N° 191
Février

http://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Février 2019
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
http://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO
   PAUVRE FRANCE    

         2019, est arrivé et le mois de janvier est déjà terminé, c'est fou ce que le temps passe vite dans cette période agitée par des troubles qui étaient prévisibles au vu de la gouvernance du pays. Les Français ont la mémoire trop courte du moment qu'ils avaient du pain et des loisirs.
         Que reste t-il au peuple qui se voit acculé dans des retranchements défensifs et contestataires ? Un nouveau 14 juillet ?
        
         Notre communauté Pieds-Noirs a connu cela avant notre exode, cela s'appelle la défense de la patrie, et pour cela nous avons été vilipendés, insultés, assassinés, mis au banc de la société, torturés, exilés.
         Mais comment va se terminer cet épisode de l'histoire de France face aux destructeurs qui favorisent le grand remplacement qui est à la base de tout ce merdier ? Cela risque d'être sanglant, très sanglant et la prophétie de notre Maréchal Juin prend toute son ampleur car malheureusement les faits lui donnent raison avec la traîtrise, la veulerie, et l'incompétence de certains dirigeants qui gouvernent ce pays depuis de trop nombreuses années.
         Face à la révolte de 1968 et le référendum de 1969, le président qui nous avait trahi en Algérie, qui avait traité les Français de veaux, avait su démissionner sur ces échecs et avait permis une pause dans le processus de la casse de la France. Ses successeurs l'ont repris avec de la modération en jouant sur le temps.
         Mais le dernier successeur a réaccélèré tout le processus de destruction car il a été choisi pour cela. (Choisi, pas élu très démocratiquement). En plus de laisser et protéger les vrais casseurs, il nargue et insulte le peuple afin de réduire les droits de manifester librement et pacifiquement, il répond par augmentation des prix aux demandes de baisse des prix, cela ne s'est jamais vu en république, où cela peut-il mener ? Même Louis XVI ne l'a pas fait et il a eu la tête coupée, le pauvre…
         Alors, une révolution en marche ou un nouvel esclavagisme ?
         Un nouvel élan du pays ou une mise au pas du type dictateur ?
         Le peuple comprend t-il ce qui se passe réellement ?

         Je crois que le terme de " Pauvre France " et bien approprié.
         Amicalement votre.
Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,
        A tchao.


Voeux de Jean BRUA
Offerts par Jean BRUA
Image Jean Brua
Meilleurs vœux de bonne santé et heureuse année à vous, à votre famille et à toute la diaspora bônoise fédérée par la Seybouse. Ave mes amitiés et celles de Dodièze. Jean Brua
P.S. : Dodièze, personnage éternel de la Parodie du CID de M. Edmond BRUA, père de Jean.


CRÊCHE !
Envois Divers

Crèche : l'hilarante lettre ouverte de
Jean Santon à M. le Tribunal - 26 janvier 2019
http://laportelatine.org/insolites/190126_creche_interpellation_tribunal/190126_creche_interpellation_tribunal.php#

           Chers lecteurs de La Porte Latine,
           Lisez cette lettre elle vaut son pesant d'or humoristique. Son auteur est digne de l'Académie française et son destinataire - chacun reconnaîtra le sien - campe bien l'adage qui dit que "heureusement, le ridicule ne tue pas, pas même en politique. Sinon, nos cimetières seraient remplis de nos gouvernants".

           Cher Monsieur le Tribunal,
           J'ai pris connaissance, il y a quelques jours, de votre décision d'interdire la crèche de Noël traditionnellement installée dans le hall du Conseil Général de la Vendée.
           Quelle mouche vous a donc piqué ?
           Vous avez fait des études, je suppose.. Peut-être savez vous donc que Noël vient du latin " Natalis" qui veut dire Naissance. Alors je vais vous livrer un secret que vous voudrez bien transmettre à vos confrères qui peut-être nagent avec complaisance dans la même ignorance que vous. La naissance dont il est question est celle d'un certain Jésus de Nazareth né il y a un peu plus de 2000 ans, je dis ça parce qu'étant donné que vous n'avez pas interdit les illuminations de Noël, je suppose que vous ignoriez ce détail.
           Voyez-vous, Noël n'est pas l'anniversaire de la naissance du Père Noël ( je suis désolé si je casse ici une croyance ancrée en vous ) mais bien celle de ce Jésus. Interdire une crèche sans interdire toute manifestation publique de cette fête est aussi stupide que si vous autorisiez la fête de l'andouillette tout en interdisant la consommation d'andouillette le jour de la fête de l'andouillette.
           La crèche c'est ce qu'on appelle une tradition. Et ne me faites pas croire, Monsieur le Tribunal, que le principe de la tradition vous est étranger. Sinon comment expliquer que les magistrats exercent leur métier dans un costume aussi ridicule si ce n'est parce qu'il est le fruit d'une tradition ?
           Vous êtes un briseur de rêves, Monsieur, vous êtes un étouffeur de sens. La crèche c'est Noël et Noël c'est la crèche.
           La crèche c'est aussi l'histoire d'une famille qui faute de droit opposable au logement est venue se réfugier dans une étable. C'est un signe d'espoir pour tous les sans logement.
           La crèche c'est aussi un roi arabe et un autre africain qui viennent visiter un juif. C'est un signe d'espérance et de paix en ces temps de choc de civilisations et de conflit au Moyen Orient.
           La crèche c'est aussi des éleveurs criant de joie et chantant dans une nuit de décembre. Connaissez vous beaucoup d'agriculteurs qui rigolent en cette période de crise? La crèche c'est un bœuf, symbole de la condition laborieuse de l'homme.
           Enfin, la crèche, c'est un âne, même si une rumeur court disant que cet âne a quitté la crèche en 2013 pour rejoindre le Tribunal administratif de Nantes et ne semble pas en être revenu.
           Malgré le fait que vous allez sans doute, par souci de cohérence, vous rendre à votre travail le 25 décembre, je vous prie de croire, Monsieur le Tribunal, à l'expression de mes souhaits de bon et joyeux Noël.
Jean Santon
Sources : Lecteur joyeux de LPL / La Porte Latine du 26 janvier 2019
http://laportelatine.org/insolites/141206_on_a_brule_le_pere_noel/141206_on_a_brule_le_pere_noel.php


EPIPHANIE
De Hugues Jolivet


       Ici, Radio Trottoir : "Qu'est ce que l'Epiphanie ?"
       Moins d'un passant sur deux donnera la réponse,
       L'autre accusant de semer la zizanie,
       Avec cette question totalement absconse !
       Par contre, si l'on demande : "Connais tu les Rois Mages ?"
       Les réponses fuseront, déviant vers "La Galette"
       Qu'on déguste en famille, au travail, au Village,
       Celui qui prend la fève, porté sur la sellette !
       Futur Evêque de Gênes, Jacques de Voragine
       Ecrit, au treizième siècle, la Légende Dorée,
       Livre des traditions et de leurs origines,
       Et du sens des présents, trop souvent ignoré.
       Les Mages étaient trois, un vieillard, Melchior,
       Reconnaît Jésus "Roi" en lui offrant de l'or.
       Gaspard est un jeune homme, il fait brûler l'encens,
       Hommage à Jésus "Dieu", le sens de ce présent.
       Balthazar, visage noir, présente de la myrrhe,
       Produit d'embaumement pour Jésus "Christ" martyr.
       L'Epiphanie n'est autre que "l'apparition"
       De Jésus comme Dieu à toutes les Nations !
      
Hugues Jolivet         
Le 3 janvier 2015          




LE MUTILE N° 57 du 21/07/1918 (Gallica)
La Prise de la Bastille
        
        En 1789 le peuple de Paris qui, cependant ne comptait aucun des siens renfermé dans le donjon de la Bastille, brisait les portes de cette prison d'Etat et rendait à la liberté les malheureuses victimes des pouvoirs royaux et du despotisme voulant par ce beau geste, faire disparaître la lutte des classes qui jusque là avait régné sur la France.

        Le 14 Juillet devint alors la fête de la fédération ; il fut fêté pendant la première République avec beaucoup d'enthousiasme, la troisième République depuis 1881, a choisi le même jour comme fête nationale, et chacun en France s'est ingénié à célébrer cet événement dans toute son ampleur.

        Aujourd'hui que nous Français et nos Alliés combattons pour la liberté des peuples contre la barbarie des empires centraux.

        La fête du 14 Juillet est doublement solennelle car non seulement elle nous rappelle la chute des murs de la Bastille, mais encore l'indépendance américaine que nous fêtions le 4 Juillet et elle est aussi la fête de là liberté des peuples qui combattent avec tant d'énergie pour arrêter l'envahissement du Teuton et de ses acolytes.

        En fêtant le 14 Juillet, nous ferons preuve de la confiance que nous mettons en nos vaillants soldats et en nos Alliées, nous monterons que nous avons espoir en l'avenir, que le vieux bigre qui est à la tête du pouvoir exécutif nous inspire la même confiance que lorsqu'il était jeune et que nous espérons que bientôt cette griffé apposée sûr là gorge de nos ennemis, nous amènera une paix glorieuse qui sera la paix durable, mais pour y arriver, il faut que chacun fasse son devoir, aussi bien à l'arrière qu'au front, quelle que soit la place que nous occupons.

        Chacun de nous doit apporter sa pierre à l'édifice social : nos soldats en démolissant la Bastille ennemie, nous civils en travaillant dé concert pour préparer l'après guerre.

        Et en ce jour de fête, qui sera célébré, non seulement par les Français mais par tous les peuples alliés, nous devons tous ensemble pousser du fond de nos cœurs, ce cri :

        "Vive la France ! Vive les Alliés ! Vive la République ! et vivons unis pour combattre nos ennemies." :
        En attendant que bientôt nous fêtions la Victoire définitive.
Lejolivet.                 


Souvenirs de Saint-Leu
ECHO D'ORANIE - N°272

        Doux et tendres souvenirs
         Qui viennent m'assaillir
         Souvenirs du passé
         Qui chantent en moi
         Sans se lasser
         Je n'ai qu'à fermer les yeux
         Pour te revoir Saint Leu
         Petit village de mon enfance
         Où je vivais dans l'insouciance
         Petit paradis, loin de moi aujourd'hui
         Je sens encore l'odeur des genets
         Que la brise parfumée apportait

         L'heure où les pêcheurs revenaient
         Leurs filets chargés de poissons argentés
         Les barques que l'on tirait
         Sur le sable mouillé.
         La maison ou je suis née
         Son église, son clocher
         La grande rue, ses cafés
         Où mon père et ses amis
         Allaient faire une partie
         De belote ou de rami
         Les anciennes familles
         Lalemand, Marzof, Lupi

         Gérez, Rico, Ferrari
         Robineau, Garcia, Maldonado
         Ledoux, Perez, Contreras
         La tribu pittoresque
         Où nous allions acheter
         Les melons, les pastèques
         Quand la saison revenait
         Ton ciel au firmament se couvrait
         D'étoiles brillant de mille feux
         Après le cours des jours heureux
         A jamais loin de mes yeux
         Je pense toujours à toi Saint Leu
        
Annette BRANCHE née RICO         




Dar El Kalaâ
Envoyé par ANNABA-PATRIMOINE · MIS A JOUR 18 NOVEMBRE 2018
Image-Annaba-Patrimoine

             Dar el Kalaâ est une caserne ottomane, avec une muraille épaisse, qui se trouve à la limite de la ville fortifiée Bouna. Elle se caractérise par une hauteur importante et par des fenêtres voûtées qui donnent sur le quai du port, lui aussi construit par les Ottomans depuis leur installation à Annaba en 1543. Aujourd'hui, la ville d'Annaba garde comme trace de cet ouvrage militaire un seul mur encore debout, mais très mal entretenu.

Image-Annaba-Patrimoine
Façade de Dar El Kalaâ remaniée - Photo prise par Djalel Haj Moussa
Image-Annaba-Patrimoine
Vestige de Dar El Kalaâ - Photo prises par Djalel Haj Moussa

             Le bâtiment a été construit pour contrôler le trafic maritime dans le port. Il a abrité une brigade spéciale avec à sa tête un chef nommé El Merkanti ou Mercanté (ce mot en italien signifie " notable marchand "). Aujourd'hui à Annaba El Merkanti signifie " homme riche ".
Image-Annaba-Patrimoine
Merkanti au 19e siécle

             Le trafic était tellement important dans le port de Bouna, que le Merkanti résidait dans une sraya (= sorte de palais) mitoyenne de la caserne, pour gérer les entrées et sorties des navires à tout moment.
Image-Annaba-Patrimoine
La darse ottomane en 1907

             Aujourd'hui, ce vestige reste méconnu du grand public et délaissé par les autorités concernées. Elles sont incapables de le restaurer ou même placer une plaque commémorative de ce vieux vestige, pourtant témoin fort de la puissance militaire et économique de la ville d'Annaba sous l'empire ottoman.

             Références : Livre " Annaba. 25 siècles de vie quotidienne et de luttes, tome II " de H'sen Derdour.
ANNABA-PATRIMOINE             
http://annaba-patrimoine.com/vestige-dar-el-kalaa/             


Partie I - La guerre d'Algérie :
un conflit de civilisations
Envoyé par M. piedineri
Impérialisme arabe,
islam et " islamo-gauchisme "
de l'Algérie française à nos jours

               Qui n'a pas entendu cette formule, " islamo-gauchisme ", passée aujourd'hui dans le langage courant depuis que Manuel Valls s'en est servi pour montrer du doigt une bonne partie de la gauche française, ambiguë dans ses rapports avec l'islam et l'islamisme.
               Mais l'islamo-gauchisme, c'est quoi ? Pour Gilles-William Goldnadel, " l'islamo-gauchisme désigne la complaisance coupable d'une grande partie de la gauche à l'égard de la radicalité islamique. " " Il faut moins déceler de l'amour pour les populations islamiques qu'une haine inconsciente envers l'Occident coupable non seulement de la colonisation, mais encore du plus grand génocide traumatique de tous les temps " , précise Goldnadel. Le discours islamo-gauchiste peut par conséquent se définir comme un mélange d'islamophilie, de marxisme et de tiers-mondisme (ou anticolonialisme), que le soutien à la cause palestinienne symbolise aujourd'hui assez bien. " Aussi le discours tiers-mondiste et anti-impérialiste moderne s'accorde-t-il parfaitement avec la géopolitique islamique la plus traditionnelle " , a écrit Alexandre Del Valle, qui note que " nombre d'idéologues islamistes ont été d'anciens marxistes et/ou ont emprunté des concepts et méthodes issus du marxisme […] dans leur lutte contre l'" impérialisme " occidental au sein des zones les plus déshéritées ou dans les " banlieues de l'islam " d'Occident, où l'extrême gauche fait front commun avec les islamistes face à " l'ordre bourgeois-occidental-capitaliste " honni. "
               Dans cette étude nous verrons que l'islamo-gauchisme, loin d'être en France un phénomène nouveau, est sans doute plus vieux qu'on ne le pense.
               Mais d'abord citons une nouvelle fois Gilles-William Goldnadel, auteur, dans ses Réflexions sur la question blanche, du véritable " manifeste " de lutte contre l'islamo-gauchisme que voici :
               " J'aurais été, bien sûr, antifasciste et antinazi pendant les années 1930.
               J'ai été, dès que j'eus l'âge de comprendre que le communisme représentait le camp du mensonge sans vergogne et de la tyrannie intellectuelle, un anticommuniste sans complexe.
               Je soutiens aujourd'hui que l'anti-gauchisme et l'anti-islamisme incarnent les humanismes obligés du XXIe siècle. "

               Que dire de plus ?
               Mais ce que G.-W. Goldnadel ignore peut-être et que nous allons tenter d'expliquer, c'est que les premiers à avoir lutté contre le " gauchisme " et l'" islamisme " réunis, ont sans doute été ceux que l'on a appelé les " partisans de l'Algérie française ", des plus modérés aux plus " ultras " d'entre eux. Nous pensons en particulier à leur leader, Jacques Soustelle, qui trois ans après la livraison de l'Algérie au FLN dénonçait " la reconquête de l'Algérie par l'alliance du fanatisme islamique des Ulemas et de la subversion communiste " .
               Or, islamisme + communisme = islamo-gauchisme.
               Car n'étaient-ils pas islamo-gauchistes, ces " démocrates épris de progrès humain [applaudissant] aux exploits sanglants de fanatiques rétrogrades, imbus d'un esprit théocratique et totalitaire " , ces " progressistes " et autres " enragés " décolonisateurs ", [qui] condamnent chez nous toute trace d'oppression et de racisme, mais admettent tout et approuvent tout dès lors que les oppresseurs sont noirs au lieu d'être blancs ou musulmans au lieu d'être chrétiens " , que dénonçait, à l'époque de la guerre d'Algérie, ce même Soustelle, pointant du doigt les hommes de gauche apportant leur soutien au FLN ?
               La complaisance d'une certaine gauche vis-à-vis de l'islam politique et/ou du terrorisme islamique n'est en effet pas apparue, contrairement à ce que beaucoup croient, dans les années 1980 ou 2000, mais dès les années 1920, lorsqu'en Afrique du Nord une fraction de la gauche française, essentiellement communiste, apporta son soutien au développement d'un nationalisme arabo-musulman fanatique et rétrograde en s'alliant notamment avec Messali Hadj et les Oulémas panislamistes. Cet islamo-gauchisme en formation, d'abord largement minoritaire triomphera ensuite en 1962, lorsque le général de Gaulle, pour se débarrasser du " boulet algérien " s'alliera avec le FLN et la gauche dite " anticolonialiste " contre les patriotes Français de droite et de gauche qui se refusèrent à la capitulation et restèrent solidaires de leurs compatriotes Français d'Algérie envoyés à l'abattoir. Après ce triomphe inespéré de 1962, l'islamo-gauchisme, véritable fléau, va tout naturellement continuer son chemin, jusqu'à menacer aujourd'hui le cœur même de la France et de l'Occident.

1. Naissance et formation de l'islamo-gauchisme

               Nous pouvons distinguer trois périodes :
               1. L'entre-deux-guerres : rapprochement d'une fraction de la gauche (Parti communiste surtout, mais pas seulement) avec Messali Hadj et les Oulémas panislamistes.
               2. Guerre d'Algérie : gauchistes, communistes, " progressistes " et " chrétiens de gauche " apportent leur soutien, parfois actif, au FLN. Les accords d'Evian, suivis de Mai 68, assurent leur triomphe idéologique et médiatique.
               3. De la guerre d'Algérie à nos jours : les mêmes gauchistes et " progressistes " (Edwy Plenel, Clémentine Autain, Claude Askolovitch…), dignes héritiers des porteurs de valises du FLN, s'acoquinent avec les pires ennemis de l'intérieur, eux-mêmes dignes héritiers du FLN : Indigènes de la République, " antisionistes ", Comité contre l'islamophobie (CCIF) de Marwan Muhammad, Frères musulmans, etc.

               Commençons par le commencement : l'entre-deux-guerres.
               Obéissant aux directives de Lénine et de la IIIème Internationale, pour qui la conquête communiste de l'Europe passait par l'Afrique et la " libération " des peuples colonisés, le Parti communiste français, et sa section algérienne, d'abord très discrets sur la question, vont, à partir du milieu des années 1920, adopter un discours violemment anticolonialiste, pro-arabe, et largement contribuer à la structuration du nationalisme musulman algérien. D'autres, plus centristes, issus souvent de la Ligue des Droits de l'Homme, s'accommoderont également très bien, à cette même époque, de l'islam politique. Ainsi, sous couvert d'un discours prônant la " libération des peuples opprimés " par " l'impérialisme ", ou tout simplement la défense des " droits humains ", des mouvements de gauche, iront parfois jusqu'à apporter leur soutien à des organisations et à des personnalités adeptes du suprémacisme islamique, tels Messali Hadj, l'émir Khaled, ou l'Association des oulémas musulmans d'Algérie.
               Un rapprochement qui déplaisait aux socialistes d'Alger. Car c'est, en réalité, dans les confrontations qui eurent lieu dans l'Algérie des années 1920 que se trouve la source des confrontations actuelles opposant l'" islamo-gauchisme " au patriotisme républicain. La plupart des socialistes d'Algérie, en effet, n'acceptaient pas l'alliance nouée entre les communistes et les fanatiques musulmans à la mode de Messali Hadj :
               " Le Congrès [...] dénonce comme un sophisme grossier, la théorie de l'" Evacuation des Colonies " prêchée par le pseudo communisme-moscovite, évacuation inapplicable en fait et qui marquerait, si elle pouvait l'être, une régression de la civilisation et du progrès humain [...] ; flétrit une propagande prétendue communiste conduisant fatalement à ces mouvements de xénophobie, de fanatisme et de nationalisme musulman ", proclamait le IXème Congrès fédéral du Parti socialiste d'Algérie, en mars 1926. Le journal des " Pieds-Noirs " socialistes d'Alger, Alger-Socialiste, dénonçait à son tour une propagande communiste " qui n'a pas de peine à réveiller une vieille haine, à créer et à entretenir un nationalisme étroit, à cultiver le préjugé des races et à exacerber le fanatisme religieux " , tandis que le militant socialiste André Costa reprochait au journal des communistes d'Alger, La Lutte sociale, de s'être " fait l'apôtre du nationalisme religieux musulman " … On croirait entendre Manuel Valls s'en prendre à Clémentine Autain… Mais revenons-en à Alger-Socialiste, qui mettait également en garde contre l'anticolonialisme primaire et la démagogie des communistes, et défendait l'œuvre civilisatrice de la France :
               " A mesure que les aspirations démocratiques se réalisent chez les peuples civilisés et que la prospérité économique se traduit par de meilleures conditions de vie, les doctrines coloniales évoluent et se mettent à l'unisson du progrès suivant le génie propre des peuples colonisateurs. Le génie français, s'il n'a pas fait de miracle en cette matière, s'il n'a pu voir son élan se développer pleinement, peut, à bon droit, prétendre avoir été plus rayonnant que celui de toute autre nation occidentale. "
               Déjà donc, dans l'Algérie des années 20, se profilait la lutte idéologique entre les adeptes de la repentance, et les autres. ..

               Alger-Socialiste, tout en réclamant des réformes concluait :
               " Les Indigènes sauront que leur émancipation sera en partie leur œuvre et qu'en tous cas elle ne pourra se faire que dans le cadre des lois françaises, suivant le tempérament français et dans le cycle des progrès sociaux que les Français réaliseront pour eux-mêmes. "
               Même journal qui, dans son numéro du 27 novembre 1926 évoquait " cette Algérie florissante grâce au travail conjugué du colon et de l'autochtone ".
               L'historienne Claire Marynower, auteure d'une thèse sur les socialistes Oranais dans l'entre-deux-guerres, explique par conséquent, à propos de la SFIO (ancien nom du Parti socialiste), que " les solutions qu'elle préconisa à ce moment-là avaient, toujours, pour axe principal l'assimilation. Elles s'assortissaient de considérations ouvertement colonialistes, justifiant la tutelle française en Afrique du nord en termes de mission civilisatrice. " Marynower qui ajoute, au sujet du Front populaire, que " le peu d'empressement des socialistes [d'Oranie] à signer un pacte d'unité d'action avec les communistes [...] tenait aussi à leur désaccord sur la question des droits politiques des " indigènes ". "
               Mais il faut savoir qu'au sein même du Parti communiste, il y eut des réticences de la part de certains militants Européens d'Algérie devant l'orientation pro-arabe prise par leur parti au milieu des années 1920. " Il paraît que pour que La Lutte sociale [journal des communistes d'Alger] soit dans la ligne, elle ne doit plus s'occuper que des indigènes. Les travailleurs européens de ce pays sont, paraît-il, quantité négligeable " , ronchonnait, en 1927, un des leaders de la section communiste d'Alger. Cet homme n'était pas isolé : les colons n'ont " pas tous les torts ", il faut d'abord " décrasser le cerveau [de l'indigène] " et détruire en lui " le préjugé fataliste " qui s'oppose " le plus fortement à son assimilation " , s'énervait, dès 1902 à Constantine, le socialiste révolutionnaire Charles Soulery.
               Les Européens, en Algérie, n'étaient d'ailleurs pas seuls à manifester ce genre de préventions contre l'islam. Certains musulmans aussi, tel l'instituteur Saïd Faci, Kabyle ayant acquis, en 1906, la citoyenneté française. Si cet homme de gauche membre de la Ligue des Droits de l'Homme réclamait, dans l'entre-deux-guerres, des droits politiques progressivement étendus pour les " indigènes ", Claire Marynower explique qu'" il n'était pas pour autant question pour lui de faire accéder tous les Algériens à la citoyenneté française. Il écrivait ainsi que " les Arabes ignorants et fanatiques [étaient] extrêmement nombreux et ne feraient guère qu'un très mauvais usage de leurs droits de citoyen ". "
               Nous l'avons vu plus haut, un grand nombre de Pieds-Noirs des milieux populaires se revendiquant de la gauche, étaient totalement vaccinés contre l'" islamo-gauchisme " en formation. C'est également le cas du journal satirique et humoristique Papa-Louette, hebdomadaire paraissant au tout début du XXème siècle à Alger.

               Le Papa-Louette, était l'organe d'expression des " petits-Blancs " de Bab-el-Oued et du monde ouvrier d'Alger. Affichant des idées populistes et plus ou moins socialistes, écrit moitié en français moitié en " patois pied-noir " (le pataouète), ce journal n'était pas pour autant spécialement " arabophile ". Il lui arrivait même, tout en exaltant la solidarité entre travailleurs de toutes communautés (un de ses éditorialistes affirme par exemple, que " le sol et le sous-sol de l'Afrique du nord appartient aux travailleurs qui produisent quelle que soit leur nationalité, arabe ou française, et non à une association de malfaiteurs ", avant d'ajouter : " Mais les masses sociales évoluent en dépit de certaines combinaisons ministérielles. La classe ouvrière algérienne que des questions de race séparent encore, se groupera, car ses intérêts le lui commandent impérieusement, et s'opposera par tous les moyens à la conservation d'un état social où elle est toujours la victime d'une minorité capitaliste " ), il arrivait même au Papa-Louette, disions-nous, de céder au racisme anti-arabe. En réalité ce journal illustre à merveille les contradictions de ces Pieds-Noirs de gauche, pris en tenaille entre leur idéologie généreuse et universaliste, et la présence au milieu d'eux d'une civilisation hostile et menaçante : l'islam. S'en prenant par exemple aux Arabes acceptant " les bienfaits de notre instruction, pour s'assurer une suprématie au milieu de leurs coreligionnaires, et mieux préserver ainsi le Coran des atteintes sacrilèges des Roumis, les infidèles infectes ", il invitait le Gouverneur de l'Algérie Charles Jonnart à mettre fin aux libéralités " excessives " octroyées " à des gens qui pour toute reconnaissance, ne rêvent qu'au moment où Mahomet leur prescrira par un signe des temps quelconques, de nous foutre à la mer ! " (nous sommes en 1908). " Zebsermok pour les Roumis !! telle est la devise de l'Islam, disait encore le Papa-Louette. Et nous, Intelligents ! et Civilisés, nous leur construisons, pour les récompenser, des écoles somptueuses, des hôpitaux magnifiques… Nous les comblons d'honneurs […] tout comme si nous étions leurs obligés. Aurons-nous bientôt fini de jouer ce rôle d'imbéciles ?... "
               On lisait enfin dans ce journal :
               " De deux choses l'une ; ou les indigènes doivent devenir nos sincères et loyaux collaborateurs dans l'épanouissement de notre belle Algérie, en se mêlant à nous, en vivant notre vie de PIONNIERS de la civilisation consistant à défricher énergiquement les trop nombreuses cervelles incultes et rebelles que l'on rencontre chez eux ; - ou bien, se confinant dans leur stupide haine religieuse, ils veulent, même les Intellectuels, nous traiter toujours en ennemis du Coran, et nous en appliquer fanatiquement les lois implacables ? Pas moyen de sortir de ce dilemme... [...] Ou les Arabes veulent nous supprimer politiquement, au nom du Coran [...]. Ou bien, nos bons Musulmans algériens, se réveillant, tout comme les Jeunes Turcs de Constantinople, - et désireux de contribuer, eux aussi, à l'Emancipation des cervelles crétinisées par la religion haineuse, sournoise et criminelle, comme les autres religions d'ailleurs, - nos bons Musulmans d'Algérie doivent, carrément, accepter les bénéfices de la civilisation libératrice que nous leur apportons en même temps que les charges et les devoirs inhérents à toute situation nouvelle et privilégiée. " (15 novembre 1908)
               Le Papa-Louette, cet obscur journal d'Alger vendu à un sou annonce donc dès 1908 - et ceci est très troublant -, la future lutte désespérée de l'OAS un demi-siècle plus tard, mais surtout, aujourd'hui, un mouvement comme Riposte laïque (y compris dans ses excès)… Comment en effet ne pas faire le lien entre Pierre Cassen, fondateur de Riposte laïque et ancien syndicaliste à la Fédération du Livre de la CGT (comme l'étaient d'ailleurs une bonne partie des collaborateurs du Papa-Louette !), et ces militants ouvriers de l'OAS, anciens électeurs socialistes de Bab-el-Oued ou de Belcourt ? Il n'y a pas de différences, les mêmes hommes luttant contre les mêmes ennemis.
               Et ce militant socialiste " pied-noir ", n'est-il pas également précurseur de l'OAS lorsqu'il écrit, au début des années 1920 :
               " Sans remonter aux causes, discutables, certes, de l'établissement [en Algérie] d'une population européenne déjà importante, en réservant les moyens, critiquables également par lesquels elle s'y maintient, elle y a, à nos yeux, le droit de cité autant que les Indigènes. Le nationalisme arabe met ce droit en question et contre lui nous sommes en état de légitime défense " .
               Mais revenons-en aux " islamo-gauchistes ". Ce qu'il est également important de savoir, c'est que les " islamo-gauchistes " (c'est-à-dire les hommes de gauche qui acceptaient de discuter avec Messali Hadj et les nationalistes musulmans) eux-mêmes, ne furent pas dupes de la dangerosité de leurs " amis ". Seuls le fanatisme idéologique, l'esprit de soumission et la volonté tenace de détruire leur civilisation, animait en réalité ces hommes et ces femmes. Le parcours de Jean Chaintron (1906-1989) en est un exemple frappant. Français de Métropole, candidat communiste à Alger aux élections législatives de 1936 sous le pseudonyme de " Barthel ", Jean Chaintron, déterminé à orienter le Parti communiste d'Algérie dans la voie de la lutte anticoloniale aux côtés des pires fanatiques musulmans, est l'auteur, en 1935, d'une circulaire appelant les Arabes d'Algérie à la révolte contre la France. La circulaire dite " Ferrat-Barthel ". Le communiste Barthel, plaidait pour " une Algérie libérée, où sans distinction de race ou de religion les travailleurs, débarrassés de leurs exploiteurs communs, vivront libres et égaux dans le bien-être et la paix " . C'est si bien dit… Voici pourtant ce que nous apprend le même homme dans son autobiographie, rédigée dans les années 1980 :
               " La réalité était différente du schéma de la fameuse " circulaire Ferrat-Barthel ". La religion musulmane était la base effective du mouvement national algérien. Les chefs musulmans avaient certes diverses tendances politiques : celle des oulémas tels Cheik Ben Badis, El Okbi, Brahimi, des réformistes tels Ferhat Abbas, Bendjelloul, Lamine Lamoudi, des révolutionnaires tel Messali Hadj de l'Etoile nord-africaine. Le lien, le ciment, le trait commun, était l'Islam. Les communistes musulmans seuls étaient associés à un mouvement national. Aucun Européen ne pouvait y appartenir. "

               La réalité était différente ; Aucun Européen… Voilà qui n'a pas empêché cet homme de prêcher l'indépendance totale, tout en sachant très bien dans quel enfer ses compatriotes d'outre-Méditerranée allaient être plongés ! Barthel " savait ". Mais il s'est tu.
               Inutile de dire que les islamo-gauchistes et multiculturalistes d'aujourd'hui, ceux qu'Alexandre Del Valle a justement appelé " les professionnels de l'auto-sabordage identitaire " , sont tout aussi bien informés de la catastrophe qui s'annonce pour l'avenir de la France et de l'Europe. Comme le montre l'exemple de Barthel, c'est en toute connaissance de cause que ces gens s'affichent avec les pires ennemis de leur civilisation, leur passion idéologique et leur haine de l'Occident étant plus fortes que tout. Plus qu'à personne d'autre, la dhimmitude leur est promise. Et si, hier, le communiste Barthel apportait son soutien à l'islamiste Messali Hadj, aujourd'hui la communiste Clémentine Autain fait la promotion d'un meeting de l'islamiste Tarik Ramadan...
               Plus encore que les socialistes, les radicaux-socialistes d'Algérie, hommes de gauche modérés et patriotes, étaient vaccinés contre l'islamo-gauchisme d'un Barthel. On peut ainsi lire dans L'Echo d'Alger, journal proche des radicaux-socialistes, en 1923 :
               " En venant sur cette terre reconquise par nos armes, les colons ne sont point venus en envahisseurs pour accaparer des richesses ou détruire une civilisation. Ils sont revenus dans un pays que leurs ancêtres latins avaient rendu florissant et que le torrent des invasions arabes, affluant vers Poitiers, avait complètement saccagé. Les colons ont reconstruit l'Afrique latine ; ils ont réédifié la prospérité romaine et rendu à la lumière du progrès ces vastes provinces endormies sous le lourd manteau de plomb de douze siècles d'islamisme. "
               Et le journal d'appeler les Français de Métropole à ne pas mettre " dans la même balance ceux qui reconstruisent l'avenir sur les ruines du passé et ceux qui ne sont que les héritiers des éternels destructeurs de notre civilisation occidentale. " Le député radical-socialiste de l'Algérois, le pied-noir Jean-Marie Guastavino, ne disait pas autre chose lorsqu'il célébrait l'épopée de son peuple, évoquant
               " le défilé de tous ces méditerranéens, renouant avec l'Afrique un contact interrompu par plusieurs siècles de convulsions. Eux aussi, sous les plis d'un drapeau qui symbolise la liberté et l'hospitalité, retrouvaient l'atmosphère du pays natal. L'Afrique du Nord, dans tous ses aspects, n'était-ce pas le prolongement du Languedoc et de la Provence, de la huerta de Valence, de l'oasis d'Elche, des terres brûlées de Mayorque et de Minorque ? Cette mer latine, après avoir chanté à Procida et à Sorrente, ne reprenait-elle pas sa chanson sur les sables des plages algériennes ? "
               Un autre député pied-noir de gauche, le républicain-socialiste Henri Fiori (qui dirigea longtemps le Papa-Louette), clôturant en 1927 l'inauguration d'un monument aux morts de la Première Guerre mondiale à Médéa, déclarait à son tour : " Les monuments aux morts ont un autre symbole. Attestant nos héroïsmes, ils sont la digue sur laquelle se briserait toute vague barbare rêvant de submerger notre civilisation latine " . Il y eut d'ailleurs toute une littérature, à l'époque, sur le thème : " les Européens d'Algérie : peuple néo-latin ", la référence à Rome couvrant alors un large spectre allant d'une partie des socialistes jusqu'à l'extrême droite.
               Ainsi, qu'on le veuille ou non s'étaient formés en Algérie deux peuples, qui avaient l'un et l'autre le même droit à y vivre : l'un essentiellement latin et catholique, de civilisation occidentale, l'autre essentiellement arabe et musulman, de civilisation orientale.
               Cela jusqu'à ce que, tels deux cow-boys se heurtant dans un saloon, le second dise au premier en le fixant droit dans les yeux : " Il y a un peuple de trop sur cette terre ".
               Et ce fut la guerre d'Algérie.
               Guerre d'Algérie qui ne fut que la continuation, sur un mode guerrier, des affrontements idéologiques - et ethniques - des décennies précédentes dont nous venons de parler.
               Car cette guerre, fut aussi la lutte de l'" islamo-gauchisme " contre le patriotisme républicain. La lutte de Sartre contre Lacoste, si l'on peut dire. Ou, plus globalement, un moment de cristallisation opposant défenseurs et fossoyeurs de la civilisation occidentale, qu'ils fussent de droite ou de gauche.

