par iddet, le temps, qu'une femme séparée de son mari doit passer dans la retraite avant de pouvoir contracter un autre mariage. L'iddet est de quatre-vingt-dix jours.

               Les deux cas que nous venons de citer ne constitue que la répudiation imparfaite. La femme peut rester dans la maison conjugale ; on doit l'y entretenir et le mari, si cela lui plait, peut opérer la réunion verbalement ou par action en lui disant : " je t'ai reprise " et en lui donnant un simple baiser.
               Si l'iddet est écoulé, la répudiation devient parfaite.
               Maintenant si le mari voulant renoncer absolument à tout rapport avec sa femme lui a dit : " Va-t'en, que Dieu te rende pour moi comme ma mère ou comme ma sœur avec qui j'ai tété, jamais je ne te reprendrai " ou bien : " Si je te reprends, que je commette un inceste dans la sainte Kaaba.
               (La Kaaba, sanctuaire de la Mecque dans lequel existe une pierre noire qui est considérée par les musulmans comme le symbole de l'alliance que Dieu fit avec les hommes dans la personne d'Adam. "

               Ou bien encore : " Ma femme est un péché pour moi, je divorce par le troisième. Tu as la bride sur le cou. " Oh ! Alors, la répudiation est par trois.
               Elle est définitive.
               La femme est tenue de passer son iddet dans un domicile à part. Les filles suivent la mère et les fils restent avec le père.
               Pour que la répudiation soit définitive, on l'entoure de certaines formes.
               En présence d'un thaleb et de témoins le mari dit à la femme : " Je vous quitte " elle répond : " je ne demande pas mieux. "
               On dresse un acte, le mariage est dissous et le mari perd tous ses droits sur sa femme.

               Trois mois après elle peut se remarier, c'est-à-dire après l'expiration de l'iddet.
               La femme qui est en iddet est tenue de porter le deuil. Elle doit s'abstenir de toute parure, de tout vêtement de couleur éclatante. L'usage des parfums et du henna lui sont interdits.
               Pendant ce temps le mari ne peut manquer d'égards pour sa femme. Dieu a dit : " Laissez aux femmes que vous avez répudiées, un asile dans vos maisons, et ne leur faites aucune violence pour les loger à l'étroit.
               Accordez à celles qui sont enceintes tos les soins convenables pendant le temps de leur grossesse, si elles allaitent vos enfants, donnez-leur une récompense réglée avec équité et s'ils se trouvent des obstacles ayez recours à une nourrice.

               Lorsque vous aurez répudié une femme et que le temps de la renvoyer sera venu, gardez-là avec humanité ou la renvoyez avec bienfaisance. Ne la retenez point par force de peur d'être prévaricateur. "
               Si le mari se repentait d'avoir perdu sa femme, il ne pourrait plus la reprendre qu'après qu'elle serait mariée et aurait de nouveau divorcé pour lui revenir.
               Dans la pratique voici ce qui se passe.
               Si le mari est jaloux ou délicat, il choisit lui-même lui, dont le mariage et le divorce avec sa femme doivent faciliter les moyens de s'unir de nouveau avec elle.
               Il se veut ordinairement pauvre, et, moyennant un petit cadeau, il obtient de coucher avec sa femme pendant un instant seulement sans la toucher.
               Le mari fait épouser sa femme par un ami dont il se croit sûr ; cet ami passe la nuit avec elle, la respecte et la répudie le lendemain.

               Mais, on prétend que dans ces circonstances, les trahisons des amis ne sont pas rares ! Cette facilité de se quitter et de se reprendre donne lieu à de grands abus.
               El Fatahh raconte qu'un homme se présente chez le chef de Kouffa, suivi d'une femme d'une éclatante blancheur et d'une corpulence telle qu'elle ressemblait à une citadelle.
               " - Que voulez-vous ? lui demande-t-on. - Je viens me plaindre à vous ; ma femme m'a battu et blessé à la tête.
               - Est-ce vrai ?
               - Oui répondit la femme mais je ne l'ai pas fait exprès, je ne dois pas être punie pour cela.
               - Eh bien, répudiez-la, puisqu'elle vous a blessé dit au mari le chef de Kouffa dont le cœur avait parlé pour cette femme qu'il trouvait admirable.
               - Je ne le puis, sa dot est de 4.000 derhem et il m'est impossible de la rembourser.
               - Si je te donne cette somme la répudieras-tu ?
               - Oui.
               - La voici.

               Eh bien je quitte ma femme ! " Le chef de Kouffa, en comptant l'argent, dit tout bas à la femme : " Allez et réservez-vous pour moi ", son iddet fini, il l'épousa.

               Omair dit un jour à El-Rechid qu'un Arabe avait répudié cinq femmes dans le même jour ! " Comment cela se fait-il ? Un musulman ne peut épouser que quatre femmes. "
               Le voici. Il n'avait que quatre femmes effectivement et s'était aperçu qu'elles ne vivaient pas d'accord, il leur reprocha d'abord leur méchanceté, puis imputant la source de ces continuelles disputes à l'une d'elles, il lui dit : " Je vous répudie ".
               La deuxième s'écria : " C'est trop vous presser que ne la châtiez-vous différemment !
               Puisque vous parlez ainsi, et vous aussi je vous quitte ! "
               La troisième voulut défendre cette dernière en disant : " C'est dommage, en vérité car elle ne vous a jamais fait que du bien. "
               Ah ! Vous les soutenez, eh bien vous êtes un péché pour moi ! Il parait dit alors la quatrième femme que vous êtes aujourd'hui de bien mauvaise humeur, vous n'avez que le mot séparation à la bouche.
               Oui c'est vrai, et j'en profite pour vous renvoyer avec elles ! "

               Une voisine qui avait entendu ce qui venait de se passer, s'avança alors et dit à l'Arabe :
               - Votre conduite est la preuve que vous méritez tout le mal qu'on dit de vous : quoi ? Dans une heure de temps vous répudiez quatre femmes !
               - J'ai bien fait, et si votre mari veut me croire, pour vous apprendre à vous mêler de ce qui ne vous regarde pas, il vous quittera aussi.
               - Vous avez raison cria le mari du fond de la tente et sans plus tarder, il répudia aussi sa femme.


               Pour en finir avec la répudiation, je n'ai plus qu'à faire connaître certains préjugés qui, chez un peuple proclamant sans cesse que tout vient de Dieu, peuvent être funestes même à la femme la plus vertueuse.
               Il est indispensable qu'à toutes ses qualités, elle joigne le bonheur. Est-elle pour son mari une cause de fortune, oh ! alors on l'appelle la bénie, l'heureuse, Mebrouka, Messaouda et on entasse sur elle honneur sur honneur, mais si au contraire, dès les premiers jours de son union, un homme n'a jamais vu qu'une diminution dans ses biens et dans sa famille, s'il a été contrarié dans toutes ses entreprises, sa femme, sans aucun doute, porte-malheur, il lui donne le nom de eurrh et souvent la rend à ses parents. Le mariage peut encore être dissous par le divorce. Il y a deux espèces de divorces : le divorce par ordre de l'autorité, par conséquent forcé, et le divorce sur la demande avec l'assentiment du mari.

               Le premier peut être prononcé dans l'un des cinq cas suivants :
               1° Quand la débauche ou l'impuissance sont prouvées ou constatées,
               2° en cas d'adultère,
               3° pour excès ou sévices graves,
               4° si le mari ne peut pourvoir à l'entretien et à la nourriture de la femme,
               5° pour cause d'apostasie.

               Le second n'est qu'un moyen offert à la femme pour se libérer à son tour, si elle le juge convenable, de l'autorité maritale.

               La différence qui existe entre ce divorce et la répudiation, c'est que dans la répudiation, le mari fait un sacrifice d'argent et que dans le divorce la femme au contraire s'y soumet pour se racheter.
               Le mari du reste est libre d'accepter ou de refuser. Son consentement est nécessaire et doit être constaté par un acte juridique.
               Il peut, si cela lui plait, accorder le divorce et faire remise à la femme du prix du rachat. Mais le divorce prononcé sur la demande de la femme, le mari ne lui doit plus rien, ni pour sa nourriture, ni pour son entretien.

               Dans ces deux espèces de divorces, le cas le plus grave qui puisse se présenter, c'est évidemment l'adultère.
               S'il n'y a pas flagrant délit et que le mari soutienne son accusation, il l'affirme par ce serment quatre fois répété. " Je prends Dieu à témoin de la vérité de mon accusation d'adultère contre cette femme ". Puis il ajoute : Que la malédiction de Dieu soit sur moi si j'ai accusé faussement cette femme d'adultère. "
               La femme avoue ou nie. Si elle avoue elle est condamnée aux peines sévères édictées par la loi.
               Si elle nie, elle dit quatre fois aussi, à haute et intelligible voix : " Je prends Dieu à témoin de la fausseté de l'accusation d'adultère que porte cet homme contre moi ". Puis elle ajoute : " Que Dieu me punisse dans ce monde et dans l'autre si l'accusation d'adultère formulée par cet homme contre moi est véridique. "

               Cet anathème réciproque, quand il n'y a pas de preuves, opère à l'instant même, la dissolution du mariage. Elle doit être constatée par un acte juridique.
               Celui qui trouve sa femme avec un homme dans sa maison a le droit de les tuer.
               Quand il ne se fait pas justice lui-même et qu'il en réfère aux lois, l'impunité est presque toujours assurée, car il faut alors plusieurs témoins bien famés qui certifient avoir vu le fait.
               Cet état de chose constitue le divorce est la femme est punie de mort.
               Si le complice est lui-même marié, la loi musulmane le condamne à être lapidé, et s'il n'est pas marié, à recevoir quatre-vingt coups de lanière entre les deux épaules, ce qui équivaut à peu près à la peine de mort.
               Les Turcs coupaient la tête à l'homme et jetaient la femme à la mer, bien enfermée dans un sac.
               Chez les Arabes l'adultère ne fait pas rejaillir autant de honte sur le mari que sur la famille de la femme.
               On peut rompre le mariage par le divorce, tandis que la consanguinité ne peut s'effacer.
               Aussi l'opinion publique tolère-t-elle que la femme adultère soit tuée par son père ou par son frère.
               Telles sont les principales dispositions de la loi musulmane concernant la répudiation et le divorce.
               Je termine : après ce qui précède, veut-on juger la répudiation et le divorce au point de vue de nos mœurs civilisés, il faut absolument les flétrir ; mais si on les considère au point de vue où dut se placer le législateur des Arabes on reconnaîtra qu'elles furent un progrès.
               En effet au moment où Mohammed entreprit de régénérer son peuple, le mariage, pour ainsi dire, n'existait pas chez les Arabes ; il n'y avait chez eux qu'un immense concubinage.
               Le prophète comprit qu'aller se heurter contre les mœurs d'autant plus invétérées qu'elles flattaient davantage les passions, c'était dresser un obstacle infranchissable devant ses vues d'amélioration.
               Il fit donc la part du feu et permit aux musulmans d'avoir quatre femmes ; il leur permit encore de les répudier, mais enfin, et c'est en cela qu'il accomplit un grand progrès, il créa un lien qui n'existait pas avant lui, il donna à son peuple, le mariage et il constitua la famille.
Revue africaine. Volume 56. Année 1912.
La femme arabe par le Général Daumas.


TEINTURES
De Jacques Grieu

              Pour les peintres lambdas, les couleurs politiques,
       Nous posent des questions qu'il faudrait qu'on explique.

       Pourquoi les verts ont-ils l'impérieuse tendance
       A " tirer " sur le rouge avec grande constance ?
       Pourquoi pas sur le bleu ? Est-ce meilleur mélange ?
       A l'essai, au pinceau, ils font des tons étranges,
       Des verdâtres et bleuâtres qui tirent sur l'orange
       Evoquant les couleurs de l'huile de vidange.
       Le plus mauvais artiste, en voyant ces couleurs
       Y perd tout son latin et comprend sa douleur.
       Moralité : les verts, qu'ils soient clairs ou foncés,
       Doivent rester des verts s'ils veulent avancer.
       Il existe cent verts et cela suffit bien
       Pour que leur panoplie nous mette en pétrin.

       L'écrivain aime bien jouer avec le rouge ;
       " Fièvre rouge " ou vin rouge éclusé dans des bouges.
       " Le rouge, en fait, est bleu ", finit-il par écrire.
       On finit… par le croire, à force de le lire.
       Sur ma toile à fond noir, les rouges et les verts
       Tournent autour du pot , à l'endroit, à l'envers,
       Se frôlent et puis s'en vont, jamais ne s'agglomèrent.
       Je range mes pinceaux, rêvant à ce mystère…
       Relisant ces vers rouges, un doute m'a heurté :
       Alors, c'est à mon front que le rouge est monté…
Jacques Grieu                  


Le Bachaga Boualam.
Envoi de M. Christian Graille

               " Le capitaine Boualam, commandeur de la Légion d'honneur, ex vice- Président de l'Assemblée Nationale, musulman français fidèle entre des millions de musulmans français " tel qu'il se définit lui-même dans son livre d'une émouvante grandeur et d'une détermination si pure et si assurée.
               Qui est le Bachaga Boualam, Boualam, Boualam Saïd ce nom ne vous dit peut-être plus rien ? Disait-il encore. "

               Certes non, son souvenir est toujours vivace, ce nom évoque pour nous des lambeaux de gloire qui défilent devant nos vœux, le rêve passe.
               Les ancêtres du Bachaga Boualam, de souche arabe, mélangée aux Berbères de l'Algérie furent toujours loyaux.
               Au moment de la conquête, ils combattirent la France aux côtés d'Abd el Kader et le servirent fidèlement.
               Lorsque celui-ci fit sa reddition, les parents du Bachaga présentèrent eux aussi leur soumission à la France, à Orléansville, devant le général Bugeaud.

               Bons guerriers, fidèles à la parole donnée, ils ne prirent plus jamais part à aucune sédition. Il y eu des Boualam :
               - au Mexique, au Tonkin, en Indochine,
               - en Syrie ; partout où la France portait ses couleurs, des Boualam sont morts pour elle.


               Vingt ans dans l'armée.
               Saïd Boualam naquit le 6 octobre 1906 à Souk-Aras près de Constantine où se trouvait son père engagé volontaire au 1er R T A (Régiment de Tirailleurs Algériens).
               A treize ans il fut placé à l'école, la dure école des enfants de troupe de Saint Hippolyte-du-Fort et à Montreuil-sur- mer.
               En 1924, il s'engageait à Blida au 1er R T A.
               Il resta vingt ans dans l'armée française.
               Après avoir défendu son pays sur tous les champs de bataille (chef de section en 1940), sa bravoure au feu lui valut d'être décoré de la croix de guerre avec deux citations, dont l'une à l'ordre du corps d'armée.

               De retour en Algérie, il suivit le sort de l'Armée d'Afrique :
               - en Tunisie, en Italie,
               - en Allemagne enfin, pour la plus grande gloire de la défense de l'Occident.


               En 1946 il fut nommé caïd et après avoir affirmé ses qualités de chef de guerre, prouve ses qualités de gestionnaire et d'administrateur.

               Le 1er novembre 1954, on le trouve à la tête du douar des Ben-Boudouanes.
               Dès le début des évènements sa prise de position nette et sans équivoque en fait une des rares figures parmi ses pairs : galvanisant ses administrés et levant spontanément les harkas, il donne ainsi la pleine mesure de sa valeur guerrière doublée d'un administrateur :
               - humain, attentif et clairvoyant.

               Élu député d'Orléansville en 1958, tous ceux qui ont vécu cette époque douloureuse se souviendront avec :
               - quelle fougue, quel talent, quelle foi,
               Le Bachaga, premier vice-président de l'Assemblée nationale n'a cessé de proclamer sa conviction du destin de l'Algérie liée à la France.

               Le 28 janvier 1958, tombait dans une embuscade Abd-el-Kader le deuxième fils du Bachaga.
               Quelques temps après son beau-père Al Hadj était capturé par les fellaghas, arrosé d'essence et brûlé vif.
               - Un fils,
               - dix-sept parents très proches,
               - quinze parents éloignés,
               - plus de trois cents morts dans son douar, voici avec quoi Saïd Boualam a payé le droit de s'installer parmi les moustiques de la plaine de la Crau.


               Il ramena avec lui 30.000 fidèles français musulmans au lieu des 3.000 prévus par le gouvernement.
               Du jour du rapatriement jusqu'à l'ultime seconde de sa vie, il s'employa à les protéger. " Comme j'ai mal peuple de France " écrivait-il dans son livre " mon pays, la France ".
               Ce mal est venu à bout de lui le 6 février 1982 : il mourut usé par le chagrin et les luttes.
               Son fils Ali a repris le flambeau. Avec son frère Mohamed il s'emploie à faire entendre la voix des Harkis afin que justice leur soit rendue et que leurs droits soient reconnus, leur dignité satisfaite.
A.B
Historia l'Algérie. Histoire et nostalgie. 1830-1987.


 Les Alsaciens et les Lorrains en Algérie avant 1871
Envoi de M. Christian Graille

               La présence alsacienne et lorraine en Algérie est antérieure à 1871, mais l'histoire a surtout retenu cette date en raison de l'exode (en partie vers l'Algérie) survenu après l'annexion des deux provinces.
              Or, les Alsaciens et les Lorrains ont émigré vers l'Algérie dès 1831, en raison d'un excédent démographique survenu dans leurs régions natales et des multiples problèmes économiques que ce dernier a engendré en Alsace, l'émigration fut un régulateur social.

              Les départs rythmés par les crises agricoles et industrielles locales obéirent dès lors à une certaine périodicité et l'implantation en terre algérienne, se fit au rythme de la pénétration française dans le pays.
              Une politique d'assistance matérielle et financière avait permis de faire concurrence avec l'Amérique et de détourner périodiquement le flux migratoire vers l'Algérie qui accueillit près de 25.000 émigrants alsaciens et lorrains entre 1831 et 1870.
              Malgré quelques déceptions et certains échecs en termes de colonisation, les émigrants firent souche dans le pays.
              Par leur nombre et leur regroupement, ils formèrent de petites entités typiques, notamment dans les villages départementaux.
              En termes de peuplement, leur venue assura à la colonie un potentiel humain non négligeable, numériquement plus important que celui de l'exode de 1871.

              Lorsque la littérature, passée ou présente, évoque l'histoire de la colonisation alsacienne et lorraine en Algérie, elle se réfère principalement à la période postérieure aux évènements de 1871, moment où l'annexion des provinces de l'Est avait jeté environ 125.000 âmes sur les routes de l'exode.
              Certains de ces émigrants avaient pris le chemin de la colonie nord-africaine où le gouvernement français mit 100.000 hectares de terres à leur disposition.
              Ceux qui ne voulaient pas vivre sous le joug prussien vinrent en Algérie, y trouvèrent des terres et une maison ainsi que des aides, à la fois matérielles et financières : c'était l'ère de l'émigration patriotique.

              Cette perception plus que mythique fait toutefois abstraction de la première migration antérieure à 1871 pendant laquelle plusieurs milliers d'Alsaciens et de Lorrains avaient déjà foulé le sol algérien pour y faire souche : un mouvement quantitativement plus important que celui postérieur à 1871, généré par des facteurs à priori différents de ceux qui avaient motivé l'exode de 1871.
              Ce mouvement se caractérise par des arrivées irrégulières, constamment rythmé par l'impact des facteurs socio-économiques, inhérents à l'histoire des régions d'origine et par la progression cadencée de la colonisation française en Algérie, chaotique puis organisée : un mouvement cependant perpétuellement concurrencé par " le rêve américain ".

Le rôle dominant du facteur démographique

              Les départs du sol natal furent liés à des facteurs anciens, à dominante démographique, générant par la suite une série de causes de nature économique et politique. Ainsi :
              - l'excédent de population,
              - les calamités naturelles,
              - les revers de l'industrialisation,
              - la rigidité des traditions d'une société excessivement terrienne,
              - l'effet stimulant des convois étrangers en transit,
              - l'espoir d'une vie meilleure, " le rêve américain en Algérie ", motivèrent-ils, conjointement ou successivement l'exode vers l'inconnu.


              L'essor démographique des deux régions frontalières avait provoqué une augmentation de la densité de population pendant la première moitié du XIXe siècle. Elle fut très forte surtout en Alsace où elle ne cessa de s'élever régulièrement au-dessus de la moyenne nationale, passant :
              - par le Bas-Rhin de 96,8 habitants au km2 en 1801 à 129,1 en 1851,
              - et pour le Haut-Rhin de 74,8 en 1801 à 120,2 en 1851.


              La moyenne française s'éleva pendant cette même période de 50,9 à 66,5 habitants.
              Les variations furent moins importantes en Meurthe et en Moselle mais très concentrées pendant une période de 25 ans (1821 à 1846) durant laquelle la densité s'éleva de 70,1 à 83,4 en Moselle et de 62,4 à 73,4 en Meurthe.
              Cette hausse de la première moitié du XIXe siècle et les revers de l'industrialisation fut à l'origine de nombreux départs enregistrés pendant cette période.

              Dans les deux régions, l'agriculture était restée l'activité principale dont on tirait encore l'essentiel des revenus, malgré une augmentation progressive des activités industrielles.
              Dans une société excessivement terrienne, de nombreux journaliers vivaient difficilement grâce à un petit lopin de terre d'une superficie souvent inférieure à 10 ares en raison du morcellement excessif de la propriété.
              Le mode de dévolution des biens imposants le parage égal entre les héritiers avait provoqué la dispersion des biens et la dislocation de l'exploitation familiale.
              Les crises de subsistances surgissant dans un tel contexte ne firent alors qu'aggraver la situation des plus pauvres.
              Le rythme de la production agricole n'ayant pu suivre celui de la croissance démographique, les deux régions connurent plusieurs périodes de disette et de famille entre 1830 et 1870.

              Les calamités naturelles :
              - hiver rigoureux en 1830 et 1840,
              - mauvaises récoltes de 1846 et 1847 et jusqu'en 1854 dans le Nord de l'Alsace,
              - crue du Rhin en 1852 puis
              - sécheresse jusqu'en 1859),
              - l'application rigoureuse des règlements forestiers (l'application du code forestier de 1827 avait surtout engendré des retombées catastrophiques dans les arrondissements du Nord Sarrebourg, Saverne et Wissembourg) interdisant l'enlèvement des feuilles mortes et le parcours des bestiaux,
              - les diverses crises de surproduction dans l'industrie,
              - l'incapacité de cette dernière à répondre aux demandes d'emplois furent autant de raisons qui poussèrent les habitants vers l'exode, surtout en Alsace.

              En Lorraine le taux d'émigration fut plus faible, malgré les crises ; ici l'émigration n'eut pas ce rôle de régulateur comme dans l'Alsace voisine.

              Cependant, si la pression démographique et les diverses crises économiques furent les stimulants essentiels du mouvement migratoire en ce début de siècle, il ne faut pas négliger le phénomène de contagions engendrés par les convois suisses et allemands en transit.
              Par un effet inévitable de l'exemple, par mimétisme, les Alsaciens et les Lorrains, originaires surtout du Nord, se joignirent aux émigrants d'Outre-Rhin qui faisaient route vers l'Amérique.
              Les départs quelquefois massifs de certaines contrées alarmèrent les autorités locales, prêtes à se mobiliser pour réorienter le mouvement vers l'Algérie, dans le but de conserver à la France une partie de sa population (T. Achard notaire et maire de Hochfelden fut l'un des premiers à attirer l'attention des autorités sur la question et à proposer un projet de colonisation en Algérie)
              Le succès de ce projet varia selon les années et les efforts entrepris par le gouvernement français.

              L'Algérie profita très favorablement du flux migratoire de 1842 à 1845 et de 1851 à 1855, deux périodes pendant lesquelles les autorités avaient matérialisé leur aide par de multiples avantages.
              Cependant, le " rêve américain " concurrença fortement le " rêve algérien " et attira dans l'ensemble, bien plus d'émigrants.