2. Islamo-gauchisme versus patriotisme républicain

               Ce patriotisme républicain, qui mieux que Jacques Soustelle, chef de file des partisans de l'Algérie française venu de la gauche, de l'antifascisme et de la Résistance, a pu le définir ? C'est en effet de cette manière que Soustelle appelait en mai 1962, au lendemain de la capitulation d'Evian, à détruire le régime gaulliste :
               " Il n'y a rien à attendre de ce régime, ni pour la France ni pour l'Occident. La voie de l'avenir passe par sa liquidation. Il n'y a pas de tâche plus urgente pour l'opposition nationale et démocratique que de prendre conscience des grands problèmes autour desquels doit s'ordonner son action dans une large union de tous ceux qui, aspirant à dépasser les catégories périmées de droite et de gauche, ne renoncent ni à la Patrie ni à la République. "
               Patrie et République : ce sont ces mêmes mots que chérissait Robert Lacoste, figure emblématique des socialistes ayant pris le parti de l'Algérie française. Robert Lacoste qui, inspiré sans doute par Jaurès, terminait ainsi son discours au Colloque de Vincennes de juin 1960 : " A l'opinion républicaine de la métropole, nous disons que la perte de l'Algérie entraînerait la mort de la République. La République et la Patrie sont, pour nous, une seule et même chose ". Lacoste qui dans ce même discours déplorait que l'on ait " banni de la tradition démocratique le patriotisme républicain " . Evoquons pour finir le Comité de Vincennes, rassemblement de personnalités de toutes tendances politiques, de la gauche à la droite, réunis à partir de juin 1960 pour s'opposer à la politique algérienne du général de Gaulle. De quelle manière l'un de ses membres principaux, Paul Coste-Floret, homme politique de centre-droit, le décrivait-il ? " Le Comité de Vincennes c'était l'union de républicains pour défendre la légalité de l'appartenance de l'Algérie à la République française. "
               Le patriotisme républicain des deux dirigeants principaux de l'OAS, les généraux Salan et Jouhaud, n'est pas plus à démontrer (cf. notre article " L'assassinat de la gauche patriote à la fin de la guerre d'Algérie ", dans La Seybouse de septembre 2018), et c'est la notion voisine de " citoyenneté laïque " que le Dr Jean-Claude Pérez, ancien haut responsable de cette organisation à Alger, met en avant dans tous ses ouvrages. Voici par exemple la façon dont Robert Lacoste présentait le général Salan, chef de l'OAS : " Sur le plan politique, c'était un général de gauche. Je ne sais pas s'il avait des opinions politiques, c'était en tout cas un républicain traditionnel " (républicain, certes, mais aussi chrétien : " Je suis anticommuniste, c'est vrai, et d'abord parce que chrétien…, je suis d'ailleurs antifasciste pour la même raison " , déclarait Salan en personne). Enfin voici, autre exemple, l'extrait d'un tract de l'OAS : " Il n'est pas possible que l'Armée Française se parjure à ce point, elle ne le fera pas pour l'honneur, la Patrie et la république. "
               " Tout cela est bien beau ", nous dira-t-on, " mais, et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, qu'en faites-vous ? " D'autres répéteront en boucle, tels des perroquets qui seraient devenus gaullistes : " Mais mon petit monsieur, rendez-vous compte ! Si l'on avait écouté les partisans de l'Algérie française, il y aurait aujourd'hui 50 millions de musulmans citoyens Français ! " Pour couper court définitivement à ces arguments grotesques et passer vite à autre chose, nous aurons recours à un seul argument, qui a le mérite de faire d'une pierre deux coups et d'être assez expéditif : le partage ! Car l'on nous a toujours pas expliqué où se trouvait le risque pour que " Colombey-les-Deux-Eglises " devienne " Colombey-les-Deux-Mosquées ", et pour que la France succombe à la démographie musulmane, en cas de partage de l'Algérie ! Partage qui relevait pourtant d'une simple application du sacro-saint " droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ", et même plus simplement du " droit de vivre ", au peuple Européen d'Algérie. Partage qui fut envisagé comme solution intermédiaire par une grande partie de ceux que l'on appelle les " ultras " de l'Algérie française, et même par ceux qui ne l'étaient pas plus que ça, tels François Mitterrand, Alain Peyrefitte, Maurice Allais et bien d'autres encore. Car il faut bien comprendre que la plupart de ceux qu'on a appelé les partisans de l'Algérie française ne luttaient pas, contrairement à ce que beaucoup croient, pour une Algérie française " éternelle ". Ces hommes, refusant notamment d'accepter la capitulation face à des fanatiques qui s'apprêtaient à massacrer et jeter à la mer plus d'un million de leurs compatriotes de toutes confessions, étaient d'abord des " partisans de la solidarité nationale ". Ainsi Paul Coste-Floret, défenseur enthousiaste de l'Algérie française signait, en décembre 1961, un manifeste préconisant un partage du territoire en cas d'indépendance de l'Algérie. Ainsi Jacques Soustelle déclarait, simple exemple, en septembre 1959 :
               " Ou bien les habitants de l'Algérie sont des Français égaux en droits et en devoirs, et alors les relations entre eux sont réglées par les lois et la justice de la République ; ou bien ils sont seulement des " Algériens ", mais alors on est obligé de reconnaître qu'il n'y a pas un seul peuple algérien. Si le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est invoqué en faveur du peuple algérien de civilisation musulmane, on ne saurait le refuser au peuple algérien de civilisation française. En d'autres termes, si l'Algérie n'est pas la France, il ne peut y avoir une seule Algérie, mais deux ou même plusieurs. "
               Ainsi le général Jouhaud, futur numéro deux de l'OAS, écrivait dans une note en janvier 1961 :
               " Entre la francisation et l'indépendance, n'y a-t-il pas de solution ? [...] Si nous croyons les Musulmans irrémédiablement hostiles à notre présence, ne nous faisons aucune illusion ; il nous faut partir ou nous regrouper dans une portion de territoire. Nous partagerons l'Algérie. "
               Les arguments dont nous avons parlé plus haut (droit des peuples et démographie musulmane), pierres angulaires des propagandes gaulliste et gauchiste sur l'Algérie, reposent par conséquent sur le néant. Il est toujours utile de le rappeler. En revanche une chose est certaine : si en 1960, on parlait, dans le pire des cas, de partager l'Algérie, aujourd'hui, moins de soixante ans après, c'est un risque de partition de la France que l'on évoque de plus en plus. " Comment éviter la partition ? Car c'est quand même ça qui est en train de se produire : la partition ", a dit, récemment, François Hollande. Plus récemment encore, l'ex-ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, à la question posée par un journaliste de Valeurs actuelles : " Que craignez-vous ? Une partition ? Une sécession ? ", répondait : " Oui, je pense à cela, c'est ce qui me préoccupe ", avant d'ajouter que " d'ici à cinq ans, la situation pourrait devenir irréversible " . Pourtant il y a près de soixante ans, aux heures lointaines de la guerre d'Algérie l'écrivain Alfred Fabre-Luce plaidant pour la partition - de l'Algérie… -, c'est-à-dire conserver un petit territoire sur le littoral pour y regrouper les Pieds-Noirs et les musulmans francophiles, y voyait un " moyen légitime pour défendre l'Occident dans cette terre qui lui a appartenu jusqu'à l'invasion arabe et qu'il a reconquise depuis cinq générations " . Fabre-Luce ne sera pas entendu par de Gaulle, et, aujourd'hui, comme on pouvait s'y attendre, c'est la civilisation arabe qui est en bonne voie de reconquérir l'Occident. Ainsi peut-être que, à défaut d'une enclave latine et chrétienne en Afrique du Nord, aurons-nous droit bientôt à un remake de la province musulmane de Narbonne, comme au bon vieux temps d'al-Andalus ?

               Après cette mise au point, développons notre sujet principal : la lutte entre l'islamo-gauchisme et le patriotisme républicain de l'Algérie française à nos jours.
               Patrie et République : nous avons vu que ce furent les deux mots d'ordre d'une grande partie des partisans d'une présence française en Algérie. Quels furent les mots d'ordre de leurs ennemis ? Islam (ou panarabisme, ce qui revient au même) et marxisme. Ce qui en français donne " islamo-gauchisme ".
               Qui furent, d'ailleurs, les précurseurs de cette fameuse expression " islamo-gauchisme " ? Figurez-vous qu'il pourrait bien s'agir des partisans de l'Algérie française ! Ce sont eux en effet qui, les premiers, ont mis des mots précis sur l'alliance développée lors de la guerre d'Algérie entre une certaine gauche et un certain islam. Lors de son procès en février 1963, le colonel Bastien-Thiry dénonçait, tenez-vous bien, " la synthèse islamo-marxiste " " en cours de réalisation ", tandis que Jacques Soustelle, nous l'avons déjà dit, regrettait " la reconquête de l'Algérie par l'alliance du fanatisme islamique " et de " la subversion communiste ".
               Aujourd'hui comme hier, l'islamo-gauchisme voilà l'ennemi !, pourrions-nous ajouter avec le recul.
               Communisme et panarabisme, c'est également ce contre quoi l'écrivain de gauche Albert Camus, ce Pied-Noir de génie, appelait à résister. Camus, qui, loin d'avoir été un " bisounours " sur le conflit algérien contrairement à l'image consensuelle qu'on en donne aujourd'hui, était parfaitement conscient de l'intérêt vital, pour l'Occident, sur un plan purement géopolitique, de lutter contre ce nouvel impérialisme arabo-musulman. Invitant son pays à préserver " les intérêts stratégiques qui conditionnent la liberté de l'Occident ", il écrivait, en 1958 :
               " Il faut considérer la revendication de l'indépendance nationale algérienne en partie comme une des manifestations de ce nouvel impérialisme arabe, dont l'Egypte, présumant de ses forces, prétend prendre la tête, et que, pour le moment, la Russie utilise à des fins de stratégie anti-occidentale. La stratégie russe [...] consiste à [...] mettre en mouvement le Moyen-Orient et l'Afrique pour encercler l'Europe par le sud. "
               C'est le cas aujourd'hui : l'Europe, est encerclée par le sud.
               On le voit, si les partisans de l'Algérie française dénonçaient constamment la menace communiste, ils n'en oubliaient pas pour autant l'islam et l'impérialisme arabe. Communisme et panarabisme, à l'époque, étaient les deux faces d'une même arme de destruction massive lancée contre l'Occident. Il était donc normal que les éminents défenseurs de l'Occident qu'étaient les défenseurs de l'Algérie française et du peuple pied-noir, de Camus à Bastien-Thiry en passant par Jacques Soustelle, s'en prennent à la fois au communisme et au panarabisme. La dénonciation de ces deux fléaux était à leurs yeux complémentaire. " La trahison se présente aujourd'hui sous les apparences de la paix : il s'agit de livrer au panarabisme et au communisme un million de Chrétiens et de Juifs, ainsi que les innombrables musulmans amis qui ont combattu sous notre drapeau ", dénonçait à son tour Georges Bidault en avril 1962. Panarabisme et communisme. Communisme et panarabisme. Et nous aurons l'occasion de voir, un peu plus loin, que ce terme de " panarabisme ", dans la bouche des partisans de l'Algérie française, signifiait tout simplement " islam ", " islamisme ", ou " impérialisme arabo-musulman ".

               Mais revenons-en à la définition de ce patriotisme républicain qui animait une grande partie des Pieds-Noirs d'Algérie et de leurs défenseurs.
               Ce patriotisme républicain a une histoire. Développons à propos de Léon Gambetta (1838-1882), homme politique de gauche modéré, père fondateur de la Troisième République et grande figure de ce patriotisme républicain, qui sera d'un soutien sans faille aux Européens d'Algérie et à l'expansion de la France outre-mer le temps de toute sa carrière politique . Méfiant face à l'islam peut-être plus encore que face au cléricalisme chrétien, son journal, La République française, ira jusqu'à qualifier l'islam d'" ennemi de la République " au lendemain de la révolte kabyle de 1871. La République française qui, dans un article consacré dix ans plus tard à l'Egypte, alertait - signe de plus de sa méfiance envers l'islam - sur le risque pour la France de perdre " son principal boulevard contre le fanatisme musulman " et le " flot du panislamisme " (nous sommes à la fin du XIXème siècle !). Même journal qui soutenait vigoureusement la colonisation, et défendait l'idée de peupler l'Algérie par l'envoi de nouveaux colons. Une idée que Léon Gambetta mettra lui-même en œuvre à la tête de son ministère par un programme d'émigration vers l'Algérie. Gambetta qui enfin, regrettant que ce pays ne soit pas assez connu des Français, prendra la présidence du groupe parlementaire algérien.
               Si Gambetta était favorable aux " Pieds-Noirs ", ceux-ci le lui rendirent bien. Les Algérois l'éliront triomphalement aux législatives de 1870, et le " gambettisme " connaîtra une grande fortune en Algérie française.
               joutons au passage que ce dernier, s'il était républicain et de gauche, héritier de 1789, n'en restait pas moins lucide et, surtout, intensément patriote. Stigmatisant les dérives de la devise républicaine (Liberté-Egalité-Fraternité), Gambetta écrivait par exemple, à propos du dernier terme de ce triptyque :
               " la fraternité, c'est-à-dire le cosmopolitisme, l'humanitarisme, la bêtise internationale, nous dévorer[a], et au bout de quelques années, nous jetter[a] comme une proie facile " …
               Ces mots de Gambetta écrits en 1882, sont aujourd'hui plus que d'actualité, comme ils l'étaient d'ailleurs au moment de la guerre d'Algérie !
               Comment d'ailleurs ne pas voir en Jacques Soustelle, les socialistes Marcel-Edmond Naegelen et Robert Lacoste voire même en le général Salan, ces grands républicains de gauche, défenseurs actifs d'une présence française en Algérie, les héritiers directs de Léon Gambetta et de cette pensée typiquement française qui faisait de l'universalisme républicain et du patriotisme les deux faces d'une même médaille ?
               Attardons-nous maintenant sur les rapports qu'entretenait le républicain Gambetta avec l'homme d'Eglise Charles Lavigerie, premier archevêque d'Alger de 1866 jusqu'à sa mort en 1892, et grande figure de l'Afrique du Nord française. Célèbre pour son rôle dans la lutte contre l'esclavage et pour avoir posé les bases du ralliement des catholiques Français à la République, le cardinal Lavigerie va mener dans la seconde moitié du XIXème siècle une politique active dans l'objectif de donner une unité à l'Eglise d'Afrique. C'est sous son épiscopat que fut inauguré Notre-Dame d'Afrique, la fameuse basilique d'Alger, dont il dira qu'elle
               " domine de ses blanches coupoles la mer immense et les montagnes où se sont réfugiés, comme dans un asile inaccessible contre les persécutions musulmanes, les descendants des chrétiens dont Saint-Augustin fut l'évêque " .
               Charles Lavigerie, également archevêque de Carthage, en Tunisie française, symbolisait alors la renaissance du " christianisme africain ", voire le triomphe de la Croix sur le Croissant.
               Nous allons voir maintenant que le républicain plutôt anticlérical Léon Gambetta, n'a cessé de soutenir l'archevêque dans sa mission. L'historien Bernard Lugan dit à son propos :
               " Artisan du ralliement des catholiques à la République en 1890, le cardinal Lavigerie (1825-1892) reprochait aux Bureaux arabes et au régime militaire d'être trop protecteurs des indigènes et de freiner la colonisation de l'Algérie. Il était donc en accord sur ce point avec le gouvernement républicain issu de la défaite de 1870 ; notamment avec le ministre de la Justice, Adolphe Isaac Moïse Crémieux (1796-1880), qui fit adopter les décrets qui portent son nom [...]. C'est à l'intention de ce dernier et de Léon Gambetta que le prélat rédigea ses " Notes sur l'Algérie " datées de la ville de Tours le 1er décembre 1870. [...] Le texte [...] y prend l'exact contre-pied de [la politique] suivie jusque-là par les militaires, par les Bureaux arabes et par l'Empereur Napoléon III quand il avait parlé du " Royaume arabe ". "
               " La République adoptera largement les vues de Mgr Lavigerie ", conclut Bernard Lugan.
               Et René Pottier, dans la biographie du cardinal qu'il publie en 1947, Le Cardinal Lavigerie, apôtre et civilisateur, écrivait à propos de ce dernier qu'angoissé par des soucis d'argent, c'est auprès de Léon Gambetta qu'il trouva un précieux auxiliaire :
               " Chose étrange, il devait rencontrer en Gambetta, que M. Roustan avait gagné à sa cause, un précieux auxiliaire. Mgr Lavigerie alla voir ce chef tout puissant du " Grand Ministère ", et il eut la surprise d'être couvert d'éloges. Le prélat, moitié par crainte d'être l'objet d'une mystification, moitié pour satisfaire à son goût de l'ironie, se contenta de dire : " Merci, Monsieur le Ministre, mais l'anticléricalisme, qu'en faites-vous dans tout cela ?... " Un tribun ne se laisse jamais décontenancer par une interruption ; c'est alors que Gambetta aurait prononcé le mot légendaire mais devenu fameux : " L'anticléricalisme, Monseigneur, n'est pas un article d'exportation. " " .
               Ainsi, avec la naissance de la Troisième République et le rapprochement Gambetta-Lavigerie, se consolidait l'alliance de fait d'une fraction des républicains de gauche, laïques et patriotes, avec les missionnaires de la Croix chrétienne. Une alliance, que l'on retrouvera lors de la guerre d'Algérie car il n'est pas exagéré de penser, en effet, que le duo Gambetta-Lavigerie, le républicain anticlérical et l'homme d'Eglise, unis tous deux contre la politique de " royaume arabe " de Napoléon III, annonce avec éclat le duo Soustelle-Bidault, le premier républicain laïque, le second catholique fervent, engagé contre l'alliance de Gaulle-FLN à la fin de la guerre d'Algérie. Un rapprochement que l'on voit d'ailleurs réapparaître aujourd'hui, où se mêlent " laïcards " de gauche (cette gauche que les islamo-gauchistes nomment avec un mépris raciste la " gauche cassoulet ") et hommes de droite pour défendre ce qu'il reste à défendre de la France et de son modèle de société.
               Si le père fondateur de ce patriotisme républicain à la française se nomme Léon Gambetta, on peut dire sans prendre le risque de se tromper que dans le camp adverse le grand gourou, le pape, de l'islamo-gauchisme, est bien Jean-Paul Sartre. Il faut avoir le courage de lire sa préface aux Damnés de la terre de Frantz Fanon, texte dans lequel cet éminent philosophe voyait dans un éventuel génocide du peuple pied-noir, le signe annonciateur de la fraternité universelle. Véritable hymne à la repentance et à l'auto-destruction de l'Europe, qui inspire encore aujourd'hui de près ou de loin tout bon islamo-gauchiste qui se respecte.
               Mais il serait malhonnête de ne s'en prendre qu'à la gauche. Il y eut aussi ce qu'on pourrait appeler un " islamo-droitisme ". Evoquons d'abord l'Empereur Napoléon III (1851-1870), et son projet de " royaume arabe ". Déterminé à freiner la colonisation Européenne de l'Algérie, entouré d'idéalistes tels que Ismaïl Urbain, saint-simonien converti à l'islam, Napoléon III aura, dans les années 1860, un grand projet : constituer, à partir de l'Algérie, un " royaume arabe ", c'est-à-dire une entité arabe centrée sur Damas qui s'étendrait de Bagdad à Alger (projet qui lui vaudra l'hostilité d'une bonne partie des Français d'Algérie). L'Empereur, qui se voyait en protecteur de cette hypothétique nation arabe libérée du joug ottoman, souhaitait ainsi faire de la Méditerranée une sorte de lac franco-arabe.
               Voici l'exemple d'une déclaration ahurissante faite par ce dernier dans sa proclamation " au peuple arabe " datée du 5 mai 1865 :
               " Qui sait si un jour ne viendra pas où la race arabe, régénérée et confondue avec la race française, ne retrouvera pas une puissante individualité semblable à celle qui pendant des siècles l'a rendue maîtresse des rivages méridionaux de la Méditerranée ? "
               Vous ne rêvez pas : Napoléon III, Empereur des Français, formule le souhait à peine voilé que la " race arabe ", " un jour ", redevienne " maîtresse " de la Méditerranée !...
               Mais sa chute cinq ans plus tard, qui laissera la place à la IIIème République proclamée par Gambetta le 4 septembre 1870, mettra définitivement un terme à ses chimères. Ou, plutôt, provisoirement.
               Car de Gaulle, un siècle plus tard, aura lui aussi " son " grand projet chimérique : devenir le leader du Tiers-Monde, et, trop de gens l'ignorent, c'est ce projet grotesque qui déterminera en grande partie le sort funeste des Pieds-Noirs et Harkis. En livrant la totalité de l'Algérie et de ses populations au FLN et au panarabisme, de Gaulle espérait en effet, tout comme hier Napoléon III, se mettre " dans la poche " le monde arabe, pivot du Tiers-Monde, en gagnant son amitié. D'où la fameuse " politique arabe de la France ". (Un projet qui a d'ailleurs en grande partie fonctionné puisque la France, aujourd'hui, se transforme bel et bien en pays du Tiers-Monde, et que le gaulliste Jacques Chirac, président de la République, était l'idole incontestée du monde arabe.)
               L'autocrate de Gaulle apparaît donc bien en 1962 comme un nouveau Napoléon III, et son alliance avec le FLN contre les Français d'Algérie comme une formule moderne du projet de " royaume arabe " - projet d'ailleurs combattu à l'époque par Gambetta et ses partisans, et dont de Gaulle ne dira que du bien. De Gaulle, étant également en partie héritier de la vieille droite monarchiste et maurrassienne, une droite qui s'est souvent illustrée par son opposition aux conquêtes outre-mer. Et si les partisans de Gambetta dénonçaient à l'époque le " féodalisme " et le côté " fantaisiste " du projet de Napoléon III, il est frappant de constater que cent ans plus tard, le général Jouhaud, ex haut responsable de l'OAS, aille dans le même sens en qualifiant ce projet de royaume arabe de " rêve chimérique ", avant de comparer l'action de Napoléon III à celle de Charles de Gaulle : " Napoléon III était le maître de la France. Quelle politique allait-il décider en Algérie ? Son action fut marquée par la rancœur qu'il éprouvait à l'égard des Français d'Algérie qui avaient osé se prononcer contre l'Empire. Un tel sentiment guidera, de nos jours, un autre homme pour des raisons presque identiques. " Jouhaud qui parlait également de " Napoléon [III], cet illuminé qui déjà prônait l'idée d'un royaume arabe et qui aura un disciple célèbre. " Le " disciple " en question étant bien sûr, dans la pensée du général Jouhaud, de Gaulle.

               Evoquons maintenant le maréchal Lyautey, disciple lui aussi de Napoléon III.
               Le maréchal Hubert Lyautey (1854-1934), homme de droite, était un monarchiste dans l'âme - tout comme les parents du général de Gaulle. Nommé premier résident général du protectorat marocain à partir de 1912, il aura l'occasion de retrouver, au Maroc, la société dont il rêve : une société féodale, et cléricale. Grand " arabophile ", on dit de lui qu'il fut le précurseur de la fameuse " politique arabe de la France " engagée par de Gaulle au lendemain de la guerre d'Algérie. Homme du Nord assez dédaigneux envers les gens du Sud (comme l'était le général de Gaulle), le maréchal Lyautey nourrissait un profond mépris tout aristocratique pour le petit peuple pied-noir d'Algérie, petit peuple pied-noir à qui manquait sans doute la noblesse et le sang pur des valeureux chefs de tribus arabes. Et il faut savoir que c'est à coup de citations du maréchal Lyautey, homme de droite, que beaucoup d'intellectuels de gauche pro-FLN achèveront les Pieds-Noirs à l'heure de leur calvaire. Les Pieds-Noirs peuvent dire merci au panarabiste Lyautey.
               Son biographe Guillaume Jobin le qualifie en effet de " panarabiste de cœur " . Témoignant un grand respect pour l'islam (ce qui est tout à son honneur), Lyautey aurait eu, ce qui est plus préoccupant, le projet d'un " califat d'Occident ", projet consistant selon son biographe à " instaurer une sorte de primat des musulmans, remplaçant celui d'Istanbul, en la personne du sultan marocain. " Une sorte de " royaume arabe ", d'une certaine manière. " C'est […] le visionnaire des relations à instaurer avec le Maghreb ", dit de lui le colonel Geoffroy, qui poursuit : " Il plaide, en 1922, pour la création d'une fédération franco-musulmane des pays de la Méditerranée. " Le général de Gaulle, dont il n'est pas interdit de penser que Lyautey fut, par certains côtés, son ancêtre spirituel, saura s'en souvenir au moment de signer les accords d'Evian.
               Mieux, " sans cet imbécile de Charles Martel, nous serions tous Musulmans " , aurait dit Lyautey… La fascination pour l'islam peut parfois faire tourner les têtes… Certains francs-maçons et républicains attachés à la laïcité ne manquèrent pas, d'ailleurs, à l'époque, de déplorer l'islamophilie de Lyautey, regrettant le fait que les Français, sous son protectorat, se fassent les " fourriers de l'Islam ", que les écoles coraniques se développent " avec rapidité sous notre protection ", contribuant à perpétuer " le cléricalisme musulman " .

               Qu'est-ce, mis à part une volonté louable de respecter les traditions locales, qui a motivé le maréchal Lyautey dans ses rapports avec l'islam ?
               La compromission.
               C'est la compromission qui le fait interdire aux non-musulmans d'entrer dans les mosquées marocaines.
               C'est la compromission qui le fait voir d'un mauvais œil l'installation d'Européens au Maroc.
               C'est la compromission qui le pousse à s'opposer à la propagande sioniste au Maroc, lui qui, d'après ce que nous dit l'historien David Cohen, " n'affectionnait pas particulièrement le sionisme ". Lyautey, en 1918 écrivait par exemple que " cette affaire du sionisme [...] exaspère ici les musulmans et est venue monter le cou bien inutilement à nos juifs que je suis forcé, de ce fait, de tenir beaucoup plus à distance. Tout cela est incohérent au suprême degré, j'ai la sensation croissante que notre seul atout pro-islamique ne tient ici qu'à ma seule personne... " Que les juifs restent à leur place ! dit en somme le maréchal. Le sionisme gênera pareillement le général de Gaulle dans les années 1960, lorsqu'il décidera d'engager la France sur la pente sinueuse de la " politique arabe ".
               C'est encore la compromission, et la même volonté de choyer à tout prix les musulmans d'Afrique du Nord, qui poussent le maréchal Lyautey à prendre parti pour les musulmans dans la guerre gréco-turque (1919-1922). Développons.

               Quand, au lendemain du génocide arménien les Turcs s'apprêtent à " finir le travail " de liquidation des chrétiens d'Asie mineure en massacrant et en chassant de leur terre ancestrale un million et demi de Grecs orthodoxes, que fait le chrétien Hubert Lyautey ? Il intervient de toutes ses forces en faveur des Turcs... Menant une propagande active, à l'instar de plusieurs autres intellectuels pro-Turcs comme Pierre Loti, il écrit au chef du gouvernement français, Georges Leygues, pour le pousser à lâcher les Grecs. Il entre en contact, à partir de décembre 1921, avec Mustafa Kemal, le chef de l'armée turque. Il obtient dans le même temps l'envoi d'une mission parlementaire à Ankara, qui contribue à enterrer définitivement la participation de la France dans la lutte aux côtés de la Grèce. Jusqu'au bout, Lyautey fera pression sur le gouvernement français pour le compte des Turcs. Non sans succès. La Grèce vaincue, abandonnée par ses alliés - hormis peut-être l'Angleterre -, va alors connaître la plus grande catastrophe humaine de son histoire : l'expulsion, par la Turquie kémaliste, de plus d'un million de ses enfants, héritiers en ligne directe de la glorieuse civilisation byzantine, sans compter le quasi-génocide des Grecs de la région du Pont. Cet exode, l'un des plus grands nettoyages ethniques de l'Histoire - et qui en annonce d'autres -, marque la fin de l'hellénisme et du christianisme d'Asie mineure, après plusieurs milliers d'années de présence. Si aujourd'hui l'Asie mineure est entièrement aux mains des Turcs, et si cette terre, hier " sentinelle vigilante sur les confins de la civilisation " et " tragique barrière qui gardait les abords de la civilisation chrétienne " , s'est totalement vidée de sa population chrétienne pour devenir quasi-exclusivement musulmane, on peut dire que le maréchal Lyautey a apporté sa petite pierre à l'édifice. Mais pourquoi ce dernier soutenait-il les Turcs ? Pour sauver l'amitié franco-arabe pardi ! Il ne fallait pas prendre le risque de mécontenter les musulmans du Maroc ! Tant pis pour les Grecs d'Asie mineure chassés du sol de leur patrie, quand ils ne furent pas massacrés !
               Volonté d'instaurer un " califat " musulman d'Occident, bienveillance devant la floraison d'écoles coraniques, hostilité au sionisme, complicité active dans l'éradication des chrétiens de Turquie… Avec tout le respect que l'on peut avoir pour ce grand homme, force est de constater que le maréchal Lyautey n'aura eu de cesse de favoriser l'islam. La question qui se pose, dès lors, est : où s'arrête le respect, où commence la compromission ?
               Quant à l'extrême droite, ou l'" ultra-droite ", il est faux de croire qu'elle prit parti sans réserves pour l'Algérie française et/ou les Pieds-Noirs. Si une bonne partie de l'extrême droite Européenne était solidaire des Pieds-Noirs, une autre partie soutenait le FLN, Nasser et le panarabisme, dans la tradition islamophile ouverte par Hitler. Certains membres du FLN eux-mêmes, comme Mohammedi Saïd, ont fait leurs classes auprès des nazis. L'axe rouge/brun/vert (c'est-à-dire extrême gauche/extrême droite/islamistes) que dénonce aujourd'hui inlassablement le grand géopoliticien Alexandre Del Valle, était par conséquent déjà en place au moment de la guerre d'Algérie, voire dans l'Algérie des années 30, quand d'un côté les communistes soutenus par l'Union soviétique poussaient les Arabes à la révolte contre la France, et de l'autre, l'extrême droite antisémite et fasciste, sous l'influence d'Hitler qui, lui aussi, encourageait les Arabes, par une propagande insidieuse, à se révolter contre la France, pariait sur une alliance entre Européens et Musulmans d'Algérie contre les Juifs. Les mêmes, après la guerre d'Algérie soutiendront les Palestiniens contre Israël et l'Amérique, dénonceront le " complot américano-sioniste ", " l'impérialisme " occidental, etc. Le phénomène Alain Soral n'a rien de nouveau. Il prend ses racines, en partie, en Algérie française.
               Il est d'ailleurs significatif qu'un intellectuel comme Alain de Benoist, fondateur de la Nouvelle Droite et figure incontournable de la droite radicale, qui dans son livre Europe, Tiers-Monde, même combat paru dans les années 1980, appelait l'Europe et le Tiers-Monde (dont le monde arabe) à s'unir " contre l'Occident ", loue aujourd'hui le général de Gaulle pour sa politique algérienne et sa politique étrangère tiers-mondiste . Et pourtant, de Benoist était proche de la branche métropolitaine de l'OAS dans sa jeunesse (en effet l'OAS-Métro, à la différence de l'OAS-Algérie rassemblait surtout des militants de la droite extrême). Mais, compte tenu de ses nouvelles affinités géopolitiques tiers-mondistes, pro-arabes, pro-palestiniennes, antiaméricaines et antisionistes, ce dernier renie son passé et ironise aujourd'hui à son tour, tel un gaulliste de bas étage, sur ces partisans de l'Algérie française qui n'auraient " rien compris " aux grands projets du Général…
               Alexandre Del Valle remarque ainsi que " la plus grande partie de l'extrême droite s'est clairement tournée vers le monde arabo-musulman ". " Nouvelle extrême droite " qui, " jadis viscéralement pro-occidentale et anticommuniste ", a selon lui " tactiquement troqué son atlantisme contre un " tiers-mondisme d'extrême droite teinté d'antiaméricanisme et d'antisionisme " . " Del Valle citant ensuite quelques figures connues, dont " le célèbre banquier suisse François Genoud, légataire testamentaire d'Hitler et de Goebbels, qui consacrera l'essentiel de sa vie postnazie à financer les mouvements terroristes et nationalistes arabes ennemis des Juifs (nassérisme, FPLP et OLP palestiniens, FLN algérien, Frères musulmans, etc.) ; enfin, l'un des artisans majeurs de la " synthèse islamonazie ", Johann von Leers, l'ancien bras droit de Goebbels, responsable de la propagande antisémite sous le IIIè Reich. Devenu Omar Amin en Égypte après avoir été recruté par Nasser, qui le nommera responsable de la propagande anti-juive au Caire, Von Leers se convertira à l'islam au contact des Frères musulmans égyptiens. Son exemple continue d'inspirer tout un courant islamophile et pro-arabe d'extrême droite. "
               Figurez-vous que ce sont ces mêmes gens, et cette même " convergence des totalitarismes " pointés du doigt par Alexandre Del Valle, que dénonçait régulièrement, pendant la guerre d'Algérie, le leader des partisans de l'Algérie française Jacques Soustelle ! :
               " Cette Internationale [fasciste] existe ; et, ce qui surprendra certains, elle est à fond contre l'Algérie française et pour le FLN, écrivait Jacques Soustelle dans le journal Combat en octobre 1961. [...] Du chef nazi Johann von Leers, devenu conseiller de Nasser au Caire, aux néo-nazis allemands qui, avec l'Egyptien Fakoussa, ancien S.S., créent et animent outre-Rhin les innombrables comités pro-F.L.N., tels que la " Deutsch-Arabische Gemeinschaft ", le Comité " für Djemila Boupacha ", etc., des dirigeants de l'Internationale fasciste de Malmoe aux comités " pour la paix en Algérie " de Belgique et d'autres pays, la toile d'araignée est tissée. C'est le réseau de l'antisémitisme, de l'antisionisme, du fanatisme pan-arabe, des admirateurs de Himmler et d'Eichmann. Et ce réseau travaille pour le FLN. "

               Prenant la défense de l'OAS en novembre 1961, Soustelle écrivait encore :
               " Il faut négocier avec l'O.A.S. : c'est le bon sens qui l'ordonne et c'est la voie de la paix. En France métropolitaine et à l'étranger, on parle beaucoup de l'O.A.S. comme d'une organisation d'extrême droite, voire " fasciste ". Tout ce que je sais du général Salan et de ceux qui l'entourent me fait penser que cette accusation de propagande ne repose sur aucune réalité. [...] D'autre part, je constate que tous les ex-nazis, antisémites, racistes et fascistes d'Europe occidentale et du Proche-Orient, depuis le trop fameux Grand Mufti El Hadj Amine El Husseini jusqu'aux dirigeants de l'internationale fasciste en Allemagne et ailleurs, collaborent activement avec le F.L.N. et avec ses organisations annexes. "
               Voilà de quoi mettre à mal le mythe Algérie française = extrême droite, qui ne correspond en rien à la réalité. Mais comment lutter contre des décennies de propagande ? Comment faire comprendre à l'opinion que les partisans d'une présence française en Algérie, voire même de l'OAS, occupaient la plus grande partie de l'espace politique français, du Parti socialiste à la droite traditionnelle ? Idem pour leurs adversaires.
               Vous vous dîtes peut-être que cet exposé est un peu confus. En réalité il n'en est rien. Voilà où nous voulons en venir :
               Oui, les véritables ancêtres spirituels des Ivan Rioufol, Gilles-William Goldnadel, Céline Pina, Alexandre Del Valle d'aujourd'hui, mais aussi, en partie, d'Eric Zemmour (bien que la plupart d'entre eux semblent l'ignorer), furent bien les partisans d'une présence française en Algérie, de droite comme de gauche, ou, pour le dire autrement, les hommes et les femmes qui s'opposaient à l'indépendance totale de l'Algérie, d'Albert Camus à Jacques Soustelle en passant par Robert Lacoste, Maurice Allais, le maréchal Juin, Paul Coste-Floret ou le général Jouhaud.
               Des hommes et des femmes pour qui, tout simplement, le mot d'Occident n'était pas un gros mot !

3. Le rôle déterminant de l'islam
dans la guerre d'Algérie, et ses suites

               Abordons maintenant un sujet extrêmement important : le rôle de l'islam dans la guerre d'Algérie.
               Peut-être pour éviter de reconnaître une fois pour toutes que ce sont ces prétendus " ultras " de l'Algérie française qui ont eu raison, on est allé dénicher un nouvel argument : ceux-ci - comme les autres d'ailleurs -, n'auraient " rien compris " à la guerre d'Algérie. Ils n'y auraient vu que la lutte de l'Est, du communisme soviétique, contre le " monde libre ". Ils seraient " passés à côté " de la dimension religieuse du FLN. Ils auraient " sous-estimé " le rôle de l'islam. Etc.
               Si cela est vrai en partie pour certains militaires métropolitains obsédés par le communisme, pour le reste, cet argument ne repose sur rien.
               Nous avons déjà eu l'occasion de nous en rendre compte, lorsque plus haut nous citions Jacques Soustelle qui dénonçait " la reconquête de l'Algérie par l'alliance du fanatisme islamique " et " de la subversion communiste ". Aussi, à l'heure où la gauche tiers-mondiste s'extasiait devant le socialisme arabe du FLN et Ben Bella, à l'heure où le régime gaulliste célébrait quotidiennement la " coopération franco-algérienne " et rejetait sur le dos de l'OAS l'échec des accords d'Evian, Soustelle, lui, qualifiait le nouvel Etat algérien, je cite, de " pseudo-Etat dictatorial, ligoté par un parti unique, dominé par l'idéologie raciste du panarabisme à la Nasser et par le fanatisme réactionnaire des Ulémas " . Il faudrait donc être particulièrement ignorant ou malhonnête pour reprocher à un Jacques Soustelle d'avoir sous-estimé le facteur religieux de la guerre d'Algérie ! Bien au contraire, c'est précisément la livraison de l'Algérie et de ses habitants au panarabisme et à un fanatisme religieux rétrograde et conquérant, que cet homme dénonçait en permanence. C'est justement parce qu'il avait conscience du danger que représenterait à terme ce réveil de l'islam, que Soustelle appelait à résister et à ne rien céder ! Il faut le voir dénoncer " l'excitation à la haine raciale et religieuse " des combattants du FLN contre " le non-musulman ", la livraison de l'Algérie au " désordre prédateur des Hillali " et à " l'obscurantisme wahabite " , etc. Soustelle qui en 1973, regrettait encore que l'Algérie de Boumediene prône " une sorte d'austérité islamique, de retour aux sources dans l'esprit du wahabisme " .
               Mieux, décrivant en 1955 les buts de guerre du FLN, Soustelle prévenait, en tant que Gouverneur de l'Algérie :
               " Les lettres et documents divers qui sont tombés entre nos mains [...], les déclarations de chefs prisonniers et celles de la radio cairote et syrienne ne laissent aucun doute sur les buts recherchés par le triumvirat dont Ben Bella est le chef visible : destruction totale (les nazis avaient un mot pour cela) de tout ce qui est européen au Maghreb, massacre de tout Français d'origine, et Musulman qui ne s'incline pas, conversion forcée à l'Islam des survivants, instauration d'un Etat théocratique et raciste membre de la Ligue arabe. Ces documents sont connus et je les tiens à la disposition de ceux qui s'y intéresseraient. "
               Tandis que dans le même temps, un Pierre Mendès-France, chef de file des " progressistes " qui prit parti très tôt pour l'abandon de l'Algérie au FLN, interrogé sur l'indépendance à l'automne 1960, disait espérer, tenez-vous bien, que " la plupart " des Européens d'Algérie " trouveront la possibilité de continuer à travailler, à vivre, à prospérer et à apporter leur contribution à l'édification de l'Algérie nouvelle " …

               Tout le drame de la France contemporaine est là, et tient dans la victoire - du fait de la capitulation d'Evian et de l'alliance nouée entre de Gaulle, le FLN et la gauche " anticolonialiste " - de la pensée naïve de Mendès-France sur la pensée lucide de Jacques Soustelle. De ce simple fait, la France, a perdu au moins cinquante ans dans la lutte contre l'islamisme et l'immigration sauvage.
               Citons maintenant l'Appel pour le salut et le renouveau de l'Algérie française, paru dans le journal Le Monde en avril 1956. On lit dans cet Appel :
               " Qui veut nous chasser d'une terre où nous lient cent vingt-cinq ans de civilisation ? [...] Ils se disent patriotes, et se font les instruments d'un impérialisme théocratique, fanatique et raciste [...]. Certes, avec le pavillon du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes pour couvrir le plus parfait mépris des droits de l'homme, cet impérialisme peut faire illusion aux plus naïfs des Occidentaux. "
               Impérialisme théocratique, fanatique et raciste… Que faut-il donc de plus ?
               Appel pour le salut et le renouveau de l'Algérie française dans lequel on pouvait lire également : " Jamais nous n'avons pratiqué […] la discrimination raciale systématique, ni la conversion forcée des " infidèles ", comme celle que méditent de nouveau les extrémistes de l'islam. "
               Et qui a signé cet Appel ? Des hommes de Gauche autant que des hommes de Droite, des chrétiens autant que des " laïcards ". Parmi eux l'ethnologue socialiste Paul Rivet, figure de la Ligue des Droits de l'Homme et président du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes dans les années 30. Mais également Monseigneur Saliège, symbole, sous l'Occupation, de la résistance catholique face aux nazis. Citons encore l'homme d'Etat socialiste Marcel-Edmond Naegelen, ancien Gouverneur de l'Algérie et ministre de l'Education nationale, André Lafond, responsable du syndicat Force Ouvrière, l'académicien Georges Dumahel, l'universitaire Jean Sarrailh... Nous en revenons donc au duo fondateur Gambetta-Lavigerie puisque comme on le voit, cet appel pour l'Algérie française réunit aussi bien des républicains de gauche attachés à la laïcité, que des hommes plutôt de droite défenseurs des valeurs chrétiennes.
               L'un des signataires de cet appel, le socialiste " Algérie française " Marcel-Edmond Naegelen (1892-1978), affirmant, dans un livre à charge contre la politique algérienne du général de Gaulle paru en 1965, que " l'arabisme est, depuis des siècles, en lutte contre l'Occident " , disait craindre l'installation " à une heure d'avion de Marseille et de Toulon " d'" un régime de démocratie populaire et d'un gouvernement panarabiste " . Qu'est-ce d'autre, ce que Naegelen nomme " l'arabisme " en lutte depuis des siècles " contre l'Occident ", qu'une façon parmi d'autres de désigner " l'islam " ? Faisant allusion à l'OAS, il évoquait - tout en critiquant sa violence et ses méthodes - la " résistance des Français d'Algérie à la cession de leur province à l'arabisme raciste " . Naegelen qui regrettait aussi que " M. Ben Bella promet de contribuer à la guerre sainte qui délivrera la Palestine [...] de la République israélienne. " Là encore, qu'est-ce que la " guerre sainte " de Ben Bella sinon le djihad ?
               Et cet homme qui parle de l'arabisme en lutte " depuis des siècles " contre l'Occident était, il faut le rappeler, socialiste ! Comme était de gauche le journal de Léon Gambetta qui autrefois, ainsi que nous l'avons dit plus haut, pointait du doigt l'islam comme " ennemi de la République " !
               Naegelen qui, au cas où cela ne suffirait pas écrivait encore, à la veille des accords d'Evian, que " le nationalisme algérien a eu, dès ses origines et alors qu'il n'était le fait que d'une petite minorité, un caractère fanatique, haineux, agressif. Chez beaucoup de ceux qui ont poussé à la rébellion, qui ont excité au terrorisme, qui ont fait assassiner des Français auxquels on ne pouvait reprocher aucun trait de colonialisme, et des Musulmans uniquement coupables de croire à la nécessité de la collaboration franco-musulmane, ce n'est pas le patriotisme algérien qui domine. Ce n'est pas non plus le patriotisme maghrébin. C'est l'impérialisme panarabe. C'est un vieil instinct de lutte contre ce qui n'est pas mahométan. "
               L'" impérialisme panarabe ", voilà ce qui dans la bouche des ennemis du FLN signifiait tout simplement " islamisme ", ce dernier mot n'étant alors que très peu utilisé à l'époque.
               Le même homme, retraçant l'atmosphère de l'Algérie à la fin des années 1940, époque où il y était Gouverneur, écrivait :
               " Une formule circulait qu'on attribuait aux chefs mystérieux de la conspiration anti-française : " La valise ou le cercueil. " Il fallait choisir entre le départ et la mort. Dans Bab-el-Oued, au Ruisseau, à Hussein-Dey et à Maison-Carrée, dans toutes les agglomérations où, à cette époque, les Européens formaient encore la majorité de la population, on racontait que dans le bled, totalement inconnu de ces ouvriers, employés, petits fonctionnaires et petits commerçants des grandes villes de la côte, tous les soirs retentissaient les appels à la guerre sainte, au " Djihad ". On se répétait ce mot arabe qui rendait un son farouche et secret. "
               Naegelen qui, retraçant ensuite l'Histoire de la présence française en Algérie, a également mis le doigt sur un phénomène peut-être essentiel :
               " Notre première, fondamentale, et aujourd'hui peut-être irréparable, erreur en Algérie, aura été de la considérer, pendant un siècle, sous l'aspect exclusif de l'Islam. Nous avons cru que pour nous attacher les populations musulmanes, il suffisait de respecter et d'honorer leur religion et leurs coutumes, et de nous attirer, par des flatteries et des décorations, quelques grands féodaux et quelques hauts dignitaires religieux. "
               Aussi Georges-Marc Benamou, décrivant l'attitude de la gauche française durant la guerre d'Algérie, écrit que l'" on est stupéfié par le nombre de mentions de l'islamisme dans les congrès de la SFIO [ancien nom du Parti socialiste]... Lors du congrès de son parti en 1957, Guy Mollet est applaudi lorsqu'il proclame : " Ce qu'on appelle indépendance, c'est la nation à direction musulmane puisque c'est un critère religieux qui sert d'unité. " "
               Nous pourrions en citer d'autres : Michel Debré par exemple, célèbre partisan de l'Algérie française qui déclarait le 26 mai 1956 au Sénat : " Nous sommes en présence d'une guerre qui, bien que commandée et alimentée par l'étranger, n'est pas une guerre de nationalité, mais la guerre d'un nationalisme fanatique, religieux et racial, impitoyable. "
               Mais encore Albert Camus, qui lors d'une conversation avec son ancien professeur Jean Grenier au printemps 1956, affirme que " les Arabes ont de folles exigences : une nation algérienne indépendante ; les Français sont considérés comme étrangers, à moins qu'ils ne se convertissent. La guerre est inévitable. " A moins qu'ils ne se convertissent...
               Une lettre des étudiants " pieds-noirs " de l'Université d'Alger, adressée à leurs camarades de Métropole, évoquait pareillement la " surenchère de la haine raciale et religieuse " des ennemis de la France, d'une France " aveuglée par un axe Casablanca-Le Caire-La Mecque " qui cherche à lui faire perdre la Méditerranée, et de " la folie panarabe de quelques nations médiévales " .
               " Qu'on fasse sauter les verrous, qu'on prenne position sur l'indépendance algérienne comme on ne s'en fait pas faute, par passion, par ignorance ou par sottise, et ce ne seront pas des nations durables qui surgiront, après l'éviction des Français, du long vide de l'histoire. C'est l'Empire arabe, un khalifat " , alertait avec un certain pessimisme Georges Bidault qui concluait : " La France défend en Algérie l'avenir du genre humain ".
               Enfin le maréchal Juin, quelques mois avant la signature des accords d'Evian, déclarait, avec une grande lucidité : " Il n'y a pas de place, que je sache, en pays d'Islam pour le Roumi [= le chrétien] dans un Etat indépendant. "
               Et il y aurait des dizaines et des dizaines d'autres exemples.

               Venons-en pour finir à l'OAS, qui, dans un " Appel aux militaires " diffusé en avril 1962 avertissait :
               " M. De Gaulle livre l'Algérie au seul FLN.
               Ben Bella annonce aujourd'hui qu'il promet d'ores et déjà cent mille hommes pour " libérer la Palestine ".
               La prétention d'un FLN politiquement vainqueur n'aura pas de limite.
               Espérez-vous l'arrêter demain à Poitiers ?
               Qu'attendez-vous pour vous ranger sous les ordres du Général Salan ? "

               Espérez-vous l'arrêter demain à Poitiers…
               OAS qui, dans un autre document, s'indignait du fait que " les accords d'Evian signifient, en clair, le don de l'Algérie aux fanatiques de l'Islam et à l'Etat-major du communiste Ben Khedda " . Toujours et encore l'islamo-gauchisme…
               OAS, qui lançait cet appel à la résistance :
               " Nous ne capitulerons pas. La " paix " d'Evian n'aura pas lieu parce que plusieurs millions de Français n'en veulent pas et n'accepteront jamais d'être livrés en otages, par un diktat honteux, à une démocratie populaire musulmane. "
               Comment ose-t-on affirmer, après ça, que les partisans de l'Algérie française seraient passés " à côté " de la dimension religieuse de la guerre d'Algérie et du djihad FLN ?
               Cet aspect " guerre de religion ", " choc de civilisations ", de la guerre d'Algérie, s'il fut mis au second plan par certains, ne fut donc jamais perdu de vue par les partisans de l'Algérie française, de droite comme de gauche. Sur l'islamisme comme sur bien d'autres sujets, ces derniers avaient tout simplement une guerre d'avance. C'est sans doute la raison pour laquelle beaucoup, encore aujourd'hui, s'acharnent à les ridiculiser à coups d'arguments grotesques et de simplifications mensongères. " Qui aime dire la vérité doit avoir un cheval pour fuir " comme dit le proverbe africain.

               Venons-en au FLN, au panarabisme et à l'islamo-gauchisme.
               A vrai dire le FLN, qui prônait à la fois la " restauration " en Algérie des valeurs arabo-islamiques et le " socialisme arabe ", réunit toutes les caractéristiques de l'islamo-gauchisme. En particulier ses dirigeants Ben Bella et Boumediene dont on a dit, si mes souvenirs sont bons, qu'il réalisait la synthèse entre le Che, Marx, et Mahomet. Islam, marxisme et tiers-mondisme, telles sont les trois pierres angulaires de l'islamo-gauchisme. Que l'on lise cet article ahurissant paru dans le journal El Moudjahid, journal du FLN, en février 1958. Un article titré " L'Algérie arabe " :
               " La nation algérienne s'est formée à partir du bouleversement créé il y a treize siècles en Afrique du Nord par l'arrivée des Arabes et l'islamisation des peuples maghrébins. Pour la première fois dans l'Histoire, ces peuples, libérés de la domination étrangère des Romains et de leurs successeurs, les Vandales et les Byzantins, prennent leur destin en main pour le conserver en permanence jusqu'à l'expansion coloniale française dans les temps modernes. Le génie national algérien s'est formé dans le moule de la culture islamique et de la langue arabe. L'Algérie, à l'instar de la Tunisie et du Maroc, a pu donner la mesure de son esprit créateur en contribuant à l'édification et au progrès de la civilisation musulmane dont elle est l'un des dépositaires authentiques. Comme la plupart des nations musulmanes, c'est durant les siècles où la civilisation islamique a atteint son apogée que l'Algérie a atteint les plus belles pages de son histoire. [...] La Révolution démocratique ouvre aujourd'hui [au peuple algérien] les perspectives d'un renouvellement culturel d'une portée considérable. [...] D'autre part, la destruction des structures coloniales et féodales, en transformant les rapports sociaux, permettra à la culture de s'édifier sur des bases solides et fécondes. "
               Qu'est-ce d'autre, cet article du Moudjahid, qu'une logorrhée islamo-gauchiste ?
               Lisons maintenant attentivement ce que disait ce tract du FLN, diffusé du début à la fin de la guerre d'Algérie :
               " Oh ! France de malheur, tout est fini pour toi. Mais la France ne fait qu'agrandir son histoire, mais elle ne peut que diminuer instantanément ses forces. C'est une grande armée forte avec des armes automatiques et lourdes. Toutes ses armées sont celles des " soldats femmes " de la maigre France. Plus vous grandissez les renforts, plus nous vous piétinons. Je fais appel à Guy Mollet qu'il faut trois cents hommes de France pour combattre un vrai fellagha âgé de 17 ans seulement. Notre armée qui donne de puissants échecs aux armées de la blague de la faible petite France, écoutez population française, notre armée de la Libération nationale est composée de Marocains, Tunisiens et Algériens. Rappelez-vous que, quand nous serons indépendants et dans un minimum de temps, nous combattrons les trois cents kilomètres que nos ancêtres ont envahi en France. Voici les limites, Poitiers, Saint-Etienne, Lyon, les environs des Alpes et les Pyrénées. Toutes ces terres et ces villes sont celles de nos ancêtres. Après la guerre d'Afrique du Nord, nous allons envahir les trois cents kilomètres qui nous appartiennent et les ports de Toulon, Marseille, Bordeaux. Nous sommes les fils de Mohamed, fils de l'Islam. Voici, l'amitié est finie entre la France et l'Afrique du Nord. "
               Voilà devant qui la France du général de Gaulle s'est couchée en 1962 ! Je le répète : voilà devant qui la France du général de Gaulle s'est couchée en 1962 !
               Ce tract FLN, seuls de grands partisans de l'Algérie française comme le général Jouhaud, haut dirigeant de l'OAS, ou Jacques Soustelle, le prirent au sérieux à l'époque. Ce sera, somme toute, leur honneur devant le jugement de l'Histoire.
               Voir dans ce tract une simple " provocation " du FLN serait d'une naïveté incommensurable. Tout nous montre, depuis l'indépendance de l'Algérie, la réalité de cette menace. Mais hélas, comme l'écrit Alexandre Del Valle, " on ne prend jamais assez au sérieux " les buts de guerre des conquérants et des totalitaires, même lorsque ceux-ci sont clairement affichés.
               " Vous voulez la France de Dunkerque à Tamanrasset, je vous prédis, moi, que vous aurez l'Algérie de Tamanrasset à Dunkerque ", annonçait Ben M'hidi, responsable du FLN, aux parachutistes venus l'arrêter lors de la bataille d'Alger. " C'est le ventre de nos femmes qui nous donnera la victoire " avertira plus tard le président algérien Boumediene. Récemment, le rusé gourou du Comité contre l'islamophobie Marwan Muhammad aurait déclaré : " Qui a le droit de dire que la France dans trente ou quarante ans ne sera pas un pays musulman ? Qui a le droit ? Personne dans ce pays n'a le droit de nous enlever ça. " Nous pourrions également citer les paroles de chansons de certains rappeurs à la mode, qui ne laissent aucun doute sur le racisme et la volonté de domination de leurs auteurs.
               Ce type de déclarations coule de source. Faudra-t-il attendre que la France, qui actuellement n'est menacée " que " de partition, devienne définitivement algérienne pour que les Français et les Occidentaux comprennent enfin l'impérialisme du FLN et de ses héritiers ?
               Malgré ces évidences, d'aucuns continuent à nous présenter, avec un acharnement difficilement compréhensible - hormis la volonté tenace d'exonérer de Gaulle de sa responsabilité majeure dans ce qui restera comme l'une des pires défaites de l'Occident face à l'islam - le FLN comme une organisation nationaliste, antiraciste et laïque, alors même que c'est une lapalissade que de dire qu'il fut précisément l'inverse, c'est-à-dire impérialiste, raciste et religieux… Parmi ces aveugles volontaires, décernons la palme de l'ignorance à la journaliste Natacha Polony, qui, fidèle à la tradition gaullisto-chevènementisto-souverainiste dont elle est l'héritière, osait expliquer récemment, sans rire, à propos de la guerre d'Algérie, que ce fut " une guerre de libération nationale ", et que, " quel que soit ce qu'on pense du FLN et de ceux qui l'ont aidé, eh bien, ils étaient pour la libération de leur pays qui était occupé " ! Pauvre Natacha… Si vous saviez !
               Mais le FLN n'était après tout qu'une branche du panarabisme, autrement dit de l'impérialisme arabe. Panarabisme dont le chef, l'Egyptien Nasser, dont on nous rebat les oreilles à nous expliquer qu'il prônait la laïcité, n'a, bien au contraire, jamais renié la religion musulmane. S'il n'était pas un " islamiste " au sens strict du terme, Nasser luttait tout simplement pour l'islam et pour son expansion, tout comme Kadhafi en Libye, financeur d'innombrables mosquées en Afrique, tout comme le FLN en Algérie ou Yasser Arafat en Palestine. Et comment leur en vouloir ? De la même manière que le Français Gambetta, grand anticlérical, confiait au cardinal Lavigerie la mission de propager le christianisme au-delà des mers, l'Egyptien Nasser, sans pour autant être un " islamiste " barbu, cherchera à favoriser l'expansion de l'islam. Quoi de plus logique ? C'est l'aplaventrisme des Occidentaux qui est une anomalie, non l'inverse. Nasser, comme le FLN, auraient eu tort de ne pas s'engouffrer dans la brèche ouverte par le déclin moral et la mauvaise conscience de l'Occident. Un Occident s'étant lui-même persuadé que son déclin relevait du " sens de l'Histoire " ! Ainsi que l'a écrit Jacques Soustelle, ethnologue de renom, en 1964 :
               " L'homme occidental du XXe siècle, qui se croit émancipé, est soumis en fait à un conformisme qui s'attaque aux racines mêmes de la pensée. Son " for intérieur " n'est plus qu'une citadelle démantelée. […] Le verbiage pseudo-philosophique sur le " sens de l'Histoire " dissimule, en réalité, deux attitudes distinctes, celle des agresseurs et celle des vaincus, celles des profiteurs de la décolonisation et celles des victimes plus ou moins volontaires. Il sert d'alibi à l'impérialisme des uns, à la décadence et au défaitisme des autres. "
               Preuve de plus s'il en fallait une de la nature profondément impérialiste de la guerre menée contre la France en Algérie, cet écrit du colonel Nasser exposant la doctrine du panarabisme datant de 1954, année de la Toussaint rouge. Accrochez vos ceintures :
               Aux jours lointains de la lointaine histoire, les pas de nos pères se sont ordonnés dans le cortège de la conquête, depuis le cœur de l'Arabie jusqu'à la Palestine, l'Egypte, Barka, Kairouan et Fès, jusqu'aux rivages de l'Atlantique où se brisent les vagues, jusqu'à Cordoue, Séville et Lisbonne, jusqu'à Lyon en terre de France. Aucun d'entre eux n'est retourné plus tard en Arabie parce qu'ils ne se sentaient en rien étrangers dans les pays qu'ils avaient conquis [...].
               L'étendard arabe a flotté sur la patrie arabe, de l'océan Indien à la Méditerranée, des monts de l'Atlas aux montagnes de Mossoul. Il n'a pas cessé de flotter entre ces quatre frontières, depuis treize siècles et plus, jusqu'à aujourd'hui et jusqu'à demain, jusqu'au jour où Dieu ressuscitera les morts des nations de Chosroès et de César, de Rodéric et de Charles Martel, pour qu'ils témoignent de ce qu'ils ont appris.
               Quand les navires arabes ont labouré les vagues de la mer vers la Sicile et l'Italie du Nord, pour effacer par la civilisation arabe l'idolâtrie des Roumis, il y avait sur le pont de ces navires des Maghrébins voilés, des Touaregs du désert, il y avait des Orientaux enturbannés du pays d'Antioche, des Yéménites à la maigre silhouette du sud de l'Arabie et des Egyptiens au sombre visage venus de la vallée du Nil. Sous la même bannière, tous étaient Arabes, parce que l'arabe était leur langue, et tous étaient musulmans, parce que Mahomet était leur prophète. "
               Voilà tout un programme…
              
               Et comme d'habitude, les plus lucides, en France, au sujet du colonel Nasser, furent les hommes politiques " Algérie française "… Nasser à propos de qui Georges Bidault, l'un des leaders de ces hommes politiques Algérie française, écrivait : " il institue un régime qui se fonde sur le fanatisme religieux, il fait prêcher la guerre sainte et annonce sa volonté d'unifier la " nation arabe ". "
               Mais ce discours de Nasser nous fait revenir en arrière. Souvenons-nous du Pied-Noir Guastavino qui, dans les années 30, célébrait le peuple Européen d'Algérie en ces termes : " le défilé de tous ces méditerranéens, renouant avec l'Afrique un contact interrompu par plusieurs siècles de convulsions " et retrouvant " l'atmosphère du pays natal ". Guastavino faisant ensuite allusion à " cette mer latine " reprenant " sa chanson sur les sables des plages algériennes ". Ce discours de Guastavino, n'est en fait rien d'autre que le double inversé de celui de Nasser… Tout ceci nous conforte dans l'idée que - qu'on le veuille ou non -, la guerre d'Algérie, loin de n'avoir été qu'une simple guerre de " libération nationale ", fut bien une guerre de civilisation opposant deux impérialismes, l'un d'Orient l'autre d'Occident. Une guerre de civilisation, opposant le Latin Salan à l'Arabe Ben Bella. Salan, dont les historiens Pierre Montagnon et Alistair Horne évoquaient le profil de " sénateur ", de " proconsul " romain , dont l'un de ses biographes, André Figueras, insistait pareillement sur son " côté " romain " " , et dont beaucoup d'autres sauront saluer sa " conception romaine " de l'Empire français. Salan qui, peu de temps avant de prendre la tête de l'OAS disait vouloir défendre " la promotion d'un ordre international cohérent et efficace des pays libres décidés à lutter pour défendre leur patrimoine commun, fondé sur le respect, la dignité de la personne humaine, pour assister les peuples sous-développés, et les mettre en mesure de résister à la pénétration des doctrines totalitaires " . En parlant de " doctrines totalitaires ", souvenons-nous de cet appel adressé par l'OAS aux militaires : " La prétention d'un FLN politiquement vainqueur n'aura pas de limite. Espérez-vous l'arrêter demain à Poitiers ? Qu'attendez-vous pour vous ranger sous les ordres du Général Salan ? "
               Aussi on fait mine de découvrir, de nos jours, le caractère religieux de la guerre d'Algérie. On parle de " l'islamisme " du FLN. De son " djihad ". Mais l'on oublie que le djihad du FLN se menait tout banalement au nom de l'islam. Le FLN était moins islamiste qu'islamique, et c'est cela peut-être qui rend son idéologie plus dangereuse encore sur le long terme. Cela crève les yeux en effet que le panarabisme à la sauce FLN, mêlant l'idéologie marxiste et anti-occidentale à l'arabisme et à l'islam, est l'ancêtre direct de nos actuels ennemis de l'intérieur et/ou de l'islamo-gauchisme des Indigènes de la République, du Comité contre l'islamophobie (CCIF), de la branche française des Frères musulmans (ex-UOIF), et de leurs idiots utiles. C'est bien le même mélange bizarre de marxisme, d'islamisme, d'arabisme, de tiers-mondisme, d'antisionisme et d'idéologie anti-occidentale qui animait hier le FLN, qui anime aujourd'hui les Indigènes de la République de Houria Bouteldja ou le CCIF de Marwan Muhammad.
               Que disait d'ailleurs Jacques Soustelle de dirigeants FLN tels que Ben Bella ? " Fanatiques du panarabisme et du panislamisme […], ils haïssent la France et l'Occident " . Que dire de plus, actuellement, de Bouteldja et Muhammad ? Voilà ce qui est à comprendre : Bouteldja et Muhammad ne sortent pas de nulle part ! Ils sont les continuateurs en ligne directe d'une idéologie aux contours bien précis : l'idéologie du FLN, du tiers-mondisme, du panarabisme et du panislamisme des Oulémas qui, ayant triomphé en Afrique du Nord grâce à l'intervention inespérée de Charles de Gaulle, peut aujourd'hui s'implanter en toute quiétude sur le Vieux continent et y étendre ses forces. C'est bien ce " néo-impérialisme arabe " dénoncé à l'époque de la guerre d'Algérie par Jacques Soustelle aussi bien que par Albert Camus, plus encore que le salafisme des barbus, qui menace aujourd'hui la France. La barbe de ces islamistes n'est que l'arbre qui cache la forêt de ce néo-impérialisme arabo-musulman.
               Les prétendus " Indigènes de la République ", ne sont que les épigones actuels du FLN et du PPA de Messali Hadj. Qu'est-ce qu'un épigone ? On lit dans le dictionnaire : " successeur ", " imitateur ", " disciple sans originalité ". Le projet de ce Parti des Indigènes de la République (PIR), ce nouveau FLN implanté dans nos banlieues, est d'ailleurs inscrit dans son slogan, jeu de mots sordide plein de promesses :
               " Le PIR est avenir ".
               Il ne faut pas se voiler la face : c'est bien une guerre civile que cette cinquième colonne s'emploie de toutes ses forces à déclencher en France. On ne pourra pas dire, au passage, qu'ils ne nous ont pas prévenu ! Et il faut voir Houria Bouteldja, grande prêtresse de ce mouvement, dénoncer avec le plus grand sérieux la prétendue volonté de la France de s'appuyer sur une classe moyenne musulmane " francophile ", dans le but de " diviser " les descendants de l'immigration ! Va-t-on bientôt voir, en France comme pendant la guerre d'Algérie, de simples fonctionnaires ou conseillers municipaux musulmans abattus quotidiennement pour avoir commis le crime de servir la France ? La question se pose au vu de la dangerosité de cette femme.
               La chanson du rappeur islamiste Médine, Alger pleure, en duo avec l'ancien chanteur de Zebda, l'écrivain Magyd Cherfi, est également très révélatrice de cette perméabilité entre les discours des islamistes et ceux de nombreux militants pseudo-gauchistes d'origine maghrébine. Le Toulousain Magyd Cherfi, fils de combattant FLN d'origine kabyle (on se demande d'ailleurs ce qui a poussé sa famille à venir s'installer dans le pays qu'elle avait combattu), est longtemps resté très éloigné de l'islam. C'est un militant de la gauche radicale, cultivant soigneusement son image de " grand frère " de banlieue. Seulement cela ne l'empêche ni de collaborer avec l'islamiste Médine, lui-même enfant d'immigrés Algériens, ni de tenir régulièrement des propos ambigus sur son appartenance à la République, ni de jouer en permanence la carte de la victimisation. Que dit d'ailleurs cette chanson, Alger pleure, qui raconte les tiraillements identitaires des Français d'origine algérienne ? Voici quelques extraits :
               " Pensiez-vous qu'on oublierait la torture ? " ; " On ne peut oublier le code pour indigène / On ne peut masquer sa gêne au courant de la gégène " ; " On n'oublie pas les marques de boots / Sur l'honneur des djounouds " ; " Main de métal nationale écrase les lois Mahométanes / Et les centres de regroupement pour personnes musulmanes ".
               La conclusion étant sans appel : " On n'oublie pas ses ennemis ", prévient Médine.
               " L'arabisme en lutte depuis des siècles contre l'Occident " dont parlait le socialiste Naegelen, le voilà à l'œuvre dans cette chanson.
               C'est bien cette conjonction entre l'islamisme de Médine et le gauchisme de Magyd Cherfi qui est redoutable pour l'avenir. Comme hier la conjonction entre l'islamisme des Oulémas et le tiers-mondisme gauchisant a fait la force du FLN.
               Il nous faut également déconstruire une légende. La légende des " nationalistes Algériens modérés et ouverts au dialogue ", celle-ci n'étant rien d'autre qu'une invention des intellectuels pro-FLN qui, pour mieux se débarrasser des Pieds-Noirs pendant la guerre d'Algérie tentèrent de faire avaler aux Français de Métropole l'idée que les Pieds-Noirs seraient " responsables " du déclenchement de cette guerre pour avoir refusé de discuter, en temps voulu, avec des " modérés " tels que Ferhat Abbas ou même Messali Hadj, ne laissant ainsi pas d'autre choix au FLN que de prendre les armes. Or, et c'est une évidence que de le dire, Messali Hadj, grand partisan de la Ligue arabe et inventeur du slogan " la valise ou le cercueil ", n'a jamais été modéré en quoi que ce soit ! Ce n'est d'ailleurs pas nous qui le disons, mais le philosophe Jacques Derrida, qui était tout sauf un " ultra " de l'Algérie française mais qui, malgré tout, le qualifiait de " prophète d'un islamisme fanatique, appelant à la violence " ! Messali Hadj présenté par Marcel-Edmond Naegelen comme un " prophète barbu, [fanatisant] les ouvriers et les fellahs auxquels il apparaissait comme un interprète de la volonté et des desseins d'Allah. " Il est regrettable qu'un certain nombre de Pieds-Noirs, après plusieurs décennies de propagande mensongère, soient aujourd'hui convaincus de cette idée selon laquelle Messali Hadj ou même Ferhat Abbas étaient des " modérés " avec qui il eût été possible de discuter. Mais, peut-être que si demain, une organisation plus extrémiste encore que le Hamas parvient à détruire Israël pour de bon, certains ex-Israéliens en exil à l'autre bout du monde, diront, cinquante ans après avoir été jeté à la mer, avec de la nostalgie dans la voix : " Ah ! Si nous avions accepté de discuter avec le Hamas ou l'OLP de Yasser Arafat, peut-être serions-nous toujours dans notre pays aujourd'hui… " (rappelons que le Hamas comme hier l'OLP de Yasser Arafat prévoient et prévoyaient la destruction de l'Etat d'Israël et l'expulsion de ses habitants).
               En réalité, inutile de se creuser naïvement la tête pendant des heures pour savoir ce qu'il aurait fallu faire ou ne pas faire en Algérie, ou regretter l'absence d'un " Nelson Mandela algérien " ; comme Jacques Soustelle l'a dit de manière limpide, il n'existait, compte tenu de la barrière de l'islam et de l'intransigeance fanatique de Messali Hadj puis de ses poulains du FLN, que deux solutions sérieuses au règlement du problème algérien :
               " L'Algérie est un territoire sur lequel vivent plusieurs peuples [qui] ne peuvent vivre ensemble [que] dans le cadre d'un Etat démocratique. [...] L'issue inévitable [dans le cas de la soi-disant indépendance] serait la partition de l'Algérie " .
               Algérie française ou partage de l'Algérie, telles étaient les deux seules alternatives. On peut le regretter, mais c'est ainsi. Voilà comment la plupart des Français auraient dû et devraient résonner sur ce sujet, s'ils n'étaient pas conditionnés pour se soumettre à plus ou moins long terme, à la loi de l'islam.
               Figurez-vous, que même un prétendu " nationaliste modéré " tel que Ferhat Abbas y allait de son petit couplet sur l'islam " opprimé " par la France… Voici ce qu'il déclarait au début de la guerre d'Algérie, avant que de rejoindre le FLN :
               " Le colonialisme nous répète tous les jours qu'il a créé pour nous des écoles, des routes, de la lumière et de l'eau dans les mechtas. Cependant, s'il donne les semences ou construit les routes, il veut, par contre, tuer notre âme, notre langue, notre religion " , etc.
               " Notre religion " dit-il !... Comme si la France, en Algérie, avait menacé l'islam une seule seconde ! C'est l'inverse qui est vrai, et c'est bien l'islam qui, de toutes les religions présentes en Algérie, fut peut-être la plus favorisée par les pouvoirs publics.
               Ces mots de Ferhat Abbas, illustrent assez bien ce qu'Alexandre Del Valle a appelé le " paradigme indo-pakistanais ", en référence à la partition des Indes et à la création du Pakistan en 1947. Paradigme indo-pakistanais que Del Valle décrit comme " une forme spécifiquement islamique de résistance au pouvoir illégitime, ou " pouvoir infidèle " " , venant du fait qu'" une minorité musulmane numériquement significative, dès lors que les autorités non musulmanes auxquels elle est théoriquement soumise lui accordent une large autonomie culturelle et religieuse, constitue une entité virtuellement sécessionniste, en état de rébellion latente, dans la mesure où le Musulman n'a aucun devoir d'obéissance envers " l'autorité impie " non islamique. "
               Voilà comme il faut comprendre l'allusion de Ferhat Abbas au " colonialisme " français qui voudrait, selon lui, " tuer notre religion ".
               En réalité même les plus " laïques ", même les plus modernistes des dirigeants du FLN brandissaient la bannière de l'islam et de l'arabité . En Tunisie, l'hebdomadaire du " laïque " Bourguiba, Jeune Afrique, ne se gênera pas non plus pour célébrer dans le retrait de la France d'Afrique du Nord, " la défaite de Saint-Augustin " , et sur la centaine d'églises catholiques existant en Tunisie, cinq ou six seulement resteront ouvertes au culte. On sait d'ailleurs ce qu'il est advenu des Pieds-Noirs de Tunisie, expulsés comme les autres de leur terre natale. On sait aussi ce que déclarait l'homme politique tunisien - et futur ambassadeur de Tunisie en France - Mohamed Masmoudi au journal Jeune Afrique le 29 mars 1962, dix jours seulement après le " cessez-le-feu " d'Evian : " Il faut dépeupler, déporter le ramassis de petits-Blancs d'Algérie ".