Une prédominance alsacienne

              La multiplicité des causes de départ engendra une périodicité du mouvement, ainsi qu'une disproportion dans la répartition géographique des départements concernés.
              La prédominance alsacienne fut incontestable et plus particulièrement celle du département du Bas-Rhin, sauf année exceptionnelle.
              Les migrations se sont régulièrement amplifiées lors des crises locales graves, provocant les départs selon l'aire économique atteinte : la corrélation est très étroite. Une première grande période débuta après 1838 et atteignit son paroxysme entre 1843 et 1847 :
              - crise frumentaire de 1838,
              - crise du coton de 1839,
              - hiver rude de 1840,
              - vendanges médiocres de 1843,
              - ralentissement du commerce en 1843,
              - maladie de la pomme de terre de 1845 à 1847,
              - fermeture des manufactures entre 1844 et 1846, surtout dans le textile.


              Suivit une phase d'accalmie jusqu'en 1851 durant laquelle les départs se restreignirent sans toutefois s'arrêter.
              A partir du second semestre 1851, ils furent de plus en plus nombreux et ce, jusqu'en 1855 :
              - Crue du Rhin de 1852,
              - sécheresse jusqu'en 1859,
              - ouragan sur le vignoble en 1853,
              - hiver doux et retour du froid pendant la floraison de 1854.

              Puis le mouvement se ralentit considérablement jusqu'en 1871.

              Selon les diverses sources réunies, on peut estimer qu'à cette date, l'Algérie avait accueilli au moins 25.000 émigrants originaires de 4 départements :
              - Meurthe, Moselle, Haut-Rhin, Bas- Rhin.
              En approchant ces chiffres à ceux de la population française de la colonie à différentes époques, nous constatons toute l'ampleur de cette émigration d'avant 1871, comme le démontre le tableau suivant :
              La population alsacienne et lorraine en Algérie rapportée à la population française de 1845 à 1866.
              - 1845 14,06%
              - 1851 21,13%
              - 1856 23,64%
              - 1866 19,71%

              Source : calculs effectués d'après V.Demontès : l'Algérie économique, Alger, 1823, tome 2.

              Il faut toutefois relativiser les chiffres contenus dans ce tableau en raison d'un manque d'information concernant le nombre exact de départs pour les quatre départements concernés, pour toutes les années.
              De surcroît le calcul de ce pourcentage omet de prendre en compte le taux de mortalité encore très élevé parmi ces populations.
              Malgré ces absences, on ne peut faire abstraction d'un fort taux de représentativité entre 1845 et 1860.
              Pendant ces années, ce taux oscilla très certainement entre un cinquième et un quart de la population française de l'Algérie.

              Après cette date il baissa rapidement car la colonie n'attira plus ces émigrants, lesquels réorientèrent le mouvement vers l'Amérique.
              Depuis 1860 environ, l'Algérie n'offrait plus de conditions avantageuses.
              La concession gratuite fut supprimée et plus aucune aide gouvernementale accordée pour couvrir les frais d'installation.
              Tant que le gouvernement avait pratiqué l'assistanat, les Alsaciens et les Lorrains avaient choisi le " rêve algérien " car ils furent pour la plupart sans ressources.
              La cellule familiale se composa très fréquemment de nombreux enfants souvent en bas âge.
              Il arrivait qu'elle soit élargie aux ascendants et collatéraux, de sorte que la famille qui prenait possession d'une concession de 12 hectares et d'une maison de 2 pièces, comptait en moyenne entre 8 et 12 membres, sinon plus, pour un budget de 1.000 à 1.500 francs.
              Une somme dérisoire face aux besoins qu'imposait le nouveau mode de vie sur une concession aux rendements plus que moyens, sous un climat chaud exigeant une hygiène très stricte, dans un pays inconnu dont il restait à assurer la pacification.

              Une implantation au rythme de la pénétration française en Algérie.
              Leur implantation se fit néanmoins au rythme de la pénétration française dans le pays où les premiers émigrants alsaciens et lorrains étaient arrivés très tôt, un an après le débarquement de Sidi-Ferruch.
              L'histoire retient que les premiers village du Sahel ont été édifiés pour installer des colons allemands venant de :
              - Prusse rhénane,
              - de Bade,
              - du Palatinat,
              - de Bavière

              Dont le convoi aurait été détourné du Havre vers Alger en 1831, parce qu'un agent à la solde d'une compagnie américaine, après avoir recruté les émigrants et pris leur argent, les avait abandonnés sur les quai sans possibilité de retour.
              Ne pouvant les laisser plus longtemps à la charge de la municipalité du Havre, il a été décidé de les orienter vers l'Algérie.
              On ne sait d'ailleurs qui prit la responsabilité de cette décision : le gouvernement ou le maréchal Clauzel ?

              La lecture des multiples publications et récits contemporains des faits impose cependant une version différente quant aux nombres de convois arrivés à Alger dans les premières années de la présence française : il s'agirait, non pas d'un convoi unique venu en 1831, mais de plusieurs navires arrivés entre le mois de juillet 1831 et l'été 1832.

              Au mois de juillet, à l'époque des hostilités avec les Arabes, plus de 400 colons, la plupart des Allemands et destinés d'abord à l'Amérique abordèrent à Alger.
              Le baron Pichon rapporte lui aussi avoir lu dans les journaux des mois d'août et septembre 1832 que les colons expédiés cet été du Havre avaient été envoyés à Kouba dès leur arrivée …

              On a pu mettre les colons sous la tente comme le furent à leur arrivée ceux que l'on envoya en 1831 : c'est tout … Des 500 colons envoyés en 1831 et que l'on fut obligé de faire bivouaquer sur le port et de camper sous des tentes en dehors d'Alger, une centaine a péri dans les premiers mois.
              Le Moniteur algérien signale par ailleurs dans son édition du 21 juillet 1832, la venue d'un nouveau navire d'émigrants du Havre.
              Une lettre adressée au général Clauzel le 27 mai 1831 par un certain Cadary Nicolas de Petit Rederching (Moselle), explique que 150 personnes dont il avait la charge seraient désireuses de se rendre à Alger à leurs frais.
              Elles disposeraient d'un bâtiment et demandaient qu'une réponse leur soit rapidement envoyée.
              Nul ne sait ce qu'il advint de ce convoi. Vint-il effectivement à Alger ?
              Était-il le fameux convoi " détourné " de 1831 ?

              Il apparaît donc bien, au vu de ces multiples exemples, que les premiers centres de colonisation en Algérie ne devaient pas leur création à un convoi unique dérouté de sa destination première par quelque raisin rocambolesques, mais bien à une succession de navires arrivés chacun pour des motifs et selon des modalités différentes entre 1831 et 1832.
              Ainsi, Alger se trouva très vite encombrée de plusieurs centaines d'émigrants en état d'indigence, tombant à la charge de l'administration.
              Selon les actes d'état-civil, bon nombre de familles alsaciennes et lorraines fit partie de ces convois que le gouvernement installa, au début du mois de septembre 1832 dans deux villages édifiés spécialement à cet effet.

              Le choix de l'emplacement ne devait rien au hasard, l'état d'insécurité régnant dans la région imposant une localisation stratégique.
              Dély-Ibrahim était situé à 10 kilomètres d'Alger, sur un chemin de crête du Sahel, d'une altitude de 250 mètres.
              Au Nord une succession de mamelons couverts de broussailles et coupés de profonds ravins rejoignaient le littoral distant d'une dizaine de kilomètres.
              Au Sud, le camp était séparé de la plaine de la Mitidja par un terrain similaire.
              Kouba fut installé quelques kilomètres plus loin.
              Ainsi les deux villages furent protégés par leur position naturelle et placé sous les canons de troupes françaises.
              Les familles furent logées dans des baraques en bois, y suffoquant l'été et y combattant les infiltrations de pluies l'hiver, en raison de la mauvaise qualité du bois. Durant la période chaude, les colons devaient chercher l'eau potable à plus de 3 kilomètres de distance.

              Les terrains que les autorités leur avaient octroyés étaient, de surcroît, de mauvaise qualité et insuffisants (de 1 à 3 hectares par tête).
              Dix ans après la création de deux centres, leur peuplement avait régressé de 80 %. En 1835, Dely-Ibrahim compta tellement d'orphelins que le Consistoire d'Alger y fonda un orphelinat protestant.
              Après une période de déclin, le peuplement reprit de l'ampleur au moment où le gouvernement décida une réelle politique de colonisation.
              Après 1840 d'autres colons Alsaciens Lorrains vinrent remplacer leurs compatriotes décédés ou partis, réussissant plus ou moins, là où leurs prédécesseurs avaient échoué. Entre temps les arrivées n'avaient cependant pas cessé.

              Petit à petit les camps militaires autour d'Alger prirent l'allure de hameaux grâce à l'installation :
              - de commerçants, de fournisseurs,
              - de cantiniers et de quelques agriculteurs courageux.

              Ainsi plusieurs colons lorrains :
              - un débitant de boissons, un boucher, un ouvrier, deux cultivateurs,
              Vinrent s'installer, vers 1834 dans le " bazar " (il s'agissait de gourbis faits de branchages, de roseaux, de paille de marais, élevés sur deux lignes perpendiculaires à la face Est du camp, intégrés dans l'enceinte sur ordre du maréchal Clauzel en 1846 et appelé Médina Clauzel) près du camp d'Erlon, le futur Boufarik.

              Plus tard d'autres familles originaires de l'Est vinrent faire souche à Boufarik, si bien que vers 1850, le village se composa principalement :
              - d'Alsaciens, de Lorrains et de Méridionaux.
              Le camp de l'Arba fut fondé selon des modalités similaires.
              A l'origine il ne fut qu'une étape de la route d'Alger à Constantine et le passage obligé de tous les convois civils et militaires se rendant à Aumale.

              La présence des troupes pendant les dix premières années sur le territoire de l'haouch Ben Semman, avait provoqué une colonisation spontanée tout autour.
              En avril 1839, le camp regroupait 51 civils soit 12 concessionnaires, dont 7 familles alsaciennes et lorraines (34 personnes) exerçant diverses professions.
              En 1848, au moment de la création administrative du village, d'autres familles de l'Est étaient venues s'y installer et le centre prospéra très rapidement.
              El-Arrouch situé dans la province de Constantine, bivouac puis camp retranché de la colonne de fantassins du général Valée à partir de 1838, compta également des émigrants alsaciens parmi sa population civile initiale. Mais les fièvres, le choléra de 1849 et un tremblement de terre décimèrent la population et découragèrent les multiples tentatives de colonisation.

              Ces divers exemples de peuplement spontané démontrent bien l'inexistence d'un réel programme de colonisation pendant les premières années de présence française. Ainsi lorsque le gouvernement décida enfin la conquête totale, il entama une politique de colonisation par le peuplement, seul moyen selon lui, d'assurer la sécurité et la conquête.
              A cet instant le mouvement migratoire à destination de l'Algérie en provenance d'Alsace et de Lorraine prit de plus en plus d'ampleur.
              Ceux qui n'optaient pas pour l'Amérique rejoignirent les anciennes créations comme :
              - Dély-Ibrahim,
              - Kouba,
              - Boufarik,
              - El Achour et d'autres firent souches dans les centres en cours d'édification dans une zone plus ou moins éloignée des banlieues des villes comme Alger et Oran.


              Tous ces villages avaient alors le même profil : de petits îlots défensifs au milieu de vastes étendues fraîchement colonisées mais à peine pacifiées, entourés de murs ou de fossés d'enceintes et de tours défensives en forme de blockhaus en pierre. Plusieurs nouveaux villages connurent alors une forte concentration alsacienne et lorraine :
              - Ouled Fayet dans la zone médiane du Sahel,
              - Douéra et Créscia sur le plateau supérieur du Sahel, ainsi que
              - Sainte Amélie.


              Lorsque la colonisation atteignit le Constantinois et l'Oranie, les émigrants de l'Est suivirent le mouvement.
              Ils s'établirent à la Stidia et Sainte Léonie parmi les Allemands installés là par le gouvernement en 1846 ainsi qu'à Tlemcen et Sidi Bel Abbès et tous les petits centres alentours en voie de création.
              Le manque de sources ne permet pas de localiser, avec précision, leur implantation dans la province de Constantine. Mais en toute vraisemblance, il apparaît par le biais de l'onomastique (étude des noms propres) que de nombreux villages ont accueilli au moins une ou deux familles de l'Est lors de leur peuplement initial.

              Avec la IIIe République et le Second Empire, débute l'ère de la colonisation assistée. Evoquer la colonisation alsacienne et lorraine dans ce contexte vient à reposer le problème de la composition exacte des convois de " Parisiens " de 1848.
              Les travaux menés jusqu'à présent ont démontré l'hétérogénéité géographique de la composition des convois.
              Pour les quatre départements nous intéressant :
              - la Meurthe totalise le plus grand pourcentage, soit 25,4 pour mille, suivent ensuite
              - les départements du Bas-Rhin 15,9 pour mille et
              - les départements du Haut-Rhin et de la Moselle, pas plus de 3,17 pour mille

              Les actes d'état civil et les titres de concessions corroborent largement cette démonstration et permettent de situer les lieux d'établissement de ces " Parisiens de l'Est " :
              - à Millesimo, Robertville, Mondovi dans la province de Constantine,
              - à El-Affroun, Montenotte et Marengo dans l'Algérois,
              - à Fleurus, Saint-Cloud et Saint Leu en Oranie.


              Ces émigrants furent suivis quelques temps plus tard par leurs compatriotes, lesquels vinrent s'installer dans ce qu'on appela les " villages départementaux ".
              Un projet déjà ancien, qui n'avait toutefois pu se concrétiser qu'après les remous de 1848.
              En 1845, un maire alsacien avait proposé de transporter intégralement son village en Algérie. Son projet ne connut pas de suites immédiates mais fut repris par un publiciste parisien François Ducuing.
              Celui-ci avait observé, depuis les débuts de la colonisation, le développement particulier de certains villages peuplés par des éléments provenant d'une même région.
              Ainsi en recrutant les futurs colons dans le même département (pas plus de 300 familles) et en faisant contribuer ce dernier à leur installation (3.000 francs par famille). Ducuing pensait réunir toutes les chances de réussite.
              L'idée trouva audience mais les conseils généraux, quoique acquis au projet, refusèrent toute participation financière faute de ressources disponibles.
              Le gouvernement abandonnant l'idée des derniers départements entama le peuplement des villages départementaux sur ses propres fonds avec comme support, les colonies de 1849.

              L'expérience plus connue du centre de Vesoul-Benian (parrainé par le département de la Haute Saône) fait oublier cette menée avec des émigrants alsaciens et lorrains dans les villages :
              - d'Aïn Sultan, Blad Touaria et la Bourkika.

              Arrivés entre le dernier trimestre de 1851 et durant l'année 1852, les premiers colons connurent des débuts plutôt difficiles malgré l'assistance quotidienne des autorités.

              Mal informés au départ et recrutés parmi les populations les plus miséreuses, ils étaient arrivés dénudés de ressources, croyant être pris en charge tels les colons de 1848.
              Grâce à la diligence des officiers commandant les subdivisions et de la troupe, la vie sociale put cependant s'organiser.
              Les hommes furent employés aux travaux d'utilité publique et attendant la période des foins et des récoltes :
              - travaux de voirie,
              - construction des habitations …


              Malgré ces déboires et les fièvres pernicieuses de 1852, le centre compta 279 habitants (dont 51 colons concessionnaires) à la fin du premier semestre 1853, une population principalement d'origine bas-rhinoise.

              Le 16 juillet 1869, le village acquit son statut de commune de plein exercice.
              Conjointement au peuplement de Blad Touaria, les autorités procédèrent à la création du " village départemental " d'Aïn Sultan, situé sur un plateau aux environs de Milianah. Le centre fut originellement réservé aux colons du Var mais leur implantation fut restreinte.
              La cohabitation des deux communautés fut souvent source de conflits et leur mode de vie différait beaucoup.

              L'administrateur du centre jugeait les colons haut-rhinois plus travailleurs que ceux du Var plus paresseux, irrespectueux de la propriété d'autrui, voleurs et chapardeurs. En 1857 les concessionnaires avaient presque tous mis leur exploitation en valeur et, sans avoir acquis de grandes richesses, pouvaient toutefois subvenir à leurs besoins.
              D'autres centres tels Bou-Tlélifis en Oranie, sans pouvoir bénéficier de l'appellation " village départemental " n'en revêtaient cependant pas les mêmes caractéristiques en regroupant un grand nombre de colons de l'Est.

              Il est vrai qu'entre 1851 et 1855, l'émigration alsacienne et lorraine fut particulièrement élevée car le nouveau régime des concessions mis en place en 1851 et les aides octroyées, les avaient attirés en nombre vers l'Algérie.
              Tous ne purent cependant justifier la possession du capital exigé par les autorités, soit au moins 1.500 francs par famille.
              Ceux qui possédaient la somme furent admis comme concessionnaires dans les nouveaux centres en voie de création et les autres dans les colonies de 1848, au fur et à mesure des vacances.

              C'est ainsi qu'on retrouve de nombreuses familles :
              - à Mefessour, à Assi Ameur, à Fleurus, à Mangin ….
              Quelques années plus tard, la suppression des avantages consentis :
              - maison, semailles, bétail,
              Impliquait immédiatement une baisse de l'émigration vers l'Algérie au profit, une fois de plus, de l'Amérique.
              Face à ce ralentissement et pour contrer cet exode Outre Atlantique, le gouvernement prit lui-même l'initiative d'un " recrutement à l'américaine ".
              Le maréchal de Malakoff chargea le commissaire à l'émigration, Muller de passer des contrats, comme le faisaient les grandes compagnies américaines, avec des futurs colons désireux de peupler les deux villages de Bou-Ikni et Ouled Azema dans la vallée de l'oued Seguin.

              Muller fut chargé de vendre les lots de terres dont le prix avait été fixé par le gouvernement général (de 30 à 40 hectares d'une valeur de 500 à 700 francs), d'assurer le transport et l'encadrement jusqu'à destination.
              Il fallait, pour ce faire, posséder :
              - une somme de 3.000 francs ou 2.000 francs,
              - un matériel agricole et
              - des effets mobiliers.

              Un tiers du prix se réglait au comptant et une somme de 100 francs versée à titre de cautionnement ; le reste dû se réglait en deux annuités.

              Les candidats profitèrent :
              - d'une réduction de tarif sur les chemins de fer,
              - de la gratuité du passage en mer et
              - d'une franchise de 100kg de bagages.

              Le recrutement fut encourageant :
              - 32 familles moselottes,
              - 25 bas-rhinoise,
              - 9 haut-rhinoises et
              - 17 familles de Bade et de Prusse s'installèrent dans la vallée en 1862.


              Le résultat final en terme de colonisation fut cependant très médiocre :
              - Livrés à eux-mêmes,
              - ne possédant pas réellement les sommes déclarées,
              - subissant pluies et fortes chaleurs,
              - négligeant l'hygiène,
              - les émigrants se découragèrent et en 1870 seules 4 familles étaient restées concessionnaires : un échec retentissant.


              Toutefois ces multiples défections ne peuvent être enregistrées comme perte sèche en terme de peuplement, les retours au pays natal restant peu nombreux.
              Les villes attirèrent alors ceux qui avaient échoué sur leur concession.
              Il est délicat d'établir une hiérarchie exacte des aires d'attraction fautes de sources précises mais d'après les registres de décès de 1847-1848,
              - Alger, Blidah, Constantine et Philippeville
              Furent celles qui retinrent le plus grand nombre d'émigrants à cette époque.

              Entre 1850 et 1870 s'ajoutent :
              - Oran, Tlemcen, Sidi Bel Abbès, Mascara dans l'Ouest,
              - Bône et Guelma dans l'Est.

              En 1870 l'implantation alsacienne et lorraine se concentra principalement dans les deux départements de l'Oranie et de l'Algérois avec une nette domination de ce dernier.
              Les émigrants, arrivés dans le pays dans l'espoir d'y trouver une aisance que leur région natale ne pouvait plus leur garantir, firent souche malgré l'échec d'un certain nombre de concessionnaires.
              - L'installation de quelques familles dans des villages limitrophes,
              - leur pratique matrimoniale intra-communautaire et
              - la participation active des colons à la vie communale provoquèrent la formation de petites entités typiques où l'on tentait de perpétuer les traditions dans la mesure des possibilités.


              Mais lorsque le village ne disposait pas d'un établissement industriel et que l'émigrant n'était pas ou plus propriétaire, l'avenir y était incertain : l'exode rural restait la solution ultime.
              Ce fut là le plus souvent le sort des jeunes générations :
              - enfants de familles nombreuses,
              - propriétaires de petits lopins insuffisants pour subvenir à la famille qu'ils étaient en train de se constituer,
              - petits industriels en nombre excédentaires dont le village ne pouvait plus assurer la survie.


              A terme, cette évolution ne put qu'annihiler toute forme d'identité communautaire :
              - le poids des ans et des générations,
              - l'exode, l'éparpillement et
              - la forte concentration urbaine aidant.
              - Par leur venue,
              - par leur acclimatation,
              - par la multiplicités de leurs souches,

              les Alsaciens et les Lorrains représentèrent une grande part de la population française d'Algérie.

              En retenant les chiffres proposés par de Peyerimhoff pour la période postérieure à 1871 (enquête sur les résultats officiels de la colonisation de 1871 à 1895. Rapport à M. Jonnart, gouverneur général de l'Algérie, Alger 1906. 2 volumes, Peyerimhoff dénombre 1.183 familles concessionnaires regroupant environ 5.000 personnes. Son enquête omet toutefois la fraction urbanisée qu'il est délicat d'évaluer. Néanmoins on peut estimer cette seconde vague migratoire à environ 10.000 à 12.000 personnes) force est de constater que la première vague migratoire alsacienne et lorraine fut au moins deux fois plus importante, puisque nous pouvons envisager un minimum de 25.000 personnes venues dans la colonie entre 1831 et 1870.

              Le mythe de l'émigration patriotique de 1871 a trop longtemps porté ombrage aux réalités de la présence alsacienne et lorraine en Algérie, c'est-à-dire une ancienneté du peuplement et une émigration plus massive durant cette période.
              En définitive, l'étude de cette première vague permet de mieux comprendre les stimulants exacts de la migration de 1871 et d'affirmer, à terme, après comparaison des divers éléments d'études :
              - structures, origines géographiques,
              - patrimoines des deux colonats,

              Que cette dernière n'en ait fait que la continuité d'un mouvement déjà séculaire dont la destination première et privilégiée depuis des décennies était et restait avant tout l'Amérique, sauf entre 1842-1845, et 1851-1855.

              Les évènements de 1871 ne font que réactiver le mouvement car la situation sociale de l'ouvrier et du journalier de 1871 n'est guère plus florissante que trente années plus tôt, la guerre et l'annexion n'ayant pas amélioré la situation du commerce et de l'industrie en Alsace surtout.
              Le mouvement migratoire s'est ainsi tout simplement réamorcé comme par le passé : 1871 ne représente qu'une crise supplémentaire à laquelle les plus démunis souhaitaient échapper.

              Ce constat laisse donc une place infime au facteur patriotisme qui selon les écrits contemporains des faits, aurait été le seul stimulant de l'exode de 1871 vers l'Algérie. Mais étant donné que cette nouvelle crise surgissait dans un contexte politique conflictuel encore inconnu jusque-là, l'amalgame entre patriotisme et exode fut rapidement réalisé.

              N'oublions pas que la France vivait alors à l'heure de la revanche et du nationalisme triomphant maintenir et entretenir ce mythe de " l'émigration patriotique " n'était-ce pas, à la fois :
              - exorciser un sentiment de culpabilité " (la défaite),
              - démontrer l'inexistence de l'oubli (la cession d'un territoire) et
              - faire espérer cette revanche (la reconquête du territoire perdu) ?

              Ce mythe n'a-t-il pas permis, pendant un temps de souder la conscience nationale ?
Fabienne Fisher


L'Âne, le Tigre et le Lion
Envoyé par Mme Elyette
VOILA UNE PETITE FABLE QUI TOMBE A PIC ...
DANS LE MONDE ACTUEL !!!

         Un âne dit au tigre :
         - L'herbe est bleue.
         Le tigre rétorque :
         - Non, l'herbe est verte.