Conclusion : La guerre d'Algérie, un combat de frontière

               A défaut d'avoir voulu écouter des hommes lucides comme Jacques Soustelle, il ne reste donc plus aujourd'hui qu'à tenter de défendre le dernier pré-carré, le petit hexagone, à l'heure où la France n'a quasiment jamais été autant sur la défensive.
               " L'histoire concrète, réelle, celle des hommes et non celle que l'on divinise, nous montre qu'il n'est pas de flux que ne suive un reflux, pas de conquérant qui ne trouve la limite de ses conquêtes, pas de cavalerie qui ne doive un jour tourner bride. Alexandre n'a pu qu'effleurer l'Inde, la grandeur romaine s'est arrêtée au mur d'Hadrien et à la forêt germanique, l'expansion du christianisme n'a guère entamé le monde bouddhiste, Napoléon a dû revenir de Moscou ; toute force, des armes ou de l'esprit, se heurte à un môle ou s'amortit par le jeu de la distance et de la durée. La grande poussée du panarabisme, partie du Caire le 1er novembre 1954, relayée ensuite par l'entreprise communiste, pouvait, devait se briser sur la résistance de l'Algérie " , écrivait Jacques Soustelle à l'heure où Charles de Gaulle livrait l'Algérie au FLN. Comment d'ailleurs faut-il interpréter cette référence faite par Soustelle à " la grande poussée du panarabisme, partie du Caire le 1er novembre 1954 " ? Il s'agit tout simplement d'une proclamation faite par la radio d'Etat du Caire le jour de la Toussaint rouge, indiquant que " l'Algérie a engagé aujourd'hui une lutte grandiose pour la liberté, l'arabisme et l'islam ". Voilà ce contre quoi Soustelle appelait à résister, quitte à faire de l'Algérie le bouclier de l'Europe : la lutte de l'arabisme et de l'islam.
               Mais l'Histoire retiendra qu'un certain Charles de Gaulle, huit ans plus tard, contribuera d'une manière décisive à ce triomphe de l'arabisme et de l'islam, selon le vœu de la radio du Caire. De Gaulle qui, pour assurer dans les meilleures conditions possibles ce triomphe de l'arabisme et de l'islam, ira même jusqu'à collaborer avec l'ennemi, le FLN, contre les Français d'Algérie, ses compatriotes. Ainsi grâce à de Gaulle essentiellement, l'arabisme et l'islam, sous d'autres formes, poursuivent désormais tranquillement leur route en France et en Europe, par les " armes " et par " l'esprit ".
               Le voilà, l'un des sens principaux du combat mené par les défenseurs d'une présence française en Algérie : un combat de frontière, de limes comme disaient autrefois les Romains. " L'Occident était, jusqu'alors et grâce à la France, " présent sur les rives du Sud " ; que dis-je, il pénétrait par la porte algérienne jusqu'au cœur du continent ", écrivait Jacques Soustelle, qui poursuivait : " L'Occident se prolongeait jusqu'au Sahara ; il s'est replié sur Marseille. " Et depuis, l'Occident n'a fait que reculer encore et encore, et qui sait si sa frontière Sud se trouve aujourd'hui toujours à Marseille, et si elle n'a pas encore migré un peu plus vers le Nord ?
               Lisons Alexandre Del Valle :
               " Les guerres et invasions arabo-islamiques livrées contre la chrétienté d'Orient et d'Occident durèrent plus de mille deux cents ans (630-1820), c'est-à-dire jusqu'à la décadence de l'Empire ottoman et la conquête de l'Algérie. "
               D'après ce que nous explique Alexandre Del Valle, c'est donc en grande partie la conquête de l'Algérie par la France qui mit un terme à l'agression permanente représentée par l'islam, agression vieille de plus d'un millénaire. Où l'on comprend pourquoi l'abandon total de l'Algérie décidé par de Gaulle est tout sauf anodin… Et où l'on comprend mieux le sens de cette déclaration apocalyptique faite par Charles Micheletti, responsable de l'OAS à Oran s'adressant pour la dernière fois à la population le 28 juin 1962, à la veille d'évacuer la ville :
               " Après avoir perdu la bataille de l'Algérie française, les patriotes oranais s'apprêtaient à livrer celle de l'Algérie indépendante, rattachée à l'Occident, et à établir une plate-forme territoriale qui devait en demeurer le dernier bastion. [...] réduit qui sauverait peut-être l'Occident. [...] Il n'y aura pas de réduit, il n'y aura bientôt plus ici d'Occident. Il entre en agonie avec la mort de l'Algérie. L'Algérie est morte. Adieu Algérie ! Et que soit faite la volonté de Dieu ! "
               Les Pieds-Noirs étaient le rempart de l'Occident - un rempart humain aussi bien que moral. Détruisez ce rempart, et vous obtenez la situation de la France actuelle.
               Et l'islamo-gauchisme, triomphant en 1962, continue naturellement son travail de sape, cette fois sur le continent Européen. Ainsi les héritiers de ceux qui, hier, favorisaient le FLN, favorisent aujourd'hui, en toute logique, les nouveaux ennemis de l'intérieur. D'où cette haine manifestée de façon compulsive contre " l'homme Blanc de plus de 50 ans ", le " mâle Blanc occidental ", qui a tout simplement remplacé la figure du méchant " colon " d'hier dans le discours de haine de soi cher aux islamo-gauchistes. Si l'on songe au sort qui fut réservé aux " colons " d'Algérie, on peut donc légitimement s'inquiéter pour l'avenir de l'homme Blanc. En réalité tout indique que les Pieds-Noirs, ont été les premières victimes d'un processus plus large d'auto-sabordage de l'Europe, dont risquent à leur tour d'être victimes, demain, les peuples endormis du Vieux continent. Comme l'a écrit récemment le philosophe pied-noir Emmanuel Navarro :
               " Notre histoire a fait de nous les témoins (malheureusement) privilégiés d'un long processus historique de renoncement à soi qui a été inauguré avec nous, voilà ce qui est à comprendre et à faire comprendre. "
               On a tendance à l'oublier, l'Afrique du Nord, à l'instar de l'Asie mineure pour l'Europe du Sud-Est, a toujours constitué un rempart essentiel à l'Occident. C'est de là qu'au IIIème siècle avant notre ère, les Carthaginois d'Hannibal partirent à la conquête de l'Occident, et menacèrent Rome au cours des guerres puniques. C'est après l'avoir conquise que les guerriers Arabes envahirent l'Espagne et le Sud de la Gaule au VIIIème siècle, avant que Charles Martel ne les arrête. De même, que c'est au lendemain de la " décolonisation " et du retrait total de l'Occident d'Afrique du Nord que l'Europe se trouve aujourd'hui envahie et menacée d'éclatement. Coïncidence ? Pourtant c'est bien cette crainte que manifestait un célèbre partisan de l'Algérie française, Michel Debré, lorsqu'il déclarait au Sénat en 1956 :
               " Qu'est-ce que l'Europe, qu'est-ce que la sécurité européenne si la Méditerranée demeure une mer incertaine ? Et la Méditerranée devient une mer incertaine chaque fois que l'Occident n'est pas présent sur les rives du Sud. La tragédie de l'Algérie, c'est la tragédie de la France. […] Si la Méditerranée n'est pas dominée par les puissances qui ont la volonté de maintenir le droit, elle devient une nouvelle zone d'insécurité et peut-être d'invasion. "
               Debré que relayait le socialiste Marcel-Edmond Naegelen, prévenant à son tour à la veille des accords d'Evian :
               " Je garde la conviction que la France pour elle-même, pour les Algériens, pour tous les Algériens, pour la sécurité de l'Occident et pour la paix du monde, n'a pas le droit d'abandonner l'Algérie. […] On se prépare des lendemains de souffrances et de coûteux sacrifices quand on veut à tout prix un aujourd'hui de fausse tranquillité et d'égoïsme aveugle. Lâcher totalement l'Algérie coûterait bientôt à la France infiniment plus cher que ne valent les économies aléatoires qu'on nous promet. En prestige, en force matérielle et morale et en sécurité. On n'a jamais assuré la paix par la défaite et la capitulation. "
               Même un modéré, un " centriste " comme le futur prix Nobel d'économie Maurice Allais, qui dès le début de la guerre plaidait pour des négociations avec le FLN et pour un partage du territoire algérien entre pieds-noirs et musulmans, alertait sur le fait que " le véritable problème de l'Algérie et de l'Afrique du Nord est celui de la sécurité militaire et politique de l'Occident dans son entier. L'indépendance de l'Algérie sur des bases analogues à celles du Maroc ou de la Tunisie, c'est l'Etat fellagha. C'est l'arrivée au pouvoir d'extrémistes dont on peut être certain que comparativement et du point de vue occidental, Nasser n'est qu'une pâle image. […] Ce que la France défend en Afrique du Nord, c'est à terme le sort même de l'Occident tout entier, nos libertés, nos vies mêmes et cette forme de civilisation à laquelle nous sommes attachés. "
               Rappelons pour finir la crainte d'Albert Camus de voir l'Europe encerclée " par le sud ".
               L'enseignement de Debré, c'est d'ailleurs ce que nous apprend l'Histoire ancienne. Peut-être, en effet, faut-il faire agir le temps long et remonter au Moyen-Âge et à la conquête arabe de l'Afrique du Nord, pour mieux comprendre l'exode pied-noir de 1962, et ses suites.
               Petit rappel historique. L'Afrique du Nord (essentiellement la Tunisie et le nord de l'Algérie actuelle), joyau de la latinité, est en voie de christianisation accélérée quand les armées arabes, au milieu du VIIème siècle, viennent l'envahir et y propager, par le sabre, l'islam. Une conquête musulmane qui conduit à l'exode d'une grande partie de sa population chrétienne, produit du métissage entre colons romains et autochtones latinisés. " De 647, date de la bataille de Sbeïtla où l'armée byzantine du patrice Grégoire fut vaincue par les Arabes jusqu'à la prise de Carthage vers 700 par l'émir Hassan ben Nomân, se produisit un exode continu des habitants des ports, des villes et des bourgs de l'intérieur vers la Sicile, l'Espagne, la Sardaigne, l'Italie " , a écrit, à propos de cette conquête arabe de l'Afrique du Nord, Arthur Pellegrin, qui parlait aussi de " chrétiens qui s'effrayaient de passer sous le joug de l'Islam et préféraient abandonner leur patrie et leurs biens ", et d'un exode vidant " de leur substance chrétienne les grands centres urbains " . Comme on le voit, près de 1.200 ans avant l'exode pied-noir, un premier exode massif de populations chrétiennes des villes côtières d'Afrique du Nord eut lieu, en direction de l'Europe, sous la pression de l'" arabisme " de l'époque. Notons au passage une coïncidence troublante : ce sont de ces mêmes régions (Italie, Espagne, Sicile…), refuge de ces chrétiens d'Afrique ayant fui l'invasion musulmane au Moyen-Âge, dont seront issus au XIXème siècle la plupart des immigrants Européens en Algérie et Tunisie, ancêtres des Pieds-Noirs. L'écrivain Paul Achard l'avait bien compris, lui qui dans son roman L'homme de mer paru en 1931, aux grandes heures de l'Afrique du Nord française, s'exaltait :
               " La vie latine, interrompue pendant tout le temps que dura l'isolement islamique, reprenait depuis 1830. N'était-ce pas pour les fils de la Méditerranée que la France avait conquis le Nord-Africain ? Tunis et Tanger tendaient leurs deux antennes vers la Sicile et Gibraltar. Le Maghreb n'était plus qu'un mot exécré, et la Méditerranée redevenait la Mer Intérieure " .
               Mais, nous dit une revue spécialisée, le christianisme latin survivra quelques temps à la conquête arabe et, " si cet exode fut massif, il ne fut cependant pas total et c'est ce fait qui amène à parler de survivance chrétienne au Maghreb : l'étonnant est que des chrétiens, brusquement décimés et sevrés de tout apport spirituel, aient pu, en certaines régions isolées, se perpétuer pendant plus de cinq siècles " . Des populations qui utilisaient pour communiquer leur propre dialecte romano-berbère, à base de latin . Mais l'isolement de ces communautés résiduelles, des mesures de plus en plus discriminatoires imposées par les califes, enfin les invasions dites " hilaliennes " (du nom d'une confédération de tribus arabes), suivies au XIIème siècle du fanatisme religieux des Almoravides puis des Almohades, ancêtres des islamistes actuels, anéantiront définitivement cette présence chrétienne autrefois si florissante et vigoureuse. Ainsi mourut l'antique civilisation latine et chrétienne d'Afrique du Nord, dont le destin ressemble étrangement, à plus d'un millénaire de distance, à celui de la société pied-noire : un exode massif vers l'Europe, une Algérie qui progressivement sombre dans le chaos, puis, quelques temps après, le départ des derniers survivants dans les années 1990 sous la pression des islamistes, Almohades modernes.
               Mais ce qu'il est important d'enregistrer, c'est que cette conquête arabe de l'Afrique du Nord eut une suite, et pas n'importe laquelle : l'invasion et la colonisation du Sud de l'Europe et de la France par cette même civilisation arabe, arrêtée dans sa progression par un certain Charles Martel à Poitiers, avant d'être repoussée définitivement par la Reconquista espagnole après sept siècles de lutte.
               Vous vous dîtes peut-être : Qu'est-ce que ces élucubrations d'historien ? Qu'est-ce que la conquête arabe de l'Afrique du Nord, qui date du Moyen-Âge, a à voir avec notre situation d'aujourd'hui ? Questions tout à fait légitimes, mais souvenez-vous, cher lecteur, de ce tract FLN adressé aux Français pendant la guerre d'Algérie que nous avons cité plus haut : " Rappelez-vous que, quand nous serons indépendants et dans un minimum de temps, nous combattrons les trois cents kilomètres que nos ancêtres ont envahi en France. [...] Nous sommes les fils de Mohamed, fils de l'Islam. "
               Là encore il semble bien que l'histoire se répète, car plus que jamais cette phrase d'Alain Peyrefitte, qui plaidait en 1961-1962 pour un partage de l'Algérie, se révèle être juste :
               " Que serait l'évacuation de l'Algérie par la France, sinon un reflux de l'Occident et de la Chrétienté ? "
Marius Piedineri

               A suivre, dans le prochain numéro de La Seybouse, la seconde partie de ce texte, provisoirement intitulée " La guerre d'Algérie, un bras de fer idéologique ".
               En attendant, Marius Piedineri vous souhaite ses meilleurs vœux pour 2019 !

Alexandre Del Valle, dans La stratégie de l'intimidation, Du terrorisme jihadiste à l'islamiquement correct
Alexandre Del Valle, Islamisme et Etats-Unis, Une alliance contre l'Europe, L'Âge d'homme, Lausanne,
Alexandre Del Valle, Les rouges, les bruns et les verts, ou la convergence des totalitarismes.
Alexandre Del Valle, Le complexe occidental, Petit traité de déculpabilisation,
Alexandre Del Valle, Le totalitarisme islamiste à l'assaut des démocraties,
Alexandre Del Valle, Les vrais ennemis de l'Occident, Du rejet de la Russie à l'islamisation des sociétés ouvertes,
Gilles-William Goldnadel, Réflexions sur la question blanche, Du racisme blanc au racisme anti-blanc, Jean-Claude Gawsewitch
Jacques Soustelle, La page n'est pas tournée,
Jacques Soustelle, Le drame algérien et la décadence française, Réponse à Raymond Aron,
Jacques Soustelle, L'espérance trahie,
Jacques Soustelle, Sur une route nouvelle,
Jacques Soustelle, Lettre ouverte aux victimes de la décolonisation,
Jacques Soustelle, " Lettre d'un intellectuel à quelques autres à propos de l'Algérie ", parue dans Combat les 26 et 27 novembre 1955
Jacques Soustelle, " La rébellion algérienne dans le cadre du pan-arabisme ",
Jacques Soustelle, Interview à Face the Nation,
Jacques Soustelle, L'espérance trahie,
Jacques Soustelle, La page n'est pas tournée,
Alger-Socialiste du 15 janvier 1927. du 27 novembre 1926. du 27 mars 1931.
Claire Marynower, Être socialiste dans l'Algérie coloniale, Pratiques, cultures et identités d'un milieu partisan dans le département d'Oran, 1919-1939
Abderrahim Taleb Bendiab, " La pénétration des idées et l'implantation communiste en Algérie dans les années 1920 ", in René Galissot (coord.), Mouvement ouvrier, communisme et nationalismes dans le monde arabe,
Claire Marynower, Être socialiste dans l'Algérie coloniale,
Papa-Louette du 20 novembre 1910. du 15 novembre 1908. du 1er novembre 1908
Cité par Gilbert Meynier, dans sa thèse L'Algérie révélée.
CAOM FR ANOM 91/1K623, législatives 1936.
Jean Chaintron, Le vent soufflait devant ma porte, .
L'Echo d'Alger du 9 avril 1923. du 15 avril 1934.
L'Afrique du Nord illustrée du 2 juillet 1927.
Alain Herbeth, Robert Lacoste, le bouc émissaire, La SFIO à l'épreuve algérienne,
André Figueras, SALAN Raoul, ex-général..., Déclaration de Robert Lacoste à l'auteur, au cours d'un long entretien qu'il lui accorda.
" Pourquoi ai-je rejoint le putsch d'Alger ? ", par le général Raoul Salan,
Pierre Méallier, La guerre d'Algérie à travers les tracts de l'O.A.S.,
Edmond Jouhaud, Ce que je n'ai pas dit, Sakiet, OAS, Le général Jouhaud tient à affirmer " l'authenticité " de cette note.
Edmond Jouhaud, Ô mon pays perdu,
Valeurs actuelles du 1er novembre 2018.
D'après Alain Peyrefitte, cité par Daniel Garbe, dans Alfred Fabre-Luce, Un non-conformiste dans le tumulte du XXe siècle
Albert Camus, Chroniques algériennes, 1939-1958, Actuelles III,
Charles-Robert Ageron, " Gambetta et la reprise de l'expansion coloniale ", in Revue française d'histoire d'outre-mer,
Pierre Anton Mattei, Gambetta, héraut de la République,
Jean-Marie Mayeur, Gambetta, La Patrie et la République,
Œuvre de Saint-Augustin et de Sainte-Monique (Alger),
Bernard Lugan, Pour en finir avec la colonisation : L'Europe et l'Afrique, XVe-XXe siècle,
René Pottier, Le Cardinal Lavigerie, apôtre et civilisateur, Les Publications Techniques et Artistiques,
Cité par Daniel Rivet, dans le n° 140 de la revue L'Histoire .
Guillaume Jobin, " Lyautey, précurseur de la politique arabe de la France ? ",
Cité entre autres par Jacques Soustelle, dans L'espérance trahie (Editions de l'Alma, 1962, p. 28), et par Michel Crépu, dans Solitude de la grenouille (Flammarion, 2006, p. 111).
Vincent Courcelle-Labrousse, Nicolas Marmié-Maniglier, La guerre du Rif, Maroc,
David Cohen, " Lyautey et le sionisme, 1915-1925 ", in Revue française d'histoire d'outre-mer,
Charles Dufayard, L'Asie mineure et l'hellénisme,
Alain de Benoist, " De Gaulle, comme Napoléon... ",
Note de l'auteur : Christophe Bourseiller, La nouvelle extrême-droite,
Extrait d'un article de Jacques Soustelle, paru dans Combat le 23 octobre 1961. Article reproduit dans Jacques Soustelle, Vingt-huit ans de gaullisme,
Interview donnée à l'" United Press International ", 3 novembre 1961. Reproduite dans Jacques Soustelle, Sur une route nouvelle
Jeannine Verdès-Leroux, Les Français d'Algérie de 1830 à aujourd'hui, Une page d'histoire déchirée,
Marcel-Edmond Naegelen, Une route plus large que longue,
Marcel-Edmond Naegelen, Mission en Algérie,
Georges-Marc Benamou, Un mensonge français, Retours sur la guerre d'Algérie,
Texte du Journal Officiel reproduit dans la brochure L'Algérie française, par Michel Debré, Ed. du Journal du Parlement. Cité par Jacques Soustelle dans La page n'est pas tournée
Olivier Todd, Albert Camus, une vie, " Les Français de la métropole ont l'esprit de Munich " continue Grenier, ce à quoi Camus répond : " Oui, c'est le Munich de gauche. "
Georges Bidault, Algérie, l'oiseau aux ailes coupées,
Georges Bidault, D'une résistance à l'autre,
Alain Peyrefitte, Faut-il partager l'Algérie ?,
Déclaration qui aurait été prononcée à la mosquée d'Orly en 2011, reproduite dans le livre L'Islam, épreuve française, d'Elisabeth Schemla. Cité par Alexandre Del Valle, dans La stratégie de l'intimidation, Du terrorisme jihadiste à l'islamiquement correct
France Inter, mi-septembre 2018. Débat entre Eric Zemmour, Natacha Polony et Raphaël Glucksmann.
Pierre Montagnon, La guerre d'Algérie, Genèse et engrenage d'une tragédie. Alistair Horne, A savage war of peace, Algeria, 1954-1962, New York Review of Books, 1977.
André Figueras, SALAN Raoul, ex-général...,
Pierre Nora, Les Français d'Algérie, Christian Bourgeois éditeu. Jacques Derrida qui dans cette lettre envoyée à l'auteur, évoquait l'attitude de Messali Hadj pendant l'entre-deux-guerres.
Claude Paillat, Dossier secret de l'Algérie, Tome 2,
Causeur.fr, " Oui, l'islam a joué un rôle dans la guerre d'Algérie - Même si les historiens ne se bousculent pas pour en parler ", par Jean-Pierre Lledo,
Olivier Dard, Voyage au cœur de l'OAS, Perrin,
Emmanuel Navarro, Enquêtes d'Algérie, Le culte des hommes premiers, Tome 1,
Maurice Allais, L'Algérie d'Evian (Annexe III B : " Une formule de partage de la souveraineté politique en Algérie et esquisse d'un Etat fédéral algérien ",
Arthur Pellegrin, L'Islam dans le monde,
Paul Achard, L'homme de mer, Roman,
Pontificio istituto di studi Arabi, Islamochristiana,
" Un aspect particulier de la rémanence du christianisme a été mis en évidence sur le plan linguistique, écrit l'historien Georges Jehel. Sur la base du latin encore usité à Kairouan au XIe siècle, s'est constitué en milieu berbère un dialecte inspiré de langues romanes, mentionné sous l'expression de al latini al afariqui ou encore alfariqi. Décrits par Al-Yaqubi à la fin du IXe siècle, ces Berbères chrétiens sont qualifiés par le terme d'Afariqah. […] Quant [au terme] de Rum, il s'adresse uniquement aux populations d'origine byzantine dont il subsiste des groupes assez denses à Carthage, d'où l'empereur byzantin Héraclius était originaire, et dont une importante communauté chrétienne est attestée jusqu'en 983 " (Georges Jehel, " Les étapes de la disparition du christianisme primitif en Afrique du Nord à partir de la conquête arabe ", ).


 Ma Princesse
Extrait de Chez nous, la Méditerranée était au nord
Envoyé par Mme Jocelyne MAS, Cannes
              Cette poupée, je m'en souviens, a été le plus beau cadeau de ma vie de petite fille. En revenant de l'école, nous nous arrêtions souvent, ma mère et moi, devant la vitrine du plus grand magasin de jouets d'Alger. Là, dans un angle, trônait une merveilleuse poupée, la plus belle ! Ses longs cheveux blonds bouclés croulaient sur ses épaules, sa robe d'organdi rose semblait si légère qu'un souffle de vent l'aurait emportée C'est celle-ci que je voulais pour Noël mais, ma mère ayant lu l'étiquette avec le prix, me disait d'être raisonnable, qu'elle était beaucoup trop chère et que papa ne voudrait sûrement pas. Et tous les jours. Puisque c'était notre chemin de retour vers la maison, je rêvais devant la vitrine de cette si belle poupée. Mais je me disais qu'il fallait que je sois raisonnable et que je choisisse autre chose pour Noël. Je trouvais finalement une petite poupée bien mignonne sur une autre étagère et dis à Maman "voilà, celle-ci me plaît bien". Mais je jetais toujours un regard admiratif vers ma Princesse (comme je l'avais appelée dans mon cœur.

              Vint le jour de Noël. Le 24 au soir, nous étions allés à la messe et avions dîné tons les quatre, mes parents, mon frère et mol. Mais, le 25. nous devions tous (mes oncles et tantes, cousins et cousines) aller déjeuner chez mes grands-parents à Baraki, petit village près d'Alger. Après le délicieux repas préparé par ma grand-mère devait avoir lieu la distribution des cadeaux (nous, les enfants, avions dépassé l'âge de croire au Père Noël !) Au pied de l'arbre richement décoré près de la crèche. Plusieurs paquets enrubannés attendaient. Aussitôt la fin du repas, ce fut la ruée, mon grand-père donnait à chacun le cadeau tant attendu.

              À l'époque, il y avait un seul cadeau par entant. Quand ce fut mon tour, mon grand-père m'embrassa et me tenait une belle boite enrubannée. Et là, Je découvris Princesse et aussitôt. Je fondis en larmes. L'idée que mes parents avaient dépensé tant d'argent pour me faire plaisir avait chamboulé mon coeur. Ma mère me prit dans ses bras en me disant à l'oreille que je l'avais bien méritée, car mes notes en classe étaient excellentes. Et ma grand-mère me tendit un beau paquet, "pour tes bonnes notes", me dit-elle en m'embrassant : il contenait une autre poupée. Jolie comme tout. Ce fut mon plus beau Noël. J'embrassais bien fort mes parents et grands-parents et me réfugiai dans un coin du salon pour découvrir ma Princesse et Leïla. Jamais je n'oublierai ce Noël.

              D'abord parce que ce fut le dernier sur notre terre natale. Nous sommes partis sur les routes de l'exil le printemps suivant. Ma mère avait préparé nos valises nous n'avions droit qu'à une valise par personne et, au dernier moment. J'enlevais manteau, pulls, pour enfouir ma Princesse et mes livres dans le fond de la valise. Je savais que ma mère ne serait pas d'accord. La veille, j'avais donné ma poupée Leïla à ma meilleure amie, fille de nos voisins et amis harkis, qui s'appelait aussi Leïla, en souvenir de moi, de notre amitié de toujours.

              Ballottée sur les routes, malmenée, robe décousue d'avoir été la seule confidente des chagrins d'une petite fille. Princesse cachée clans un tiroir d'une commode, cinquante ans après, a encore le pouvoir de faire couler des larmes sur le visage d'une vieille dame.

              Article paru sur le quotidien Nice-Matin/Var-Matin

Jocelyne MAS
Site Internet : http://www.jocelynemas.com



 Effets physiologiques
Envoyé par M. Christian Graille

Des éclipses

                 La lumière exerce sur les végétaux et sur les animaux une action de plus en plus étudiée. On sait que les varioleux, par exemple, éprouvent de très bons effets d'une exposition aux seuls rayons rouges ; mais voyons l'action des éclipses solaires.
                 Même au siècle dernier les meilleurs auteurs " d'éléments d'hygiène " n'hésitent pas à affirmer que la privation subite de lumière fait éprouver aux personnes délicates et sensibles (nous dirions, nous, neurasthéniques) des défaillances, des syncopes et d'autres accidents non moins graves.

               Ramazzini (1) a observé pendant la belle éclipse totale du 12 mai 1706, des mouvements confus et irréguliers dans le pouls de ses malades ; il eut lui-même un accès de migraine plus vive que de coutume.
                 Il est avéré que le manque de clarté durant une éclipse totale répand sur tous les animaux une tristesse et une consternation d'autant plus inexplicable que chaque jour ils ont vu s'appesantir sur eux les ténèbres nocturnes ; tous les êtres animés cessent leurs chants et leurs cris : plus de cigales, plus de gazouillis, plus de bourdonnements, c'est le règne du silence morne et lugubre, on dirait que le ressort de la nature s'est arrêté.

               Ballonius (2) cite l'exemple d'une malade pour laquelle plusieurs médecins assemblés faisaient une consultation au moment où l'éclipse solaire allait avoir lieu. Ils venaient de la quitter pour aller contempler l'état du ciel ; mais au moment où le soleil s'obscurcissait ils furent rappelés à la hâte, parce que cette femme venait de perdre toute connaissance ; les secours qu'ils lui prodiguèrent furent vains, et elle ne reprit ses sens que lorsque le soleil eut recouvré tout son éclat.
                 Ramazzini, déjà cité plus haut, rapporte que la plupart des malades moururent à l'heure même de l'éclipse solaire qui arriva le 21 janvier 1696, quelques-uns même furent frappés à cette époque de mort subite.

               Bacon de Verulam (3) tombait en défaillance chaque fois qu'il y avait une éclipse de lune, et même sans l'avoir prévue ; et il ne reprenait ses forces qu'à mesure que la lune sortait de l'ombre de la terre.

               (1) Ramazzini (1633 -1714), professeur de médecine à Padoue ; véritable Père de la médecine du travail.
                 (2) Guillaume de Baillou (Ballonius, 1538 -1616), grand maître de la médecine clinique en général et de la pathologie infectieuse en particulier a été le premier à décrire la coqueluche.
                 (3) Francis Bacon, baron Verulam,(1561 - 1626), homme d'État et philosophe anglais.

L'éclipse à Bougie

               L'éclipse totale du soleil vient de se produire comme les savants l'avaient prévue.
               Le phénomène a commencé par le bord Ouest du soleil à 12 heures 18.
               A ce moment le thermomètre marquait 29 degrés et demi.

               Une brise fraîche N. N. O se mit à souffler. Des nuages s'amoncèlent sur le Gouraya.
               Un brusque saut du thermomètre est enregistré à 12 heures 23.
               La température tombe d'un degré.
               Le vent faiblit et le thermomètre remonte d'un demi-degré à 29, à 12 heures 29.
               - A 12 heures 45 le vent passe O. N. O.
               - A 13 heures la température tombe à 28 degrés. A cet instant les phénomènes de décoloration lumineuse sont très sensibles. Les objets deviennent de plus en plus blafards. La planète Mercure apparaît dans le ciel au-dessus des M'zaïa.
               - A 13 heures 10 les lueurs fulgurantes se produisent sur les murs exposés au soleil. La nuit approche, le ciel est bleu noir du côté du N. N. E ; la mer est colorée de toutes les nuances, du vert d'eau (près de la terre) au bleu outremer (au large).
               - C'est à 13 heures 37 minutes que le phénomène devient imposant.
               
               - La nuit se fait rapidement à 13 heures 37' 36'' le disque solaire disparaît totalement. Le vent a cessé.

               Les rayonnements des gloires solaires entourent d'une auréole lumineuse le globe obscur de la lune. Pendant 51 secondes un crépuscule livide éclaire seul la terre ; puis un jet de feu parce que sur le bord ouest de la lune et l'éclipse totale est finie. Le thermomètre est à 29 et demi.
               Petit à petit le soleil se dégage de derrière son écran, les lueurs fulgurantes courent encore une fois pendant quelques secondes sur les murs et le jour revient rapidement.
               Nous avons observé que les animaux n'ont manifesté aucun signe de Crainte ; les poules et les canards n'ont pas cessé de picoter sauf pendant les cinquante et une seconde d'occultation complète.
               De tous les points des quartiers indigènes des joyeux you-you ont salué le retour de l'astre un moment éclipsé.
L'écho de Bougie (31-08-1905)

La diligence et le chemin de fer de Guelma à Bône
Envoyé par M. Christian Graille

- Héliopolis - Un rafraîchissement qui altère
Le lac Fezzara - La genette - Arrivée à Bône
- La mosquée et les cigognes

                 
                 Aujourd'hui encore, c'est la diligence qui va nous transporter de Guelma à Bône. Avant peu, ce monument rétrospectif d'une civilisation arriérée aura disparu de ce pays, pour céder la place à la vapeur, qui n'est sans doute pas le dernier mot du progrès en fait de locomotion. Tout le monde a pu lire, il y a quelque temps, sur la quatrième page des journaux industriels et autres, les annonces alléchantes de la compagnie de chemin de fer de Bône à Guelma, en voie d'exécution. Le chemin de fer reliant Constantine à Guelma et Bône est livré aujourd'hui à la circulation.
                 J'aurai l'air, à mon tour, de faire de la réclame si j'essayais de vanter les avantages de la ligne qui va dans le mois ou deux être livrée à la circulation. Il ne m'est pas cependant pas défendu de dire que, d'après ce que j'ai vu et ressenti sur les lieux, le railway destiné à relier le port de Bône à Constantine offre des chances sérieuses d'avenir et de prospérité. Il existe dans le voisinage de Bône d'importantes mines de fer qui jusqu'ici n'ont pu être qu'imparfaitement exploitées à cause de l'insuffisance des moyens de transport.

                 Il m'est encore permis de constater qu'en attendant le moment prochain de sa retraite, la diligence de Guelma continue à marcher avec des allures nonchalantes qui ne feront pas trop regretter ses services. Elle suit d'abord une route dépourvue d'arbres, tracée au milieu de montagnes étagées sur plusieurs plans. Les villages qui se succèdent, assez rapprochés, se présentent sous un aspect riant et confortable, la campagne qui les environne paraît cultivée avec beaucoup de soins et d'intelligence.
                 On relaie à Héliopolis (ville du soleil) ; c'est un bien beau nom pour cette modeste bourgade exposée, il est vrai, aux brûlantes caresses de l'astre du jour, mais qui, à part cela, ne ressemble en rien à ses sœurs d'Orient portant la même dénomination et dont on admire encore les temples consacrés au Dieu Hélios.

                 De temps en temps émergent du sol mouvementé quelques gourbis couverts de branchages entrelacés. Nous, nous croisons avec des Indigènes, les un à pieds, les autres à cheval ou à mulet. Souvent ils sont deux qui ont enfourché la même monture, moyen de locomotion plus économique que commode et gracieux.