         La dispute s'envenime et tous deux décident de la soumettre à l'arbitrage du lion, "le roi" de la jungle. Bien avant d'atteindre la clairière où le lion se reposait, l’âne se met à crier :
         - Votre Altesse, n'est-ce pas que l'herbe est bleue ?
         Le lion lui répond :
         - Effectivement, l'herbe est bleue.
         L’âne se précipite et insiste :
         - Le tigre n'est pas d'accord avec moi, il me contredit et cela m'ennuie. S'il vous plaît, punissez-le !

         Le lion déclare alors :
         - Le tigre sera puni de 5 ans de silence.
         L’âne se met à sauter joyeusement et continue son chemin, heureux et répétant :
         - L'herbe est bleue... l'herbe est bleue...

         Le tigre accepte sa punition, mais demande une explication au lion :
         - Votre Altesse, pourquoi m'avoir puni ? Après tout, l'herbe n'est-elle pas verte ?
         Le lion lui dit :
         - En effet, l'herbe est verte.
         Le tigre, surpris, lui demande :
         - Alors pourquoi me punissez-vous ???

         Le lion lui explique :
         - Cela n'a rien à voir avec la question de savoir si l'herbe est bleue ou verte.
         Ta punition vient du fait qu'il n'est pas possible qu'une créature courageuse et intelligente comme toi ait pu perdre son temps à discuter avec un fou et un fanatique qui ne se soucie pas de la vérité ou de la réalité, mais seulement de la victoire de ses croyances et de ses illusions.
         Ne perds jamais de temps avec des arguments qui n'ont aucun sens... Il y a des gens qui, quelles que soient les preuves qu'on leur présente, ne sont pas en mesure de comprendre.
         Et d'autres, aveuglés par leur ego, leur haine et leur ressentiment, ne souhaiteront jamais qu'une seule chose : avoir raison même s'ils ont tort.

         Or quand l'ignorance crie, l'intelligence se tait.
Auteur inconnu


La Trappe et Staouéli
Envoi de M. Christian Graille

              L'établissement des Trappistes occupe un large plateau, à 6 kilomètres de Sidi-Ferruch, à 15 mètres au-dessus de la mer, qui a été le théâtre de notre première bataille en Afrique.
              Depuis son débarquement à Sidi-Ferruch, l'armée française était harcelée sans cesse par les indigènes qui, cachés derrière les broussailles, combattaient en guérillas, et préludaient ainsi à une lutte plus sérieuse.
              De part et d'autre, cependant, on était las de ces combats partiels.
              Les Arabes, concentrés sur le plateau de Staouéli, avaient reçu de nombreux renforts, et les beys, qui venaient d'arriver avec leurs contingents, pressaient Ibrahim-gha, gendre d'Hussein et généralissime, d'engager l'action.

              Le 19 juin, cinquante mille Arabes s'ébranlèrent au signal donné ; les tirailleurs ouvraient la marche, derrière eux suivaient deux colonnes profondes commandées, l'une par Ibrahim, l'autre par le bey de Constantine. - La première marchait contre la division Berthézène, la seconde contre la division Loverdo.
              Les tirailleurs devaient s'étendre à droite et à gauche, et tourner l'armée française.
              La bataille commença : les Turcs assaillirent la première division avec une telle impétuosité qu'ils pénétrèrent dans le redan, (Ouvrage de fortification de deux murs en angle saillant) occupé par la grand' garde, puis se jetèrent sur une redoute (Ouvrage de fortification isolée ) que défendait un bataillon du 28°. Pris à l'improviste, ce bataillon céda ; mais rallié presque aussitôt par le général Clouet, il chargea vigoureusement l'ennemi et reprit ses positions.
              A la droite et au centre, l'engagement fut vif, mais très court.
              Ordre avait été donné aux généraux français de ne commencer le feu qu'au moment même où les Arabes seraient à portée de fusil; cet ordre fut ponctuellement exécuté.
              Quand les troupes algériennes se présentèrent, elles furent reçues par le feu roulant de mousqueterie qui joncha le terrain de blessés et de morts.
              A trois fois différentes, cavaliers et fantassins se ruèrent avec furie contre les lignes françaises, chaque fois ils durent se replier en désordre.
              Comme ils allaient tenter une dernière attaque, le général en chef prit l'offensive : les tambours battirent la charge ; les divisions Berthézène et Loverdo s'élancèrent en avant, tandis que deux brigades de la division d'Escars se formaient en réserve en avant de Sidi-Ferruch.

              Dès ce moment la bataille était gagnée ; les Arabes, poursuivis à la baïonnette, décimés par la mitraille, abandonnèrent successivement leurs redoutes et leurs batteries ; moins d'une heure après, le camp de Staouéli était occupé par les Français. On y trouva :
              - treize pièces d'artillerie,
              - deux batteries à barbette, (la barbette est un blindage complet entourant une arme et ses servants)
              - des magasins parfaitement approvisionnés,
              - 100 chameaux et 400 tentes dressées. Achille Fillias (géographe)


              Après cette grande journée qui nous ouvrit la route d'Alger et nous assura la possession de l'Algérie, le plateau redevint désert.
              C'est treize ans plus tard, qu'un arrêté du 11 juillet 1843 autorisa les Trappistes a y fonder un établissement agricole.
              La concession comprenait une étendue de 1.020 hectares, limitée :
              - au Nord par la mer,
              - au Sud par l'oued Bridja
              - à l'Ouest par l'oued Boukara et la plaine, et
              - à l'Est par la plaine.

              La première pierre de l'établissement fut posée par l'évêque d'Alger le 14 septembre 1843, sur un lit de boulets et d'obus.
              Consacré le 30 août 1845, le couvent fut plus tard érigé en abbaye de l'ordre.

              Le monastère forme un rectangle de 50 mètres de côté ; le milieu est occupé par un jardin entouré d'un cloître à deux rangs d'arcades au rez-de-chaussée et au premier étage. La chapelle occupe toute une aile, la cuisine et le réfectoire sont au rez-de-chaussée ; les dortoirs et l'infirmerie au premier étage.
              Les murs sont couverts d'inscriptions qui rappellent le néant et les misères de la vie, et d'écriteaux qui indiquent à chaque religieux les corvées du cloître et les travaux extérieurs de la saison.
              A gauche de l'abbaye est la ferme proprement dite, grand carré de 60 mètres, avec son immense matériel et ses nombreux troupeaux. A droite est le cimetière.
              Un mur clôt l'étendue de 50 hectares, qui renferme :
              - des ateliers pour les industries agricoles,
              - un moulin, un verger,
              - les vignes, l'orangerie.


              Quand on a franchi la porte d'un avant-corps dont l'entrée est formellement interdite aux femmes, on aperçoit en avant de l'abbaye un beau groupe de palmiers qui abrite une statue de la Vierge dont le nom, sous le nom de Notre-Dame de Staouéli, est le vocable de la Trappe.

Staouéli

              Hameau à 2 kilomètres de La Trappe, à mi-chemin de Sidi-Ferruch.
              On y a amené les eaux de l'Oued-Boukara par un barrage de retenue fait au-dessus du moulin des Trappistes.
              Les eaux sont construites dans une construction en forme de marabout d'où elles sont réparties dans une fontaine qui débite 100 mètres cubes d'eau en 24 heures, et dans un canal d'irrigation qui reçoit 300 mètres cubes d'eau durant le même temps.
              A 6 kilomètres de La Trappe on quitte la route de Colée pour prendre un chemin de 3 kilomètres qui conduit à Sidi-Ferruch.
              Une inscription placée sur une petite pyramide élevée par le génie militaire, à la rencontre des deux routes, indique au voyageur le chemin à prendre.

Sidi-Ferruch

              C'est une pointe, à 25 kilomètres d'Alger, s'avançant de 1.100 mètres dans la mer. C'est dans la baie que l'armée française débarqua, le 14 juin 1830.
              A l'extrémité septentrionale de la presqu'île, sur le point culminant d'une colline, s'élevait :
              - alors une tour carrée, désignée par les Espagnols sous le nom de Torre chica (petite tour), et
              - le tombeau d'un marabout Sidi Fredj dont la mémoire est en grande vénération parmi les indigènes.
              - On croyait cette position bien défendue ; mais les Arabes, dont les connaissances pratiques en fait de stratégie étaient à l'état rudimentaire, avaient mal conçu et mal organisé leur résistance.

              Au lieu d'établir sur le monticule un système de fortifications armées d'artillerie, ils s'étaient groupés dans le camp de la Yasma à un kilomètre du littoral, derrière deux redoutes qui défendaient le chemin d'Alger.
              Cette faute grossière permit à la flotte de pénétrer sans encombre dans la rade de Sidi-Ferruch le 13 juin 1830.

              Le débarquement eu lieu le lendemain : Il commença au lever du soleil, les brigades se suivant par numéros d'ordre.
              Dès qu'elles eurent abordé la plage, les troupes d'infanterie se formèrent en colonnes et se portèrent en avant.
              Tandis que la compagnie de mineurs allait prendre possession de la tour Torre chica, abandonnée la nuit précédente par la garnison turque.
              Les Algériens commencèrent le feu et leur artillerie, que servaient d'habiles pointeurs, causa tout d'abord quelque désordre. Il fallait la réduire : la première division (général Berthezène) se porta rapidement sur les redoutes et les enleva avec une impétuosité sans égale.
              Les Turcs, culbutés sur tous les points, s'enfuirent vers le plateau de Staouéli, laissant au pouvoir des vainqueurs onze canons et deux mortiers. Notre perte se bornait à 35 hommes tués ou blessés.

              Le village actuel de Sidi-Ferruch a été créé le 13 septembre 1844 en vue d'une population de pêcheurs et de jardiniers maraîchers.
              Des pêcheurs bretons y furent en effet établis au début, avec leurs femmes et leurs familles, et, pendant quelque temps, la pêcherie locale approvisionna les centres voisins, Alger particulièrement :
              - de sardines salées,
              - de poissons frais et
              - d'huîtres qui, jusqu'alors, n'arrivaient que des Baléares ou de l'océan.


              Mais, peu à peu, la population a diminué, et aujourd'hui on y compte guère que des cabaretiers, dont l'existence a été assurée par la clientèle des ouvriers civils et militaires employés à la construction de l'immense caserne-citadelle qui couronne le sommet de la presqu'île, et qui peut contenir 2.000 hommes.
              La porte monumentale du fort est surmontée de trophées dus au ciseau de M. Latour d'Alger et au milieu desquels on lit gravée sur une plaque de marbre, une inscription qui rappelle l'expédition de 1830. Cette inscription est ainsi conçue :
Ici
le 14 juin 1830
Par l'ordre du roi Charles X
Sous le commandement du général de Bourmont
L'armée française
Vint arborer ses drapeaux,
Rendre la liberté aux mers,
Donner l'Algérie à la France.

              On voit à Sidi-Ferruch les ruines d'une église consacrée à saint-janvier, et dont il ne reste plus qu'une mosaïque, le baptistère et l'abside. La découverte de nombreux débris de poteries prouvent incontestablement qu'un établissement romain a occupé la presqu'île.

              Dans les premiers jours de janvier 1846, Mgr Dupuch, premier évêque d'Alger, a découvert, non loin de ces ruines, au bord de la mer, la massue hérissée de pointes de fer, instrument du supplice de Saint Janvier et le vas sanguinis (vaisseaux sanguins) de ce martyr, sacrifié vers l'an 410, ainsi que le témoignait une inscription fruste en mosaïque, placée sur ses restes, recueillis en cet endroit.
              Du marabout de Sidi-Ferredj on a fait une chapelle sous le patronage de Notre-Dame-de-Délivrance.
              Il y a six puits dans les lignes du camp, qui fut tracé sur un développement de 800 mètres pour isoler la presqu'île, à l'époque du débarquement des Français.
              Des sources obstruées par le sable se trouvent aussi sur la plage.
              De juin à septembre il se forme du beau sel sur les rochers du rivage.
              A l'Ouest, sur les bords de l'oued Bridja, on recueille une excellente terre plastique propre à la fabrication de la poterie.
Le domaine de la Trappe dont l'histoire est unique en Algérie et un exemple de l'œuvre agricole menée, par la France dans ce pays.


PHOTOS de CLAIREFONTAINE
Envoyé par diverses personnes


RUE DE LA GARE




ECOLE






GENDARMERIE






VUE GENERALE






LA POSTE






SORTIE ECOLE




LES LOISIRS
Par M. Bernard Donville
                Chers amis,

            Continuons de prendre l'air ce qui ne peut être que décontractant en cette période de potinisation!
            Nous voici sur les hippodromes au contact de monstres d'aciers plus ou moins tarabiscotés à la place des canassons. Vous découvrirez , peut être que l'évolution de l'aviation fut aussi rapide qu'en métropole.
            Et puisque nous sommes à l'air libre restons y mais avec un ballon aux pieds et gloire à ces magnifiques stades ! Etb pourquoi pas aux premières footballeuses .

            En ces instants où tout est fait pour nous rappeler des instants d'exode où je ne comprends pas que l'on dise c'est mal de Poutine mais c'était pas mal de D.G?je vais vous ramener vers des spectacles en salle ( c'est mieux quand il pleut).
            Une première catégorie concerne les casinos qui ne pouvaient qu'avoir du succès par l'attrait des jeux d'argent sur les populations méditerranéennes. Souvent y étaient associées des salles de spectacles.
            Et ensuite je vous propose les théâtres. Je ne me suis cantonné qu'à ceux de nos trois grandes villes: Alger,Oran et Constantine. J'espère que je pourrais émouvoir certains d'entre vous qui les ont connus .
            Amitiés, Bernard
Cliquer CI-DESSOUS pour voir les fichiers

LOISIRS 5

LOISIRS 6

A SUIVRE



Tout chose

De Jacques Grieu


       La chose est singulière : hier, en me quittant,
       (Et ça, c'est quelque chose !), on put voir mon client,
       Me dire en s'inclinant : " Bien des choses chez vous ".
       Tout chose en suis resté ! Quelles choses ? Et … " chez nous " !
       Comment prendre la chose ? Quelle est la dite " chose " ?
       Creuser le fond des choses où gît le pot aux roses ?
       J'aime assez bien le mot, mais la chose, qu'en dire ?
       Sur la chose, chez moi, on va surenchérir …
       Car le mot et la chose à tout bien réfléchir,
       On en dit, on en fait, il ne faut pas mentir !
       La chose sur les toits je vais donc la crier ;
       Les choses par leurs noms, osons donc les citer !

       La chose est entendue, je prends les choses en main ;
       En toutes choses il faut considérer la fin.
       Prendre la chose à cœur serait donc mal venu.
       Mais la chose promise est-elle toujours due ?
       Car si, à quelque chose, un malheur était bon,
       Aux choses bienheureuses, il faudrait dire non.
       La rareté des choses en donne tout le prix,
       Chaque chose a sa place : aux vaches on sacrifie !
       Le lait est une chose, et son prix est une autre …
       La chose est trop aisée d'être le bon apôtre !
       S'il vous suffit d'un rien, pas besoin de grand-chose ;
       Qui vit content de peu, possède toutes choses …

       La vie est-elle chose à prendre au sérieux ?
       Les choses d'ici-bas nous rendent-elles heureux ?
       Plus ça change ou moins change et plus c'est même chose.
       A peu de choses près, on a chacun sa dose.
       C'est un état de chose et qui n'est pas grandiose.
       Ce nom-là, de la chose, excite fort la glose !
       N'y rien faire, à la chose, en parlant choses et autres ?
       La chose est d'importance, où l'on sait qu'elle est nôtre …
       De deux choses, une ou l'autre : ou l'on a peur du mot,
       Et pour faire la chose , on retient tout propos.
       Ou bien " chose " vous plaît et le mot vous motive,
       Jusqu'au jour où les ans, de la chose vous privent.

       De la chose, voyez, je ne suis pas censeur,
       Mais " vous dis bien des choses " ; ou chez vous ou ailleurs …


Jacques Grieu                  




AFRIQUE SEPTENTRIONALE.
Gallica : Revue de l'Orient 1846-3, pages 112 à 118
MINES DE FER DES ENVIRONS DE BONE.
Aspect physique de la contrée.

         Un massif considérable de montagnes s'étend du cap de Fer au cap de Garde, et, à partir de ce dernier cap, il forme, en s'élevant graduellement dans la direction du nord-est au sud-ouest, la chaîne de l'Edough, dont les cimes atteignent au Bousici (Bou-Zizi) près de 1,000 mètres de hauteur. En continuant à marcher au sud-ouest à partir de ce point culminant, la chaîne s'abaisse successivement, et les Djebel-Beïda et Bellouth, qui en forment le prolongement sur la rive septentrionale du lac Fetzara, ne sont plus que des monticules élevés. A leur suite s'allonge un dernier groupe de mamelons qui vont contourner la rive occidentale du lac et se confondre avec la plaine, en un point situé à l'est du Djebel-Safia.

         Le pied méridional et oriental de ce grand massif est bordé par une plaine immense qui, sous des noms différents, s'étend depuis les Guerbes jusqu'à La Calle, s'enfonçant vers l'ouest-sud-ouest, pour former la plaine au fond de laquelle est le Fondouk de Aïn-Skikda. Ainsi, la plaine arrosée par l'Oued-Radjeta, celle où coule l'Oued-Sahnendja, celle du lac Fetzara, des Karéza, de Bone, de Dréan, des Beni-Ourdjin, des Oulab-Dieb, ne présentent, a vrai dire, qu'une seule plaine, quelquefois accidentée par de petits soulèvements, comme les monts Bou-Amra et le mamelon d'Hippone, ou par un chaînon à peu près parallèle à l'Edough, comme tes monts Belélita, mais dont toutes les parties communiquent entre elles par de larges dentés ceux-ci maintiennent l'unité de ce vaste champ, dont les premiers gradins de l'Atlas bordent la lisière méridionale, et qui n'a pas moins de 150 à 200 lieues carrées de terre cultivables.

Constitution géologique.

         Les soulèvements de l'Edough ont déterminé le relief de la contrée dont on vient d'esquisser le panorama. Pour ne pas donner trop d'étendue à ce travail, on bornera les détails géographiques à la région dont les roches encaissent immédiatement les gîtes métallifères qu'il s'agit plus particulièrement ici de faire connaître.
         Si l'on part du cap de Garde, qui présente de nombreuses traces de dislocation, et que l'on s'avance au sud-ouest, on marche sur les tranches de bancs de gneiss et de micaschistes, qui forment entièrement la pointe de ce cap. On n'observe guère, entre les bancs successifs, d'autre différence que ce qui résulte de la proportion du mica, proportion qui est considérable dans plusieurs. Bientôt on atteint une couche chargée de grenats, et cette couche de micaschiste grenatifère appelle l'attention, non-seulement parce qu'en ce point elle sert immédiatement d'appui à un banc de calcaire-marbre, mais parce que, sur un grand nombre d'autres points, elle forme avec le calcaire-marbre et. le fer oxydulé une association remarquable par sa constance.

         La commencent les bancs calcaires qui alternent trois fois avec les roches micacées avant d'arriver à l'énorme banc du même calcaire-marbre sur lequel s'élève le Phare de Bône. Au pied de ce phare, et sur le versant qui regarde le sud-est, le calcaire-marbre renferme entre ses bancs des masses irrégulières de serpentine d'un vert foncé, présentant une multitude de petites aiguilles, tantôt droites et formant faisceau, tantôt contournées, et, le plus souvent, entrelacées en tous sens.

         Tout cet ensemble est dirigé du sud-est au nord-ouest, et est, en général, sensiblement vertical; quand il y a une légère inclinaison avec la verticale, c'est vers le sud-ouest qu'elle a lieu. Cependant, en s'éloignant de la pointe du cap, et longeant le rivage qui regarde le nord-ouest, on trouve des inclinaisons au nord-est.

         On voit comment, avec une pareille direction, les couches vont, de chaque côté du cap, présenter leurs tranches aux érosions de la mer, et, pour le dire en passant, c'est du lavage des bancs du micaschiste grenatifère, dont on vient de parier, que provient évidemment cette abondance de petits grenats roulés qu'on remarque dans les sables du rivage, depuis le cap de Garde jusqu'à Bone et au-delà. Sur quelques points, notamment à l'anse des Caroubiers, ces sables prennent une couleur noire très-prononcée, parce qu'ils renferment une proportion notable de fer titané, qu'on en sépare aisément avec le barreau aimanté.

         Les calcaires coquilliers, qu'on exploite sous le nom de pierres du fort Génois, recouvrent, sur plusieurs points du cap de Garde, en bancs horizontaux, les tranches des couches cristallines redressées. Ces roches se forment par la solidification des sables de la mer, fait analogue à celui que Saussure et Spallanzani ont observé dans le détroit de Messine, auprès du gouffre de Carybde.
         A l'ouest et au sud-ouest du fort Génois, on remarque une grande abondance de quartz, et, arrivé à la pointe des Caroubiers, le gneiss change complètement d'aspect. Le feldspath, le quartz et le mica sont disposés par bandes noires, de telle sorte qu'on a une roche zonée de noir et de blanc avec une régularité vraiment remarquable.

         En approchant de Bone, quand on arrive aux monticules sur lesquels sont élevés le Feu de côte et un marabout, on trouve de nouvelles alternances de micaschiste et de calcaire, mais d'un calcaire grisâtre ou blanc zoné de bandes grises. Plusieurs fours à chaux sont établis au bord de la mer, sur cette couche qui forme en partie le mamelon du marabout et se prolonge dans le monticule au sommet duquel est la kasbah. A la porte de cette citadelle, on voit très-bien le calcaire recouvrir le micaschiste grenatifère, à grandes lamelles de mica très-brillantes, et à grenats dont les cristaux dodécaédriques sont moins altérés que ceux d'aucun autre point que l'on connaisse dans ces montagnes. Au nord de la kasbah, et à un niveau inférieur, ces roches disparaissent pour faire place à d'énormes masses d'amphibolite verte, parsemée de grenat amorphe. Ici la direction des couches est bien différente de celle qui vient d'être signalée au cap de Garde. Les bancs sur lesquels repose la kasbah sont dirigés nord-sud et plongent à l'est. Telle est aussi l'inclinaison générale qu'on observe dans la partie de l'Edough qui avoisine Bone.

         Les roches de cette chaîne sont celles qui ont été déjà nommées; seulement, ça et là, des roches pyroxéniques et amphiboliques se font jour, sans paraître occuper de grands espaces.
         En continuant à s'avancer au sud-ouest, on observe, vers l'Oued-Zied, les micaschistes plongeant tantôt au sud-sud ouest, tantôt au sud-sud-est, et dans le défilé qui conduit de la plaine des Karésas à la plaine du lac Fetzara, les couches de ces mêmes roches affectent, en des points très-voisins, des directions qui sont presque à angle droit. Ainsi, à une centaine de mètres de distance, on trouve, direction est, 10° nord ; à l'ouest, 10° sud ; inclinaison sud, 10° est ; et direction nord, 16° ouest ; au sud, 16° est inclinaison est, 16° nord.

         Il faut aller au-delà de l'Edough, et jusqu'à la rive droite de l'Oued-el-Aneb, pour observer un changement de terrain. Les montagnes qui forment la rive droite de cette charmante vallée, au moins jusqu'à la hauteur de l'espèce de plaine dans laquelle on débouche par le défilé des Voleurs, sont entièrement composées de grès qui se prolongent jusqu'au mamelon de Sidi-Abd-el-Dahar, grès parfois très-ferrugineux, comme au Kef-Lakal.

         Au contraire, la rive gauche de l'Oued-el-Aneb est bordée, sauf un fait à intervalle, de monticules composés de marbre tantôt parfaitement blanc, tantôt nuancé de diverses teintes grisâtres ou jaunâtres, dont les bancs puissants sont subordonnés à des bancs plus puissants encore de micaschistes grenatifères. C'est à ce massif, qui sépare l'Oued-el-Aneb de la plaine du lac Fetzara, qu'appartiennent le Djebel-Bellouth et le Djebel-Beïda, dans lesquels apparaissent, au bord de la plaine, des masses de fer oxyduté.