                 Presque à chaque débit de boissons, et ils sont nombreux sur cette route fréquentée, la diligence s'arrête, le conducteur descend de son siège et invite avec sollicitude les voyageurs à se rafraîchir en donnant lui-même un exemple contagieux. Les tournées d'absinthe se succèdent rapidement.
                 Je doute que l'absorption réitérée du nectar corrosif, plus propre à irriter la soif qu'à l'apaiser, procure un soulagement réel à ces gosiers altérés, mais c'est là un détail personnel dont je n'ai pas à me préoccuper.

                 Le résultat le plus appréciable de ces haltes multipliées, et ce détail m'est moins indifférent, est de retarder infiniment la marche déjà si peu accélérée du véhicule. Heureusement le temps est splendide ; grâce à la pureté et à la transparence de l'air, rien n'échappe à l'œil de l'observateur. Notre attention est longtemps captivée par le panorama aussi étendu que varié que l'on embrasse du point culminant de la route taillée en partie dans le roc. C'est un travail prodigieux exécuté par nos soldats, ainsi que l'indique l'inscription gravée sur la colonne commémorative érigée à cet endroit.

                 Encore quelques pas et nous apercevons une vaste nappe d'eau encadrée de verdure ; C'est le lac Fezzara. On sait que les lacs sont rares en Algérie. Celui-ci malgré son nom italien ne ressemble ni aux lacs gracieux de Como, de Garda ou de Lugano, ni à ceux si pittoresques de la Suisse.
                 Les montagnes qui se profilent à l'horizon sont trop éloignées du lac Fezzara dont les rives plates et tristes ne sont égayées que par la quantité de fleurs sauvages dont la prairie qui l'entoure est émaillée.
                 On ne découvre dans le voisinage aucune maison, pas le moindre abri ne se montre ; le sol marécageux et l'insalubrité de l'air rendent ce pays inhabitable.
                 Il est sérieusement question de dessécher ces marais pontins de l'Algérie.
                 En attendant il se fait de nombreuses plantations d'eucalyptus qui ont la propriété d'assainir l'atmosphère pestilentielle.

                 Deux Arabes aux burnous sales et déguenillés, postés en embuscade sur le bord du chemin semble guetter le passage de la diligence ; ils font signe au conducteur de s'arrêter. Celui-ci obéit. Un instant de panique se produit chez les voyageurs. Que va-t-il se passer ? Voilà peut-être, pensai-je, un épisode tragique qui se prépare et fera bonne figure dans mes impressions de voyage.
                 Mais il faut renoncer encore aujourd'hui à procurer au lecteur ce genre d'émotion. Les deux personnages sont animés des intentions les plus pacifiques.
                 En guise d'armes homicides l'un tient à la main dans un sac de toile un petit animal dont il propose au conducteur l'acquisition. C'est une espèce de mammifère rongeur à la queue longue et au poil épais rayé de zébrures jaunes et noires. Mes voisins m'apprennent que cette bête, appelée genette est rare et fort recherchée à cause de sa fourrure.

                 L'acquéreur a conclu un bon marché, il vient de payer un franc ce qu'il revendra dix. Partout l'exploitation de l'homme par l'homme.
                 La genette présentée aux voyageurs de l'impérial passe de main en main et ne tarde pas à succomber sous les étreintes multipliées des curieux.

                 Le trajet s'effectue ensuite sans autre incident. Les arcs de verdure sous lesquels nous passons en traversant chaque village à partir du lac Fezzara ne sont pas dressés à notre intention, personne ne se fait illusion à cet égard. Ce sont encore des témoignages sympathiques que les habitants ont voulu donner au général Chanzy qui se rend de Souk-Ahras à Bône. Tout est en fête à l'occasion de sa visite annoncée pour aujourd'hui.

                 Nous, nous approchons des montagnes dont les derniers contreforts s'abaissent en pente douce jusqu'à la mer. Leurs croupes aux molles ondulations sont tapissées d'une fraîche et riche verdure qui leur donne la physionomie la plus souriante. La dernière partie de la route est une charmante avenue, ouverte au milieu de vastes jardins divisés par des buissons de cactus, de myrtes, de grenadiers et de roseaux gigantesques.
                 On revoit bientôt la Seybouse dont le lit s'élargit de plus en plus jusqu'à son embouchure. Le sentier qui se bifurque à gauche conduit à Hippone ou plus justement aux ruines de cette ville jadis fameuse. C'est un pèlerinage intéressant que je me réserve de faire pendant mon séjour à Bône. La diligence nous dépose sur le court national, large boulevard dont les deux côtés parallèles sont ornés de galeries à arcades surhaussées. Ce boulevard se prolonge jusqu'au port, et à son extrémité opposée, une église moderne de style néo-byzantin se dresse en avant des collines boisées.

                 Nous trouvons à nous caser fort confortablement à l'hôtel d'Orient situé sur le cours malgré les appréhensions que nous avait causées l'annonce de l'arrivée du Gouverneur qui devait loger au même hôtel. De l'étage supérieur où nous sommes installés on jouit d'une ravissante perspective sur les montagnes de l'Edough et sur la ville de Bône. L'impression première est très favorable et justifie l'excellente réputation de ce chef-lieu d'arrondissement qui passe pour une des résidences les plus agréables de l'Algérie.

                 Une partie, la plus ancienne, est assise sur le versant d'une colline qui domine la mer ; on y respire un air pur et salubre. La partie basse, à peu près complètement reconstruite, se compose de rues qui se coupent à angles droits ; la plupart sont bordées de galeries sous lesquelles se pressent de nombreux magasins et des cafés non moins nombreux.
                 La place d'armes, située au centre, se distingue par ses plantations variées qui entourent comme d'une ceinture verdoyante une fontaine vraiment monumentale. Un côté de la place, principal rendez-vous des oisifs, est occupée par une élégante mosquée dont la galerie extérieure, découpée en arceaux mauresques abrite un corps de garde peu monumental à côté duquel plusieurs marchands indigènes vendent diverses denrées.

                 Parmi les différentes espèces de fruits étalés sur le sol, je remarque une quantité de jujubes renfermés dans d'immenses sacs de toile. Les jujubiers croissent en telle abondance dans ce pays que les Arabes appellent Bône la ville des jujubiers. Les indigènes font une énorme consommation de ce petit fruit rouge qui ne s'emploie guère chez nous qu'en tisane et qui a donné son nom à une pâte pectorale, laquelle n'en contient pas le moindre atome.

                 Le minaret est, comme ceux de Constantinople, une tour ronde, coiffée d'un éteignoir, dans le voisinage de laquelle plusieurs familles de cigognes ont fait élection de domicile.
                 De même qu'à Strasbourg et à Bâle ces disgracieux et inoffensifs volatiles sont ici l'objet d'une grande vénération. Ils se promènent et flânent comme de véritables badauds sur les toitures des maisons avec la plus entière sécurité. Personne ne songe à les inquiéter. Quand on voit ces oiseaux regagner leur nid, perchés sur leurs grêles échasses, on dirait de bons bourgeois rentrant tranquillement au logis. La visite du Gouverneur, qui en ce moment parcourt la ville escorté d'un brillant État-Major ne paraît aucunement préoccupé l'habitant des toits.
                 J'observe d'ailleurs que l'empressement et la curiosité de la population bônoise sont moins vifs qu'à Guelma. L'accueil ici est plus respectueux qu'enthousiaste.
                 Pas la moindre fantasia ne vient égayer la réception officielle.
                 Nous avons heureusement aujourd'hui en perspective l'excursion d'Hippone qu'on peut faire aisément entre le déjeuner et le dîner.

Excursion à Hippone
Le monument de Saint Augustin et les Thermes.
Banquet officiel - Le journal de Bône - Pauvre Cassard !

                 Rien de plus délicieusement romantique que le chemin encaissé par une double haie :
                 - d'oliviers séculaires, entremêlés
                 - de lentisques,
                 - de jujubiers,
                 - de lauriers et

                 Sur les pentes qui s'étagent à droite et à gauche, apparaissent, à demi englouties dans des oasis de verdure, les blanches villas mauresques. Le calme le plus profond règne dans la campagne presque solitaire.
                 Un sentier étroit et tortueux se détache de la route et serpente sur le flanc d'un monticule verdoyant que couronne un petit monument élevé en mémoire de Saint Augustin.
                 Une grille circulaire, précédée de plusieurs degrés, entoure un autel de marbre surmonté de la statue en bronze de l'illustre évêque d'Hippone. On célèbre une fois par an la messe à cet autel le jour de la fête du Saint. La statuette n'a aucun caractère artistique, elle est d'une mesquinerie et d'une vulgarité affligeantes ; on dirait un jouet d'enfant. Cette ridicule exhibition gâte quelque peu l'impression dont il est impossible de se défendre à la vue de ces lieux si pleins de grands souvenirs. Je me hâte de détourner mes regards pour évoquer l'admirable tableau dans lequel Ary Scheffer a représenté Sainte Monique et son fils plongés dans une rêverie statique. Peintre d'origine hollandaise qui s'est imposé parmi les maîtres de la peinture romantique. (1795-1858).

                 J'aime à me rappeler, en ce moment, l'expression angélique que le peintre hollandais a su donner à ses personnages, sur le front desquels rayonne une céleste auréole de beauté. L'idéal de l'art ne peut aller plus loin. Sauf quelques débris de constructions, dont une partie, enfouie sous le sol, occupe un espace assez restreint, il ne reste plus rien de la cité fameuse qui rivalisait d'importance avec Carthage dont elle partagea un peu plus tard le sort. Sa destruction, commencée par les Vandales, fut entièrement achevée au VIIème siècle par les Arabes.

                 Les vestiges antiques se réduisent à une réunion de salles souterraines aux voûtes épaisses et noires qui communiquaient entre elles par des corridors latéraux. Certains archéologues croient reconnaître dans cet amas incohérent des restes des thermes romains. Je suis très disposé à leur donner raison.
                 De place en place, à travers de larges crevasses qui trouent les murailles délabrées, passent des branches de figuiers et d'autres arbres dont le feuillage agrémente un peu la mélancolie de ces vieilles pierres.
                 Je constate encore que ces vénérables ruines sont outrageusement souillées par certains visiteurs peu scrupuleux qui laissent à l'intérieur des traces non équivoques d'un ignoble réalisme. Après avoir ramassé, pour enrichir ma collection céramique, quelques tessons de poteries romaines accumulées sur un tertre voisin, sorte de petit mont Testaccio (petite colline artificielle de Rome) africain et avoir jeté un dernier coup d'œil sur le magique spectacle que présente de là Bône et ses environs, je rentre en ville.

                 Les abords de l'hôtel d'Orient sont garnis de curieux ; c'est l'heure des dîners.
                 En passant devant la salle à manger dont la porte est restée ouverte, j'aperçois la brillante composition des convives réunis autour de la table du banquet officiel présidé par le général Chanzy. Si l'on n'avait pas tant abusé du métaphorique bouquet de fleurs comme moyen de description, je m'en serais peut-être servi à l'occasion des dames de Bône qui assistaient au repas et dont les fraîches et riches toilettes se détachaient harmonieusement sur l'ensemble des habits bourgeois et des uniformes militaires ;

                 Si l'on n'avait pas tant abusé du métaphorique bouquet de fleurs comme moyen de description, je m'en serais peut-être servi à l'occasion des dames de Bône qui assistaient au repas et dont les fraîches et riches toilettes se détachaient harmonieusement sur l'ensemble des habits bourgeois et des uniformes militaires ; mais je laisse là ce vieux cliché de circonstance pour m'occuper de la partie musicale qui était appelée à jouer un grand rôle pendant le repas.
                 En effet le courrier de Bône, organe des intérêts de l'Algérie que j'avais acheté la veille, donnait à ce sujet des détails de nature à piquer vivement ma curiosité de mélomane. On verra par l'extrait que j'emprunte à la feuille locale si c'était à tort :
                 " La prochaine arrivée du Gouverneur a surexcité outre mesure le zèle musical de tous les instrumentistes de notre ville. Spontanément trois ou quatre musiques se sont formées sans compter les orphéons et les fanfares. Il va sans dire que ces différentes sociétés d'harmonie sont à couteaux tirés et se chamaillent du matin au soir.
                 On assure que la municipalité est émue, à juste titre de ce débordement de mélodie, se dispose à prendre un arrêté fixant les heures auxquelles il sera permis aux diverses musiques de se faire entendre. Sans cela elles joueraient toutes à la fois et produiraient trop d'effet.
                 S'il nous est permis d'émettre un humble avis, nous trouvons que les instrumentistes de notre localité se creusent bien inutilement la tête pour former des corps musicaux.
                 Nous possédons dans nos murs une musique italienne attachée au cirque des allées qui donne chaque après-midi un échantillon de son talent et qui rend superflue l'institution des musiques civiles qui ne pourront jamais égaler sa vigueur et son impétuosité.
                 Nous voudrions, pour notre compte, qu'il ne fût pas permis aux musiques et fanfares de se faire entendre ailleurs qu'à la campagne. "


                 L'auteur de ce mordant article, dans lequel l'amour-propre des musiciens bônois était peu ménagé, obtint un plein succès. Il en résulta qu'aucune des sociétés rivales ne fut admise à se faire entendre. Une excellente musique militaire remplaça avec avantage, j'ai tout lieu de le présumer, celles qui se disputaient avec tant de zèle l'honneur de charmer l'auditoire.
                 Le soir, j'ai le plaisir d'assister au défilé des invités français et indigènes qui vont au bal offert par la municipalité au Gouverneur, dans le théâtre situé à proximité de notre hôtel. Les Arabes y sont très nombreux ; ils traversent la foule avec un air grave et solennel comme s'ils se rendaient à un enterrement. Je suppose, du reste, que leur rôle se borne à celui de spectateurs.

                 Les habits noirs mêlés aux burnous me font l'effet de tâches d'encre sur l'étoffe blanche des costumes indigènes. Quant aux toilettes féminines, les manteaux qui les recouvrent m'empêchent d'en apprécier la beauté et l'élégance.
                 De ma fenêtre, qui donne vis-à-vis le théâtre, j'entrevois à travers les vitres des couloirs, splendidement éclairées, les silhouettes des cavaliers et des danseuses qui passent et repassent comme des ombres chinoises.
                 Pendant toute la nuit, les musiciens d'un nombreux orchestre, on sait maintenant que les exécutants ne manquent pas à Bône, jouent les airs de musique les plus variés.
                 Pour moi, malgré mes goûts de dilettante, je commençais singulièrement à me blaser sur ces auditions répétées d'harmonie nocturnes dont me faisait bénéficier la coïncidence fortuite de mon voyage avec celui du général Chanzy.
                 Le lendemain la ville avait repris son calme habituel, le Gouverneur se dirigeait du côté de la frontière tunisienne où je n'avais aucune chance de le rencontrer, Bône étant ma dernière étape en Algérie.

                 C'est encore au journal de la localité que j'ai recours pour donner au lecteur quelques détails intéressants sur le bal officiel où je n'avais aucun titre pour être admis :
                  " La décoration du vestibule, dit le Courrier de Bône du 4 mai, fait honneur au goût artistique de M. Gousselin. Sa cascatelle improvisée, s'échappant d'une grotte de liège mâle, était d'un très bon effet au fond de la chambre mauresque …
                 Le buffet était abondamment garni mais nous ne pouvons que regretter la confusion qui s'est produite à l'heure de la collation …
                 La commission était insuffisante pour tenir tête à un envahissement du sexe masculin qui ressemblait à un assaut et qui nous a paru fort mauvais goût. Beaucoup de dames et d'invités étaient restées dans les loges ou les couloirs tandis que ces messieurs se livraient sans retenue à la satisfaction d'un appétit, qui, pour être légitime, n'en était pas moins prématuré au point de vue de la galanterie française.
                 Tout le monde mange, c'est une dure nécessité, mais… Par contre nous adressons nos modestes éloges aux dames qui se sont montrées de beaucoup supérieures au sexe fort, etc… "


                 Ces quelques citations me dispensent de tout commentaire personnel ; il y a un point noir dans ce petit aperçu de mœurs locales qui n'aura sans doute pas échappé à la perspicacité du lecteur.
                 Le compte-rendu du bal était suivi d'une nouvelle maritime qui avait un caractère incontestable d'actualité ; il s'agissait de l'aviso à vapeur le Cassard sur les infortunes duquel j'ai déjà appelé l'attention du lecteur :
                 " Le Cassard, disait la feuille bônoise, a éprouvé ce matin, à sept heures, un accident fâcheux en franchissant la darse. Par suite d'une fameuse manœuvre, sans doute, il a touché sur un bloc, et le contre coup l'a fait dévier de la ligne du chenal ; il est allé s'ensabler à quelques mètres au-delà. Le Cassard a brisé dans ce choc trois ailes de son hélice. Un quatre-mâts, la Lorraine, a prêté son concours pour retirer le Cassard. Ce fait semble une preuve évidente que l'on ne peut plus retarder les travaux du port, etc.
                 A quelque chose malheur est bon conclut philosophiquement le journaliste.

                 Pauvre Cassard, quand donc les destins contraires cesseront-ils de te persécuter !

En Algérie. Souvenirs d'un Provinois
E. Bourquelot. Edition 1881.

La misère
Envoyé par M. Christian Graille

                 Ne voyez-vous donc pas dans ce vieux gourbi à moitié démoli par le temps, ce pauvre malheureux affublé d'effets en lambeaux à travers lesquels souffle la bise ? Il n'a rien à se mettre sous la dent, pas de pain pour faire manger ses enfants, pas même un brin de bois pour se chauffer, enfin sa misère est complète !
                 Ce père en songeant à son malheur entend gémir près de lui des voix défaillantes qui lui demandent du pain. Pendant la journée il est bien allé chercher du travail d'un côté, de l'autre, mais rien ; partout où il est passé, on lui a dit " il n'y en a pas ".

                 
                 Comment doit-il faire ce pauvre malheureux pour se tirer d'un si mauvais pas ?
                 Doit-il aller voler ou assassiner ? Il ne sait à quoi se résoudre.
                 Enfin il se décide à aller demander l'aumône malgré la répugnance et l'horreur qu'il a pour cette besogne là. Il demande d'un côté et d'autre mais à peine s'il acquiert pour la subsistance, car beaucoup de personnes lui ont fermé la porte au nez ou bien lui ont dit d'aller ailleurs en l'injuriant parfois.

                 Mais ses enfants doivent-ils mourir de faim ? Non se dit-il. Le père qui a du cœur et qui aime les siens doit mourir pour eux. Eh bien ! Puisqu'il le faut de quelque façon que ce soit, je leur apporterai de quoi subsister.
                 Le voilà donc, la nuit venue, sur les chemins arrêtant l'un et l'autre ou bien volant dans les fermes. Le lendemain on entend dire alors : " on a volé ici, on a arrêté telle personne là-bas ". Ce n'est pas étonnant !

                 Lorsqu'un pauvre malheureux demande l'aumône au richard si, au lieu de tourner vers lui un regard dédaigneux il lui jetait quelques sous, bien des misères n'existeraient plus et notre sécurité seulement serait sans doute améliorée. Parmi les riches nous en avons qui sont forts charitables mais c'est exceptionnellement.
                 C'est surtout dans la classe ouvrière et mi-bourgeoise que la charité est pratiquée, car ceux-ci ont quelquefois connu ce que c'est que la souffrance pendant ces terribles hivers et ils s'en souviennent.

                 Riches et ouvriers soyons donc charitables et donnons selon nos moyens ; secourons donc les pauvres qui manquent de tout, nous aurons par ce facile et peu coûteux moyen bien moins de misère, et nous apporterons une certaine amélioration à notre sécurité car la faim pousse à tout faire.
C. F Colon à Oued-Cerno.
Le messager de l'ouest (09-02-1894)



" Bête " du Hoggar
Envoyé par M. Christian Graille


         Au cours des années 1859-1861, Henri Duveyrier (géographe) fit des explorations dans le Sahara qui était encore le mystérieux pays du mirage. En 1861 notamment il pénétra hardiment chez les Touaregs Azdjers en suivant l'itinéraire El Oued- Thadamès-Lhat-Mourzouk et Tripoli.
         Se représente-t-on ce qu'était alors un pareil voyage pour un voyageur isolé, livré sans défense au fanatisme des populations ?
         Mais Duveyrier ne se contenta pas d'être courageux ; esprit cultivé et curieux, sachant :
         - observer,
         - discerner et
         noter, il fut un explorateur remarquable. Il ne se trompa guère qu'en attribuant aux Touaregs un caractère chevaleresque assez éloigné de la vérité ; l'infortuné Flatters devait s'en apercevoir.


         Au retour de son voyage Duveyrier publia un volume intitulé les Touaregs du Nord (1864). Après plus de soixante ans écoulés on peut encore consulter ce livre avec fruit et on le consulte. Toutes les questions y sont abordées :
         - géographie physique,
         - géologie,
         - météorologie,
         - minéraux,
         - végétaux,
         - animaux,
         - centres commerciaux et religieux,
         - populations avec renseignements sur
         - leur origine,
         - leur histoire,
         - leur état social,
         - leurs mœurs et même de très intéressants aperçus sur la géographie ancienne des régions désertiques. Dès son apparition ce livre suscita un très vif intérêt. Nous, nous bornerons, dans la présente étude, à un point particulier. Dans sa description des animaux sauvages, Duveyrier signalait l'existence dans le Sahara Central d'un grand mammifère carnivore d'espèce indéterminée et peut-être inconnu l'Adjoulé, une sorte de loup ! Or, au XIXème siècle, on n'avait plus guère l'espoir de faire des découvertes dans l'ordre des mammifères. Cependant Duveyrier était assez affirmatif sans avoir vu l'animal. Aussi tous les voyageurs sahariens cherchèrent-ils à se renseigner mais en vain.

         Or en 1900 une découverte sensationnelle fut faite dans les forêts du Congo :
         Un grand mammifère inconnu, intermédiaires entre les antilopes et les girafes et qui reçut le nom d'Okapi. Il était donc encore possible, à l'entrée du XXe siècle de faire des découvertes de ce genre ! Déjà on parlait de la possibilité de trouver dans les parties inconnues de l'Afrique Centrale quelques survivants de la grande faune quaternaire ! Et cela donna un regain d'actualité à l'Adjoulé, la " bête du Hoggar ". L'imagination aidant, on en faisait volontiers une nouvelle " bête du Gévaudan " animal fabuleux qui défraya la chronique pendant 20 ans, à la fin du XVIIIe siècle et qui était tout simplement un loup-cervier (lynx). Mais les années passèrent…

         Or pendant l'hiver 1927-1928, la mission saharienne Augiéras-Draper a brusquement dissipé le mystère : deux Adjoulés furent tués et leurs dépouilles sont actuellement au Muséum d'histoire naturelle de Paris.

         La bête de Duveyrier porte le nom de "Adjoulé " pour le mâle et de " Tarhit " (pluriel Tirhès) pour la femelle.
         Voici les renseignements donnés par l'explorateur :
         " Je donne le nom de loup à une espèce très féroce qui vit dans le haut du Tassili et dans les montagnes du Ahaggâr. Je n'ai pas vu cet animal et je n'ose pas affirmer qu'il soit réellement un loup ; cependant, par les renseignements qui m'ont été donnés, je ne puis qu'à l'assimiler à cet animal.
         Il ressemble à un grand chien fauve, disent les Touaregs, et il est le seul carnivore de notre pays qui attaque l'homme sans même être provoquer à la défense. "


         Quelle pouvait-être cette bête ?
         Bien entendu les hypothèses n'ont pas manqué, mais, le plus souvent, ce furent des hypothèses tout à fait gratuites.
         Les uns pensèrent à l'hyène tachetée. C'est une bête soudanaise très redoutée des Touaregs du Sud, aussi redoutée que le lion en raison des ravages qu'elle cause dans les troupeaux. Mais il semble bien que l'hyène tachetée puisse être identifiée avec une autre bête signalée par Duveyrier sous le nom de " Tahouri ".
         Les Touaregs qui vinrent à Paris en 1862 avec Duveyrier furent conduits au jardin des plantes où ils reconnurent dans une cage un " Tahouri ! C'était une hyène tachetée originaire du Sénégal. Il y aurait donc encore quelques hyènes tachetées dans certaines parties du Sahara, au moins en bordure soudanaise.
         Mais ce n'est pas l'Adjoulé.

         On songea également au Cynhyène, mais c'est un animal plus méridional, très répandu dans l'Afrique du Sud, dans l'Afrique Orientale et dans certaines parties de l'Afrique Occidentale. Sa présence au Sahara était une hypothèse gratuite assez invraisemblable.
         On songea à une bête nouvelle…
         On songea également à une bête inexistante, à un faux renseignement recueilli par Duveyrier.

         Nous ne pouvions rester étrangers à cette question, étant sur les lieux et quelque peu chasseur.
         Le nom d'Adjoulé était inconnu (quelle est l'origine de l'information de Duveyrier ?) Par contre le nom indiqué pour la femme (un peu déformé) était bien connu : c'est " Tarhensit ". Quant au mâle il s'appelait " Tirhès " nom donné par Duveyrier pour la forme du féminin pluriel. Il s'agissait d'un animal répondant parfaitement au signalement indiqué. De nombreux Touaregs l'avaient vu, à la tombée du jour, mais je n'en avais jamais trouvé aucun ayant tué la bête et pouvant, par conséquent, donner une preuve certaine de son existence. On m'indiquait cependant des points précis où le " Tirhès " avait été vu et bien vu ; dans le Hoggar et beaucoup plus au Nord dans le Mouydir (exactement dans le massif de l'Ifetessen).

         Or au début de 1927 et précisément dans les mêmes parages, j'eus personnellement un semblant de confirmation. Un matin à la pointe du jour je suivais, en chassant, un ravin étroit qui conduit à la mare de Tiguelquemine (180kms au Sud-Est d'In-Salah) avec l'espoir d'y surprendre quelque mouflon, lorsque je vis sur le sable des traces fraîches, inconnues de moi et se dirigeant vers la mare.
         Je les suivis aussitôt. Mais, en approchant de la mare elles se perdirent dans la broussaille et la rocaille. Je songeais naturellement au " Tirhès " mais également à un chien de forte taille et presque féroce, qu'un officier avait perdu quelques mois auparavant et qui, retourné à l'état sauvage, avait été vu dans ces mêmes parages. Depuis j'ai bien regretté de n'avoir pas examiné les traces avec plus de soin car le Tirhès au lieu d'avoir cinq doigts aux pattes n'en a que quatre ! Mais alors je l'ignorais. (Le cinquième doigt des canidés n'est d'ailleurs guère visible sur les traces).
         Bref la question n'était pas beaucoup plus avancée à la fin de 1927 lorsque nous organisâmes la mission Augieras-Draper et que nous partîmes.

         Nous commençâmes par visiter rapidement le Hoggar sans penser beaucoup au Tirhès. Notre attention était plutôt attirée vers la recherche de petits mammifères pour nos collections.

         Le 26 novembre nous étions à environ 200 kilomètres à l'Ouest de Timissao, c'est-à-dire vers le Sud du Tanezrouft. Nous avions marché tout le jour dans une région assez désertique, mais des pluies exceptionnelles avaient fait reverdir tous les fonds d'oueds et le pays était en somme assez verdoyant.
         Vers le coucher du soleil nous arrivâmes dans un vaste cirque montagneux où la végétation était vraiment magnifique. Nous y campâmes pour la nuit, laissant nos chameaux pâturer à leur aise dans les hautes herbes. Dès notre arrivée des gazelles s'étaient échappées de tous côtés dans un galop léger et rapide. Mais dans les montagnes environnantes trois fortes bêtes étaient restées paraissant peu disposées à nous céder aussi facilement la place : c'étaient des Tirhès ! Et nous fûmes favorisés par la chance : deux furent tués à petite distance, le troisième, blessé, réussit à s'enfuir en traînant la patte.
         Le soir même les deux bêtes étaient amenées au camp où les deux naturalistes de la mission, MM. Monod et Besnard, n'en revenaient pas. Ils passèrent la nuit à dépouiller les bêtes ; les peaux et les crânes furent préparés avec soin, séchés et emballés. Les voici maintenant au Muséum où elles seront l'objet d'études détaillées que publiera M. Monod.

         Contentons-nous pour le moment de donner la description sommaire de ces bêtes qui se trouvaient être deux mâles. La description correspond tout à fait aux indications de Duveyrier.
         De la taille d'un fort chien molosse, la bête a l'aspect général d'un loup.
         - La tête est puissante, armée de crocs redoutables,
         - le cou large
         - les oreilles droites,
         - la queue légèrement touffue,
         - les pattes sont armées de quatre ongles à tous les pieds.

         Mais ce qui donne à l'animal un aspect assez étrange est sa couleur. Le corps est couvert d'un poil ras et de couleur fauve clair, tacheté irrégulièrement de marques brunes qui semblent avoir été faites par un pinceau. C'est un véritable peinturlurage, quelque chose d'analogue au camouflage des toiles de bâches pendant la guerre. A cette description on reconnaîtra certainement une variété d'un loup d'Afrique connu : le loup peint (lycaon pictus). L'étude détaillée qui sera faite indiquera si l'animal saharien peut-être rattaché à une des variétés déjà distinguées à l'intérieur de l'espèce ou s'il doit former une variété spéciale à laquelle on pourrait conserver le nom de Tirhès.

         Voilà donc le mystère éclairci, mais il est nécessaire d'y ajouter quelques renseignements. Le tirhès est un loup ou, si l'on préfère un chien sauvage. Il se rattache à ce groupe par la taille, son aspect général, son intelligence, sa férocité aussi. Mais il est apparenté aux hyènes par la couleur tachetée et surtout par les quatre doigts des membres antérieurs. C'est donc en réalité un chien-hyène (Cynhyène) et c'est également un loup peint (Lycaon pictus).
         Avec la vieille appellation de Duveyrier (Adjoulé) et le nom indigène actuel (Tirhès) cela fait beaucoup de noms pour une même bête.

         Le Cynhyène est un animal très répandu dans certaines parties de l'Afrique et notamment dans l'Afrique Orientale où l'abondance du gibier favorise sa multiplication. Il vit en troupe de dix ou quinze individus quelquefois plus et fait preuve de beaucoup d'intelligence. Les Cynhyènes semblent en effet se concerter pour attaquer un troupeau d'antilopes et se séparent souvent en deux groupes qui manœuvrent pour encercler la proie convoitée. Ce sont des bêtes redoutables surtout en groupe. Mais jamais on avait pu sérieusement songer à compter le Cynhyène dans la faune saharienne.

         Dans son récent et intéressant ouvrage sur " les vertébrés du Sahara ", Lavauden (forestier et zoologiste) parlant accidentellement du Cynhyène, écrivait :
         " ce dernier animal ne se rencontre pas dans le Sahara, et il n'est même pas certain qu'on le trouve au Nord du Tchad ".

         Un autre auteur, Derscheid étudiant spécialement le Cynhyène note que c'est exclusivement un animal de brousse et de savane qui ne peut vivre ni dans la forêt ni dans le désert. Et nous l'avons trouvé dans le Tanezrouft, considéré comme la partie la plus désertique du Sahara.
         Faut-il ajouter que l'année 1927 fut exceptionnellement favorisée sous le rapport des pluies et que des Cynhyènes qui existent certainement dans l'Adrar des Iforhas ont pu se laisser entraîner vers le Nord à la poursuite du gibier. Mais il y aurait des Cynhyènes au Hoggar et même plus au Nord dans le Mouydir (plateau culminant à 1.700 mètres) Il faut donc bien admettre cet animal dans la faune propre du Sahara, peut-être sous un nom spécial ce que les naturalistes nous apprendront.

         Depuis la capture faite l'hiver dernier j'ai obtenu quelques renseignements complémentaires. J'ai d'abord trouvé un méhariste qui m'a affirmé avoir tué un Tirhès en 1926 à Bourhessa, point d'eau situé sur la frontière théorique algéro-soudanaise au Nord Est de l'Adrar des Iforhas où comme je le disais plus haut la présence de Cynhyènes est certaine.
         Plusieurs autres Tirhès auraient été tués depuis l'occupation française du Sahara Central, soit par des Touaregs, soit par des méharistes. Dans ce dernier cas il est possible que des officiers en aient eu connaissance mais sans se rendre compte de l'intérêt que cela pouvait présenter tant il est vrai qu'une découverte n'en est réellement une que du jour où elle est faite par des personnes compétentes.

         Aussi le compte-rendu déjà fait par M. Monod à la société zoologique est-il tout à fait inédit. Notons enfin que nous avons vu dans les galeries du Muséum deux Cynhyènes naturalisés, provenant d'une autre région de l'Afrique et qui nous ont semblé sensiblement plus petits que le Tirhès saharien.
         Et maintenant le mystère de l'Adjoulé n'est plus ! C'est encore un peu d'inconnu qui s'en va…
L'Armée d'Afrique par le capitaine Augieras


Attaque de la gare D'el Arrouch
Envoyé par M. Christian Graille

                 On se croirait aux premiers jours de la conquête.
                 Ce n'est plus en effet un simple assassinat que nous avons à enregistrer aujourd'hui mais l'attaque à main armée, d'une gare de la ligne du P.L.M., de Philippeville à Constantine.
                 Cette attaque, d'une audace inouïe, a profondément ému la population des villages environnants et celle de Philippeville et fait désespérer d'avoir jamais cette fameuse sécurité tant réclamée. Mais les faits parlent trop d'eux-mêmes pour avoir à les commenter, les voici :
                 La gare d'El-Arrouch est à peu près à égale distance de ce village et de Robertville, six kilomètres environ. Aucune ferme n'existe à ses alentours ; son isolement est complet. Elle est habitée par le chef de gare, M. Battesti, sa femme et ses enfants.

                 Avant hier soir, dans la nuit de dimanche à lundi, vers onze heures, le chef de gare était réveillé par l'aboiement de ses chiens. D'abord il n'y prit garde. Mais ayant entendu un va et vient continuel, perçu des bruits de pas autour de la maison, il s'arma d'un revolver et d'une carabine, et après avoir ouvert avec précaution la porte de sa chambre à coucher qui se trouve au premier étage, il se disposait à descendre.

                 A peine était-il dans l'escalier qu'un coup de feu était tiré sur lui et qu'une balle l'atteignait légèrement à l'avant-bras. M. Battesti riposta par un coup de revolver tiré au jugé dans l'obscurité.
                 A la lueur de ce coup de feu, un assiégeant put le viser presque à bout portant, c'est-à-dire du bas de l'escalier, et M. Battesti reçut une balle dans la crosse de sa carabine, que par le plus grand des hasards il tenait appuyé sur son ventre.
                 Voyant qu'il avait à lutter contre de trop nombreux agresseurs le chef de gare se barricada dans sa chambre.

                 Un des assassins croyant le chef de gare mort, monta à pas de loup écouter à la porte. Ayant entendu du bruit, M. Battesti parlait à sa femme, il descendit dire sans doute aux assaillants que la défense était bien organisée là-haut et que la prise d'assaut devenait dangereuse. M. Battesti, en effet, était disposé à défendre sa famille jusqu'à la dernière goutte de sang.

                 Enfin ce fut dans les salles du bas, dans la lampisterie un vacarme indescriptible, le pillage était organisé de main de maître. Les lampes servant aux locomotives et celles des hangars avaient été allumées (non sans difficulté car n'ayant pu ouvrir la vitre de devant, ils avaient dévissé la partie supérieure qui forme chapeau) et les quais et l'intérieur de la gare étaient magnifiquement éclairés.
                 Cependant malgré leurs recherches ainsi facilitées ils ne trouvaient rien. Ils n'osèrent pas forcer le bureau qui se trouve dans une salle du bas où est le coffre-fort, gardé par deux chiens robustes et dangereux.

                 Ils se contentèrent donc de prendre l'huile des lampes, le pétrole et quelques menus objets sans valeur. Ce maigre butin n'est cependant pas le fruit d'une besogne hâtive ; pendant plusieurs heures ils ont :
                 - fouillé,
                 - pillé,
                 - dévalisé la gare,
                 - brisant tout sans crainte d'être dérangés.