         La grande plaine qui est au pied de l'Edough, et qui s'étend, vers l'est, jusqu'aux montagnes des Merdes, n'est interrompue que par le mamelon d'Hippone, les monts Bou-Hamra et le petit chaînon des Belélita, ensemble de monticules séparés les uns des autres par de larges défilés, et dont le point le plus élevé, qui est dans les monts Belélita, atteint à peine 170 mètres. Ce petit groupe peut être considéré comme le premier gradin de l'Edough. Il est composé de gneiss, de micaschistes souvent grenatifères et de calcaire-marbre.

         Dans le mamelon d'Hippone, des carrières ouvertes par les Romains montrent la superposition du calcaire-marbre sur le gneiss, et, vers le contact des deux roches, le gneiss est légèrement effervescent.
         La direction générale des couches de la Belélita est de l'est-nord-est à l'ouest-sud-ouest ; celles-ci sont ou verticales ou fortement inclinées au sud-sud-est. Partout le micaschiste grenatifère est en contact avec le calcaire-marbre, qui encaisse trois couches de fer oxydulé, dont une, celle du milieu, est la plus apparente, et peut être suivie d'un bout à l'autre de la Belélita, et même depuis la Seybouse jusqu'au lac Fetzara, c'est-à-dire sur un développement de 15 à 16,000 mètres. La direction et l'inclinaison de cette couche du milieu sont les mêmes que celles des roches qui l'encaissent ; ses nombreux affleurements dénotent une puissance dont le minimum parait être de 5 mètres près de la fontaine de Aïn-Zamits, à l'extrémité ouest-sud-ouest de la Belélita. Le calcaire-marbre, qui forme le toit et le mur de la couche ferreuse, plonge de 28 à 30° au sud, et est immédiatement recouvert par des grès qui forment une partie du versant sud de la Belélita, la partie de cette montagne qui, vers le lac Fetzara, regarde la plaine de Dréan.

         Les monts Bou-Hamra, complétement séparés de la Belélita par le large défilé dans lequel coule la Meboudja, présentent une composition identique mais on dirait qu'ils ont été rejetés vers le nord. On y observe des directions du nord-est ou sud-ouest, par exemple, sur tes couches de marbre qui affleurent devant la porte de la ferme Jantel, et même plus généralement, des directions du nord-nord-est au sud-sud-ouest. Du reste, les inclinaisons sont toujours ou au sud-est ou à l'est-sud-est. L'association du micaschiste grenatifère avec le calcaire s'y montre avec la même permanence que sur les autres points, et c'est au contact de quelques-uns de ces bancs que l'on observe les affleurements des couches de fer magnétique. Parfois le calcaire est injecté d'oxydulé dans le voisinage des couches de minerai, et, sur un de ces points injectés, le calcaire a présenté de la serpentine tout à fait identique à celle que renferme le calcaire du phare au cap de Garde.

Coup d'œil historique sur les mines de Bône

         Les riches minerais de Bou-Hamra, de la Belélita et des montagnes situées au nord du lac Fetzara, ont été, à une époque recule, exploités et traités sur place. L'emplacement où est construite aujourd'hui la vitre de Bone a été le siège de plusieurs usines de fer. En 1844, on a trouvé des scories anciennes dans le sol de plusieurs rues, et l'on a appris depuis que les fondations d'une maison de la ville avaient été creusées au milieu même d'un monceau de ces scories. Mais en dehors de ces indices, qui ne sont pas d'une vérification facile, on peut citer onze points différents où des masses de scories ne laissent aucun doute sur l'ancienne existence d'usines placées dans le voisinage des beaux gisements que l'on vient d'indiquer.

         Ces points sont :
         1° Près d'Hippone, dans un champ qui est au pied de l'atelier des condamnés et qui borde la route de Constantine les scories y étaient si abondantes, disait un paysan de cette localité, que la charrue ne pouvait pas avancer ;
         2° Au milieu de la plaine des Karézas, juste au nord d'un marabout qui est au pied de la Belélita en ce point, des ruines remarquables, paraissant avoir appartenu à un appareil métallurgique, sont entourées d'une masse de scories ;
         3° A quelques centaines de mètres à l'ouest-nord-ouest du point précédent, une grande quantité de scories se trouvent auprès de ruines analogues aux précédentes, mais bien plus dégradées ;
         4° Autour du marabout de Sidi-Ahmed-Bel-Hadj, près du monticule qui forme le dernier anneau de la petite chaîne de la Belélita, vers le lac Fetzara, le sol est jonché de scories ;
         5° Sur le bord oriental du lac Fetzara, en face du défilé des Karézas, un petit mamelon isolé est entièrement composé de scories anciennes, et, tout près de lui, on remarque trois masses circulaires formées de couches superposées, un peu élevées au-dessus du sol et qui, par leur composition, semblent avoir appartenu aux fonds des bas foyers dans lesquels les anciens traitaient le minerai, dont on trouve, du reste, de nombreux fragments au milieu des scories ;
         6° Sur la rive droite de l'Oued-Zied près du point où ce ruisseau débouche dans la plaine du lac Fetzara, le lit que s'est creusé le ruisseau permet de constater l'existence d'une certaine épaisseur de scories ; dans le champ qui borde cette rive droite de l'Oued-Zied on voit des fragments de minerai parmi les scories ;
         7° A l'angle nord-ouest de ce qu'on appelle le Jardin du Dey, grand verger de figuiers situé au bord de la plaine et au pied de l'Edough non loin de l'Oued-Zied (Où il y a un autre jardin du Dey sur celui des versants de la Belélita qui regarde la plaine des Karézas c'est aussi un verger de figuiers.) : là de nombreux fragments de minerai sont mêlés aux scories ;
         8° Autour de la fontaine de Aïn-Mokra, on peut recueillir d'énormes échantillons de scories ;
         9° Sur le versant du sud-ouest, et près du mamelon élevé de Sidi-Abd-er-Bou, entre la plaine du lac Fetzara et la vallée de l'Oued-el-Aneb ;
         10° Sur le mamelon au sommet duquel est le marabout de Sidi-Abd-el-Dahar, le dernier des mamelons qui bordent la rive droite de l'Oued-el-Aneb :
         11° Au sommet du mamelon de Oum-Etteboul, situé un peu au nord du précédent, on trouve une abondance extraordinaire de scories et de fragments de minerai disséminés pêle-mêle à la surface du sol.
         On remarque, auprès de cet amas de scories et de minerai, une grande dépression qui regarde le sud-ouest, et qui pourrait bien être le point où se faisait l'extraction du minerai.

         On ne peut mettre en doute que l'on découvrira encore d'autres emplacements d'anciennes usines. Sur tous les points, le minerai mêlé aux scories est du fer oxydulé ; sur tous les points ces scories ont le même aspect elles sont généralement magnétiques, très-pesantes et noires; on y remarque çà et là de petites crevasses arrondies ; la surface qui touchait le sol sur lequel elles ont coulé est mate, et la surface supérieure, qui est lisse, présente parfaitement tous les caractères d'une fluidité plus ou moins pâteuse. Quelques échantillons ont une teinte rougeâtre qui indique la présence d'un peu de titane.

         La composition de ces scories, leur aspect, leur richesse, tout indique qu'elles proviennent d'un travail très-imparfait, tel que celui qu'on pratiquait dans les forges à bras, antérieurement au XV° ou au XVI° siècle, c'est-à-dire antérieurement à la découverte des hauts-fourneaux. On retrouve les traces de cet ancien travail sur beaucoup de points de l'Europe, et, vraisemblablement, il est encore pratiqué dans toute sa grossièreté par les Kabyles des environs de Bougie.

         A quelle époque remonte ce travail du fer dans la province de Bone?

         Il est postérieur au premier siècle de l'ère chrétienne car d'une part, on ne s'expliquerait pas que Pline ne citât pas la Numidie, lorsqu'il énumère tous les points où il connaissait l'existence du fer magnétique; et que, d'une autre part, il dit si formellement "La Numidie ne produit rien de remarquable, si ce n'est le marbre numidique et les bêtes féroces."

         Ces deux passages, rapprochés l'un de l'autre, ont fait longtemps douter que les scories trouvées aux environs de Bone remontassent à l'époque de la domination romaine ; mais aujourd'hui que, sur onze localités qui sont connues, il y en a six ou sept où les amas de scories entourent des ruines évidemment romaines, il n'est plus permis d'avoir de doute à cet égard, et le langage ou plutôt le silence de Pline ne semble prouver qu'une chose, c'est que la découverte des mines de fer magnétique de la Numidie fut postérieure à l'époque où vécut ce savant naturaliste.

         L'hésitation était d'autant plus motivée, que deux auteurs arabes parlent de ces mines dans des termes qui peuvent faire supposer qu'elles étaient exploitées de leur temps. " Bone, disait Ibn-Haucal, en l'an 360 de l'hégire "(971 de J. C.), possède plusieurs mines de et des champs où on cultive le lin. Cette manière de s'exprimer donne l'idée de mines qui étaient très-rapprochées de Bone, et de mines en activité. "La ville de Bone, disait encore Edrisi au XII° siècle, est dominée par le Djebel-Yadoug ( l'Edough ) montagnes dont les cimes sont très-élevées, et où se trouvent des mines de très bon fer.

         Ce langage si explicite sur la qualité du fer que donnaient les mines de l'Edough, semble indiquer qu'elles étaient encore traitées de son temps, puisque le résultat de ce traitement lui était connu. Il semble dire aussi que c'est dans la partie élevée de la chaîne de l'Edough que se trouvaient les mines qu'il désigne. S'il en est ainsi, il reste encore un certain nombre de gisements à retrouver, et il est facile présent d'indiquer dans quelle direction il faut les chercher;car, dans tout ce qui est reconnu, les couches se suivent avec une admirable régularité.
Fournel
Ingénieur en chef des mines, en Algérie.


MÉMOIRE DE LA GUERRE D’ALGÉRIE
LES PIEDS-NOIRS, GRANDS OUBLIÉS

              Petite-fille de Pieds Noirs, j’ai baigné dans leur mémoire meurtrie, mais fière. Une mémoire que le lycée, puis les études, n’ont cessé de salir, faisant de mes grands-parents des racistes tortionnaires et responsables d’un génocide.

               Comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron travaille à restaurer la mémoire des harkis. Cette mémoire, celle de ceux qui ont combattu pour la France et les Français, est légitime. Emmanuel Macron est aussi ce président qui, alors qu’il n’était encore que candidat, a qualifié la colonisation de crime contre l’humanité. Quel crachat au visage de ces Algérois qui ont tant fait pour l’Algérie française !

               On m’a plusieurs fois dit, au cours de mes études, que les Français torturaient les Algériens, mais ce sont mes grands-parents qui m’ont appris que ces Algériens arrêtaient des voitures et égorgeaient leurs occupants, ou posaient des bombes dans les marchés. Ce sont eux qui m’ont raconté les fermes modernes, les exploitations, les maisons, les immeubles que leurs familles construisirent. Ce sont eux et leurs amis qui m’ont raconté que là-bas, les Pieds-Noirs payaient l’école de leurs enfants, mais aussi celle des enfants algériens.

               Malgré la sueur et le sang versé, on s’obstine, en politique, dans nombre d’ouvrages d’histories et dans leurs prolongements que sont les manuels scolaires, à peindre les Pieds-Noirs dans des couleurs sombres et sans nuances. Un tel mensonge serait déjà inacceptable si ces derniers n’existaient plus. Or, ils sont toujours là. Ils souffrent quand on les accuse d’avoir commis un génocide, ou quand leurs petits-enfants leur expliquent ce qu’ils ont appris à l’école. Alors ils parlent, parce qu’ils ne peuvent supporter de voir leur mémoire souillée, et ces petits-enfants deviennent détenteurs d’une histoire interdite.

               Il ne faut pas, selon Mme Taubira, accabler les jeunes de banlieue avec le récit l’esclavagisme pratiqué par les Arabes pendant des siècles. Pour l’esclavage comme pour la colonisation, les blancs semblent toujours avoir les épaules plus solides, puisqu’on accepte de les accuser de tous les méfaits de leurs ancêtres, et qu’on en invente même de nouveaux. Car la colonisation de l’Algérie n’a pas été un méfait, et la guerre d’Algérie n’était pas un crime. C’était une guerre, avec ce qu’elle compte de douleurs et de violences, dans un camp comme dans l’autre. Ma grand-tante me l’enseigne, elle dont le mari a été égorgé, et dont la robe de mariée a ensuite été perdue parce que les Algériens forçaient les Pieds-Noirs à plonger leurs valises dans la mer avant de prendre le bateau pour le « rapatriement », comme elle appelle ce que je connais sous le nom de décolonisation. Si la France veut condamner la torture pratiquée sur les membres du FLN, alors elle doit condamner, au moins avec la même force, tous ceux d’entre eux qui ne se préoccupaient pas de la culpabilité des femmes et des enfants qu’ils faisaient sauter. Il est absolument inconcevable qu’aujourd’hui, dans notre pays, un élu comme Julien Bayou puisse se réclamer d’être le fils d’une telle terroriste. Car lorsqu’on tue des femmes, des enfants, des vieillards désarmés, on n’est pas un combattant.

               Nous, descendants des Pieds-Noirs, sommes moins bruyants que les descendants des militants du FLN. Peut-être avons-nous tort. Nous avons perdu la terre de nos ancêtres, les maisons familiales, les tombeaux de nos aïeux. Nous avons perdu des grands-parents, et ceux qui restent sont marqués à vie. Ils racontent, souvent avec des tremblements dans la voix, la perte d’un frère, d’une mère ou d’un époux, l’abandon de l’ouvrage de leur vie, le rapatriement douloureux et souvent misérable. Oui, peut-être avons-nous tort, nous qui avons tant perdu, de ne pas nous battre pour conserver ce qui nous reste : la mémoire. Cette mémoire mérite d’être enseignée, pas d’être souillée.




 
Histoire à l'endroit : Algérie française, le mois de mars 1962, mois de l'horreur
Par M. R. G.

" Le mois de Mars 1962 est le mois maudit
de ces 8 années de terrorisme

         Il sonne le glas de l'Algérie Française ; que pouvions nous encore espérer après ces sinistres pseudo-accords déviants qui ouvraient de façon irrémédiable la voie à l'abandon de cette terre Française entièrement façonnée par un peuple composé de multiples nationalités venues pour en embrasser une seule : Française ; ce peuple qui face aux difficultés gigantesques, à force de persévérance, de sacrifices parvenait à sortir ce pays de l'époque moyenâgeuse pour en faire la figure de proue de l'Afrique, mais aussi le fleuron de la France.
         Il débute dans l'horreur, l'ignominie et va être le reflet de ce qu'est le FLN, cette organisation terroriste à qui l'Etat Français va faire cadeau d'un pays où il ne poussait que des cailloux et à qui l'on va remettre sur un plateau un territoire digne d'un Eldorado.

         EVENEMENTS
         Mers-El-Kébir, banlieue oranaise. Le 1er mars 1962 tombait un jeudi. Il faisait le temps même de la vie, le temps qu'on imagine pour le Paradis. Un air doux et léger, un ciel aux profondeurs bleues auquel le soleil réservait sa plus fastueuse débauche de lumière, une senteur subtile de jardin laissait supposer une journée radieuse…
         Il était environ 11h, un groupe de musulmans encadré par des femmes fit irruption dans la conciergerie du stade de La Marsa, à Mers El-Kébir, tout près de la base militaire. Dans une véritable crise de folie meurtrière collective, ces hommes s'emparèrent de la gardienne, une européenne de trente ans, Mme Josette Ortéga et, sans la moindre raison, à coups de hache, la massacrèrent. Couverte de plaies affreuses, dans un ultime effort, elle tenta de s'interposer entre les bourreaux déchaînés et son petit garçon, mais en vain. Les tortionnaires déments frappèrent encore sous les yeux horrifiés du petit André, quatre ans, puis quand il ne resta plus qu'une loque sanguinolente, ils se saisirent de l'enfant et lui broyèrent le crâne contre le mur.
         Leur forfait est accompli, ils s'apprêtaient à partir lorsque l'un des barbares se retourne et voit arriver une petite fille avec des fleurs à la main. C'est Sylvette, 5 ans, qui est allée cueillir des fleurs. Aussitôt il se rue sur elle, la roue de coups et pour l'achever, la saisissant par les pieds, la fracasse, tout comme son petit frère, contre un mur.
         Quand M. Jean Ortéga, employé à la direction des constructions navales, franchit la grille du stade, le silence qui régnait le fit frissonner. D'ordinaire, ses enfants accouraient, les bras tendus dans un geste d'amour. Une angoisse indéfinissable le submergea. Il approcha lentement, regarda autour de lui… puis, là, dans la cour, un petit corps désarticulé tenant encore dans ses mains crispées des géraniums, la tête réduite en bouillie, une large flaque de sang noirâtre tout autour.


         Dès le lendemain les derniers défenseurs du drapeau tricolore entreprirent de venger cette boucherie inutile sur des innocents.
         Ils furent vengés. Mais ils ne revinrent pas à la vie.

         Ainsi débuta ce triste et sinistre mois de la honte de Mars 1962 qui conduisit à l'exode de tout un peuple.

         La Métropole aussi connaît ses drames.
         Le 3 Mars 1962 : trois résistants Toulonnais trouvent la mort dans l'explosion de leur véhicule. N'oublions donc jamais que des Métropolitains qui ne possédaient ni terre, ni réfrigérateur se sont battus pour que l'Algérie demeure Française.


         Le F.L.N. poursuit inlassablement ses crimes qui atteignent le summum de l'horreur ; les enlèvements se poursuivent.
         Le 4 mars 1962, Guy Lanciano et Daniel Falcone sont enlevés à Alger dans le quartier du Ruisseau. Pendant 41 jours ils subiront des tortures effroyables à la " Villa Lung ". On leur coupe le nez, les oreilles, on crève les yeux de l'un et l'on matraque l'autre qui perd l'usage de la parole.
         - L'aveugle peut parler, le muet ne voit plus.
         Ils seront libérés par un commando de l'OAS et remis aux services médicaux de l'armée française à l'hôpital Maillot. Leur état physique est tellement dégradé qu'on les garde longtemps… trop longtemps dans cet hôpital… jusqu'au mois d'avril 1963, période à laquelle la Croix-Rouge avise les familles de leur transfert à l'hôpital de Nancy par avion sanitaire. JAMAIS ces familles ne les reverront ! …
         Le Sénateur Dailly interpelle de Broglie sur cette disparition. Réponse du Ministre : " L'affaire est sans doute compliquée : il subsiste quelques points obscurs. Je fais actuellement poursuivre sur le territoire national des recherches extrêmement poussées."
         - Inutile de préciser que ces recherches - si elles ont vraiment eu lieu - n'ont jamais abouti…

         L'OAS a conscience que son combat est celui du dernier espoir aussi elle redouble ses actions notamment en éliminant les tueurs du FLN libérés ou sur le point de l'être.
         A Oran le 5 mars un Commando OAS prend d'assaut la prison et exécute 2 tueurs du FLN condamnés à mort mais graciés et en blesse 30 autres.
         Le lendemain un autre Commando détruit les archives et dossiers des membres OAS inculpés en faisant sauter le troisième étage de la Préfecture d'Oran

         Entre le 6 et le 13 Mars l'ALN intensifie ses actions à la frontière tunisienne dans le seul but de faire fléchir la France.
         Elle n'a pas besoin de cela car l'on sait parfaitement que de Gaulle a vendu l'Algérie.

         Le 7 mars les négociations FLN-Gaullistes qui avaient été interrompues aux Rousses, reprennent à Evian.
         L'OAS doit réagir avant que ne soient signés ces accords entre le Gouvernement Français et le GPRA.
         A Oran le Général Jouhaud envisage une insurrection qui devra se faire autour de Tlemcen., il fixe la date du 11 mars 1962, Jouhaud dispose de l'infanterie de marine, de 3000 harkis, de tous les GMS, du cinquième étranger, d'un régiment de hussard.
         Il tente de rallier le Commando Georges ; mais le Capitaine Georges GRILLOT s'y refuse et au contraire s'arrange pour une mutation en Métropole ; Jouhaud se retourne sur l'un des piliers du Commando Youcef qui se désiste également.

         Il est prévu qu'un territoire soit ainsi libéré, et que l'O.A.S. demande à participer aux négociations d'Evian.
         La date est fixée au 15 Mars.

         Alger, informé, demande de retarder pour se coordonner avec le maquis de l'Ouarsenis, qui doit se mettre en place plus tard.

         Le 13 mars 1962,Michel Debré répondant à une question du général Ailleret demandant si les musulmans perdront automatiquement la citoyenneté française déclare :
         - "Oui s'ils demeurent en Algérie, mais s'ils reviennent en métropole après l'autodétermination, ils pourront reprendre la nationalité française et bénéficier des aides aux rapatriés. "
         Puis se produit l'impensable en cette journée du 14 mars 1962 ; Pour la première fois, l'aviation française mitraille les terrasses d'Oran, à la demande du général Katz et sur ordre de De gaulle. Pour réduire l'OAS maître de la ville, Katz avait interdit toute présence sur les terrasses.
         Jamais l'armée n'avait nulle part en Algérie mitraillé de telle façon une ville Européenne. Il est vrai que jusqu'en 1962, aucune d'entre elle n'était ouvertement FLN.

         Et nous voici arrivés à la date de toutes les trahisons ; ce 18 mars 1962 sont signés des " accords d'Evian " par Krim Belkacem pour le GPRA et Louis Joxe, Robert Buron et Jean de Broglie pour la France.

         o Un cessez-le-feu applicable le 19 mars à 12h
         o Un programme commun d'intentions proposées à ratification par référendum (8 Avril en France et 1er Juillet en Algérie).
         De Gaulle fait libérer Ben Bella le soir même; il prend immédiatement - avec ses collègues - l'avion pour Genève et déclare à la télé " c'est la solution du bon sens. "
         Les élus d'Algérie publient un communiqué " les populations d'Algérie se défendront elles-mêmes ; "
         Le sort des Européens d'Algérie était scellé par l'article 2 du chapitre 2A qui permet aux Européens de faire la demande de nationalité algérienne après les trois ans de la période temporaire.
         Ils n'étaient donc pas de droit algérien, mais devaient obtenir l'accord du F.L.N., accord qui ne sera pratiquement jamais accordé. De plus cette nationalité n'est qu'une sous nationalité, celle d'un dhimmi en pays musulman.
         L'armée française rentre aux casernes, l'article 5 prévoit qu'elle stationne de façon à éviter tout contact avec les forces du F.L.N. Un décret secret du gouvernement leur indique : " l'armée française ne pénétrera pas dans les zones fixées pour le stationnement des forces F.L.N. Tout contact avec les forces F.L.N. sera évité ". Dans ses mémoires, le général Fourquet, successeur d'Ailleret en tire les conclusions : " … la sécurité diminue instantanément… "

         La population Européenne n'étant plus protégée, l'O.A.S. décide l'implantation de maquis afin de remplacer l'Armée et assurer la protection des populations rurales.

         Le Général Salan décide la création de maquis.
         Le colonel GARDES implante un maquis dans le massif de l'Ouarsenis, sur un terrain favorable contrôlé par le Bachaga BOUALEM.
         Le commando Albert du Sous-Lieutenant Giorgio MUZZATI, qui opérait dans le secteur, se renforce d'une centaine d'hommes venant d'ALGER.
         Accroché par l'ALN, encerclé par l'armée française, mitraillé par l'aviation, l'aventure tourna court rapidement et prit fin le 10 Avril.
         Un certain nombre de maquisards furent tués, principalement lors du combat contre l'ALN, d'autres plus nombreux furent fait prisonniers et le reste parvint à s'échapper.
         Le Commandant Paul BAZIN - le Sergent SANDOR - AOUSTIN Pierre - BEVILAQUA Michel - ESCRIVA Roland - MARQUES Jean Claude sont tués au cours de l'accrochage.

         En Oranie le Général Jouhaud donne l'ordre à Marc Peyras chef de l'Organisation de Mostaganem de créer un maquis dans les monts du Dahra.