                 Dans la chambre du haut où étaient bloqués M. Battesti et sa famille c'était des transes affreuses. Les enfants pleuraient, la mère courageuse et armée pour les défendre ne parvenait pas à les calmer, mal rassurée elle-même sur leur sort, et M. Battesti ayant pansé sommairement sa blessure, prêt à repousser l'attaque, le revolver au poing, attendait.
                 Cette attente dura jusqu'à trois heures du matin, moment de la retraite des bandits. Quand M. Battesti descendit, à six heures seulement, des lampes brûlaient encore, tout était mis à sac et ce qu'on n'avait pas pu emporter était brisé.

                 M. Besset, Procureur de la République et M. le Juge d'Instruction prévenus se sont transportés à la gare d'El-Harrouch pour faire une enquête. Mais aucun indice sérieux n'a pu leur être donné. Le chef de gare n'a rien vu dans la nuit et les malfaiteurs n'ont pas parlé, ce qui eut pu révéler leur nationalité.
                 Où donc chercher ? Chez les indigènes à coup sûr.
                 M. Besset dont la perspicacité est connue n'y manquera pas.
                 Cet attentat est trop grave pour ne pas suggérer d'amères réflexions. N'indique-t-il pas une audace inouïe de la part des malfaiteurs, un dédain de la justice qu'il sera difficile de détruire même par d'exemplaires condamnations ?
                 Que vont penser les habitants des fermes isolées ?
                 Forts de l'impunité les brigands de tout calibre deviennent de jour en jour plus entreprenants. Il est grand temps que des mesures particulièrement sévères soient prises pour assurer la sécurité dans l'arrondissement de Philippeville, mis en coupe réglée par les bandits.

                 Les lignes qui précèdent que nous détachons du Zéramma, de Philippeville, démontrent jusqu'à quel point les protégés de Pauliat se sentent assurés de l'impunité.
                 Ils ne s'attaquent plus seulement aux colons isolés et sans défense, mais bien aux établissements publics et à ceux qui les habitent.
                 Comme les Anglais doivent bien rire de nous avec notre manière débonnaire de coloniser l'Algérie en ménageant nos bons administrés, les Arabes.
                 - Tous ces faits isolés,
                 - toutes ces attaques à main armée,
                 - ces assassinats,
                 - ces incendies allumés sur tous les points ne démontrent-ils pas surabondamment que jamais nous ne parviendrons à extirper chez les indigènes le germe de banditisme.

                 L'insurrection règne en Algérie à l'état latent et notre expérience nous a démontré qu'à chaque guerre européenne, au moment où nos troupes quittent la colonie, de formidables révoltes éclatent et sont conduites précisément par les khamès et employés de toutes sortes que nous choyons, qui connaissent tous nos secrets, ont les clés de toutes nos portes, pendant que les pauvres pères de famille française crèvent de faim. Nous faisons des vœux pour qu'un chef militaire, genre Général Négrier, vienne s'installer dans chaque subdivision militaire de l'Algérie.
                 A des populations rebelles à toute civilisation et à tout progrès, il faut des mesures exceptionnelles.

                 Qu'attend-on pour les appliquer ?

La gazette algérienne (16--09-1893)


Naître aujourd'hui de Jean Albert
Envoyé par Mme. Annie
Naître au XXIème siècle ...

         Mathilde, 5 ans, revient de l'école. Elle a eu sa première leçon sur les bébés.
         Sa mère, très intéressée, lui demande:
         - « Comment cette leçon s'est-elle passée ? ».

         MATHILDE répond :
         - "Paul a dit que son papa l'a acheté à l'orphelinat. Aline, ses parents sont allés l'acheter à l'étranger. Christine, elle a été faite dans un laboratoire. Pour Jean, ses papas ont payé le ventre d'une dame".
         Sa mère répond en riant :
         - « Et toi, qu'as-tu dit ?»
         - "Rien, je n'ai pas osé leur dire que mon papa et ma maman sont tellement pauvres à cause de Macron, qu'ils ont dû me faire eux-mêmes ! "



Attentat contre le Président
Envoyé par M. Christian Graille

Place Beauvau - Tentative criminelle, - ovation au Président - arrestation du coupable - son interrogatoire - Détails complets.

                 C'est à midi moins dix, au moment où la voiture du Président de la République sortait de l'Élysée et gagnait au pas la place Beauvau qu'un individu se dégageait d'un groupe formé au coin de la rue des Saussaies et du Faubourg Saint-Honoré s'approchait de la voiture de M. Carnot et tirait sur lui, presque à bout portant, un coup de revolver qui ne l'atteignit pas.
                 On s'empressa auprès du Président de la République qui semblait ignorer l'attentat dont il avait failli être victime et regardait par la portière de sa voiture, avec une certaine curiosité.
                 Quelqu'un s'approcha de lui et l'informa du danger qu'il venait de courir. M. Carnot garda son calme et s'inclina en souriant.
                 Une véritable ovation lui fut faite et pendant quelques instants les cris de vive Carnot ! Vive la République ! Se succédèrent répétés par la foule qui s'était massée rue du faubourg Saint-Honoré et place Beauvau, pour assister au départ du Président de la République et de son cortège.

L'arrestation

                 Pendant qu'on entourait et félicitait M. Carnot, les agents saisirent l'auteur de l'attentat et l'empêchèrent de tirer une deuxième balle. Mais la foule exaspérée l'avait appréhendé et voulait lui faire un mauvais parti.
                 De toutes parts on crie : " A Mort ! À mort ! "
                 Une bagarre se produit et l'individu reçoit de nombreux coups principalement à la tête que ne couvrait plus son chapeau qui avait disparu dans la lutte.
                 Les agents parvinrent à entraîner le coupable et à le soustraire à la colère des personnes présentes. Ils le firent monter dans un fiacre et le conduisirent au poste central de police de la rue d'Anjou.

                 Cinq cents personnes suivirent le fiacre et tentèrent à plusieurs reprises de l'arrêter dans sa marche et de saisir celui qui avait tiré sur M. Carnot. Enfin, la voiture arriva rue d'Anjou et là encore les agents, renforcés par ceux du poste de police, furent obligés de protéger l'auteur de l'attentat contre les menaces de violence que proférait la foule.

Les interrogatoires

                 Introduit dans le cabinet du commissaire, l'individu fut immédiatement interrogé en présence du colonel Lichtenstein qui venait d'arriver au poste.
                 L'inculpé était un nommé Jean-Nicolas Perrin, âgé de trente-six ans, domicilié habituellement à Crépy-en-Valois (Oise).
                 Il n'était arrivé à Paris que depuis deux jours et s'était installé à l'hôtel des Hollandais, rue Lamartine, 16. Perrin était né à Oudren (Moselle annexée), marié et père de trois enfants.
                 Quant au mobile de son attentat, Perrin déclara qu'il avait été victime d'injustices et qu'ayant épuisé tous les moyens d'attirer l'attention du Gouvernement sur lui, il avait résolu de tirer sur le Président de la République.
                 " Je suis magasinier de la marine, a-t-il déclaré ; je suis civil. Un jour me trouvant à la Martinique, j'ai écrit une lettre vive au Commissaire Général de cette colonie dont j'avais à me plaindre. M. Grodet m'a puni de soixante jours de prison militaire, moi civil.
                 J'ai réclamé partout contre cette iniquité ; on s'est moqué de moi, cela m'a exaspéré. Alors je suis venu hier à Paris et j'ai fait ce que vous savez. J'ai été à Fort-de-France, à la Martinique et je reviens de la Guyane. Je devais m'embarquer aujourd'hui. Je suis sans ressources ; ma femme et mes enfants n'ont pas de pain. "


                 Et, après avoir dit ces paroles, l'individu fondit en larmes :
                 " Non, je n'ai pas voulu tuer le Président, dit-il, en sanglotant, voyez vous-même que je dis la vérité ; j'ai tiré un coup ; il y a une douille qui n'est pas chargée ; pour les quatre autres cartouches, elles ne renferment pas de poudre. "

                 Le commissaire de police constata alors que l'arme dont s'était servi Perrin portait encore deux cartouches à blanc, trois cartouches sans poudre et un culot de cartouche tirée. S'était une arme de soldat. Perrin l'avait achetée en 1882 dans une maison du boulevard Bonne-Nouvelle.
                 Interrogé de nouveau sur les raisons de son attentat qu'il avait insuffisamment expliquées, Perrin ajouta qu'on voulait l'envoyer au Sénégal, dans le haut fleuve, pour se débarrasser de lui. Il avait écrit à toutes les autorités de France, mais inutilement et, se voyant repoussé de tous, il avait songé à attirer l'attention de M. Carnot sur son cas.
                 A l'issue de cet interrogatoire, M. Perrin manifesta le désir de causer avec le colonel Lichtenstein qui accepta et s'entretint avec lui assez longuement.

                 L'enquête apprit que lorsque Perrin avait tiré, le cheval d'un cuirassier qui était auprès de lui a fait un brusque écart. Un agent a été brûlé à la main par la décharge. La balle n'a pas été retrouvée.
                 Perrin a ensuite été interrogé par M. Banaston, Procureur de la République, et Guillot, juge d'instruction qui se sont rendus au poste de la rue d'Anjou.
                 Les réponses de l'inculpé ont confirmé les déclarations précédemment faites au commissaire.
                 Perrin fut placé au dépôt.

L'Indépendant de Mascara (12-03-1889)

 Les caravanes du Comité d'Initiative et d'Hivernage.
Envoyé par M. Christian Graille

                 Le Comité d'Initiative et d'Hivernage Algérien, plus que jamais soucieux de justifier la faveur dont son œuvre, absolument dégagée de tout intérêt personnel, a toujours joui, depuis sa fondation, tant auprès des Pouvoirs Publics que de l'immense majorité de la population algérienne et plus que jamais décidée à faire preuve de vitalité sous toutes les formes que comporte l'œuvre qu'il poursuit, organise cette année, comme les années précédentes, une double caravane algérienne et tunisienne, à l'occasion des vacances de Pâques.

                Personne n'ignore la nature de ces excursions périodiques à prix relativement très modérés qui sont susceptibles de nous amener de nombreux visiteurs, de nous faire de nouveaux amis, pour le plus grand profit du développement économique de ce pays merveilleux et de sa colonisation.
                 Il est spécifié en effet, dans les programmes de ces caravanes, qu'elles sont instituées uniquement dans un but de propagande coloniale.

                Quant à ce programme en lui-même, il faut reconnaître qu'il a été très bien conçu ; rien d'intéressant au point de vue du tourisme en général n'a été oublié ; tout ce qui concerne plus particulièrement les personnes devant participer à ces charmantes excursions a été soigneusement prévu ; rien en effet n'a été négligé pour assurer avec le succès des caravanes l'entière satisfaction des personnes qui y prendront part. Voici les itinéraires :

Itinéraire Algérie

                 Dimanche, 24 mars 1907 - Départ de Paris (gare de Lyon) par le rapide de 7 h.20 du soir.

                Lundi, 25 mars - Déjeuner à Marseille à 11 heures du matin - A 1 heure de l'après-midi, départ de Marseille sur un paquebot à marche rapide de la Compagnie Générale Transatlantique.

                Mardi, 26 mars - Arrivée à Alger dans l'après-midi. Réception au débarcadère par les membres du Comité. Le soir, causerie sur l'Algérie

                Mercredi, 27 mars - Alger et ses environs immédiats - Matin : Visite de la ville indigène, de la ville européenne, du port et des quais. Après-midi : Promenade aux environs d'Alger, Mustapha-Supérieur, le Palais d'Été, le boulevard Bru, le Jardin d'Essai - Retour à Alger pour dîner.

                Jeudi 28 mars - Le Sahel : Guyotville, visites des fermes-modèles, Staouéli, Sidi Ferruch, Koléa. Retour à Alger pour dîner.

                Vendredi, 29 mars - La Mitidja : - Blida, les gorges de la Chiffa et départ pour la Kabylie. Coucher à Tizi-Ouzou.

                Samedi, 30 mars - A travers la Kabylie : Fort-National. Excursion à Ichéridène et aux villages kabyles des environs de Fort-National. Coucher à Tizi-Ouzou.

                Dimanche, 31 mars - Départ pour Ménerville, Palestro-les-Gorges. Train de nuit pour Biskra.

                Lundi, 1er avril - A travers les Hauts-Plateaux : Par chemin de fer. Sétif, El-Guerrah, Batna, El-Kantara, Biskra. Coucher à Biskra.

                Mardi, 2 avril - Le désert : Biskra, l'Oasis, le Vieux Biskra. Coucher à Biskra.

                Mercredi, 3 avril - Départ pour Batna. Excursion à Lambèse et à Timgad la " Pompéi Africaine ". Retour à Batna pour prendre le train de nuit.

                Jeudi, 4 avril - Arrivée à Constantine le matin. Visite de la ville arabe, les gorges du Rummel par le chemin des touristes. Coucher à Constantine.

                Vendredi, 5 avril - De Constantine à Philippeville, la ville et le port. Embarquement pour Marseille à midi.

                Arrivée à Marseille dans la nuit du 6 au 7 avril. Retour à Paris au choix du caravanier avec son billet individuel.

Itinéraire complémentaire en Tunisie

                 Vendredi, 5 avril - De Constantine à Tunis par Ghardimaou. Coucher à Tunis.

                Samedi, 6 avril - Visite de Tunis (les souks et la ville indigène) et de Carthage.

                Dimanche 7 avril - Départ pour Sousse. Visite de la ville et déjeuner à Sousse. De Sousse à Kairouan. Coucher à Kairouan.

                Lundi 8 avril - Visite de Kairouan (ses mosquées, ses souks, ses fabriques de tapis). Retour et coucher à Tunis.

                Mardi 9 avril - Tunis et ses environs (K'sar, le Bardo, le Belvédère, la Marsa etc.) Retour et coucher à Tunis.

                Mercredi 10 avril - Départ pour Bizerte - Visite du port, des arsenaux, des pêcheries. Le soir, embarquement pour Marseille où l'on arrivera dans la nuit du jeudi 11 avril.

                Jeudi 11 avril - Dislocation générale de la Caravane à Marseille où chacun recevra son billet individuel de retour (avec arrêt facultatif à Lyon) lui permettant de visiter à son gré Marseille et Lyon.

Illustrations algériennes, tunisiennes et marocaines (23-02-1907)


Un acquittement
Envoyé par M. Christian Graille


                 Le jury d'Alger vient de se prononcer sur une très curieuse affaire qui fit grand bruit, il y a quelques mois.
                 Il s'agit d'un commis des douanes nommé Boulet qui, avec une habileté rare, machina un guet-apens dans lequel il attira son Sous-inspecteur M. Lucciana pour le cribler de coups de revolver. M. Lucciana, qui n'en mourut pas, s'est présenté à la barre en qualité de principal témoin.
                 Il a été démontré que Boulet a longuement prémédité sa vengeance et que pour, l'accomplir il n'a pas hésité à fabriquer de fausses dépêches qui devaient donner le change à Lucciana et l'attirer à Alger où Boulet habitait à la suite de sa révocation.
                 Sur la foi de ces dépêches, Lucciana fit le voyage et se présenta au bureau de M. Adnesse, Directeur des douanes ; dans l'escalier il rencontra Boulet qui se précipita sur lui le revolver au poing, fit feu quatre fois et le blessa à la hanche.
                 Boulet vient de comparaître en cour d'assises et le jury le déclarant non coupable, la cour a prononcé son acquittement et ordonné sa mise en liberté immédiate.
                 Donc, voilà Boulet rendu à la Société.

                  Je ne suis pas un buveur de sang et je comprends tous les entraînements à la passion même quand ils se traduisent de cette façon sauvage ; pourtant je ne puis m'empêcher d'opposer à l'acquittement de Boulet la condamnation de Perrin, le malheureux exaspéré qui tira au nez des chevaux du Président de la République un coup de revolver à blanc.
                 D'un côté, faux en signature, quatre balles envoyées à bout portant, une blessure, longue préméditation . . . Acquittement.

                 De l'autre, un coup de revolver à poudre, ni morts, ni blessés. Condamnation.
                 - Est-ce que la culpabilité se mesure au rang de la victime ?
                 - Est-ce que la vie humaine ne doit pas être également sacrée qu'il s'agisse d'un douanier ou d'un Président de la République ?
                 Si l'on faisait le relevé de toutes les graves affaires terminées en cour d'assises par un acquittement, on pourrait rédiger à l'usage des gens du monde un singulier code de morale.
                 Sur le simple récit de l'attentat de Boulet, son acquittement vous surprend ! Peut-être même vous indigne-t-il, cependant le nombreux auditoire qui suivait les débats l'a accueilli par un murmure approbateur, et quand Boulet est sorti du prétoire, plusieurs mains se sont tendues vers lui ; en un mot, il avait malgré sa faute, la sympathie du public.

                 Pourquoi ?
                 Parce qu'au fond de cette affaire il y avait un drame plus poignant peut-être que celui qui se déroula si vite dans l'escalier du Directeur des douanes.
                 A la suite d'une violente altercation avec M. Lucciana, Boulet fut révoqué.
                 A tort ou à raison il attribua à l'assouvissement d'une rancune une menace qui le jetait sans un sou sur le pavé avec sa femme et son enfant.
                 Pourquoi Boulet ne frappa-t-il pas immédiatement son chef ?
                 On eut compris une soudaine explosion de colère au moment où la catastrophe l'atteignit si cruellement.
                 Pourquoi, pendant de longs mois Boulet couva-t-il sa vengeance ?
                 Il paraît démontré qu'il n'y songea pas au début, et qu'il y aurait renoncé s'il avait trouvé une position nouvelle.
                 Mais les jours passèrent ; la misère se fit plus noire, l'espoir s'en alla tandis que se rembrunissait l'avenir.
                 C'est alors qu'un soir :
                 - L'employé sans emploi,
                 - Le travailleur sans ouvrage,
                 - Le père qui n'avait plus de pain à donner à son enfant se dit qu'il devait faire expier tant de maux à celui qui les lui avait valus.

                 Remarquez que je n'excuse rien. Boulet a très mal agi.
                 Que serait le monde si chacun se faisait justice à sa guise ?
                 J'explique simplement les causes de cette pitié qui est allée vers le pauvre diable et qui, malgré une culpabilité évidente lui a valu un acquittement.

Jean de Blida
La Tafna ( 12-06-1889)

Chant automnal
Envoyé par M. Christian Graille


                  La nuit a mis des pleurs
                  Aux pétales des fleurs
                  Que fait frémir la bise
                  Et son souffle les brise !

                  La rose dit tout bas
                  A la fleur du lilas :
                  " Nos sœurs meurent très vite,
                  Déjà la marguerite

                  S'est fanée au vent froid.
                  Tu dépéris et moi,
                  Chacun de mes pétales
                  S'enfuit dans les cieux pâles."

                  De leurs nids, les oiseaux,
                  Cachés dans les roseaux
                  Disent à Dieu leur crainte
                  Dans une longue plainte.

                  Une dernière fois,
                  Chère allons sous le bois
                  Parler d'amour, de roses
                  Car demain seront closes.

                  Ces fleurs, et les buissons
                  N'auront plus de chansons…
                  Voici venir l'automne,
                  Viens vite mignonne,

                  Et laisse-moi poser,
                  Sur ta lèvre un baiser,
                  Un baiser qui me grise.
                  O viens ! Bravons la bise !
                 

E. Mand


Bataille perdue
Envoyé par M. Christian Graille

I

                 Dans l'immense plaine brûlée du Chélif, plaine sans eau et pauvre, qui ne paraît pas avoir la sève exubérante de sa sœur la Mitidja, on voit de loin en loin, quelques groupes de maisons en ruines, aux murs crevassés, souillés de longs sillons noirâtres, comme des traces de larmes.
                 Des champs avoisinants semblent encore entourés de vagues limites à demi-détruites, de haies desséchées. Mais sous la splendeur aveuglante du soleil d'août, nul travailleur n'aime ces terres mortes ; dans les ruelles, entre les demeures branlantes, aucune ombre mouvante ne se découpe, tranchant dans la clarté qui éblouit. L'air seul, qui monte surchauffé du sol, en flot sirupeux, paraît vivre d'une vie ardente et silencieuse.
                 Peut-être dans les environs, sous l'ombre d'un olivier poussiéreux, quelque berger contemplateur, sans pensée ni sans rêve, garde-t-il paresseusement un troupeau de moutons, sales et maigres, cherchant longtemps en vain, une herbe ligneuse sur cette terre crevassée.
                 Que sont ces groupes de maisons muettes ? Des villages abandonnés, des lieux de combats entre l'homme et la nature, où la nature a été victorieuse. Et soudain mon imagination me montre ces centres dépeuplés, aux diverses époques de leur histoire.

                 Nous sommes en automne. Des colons du centre de la France ont été installés là.
                 Ils ont approprié à leur usage les demeures indigènes qui s'y élevaient et en ont édifié d'autres. Ils se sont livrés à ces travaux fiévreusement, pressés d'engager la lutte contre le sol vierge, hérissé de broussailles et de palmiers nains.
                 Les maisons qu'ils vont habiter sont mal construites, inachevées ; qu'importe ! Ils sont à court de temps et d'argent. Et puis, eux qui viennent des pays froids, où la neige couvre de longs mois les champs, ont été saisis par la tiédeur exceptionnelle d'octobre dans cette plaine africaine.
                 Le soleil luit presque constamment très doux ; quelques rapides et violentes ondées passent de loin en loin mais elles ne font qu'apporter une fraîcheur délicieuse et semer tout alentour, l'herbe, les fleurs, la vie riante du printemps. C'est le moment :
                 - de se mettre à l'ouvrage,
                 - d'extirper du sol toutes ces plantes sauvages et rugueuses qui en mangent inutilement la sève,
                 - de fouiller profondément les flancs de cette terre qui paraît receler d'incalculables richesses,
                 - de lui prêter des grains nombreux pour qu'elle les rende au centuple.

                 Oh ! Si, dans cette Algérie l'automne est déjà un avril : que sera donc l'avril ? Et de toutes parts, avec une vaillance invincible, avec une vaillance française, on a livré la première bataille contre la plaine, aux yeux des Arabes indolents et qui ne comprennent pas, amollis par le climat trop clément, qu'on lutte si âprement contre le sol…

II

                 La campagne agricole a été heureuse. Les pluies suffisantes ont satisfait la soif de la terre ; des soleils ardents ont succédé régulièrement aux ondées. Les colons ne se sont pas aperçus qu'un hiver venait de s'écouler car la nature était toujours en travail, car ils pouvaient chaque matin mesurer la croissance de leurs moissons futures.

                 Et maintenant que mai rayonne dans un ciel de turquoise, ils sont véritablement éblouis par le spectacle qui s'offre à leurs regards. Les blés drus et pesants commencent partout à jaunir sous un soleil qui leur semble déjà torride ; les foins sont coupés ou prêts à être coupés, et forment des tapis bariolés d'où montent des parfums et des effluves amoureux ; ici, on dirait qu'une pluie d'argent a inondé le sol ; là, les pâquerettes jaunes vivent en république et forme une large tache d'or, puis ce sont les tigrures rouges, bleues, violettes au grand manteau vert de la plaine.

                 La gaîté est installée dans le village :
                 - Les ruelles sont pleines d'une population affairée,
                 - des vieillards causent au cabaret ou sur le pas des portes,
                 - des femmes lavent du linge en riant et en jacassant à l'oued voisin.
                 - Des jeunes gens aux blouses bleues et aux grands chapeaux gris conduisent des chariots chargés de foin ou font galoper des chevaux attelés à des chars-à-bancs, tandis qu'à leurs fenêtres, des jeunes filles avec une coquetterie sournoise, les suivent des yeux.
                 - Des bœufs fatigués et pensifs broient sous la meule de leurs larges dents une provende qui ne leur est pas trop parcimonieusement mesurée.
                 - Une flottille d'oies parcourt la place publique en poussant des coins, coins nasillards, et
                 - des pigeons tombent de l'azur en roucoulant.

                 Et que d'insectes, que d'abeilles bourdonnantes ! Quelle joie, quelle vie !
                 Que d'amour dans ce centre datant d'hier. La terre n'est pas la seule à enfanter avec exubérance ; on dirait que la vieille race française qui a perdu de sa sève prolifique dans la métropole, la retrouve ici.
                 De ce sol montent au cerveau et aux cœurs des conseils érotiques et on peut les écouter sans crainte : cette terre si prodigue fournira les aliments aux enfants à naître…..

III

                 Des années sont passées sombres. Le soleil était cependant aussi brillant mais il ne glissait plus la gaîté dans les cœurs ; l'azur souriait mais ce sourire était d'une amère, d'une implacable ironie. Un été les blés et les foins n'ont pas rendu seulement la semence. L'hiver avait été sans pluie.
                 D'abord, les colons naïfs et ignorants n'en avaient pas été effrayés, les céréales croissaient plus rapidement que d'habitude : mais la terre sèche s'était durcie et avait étranglé le chaume. En mai, quelques épis brûlés se montraient seuls et tristes dans les champs désolés.
                 L'année suivante s'annonçait fertile ; la récolte nulle qui avait précédé serait compensée ; les malheureux laboureurs qui ne s'étaient pas découragés le méritaient bien ! Des vols d'insectes blonds, des vols denses à obscurcir le soleil étaient passés sur la plaine ; ils avaient fauché presque toutes les moissons avec leurs mandibules ; leurs fils, les criquets noirs, avaient achevé leur œuvre ; la terre n'avait plus que des squelettes d'arbres écorchés.

                 Deux mauvaises récoltes avaient épuisé leurs réserves ; ils avaient été, pour la plupart, contraints d'emprunter. Ils avaient rencontré des usuriers, féroces, espèce de sauterelles dévorantes, plus avides que les acridiens du désert et qui leur mangeaient aussi leur moisson en herbe.
                 Ils étaient perdus ; les bonnes années ne les enrichissaient plus et ne feraient qu'emplir les coffres des shylocks (usurier dans Le Marchand de Venise, pièce de théâtre de William Shakespeare.) algériens. Mais les saisons prodigues de présents avaient été rares.
                 - Une fois c'était le siroco qui avait brûlé une partie des épis ; il y avait dans les forêts de céréales dorées des places vides, irrégulières comme dans les bataillons guerriers le soir de combat.
                 - Ils étaient sortis de leurs demeures souterraines, prélevant des dîmes monstrueuses sur les récoltes du cultivateur.
                 - Les verts blancs, un troisième avril avait fait des taches de lèpre au milieu des champs, ne laissant par endroits pas un fétu ; la terre rouge apparaissait nue, comme la chair vive se montre en certaines maladies de peau dans la toison des animaux.

                 Une moisson abondante sur cinq ! D'autres maux plus cruels avaient attaqué les colons comme pour les punir d'avoir violé la paresseuse virginité du sol algérien.
                 L'anémie qui les dépouillait :
                 - de leurs forces,
                 - de leur sommeil les avaient alanguis et attristés.
                 - Les miasmes paludéens étaient sortis en foule invisible de la terre remuée, s'étaient jetés, minuscules et invincibles ennemis sur eux.

                 Dans chaque logis, il y avait au moins un malade couché ; quelque fois la famille entière gisait dans un lit de souffrances, en proie à des délires terrorisés, demandant à boire, toujours à boire, d'une voix mourante ; et la mère ne pouvait pas porter secours à son enfant et l'enfant renaissait d'un accès pernicieux qui avait été pour lui une mort passagère et ne retrouvait plus sa mère au foyer.
                 Le cimetière se peuplait ; le village se dépeuplait. Quelques colons avaient battu en retraite, retournant en France, se déclarant vaincus dans le combat contre la terre africaine.
                 D'autres avec une sombre résolution s'étaient écriés qu'ils lutteraient jusqu'à la mort, attachés par les efforts qu'ils avaient dépensé, par les êtres chers qui dormaient sous les tombes, à cette plaine féroce et triomphante.
                 Ils étaient venus là avec leurs familles ; ils ne voulaient pas partir sans elles ; ils n'avaient plus le droit de quitter ces lieux sacrés.

                 Mais les mauvaises années s'étaient succédées ; les fuyards de la bataille contre la glèbe avaient été plus nombreux ; les miasmes avaient terrassé d'autres vaillants.

                 Le village presque désert ne voyait plus se traîner dans ces ruelles tristes, entre ces champs que l'inculture ressaisissait, que des souffrants hâves aux yeux égarés ou bouffis d'une graisse malsaine qui tombait dans les sillons en essayant encore de le creuser.

                 Alors les survivants, incapables de lutter désormais, hors de combat, chassés ou déchirés par les usuriers, par ces oiseaux de proie qui se repaissent de cadavres, avaient battu en retraite à leur tour, n'osant retourner la tête vers ce coin de terre où ils abandonnaient leur travail, leur argent, tant d'illusions et tant de cœurs adorés.
                 Dans les maisons en ruines du village on avait fermé toutes les portes, toutes les fenêtres ; on les avait closes sous des croix de bois, comme l'on en place sur les pierres tombales. Et toutes ces demeures avaient en effet l'air lugubre de sépultures…

IV

                 Depuis les saisons passent. En hiver les murs des maisons suintent inondés par nos longues pluies. Les vents, la nuit, sifflent à travers les bois vermoulus et emplissent les salles vides de gémissements humains.

                 On dirait que ceux qui ont habité là viennent pleurer leurs malheurs, ou que les fiévreux du cimetière se plaignent, attristés plutôt qu'irrités du départ de leurs parents.

                 Au printemps une vie ardente et sauvage s'élève là. Une flore merveilleuse pousse partout, dans les champs où montait le blé, dans les rues où passaient les colons, dans leurs habitations même. Des oiseaux nichent et s'aiment aux corniches qui s'effritent ; des lézards verts se chauffent contre les murailles attiédies ; des abeilles circulent bourdonnantes, comme autrefois dans les chemins. La nature règne dans ces villages mais l'homme n'y est plus.

                 Mais le soleil s'attarde plus longtemps dans son domaine bleu.
                 Il brûle toute cette végétation exubérante, et sous la splendeur estivale, ces maisons, aux murs crevassés, souillés de longs sillons noirâtres, paraissent plus funèbres. Cette robe d'or étincelante qui les couvre, comme uni manteau impérial, en fait mieux ressortir la misère et la tristesse. Kgbzen là n'est plus vivant, ni la flore, ni l'homme et seul l'astre qui passe là-haut et l'air qui monte surchauffé du sol en flots sirupeux ont une vie ardente et silencieuse.
                 Ce n'est plus qu'un lieu de pèlerinage pour le rêveur que ce théâtre d'une bataille perdue.

A. Fressy.
Annales algériennes (14-08-1892)


Le papy et le petit gueulard
Envoyé par Eliane
Une femme, dans un supermarché, observe un grand-père accompagné de son petit-fils d'environ 3 ans.

          Le jeune garçon crie à tue-tête réclamant des bonbons, du chocolat etc.....
          Pendant ce temps, le Papy continue calmement ses emplettes en répétant sans cesse :
          -« William calme-toi, nous ne serons pas ici longtemps... Calme-toi mon garçon. »
          Nouveaux cris de l'enfant et le grand-père dit à nouveau tout doucement,
          -"C'est bon, William, plus que quelques minutes et nous serons sortis d'ici. Calme-toi mon garçon".
          À la caisse, la petite terreur jette par terre ce qu'il peut attraper dans le panier.
          Le grand-père : "William, William, ne te fâche pas, nous serons à la maison dans cinq minutes. »

           Très impressionnée, la femme va voir le grand-père qui est en train de placer ses courses dans le coffre de sa voiture et d'asseoir son petit-fils sur son siège.
          La dame dit au grand-père :
          -"Ce ne sont pas mes affaires, mais vous m'avez complètement sidérée par votre calme olympien à l'intérieur du super-marché. Je ne sais pas comment vous avez fait mais vous avez tout le temps conservé votre sang-froid même si votre petit fils perturbait et dérangeait tous les clients dans le magasin. William est très chanceux de vous avoir comme grand-père. "

           " Merci beaucoup Madame dit le grand-père, mais William, c'est moi "
          " Le nom de ce p'tit con là c'est Kevin et il va prendre la raclée de sa vie une fois rentré à la maison. "



La générosité
Envoyé par M. Christian Graille


                 La générosité s'affirme déjà dans la façon dont les Arabes pratiquent l'hospitalité, mais on se saurait croire avec quel plaisir, quelle spontanéité ils aiment à obliger un ami.
                 Une bien curieuse anecdote est citée à ce sujet par le général du Barail (Général du Barail. Mes souvenirs. Paris Éditions Plon 1898). Elle rappelle le service que lui rendit un indigène dans les premiers jours de son commandement à Laghouat :
                 " J'avais sur les bras une garnison de plus de mille hommes, y compris deux cents blessés, parmi lesquels un officier général et dix officiers de différents grades. Et pour nourrir tout ce monde-là, à part quelques caisses de biscuits et quelques sacs de riz, je n'avais rien ; mais littéralement rien ! Ce qui s'appelle rien :
                 - pas un bœuf,
                 - pas un mouton,
                 - pas un morceau de lard ou
                 - de viande salée,
                 - pas un centime pour en acheter et pour payer le prêt échu.

                 Je ruminais mon dénuement en me laissant aller au pas cadencé de ma monture qui, comme les chevaux d'Hippolyte semblait se conformer à ma triste pensée.
                 Et il faut croire que mon visage la reflétait aussi car je m'entendis interpeller en arabe par un cavalier qui était venu se mettre botte à botte avec moi et qui me disait :
                 - Du Barail !
                 - Tu n'as pas l'air content !
                 - Qu'est-ce que tu as ?
                 C'était le second fils du pauvre vieux Ben-Salem ; c'était Cheick-Ali qui était venu avec moi accompagner la colonne du général.
                 - Ah ! C'est toi lui dis-je, eh bien, tu as raison je ne suis pas gai.
                 - Je suis dans la plus horrible détresse. Je puis bien te le dire ; je n'ai ni argent, ni vivres. Je ne sais pas avec quoi on fera la soupe ce soir, non seulement pour la garnison mais pour les blessés.
                 Cheick-Ali me dit simplement :
                 - Combien te faudrait-il d'argent ?
                 - Quarante mille francs.
                 - Tu les auras dans une heure. Et de la viande combien t'en faut-il ?
                 - Il me faudrait cent bœufs et cinq cents moutons.
                 - Tu les auras avant midi.

                 Et il partit en avant à toute bride.
                 Je n'ai jamais su comment il s'y prit. Il est probable qu'il avait trouvé, chez le marabout d'Aïn-Mahdi, un dépôt sûr pour son argent, au début des troubles, tout en en conservant une partie dans quelque cache à Laghouat.

                 Quant à ses troupeaux, ils formaient une petite tribu, vivant presque toute l'année entre le M'Zab et Laghouat, et confiée à des gens qu'on appelait les Mékalifs-el-Adjérab (les Mékalifs galeux).

                 Je ne sais pas trop pourquoi ils ont mérité ce surnom. Toujours est-il qu'en rentrant à Laghouat, je trouvai ses serviteurs déjà occupés à transporter à mon logis les sacs d'écus et que, quelques minutes avant midi, les cent bœufs et les cinq cents moutons débouchaient devant ma porte, d'où ils partirent pour être confiés à l'Intendance, pendant que l'argent était distribué aux officiers payeurs et aux chefs des différents services, contre des reçus.

                 C'est donc à Cheick-Ali, à un de ces chefs arabes que nous avons si souvent méconnus et dont, pour ma part, je n'ai jamais eu qu'à me louer, que je dois d'avoir pu me tirer de ce mauvais pas.
                 Sans lui, je ne sais réellement pas ce que j'aurais fait, et le brave cœur me rendit ce service avec une simplicité qui en doublait le prix. On aurait dit qu'il faisait la chose du monde la plus ordinaire et la plus naturelle ".

Cahiers du Centenaire de l'Algérie.
La vie et les mœurs en Algérie par M. Pierre Deloncle.
Ancien élève diplôme de l'Ecole des Chartes.
Membre du Comité National du Centenaire.


L'hospitalité
Envoyé par M. Christian Graille

                  L'amitié se traduit par l'hospitalité. Mais le sens de l'hospitalité n'est pas seulement pour l'Arabe une qualité sociale ; la pratique de l'hospitalité prend à ses yeux la valeur d'un mérite religieux, comme l'a fort bien dit Fromentin dans les lignes qui suivent :
                  La diffa est le repas de l'hospitalité. La composition en est consacrée par l'usage et devient une chose d'éthique. Pour n'avoir plus à revenir sur ces détails, voici le menu fondamental d'une diffa d'après le cérémonial le plus rigoureux.

                  D'abord un ou deux moutons rôtis entiers ; on les apporte empalés dans de longues perches et tout frissonnants de graisse brûlante ; il y a sur le tapis un immense plat de bois de la longueur d'un mouton ; on dresse la broche comme un mât au milieu du plat ; le porte-broche s'en empare à peu près comme d'une pelle à labourer, donne un coup de son talon nu sur le derrière du mouton et le fait glisser dans le plat.
                  La bête a tout le corps balafré de longues entailles faites au couteau avant qu'on ne la mette au feu ; le maître de la maison l'attaque alors par une des excoriations les plus délicates, arrache un premier lambeau et l'offre au plus considérable de ses hôtes. Le reste est l'affaire des convives.

                  Le mouton rôti est accompagné de galettes au beurre, feuilletées et servies chaudes, puis viennent des ragoûts, moitié mouton et moitié fruits secs, avec une sauce abondante fortement assaisonnée de poivre rouge.
                  Enfin arrive le kouskoussou, dans un vaste plat de bois reposant sur un pied en manière de coupe.
                  La boisson se compose d'eau, de lait doux (halbi), de lait aigre (leben) ; le lait aigre semble préférable avec les aliments indigestes ; le lait doux, avec les plus épicés ; on prend la viande avec les doigts, sans couteau ni fourchette ; on la déchire ; pour la sauce, on se sert de cuillers de bois, et le plus souvent d'une seule qui fait le tour du plat.

                  Le kouskoussou se mange indifféremment, soit à la cuiller, soit avec les doigts ; pourtant il est mieux de le rouler de la main droite, d'en faire une boulette et de l'avaler au moyen d'un coup de pouce rapide à peu près comme on lance une bille. L'usage est de prendre autour du plat, devant soi, et d'y faire chacun son trou. Il y a même un précepte arabe qui recommande de laisser le milieu car la bénédiction du ciel y descendra. Pour boire, on n'a qu'une gamelle, celle qui a servi à traire le lait ou à puiser l'eau.

                  A ce sujet, je connais encore un précepte :
                  " celui qui boit ne doit pas respirer dans la tasse où est la boisson : il doit l'ôter de ses lèvres pour reprendre haleine, puis il doit recommencer à boire.".
                  Je souligne le mot doit, pour lui conserver le sens impératif.

                  C'est dans les mœurs arabes un acte sérieux que de manger et de donner à manger, et une diffa est une haute leçon de savoir-vivre, de générosité, de prévenances mutuelles.
                  Ce n'est point en vertu de droits sociaux mais en vertu d'une recommandation divine, et pour parler comme eux, à titre d'envoyé de Dieu, que le voyageur est ainsi traité par son hôte.
                  Leur politesse repose non sur des conventions mais sur un principe religieux. Ils l'exercent avec le respect qu'ils ont pour tout ce qui touche aux choses saintes, et la pratiquent comme un acte de dévotion.

                  Aussi ce n'est point une chose qui prête à rire, je l'affirme, que de voir ces hommes robustes, avec leur accoutrement de guerre et leurs amulettes au cou, remplir gravement ces petits soins de ménage qui sont, en Europe, la part des femmes.
                  De voir ces larges mains, durcies par le maniement du cheval et la pratique des armes, servir à table, émincer la viande avant de vous l'offrir, vous indiquer sur le dos du mouton l'endroit le mieux cuit, tenir l'aiguière ou présenter, entre chaque service, l'essuie-mains de laine ouvrée.

                  Ces attentions, qui, dans nos usages, paraîtraient puériles, ridicules peut-être, deviennent ici touchantes par le contraste qui existe entre l'homme et les menus emplois qu'il fait de sa force et de sa dignité.
                  Et quand on considère que ce même homme, qui impose aux femmes la peine accablante de tout faire dans son ménage, ne dédaigne pas de les suppléer en tout, quand il s'agit d'honorer un hôte, on doit convenir que c'est, je le répète, une grande et belle leçon qu'il nous donne, à nous autres gens du Nord.

                  L'hospitalité exercée de cette manière par les hommes à l'égard des hommes, n'est-elle pas la seule digne, la seule fraternelle, la seule, qui, suivant le mot des Arabes mettent la barbe de l'étranger dans la main de son hôte ? ".

Cahiers du Centenaire de l'Algérie.
La vie et les mœurs en Algérie par M. Pierre Deloncle.
Ancien élève diplômé de l'école des Chartes.
Membre du Comité National du Centenaire.

Les mariages
Envoyé par M. Christian Graille

                 Le mariage chez les Maures comme chez les Arabes n'est point une cérémonie religieuse, c'est une espèce de marché qui se fait d'une manière extrêmement bizarre.
                 Les hommes et les femmes ne peuvent point communiquer librement entre eux ; les demoiselles qui ont atteint l'âge de la puberté ne sortent jamais ou très rarement, les jeunes femmes non plus ; il n'y a que celles déjà d'un certain âge qui soient libres de sortir, le visage couvert de manière qu'on ne puisse voir que les yeux, et enveloppées de draperies.

                 Les Maures ne laissent pas pénétrer leurs amis chez eux ; ils les reçoivent à l'entrée de la maison sous un vestibule où ils sont assis sur des tapis, les jambes croisées, en fumant leur pipe ou prenant un café. Cette manière de vivre s'oppose à ce que les jeunes gens puissent voir les demoiselles et leur faire la cour.
                 Les mariages se font donc par arrangement entre les parents ou par commérage sans que les enfants ne se soient vus. Il arrive quelquefois qu'un jeune homme ayant beaucoup entendu parler de la beauté et des vertus d'une demoiselle se monte l'imagination et se prend de belle passion pour elle.
                 Alors il emploie tous les moyens pour acquérir des renseignements sur l'objet de son amour : s'il ne peut décider sa mère à aller s'assurer elle-même de toutes les qualités qu'il a entendu prôner, il s'adresse à une vieille femme connue pour se charger de négocier les mariages, et il y en a beaucoup en Barbarie ; il lui promet des cadeaux et de l'argent si elle veut aller dans la maison de la jeune fille s'assurer de tout ce qu'il a ouï dire et venir lui en rendre compte.

                 La messagère s'introduit dans la maison en prétextant une autre raison qui l'amène et, tout en causant avec les parents, elle ne manque pas de leur faire comprendre adroitement sa mission, surtout si le jeune homme est riche. Quand ceux-ci trouvent le parti avantageux ils font à cette femme des cadeaux et de belles promesses pour l'engager à vanter les qualités et la beauté de leur fille et la négociation se trouve ainsi payée par les deux parties.
                 De retour auprès de celui qui l'a envoyée la vieille fait un rapport, souvent moins dicté par les charmes de celle qu'elle est allée voir que par la manière dont elle a été traitée par ses parents : C'est là ce qui fait que beaucoup de maris trompés répudient leurs femmes peu de temps après les avoie épousées.

                 Quand un jeune homme est satisfait des informations qu'il a fait prendre sur une demoiselle il engage son père ou son plus proche parent, s'il n'a pas de père, à la demander en mariage.
                 De quelque manière que les préliminaires aient eu lieu, les pères qui sont tombés d'accord pour unir leurs enfants se rendent chez le cadi (juge) et, devant ce magistrat, ils déclarent leurs intentions et stipulent la somme que le futur est convenu de donner à son épouse.
                 Après cette déclaration qui est inscrite sur un registre le cadi fait apporter de l'eau sucrée qu'il boit avec les contractants ; ensuite ils se prosternent tous les trois et adressent à Dieu une prière (feata) pour lui demander de bénir l'union qu'ils viennent de conclure.

                 Avant de se séparer les parents fixent devant le cadi le jour où la jeune fille sera conduite chez son époux. En attendant ce moment elle travaille à faire une chemise et une culotte pour son mari qui doit s'en parer le jour des noces.
                 Ce jour arrivé la jeune épouse prend un bain après lequel :
                 - on la pare de ses plus beaux habits,
                 - le dedans de ses mains et le dehors de ses pieds sont teints en orange avec du henné,
                 - on lui dessine une fleur au milieu du front,
                 - ses sourcils sont peints en noir,
                 - on dessine avec un bouchon brûlé des lignes en forme de zigzag sur ses mains ;
                 Et assise très gravement sur un divan elle attend le coucher du soleil, époque à laquelle ses parents ainsi que ceux de son futur, hommes et femmes, avec ses meilleures amies qui ont ordinairement assisté à sa toilette, viennent la prendre pour la conduire chez son mari.

                 Deux vieillards prennent alors la jeune épouse par la main et se mettent en marche vers sa nouvelle habitation, suivis de toutes les personnes réunies autour d'elle et font entendre de temps en temps le cri de joie des Algériens : You ! You ! You !
                 Dans la maison du futur, une chambre superbement décorée et illuminée avec des bougies et des verres de couleur a été préparée à l'avance ; la jeune épouse y est conduite avec toutes les femmes qui l'ont accompagnée.
                 Là on leur sert un souper et elles restent jusqu'à minuit à boire, manger et se divertir entre elles.

                 Les hommes qui sont demeurés sous la galerie soupent ensemble dans une autre pièce. Le mari n'est point avec eux ; il mange tout seul dans une chambre à part, probablement pour que les convives ne l'excitent point à la débauche, et qu'à l'heure fixée il puisse se présenter d'une manière décente auprès de celle dont il s'est chargé de faire le bonheur. Cette heure c'est minuit époque à laquelle les mosquées sont rouvertes. Chacun se retire et les deux époux restent libres.
                 Les Musulmans ne peuvent épouser que quatre femmes mais il leur est permis d'avoir chez eux autant de concubines qu'il leur plait. Les habitants des villes usent rarement de la permission que leur accorde le Coran ; ils n'ont presque tous qu'une femme légitime et la plupart n'ont point de concubines.

Voyage à travers l'Algérie :
notes et croquis par Georges Robert (1891)


 La diffa
Envoyé par M. Christian Graille

                 La Diffa arabe consiste en une sorte de réception ou hospitalité offerte par un chef, une tribu ou un particulier à une troupe de passage, à une autorité militaire ou civile, ou même à de simples voyageurs.
               L'hospitalité arabe est depuis longtemps proverbiale ; riche ou pauvre le Musulman doit asile et nourriture au voyageur qui se présente à la porte de son logis en prononçant les paroles sacramentelles : " O maître de la tente voici un invité de Dieu. " A quoi l'on répond aussitôt : " La bienvenue soit avec toi. "
               A partir de ce moment l'étranger n'a plus à s'occuper ni de sa personne, ni de ses serviteurs, ni de son cheval.
               Nous extrayons dans d'une excursion dans le Sahara de M. de Bellemare la description détaillée d'une diffa :
               " Le maître de la maison parut, portant lui-même un bâton de six pieds de long environ, gros à peu près comme le bras, au milieu duquel pendait un mouton rôti dans son entier. Chacun de nous après avoir reçu un pain arabe qui ressemble assez, quant à la forme, à une galette épaisse ou à un de ces pains, plats que l'on sert dans nos restaurants put satisfaire son appétit non pas du moins pour ceux d'entre nous initiés aux mœurs indigènes sans avoir prononcé les mots par lesquels tout repas doit commencer et finir les mots : Bism Illah (au nom de Dieu) qui sont les premiers du Coran. "

               Plus d'un lecteur se demande déjà comment il est possible, sans aucun accessoire ressemblant à une fourchette ni même à un couteau, de venir à bout d'un mouton entier. Je vais chercher à le lui faire comprendre. Un mouton est saigné, écorché, vidé en un instant puis … je ne dirai pas embroché mais empalé avec un bâton. Quand le mouton fut littéralement réduit à l'état de squelette, un immense couscoussou fut servi dans un grand plat de bois.
               Pour manger ce plat, il est évident qu'on ne peut user de l'instrument tout primitif dont on se sert pour manger le rôti. Aussi chaque convive reçoit-il une cuiller en bois dont la forme se rapproche assez de celle de nos cuillers à sucre, avec cette différence cependant qu'elle est moins profonde. Muni de cet ustensile il va puiser dans l'immense gamelle le couscoussou qu'elle renferme, réservant les doigts pour saisir les morceaux de viande qui la recouvrent.

               Le mouton rôti, le couscoussou, tels sont les deux plats qui composent le repas arabe ; il en est un troisième que l'on nomme hamis.
               Dire de quoi se compose le Hamis, j'avoue que cela me serait impossible ; je sais seulement qu'il y entre un grand nombre de morceaux découpés et une énorme quantité de poivre rouge. Le tout est mélangé dans une sauce semblable à celle d'un civet de lièvre à laquelle le poivre aurait donné une couleur rougeâtre.

               Il est facile de comprendre qu'un semblable assaisonnement fasse éprouver de prime abord une grande cuisson au palais. Cette sensation est du reste dissipée après les trois ou quatre premières bouchées et l'on ne sent plus qu'un goût un peu fort mais qui n'est pas désagréable. Des Arabes m'ont assuré que c'est au poivre que renferme le hamis qu'ils doivent la beauté de leurs dents.
               Un autre motif m'a été donné par l'un d'eux : " c'est que, disait-il, nous ne mangeons jamais trop chaud et ne buvons jamais trop froid. "
               Quatre sortes de boissons peuvent figurer dans les repas arabes : l'eau, le lait de chèvre ou de brebis, le leben ou lait aigre et le lait de chamelle.
               Ces boissons se servent dans de grands vases que l'on nomme mordjen et qui sont ordinairement en fer blanc. Tant qu'il y a un contenu ces vases se passent de l'un à l'autre et chacun boit alternativement selon sa soif. Le vase vide est immédiatement rempli. Le Français boit toutes les fois qu'il a soif ; il n'en est pas de même de l'Arabe : l'Arabe n'a soif qu'une fois par repas ou du moins il ne boit qu'une fois, ordinairement à la fin.
               Le café sert ordinairement de clôture au dîner. Une dernière opération reste à faire après un dîner arabe, car il est facile de comprendre qu'on ne se sert pas impunément de ses doigts en guise de fourchette : cette opération est celle du lavage des mains à laquelle les Arabes ajoutent, suivant les prescriptions du Coran, le rinçage de la bouche et la formule qui commence comme elle termine le repas : bism Illah (au nom de Dieu).

               De nos jours les diffas offertes par les chefs arabes qui ont été mis à même d'apprécier le confortable des réceptions françaises sont empreintes d'une certaine originalité ; cherchant à nous imiter, dans la mesure du possible, ils agrémentent la traditionnelle diffa des raffinements qui les ont le plus frappés dans les repas européens.

               Lors de l'un de nos voyages dans l'extrême sud, en 1883, nous fûmes reçus d'une façon charmante à Ouargla par le capitaine Abd-el-Kader Agha de cette ville qui, quelques mois plus tard, devait être remplacé dans ce commandement supérieur par un lieutenant de bureau arabe.
               Après la fantasia qui accompagna notre entrée dans l'oasis, l'Agha nous dépêcha son lieutenant Mohamed-ben-Belkassen qui, en termes fort courtois, nous invite à dîner pour le soir même.
               C'est à ce repas qu'il nous fut donné d'assister à une scène des plus bizarres lorsque, après le potage, on installa sur la table servie à l'européenne au milieu des verres de Bordeaux et de champagne le fameux msoware (mouton rôti en entier) accompagné des plats de couscous et de hamis !
               Chaque convive laissant de côté sa fourchette et, se conformant en cela aux coutumes arabes, saisit alors entre le pouce et l'index le morceau de rôti le plus rapproché de lui et continua de la sorte jusqu'à ce que l'Agha, jugeant ses convives rassasiés, fit signe aux domestiques d'enlever les restes.
               Il est difficile de s'imaginer un pareil spectacle ayant pour acteurs des gens bien élevés qui semblent ainsi, à première vue, vouloir imiter les cannibales ; heureusement que le champagne est là qui vient faire diversion et que le choc des verres rappelle bien vite qu'on se trouve en aimable compagnie.

Voyage à travers l'Algérie :
notes et croquis par Georges Robert (1891)


 La fantasia
Envoyé par M. Christian Graille

                 Le grand sport arabe, celui qui réunit à la fois les attraits de l'équitation, de la chasse et de la guerre, c'est la fantasia. Nul n'a su la dépeindre mieux que Fromentin dans les pages suivantes :
                " Le premier départ fut magnifique ; douze ou quinze cavaliers s'élançaient en ligne. C'étaient des hommes et des chevaux d'élite…
                Les chevaux avaient leurs harnais de parade ; les hommes étaient en tenue de fête, c'est-à-dire en tenue de combat ; culottes flottantes, haïks roulés en écharpes, ceinturons garnis de cartouches et bouclés très haut sur des gilets sans manches, de couleur éclatante.

                Partis ensemble ils arrivaient de front, chose assez rare pour des Arabes, serrés botte à botte, étrier contre étrier, droits sur la selle, les bras tendus, la bride au vent, poussant de grands cris, faisant de grands gestes, mais dans un aplomb si parfait que la plupart portaient leurs fusils posés en équilibre sur leur coiffure en forme de turban, et de leurs deux mains libres manœuvraient soit des pistolets, soit des sabres.

                A dix pas de nous, et par un mouvement qui ne peut se décrire, tous les fusils voltigèrent au-dessus des têtes ; une seconde après chaque homme était immobile et nous tenait en joue.
                Le soleil étincela sur des armes, sur des baudriers, sur des orfèvreries ; on vit, dans un miroitement rapide, briller des étoffes, des selles brodées, des étriers et des brides d'or ; ils passèrent comme la foudre, en faisant une décharge générale qui nous couvrit de poudre et les enveloppa de fumée blanche. Les femmes applaudirent.

                Un second peloton les suivait de si près, que les fumées des armes se confondirent, et que la seconde décharge répéta la première, comme un écho presque instantané.
                Un troisième accourait sur leurs traces, dans un nouveau tourbillon de poussière, et tous les fusils abattus vers la terre. Il était conduit par le nègre Kaddour, un cavalier accompli, célèbre dans la plaine où sa jument grise a fait des miracles.
                Cette jument est un petit animal efflanqué, très souple et fluet, couleur de souris, complètement rasé, sans crinière et dont la queue tondue ressemble au fouet des chiens courants.
                Des argenteries fanées, des grelots, des amulettes, une multitude de chaînettes pendantes, la décoraient d'une sorte de parure originale pleine de bruissements et d'étincelles.

                Kaddour était en veste écarlate, en pantalon de couleur pourpre. Il portait deux fusils, l'un sur la tête, l'autre dans la main gauche ; dans la droite il avait un pistolet dont il fit feu ; puis il fit feu de ses deux fusils, l'un après l'autre, en les changeant de main, les lança comme un jongleur fait de deux cannes, et disparut étendu sur le cou de sa bête, son menton touchant la crinière.
                La mousqueterie ne cessa plus. Coup sur coup, sans relâche, des cavaliers se succédèrent à travers un rideau de poussière et de poudre enflammée, et les femmes, qui continuèrent de battre des mains et de pousser des glapissements bizarres, purent respirer pendant une heure l'ardente atmosphère d'un champ de bataille. Imagine ce qui ne pourra jamais revivre dans ces notes, où la forme est froide, où la phrase est lente ; imagine ce qu'il y a de plus impétueux dans le désordre, de plus insaisissable dans la vitesse, de plus rayonnant dans les couleurs crues frappées de soleil.
                Figure-toi :
                - le scintillement des armes,
                - le pétillement de la lumière sur tous ces groupes en mouvement,
                - les haïks dénoués par la course,
                - le frissonnement du vent dans les étoffes,
                - l'éclat, fugitif comme l'éclair, de tant de choses brillantes, des rouges vifs, des orangers pareils à du feu, des blancs froids qu'inondaient les gris du ciel,
                - les selles de velours,
                - les selles d'or,
                - les pompons aux têtières des chevaux,
                - les œillères criblées de broderie,
                - les plastrons,
                - les brides,
                - les mors trempés de sueur ou ruisselants d'écume.

                Ajoute à ce luxe de visions, fait pour les yeux, le tumulte encore plus étourdissant de ce qu'on entend :
                - les cris des coureurs,
                - les clameurs des femmes,
                - le tapage de la poudre,
                - le terrible galop des chevaux lancés à toute volée,
                - le tintement, le cliquetis de mille et mille choses sonores.

                Donne à la scène son vrai cadre que tu connais, calme et blond, seulement un peu voilé par des poussières et peut-être entreverras-tu, dans le pêle-mêle d'une action joyeuse comme une fête, enivrante en effet comme la guerre, le spectacle éblouissant qu'on appelle une fantasia arabe ". (Eugène Fromentin (1820-1876) Une année dans le Sahel. Paris. Édition Plon 1925)

Cahiers du Centenaire de l'Algérie.
La vie et les mœurs en Algérie par M. Pierre Deloncle.
Ancien élève diplômé de l'école des Chartes.
Membre du Comité National du Centenaire.

Le camionneur et la platinée
Envoyé par M. Hugues
Visite inopinée d'un Contrôleur des Impôts, à un paysan des Vosges car il apparaîtrait qu'il ne paie pas son personnel correctement.

         Un camionneur s'arrête à un feu rouge, une dame platinée le rattrape.
         Elle sort de son auto en courant vers le camion et frappe sur la porte.
         Le camionneur descend sa vitre et elle lui dit :
         - "Bonjour, mon nom est Martine et je veux vous dire que vous perdez votre cargaison. "

         Le camionneur l'ignore et continue sa route.
         Quand le camion s'arrête à un autre feu rouge, elle le rattrape encore une fois.
         Elle descend en courant de son auto et court au camion. Elle frappe sur la porte.
         Le camionneur redescend encore une fois sa vitre.
         Elle lui dit comme si elle ne lui avait jamais parlé:
         - "Bonjour, je suis Martine et je veux vous dire que vous perdez votre cargaison."

         Branlant la tête, le camionneur l'ignore encore une fois et continue sa route.
         Au feu rouge suivant, il s'arrête mais cette fois-ci il se dépêche, sort de son camion et court à l'auto de la dame platinée.

         Il frappe sur sa vitre qu'elle descend et il lui dit, exaspéré
         Bonjour, je suis Michel, c'est l'hiver et je conduis une SALEUSE !!!

QUELQUES PAGES D'UN VIEUX CAHIER

Source Gallica

Souvenirs du Général Herbillon (1794 - 1866)
Publiés par son petit-fils

        CHAPITRE XIV
        Description du pays des Zibans. - Effervescence dans la région.
- Bouzian. - Le sous-lieutenant Seroka veut l'arrêter (mai 1849).
- Mesures prises. - Révolte des Ouled-Sahnoun. - Expédition
- du colonel Carbuccia (juillet 1849). - Affaire de Fetkouak
- et de Zaatcha. - Ben-Djoudi. - Abd-el-Afid. -
- Affaire de l'oued Seriana.
- Mort du commandant de Saint-Germain.
- L'expédition de Zaatcha est décidée..

        Nous arrivons à une des pages les plus importantes de la vie de celui dont nous recueillons les souvenirs, c'est-à-dire l'expédition des Zibans et la prise de Zaatcha.
        Le général Herbillon ayant relaté lui-même, dans un livre paru en 1863 (Relation du siège de Zaatcha, par le général HERBILLON, commandant la province de Constantine, de 1848 à 1850. Édité chez J. Dumaine.), l'historique de ce siège mémorable, nous ne prendrons dans ces souvenirs que quelques épisodes.
        Il convient toutefois de rappeler un peu les faits qui ont nécessité l'expédition et tout d'abord de décrire rapidement la contrée où ces événements se sont passés.

        Le pays des Zibans est immense; il s'étend depuis les frontières de Tunis à l'est jusqu'aux plateaux de Ouled-Naïl à l'ouest. Au sud, il se rattache aux oasis de l'Oued-Rhir. C'est dans cette vaste région que s'élèvent les nombreuses oasis dont Biskra, avec ses cent mille palmiers, est le point principal et le chef-lieu d'un Cercle; chacune d'elles, vue de loin, semble surgir de terre en se détachant du sol par un massif de verdure sombre et monotone.
        Le Cercle renferme trois plaines bien distinctes, qui, situées à des hauteurs différentes au-dessus de la mer, présentent de grandes variations dans l'aspect du terrain.
        Ce sont : le Hodna, la plaine d'El-Outaïa et les Zibans que l'on divise en Zab-Dahari (nord), Zab-Guebli (sud) et Zab-Chergui (est) ; là se trouvent les oasis qui sont plus ou moins espacées, plus ou moins groupées, selon la quantité d'eau qui les alimente. Il existe entre elles des espaces vides qui sont occupés, soit par des sables, soit par une espèce d'herbe appelée "chiag " dont se nourrissent les chameaux et les moutons.
        Toutes sont couvertes de jardins entourés de murs en pisé, solidement bâtis, formant par leur continuité une enceinte générale qui embrasse toute l'oasis et en fait une sorte de place forte.
        La population des oasis est nombreuse. Les habitants sont d'un caractère inquiet, remuant et enclins au fanatisme. Avant notre occupation, le pouvoir des beys a dû à diverses reprises user d'une grande sévérité pour réprimer des révoltes qui ont nécessité quelquefois l'emploi de forces assez importantes.

        Le Commandant de la province prit possession de ce vaste pays des Zibans en 1844; mais ce ne fut que plusieurs mois après l'occupation définitive de Batna (24 juin 1844) que Biskra, qui n'était qu'un poste avancé, devint le siège d'un Cercle dont le commandement fut d'abord confié au commandant Thomas, des tirailleurs indigènes, puis fut donné ensuite au commandant de Saint-Germain, officier supérieur d'un grand mérite, à, qui l'on doit les bases de l'administration française dans les Zibans.
        Depuis cette époque jusqu'en 1849, la plus grande tranquillité n'avait cessé de régner dans cette partie du sud de la province de Constantine, lorsque les graves événements survenus en France (1848), transmis avec rapidité sur le littoral, furent colportés jusqu'aux dernières limites des Zibans au milieu des nombreuses populations des oasis.

        Nous avons vu précédemment comment les mouvements hostiles des Kabyles des montagnes de Collo et dit Zouagha durent être réprimés.

        Les nouvelles de nos dissensions politiques furent apportées aux populations par les Zibaniens, connus sous le nom de Biskris. Ceux-ci, comme les Auvergnats, comme les Savoyards, se répandent dans les villes où ils exercent divers métiers; puis ils reviennent chez eux avec le fruit de leurs épargnes. Dans les villes, ils avaient été témoins des démonstrations publiques et en avaient emporté l'impression qu'un profond dissentiment divisait les masses. De retour chez eux, ils avaient raconté avec toute l'exagération orientale, les scènes qui les avaient frappés et avaient donné comme certaine la chute du pouvoir militaire remplacé par le pouvoir civil. Ils étaient en cela parfaitement d'accord avec les juifs de Constantine qui étaient des émissaires dangereux, colporteurs de fausses nouvelles.

        Ces récits étaient accueillis avec avidité par les gens du Sahara dont ils flattaient les sentiments de haine et qui voyaient dans ces événements la chute prochaine de notre puissance et de notre force.
        Rien cependant ne faisait prévoir qu'on fût si près d'une révolte, même partielle. Le caïd de Biskra, Sidi-Mohamed-Skrir, était dans l'ignorance la plus complète de l'esprit de ses administrés. La tranquillité qui n'était qu'apparente paraissait d'autant plus réelle que les nombreux convois européens, arabes ou kabyles circulaient dans toutes les directions et que les nomades quittaient suivant leur habitude le Sahara pour aller passer la saison d'été dans le Tell.

        Mais, pendant que j'étais dans le Zouagha et le général de Salles du côté de Bougie, Bouzian, homme énergique, ancien cheik du Zab-Duhari sous Abd-el-Kader, mécontent de n'avoir pas été employé dans le Maghzen (Administration du Gouvernement.), nourrissant des projets de vengeance, se posa en chérif et prédicateur de la guerre sainte.
        J'étais au camp de Beinam lorsque, le 23 mai, j'appris par lettre officielle l'attitude qu'avait prise Bouzian et l'échec qu'avait subi le sous-lieutenant Seroka de la Légion étrangère, en voulant arrêter ce perturbateur.
        Ce jeune officier, fort intelligent et prompt à prendre l'initiative, était en tournée avec mission de reconnaître l'esprit des habitants des oasis. Il avait avec lui six cavaliers de la Nouba (Cavaliers employés par les officiers des bureaux arabes.) et deux spahis. Dès le 16 mai, il écrivait au chef du Bureau arabe de Biskra : "On parle d'un individu de Zaatcha qui commence à se poser en chérif. Il tue, tous les jours, des moutons et en fait faire de grandes distributions; il affirme que le Prophète lui est apparu. "

        D'Aumach, il écrivait le même soir :
        " On continue à causer du chérif de Zaatcha. Il a annoncé que la véracité de l'apparition du Prophète serait certifiée par quelques signes célestes. En effet, Dieu, ou plutôt le Prophète est venu serrer sa main et sa main est demeurée toute verte. C'est ainsi que commencent tous les chérifs, ridicules d'abord, puis sérieux. "
        Le 17, à Ziouach, le check tout effaré lui dit que les gens ne voulaient plus lui obéir, refusaient de préparer la diffa et prétendaient que le pouvoir des Français allait être aboli, etc... M. Sekora fit saisir les deux plus mutins, les emmena prisonniers et rétablit l'ordre.

        Mais plus il approchait de Zaatcha, plus les symptômes de rébellion se confirmaient. N'ayant pas reçu de nouvelles instructions, mais ayant reçu l'ordre d'arrêter les perturbateurs, il se décida d'aller à Zaatcha et de saisir Bouzian.
        Il arriva dans le village, aperçut le chérif sur la place et lui ordonna de monter sur le mulet que son escorte avait amené. Bouzian brisa les grains de son chapelet et se mit à en ramasser les grains pour gagner du temps. M. Sekora, nullement dupe de cette ruse, donne l'ordre aux deux spahis de descendre de cheval et de le hisser sur le mulet.
        Il commençait à s'y placer lorsque les gens de Zaatcha se mirent à crier : " Aux armes " et fermèrent les portes du village. Le cheik Bou-Azous, parent de Bouzian, tira sur l'officier tandis que le perturbateur tirait un coup de pistolet sur les spahis et s'échappait. M. Seroka et ses cavaliers purent cependant forcer la porte et sortir salués de coups de fusil, mais heureusement sans être atteints.

        Le lieutenant Dubosquet avec vingt spahis et trente cavaliers du goum de Zaatcha vint de Biskra sommer les habitants de lui livrer Bouzian. Les menaces furent infructueuses et il dut se retirer devant l'attitude de la population qu'appuyaient les Arabes des oasis voisines.
        Ces deux échecs mirent Bouzian en relief. Il devint le chef des rebelles auxquels il déclara que le Prophète lui était de nouveau apparu et lui avait dit : " Le règne de l'impie est fini et celui des vrais croyants va commencer. "

        Cet acte de rébellion était un fait d'autant plus grave que, n'ayant pu être immédiatement réprimé, il était à craindre qu'il ne s'étendît d'abord à toutes les oasis de Zab-Dahari et ensuite à toutes celles du Zab-Guebli. On prit donc des dispositions pour qu'il restât concentré dans le groupe formé par Farfar, Zaatcha et Lichana. Un blocus qui devait priver les rebelles de toute communication extérieure fut établi. Cette mission fut donnée au cheik El-Arab et à ses Daouda qui devaient faire des patrouilles continuelles, intercepter les routes, en un mot les isoler.
        Cette mesure de répression qui eût pu réussir n'eut aucun succès, car El-Arab inspirait peu de confiance aux siens, n'avait aucune influence et manquait d'autorité et de prestige.

        En ce moment, nous avions à réprimer l'insurrection des montagnes de Collo. Il nous était impossible d'envoyer des troupes vers le sud, d'autant plus qu'il fallait avant tout soumettre les rebelles du nord de la province où une grande partie des intérêts européens étaient concentrés. On s'occuperait ensuite d'en finir avec les embarras du sud. Il fut donc recommandé aux officiers du Bureau arabe de Biskra d'agir avec la plus grande prudence, afin de ne pas envenimer la situation déjà compromise.
        Ces officiers suivirent exactement les instructions données. Ils firent preuve de zèle, de dévouement et d'un grand esprit de conciliation. Par leur conduite ferme, réservée, par leur politique bien entendue, ils surent conserver le prestige de l'autorité française et s'ils n'ont pas arrêté l'insurrection, ils en ont du moins ralenti les progrès, ce qui était alors de la plus grande importance.

        Néanmoins, il fallait en finir. Dès que le calme eut été installé dans le Nord, je renvoyai à Biskra le commandant de Saint-Germain qui se trouvait au camp de Bedaria avec moi en lui promettant de lui envoyer le nombre de troupes qu'il jugerait nécessaires. Cet officier, très au courant des affaires de son Cercle, pensait que l'heureuse issue de l'expédition de la Kabylie contribuerait à ramener les Zibans dans le devoir et que la révolte serait facilement étouffée. Malheureusement, les événements trompèrent ses prévisions.

        Je venais de dissoudre la colonne qui avait opéré dans les montagnes de Collo, quand le commandant de la subdivision de Batna m'annonça que les Ouled-Sahnoun s'étaient révoltés et qu'au nombre de 800 cavaliers et 400 fantassins, ils s'étaient rués sur la Smala du khalifat Si-Mokran (Si-Mokran avait été investi par nous du commandement du Hodna en 1844). Cette incursion avait donné lieu à un véritable combat à Oued-Berika et les Ouled-Sahnoun, près de remporter un réel succès, n'avaient été repoussés que grâce à l'intervention d'un détachement de la Légion étrangère.
        Cette fois-ci ce n'était plus une simple agitation, mais une prise d'armes préméditée, appuyée par les nombreux mécontents des tribus voisines et dont le Khalifat avait été prévenu assez à temps pour avoir pu appeler des renforts auprès de lui.

        Je dirigeai immédiatement des troupes sur Batna et Biskra qui, devant se réunir à d'autres venant de Sétif, formeraient une colonne sous les ordres du colonel Carbuccia, lequel marcherait d'abord contre la tribu rebelle, puis se rendrait à Zaatcha pour détruire, s'il y avait possibilité, le foyer de toutes ces agitations.