         Dès son implantation il assurera la protection de plusieurs communes et interviendra dans toutes les actions que ni l'armée, ni la gendarmerie n'assurent pour se conformer aux accords déviants.
         Ses actions se montreront des plus efficaces et enrayeront les attentats du FLN. Régulièrement les maquisards sont renseignés tant par les SAS, que par les chefs de 2 douars.

         De Gaulle ce Général imposteur qui s'est imposé en 40 grâce et avec l'appui des Communistes, ce général adulé par les Français qui sans doute ignorent toutes ses trahisons, ce général d'opérette qui a sur les mains le sang de milliers de Français, celui qui est considéré par l'un des plus grands journalistes politologues français comme le plus grand traître de la 5ème République.

         Sur les ordres de de Gaulle Pierre Messmer donnera l'ordre à compter du 19 mars de désarmer tous les Harkis et Moghzanis les livrant ainsi à la vindicte des égorgeurs qui leur feront subir les pires atrocités indescriptibles.
         Les populations musulmanes qui pour leur grande majorité étaient pro-françaises comprennent qu'elles subiront le même sort que les Harkis.


         Voulant se racheter, elles commettront les pires atrocités dont le summum de l'horreur fut atteint à Oran le 5 juillet 1962.
         Ces assassins de dernière heure seront désignés les " marsiens " par leurs propres compatriotes.
         Les premiers Harkis désarmés subiront à Saint-Denis du Sig, village Oranien, l'assaut des barbares ; les Harkis se défendront avec acharnement mais leur courage n'empêcha pas la mort d'une centaine d'entre eux.
         Quelques Officiers enfreindront les consignes et au risque de leur carrière embarquent à destination de la France les familles des Moghaznis sous leurs ordres.
         Malgré la précipitation des évènements et le danger qui les guette plusieurs Douars d'Oranie manifestent leur attachement à la France.

         Le 21 mars à Djeniene Meskine, sur la route d'Oran à Sidi-Bel-Abbès deux délégations sont descendues respectivement de la Cité et du douar. Tous les hommes du village, accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants, suivaient les porteurs de drapeaux tricolores et scandaient " Algérie française " tous se dirigeant vers la mairie. En cours de route, des Européens du centre et des ouvriers, de la C.A.D.O., toute proche, se joignaient aux manifestants. Et ce fut bientôt un millier de personnes qui stationnaient devant la mairie. Puis, dans un silence impressionnant, devant toute cette foule figée au garde-à-vous, le grand drapeau tricolore était monté au haut du mât, hissé par deux employés municipaux, un Européen, et un musulman… Puis une femme musulmane, prenant la parole, exhortait, en français et en arabe, tous ses concitoyens à la fraternisation. Pour finir, une vibrante Marseillaise réunissait, d'une même voix et d'un même cœur, les deux communautés, réunies comme autrefois.

         On pouvait donc encore voir se rassembler Européens et musulmans sous les plis de notre emblème, malgré le F.L.N . Malgré le F.L.N., car la veille, trois rebelles étaient venus commettre des actions terroristes. Surpris par un groupe de G.M.S. de Saint-Lucien, commandé par le capitaine Audon, deux rebelles étaient abattus et le lendemain la population criait sa volonté de rester française.
         A Tébessa, le même jour, une manifestation analogue se déroulait.

         Le 23 mars c'est le drame de Bâb-el-Oued qui oppose l'OAS à l'armée ; Bâb-el-Oued va subir le joug des forces gaulliennes qui n'hésiteront pas à tirer sur toute cible quelle qu'elle soit.
         7500 appartements seront entièrement saccagés par les gardes mobiles pris de folie ; 15000 personnes vont être arrêtées et transférées dans des camps.


         Ce blocus conduira la population algéroise à une manifestation de soutien, d'apport de vivres et de médicaments ; manifestation pacifique réprimandée par le sang.

         A Oran depuis une semaine les combats de rue font rage, les gardes mobiles n'hésitent plus à utiliser les canons de 37 et mitrailleuse de 12,7 pour tirer sur les commandos OAS.

         Malgré les combats un commando OAS organise un hold-up à la Banque de l'Algérie. Le butin est estimé à plus de deux milliards d'anciens francs.

         Les combats entre gendarmes et Collines font 10 morts. le préfet de Police se réfugie à Mers-El-KEBIR.
         Les combats entre Collines et gendarmes mobiles s'intensifient et font autant de victimes dans les rangs OAS, Gardes mobiles que dans la population civile.
         Selon la presse, cette journée se solda par 1 tué et 15 blessés chez les gendarmes ; 3 blessés chez les soldats ; 1 tué et 21 blessés chez les civils.
         Au cours de ces attaques contre les gardes mobiles, ces derniers n'hésitèrent pas à tirer sur les immeubles à l'arme lourde et tuèrent plusieurs civils.
         Mesdemoiselles Lucette DOMINIGUETTI - 16 ans, Monique ECHTIRON - 14 ans, qui étendaient du linge sur leur balcon furent abattues par les gendarmes mobiles qui tiraient à la 12.7 ; madame AMOIGNAN, née DUBITON (dont le père avait été tué par le F.L.N.), sa petite fille âgée de 2 ans et demi furent fauchées, à l'intérieur de l'appartement, par des rafales de mitrailleuse 12.7 ; la sœur Sophie atteinte à la jambe dut être amputée par le docteur COUNIOT. Une mère de 7 enfants, Incarnation ESCODA, est tuée par une rafale de 12,7.

         A Bâb-el-Oued, c'est la poursuite de la répression, en particulier tous les jeunes entre 18 et 21 ans sont raflés et déportés en métropole. Cette mesure s'applique du reste dans toute l'Algérie et prendra l'appellation de " Plan Simoun ".
         Dans le bled, à Bou Alam, près de Géryville le F.L.N. fait lire par le maire sa première instruction officielle : " tous ceux qui porteront encore l'uniforme colonialiste après le 1er Avril seront exécutés . Par ailleurs les harkis et anciens harkis devront quitter le village de regroupement près de la SAS et regagner leur ancien douar. "
         La plupart souhaitent s'engager dans l'armée française, mais l'armée ne prend que les célibataires, ils sont presque tous mariés.
         Le douar regroupement de Yalou se pavoise aux couleurs française, drapeaux de fabrication locale.
         Le commandant Guillaume, adjoint de Jouhaud pour le bled Oranais est arrêté " par hasard " à un barrage routier.
         En fait, il a très certainement été livré par l'un ou l'autre des officiers qui lui avaient promis de démarrer ce jour l'insurrection, et qui n'ont pas bougé.

         Et ce 25 Mars 1962 : le choc. Les combats entre OAS et Gardes Mobiles n'ont pas cessé et s'intensifient ; tout le monde imagine que c'est la recherche du poste émetteur.
         Mais en réalité c'est l'arrestation du Général Jouhaud ; à ses côtés Claude-Sandra Raymond appelée Cléopâtre dans la Résistance Oranaise.


         Elle fut une héroïne au sein des défenseurs de l'Algérie Française. Cléopâtre fut son pseudonyme dans l'Organisation Armée Secrète.
         Elle fut la secrétaire du Général Edmond Jouhaud, étant à ses côtés en permanence, et resta à ses côtés lors de son arrestation un certain 25 Mars 1962. Cette femme exceptionnelle qui dirigeait l'Echo de l'Oranie, que nombre d'entre vous connaissent qui s'est éteint le 23 mars 2013.

         26 Mars 1962. Ce jour de 1962, alors que De Gaulle avait trahi et abandonné l'Algérie aux égorgeurs du FLN, des Français manifestaient pacifiquement rue d'Isly, à Alger. Pour empêcher la population algéroise d'apporter son soutien à Bab-el-Oued, quartier assiégé par la Gendarmerie mobile, le préfet Vitalis-Cros fit appel à l'armée pour bloquer le passage de la foule. C'est le 4ème Régiment de Tirailleurs Algériens qui est désigné malgré la mise en garde de son commandement qui prévient que ces soldats ne sont pas préparés à une confrontation urbaine.

         Ils étaient trois mille civils non armés à défiler vers le quartier de Bâb el Oued, et se retrouvèrent donc face à un barrage militaire.

         A 14h45, un lieutenant des tirailleurs vient les prévenir, ou plutôt les supplier : " dispersez-vous, nous avons ordre de tirer " (source Paris-Match n°178). Quelques minutes après, les armes automatiques crépitent vers la foule. Une centaine d'Algérois - hommes, femmes, enfants - furent abattus et d'autres centaines furent blessés par les balles françaises. Ils sont tombés victimes de la haine gaulliste.

         Ainsi s'achève ce mois de Mars 1962 que nul ne peut oublier.
         Une blessure peut, avec le temps, se refermer ; mais il y restera toujours la cicatrice.

         Il en résultera un bilan de 637 attentats qui auront causé la mort de 537 innocents et 936 blessés.

         Mais cette fin de mois de Mars 1962 ouvrait aussi le début des horreurs perpétrés quotidiennement : tueries, enlèvements dont le summum sera atteint ce 5 Juillet 1962 à Oran.



TOUS UNIS, TOUS GAULLISTES,
TOUS POURRIS ?

Par Monsieur Alain ALGUDO

Malgré leurs réactions de vierges effarouchées, les dernières " affaires " de financements illicites et fictifs sur le dos du contribuable lambda le démontrent, ils le sont vraiment tous !!
Dans ces nasses grouillantes de crabes retirées des mers froides, vous constaterez que s'ils ne sont tous pas de la même grosseur, ils se ressemblent tous.

Force pour nous est de constater aujourd'hui, après les immondes insultes dont nous venons d'être encore victimes, que l'espoir ténu qu'il nous restait pour nous raccrocher à un idéal, déjà bien chancelant, vient de s'effondrer définitivement !!

Malgré des agissements choquants et des déclarations pour le moins détonantes d'éloges et de références à l'avantage du grand mystificateur, nous pensions pouvoir extirper de ces " paniers " quelque chose de différent, en extraire quelque chose d'étranger à ce gaullisme qui restera toujours pour nous " ce kyste de matières immondes et purulentes ! " (A. ARETTE)

En effet, qu'un locataire perpétuel de latrines comme SARTRE souhaite, et déclare pendant la guerre d'Algérie que " tuer un colon c'est faire d'une pierre deux coups : un homme mort et un homme libre, " nous considérons que les traîtres et les ordures ayant toujours existé pendant les guerres, il ne dérogeait pas à règle devenue institutionnelle à cette époque dans ce gouvernement de mystificateurs, menteurs associés, monstres complices d'ordres d'abandons des populations, ordres que les plus pourris des communistes porteurs de valises n'auraient certainement finalement pas donnés.

Eux ils l'ont fait !!!

Mais quand cinquante quatre ans après notre drame un attaché parlementaire d'une ex-députée Européenne d'un parti de la part de qui on ne s'attendait pas, un certain BENOIT Alexandre, déclare :
" J'ai un mépris total pour les Pieds Noirs qui ne savent que geindre sur leur petit sort de colons illégitimes. Et puis on ne mène pas une révolution légitime sans couper les couilles de quelques salauds de colons, pas vrais ?
Alors ne sommes nous pas en droit de nous s'interroger ?

Et, tenez vous bien à la rambarde, l'ex Députée Européenne, malgré nos protestations, a approuvé les propos de son attaché parlementaire, ce qui, en clair signifie qu'elle cautionne, sans la moindre réserve, et dans l'intégralité la déclaration assassine et scandaleuse de son assistant

Quelle différence faites vous alors, dans cette haine viscérale déclarée encore aujourd'hui, avec celle du traître SARTRE de l'époque ? La réponse vous appartient !

Personnellement je considère qu'elle est encore plus grave car bien révélatrice d'une certaine " ambiance " qui confirme le bourrage de crâne médiatique, plus que soixantenaire, qui perdure aujourd'hui.

Non ! Nous n'avons pas le droit d'ignorer des propos ignominieux, qu'ils soient d'hier ou d'aujourd'hui, proférés contre notre communauté. L'accepter sans dénoncer l'inacceptable auprès des instances nationales de ce parti, en exigeant ICI une réponse claire et forte, serait le renoncement à nos principes et à nos valeurs, et deviendrait parjure.

Nous Français d'Algérie qui avons souffert et vécu un des plus grands drame de l'histoire de France, avons nous le droit d'accepter, sans explications et excuses officielles, de laisser assassiner une autre fois toutes les malheureuses victimes en souillant leur mémoire au motif qu'une élection se profil à l'horizon ?

Oui, depuis plus de cinquante cinq ans nous menons ce combat pour la justice et la vérité, nos troupes s'amenuisent, se divisent, et même certains dirigeants déçoivent la volonté de leurs adhérents en abandonnant en route leur soutien à une procédure d'honneur pourtant statutairement décidé en AG, handicapant gravement notre ultime tentative pour essayer d'obtenir vérité et justice auprès de la Cour Européenne des Droits de l'homme.

Et pendant ce temps là, les éléments de la décadence de la France qu'engendre ce microcosme politique en effervescence présidentielle se mettent en place.
Mais comment pourrait-il en être autrement quand le premier responsable de la perte de la grandeur, de l'honneur du pays et de l'envahissement migratoire actuel, reste le plus néfaste des personnages, affabulateur et manipulateur politique de mauvais génie auquel tous se réfèrent, sans exception maintenant, en génuflexions perpétuelles, ou nouvelles pour certains. Ils lui servent encore aujourd'hui comme caution de ses crimes et de ses mensonges

En effet, comme l'a écrit Roger HOLEINDRE : " Comment cet être a-t-il pu se conduire aussi ignoblement ? "

Pensez-vous qu'un jour un seul d'entre eux aura le courage de lever cette chape de plomb qui entoure et protège les méfaits du sinistre personnage ? Non !! Ils vénèrent tous allègrement sa mémoire dans leur chasse effrénée à la gamelle.

Les milliers d'yeux de ses victimes qui les regardent d'outre tombe ne dérangent pas du tout ces adorateurs de la funeste créature aux comportements mortifères qui nous arracha à notre Pays natal.

Mais comment le pourraient-ils puisque dans leurs références à l'homme de la sanglante épuration de 1945 en France, en complicité avec les communistes, et à l'assassin de tout un peuple en 1962 en Algérie, en complicité avec l'ennemi FLN, (il faut encore et toujours le rappeler pour ne jamais oublier,) nous constatons qu'ils se retrouvent tous aujourd'hui :
UNIS, GAULLISTES, POURRIS !

Alain ALGUDO

UNE PREUVE de POURRITURE

NDLR : Les même pourris soutiennent l'Ukraine de Zélinski le dictateur nazi contre son peuple et diront la même chose pour le Dombass ou la Crimée.


Alain Ruscio : encore un faussaire
de la guerre d'Algérie
De M. M. Gomez, 14 juin 2021
Envoi de M. V. Borlon
Article de M.GOMEZ paru dans Riposte Laïque           

               Les faussaires de l'histoire de la guerre d'Algérie : qui est Alain RUSCIO, l'un de ces faussaires ?

                Historien, paraît-il, il s'estime spécialiste de la guerre d'Algérie et connaîtrait par cœur l'histoire de l'OAS ? C'est lui qui l'affirme mais on peut plus que légitimement en douter !
               À part de l'avoir lu dans des livres, écrits par des communistes et des gauchistes, on peut se demander comment il lui serait possible, né en 1947, d'être ce spécialiste et de l'Algérie et de l'OAS ?
               Militant communiste de 1963 à 1991, collaborateur du quotidien " L'Humanité " et auteur, entre autres livres, de " Nostalgérie - L'interminable histoire de l'OAS ", Alain Ruscio fait partie de ces soi-disant historiens, tels Pierre Daum, Benjamin Stora, Pascal Blanchard et quelques autres, dont l'unique objectif est de condamner la France à se repentir pour l'œuvre qu'elle a accompli en Algérie grâce à la colonisation.

                Accuser la France bien sûr, mais également les pieds-noirs et l'OAS et glorifier les traîtres " Français " qui ont aidé les ennemis, de celle qui était, semble-t-il, leur Patrie, à assassiner des dizaines de milliers de ses enfants sur tous les théâtres d'opérations où ses soldats défendaient sa présence, son drapeau.
               Ruscio fut l'un des signataires de la lettre adressée au nouveau président de la République, Emmanuel Macron, réclamant " toute la vérité " sur la disparition du traître Maurice Audin, estimant qu'il s'agissait d'un " crime d'État " ! Il a été entendu.

                Il avait rendu hommage à l'ex-maire de Paris, Bertrand Delanoë qui avait, selon lui, " bien fait " d'inaugurer une place Maurice Audin dans le Ve arrondissement de la capitale et une plaque à la mémoire des victimes de l'OAS au Père Lachaise.
               Il avait décidé d'écrire " qu'il n'y avait pas un élève arabe sur 30 dans les écoles, en Algérie ", ce que toutes les photos publiées depuis démontrent l'absurdité, mais pas un seul mot pour rendre hommage aux 91 instituteurs et professeurs assassinés dans le bled par le FLN pour avoir choisi d'enseigner notre langue aux " petits Arabes ".

                Alain Ruscio, l'homme qui ignore tout, a écrit une " Encyclopédie de la colonisation française " dans laquelle il consacre plusieurs chapitres à l'action de l'OAS, qu'il a, bien entendu, constaté sur place, lui qui n'avait pas encore quinze ans en 1961.
               15 355 attentats revendiqués - 1 622 morts - 5 048 blessés, tel est le palmarès, selon ses connaissances, de l'action des tueurs de l'OAS. (Il devrait citer les livres qu'il a consultés !).
               **Il estime que l'OAS avait de profondes racines anciennes dans l'histoire des relations inégalitaires entre les deux communautés durant toute la guerre coloniale ! Alors qu'elle n'existait pas avant février 61.
               **Il soutient que l'OAS, au lieu d'aider les pieds-noirs, a accéléré un climat de haine qui a abouti au tragique exode de 1962 ! (Sans doute que pour lui les attentats, les meurtres, les massacres, de l'ALN et du FLN n'étaient pour rien dans ce climat de haine, ni " la valise ou le cercueil " promis aux Européens chrétiens qui auraient eu le courage, ou plutôt le sacrifice, de rester de l'autre côté de la Méditerranée).
               **Il dénonce l'état d'esprit d'un certain nombre de pieds-noirs et de harkis qui refont en permanence les combats d'hier et souhaite une réécriture glorificatrice de l'Algérie française.
               **Il affirme que l'OAS voulait rester en Algérie en utilisant " le flingue, la grenade, le couteau, le plastic, etc. " (Ce n'était sans doute pas les moyens utilisés par le FLN et l'ALN qui, sans doute, employaient " la prière et la colombe de la paix " pour éliminer toute présence des non musulmans après l'indépendance).
               **Il prétend que la responsabilité de la fin tragique de la guerre d'Algérie incombe à l'OAS et à ses héritiers (et non pas à l'ALN et au FLN évidemment) parce que 10 % de colons, considérés comme catholiques, voulaient s'imposer à 90 % d'Arabes et de Kabyles musulmans. (Sans doute n'a-t-il jamais su que si les Kabyles/Berbères sont devenus musulmans c'est par la force, le massacre et le sang versé et non par choix).

                Alain Ruscio écrit que depuis 1962 il sort à peu près 1 livre par an glorifiant l'action des Français d'Algérie : " Tous sont fiers de ce qu'ils ont fait et certains expliquent même dans le détail comment ils ont tué. Ils n'ont aucune décence, ni remords. Il faudra sans doute attendre l'extinction naturelle de cette génération.
               Les nostalgiques de l'Algérie française disent que de leur temps ça n'allait pas aussi mal. Ils fantasment sur cette Algérie heureuse et font des parallèles historiques totalement dénués de fondements mais auxquels ils croient dur comme fer.
               "Ces gens-là vont mourir sans jamais rien avoir compris de leur vie ".

                Oui, Alain Ruscio, nous allons tous mourir, c'est vrai, c'est même l'une de vos seules vérités, mais nous mourrons la tête haute et fiers d'avoir toujours défendu notre Patrie, notre pays, notre drapeau et pas, comme vous et les vôtres, d'avoir toujours aidés les ennemis de l'armée française sur tous les territoires où elle a été engagée, jusqu'en octobre 1941 sur notre sol puis, ensuite, en Indochine et en Algérie… et demain ?

               Quant à votre " Algérie indépendante, libre et, surtout, démocratique " vous pouvez constater ce qu'elle est devenue, après cette nouvelle élection " bidon " et deux années de manifestations quotidiennes et, pour votre information, adressez-vous à tous ces jeunes Algériens qui fuient leur pays pour se réfugier vers cette France " qui les a martyrisés, torturés et assassinés " durant 130 années de colonisation !
M. Publié par Manuel Gomez le 3 mars 2022
https://ripostelaique.com/alain-ruscio- encore-un-faussaire-de-la-guerre-dalgerie.html
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Manuel Gomez


60ème ANNIVERSAIRE
DU 19 MARS 1962 
Par Hugues Kéraly
Actualités du Secours de France Mars 2022
Cessez-le-feu de notre Honte, s'il vous plaît…!

           Le 19 mars 1962, date du "cessez-le-feu" officiel entre l'Armée française et le FLN algérien, a aujourd'hui soixante ans. Il restera comme la tache la plus sanglante et la plus sombre de notre aventure nationale en Afrique du Nord.
           Pour ceux qui y ont laissé leurs vies au printemps et à l'été 1962 - des centaines de soldats français, des milliers de Pieds-Noirs, et des dizaines de milliers de Harkis qui avaient servis sous notre drapeau -, il est le jour d'ouverture du grand "permis de massacrer" offert au FLN par le gouvernement du Général De Gaulle : "une des plus grandes ignominies et des plus grandes hontes de toute l'histoire de France", disait Maurice Allais. S'il est un drame où la "repentance" nationale serait en droit de s'exprimer, c'est bien celui-là !

           Historiquement, fêter le 19 mars revient à commémorer - pour ne pas dire justifier - un génocide de plusieurs dizaines de milliers d'êtres humains, et la spoliation de plus d'un million d'autres, contraints de choisir entre "la valise ou le cercueil" sur la terre natale où ils avaient tout construit.

           C'est le jour en effet où un gouvernement français livre ses propres ressortissants, les Pieds-Noirs, ses compagnons d'armes Harkis et toute la population musulmane de trois départements français aux couteaux de la revanche et de la haine, brandis par un Parti "islamique" venu de l'étranger.
           Le jour où il est devenu possible, pour un contingent de l'Armée française, de fusiller sans sommation à Alger, rue d'Isly, 80 manifestants français.
           Le jour où être Français, voire simple ami des Français, sur le territoire de cette ancienne colonie, pouvait valoir le viol, la torture et la mort à tous ceux qui n'avaient pas la chance de pouvoir fuir à temps.

           Le jour enfin où les propagandes du FLN, relayées depuis longtemps par la gauche intellectuelle et médiatique - et soutenues depuis par trois de nos Présidents, incluant M. Emmanuel Macron - ont commencé d'orchestrer leur fabuleux mensonge sur les "abominables crimes" de la présence française en Algérie.

           Bien sûr, c'était voici soixante ans. On vous parle d'un temps que les moins de soixante-dix ans ne peuvent pas avoir vécu en direct. Mais voilà : le mensonge continue. Les rues, places et squares "du 19 mars" se sont multipliées partout en France, comme pour marquer un jour de grande victoire nationale sur la rapacité foncière et l'obscurantisme colonial de nos propres parents !
           Même la FNACA (Fédération nationale des anciens combattants d'Algérie) participe aujourd'hui en grande pompe aux opérations de repentance suscitées sur notre sol par les propagandes du FLN algérien. Chaque année, ça recommence. Dans les écoles, les mairies, les paroisses et sur nos places publiques. "Pardonnez-nous mes Frères, car nous avons péché !"

"Criminaliser" la France en Algérie ?


           Le gouvernement algérien n'a signé aucune des conventions internationales qui lui permettraient de donner la moindre conséquence juridique à son projet de "criminaliser la colonisation française" en Algérie. Si cette machine de guerre idéologique venait à être votée un jour par le Parlement algérien, c'est donc bien à l'interne qu'il faudrait lui trouver des applications. Plusieurs pistes peuvent être ici suggérées.

           En commençant par les infrastructures : pour criminaliser effectivement l'œuvre française en Algérie, il faudrait y proscrire d'abord l'utilisation de l'eau courante et de l'électricité, y fermer des dizaines de milliers de kilomètres de routes et de voies ferrées, y détruire tous les ports et les aéroports du pays, comme la quasi-totalité des centre villes, des bâtiments publics, des écoles et des hôpitaux.
           Et ce n'est pas tout : l'état-civil, l'instruction publique, la sécurité sociale, le système de soins, les régimes de retraite, les fondements même du droit pénal, civil et social de la République Algérienne sont hérités en droite ligne du modèle français. Il faudra donc les "criminaliser" également de toute urgence dans les décrets d'application de la loi.

           Au plan culturel, 90% des livres des bibliothèques publiques devront aussi passer en jugement. Sans oublier Boualem Sansal, Malek Haddad, Kateb Yacine, Mouloud Ferraoun et tant d'autres grands écrivains algériens de langue française, qui sont tous passés par le certificat d'études de la République Française aux temps de la colonisation.

           Cessons de délirer. La France n'a pas asservi ni maltraité l'Algérie : comme les Romains en Gaule, elle a fondée ce pays, elle l'a civilisé, en le colonisant, au sens noble et premier du terme, dont notre nation même est sortie. Tous les historiens sérieux le reconnaissent. La France est venue en 1830 y affranchir du joug turc des tribus berbères et arabes opprimées ; y abolir l'esclavage ; en finir avec les pogroms et le statut de sous-homme imposé aux juifs ; y protéger les femmes ; y soigner et instruire les enfants.

           Elle est venue y mettre à jour les ressources minières et pétrolières du pays ; y éradiquer le paludisme et le choléra ; y assécher les marais de la Mitidja ; y développer une agriculture ruinée sur ces terres depuis la fin de l'Empire romain…
           Beaucoup de soldats, de médecins, de missionnaires, d'agriculteurs et d'ouvriers français y ont laissé leur vie. Et 99% de ceux qui ont quitté cette terre en 1962, dans la détresse et le dénuement, lui avaient tout donné.

Aimer pour construire, comprendre pour respecter

           La principale difficulté occidentale face aux révolutions en boucle de nos voisins du Sud vient de notre incapacité foncière à comprendre ce qui s'y passe, faute - tout simplement - d'en aimer les hommes et de respecter ce qu'ils sont. Dans l'histoire de notre beau pays la France en particulier, quoique prétendent aujourd'hui les propagandes algériennes, c'est loin d'avoir toujours été le cas.

           Les ingénieurs, les instituteurs, les médecins et les infirmiers français qui ont "colonisé" l'Afrique du Nord aimaient-ils, respectaient-ils ou bien détestaient-ils vraiment les populations musulmanes du Maghreb en construisant leurs villes, leurs routes, leurs ports ; en leur apprenant à lire et à écrire ; en leur évitant de perdre deux enfants sur trois en bas-âge, faute de remèdes et de soins ?

Cessez-le-feu de notre Honte, s'il vous plaît…!


           Le Père Charles de Foucauld aimait-il, respectait-il ou bien détestait-il vraiment les nobles et miséreux Touaregs de Tamanrasset, surtout "les plus perdus, les plus abandonnés", auxquels il entendait seulement apporter, avec le témoignage de son dénuement intégral, dans sa propre foi, "la présence fraternelle d'un serviteur de Jésus" ?

           Les troupes du maréchal Lyautey aimaient-elles, respectaient-elles ou bien détestaient-elles vraiment les tribus guerrières de l'Atlas marocain en passant des contrats d'honneur avec leurs chefs et en évitant avec soin de les décimer ("montrer sa force pour ne pas avoir à s'en servir") ?

           Les jeunes officiers SAS (Sections Administratives Spécialisées) des années cinquante en Algérie aimaient-ils, respectaient-ils ou bien détestaient-ils vraiment les villageois du bled en les aidant à reconstruire leurs écoles incendiées par le FLN, à irriguer leurs champs, à lutter contre le paludisme et la malaria ?

           La vérité oblige à reconnaître que tous ces Français n'ont pas débarqué chez nos frères musulmans d'Afrique du Nord dans l'obsession première qui est devenue la nôtre aujourd'hui, de leur prêcher les "droits-de-l'homme" et la Démocratie à l'occidentale. Quand le blessé perd son sang, et que le réservoir d'essence menace encore d'exploser, la priorité n'est pas de le convaincre in situ des vertus supérieures du Code de la Route, ni des méfaits de l'alcool au volant !

           En Afrique du Nord, nos aînés sont venus construire, instruire et soigner. à leur manière - contemplative, éducative, industrieuse ou militaire -, ils sont venus aimer.
           Aimer pour construire. Respecter pour comprendre. Puis mieux comprendre encore… pour encore mieux respecter. Sans imposer que le prochain soit en tous points identique à soi !

Qui a gagné ? Qui a perdu ?

           La politique extérieure des grandes puissances occidentales suit le chemin exactement contraire à celui de nos aînés de France, depuis près de cinquante ans.
           Ces puissances ont diagnostiqué une fois pour toutes les carences en "droits-de-l'homme" et le rachitisme électoral héréditaire comme source unique et permanente des maladies des peuples arabo-musulmans, avant de leur prescrire sans vergogne la plus formidable saignée de l'histoire que cette partie du monde ait connu.

           C'est ainsi que la France a livré l'Algérie aux couteaux du FLN, à la misère économique et au fanatisme du GIA…
           C'est ainsi que nos alliés objectifs du Proche et du Moyen-Orient, depuis le Shah d'Iran, ont été pendus, dépecés ou priés d'aller mourir ailleurs, pour laisser plus vite les coudées franches aux sympathiques mollahs, ayatollahs, talibans et autres "Frères Musulmans", djihadistes éperdus, comme on sait, de foi en la Démocratie…

           C'est ainsi que le beau pays de Saddam Hussein a bénéficié par deux fois gratuitement d'un déluge apocalyptique de bombes américaines (le "remède de cheval" ?), avec pour seule conséquence objective d'y allumer la guerre civile, comme en Lybie et en Afghanistan.
           C'est ainsi que le gouvernement syrien a bien failli se retrouver démocratiquement vitrifié à son tour par la communauté internationale, sans anesthésie générale, s'il n'ouvrait pas plus vite la porte à tous ses "opposants", incluant les spécialistes en explosion ou crémation vivante des chrétiens d'Orient !
           Qui a gagné ? Qui a perdu ?
Hugues Kéraly

" Si la France était restée vingt ans de plus… "
" En 1962, alors que j'étais président de l'Assemblée nationale constituante, j'ai reçu un grand nombre de diplomates étrangers, en particulier ceux des pays communistes et des pays arabes. Tous étaient en admiration devant l'infrastructure et la richesse de notre pays. Un ministre syrien, M. Salah Bitar, qui venait de visiter la Mitidja et la région d'Alger, ne tarissait pas d'éloges : "L'œuvre de la France, me dit-il, est admirable ! Si la France était restée vingt ans de plus, elle aurait fait de l'Algérie l'équivalent d'un pays européen." "
           Ferhat Abbas, dans L'Indépendance confisquée
           (Flammarion, 1984)


La fusillade de la rue d'Isly :
un crime sans coupable !

Envoyé par Mme A. Bouhier

       Le général Pierre Goubard, Chef de Corps du 4ème Régiment de Tirailleurs Algériens a retrouvé dans ses archives l'origine de l'enrôlement dans l'armée française des 14 tirailleurs présents rue d'Isly le 26 mars 1962 ; tous étaient des rebelles repentis, ralliés avec armes, en provenance du FLN, du MNA et du mouvement bellouniste. On apprend qu'ils n'étaient pas formés au maintien de l'ordre en ville...mais de bons combattants, obéissants avec le respect de l'officier, vaillants et courageux face aux katibas de l'ALN.

       La manifestation pacifique avait pour objet de dénoncer le blocus inhumain imposé par les autorités à la population féminine et aux enfants confinés dans leur domicile depuis le 23 mars.

       Des milliers d'appartements avaient été mis à sac par les CRS et les GM et les hommes de 16 à 90 ans, parfois en pyjama, sans leurs médicaments du quotidien, avec parmi eux d'Anciens Combattants, des handicapés, certains avec des respirateurs à oxygène, avaient été arrêtés sans raison, simplement parce qu'ils habitaient Bâb-el-Oued. Ils seront enlevés à leur famille sans ménagement et transportés dans des camps d'internement à 200 km d'Alger...tous seront libérés dix jours plus tard sans excuses ni explications dans un état déplorable physiquement et moralement.

       Le Maire de Bâb-el-Oued, Monsieur Loffredo, témoigna : " Nous sommes intervenus auprès des autorités en faisant remarquer que des bébés étaient en train de mourir ". Un officier de gendarmerie lui répondit : " Tant mieux ! Il y en aura moins pour nous tirer dessus. " Et comme il lui demandait qu'on enlevât au moins les morts en décomposition, il entra dans une colère noire : " Vos cadavres, mangez-les ! "

       Ce 26 mars 1962, le haut-commissaire en Algérie Christian FOUCHET donna aux militaires chargés de faire barrage au passage de la manifestation dans la rue d'Isly des ordres clairs : " Personne ne doit passer...ouvrez le feu si nécessaire ! " La veille déjà il avait menacé la population d'Alger qui préparait la manifestation du lendemain en ces termes : " Si vous vouliez tenter de revenir sur ce qui a été décidé et conclu...cette erreur serait terrible...vous en seriez les premières et principales victimes. " Ce qui avait été décidé et conclu le 19 mars 1962, c'était les accords d'Évian signés entre les émissaires du GPRA et de la France (Robert Buron et Jean de Broglie). Robert Buron reconnaîtra plus tard que ces accords n'avaient jamais été respectés par le GPRA.

       Le 26 mars 1962, nos bons soldats repentis au service de la France savent depuis 7 jours que leur avenir en Algérie devient risqué pour leur vie ; la France va les abandonner ! À 14 h 30 ce jour-là se présentera pour eux une véritable aubaine : d'une part, les ordres de Fouchet les autorisent à tirer sur les manifestants français, et d'autre part, ils ont là la possibilité de se dédouaner de la tutelle française et de devenir en douze minutes de tuerie barbare, d'authentiques '' moudjahidine '' au regard du FLN.

       L'importance du massacre ne laisse aucun doute sur l'acharnement des Tirailleurs à mitrailler à bout portant une foule sans armes qui chante les Africains, la Marseillaise, et brandit avec fierté des drapeaux bleu-blanc-rouge. L'instinct de survie leur fait comprendre que désormais ces couleurs sont mortelles pour eux. Alors ils tirent et réarment leur engin de mort jusqu'à achever les blessés agonisant sur le bitume. Le docteur Massonnat descendu de son cabinet avec sa trousse médicale fut abattu dans son dos par un soldat ivre de vengeance alors qu'il pratiquait un massage cardiaque. Bilan 82 morts et plus de 200 blessés. Les familles ne seront pas autorisées à récupérer les corps. Ils seront enterrés clandestinement au cimetière de Saint-Eugène.

       Un fait déshonorant survenu ce 26 mars 1962 et totalement oublié dénote la haine du gouvernement français de cette époque à l'égard des français d'Algérie. À 20 h ce jour là, le Président de la république prit la parole à la TV pour demander aux français de voter ''oui'' au référendum portant sur l'autodétermination de l'Algérie, sans faire la moindre allusion à la tuerie innommable qui s'était déroulée 5 heures auparavant à Alger où 82 français avaient été assassinés. Le mépris à l'égard des français d'Algérie s'était déjà confirmé le 19 mars 1962 où le Président par décret avait interdit aux français d'Algérie de participer à ce référendum, les excluant du droit démocratique à s'exprimer sur leur avenir. Le droit du sol des citoyens d'Algérie totalement bafoué. Nul doute pour ce gouvernement de 1962, les Pieds Noirs passés par les armes rue d'Isly ou déchu du droit de vote par décret...il s'agissait d'une même élimination sans importance.

       C'est une faute historique totalement impardonnable dont la pratique est l'apanage des républiques bananières. Pauvre France, le pays de mes illusions perdues !
Général Pierre Goubard       
      


BEZIERS 26 mars 2022
Par M. Alain Algudo

STELE DU SOUVENIR ET DE LA MEMOIRE

       


ALLO MANU, A QUAND UN PROCHAIN
CHEQUE POUR L’ENERGIE ?

Envoyé par M. Pieter Kerstens

        Parce que vu la hausse importante du prix du baril de pétrole et les prix des carburants, faire le plein devient impayable !

        Certes, le yo-yo du pétrole, ce n’est pas nouveau, comme les cours de l’Euro par rapport au Dollar.

        On se souviendra que début janvier 1999, le taux de change de l’Euro était de 1,18 Dollar. Quand le 15 juillet 2008, le baril de pétrole de la mer du Nord coûtait 146 USD, l’Euro valait 1,60 USD, soit 91,25 euros le baril.

        Le 20 décembre 2016, le baril de Brent plongeait à 30 USD et l’euro se changeait à 1,04 USD, soit 28,8 € le baril.

        Au 8 mars 2022, le super 98 est à 2,04 € le litre et le diesel à 2,15 €, quand le Brent est à 132 USD le baril, soit 122 € (donc 34 % de plus qu’en 2008). A la veille du mouvement des gilets jaunes, le super était à 1,67 € et le diesel à 1,53 € le litre.

        Mais aujourd’hui, plus personne ne manifeste alors qu’en 3 ans ½ la hausse du diesel est de plus de 28 % et depuis mars 2021, elle s’élève à 41 % !

        Tétanisés par le Covid-19 et pétrifiés par la guerre en Ukraine, les peuples européens sont matraqués à longueur de journée par une propagande d’Etat qui infuse la frousse dans les esprits et anesthésie toute envie de raisonnement et d’analyse lucide des évènements.

        Il va falloir choisir entre l’indispensable et le superflu.

        Car la hausse du prix du pétrole s’accompagne de celle du gaz, du charbon et de nombreuses autres matières premières depuis plusieurs mois, dont par exemple le blé, l’acier, le maïs, le palladium, le nickel, le seigle, la bauxite, le plomb, le titanium, le coton, l’orge et le phosphate, parmi d’autres. Ces augmentations auront bien évidemment des répercussions sur une multitude de produits commerciaux que nous achetons au quotidien et conduiront inévitablement à une crise économique, dont on ne parle pas encore.

        L’Europe est dépendante du gaz russe à 45 % et pour 26 % de son pétrole. En France, 17 % du gaz vient de Russie, 36 % de Norvège et 8 % d’Algérie, alors que l’Allemagne, elle, dépend de 55 % du gaz russe, de 50% de son charbon et de 30 % de son pétrole, depuis des années et avec le soutien des Grünen…

        AUCUN PRODUCTEUR de gaz ou de pétrole dans le monde ne pourra combler ces quantités quand les Etats-Unis auront mis en place leur embargo envers la Russie et si l’Union Européenne boycotte les énergies et les produits exportés par la Russie et l’Ukraine.

        Les intérêts de l’Europe ne sont pas les mêmes que ceux des USA ou du Canada, qui, eux, sont auto-suffisants en matière d’énergies.

        Déjà, de nombreuses entreprises européennes sont à l’arrêt et leurs travailleurs au chômage, car incapables de payer un gaz dont le prix a été multiplié par dix et une électricité en hausse de 125 %, depuis un an.

        En France, il est ahurissant de voir que dans un sondage du 7 mars réalisé par Le Figaro auprès de 207 000 lecteurs, 64 % d’entre eux sont « d’accord à stopper les achats de gaz et de pétrole russes ». Ils ignorent donc que 67 % de la consommation de gaz est réalisée par les entreprises, pour qui le prix n’est pas bloqué.

        Face au choix dogmatique de l’Union européenne de suivre la stratégie et les décisions américaines, nos concitoyens vont devoir se serrer très sérieusement la ceinture dans les semaines à venir et se prononcer très clairement sur la transition énergétique et l’utopie des énergies « renouvelables » à l’exemple de l’Allemagne qui, en fermant ses centrales nucléaires, se retrouve piégée avec l’approvisionnement de gaz et de pétrole russe, en ayant choisi de produire son électricité par des centrales à charbon(le plus polluant en CO2), au gaz et avec un parc d’éoliennes qui fonctionne à moins de 25 % de ses capacités, faute de vent !

        Il est urgent de rompre avec les chimères des Khmers verts et ne plus respecter les directives imbéciles de la Commission de Bruxelles qui nous impose des prix alignés sur le coût du gaz étranger, alors que l’électricité en France est la moins chère d’Europe, parce que produite par des centrales nucléaires, non polluantes en CO2.
Pieter Kerstens 11 mars 2022



Ukraine : le bataillon nazi Azov
ne dérange pas les " antifascistes "
De M. M. Gomez, 3 mars 2022
Envoi de M. V. Borlon
Article paru dans Résistance Républicaine de M.GOMEZ            

               Il faudrait tout de même raison garder et ne pas faire étalage de trop de courage belliqueux installé derrière des micros ou sur les plateaux de télévision, loin des théâtres d'opérations où des êtres humains souffrent et meurent et cela s'adresse à certains ministres, parlementaires et personnalités de notre pays bien moins " guerriers " quand il s'agit de l'islamisme radical sur notre sol.

                Ne passons pas sous silence la responsabilité première des États-Unis et de l'OTAN dans ces prémices de guerre qui nous menacent : si à la chute de l'URSS communiste avaient disparu les missiles le long des frontières de la Russie nouvelle, puisqu'elle n'était plus une menace, bien au contraire, nous n'en serions pas au stade dramatique qui nous préoccupe actuellement. Si la Russie n'avait pas été humiliée lorsqu'elle s'est rapprochée de l'Union européenne (alors que c'est loin d'être le cas de la Turquie par exemple qui, elle, n'a rien d'européen), si l'Ukraine subitement n'avait pas souhaité devenir membre de cette même UE et, surtout, rêvé d'intégrer l'OTAN et l'installation de nouveaux missiles le long de la frontière russe, il est plus que probable que Vladimir Poutine serait resté " sage ".

                Ce qu'il faut tout de même savoir, et que l'on dissimule volontairement du côté européen et américain, c'est que depuis 2014 il existe en Ukraine ce qu'on appelle le " Bataillon d'Azov ", connu également sous le nom des " Hommes noirs " et régiment d'Azov et qu'il s'agit d'une unité combattante " néonazie " intégrée à la garde nationale de l'Ukraine et placée sous le commandement du ministère de l'Intérieur, aux forces de défense par l'état-major.
               Formé en mai 2014 à Marioupol et chargé principalement de la lutte contre les " pro-russes " du Donbass, à l'Est. À l'origine environ 800 volontaires, il atteint aujourd'hui plus de 4 000 combattants et ses membres portent des symboles nazis ou SS comme insignes, notamment la " Wolfsaugel " inversée.
               Cela explique en partie le discours virulent de Poutine concernant le régime de " drogués et de nazis " de l'Ukraine.

                Un rapport " Amnesty International " accuse " Azov " de crimes de guerres et d'exécutions d'otages et de prisonniers pro-russes par décapitations.
               Il faut savoir également, car cela est passé sous silence par tous les médias, que depuis 2014 les victimes pro-russes du Donbass sont estimées à plus de 14 000 morts et cela explique également la dénonciation de Poutine sur le " génocide ".

                À l'origine les États-Unis, le Canada et bien évidemment les Russes, considéraient ce " Régiment Azov " comme " un odieux et méprisable bataillon nazi. " qui devait être immédiatement dissous par le gouvernement ukrainien, avant que les USA fassent marche arrière sur ce même sujet. Quant à l'Europe, on attend encore la moindre allusion sur ce sujet.
               Il me semble qu'il serait urgent que l'Union européenne fasse entendre à l'Ukraine qu'il n'est pas l'heure de réclamer à cors et à cris sa participation et, surtout, car cela est impératif pour la cessation des combats, qu'il n'est pas, et ne sera jamais question de son intégration dans l'OTAN.

                Ces " petits pas " en avant devraient ramener Poutine à la raison car j'espère qu'il n'est pas assez fou pour envisager un " grand pas " qui signifierait, pour lui comme pour nous, une troisième guerre mondiale et la destruction d'une grande partie de notre planète qui n'a pas besoin de cette nouvelle menace pour se détruire toute seule !
M. Publié par Manuel Gomez le 3 mars 2022
https://resistancerepublicaine.com/2022/03/03/ ukraine-le-bataillon-nazi-azov-ne-derange-pas-les-antifascistes/
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Manuel Gomez


Causes du drame ukrainien
Par le Général Alexandre Lalanne-Berdouticq
Envoyé par Mme A. Bouhier


         (Alexandre Lalanne-Berdouticq est général de l'armée de terre. Saint-Cyrien, il a servi dans l'infanterie de montagne, aéromobile et la légion étrangère, dont il a commandé le régiment stationné en Guyane française. Breveté de l'École supérieure de guerre, il a également servi en états-majors. En écoles il a commandé une promotion de saint-cyriens et été instructeur au Collège interarmées de défense. En opération il a particulièrement servi dans les Balkans et au sud-Liban, dont il est rentré à l'été 2007 après un séjour d'un an à la finul2. Marié et père de quatre enfants, il a écrit de nombreux articles traitant surtout de géopolitique.)

         Document écrit le 25 février 2022 par le Général Lalanne-Berdouticq au lendemain de l'invasion russe de l'Ukraine :

         Chers amis,
         Quelques-uns parmi vous m'ont demandé de leur faire part de mes premières estimations concernant la guerre qui vient d'être déclenchée en Ukraine par l'offensive de l'armée russe le 24 février à 4 heures du matin.

         Je les remercie de m'avoir conservé leur confiance car je faisais partie de ceux qui, nombreux, ne croyaient pas à une offensive massive sur l'Ukraine tant ses aléas sont grands vus sur le long terme.
         Nous verrons rapidement les causes lointaines, les causes proches et ce qu'il me semble important des causes immédiates de cette offensive aux développements et aux imprévisibles conséquences.

         Les causes lointaines
         Nul ne peut contester que l'Ukraine et la Russie, si elles ne sont pas strictement le même pays, sont indissolublement liées par l'histoire. La Russie fut créée à Kiev au IXe siècle après les invasions mongoles et l'on parla d'abord de " Russie kiévienne ", des siècles avant de parler de " Russie moscovite ". Un Ukrainien est chez lui en Russie, comme un Russe l'inverse. C'est un fait et Poutine, comme tout Russe pénétré de patriotisme en est convaincu, avec raison.
         L'Ukraine fut indépendante au sens juridique du terme pendant très peu de temps de sa longue histoire et je me rappelle ce général ukrainien nous faisant à Kiev un exposé sur ses forces armées, alors que je participais à un voyage militaire en 1994. Il nous dit : " Depuis 1991 c'est la troisième fois que l'Ukraine est indépendante. Je ne sais combien de temps elle le restera ; nous verrons ". De fait elle le fut entre 1918 et 1921 suite à une décision de Lénine, une autre fois, nommément, dans les années 1941-43 après l'attaque allemande, et enfin depuis 1991 après la chute de l'URSS. Il se peut donc que cette troisième indépendance ait pris fin le 24 février 2022.
         Toujours est-il que, vu de Moscou, Kiev n'est pas une capitale nationale mais la capitale de la première Russie et celle d'une sorte d'État-province intrinsèquement lié à la Russie.

         Dernière des causes lointaines de cette guerre : l'effondrement de l'URSS en 1991 conséquence de la chute du Rideau de fer en novembre 1989.
         1991 fut vécu par tous les patriotes soviétiques qui pour beaucoup n'étaient en fait que des patriotes russes, comme la plus grande catastrophe du siècle. La " Deuxième puissance du monde ", militairement et diplomatiquement parlant, était rayée de la carte et ne comptait plus sur l'échiquier mondial. Cet immense ensemble eurasiatique (qui, ne l'oublions jamais, s'étend sur ONZE fuseaux horaires, de Kaliningrad sur la Baltique au détroit de Behring) allait s'enfoncer dans une crise dont nous n'avons pas mesuré l'insondable profondeur et la dramatique intensité pour les populations russes et associées.
         L'Occident de son côté se réjouissait avec raison. En effet, comment ne pas avoir été euphorique, en voyant enfin " l'Europe respirer de ses deux poumons " (selon Jean-Paul II), libérée de l'occupation ou de la tutelle soviétique et renouer avec l'Ouest qui avait quant à lui préservé sa liberté. Polonais, Hongrois, Tchèques et Slovaques, Roumains et Bulgares rejoignirent ensuite plus ou moins rapidement l'Union européenne.

         Cependant les vainqueurs, tout enivrés de leur succès qui était plus dû à l'effondrement de leur adversaire qu'à leurs propres efforts, se montrèrent incapables de dominer leur sentiment de victoire et humilièrent leur ancien ennemi, Moscou.
         Tragique erreur.

         Les causes proches
         Sans entrer dans le détail car nous manquons de temps, il convient de se souvenir des conditions de la réorganisation de la nouvelle Europe. Me trouvant à l'École de guerre à cheval sur la " Chute du mur " (89) et les débuts de cette période, j'en ai un souvenir précis.
         La terreur des alliés de l'OTAN vainqueur était alors le devenir des moyens de la puissance nucléaire russe déliquescente. Que deviendraient les centaines de missiles sol-sol russes stationnés au Kazakhstan et en Ukraine ? Que deviendraient les centaines de missiles mer-sol des Flottes du Nord et du Pacifique si le pouvoir moscovite s'effondrait complètement ? Il s'agissait de plus de trois mille têtes nucléaires, dont des centaines mégatonniques (puissance de la bombe d'Hiroshima : 20 000 tonnes d'équivalent TNT. Les Russes possédaient en 1991 certaines têtes d'une puissance de 20 MILLIONS de tonnes d'équivalent TNT). Or, si les missiles et leurs têtes étaient stationnés pour certains hors de la nouvelle Confédération des États Indépendants, le système de déclenchement et de contrôle des frappes résidait heureusement à Moscou.
         C'est donc bien avec Moscou qu'il fallait traiter avant que tout s'effondre (Il se révéla que jamais le contrôle des missiles n'échappa au pouvoir central et qu'aucune tête ne tomba entre des mains indésirables, par exemple des trafiquants internationaux voulant monnayer sa matière fissile. Toute mise en œuvre de ces têtes étant techniquement impossible, la matière fissile aurait pu être utilisée pour confectionner un " bombe sale " irradiant une région après dispersion de cette matière hautement radioactive).
         Il fut donc convenu avec Gorbatchev, mais sans qu'un traité en bonne et due forme soit signé, que s'il acceptait de rapatrier ses têtes nucléaires et de démanteler sur place les missiles stationnés à l'extérieur, les Alliés n'étendraient pas ensuite l'OTAN jusqu'aux frontières de la Russie ou de son " Étranger proche ", autrement dit de son " glacis vital " tel que conçu par Moscou. Ce glacis vital comprend : les pays baltes, la Biélorussie, l'Ukraine et la Transcaucasie dont entre autres la Géorgie. Il fut de plus convenu que les Occidentaux gratifieraient la Russie d'une sorte de Plan Marshall pour l'aider à se reconstruire.
         Or, profitant de l'état de faiblesse extrême de la Russie, les Alliés ne tinrent pas parole et, non contents de leur victoire, ils allèrent jusqu'à humilier gravement leur ancien adversaire et en quelques années tous ces pays sauf l'Ukraine et la Géorgie rejoignirent l'alliance.

         Gorbatchev passa la main à Boris Eltsine qui assista à la dissolution de la puissance soviétique redevenue russe. Les industries passèrent entre les mains de bandits sans scrupules, la population creva de faim, l'Armée rouge n'était plus que l'ombre d'elle-même après avoir évacué en bon ordre et sans incidents la totalité de l'Europe orientale anciennement occupée. De retour en Russie, les divisions qui avaient échappé à la dissolution campaient parfois en pleine nature, sans casernement, et devaient nourrir leurs hommes grâce aux potagers et autres cultures vivrières organisées par les soldats. Les officiers, seigneurs de l'ancien régime, devaient subsister en vendant leur matériel et parfois leur équipement personnel (J'ai souvenir, lors de ce même voyage en Ukraine de 1994, des officiers et soldats de la Garde venant juste de terminer devant nous une belle démonstration d'ordre serré, puis proposant de nous vendre leurs bottes, leurs ceinturons et autres casquettes de parade. Dramatique !).
         La grande Russie était à terre et les Américains ainsi que leurs alliés la frappaient du pied. Aucune aide financière ou économique ne fut organisée. L'ambassadeur américain à Moscou faisait passer des notes comminatoires au Ministère russe des Affaires étrangères plusieurs fois par semaine afin que la politique du Kremlin soit favorable aux intérêts de Washington (Témoignage d'un diplomate russe devenu ambassadeur ultérieurement).

         En 2000 Vladimir Vladimirovitch Poutine, ancien officier supérieur du KGB arriva au sommet du pouvoir et succéda donc à Eltsine, après que ce dernier eut courageusement résisté à une tentative de coup de force d'une partie de la garnison de Moscou, excédée par la faiblesse de l'État et sa corruption.
         Les anciens membres des " Organes de force " de l'ex URSS prirent donc en mains les destinées du pays. Ils étaient, c'est un fait, les seuls à posséder la discipline, la volonté et le patriotisme nécessaires pour mettre un terme à cette chute vers le néant. De plus ils étaient les seuls à connaître la vérité sur la situation de leur pays et celle de l'étranger, vérité inconnue du grand public du temps de l'URSS.
         S'en suivit une remise en ordre, lente mais méthodique, menée sans pitié pour certains " oligarques " qui s'étaient trop visiblement enrichis au détriment du bien public. D'autres furent épargnés et retournés, rendus raisonnables à la vue du sort réservé à ceux qui se croyaient suffisamment puissants pour résister aux nouvelles autorités. La prison, le " camp à régime sévère " du côté d'Arkhangelsk, voire la mort " accidentelle " étaient alors le lot des récalcitrants.
         Hébétée de souffrances et de privations, la population russe, consultée à plusieurs reprises lors d'élections qui n'avaient pas besoin d'être truquées pour se montrer favorables au pouvoir, se rallia dans ses grandes masses à Poutine et Medvedev, son Premier ministre.
         Cependant, non contents d'avoir terrassé le géant, les Alliés mais surtout les Américains, non seulement favorisèrent l'entrée dans l'OTAN des anciens membres extérieurs du Pacte de Varsovie mais s'engagèrent dans le démantèlement de la Yougoslavie. Le pire fut commis en 1999 lors de la campagne du Kosovo sur laquelle nous reviendrons car elle est la matrice de la contre-attaque russe.
         Mieux, les Alliés imaginèrent de changer le régime politique de certains des pays du " glacis vital " russe au nom du " devoir d'ingérence " pour étendre leur propre vision de la démocratie. C'est ainsi que furent favorisées, voire organisées, par les services spéciaux américains et britanniques, les " révolutions de couleur " qui virent arriver au pouvoir, à Kiev mais aussi ailleurs, des hommes favorables à Washington et plutôt hostiles à Moscou. Ainsi, un pouvoir très favorable à l'ouest fut-il élu à la tête de ce pays en 2013 après les " événements de la Place du Maïdan " après la " Révolution orange ".
         Pour Moscou, les choses ne pouvaient pas durer longtemps ainsi sans réaction.

         Les causes immédiates
         Il se trouve que, saisis du complexe commun aux grandes puissances s'aveuglant elles-mêmes, les États-Unis et leurs alliés ne tinrent pas compte de plusieurs avertissements pourtant clairs et qu'avaient bien distingué de nombreux observateurs, dont l'auteur de ces lignes.

         En 2007 le président Poutine avertit le monde en disant au cours d'un discours solennel que la Russie avait terminé de reculer et qu'il faudrait de nouveau compter avec elle.
         Malgré des finances encore précaires mais s'appuyant sur ses grandes ressources en gaz, pétrole (la Russie est le troisième producteur mondial depuis la destruction de l'Irak par les Américains) et métaux rares, la Russie, qui avait remis en ordre ses forces armées, commença de mettre en œuvre un ambitieux effort de réarmement. Une nouvelle classe de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) fut, par exemple, mise en chantier. De même des avions de combat de cinquième génération furent-ils mis au point puis construits tandis que les forces terrestres recevaient des matériels de haute qualité, pour certains parfaitement innovants. C'est le cas du système de défense antiaérien S 400, actuellement sans équivalent dans le monde.
         Parallèlement, et forts de leur victoire supposée, les alliés, dont la France, baissèrent la garde et désarmèrent (en application de l'irresponsable incitation de M. Fabius à " engranger maintenant les dividendes de la paix ", l'armée française se trouva réduite de 350 000 hommes à moins de 120 000, c'est-à-dire la moitié des effectifs dont disposait le roi Louis XV trois siècles auparavant et alors que le pays était passé de 22 millions d'habitants à 65), tout en réduisant drastiquement les budgets consacrés à la recherche et au développement (R&D) d'armements nouveaux. Les Américains, qui avaient " besoin d'ennemis pour faire survivre l'OTAN ", s'étaient lancés dans leurs " Guerres folles ". Des Balkans (1995 puis 1999) à l'Afghanistan (2001) ou l'Irak (2003) et malgré les 750 milliards de dollars consacrés chaque année à leurs moyens militaires, ils s'engluèrent sur ces théâtres d'opération où aucune victoire n'était possible.
         Ces " guerres folles " leur coûtèrent 6000 milliards de dollars sans parler des pertes humaines chez eux et surtout chez leurs adversaires, chez lesquels ils semèrent une haine inextinguible. Dans le même temps toujours, ils abandonnèrent de facto l'Europe, n'y laissant que 30 000 hommes sur les 220 000 qu'ils y maintenaient en 1991. Leur souci les portait vers l'océan Pacifique et les ambitions chinoises.
         La " jurisprudence Kosovo " (d'après le titre d'un article signé par l'auteur de ces lignes)

         C'est là qu'il faut revenir sur l'affaire du Kosovo. Je me rappellerai jusqu'à la fin de mes jours cet entretien avec un colonel serbe de Bosnie en avril 1999, tandis que les avions de la coalition otanienne bombardaient la Serbie et le Kosovo, sans mandat de l'ONU, sans que la Serbie ait attaqué l'un des membres de l'alliance et au motif fallacieux d'un génocide inexistant (pendant 78 jours, avec parfois 800 sorties quotidiennes, avant une invasion terrestre forte de 46 000 hommes. Le dirigeant serbe Milosevic fut ensuite arrêté puis traduit devant une cour de justice internationale qui le condamna à la prison à vie. Il mourut en prison).
         J'assumais alors des responsabilités importantes en Bosnie. Ulcéré par ce qui se passait dans son propre pays cet officier avec lequel j'entretenais des relations courtoises malgré nos positions respectives, me dit d'un air où pointait la commisération : " Vous n'avez aucune idée, j'insiste, aucune idée de la manière dont nous, les orthodoxes, allons vous faire payer cette guerre du Kosovo ! Un jour vous allez la payer au centuple ".
         Démontrons combien il avait raison.

         En août 2008, s'appuyant sur le fait qu'en Géorgie les Ossètes du sud et les Abkhazes, majoritairement russophones, demandaient leur rattachement à la Russie, l'armée de Poutine prit en mains ces deux provinces, déclarées indépendantes et qui demandaient le secours de la Russie. Sans l'intervention du président Sarkozy, certainement décisive, les chars russes auraient pris Tbilissi.
         L'OTAN ni aucune autre nation ne réagit militairement à ce coup de force qui s'appuyait sur les mêmes principes que ceux excipés à propos du Kosovo. Ils protestèrent alors violemment au nom des principes qu'ils avaient eux-mêmes violés neuf ans auparavant, mais évidemment sans succès.
         En 2014 les Russes récupérèrent la Crimée, dont le port de Sébastopol, siège de leur Flotte de la Mer Noire, leur était vital. Cette province n'avait été cédée par Khrouchtchev à l'Ukraine qu'en 1955 dans le cadre d'une URSS triomphante et sure d'elle-même. La Crimée n'avait jamais été ukrainienne puisque, avant d'être devenue russe par la conquête de Catherine II, elle était ottomane depuis des siècles. Un referendum organisé par Moscou obtint une majorité écrasante pour son rattachement à la Russie, 85% de la population y étant russophone. La consultation avait été contrôlée sur place par des observateurs étrangers. Jurisprudence Kosovo toujours mais sans effusion de sang cette fois.
         Simultanément des partisans séparatistes des deux provinces du Donbass en Ukraine déclenchaient une insurrection dans cette partie du pays très majoritairement peuplée de russophones. Moscou leur apporta un soutien direct, au nom des principes du Kosovo et envoyèrent même des " volontaires civils " appuyer les insurgés.
         Les réactions de la " Communauté internationale " ne furent une nouvelle fois que de principe, occupée qu'elle était par des débats internes sybaritiques, et elle se cantonna aux grands principes de droit tel qu'elle le concevait pour les autres.
         Des accords de cessez-le-feu furent signés à Minsk en 2014 puis 2020 qui disposaient que les deux soi-disant républiques du Donbass disposeraient d'une autonomie importante par rapport à Kiev, qui y autoriserait entre autres le russe comme langue officielle. Kiev refusa de ratifier ces accords mort-nés et le front se gela autour d'accrochages sporadiques et de tirs d'artillerie de harcèlement qui occasionnèrent des centaines, peut-être des milliers de tués (On parle de 14000 morts, chiffre absolument invérifiable, comme ceux de nombreux autres conflits).
         Devant l'impuissance de la " Communauté internationale " à employer la force quand elle l'aurait dû selon ses propres critères, devant le " deux poids deux mesures " des jugements moraux portés sur l'action de la Russie restaurée dans sa puissance, Poutine comprit qu'il avait le champ libre et qu'au demeurant l'OTAN ne ferait pas tuer un soldat pour entraver son action dans son " étranger proche ".

         Le 29 septembre 2015 le monde fut stupéfait des événements de Syrie. La Russie y frappa brusquement certaines positions islamistes de toute la puissance de ses missiles (y compris tirés de submersibles à la mer) et de ses avions d'arme. En quelques jours cette action renversa la situation qui prévalait à Damas dont le régime, à bout de souffle, fut sauvé. Non seulement Assad, épuisé, fut conforté, mais l'espoir changea de camp et aussi bien DAECH que les islamistes de toute sorte, y compris les soi-disant " modérés " se trouvèrent rapidement en infériorité, voire écrasés. En quelques semaines l'armée et la détermination russes avaient changé le cours de l'histoire. Avec de petits moyens (4000 hommes et moins de 50 avions), les Russes donnaient une leçon de stratégie appliquée aux Américains et à leurs alliés qui étaient engagés sur ce théâtre depuis quatre ans sans résultat décisif. Par ailleurs la marine russe revenait en Méditerranée de manière significative.
         Militairement et donc diplomatiquement, la Russie était victorieusement de retour et démontrait de nouveau sa puissance et son intelligence de situation.
         Enfin, la déconfiture absolue de l'évacuation de Kaboul par les Américains le 15 août 2021, avec l'abandon en rase campagne de l'armée afghane, d'un matériel énorme, de son gouvernement " démocratiquement élu " et de ses alliés otaniens ou non, finirent de convaincre Poutine que la puissance américaine n'était plus qu'une apparence et que leurs dirigeants étaient dénués du nerf de toute action : le courage, la détermination dans la vision de long terme et l'absence de crainte des pertes humaines.

         La guerre en Ukraine
         Au petit matin du 24 février 2022, le président russe passa outre les avertissements et les menaces de sanctions. Il savait qu'aucun soldat occidental ne viendrait verser son sang pour défendre Marioupol ou même Kiev et ne s'était pas laissé impressionner par les légitimes tentatives d'apaisement prodiguées par le président Macron qu'il humilia au travers d'un protocole digne de la Chine impériale du XVIIe siècle.
         Après un discours d'une rare clarté il engagea ses forces sur trois directions stratégiques et avec trois buts concomitants, le centre de gravité du conflit se trouvant à Kiev.

         Ses objectifs semblent les suivants :
         -Détruire l'appareil militaire ukrainien en vue de " finlandiser " ultérieurement ce pays puisque l'OTAN et les Chancelleries occidentales refusent depuis des années de s'engager à ce que l'Ukraine ne rejoigne pas l'alliance.
         -Soutenir les républiques séparatistes du Donbass, dont il a reconnu l'indépendance et qui l'ont " appelé à l'aide ", légitimant ainsi en droit international cette intervention, selon une conception cette fois plus solide que la " jurisprudence Kosovo " appliquée jusqu'alors dans le Caucase et en Crimée.
         -Enfin et surtout, défaire le pouvoir politique de M. Zelenski, dont il considère qu'il est issu des suites du " coup de force de Maïdan " de 2013, plus ou moins organisé par les services occidentaux.

         Il promet également une " dénazification " de l'appareil politique ukrainien, s'appuyant sur le fait que certains des partisans de M. Zelenski appartiendraient à des groupes se réclamant de " l'extrême droite à sympathies nazies " (il y a là une contradiction quand on sait que M. Zelenski est lui-même juif). Ce dernier but sous-entendrait le projet d'une longue occupation du pays et d'une épuration de ses élites.
         L'avenir ?
         Comme le disait un auteur non dénué d'humour, " il est difficile de prévoir l'avenir, surtout quand il s'agit du futur ". Néanmoins on peut s'y risquer.
         Nul doute que l'armée russe vaincra la résistance des forces militaires ukrainiennes car le déséquilibre est trop grand entre elles.
         Il est encore trop tôt pour être certain que les buts politiques de Poutine seront atteints et qu'il réussira à installer un pouvoir à sa main en Ukraine, dont les sentiments anti russes ont explosé dans toute la partie du pays située à l'ouest du Dniepr.
         Enfin il est probable que les " républiques populaires du Donbass " seront durablement détachées de l'Ukraine ne serait-ce que par le poids des Russophones en leur sein.

         Quant à savoir si Poutine, qui pourrait bien avoir été saisi de paranoïa suite à ses succès et à la restauration de la puissance russe en vingt ans, n'a pas commis une erreur terrible et mal calculé les conséquences à long terme de cet énorme coup de force en plein continent européen, c'est une autre histoire.
         Je pensais quant à moi qu'une invasion violant si outrageusement le droit international et les principes westphaliens et issus des traités post 1945 (que l'affaire du Kosovo violait tous également !) n'aurait pas lieu et qu'il se contenterait d'un appui militaire officiel aux provinces du Donbass en application du " droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ". Le coup de semonce me semblait suffisant pour réveiller nos chancelleries qui avaient oublié le tragique de l'histoire et la vertu de la force.
         Ce n'est pas le cas et l'on est passé de la semonce au tir direct.
         Poutine, homme d'État sans équivalent sur le continent depuis De Gaulle ou Thatcher, sera-t-il un nouveau tyran qu'il faudra un jour abattre au prix d'immenses souffrances, tel un Hitler, ou bien reprendra-t-il ses esprits ?
         Ou bien encore, ayant gagné sur tous les plans, la sagesse le saisira-t-elle et se contentera-t-il d'assister aux renoncements d'une Europe désarmée, repentante, envahie de peuples allogènes qui la haïssent, qui se meurt de dénatalité et de consumérisme sans espoir ?

         L'avenir le dira. Il a rarement été aussi incertain et peut se révéler très dangereux, voire mortel, si quelque affreux dérapage comme ceux que l'histoire a connus se terminait en échange nucléaire.

Général Alexandre Lalanne-Berdouticq


Lettre d'information - Mars 2022
www.asafrance.fr
Envoi de l'ASAF 13 mars 2022
GUERRE EN UKRAINE : L’Atlantique contre l’Oural

       La fratricide guerre en Ukraine est une monstruosité géostratégique.

       Des nostalgiques de la guerre froide du temps de l’Union Soviétique ont accumulé les provocations contre l’ours russe jusqu’à le rendre furieux. L’implantation de missiles en Pologne et Roumanie rappelle à contresens la pitoyable tentative de Khrouchtchev d’installer des ogives nucléaires à Cuba en 1962. Ressenti comme un défi, le projet d’intégration de l’Ukraine à l’OTAN apparaît comme une scorie d’un temps heureusement révolu.

       Il faut une fois pour toutes se débarrasser des idéologies et s’en tenir aux réalités. Le conflit entre l’Ukraine et la Russie procède fondamentalement du tracé de la frontière entre les deux pays après l’effondrement de l’Union Soviétique en 1991 et la naissance de républiques indépendantes, dont l’Ukraine. La frontière naturelle entre les deux pays est le fleuve Dniestr, à l’est duquel vivent les populations russophiles et russophones du Donbass, riche bassin industriel. Lors du tracé de la frontière, a prévalu la généreuse intention de l’englober dans la nouvelle république d’Ukraine pour équilibrer son économie, mais avec la promesse formelle de ne point opprimer son particularisme.

       Mais l’enfer étant pavé de bonnes intentions, cette promesse ne fut pas tenue, et en 2014 une guerre civile s’ensuivit dans le Donbass. Le président Hollande jeta de l’huile sur le feu en annulant un contrat de vente à la Russie de deux navires de guerre. Le Donbass revendiqua son indépendance et en appela à la Russie protectrice. Réunis à Minsk en 2014, les diplomates ukrainiens, russes, allemands et français, trouvèrent un accord de paix, sage et équilibré. Décevant ses protégés, Poutine, pour calmer le jeu, évita de défendre leur indépendance, à la condition expresse de la reconnaissance de la légitime autonomie du Donbass. Mais de troubles interférences, étrangères aux pays signataires, firent immédiatement capoter l’arrangement, remettant le feu aux poudres. Puis vinrent s’ajouter les provocations évoquées plus haut, relançant et envenimant la guerre civile dans le Donbass. Au bout de huit années d’affrontements meurtriers, les indépendantistes furent sur le point de succomber en février dernier. Des colonnes de réfugiés dont on n’a pas parlé commençaient à déferler en Russie. Poussé à bout, le tsar russe vit alors rouge. Poutine reconnut brutalement l’indépendance du Donbass et, à la demande officielle de ses dirigeants, ouvrit les hostilités que l’on sait. Au vu de la modicité relative des forces engagées, on peut penser que son but de guerre se limite au Donbass et à ses prolongements naturels, sauf dérapage toujours possible si la raison ne prévaut pas.

       L’Ukraine se rend compte à présent qu’elle sert de chair à canons aux idéologues qui lui ont apporté la guerre et qui se dérobent à la défendre directement. Ses intérêts bien compris lui dictent de se passer de tous les intermédiaires douteux pour une négociation en tête à tête avec la Russie, sa cousine, en vue d’un retour aux sages accords de Minsk. On apprend le 10 mars que le processus est heureusement enclenché.

       La grande leçon à tirer de l’affaire est que la géostratégie est incompatible avec l’idéologie. La folle guerre d’Ukraine est en fait une guerre civile occidentale. Ethniquement, culturellement et historiquement, la Russie est consubstantielle à l’Occident, face à l’autre grand bloc géopolitique d’Asie.

       Aujourd’hui, l’OTAN ne doit plus se concevoir qu’à l’échelle de l’Occident. La faute la plus grave en géostratégie est de se tromper d’ennemi.

       Alors, allons de l’ Atlantique à l’Oural et n’opposons plus l’Atlantique à l’Oural !
Général (2s) Michel FRANCESCHI
Membre de l’ASAF
Diffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr



LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.
             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens de faire des mises à jour et d'ajouter Oued-Zenati, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.
             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Clauzel, Duvivier, Duzerville, Guelaat-Bou-Sba, Guelma, Helliopolis, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Oued-Zenati, Penthièvre, Petit et Randon, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :

    
CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 

NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers


Les Algériens s'apprêtent à vivre un Ramadan 2022 sur fond de pénuries

Envoyé par Pierre
https://www.tsa-algerie.com/a-alger-la-semoule- est-introuvable-et-la-banane-est-hors-de-prix/


(tsa-algerie.dz) Par: Kenza Adil 24 Mars 2022

A Alger, la semoule est introuvable et la banane est hors de prix

         Les Algériens s'apprêtent à vivre un Ramadan 2022 sur fond de pénuries, de tensions et de hausse des prix des produits alimentaires de base.

         Dans le quartier du Sacré-Cœur sur les hauteurs de la rue Didouche Mourad à Alger, une adresse fait l'unanimité auprès des consommateurs. Il s'agit d'un point de vente d'une entreprise publique (Ex-Sempac - Société nationale des semouleries, meuneries, pâtes alimentaires et couscous).

         Tous les matins, vers 7h30, une chaîne humaine commence à se former sur le trottoir. Une queue pour les hommes, une autre pour les femmes. Il faut avoir une sacrée dose de patience, une bonne santé et du temps à revendre, en attendant que le camion d'huile ou de semoule daigne montrer le bout de son nez.

         Lors de notre passage, des femmes et des hommes de tous âges piétinaient sous la pluie depuis plusieurs heures pour certains. " Je suis arrivée avant 8h pour être sûre de repartir avec un bidon d'huile ", nous confie une jeune femme. " Les prix sont corrects dans cette grande surface. Il faut juste être patient ".

         D'autres citoyens ont pris l'habitude de se pointer devant l'entrée de ce commerce, chaque matin. " Les prix sont abordables ", nous dit un sexagénaire. " A titre d'exemple, hier la banane s'est vendue ici à 230 DA le kilo au lieu du double ailleurs ".

         Spéculation
         Un camion chargé d'huile arrive enfin. La tension monte d'un cran. Petite bousculade dans la chaîne. Vu le monde qui se presse, il n'y en aura pas pour tout le monde. " Le problème, s'écrie une femme, c'est tous ces gens qui ressortent avec plusieurs bidons d'huiles et de sacs de semoule pour les revendre au marché noir. La pénurie existe mais certains l'aggravent en s'adonnant à la spéculation ".

         Dans les autres commerces du centre d'Alger, la semoule et l'huile de table ont quasiment disparu des étals. On les croyait révolues. Revoilà les pénuries. En moins d'une semaine, les sacs et paquets de semoule qui inondaient supérettes et commerces ont complètement disparu des étals rejoignant un autre produit de base introuvable actuellement : l'huile de table.

         Nous avons sillonné une bonne dizaine de commerces d'alimentation à Alger-centre à la recherche de ces deux produits de base. Partout la même réponse : " Makache ! (Il y en a pas !) "

         A quelques jours du début du Ramadan, l'inquiétude des citoyens monte crescendo. Aux pénuries viennent s'ajouter les augmentations hallucinantes des prix des fruits, légumes et viandes constatées ces derniers jours dans les marchés.

         " Comment préparer un repas correct avec le minimum d'ingrédients durant le mois sacré vu les prix pratiqués ? ", c'est la question qui revient sur toutes les lèvres. Les Algériens, dont le pouvoir d'achat ne cesse de baisser, s'apprêtent à vivre un Ramadan sans précédent, sous le signe des privations, des restrictions et des pénuries.

         La rumeur s'est propagée comme une traînée de poudre, il y a quelques jours déjà : tension mondiale sur le blé dur et tendre ! " En moins de 48 heures, mes étals ont été vidés ", témoigne un commerçant.

         Ni semoule fine, ni grosse, ni moyenne ! Il tente un début d'explication : " Le conflit entre la Russie et l'Ukraine, deux pays considérés comme des greniers à céréales, a provoqué une grande tension sur ces produits incontournables. Il y a aussi les pâtissiers et autres fabricants de zlabia et qalb Ellouze qui se préparent pour le Ramadan. En stockant les sacs de semoule et de farine chez eux, ils déstabilisent le marché ".

         Tout comme la semoule, l'huile de table ressemble à une arlésienne. Tout le monde en parle mais personne ne l'a vue. Nous avons fait le tour des supérettes sans en trouver la moindre trace. Sauf dans l'un des commerces d'alimentation générale où un bidon de 4 litres de Fleurial avait miraculeusement échappé à la razzia de cette matinée. Seul problème, son prix : 1600 DA !

         Le Ramadan le " plus misérable de notre vie "
         Rue Rabah Noël, un vendeur de pain traditionnel ne cache pas son inquiétude : " La semoule et l'huile de table se vendent sous le manteau, ou alors il faut faire le pied de grue durant plusieurs heures devant les commerces en attendant une hypothétique livraison ", dit-il. " J'ai réussi à me débrouiller quatre sacs de semoule mais je ne sais pas si je vais pouvoir continuer à vendre mon pain vu la situation ".

         Au marché Ferhat Boussaad, pas de trace de semoule et d'huile également. Les citoyens affichent des mines soucieuses. Ils n'hésitent pas à nous faire part de leur consternation face aux prix affichés.

         " Qui peut se permettre de remplir son couffin par les temps qui courent ? Pomme de terre : 120 DA, haricots verts : 380 DA, tomate : 130 DA, courgette : 150 DA, petits- pois : 150 DA, œufs : 16 DA "., s'exclame un père de famille. " Je n'ose même pas faire un tour au rayon des viandes et des légumes secs. C'est juste de la folie ! Je sens que nous allons passer le Ramadan le plus misérable de notre vie ".

         Banane : 550 DA le kilo
         En effet, les prix flanquent le vertige. La banane est vendue à 550 DA le kilo, la pomme Golden " de Batna " : 600 DA ; les fraises : 300 DA ; les artichauts : 140 DA, la laitue : 150 DA…

         Les légumes secs, censés faire bouillir la marmite des foyers à faibles revenus, sont hors de portée aussi : lentilles (320 DA), haricots blancs (330 DA), pois-chiche (350 DA)… Le blé concassé (frik), indispensable à la préparation de la chorba durant le mois sacré, s'affiche, quant à lui , entre 400 et 600 DA.

         Dégringolade du pouvoir d'achat, flambée des prix et pénuries tous azimuts, le premier trimestre de 2022 a été compliqué pour la plupart des citoyens. Le mois sacré, qui est à nos portes, risque d'aggraver la situation vu les spéculations habituelles des commerçants durant cette période.
Kenza Adil           


Citoyenneté.

Envoyé par Zita
https://www.courrierinternational.com/article/ citoyennete-en-algerie-les-habitants-dannaba-veulent- sauvegarder-leur-vieille-ville


Mustapha Bendjama le 27/02/2022

En Algérie, les habitants d’Annaba veulent sauvegarder leur vieille ville

         La vieille ville algérienne d’Annaba, pourtant classée au patrimoine historique, s’abîme doucement. Ses habitants et des passionnés du bien commun architectural tentent d’en restaurer le lustre d’antan. Une initiative qui rappelle les réappropriations citoyennes de l’espace public lancées par le mouvement du Hirak il y a trois ans.

        Cheveux blancs, la mine sérieuse, Saleh Dieh, que toute la place d’Armes appelle “Âammi Saleh” (“Oncle Salah”), nous présente Brahim Aissaoui, son fidèle lieutenant. Avec le concours d’autres personnes du quartier, les deux hommes, après des années d’engagement citoyen, ont créé en 2013 l’association La Ville antique qui fait office de comité de quartier de la vieille ville d’Annaba.

        Âammi Saleh nous invite à nous installer dans la rue Aissat Idir (ex-rue Philippe) qui, grâce à une initiative citoyenne – La place d’Armes ynadfoha wled’ha (“La place d’Armes nettoyée par ses habitants”) –, se trouve en bon état.

        Du moins en apparence, car il suffit de franchir le palier [seuil] de l’un de ses immeubles pour se rendre compte de la dégradation de son habitat. Peintes en bleu et blanc à l’image des sites touristiques en Tunisie, les façades ont fait peau neuve. Le quartier est plutôt agréable. Les habitants y ont installé une fontaine, planté des arbustes et réalisé des fresques murales qui évoquent l’histoire de la ville. Nous nous sommes installés sur le perron en marbre d’un immeuble, en face de la fontaine entourée de plantes et surplombée d’une fresque représentant une femme en m’laya, habit de sortie traditionnel des femmes de l’Est algérien.

        Âammi Saleh et Brahim Aissaoui se prêtent volontiers à la discussion sur ce qui menace le quartier qui les a vus naître. Si la rue Aissat Idir semble être en bon état, c’est loin d’être le cas pour toutes les autres rues et ruelles jouxtant la place d’Armes.

        Les appétits aiguisés des promoteurs immobiliers
        Délaissée depuis de nombreuses années par les pouvoirs publics et très mal entretenue par ses occupants, la vieille ville d’Annaba est en piteux état. Des dizaines de bâtisses ont carrément disparu et des centaines d’autres menacent ruine. Depuis le 6 mai 2013, cette cité, construite au XIe siècle par les Sanhadja [une tribu berbère] pour un enjeu doublement sécuritaire, est classée secteur sauvegardé. Mais ce classement n’a, en presque neuf ans, rien changé à sa situation. Avant qu’elle soit classée secteur sauvegardé, la place d’Armes a été soumise à l’appétit sans limites des promoteurs immobiliers qui, à partir de 2010, et après une série de relogements, ont entrepris de dégager des assiettes foncières, ô combien précieuses au niveau d’un centre-ville saturé.

        “Un ancien maire […] avait déclaré publiquement à l’époque qu’une très grande partie de la vieille ville était à raser. Personnellement, j’y voyais une tentative de s’approprier des lots de terrain en plein centre-ville. Des terrains qui ne pouvaient profiter qu’à l’issaba [‘bande’] locale, dont beaucoup sont aujourd’hui derrière les barreaux ou sous le coup de poursuites judiciaires”, croit savoir Brahim Aissaoui.

        Et Riad Slimani, architecte installé à Paris, de renchérir en se souvenant de la démolition de la batterie de Caroubier par l’ex-wali d’Annaba, Mohamed El-Ghazi, en 2012 :

        J’étais à l’étranger et on m’a montré une vidéo qui circulait. Je me suis dit : Non, impossible que ce soit à Annaba.’ Je n’en croyais pas mes yeux, pourtant c’était vrai. Il fallait agir. Mais comment?? C’est là que l’idée m’est venue de faire l’inventaire des monuments et vestiges d’Annaba.”

        Saccage architectural et trafic juteux
        Devenue depuis de nombreuses années un centre de transit pour les demandeurs et souscripteurs de logements sociaux, la place d’Armes est au cœur d’un trafic de logements qui l’a détruite. Bénéficiant de complicités dans l’administration, des personnes viennent s’installer dans la vieille ville juste avant le passage des commissions mixtes de relogement afin de pouvoir bénéficier rapidement de logements sociaux
Mustapha Bendjama           


Annaba: la réhabilitation du stade 19 mai 1956

Envoyé par Emma
http://www.lestrepublicain.com/index.php/sport/ item/9033938-annaba-la-rehabilitation-du-stade-19-mai-1956- dans-les-delais-exige-des-engagements-moraux

lestrepublicain.com - Par Sport 07 Mar 2022

Annaba: la réhabilitation du stade 19 mai 1956 dans les délais exige des ''engagements moraux"

          Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Abderezak Sebgag a affirmé lundi à Annaba que l’exécution des travaux de réhabilitation du stade de football 19 mai 1956 dans les délais fixés, "exige des engagements moraux de la part des parties concernées par le projet".
          Lors de l’inspection de ce projet dans le cadre de sa visite de travail dans la wilaya en prévision du championnat d’Afrique des nations des joueurs locaux (CHAN), prévu en janvier 2023 en Algérie, le ministre a indiqué que "le défi aujourd’hui concerne les engagements de l’Etat algérien qui mise sur ses moyens, son expérience, les performances de ses entreprises et ses cadres pour être au rendez-vous selon les normes requises pour les compétitions internationales de haut niveau".

          Après avoir mis en exergue les moyens matériels mobilisés pour relever ce défi et honorer les engagements, M. Sebgag a souligné que "l’approche d’aujourd’hui repose sur le sérieux et l’engagement responsable", assurant que "le temps des projets lancés sans être achevés dans les délais est révolu".
          Et d’ajouter: "Toutes les parties concernées au niveau local et au niveau central sont appelées à œuvrer pour la concrétisation de cet objectif". En plus du suivi quotidien par les responsables exécutifs locaux des travaux, et la coordination entre toutes les parties impliquées pour éliminer les entraves administratives et organisationnelles, ce projet doit être géré d’une manière participative selon les normes du management efficace, a affirmé le ministre qui a mis l’accent sur les dimensions stratégiques du sport, notamment le football.
          Au stade 19 mai 1956, le ministre a suivi un exposé sur les travaux projetés pour une enveloppe financière de 2,5 milliards DA, incluant l’extension des pavillons réservés aux joueurs et aux médias, l’aménagement des gradins avec pose de chaises, la rénovation des panneaux électroniques et autres structures du stade, en plus de la réfection du réseau de drainage du terrain de jeu et le renouvellement du gazon naturel conformément aux normes de la Fédération internationale de football.

          Le ministre s’est rendu en compagnie du président de la Fédération algérienne de football, Charaf-Eddine Amara, au stade colonel Chabou, au centre-ville d’Annaba, qui sera réservé aux entraînements en prévision de ce rendez-vous continental.

          Au cours de sa visite, le ministre a également rappelé la détermination des pouvoirs publics à relever le défi à l’aide des compétences algériennes, affirmant que "toutes les parties doivent respecter leurs engagements pour recouvrer la confiance et valoriser les potentialités sportives et les exploiter au service du sport".

          Les travaux de réhabilitation du stade 19 mai 1956 ont été confiés à l’entreprise nationale Batimetal, avec un délai de réception fixé pour "novembre 2022".
            


Annaba

Envoyé par Jules
http://www.lestrepublicain.com/index.php/annaba/ item/9033986-un-enfant-de-9-ans-trouve-la-mort-dans-une-explosion-de-gaz


 Est Républicain - Par : Rédaction 11 Mar 2022

Un enfant de 9 ans trouve la mort dans une explosion de gaz

           L’explosion du gaz de ville, survenue hier à la cité 125 logements du quartier 8 mars (Oued-Edhab II) dans la plaine Ouest, a fait un mort et des brûlures et blessures à 7 personnes, apprend-on auprès de la protection civile.
           La déflagration a eu lieu au 2ème étage d’un immeuble de type « promotionnel » jouxtant la pompe à essence « Sahraoui », aux environs de 11h50mn, précise-t-on de même source. Il s’agit d’une fuite de gaz naturel suivie d’une explosion à l’intérieur de la cage des escaliers.
           La victime qui se trouvait apparemment tout près du lieu de l’éclatement, est décédée sur le coup. L’inhumation du corps a eu lieu hier dans l’après-midi. Une fillette se trouve dans un état grave et 7 autres personnes présentant des blessures diverses et autres brulures, ont été évacuées au service des urgences du CHU « Ibn-Rochd » ainsi qu’au service des grands brulés « Ibn-Sina ».
           Cet incident a causé également des dégâts matériels à certains appartements surtout situés au second étage ainsi qu’aux véhicules qui étaient en stationnement au niveau du parking de l’immeuble en question.

           Le wali d’Annaba accompagné du maire de la ville se sont rendus sur place pour constater les dégâts et superviser les opérations de secours.
           Le chef de l’exécutif était très en colère après avoir découvert que l’entreprise chargée de l’installation de gaz n’est pas agréée et les travaux non conformes. L’enquête doit déterminer les raisons exactes de cette explosion d’autant plus que des personnes n’hésitent plus à pointer du doigt la qualité des installations de gaz surtout que des certificats de conformité sont établis par certains « plombiers agréés » entre 1500 et 2000 DA.

           Pour rappel, mercredi dernier, une explosion de gaz similaire a fait un blessé (brulures au 2eme degré), à la cité Seybouse


Comment le navire « Tariq Ibn Ziyad » a été sauvé

Envoyé par Marcelin
https://www.tsa-algerie.dz/comment -le-navire-tariq-ibn-ziyad-a-etesauve/

Par TSA - Par: Lilia Benameur 08 Mars 2022


           Les travaux de réparation et de maintenance du navire « Tariq Ibn Ziyad d’Algérie Ferries ont été lancés, en ce début de mois de mars, au niveau du port de Béjaïa. Ils sont menés par l’unité de Bejaia de l’entreprise publique Erenav, spécialisée dans la réparation navale.

           Ce bateau de transport de voyageurs a été mis à l’arrêt en mai 2021 « en raison de défaillances techniques et de l’expiration des certificats internationaux relatifs aux normes de sécurité », selon le ministère des Transports.

           « Il s’agit de travaux de rénovation de la coque, de chaudronnerie et de réparation, que ce soit l’électricité, le sablage ou le traitement de surface », a expliqué à l’ENTV l’un des responsables de projet.
           « Lorsque j’ai rejoint l’ENTMV (l’entreprise nationale de transport maritime de voyageurs), le Tariq Ibn Ziyad était dans un état indescriptible, abandonné. Il était à la pêcherie d’Alger, complètement rouillé », a déclaré ce mardi Kamel Issad, directeur de l’ENTMV, devant la commission des affaires étrangères, de la coopération et de la communauté algérienne à l’étranger de l’APN.

           « J’ai refusé de vendre le Tariq Ibn Zyad »
           Issad a révélé l’existence « d’une résolution de vente » prise par le conseil d’administration de la société du navire au moment de son arrivée à la tête de l’ENTMV en octobre 2021.

           « Lorsque je suis arrivé au conseil d’administration de l’entreprise, on m’a indiqué qu’il y avait une résolution de vente du Tariq », a-t-il déclaré, en soulignant qu’il a refusé de vendre le bateau.
           « J’ai refusé de le vendre. On m’a posé la même question au ministère (des transports), je leur ai également répondu que je refusais de le vendre », a-t-il dit. Selon lui, c’est à ce moment-là que » l’idée de vendre le navire a été arrêtée ».
           Isaad dit « connaître la valeur » de ce bateau » et souligne que le « Tariq Ibn Zyad », à « lui seul, en 1995, faisait vivre toute l’entreprise (l’ENTMV). » « Ce bateau faisait quatre rotations par semaine », a-t-il dit.
           La reprise des activités du Tariq Ibn Ziyad, qui a été mis en service en 1995 pour relier l’Algérie à la France et à l’Espagne, permettra, à l’approche de la saison estivale, » d’augmenter les capacités globales de la flotte algérienne de transport maritime à 5.700 passagers et 1.650 véhicules », a fait savoir le ministère des Transports dans un communiqué.

           Les travaux de réhabilitation devraient durer « environ 40 jours » au niveau du port de Bejaia, pour une mise en service du navire « dans les plus brefs délais », a indiqué l’ENTV,

           Stoppées en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19, le directeur de l’ENTMV a annoncé la reprise des traversées maritimes « en juin à partir des ports de Béjaïa, Skikda et Annaba si sa gare maritime est prête ».
Lilia Benameur             


Un garçon de 12 ans dévoré par des chiens à Blida

Envoyé par Sandrine
https://www.tsa-algerie.dz/un-garcon -de-12-ans-devore-par-des-chiens-a-blida/

  - Par TSA - Par Lynda Henna 08 Mars 2022


           Un terrible drame vient de frapper une famille à Blida et endeuiller l’Algérie. Ce dimanche, et alors qu’une nouvelle semaine commençait tout juste, la mort tragique d’un collégien est survenue aux premières heures de la journée.

           S’il a fait du bruit, c’est parce que le décès du jeune garçon n’a pas été anodin. En effet, le petit Salah Eddine, âgé d’à peine douze ans, a succombé à l’attaque d’une meute de chiens affamés.

           Son oncle, qui témoigne, parle de douze ou treize chiens, un autre évoque une vingtaine. Les bêtes auraient poursuivi la victime sur plusieurs mètres, avant de s’acharner sur lui lorsqu’il est tombé.

           À leur vue, explique l’oncle du défunt garçon, Salah Eddine a pris la fuite. Le groupe de chiens l’a suivi jusque dans un champ, où il a laissé tomber son cartable pour courir plus vite.

           Malheureusement, l’enfant qui se dirigeait vers l’école ne va jamais aller en classe ce jour-là. Il trébuche et tombe. Fatalement, les chiens ne le ratent pas.

           « Salah Eddine a été dévoré par ces chiens. Il ne restait que les os de la partie basse de son corps », raconte son oncle. Il décrit à Ennahar TV une scène effroyable, que « personne ne pourrait supporter ».

           Un habitant de la région le rejoint dans ses dires et évoque un état de « choc » face aux images de ce petit garçon, dont il ne reste que les os et une partie du visage qui a été épargnée.

           Un enfant studieux
           Tous les témoignages s’accordent à dire que Salah Eddine était un petit garçon studieux et courageux.
           Sa mère, qui donne son témoignage sur la chaîne Ennahar TV, le décrit comme un enfant bon à l’école qui aime ses études, malgré les conditions difficiles qui l’entourent.
           C’est son cartable qu’il a jeté sur la route, trouvé par un de ses cousins, qui a alerté la maman qui vivait jusque-là « une journée normale ».
           « Ce n’était pas normal, Salah Eddine n’aurait jamais jeté son cartable comme ça. On s’est mis à le chercher et là… le drame », narre-t-elle.

           « Tous les jours, Salah Eddine doit marcher environ 6 km pour aller à l’école. Pratiquement tous les habitants du village sont illettrés », confie un habitant à Echourouk News.

           Il continue en expliquant que l’école la plus proche se trouve à 3 kilomètres du village, qui n’est muni ni de transport public ni de bus scolaires, malgré les nombreuses demandes des villageois.

           Des poursuites judiciaires
           Ces chiens, ils appartiennent au propriétaire du champ où a été trouvé le corps sans vie du petit garçon. La famille de la victime a porté plainte.
           « Il y a quelques mois, un de ces chiens a mordu la cousine de Salah Eddine », révèle le voisin de la famille. « On lui a demandé de surveiller ses chiens mais il n’en est rien. C’en est trop ».
           Pour sa défense, le propriétaire du champ a fait planer l’hypothèse d’une attaque de loups.
           À cet effet, un membre de l’assemblée populaire communale assure qu’une opération de chasse aux animaux errants « galoufa » sera lancée dans les plus brefs délais.

           « Je demande au président de la République, s’il entend mon appel, de faire en sorte que justice soit rendue. Ce n’est pas normal qu’un petit garçon qui va à l’école se retrouve dans cette situation », appelle la maman de Salah Eddine.
Lynda Henna                

MESSAGES
S.V.P., Lorsqu'une réponse aux messages ci-dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la Seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,

cliquez ICI pour d'autres messages.
sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura


         Mon adresse est, (cliquez sur) :

De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.

    PDF 155                                                  PDF 156
    PDF 157                                           N° 157A
    PDF 158                                                     PDF 158A
     N° PDF 159                                                  PDF 160
Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : jarrige31@orange.fr


Frais médicaux ?
Envoyé par Christophe

    Suite à une crise cardiaque, un homme subit une chirurgie à cœur ouvert.

    Il se réveille après l'opération et se trouve soigné par des religieuses dans un hôpital catholique.

   Comme il retrouvait ses esprits, une religieuse lui demande comment il allait payer ses soins.

    Elle lui demande s'il a une assurance maladie.

   Il répond d'une petite voix encore faible : "pas d'assurance maladie"

   Elle lui demande : "Avez-vous de l'argent à la banque" ?
    Il répond : "Pas d'argent à la banque".

   Elle poursuit : "Avez-vous un membre de votre famille qui peut vous aider" ?
    Il dit : "je n’ai qu'une sœur, vieille-fille, qui est religieuse dans un couvent".

   La sœur se fâche et lui dit : "Les religieuses ne sont pas des vieilles-filles, elles sont mariées à Dieu" !
    Et le patient de lui répondre :

   Alors envoyez la facture à mon beau frère...



Si vous avez des documents ou photos à partager,
n'hésitez-pas à nous les envoyer. D'avance, Merci.

                 EN CLIQUANT. ===> ICI

Notre liberté de penser, de diffuser et d’informer est grandement menacée, et c’est pourquoi je suis obligé de suivre l’exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d’information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d’expression, tel qu’il est reconnu par la Résolution 59 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d’expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».
Numéro Précédent RETOUR Numéro Suivant