        Pressant sa marche, le colonel tomba le 9 juillet avant le jour, à Metkouak sur le camp des Ouled-Sahnoun, tomba comme la foudre sur cette grande tribu, et lui infligea une terrible leçon. Les Ouled-Sahnoun, gens très redoutés de leurs voisins, furent très longtemps à se remettre de ce coup frappé hardiment.
        Sans perdre de temps, et malgré la chaleur excessive, Carbuccia se dirigea immédiatement sur Zaatcha. Je lui avais recommandé de montrer de la prudence, d'accepter pour le moment toutes les soumissions plus ou moins sincères qui lui avaient été offertes et d'accorder largement l'aman plutôt que de s'exposer à un échec. Il me répondit, à la date du 14 juillet :
        " Que toutes les précautions étaient prises pour éviter les pertes douloureuses, qu'il n'y avait à traiter avec le Zab-Dahari qu'à merci et sans condition..., que force nous resterait et qu'on se souviendrait, dans deux cents ans, des terribles effets de notre vengeance. "

        Cette lettre me fut remise lorsque la colonne était déjà devant Zaatcha, où elle était arrivée le 16 au matin.
        Se voyant entouré de tribus hostiles et apprenant que la guerre sainte était décidée, le colonel comptant sur le prestige de nos armes, sur l'enthousiasme qui animait nos troupes et sur la valeur des officiers, crut que le meilleur moyen de s'en tirer était de lancer une attaque de vive force, une retraite sans combattre n'étant d'ailleurs pas sans danger.
        Mais, malgré la vaillance de ses deux colonnes d'attaque et de l'entrain montré par tous, il fut arrêté par des obstacles qu'il ne put franchir et, après maints efforts infructueux, force fut de se retirer. Cette affaire qui fit le plus grand honneur à nos troupes, et où nos commandants Lenoir et Saint-Germain, les capitaines Bataille et Làgrénée, le sous-lieutenant Seroka se distinguèrent tout spécialement, n'en eut pas moins un fâcheux retentissement et confirma dans l'esprit des habitants que Zaatcha était imprenable. Le prestige de Bouzian s'en accrut. Le Zab-Dahari se déclara tout entier contre nous, les Ouled Naïl entraînèrent avec eux les oasis de Sidi-Kraled et des Ouled-Djellah; Si-Moctar, le marabout ami de Bou-Niaza, prêcha la guerre sainte et fut suivi par les Ouled-Sassi. Tout le Sud était en feu.

        Je demandai alors des renforts au Gouverneur et provoquai ses ordres pour aller rétablir la paix et l'ordre dans ce pays bouleversé, mais, vu les chaleurs, il fallut remettre les opérations à l'automne. Ce retard rendit les Arabes plus audacieux, car ils y virent un indice de notre faiblesse.
        Un nommé Ben-Djoudi, ancien cheik des Ouled-Zian, parcourut la longue vallée de l'Oued-Abdi en excitant les habitants et ceux-ci l'ayant mis à leur tête, tombèrent sur la Smala de leur caïd, Sidi-ben-Abbès, établie à Oued-Traga. Le jeune caïd n'eut que le temps de s'enfuir.

        D'autre part, les Chaouias, se groupant autour du marabout Abd-el-Afid, et auquel se joignirent des contingents des Ouled-Daoud, des Ouled-Abdi et de diverses autres tribus, descendirent dans la plaine du Zab-Chergui et marchèrent sur
        Biskra. Mais le commandant de Saint-Germain, à l'Oued-Seriana, à 7 lieues de Biskra, leur infligea une sanglante défaite; Abd-el-Afid se sauva à demi-nu ; Bouzian qui voulait le rejoindre, retourna promptement se renfermer dans Zaatcha.
        Ce brillant succès fut chèrement acheté par la mort du commandant de Saint-Germain qui fut tué raide d'une balle dans la tête pendant la charge qu'il avait enlevée lui-même avec le plus grand élan. Il fut vivement regretté et il le méritait, car cet officier avait un noble cœur et le feu sacré du métier. C'était un esprit merveilleusement organisé et un véritable héros.

        Les oasis ne furent pas toutefois ramenés à la soumission et l'esprit de révolte continua de régner. Il fallait absolument, pour rétablir l'ordre, détruire le foyer de l'insurrection; il fallait abattre Zaatcha. Là était Bouzian, le principal auteur de tous les mouvements hostiles, qui, continuant son rôle d'inspiré et de visionnaire, ranimait l'esprit des faibles, surexcitait les exaltés et encourageait les habitants des oasis à persévérer dans la résistance qui devait à la longue les délivrer de leurs oppresseurs.
        Je demandai de nouveau des troupes au Gouverneur et j'insistai sur la nécessité de me donner les moyens d'abattre cette insurrection qui menaçait de s'étendre sur toute la province. Enfin, des renforts me furent annoncés et je pus prendre mes dispositions pour me rendre dans le Sahara.
        
A SUIVRE

Le viol de l'inconnu
Envoyé par Mme. Annie



L’ISLAMISATION DE L’ÉGLISE I
Par M.José CASTANO,

Première partie :
Le rôle de l’Église dans la guerre d’Algérie

« Les Algériens savent la part prise par les vrais chrétiens dans notre lutte libératrice. Certains nous ont aidés concrètement, n’hésitant pas à se trouver à nos côtés… » (Ahmed Ben Bella)

       Comme il se trouve aujourd’hui des représentants de l’Église pour encourager l’immigration et soutenir au nom de « l’amour de son prochain » toute une faune de dévoyés antifrançais, il s’est toujours trouvé, en Algérie et en France, de 1954 à 1962, des hommes d’Église pour couvrir les excès des égorgeurs du FLN, les héberger, les protéger et les soigner.

       L’identité idéologique de ce conflit algérien était avant tout antichrétienne. C’est d’une lutte entre la Croix et le Croissant qu’il s’agissait et aux yeux des responsables du FLN, c’est la Croix qui était l’objectif premier à abattre dans ce réduit chrétien sud méditerranéen. Comme Jeanne d'Arc l'avait fait pour la France, l'Eglise de France et celle d'Algérie auraient dû brandir à leur tour l'Etendard de la Délivrance contre ceux qui voulaient les soumettre au Croissant. De façon incompréhensible et difficilement explicable (à moins qu’il ne se fût agi que de « tendre l’autre joue »), elles allaient leur apporter leur soutien…

       Nos évêques « tiers-mondistes », aujourd’hui comme hier, si prompts à défendre les « droits de l’Homme » au détriment de la parole de l’Evangile, sont restés muets devant les crimes, les massacres, les viols et les égorgements du FLN. L’extermination de 150.000 harkis avec leur famille dans d’horribles tortures ne les a pas plus émus. Il est vrai que, probablement blasés par tant de crimes, ils ne pouvaient que demeurer insensibles à ces assassinats en séries que furent les massacres d’El-Halia et de Melouza, la tuerie du 26 mars 1962 à Alger et celle du 5 juillet 1962 à Oran. Dès lors, comment auraient-ils pu réagir à l’énoncé de cet ignominieux appel au meurtre du 14 février 1962 à 20h40 lancé par « La Voix des Arabes » en ces termes : « Frères combattants, combattez-les, luttez contre eux, ils sont tous nos ennemis. Transformez leur vie en enfer, ne les laissez pas échapper au châtiment mérité et contraignez-les à se mettre à genoux devant la volonté du peuple »… appel qui conduisit au pogrom anti-Français du 5 juillet 1962, à Oran, faisant plusieurs milliers de victimes parmi la population civile européenne.

       Se sont-ils indignés davantage, ces honorables évêques – toujours prêts cependant à trouver une excuse aux « actes désespérés » des écorcheurs- quand ils ont pris connaissance de ces conseils donnés par « Aspect véritable de la rébellion algérienne » aux « frères » de l’Aurès, extraits du journal « El Zitouna » du 26 aout 1956, organe des étudiants de la Grande Mosquée du même nom de Tunis, une des plus réputées du monde islamique : « Mes frères, ne tuez pas seulement mais mutilez vos adversaires sur la voie publique… Crevez-leur les yeux… Coupez-leur les bras et pendez-les… Soyez certains, mes frères, que les soldats qui verront leurs camarades pendus à un arbre, avec un bras et une jambe en moins et un œil crevé, soyez certains, que ces soldats laisseront à l’avenir passer les caravanes d’armes et de provisions et se sauveront comme des rats ».

       Mais l’aide de l’Église ne s’arrêta pas à sa seule clémence envers les assassins. Sa participation active, en bien des cas, fut de notoriété publique…

       Si, a priori, l’Église n’a de pouvoir que celui de la parole du Christ, il en est autrement dans les faits. En effet, son influence demeure et nous ne pouvons oublier combien elle a marqué la scène politique de la guerre d’Algérie…

       Dès le début des événements, les nationalistes algériens disposaient de sérieuses connivences dans le milieu des intellectuels et ecclésiastiques français, qui s’étaient déjà fourvoyés durant le conflit indochinois en apportant leur aide au vietminh. Parmi ces « pères de l’Eglise », il était de notoriété publique que l’abbé Scotto (de Bab el Oued), l’abbé Desrousseau (d’El Biar), l’abbé Bérenguer (de Frenda), favorisaient le travail d’un couple de professeurs, les Jeanson (de sinistre mémoire), qui aboutira à la parution en 1955, de « l’Algérie hors la loi », pamphlet qui entendait prouver la légitimité du FLN… puis à la mise sur pied des réseaux de « porteurs de valises » du même nom : les « réseaux Jeanson ».

       Dès 1956, les aides aux tueurs du FLN se multiplieront sous les formes les plus variées : protection, caches, approvisionnement en argent et en armes… Chez les progressistes chrétiens, journalistes et prêtres fourniront un contingent très important… Des femmes verseront également dans la collaboration en hébergeant des chefs rebelles, les transportant et distribuant les ordres. Les poseuses de bombes, musulmanes et européennes, feront tranquillement retraite chez les Sœurs blanches à Birmandreis ou chez les Clarisses à Notre Dame d'Afrique qui, pourtant, les savaient recherchées par la police. Chez les Pères Blancs, le Père Collet n'ignorait pas les activités de ses hôtes de passage… La police identifiera plusieurs prêtres de la « Mission de France » dont certains prêtres ouvriers, Jean Urvoas et Robert Davezies ainsi que l’abbé Boudouresque qui se feront particulièrement remarquer… Quant à l'abbé Bertal, de cette même mission, il donnera asile à Daniel Timsit et à Salah, alias Oussédik Souali, qui lui avoueront, pourtant, fabriquer des bombes. Ce réseau d’artificiers comprenait, en outre, Chafika Meslem, agent de liaison entre le FLN, le Parti Communiste Algérien et les libéraux, Denise Walbert et les époux Gautron, militants communistes. L’abbé Barthez sera l’hôte et le protecteur attitré de ce réseau, hébergeant de surcroît, en quasi-permanence, la fameuse Raymonde Peschard (la pasionaria communiste) qui avait placé une bombe dans un car de ramassage scolaire à Diar es-Saada.

       En 1957, le passage de terroristes clandestins à la frontière espagnole s’était amplifié. Il s’agissait de « spécialistes » de l’organisation spéciale du FLN, formés aux « actions ponctuelles » et à la manipulation des explosifs dans les camps du Maroc. L’abbé Davezies, Etienne Bolo, Jacques Vignes participeront activement au transport, à l’hébergement, à la mise en place des tueurs envoyés par le GPRA pour intervenir en France. En Algérie, une dizaine de prêtres dont les abbés Scotto, Bérenguer, Desrousseau, Barthez et Cortes, ainsi que des religieux de Notre Dame d’Afrique, seront impliqués dans les réseaux de soutien allant jusqu’à mettre leur presbytère à la disposition des égorgeurs. Assurés de trouver dans la maison du Seigneur l'abri et l'aide leur permettant de continuer leur œuvre criminelle, ces protégés pourront ainsi préparer attentats et exactions sans être inquiétés.

       Le 4 Avril 1957, 28 inculpations et 18 mandats de dépôt (préventive) interviendront à Alger dans l'affaire du soutien au FLN apporté par les « libéraux » (on ne dit plus « communistes »). Parmi eux, la poseuse de bombe, Raymonde Peschard… qui s’évadera et rejoindra le maquis. Elle sera tuée les armes à la main dans le Constantinois (ce qui n'empêche pas de la présenter, encore de nos jours, comme torturée et assassinée par les paras). L’abbé Barthez, deux conseillers municipaux et deux médecins feront partie de ces arrestations. Seule la protection papale et gouvernementale dont il est l’objet évitera à Monseigneur Duval, archevêque d’Alger, chef de file des soutiens du FLN, d’être lui-même inculpé…

       Pour ces « hommes d’église », les Français d’Algérie n’avaient pas le droit de se défendre contre les actes criminels des terroristes. Selon leur conception de la « charité chrétienne », le devoir de ces Français-là était, soit de fuir, soit de se laisser tuer, soit de ramper, soit de faciliter l’émergence de la nouvelle république algérienne. Leur argumentation était la suivante : « l’Église s'est toujours compromise avec les forces de la réaction ; il est temps qu'elle s'inscrive dans le camp de la révolution prolétarienne ». En réalité, ces traîtres à leur Patrie s'identifiaient parfaitement à « l'anti-croisé » dont l’une des figures, l'abbé Scotto, n’avait de cesse de rassurer ceux qui pouvaient réprouver les attentats aveugles du FLN. Pour ce curieux directeur de conscience, la cause des terroristes demeurait juste quels que fussent les moyens utilisés...

       Concernant Monseigneur Duval, tout le monde, à Alger, police comprise, savait que les immeubles de l’Evêché abritaient les chefs du FLN en transit dans la capitale, et même certains terroristes recherchés par la police et l’armée. Arabophile déclaré, il refusera, officiellement, de célébrer un office à la mémoire de soldats français, prisonniers du FLN, assassinés par leurs geôliers « pour ne par heurter les Arabes », osera-t-il préciser de la manière la plus abjecte. Dans son livre « Au nom de la vérité », il s’enorgueillira d’avoir obtenu par les chefs du FLN un satisfecit lors du congrès de la Soummam qui soulignait « l’attitude réconfortante de l’archevêque se dressant courageusement et publiquement contre le courant et condamnant l’injustice coloniale ». A la proclamation de l’indépendance, il fut l’un des premiers chrétiens à prendre la nationalité algérienne (tout comme l’abbé Scotto et l’abbé Bérenguer), ce qui lui valut d’abord le surnom de Mohamed et ensuite la pourpre cardinalice…

       Parmi les progressistes chrétiens, les protestants ne furent pas en reste… En mars 1958, par exemple, le pasteur Mathiot fut inculpé avec une équipe de fidèles : responsables de boîtes aux lettres, dépôts d’armes, collectes de fonds, hébergement et de complicités diverses avec les terroristes du FLN. Cependant, à l’opposé, bon nombre de prêtres soutenaient l’action de l’Algérie française, mais quand ils n’étaient pas mis au ban de l’Eglise par leur hiérarchie, il arrivait qu’ils fussent purement et simplement éliminés… à l’instar de l’abbé Therrer, curé des Sources, à Birmandreis. Pourquoi donc n’avoir pas dit, dans son éloge funèbre, qu’il avait été assassiné par le FLN, protestèrent ses paroissiens ? Pourquoi donc n’avoir pas rappelé que les derniers mois de sa vie furent un véritable calvaire ? Il vit son église, à peine édifiée, profanée et pillée à deux reprises ; il vit aussi son presbytère entièrement dévalisé, sa voiture lapidée à plusieurs reprises… mais l’Evêché demeura de marbre… Enfin, le soir de son assassinat, son église fut incendiée et l’Eglise ne réagit point. Au cours des mois suivants, plus de quatre cents églises, sur les cinq cent soixante-sept que comptait la Chrétienté d’Algérie, furent désaffectées, profanées, parfois transformées en mosquées ou détruites, ce qui n’émut pas outre mesure ni Clergé, ni Episcopat…

       Dès la proclamation du « cessez-le-feu », les enlèvements d’Européens se multiplièrent. Des familles entières originaires du Bled voulant rejoindre les ports et les aérodromes disparurent. Les enfants en bas âge –voire les bébés-, quand ils ne furent pas éliminés avec leurs parents, furent élevés dans les écoles islamiques et arabisés par un nouvel état civil. Les femmes et les jeunes filles furent condamnées à vivre dans les maisons closes d’Algérie, ou d’autres pays musulmans ou encore en Amérique Latine. Plus de 5000 Européens disparurent ainsi en quelques mois sans que l’Église, qui était au courant de cette tragédie, n’élevât la moindre protestation.

       C’est au lendemain de cette guerre que l’on apprit par la bouche même des fellaghas la monstrueuse collusion de certains prêtres français avec les tueurs du FLN. A cet effet, un chef rebelle, Amar Ouzegane écrivit : « Partout des prêtres nous ont secourus, hébergés, soignés. L’Eglise catholique a rompu avec le passé colonialiste ». Et on pouvait lire encore dans « Révolution Africaine » : « Des prêtres catholiques ont prêté assistance aux militants du FLN poursuivis par la police colonialiste ».

       En 1950, dans son allocution en la cathédrale Saint Philippe (aujourd’hui devenue mosquée) à l’occasion du centenaire de la consécration de l’Algérie au Sacré-Cœur, Mgr Leynaux évoquait la grande et belle ville, « l’antique cité barbaresque, autrefois riche des dépouilles de la chrétienté… » et il disait au Nonce apostolique, Monseigneur Roncalli (futur Jean XXIII) : « Vous découvrirez avec joie les souvenirs émouvants de l’ancienne Église d’Afrique… Cette glorieuse Eglise, vous la retrouverez vraiment ressuscitée. Et si vous pleurez avec nous sur la dévastation séculaire de ses monuments sacrés, vous verrez partout, dans nos villes et dans nos villages, des chapelles et des églises qui attestent sa volonté de ne pas mourir et de continuer de rendre gloire à Dieu en travaillant au bien suprême, au salut de tous ses enfants, toujours indissolublement attachés et unis comme nos ancêtres, les premiers chrétiens, à la Chaire de Pierre ».

       Si Mgr Roncalli a pu voir l’ancienne Église d’Afrique ressuscitée, le délégué apostolique d’aujourd’hui, en Afrique du Nord, pourra pleurer sur sa ruine…

       Dans ces quelques lignes bien incomplètes, je voudrais éclairer les consciences sur le vrai drame de l’Église, d’une part en Algérie : effondrement d’une chrétienté dans les larmes et le sang, étouffement par l’erreur, le mensonge et les plus honteuses compromissions, et d’autre part en France, actuellement, où nous retrouvons les mêmes causes dans cette alarmante désertion face aux valeurs chrétiennes. C’est de cette façon que mourut, déjà, le christianisme en Algérie…

       Et maintenant, sur la terre de Saint-Augustin redevenue un moment chrétienne, les clochers s’écroulent à nouveau et les sables qu’apporte le Vent de l’Histoire recouvrent lentement jusqu’au nom même du Christ.
José CASTANO       
e-mail : joseph.castano0508@orange.fr


       « En politique, trahison, lâcheté et hypocrisie sont des religions. C’est pour cela que nous avons de si mauvais gouvernants » (Laurent DENANCY)
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Prochainement, seconde partie :
La démission de l’Église face à l’islam


Le cardinal Lavigerie,
la passion de Dieu et de l'Afrique

Par Anne-Bénédicte Hoffner, La Croix le 26/1/2019 à 06h00
Envoyé par M. Jolivet

              Les Pères blancs et les Sœurs blanches fêtent les 150 ans de leur fondation par le cardinal Charles Lavigerie (1825-1892) qui rêvait d'évangéliser l'Afrique.

               Qui était Charles Lavigerie ?

              Esprit libre et indépendant, grand voyageur à l'énergie inépuisable, fondateur charismatique et autoritaire à la fois… Né en 1825 dans une famille de la moyenne bourgeoisie landaise, de tradition libérale et même voltairienne, Charles-Martial Allemand Lavigerie est une forte personnalité. Sa ténacité s'exprime précocement, lorsqu'il doit convaincre ses parents de le laisser entrer au petit séminaire de Bayonne, puis de " monter à Paris " rejoindre le séminaire de l'abbé Dupanloup, véritable fabrique d'évêques de l'Église de France au XIXème siècle.

              Après son ordination en 1849, il enseigne l'histoire de l'Église à la Sorbonne, anime le Cercle catholique des étudiants avec le souci de réconcilier l'Église avec le monde de son temps. C'est là qu'il reçoit une demande originale : les fondateurs de l'œuvre des écoles d'Orient (ancêtre de l'œuvre d'Orient) lui demandent de diriger cette nouvelle structure destinée à soutenir les établissements congrégationnistes dans l'Empire ottoman. Ses voyages à Beyrouth et Damas le marquent profondément. Après un bref passage par la Curie, Lavigerie est nommé évêque de Nancy puis, quatre ans plus tard d'Alger. " Son expérience, comme directeur de l'œuvre des écoles d'Orient, expliquait-il, lui a montré ce qu'on peut accomplir au milieu des populations musulmanes ", écrit son biographe, le père François Renault (1).

              Pourquoi fonde-t-il les Pères blancs et les Sœurs blanches ?

              Le nouvel archevêque d'Alger a un rêve : ressusciter l'antique Église d'Afrique du Nord et, à partir d'elle, évangéliser l'Afrique. À son arrivée en 1867, l'Algérie est surtout en proie à la famine et à une épidémie de choléra. Il se bat pour obtenir des autorités françaises le droit d'accueillir les orphelins. Il veut également établir des postes de missionnaires en Kabylie, ainsi qu'au Sahara et au Soudan mais manque de candidats formés pour cela.

              C'est ainsi que naît en 1868, non sans tâtonnements, une " Société des missionnaires de Notre-Dame d'Afrique " (qui deviendra Société des missionnaires d'Afrique). Ses membres doivent " s'adapter au mode de vie des populations " au milieu desquelles ils vivent, et notamment apprendre leur langue, adopter leur façon de se vêtir et de se nourrir. " Vous, vous rappellerez que ces hommes, ces femmes, ces enfants en haillons sont, comme vous, les enfants de Dieu ", écrit Mgr Lavigerie à ses futurs missionnaires.

              " Vous n'imiterez jamais ceux qui maltraitent ou brutalisent leur faiblesse. Vous aurez pour eux le respect et la charité que donne la foi. "

              À cette société de prêtres et de frères, Lavigerie ajoute une congrégation de religieuses : les sœurs missionnaires de Notre-Dame d'Afrique. Les premiers s'installent à Maison-Carrée à Alger ; les secondes à Kouba. Après des premières années difficiles, les candidat(e)s affluent.

              Quelle est sa conception de la mission ?

              L'annonce de l'Évangile, selon Lavigerie, s'enracine dans la formule de saint Paul : " Je me suis fait tout à tous " (1 Corinthiens 9). Le fondateur est surtout un pragmatique, qui réalise très vite son erreur d'avoir donné une éducation européenne à ses orphelins et de les avoir ainsi coupés de leur milieu d'origine. " Les missionnaires devront donc être surtout des initiateurs, mais l'œuvre durable doit être accomplie par les Africains eux-mêmes, devenus chrétiens et apôtres ", écrit-il après le premier chapitre qui se tient en 1874.

              En Kabylie, les premiers " Pères blancs " - ainsi surnommés à cause de la couleur de leur burnous - n'ont d'abord le droit que de " soigner les malades et faire l'école aux enfants ". " Ce n'est pas le moment de convertir, c'est le moment de gagner le cœur et la confiance des Kabyles par la charité et par la bonté ", leur répète le cardinal Lavigerie, qui garde un contrôle étroit sur sa fondation.

              Dans cette conception de la mission, les sœurs occupent une place importante. Dans des pays musulmans où la femme est recluse et ne participe pas à la vie publique, " elles seules peuvent pénétrer dans l'intimité des maisons ", et offrir aussi, grâce aux activités enseignantes ou hospitalières, " une autre image libératrice et généreuse " (1).

              Quels sont ses autres engagements ?

              Après avoir repris l'église Sainte-Anne à Jérusalem, Mgr Lavigerie, fasciné par Carthage, nom prestigieux de l'ancienne Église d'Afrique du Nord, parvient à se faire nommer administrateur apostolique du vicariat de Tunis en 1881, et même évêque quand celui-ci est élevé au rang de diocèse. L'année suivante, il est créé cardinal par le pape Léon XIII. Mgr Lavigerie y voit le moyen de défendre une cause qui lui est chère - l'internationalisation de la curie vaticane - et d'honorer l'antique siège de Carthage.

              Avec le pape Léon XIII, il partage aussi le souci de la conciliation avec le monde moderne. Dans une période de rapports tendus entre l'Église et l'État en France, marquée par une succession de lois antireligieuses, il s'emploie sans relâche à rétablir le dialogue et obtient finalement " le ralliement " des catholiques à la République. Avec sa fougue habituelle, il se jette à partir de 1888 dans un dernier combat : il lance une vaste campagne en Europe contre la traite des esclaves, qui, malgré les différentes mesures d'abolition prises par les puissances coloniales, se poursuit en Afrique sous la houlette des esclavagistes arabes. " Le sens de la dignité de tout homme, le respect de ses libertés et un sentiment profond de la justice due à chacun et chacune étaient au cœur de ses convictions et de sa foi ",résume le père Jean-Claude Ceillier dans la revue interne des Missionnaires d'Afrique à l'occasion de leur 150ème anniversaire (2).
Anne-Bénédicte Hoffner

(1) Le Cardinal Lavigerie . L'Église, l'Afrique et la France (Fayard, 1992).
(2) Le père Jean-Claude Ceillier, missionnaire d'Afrique, est également l'auteur de : Histoire des Missionnaires d'Afrique (Pères Blancs). De la fondation par Mgr Lavigerie à la mort du fondateur (Karthala, 2008).


Le coup de gueule d'Alain Sanders
Par M. Alain Sanders alain.sanders@present.fr
Envoyé par plusieurs internautes
Algérie : 19 béatifiés.
Très bien. Et les autres ?

http://mohamedlouizi.eu/2018/11/30/intifada-sur-les-champs-elysees/

                LA SEMAINE DERNIÈRE. les 19 religieux et religieuses (dont les sept moines de Tibhirine), déclarés " martyrs " par le pape François, ont été béatifiés à Oran. Lors d'une cérémonie à Notre-Dame de Santa Cruz très codifiée - pour ne pas dire encadrée - par les autorités algériennes.
                Malgré des complaisances répétées à l'égard de l'islam (comme Mgr Claverie, évêque d'Oran, assassiné par des musulmans pourtant), ces religieux ont été tués durant la guerre civile des années 1990. Conjointement à la cérémonie religieuse chrétienne, le pouvoir algérien avait demandé - pour ne pas dire exigé - que soit honorée la mémoire de 114 imams tombés sous les coups des terroristes.

                II y aurait beaucoup à dire sur l'instrumentalisation de cette cérémonie. Contentons-nous de dire, pour l'heure, qu'elle était une sorte de ballon d'essai avant la visite du pape François en Algérie en avril prochain (en principe). On aura l'occasion d'y revenir. Mais déjà une question : béatifier 119 martyrs de l'islam (ce qui n'est jamais formulé ainsi par nos autorités ecclésiastiques, bien sûr), très bien. Mais pourquoi eux et pas les autres ?
                Dans un texte très prenant. Geneviève Troncy-Bortolotti une Française d'Algérie très connue et très respectée dans la communauté pied-noir, pose cette question et rappelle : s'Il y a eu. Hélas, bien d'autres religieux assassinés (ou enlevés et disparus) par le FLN. Des religieux sur lesquels est observé curieusement le mutisme le plus absolu. "
                La liste est longue de ces martyrs, en effet, martyrs dont on ne parle jamais (et même pas à l'occasion de ces béatifications). Avec, il faut bien le dire, la complicité couarde des autorités chrétiennes en Algérie soucieuses de ménager les responsables FLN. Parler de ces martyrs, et a fortiori les béatifier, ce serait rappeler qui furent leurs assassins. Moins fastoche que de béatifier des religieux victimes des terroristes islamistes des années 1990 occupés à régler leurs comptes avec le FLN, bourreau de nos religieux dans les aimées 1950-1960...

                " Qui en parle de ces martyrs-là? ", demande Geneviève Troncy-Bortolotti. Qui ? Eh bien elle, bien sûr. Et aussi Présent qui, régulièrement, est le seul dans la presse quotidienne française à rendre hommage à nos disparus d'hier, mais aussi aux Kabyles chrétiens d'aujourd'hui persécutés, chassés de leurs pauvres lieux de culte et pour certains jetés en prison.

                Nous n'avons pas oublié et nous n'oublierons jamais l'abbé Cerda, enlevé, torturé, assassiné le 9 mai 1962 à Sidi-Moussa ( N'ébruitez pas l'affaire "), avait dit à sa famille, à l'époque, l'ignoble Mgr Duval, soutien actif du FLN). Ni l'abbé Pierre Montet, enlevé sur la route de Parmentier le 7 juin 1962.. Ou le père Jean Tabart, tué le 28 août 1956 à Géryville. L'abbé Vincent Santamaria, enlevé entre Boufarik et Alger le 25 mai 1962. Le père René Husson, assassiné le 28 décembre 1959 à Ouled Djellal. Le père Bernard Chassine, tué le 5 octobre 1962 à Saint-Cyprien-des-Attafs. Le père Hubert Bruchez, massacré le 22 octobre 1956 à Port-Gueydon. Etc.

                Geneviève Troncy-Bortolotti suggère aux fidèles, que l'on ferait prier pour les 19 béatifiés, de demander à leurs paroisses et à leurs institutions religieuses d'associer à ces prières ces religieux qui n'ont pas été tués dans les années 1990, mais bien avant : " S'il y a, sur cette terre. les bons assassinés et les mauvais assassinés, les bons assassins et les mauvais assassins, espérons, avec toute notre foi candide, qu'il en va différemment au Paradis. "

                Mais ne soyons pas dupes. Il ne faut pas compter sur ce pape pour parler des religieux martyrs des tueurs FLN. Quant à les béatifier... Il n'est que de lire les déclarations compassionnelles de Mgr Paul Desfarges, l'archevêque d'Alger, à l'égard de l'islam, " religion d'amour et de paix ", pour comprendre - pour ma part je l'ai compris depuis longtemps - qu'il n'y a rien à attendre de cette Eglise-là.
Alain Sanders

10 hommes et une femme.
Envoyé par Mme. Monique

         Onze personnes étaient suspendues à une corde sous un hélicoptère.

         C'étaient 10 hommes et une femme.
         Comme la corde n'était pas assez solide pour les tenir tous, ils décidèrent que l'un d'eux devait lâcher la corde.
         Comme ils ne réussissaient pas à déterminer qui, alors la femme dit que ce serait elle qui lâcherait la corde, car les femmes sont habituées à tout lâcher en faveur de leurs enfants et époux, donnant tout aux hommes sans rien recevoir en retour et que l' homme en tant que le premier créé par Dieu, méritait de survivre, car il était aussi le plus fort, le plus intelligent et capable de grands exploits...

         Quand elle eut fini de parler, tous les hommes commencèrent à applaudir...

         Ah, les cons...

         Ne sous-estimez jamais le pouvoir et l'intelligence d'une FEMME ...



Un des derniers acteurs des guerres du XXe Siècle témoigne…
(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul, publiés sur le site de la réinformation européenne Eurolibertés)
Envoyé par : Francephi diffusion
« (Au XXe siècle)
je me refuse à parler de réhabilitation
de l’Armée française.
Car, je ne crois nullement qu’elle ait failli.
Et je le démontre ! »

           Entretien avec le colonel Roger Cunibile, officier de la Légion d’honneur, croix de guerre 1939-1945, croix de guerre des TOE, croix de la Valeur militaire, officier de l’ordre du Nichan El Anouar décédé à l’âge de 98 ans, auteur de De l’ennemi vert-de-gris à l’ennemi rouge et de Dans la tourmente de la Guerre d’Algérie (éditions Dualpha).

           Vous êtes un des derniers acteurs des trois plus grandes guerres du XXe Siècle : 1939-1945, l’Indochine, l’Algérie. À ce titre, qu’apporte de nouveau votre témoignage ?
           Je suis un témoin de notre Histoire durant 8/10e du XXe siècle et déjà 1/10e de ce XXIe siècle. Y ayant eu un rôle actif durant plus d’un quart de siècle : 42 ans au service de la Patrie dont 25 ans dans l’Armée active, j’ai rédigé mes Mémoires car, j’ai vu, entendu, réalisé, et dû faire face de manière impromptue et imprévisible à des situations souvent dramatiques, voire tragiques, et parfois cocasses, c’est vrai. Quelques-uns de mes amis, officiers supérieurs eux aussi, mais plus jeunes, qui ont pu lire mes écrits, m’ont fait part de leur étonnement et m’ont amicalement pressé de les éditer, ce que Philippe Randa a bien voulu faire. Je précise que j’ai laissé subsister, par endroits, le rôle actif et psychologique fort essentiel de mon épouse en certaines situations notamment aux Affaires Indigènes du Maroc, afin de faire comprendre que la vie aventureuse et risquée du militaire était souvent aussi celle des épouses, et même hélas, parfois de leurs enfants. Certes, mon cas n’était pas unique, c’était celui du plus grand nombre d’Officiers A.I. et A.A. en postes isolés, et j’ai voulu ainsi leur rendre un hommage hautement mérité. En somme, j’ai voulu « témoigner ».

           Pensez-vous que ces conflits auraient pu être gérés autrement et éviter des centaines de milliers de morts français ?
           Oui, je le pense. Je reste persuadé que tous nos gouvernants (de toutes nos Républiques, d’ailleurs), pêchent par manque d’autorité. Je sais que ce mot fait hurler et crier à la dictature. Qu’importe. C’est le laxisme du système qui vicie la beauté de la démocratie. La Liberté ? Certes, oui. Mais il conviendrait tout de même que nos parlementaires aient le courage de poser des limites afin que la démocratie ne se mue pas (excusez le néologisme incongru), en « bordelocratie ». Pour nos gouvernants, « prévoir » les tempêtes nationales et internationales semble toujours impossible et, même dans le cas où ils sont avertis, ils pataugent et temporisent avant de prendre des décisions protectrices, alors même que la situation est déjà gravissime. Or, pour des gens qui sont élus, il est certes toujours inquiétant de prendre de tels risques pour leur carrière. Qui avait prévu et donc pris des décisions de protection urgente avant 1939 ? Je me souviens qu’en 1940, chef d’une section de canons de 25 mm au 26e RI de Nancy (près de la frontière, si je ne m’abuse ?), j’étais « hippomobile » alors que nos vis-à-vis, eux, étaient hautement motorisés. Nous faisions une guerre du XIXe siècle.
           Qui avait pensé et pris des mesures préventives face au phénomène de la décolonisation et la montée des revendications indépendantistes ? En Indochine, nous étions sous-armés, avec les vieilles armes de la guerre de 1914-1918 ! Là aussi, n’aurait-on pu trouver des solutions évitant les guerres et nous conservant la coopération et l’amitié des peuples ? L’ex-Empire français n’eut peut-être pas disparu alors aussi stupidement et tragiquement.

           Quelles leçons tirez-vous de votre engagement personnel ?
           Je pense qu’il est absolument indispensable que notre Armée ne soit pas réduite à quelques Unités de mercenaires engagés, dévolus à un rôle de parade et d’interventions de petite envergure ici où là, en Opex, sans ressources arrières. Évidemment, c’est une question de finances, me direz-vous. Je le conçois. Mais croit-on sincèrement que la paix actuelle est à durée illimitée ? Personnellement, je ne le pense pas. Nous risquons encore (hélas) des conflits majeurs. Or, on n’envoie pas à la guerre, dans la précipitation et l’improvisation, des hommes (et femmes) recrutés dans l’urgence et sans une instruction militaire de base. Comme nous avons bêtement supprimé la conscription qui constituait par ailleurs une excellente occasion d’amalgame de tous nos jeunes, nous n’aurons qu’un recrutement d’engagés. Je crains que ceux-ci deviennent de moins en moins nombreux, étant donné le peu d’esprit civique et le sens patriotique quasi nul de la jeunesse actuelle. Et cela ne peut aller, me semble-t-il, qu’en déclinant. Seule une loi d’obligation au service militaire doit être rétablie.
           En second lieu, modernisons sans cesse l’armement de nos troupes. Le courage des hommes, c’est bien. Mais il convient de ne pas le substituer à une infériorité quelconque d’armement face à un adversaire quel qu’il soit. Nous revenons ainsi d’office au binôme constant : Prévoir et s’armer en conséquence humainement et matériellement.

           Pensez-vous avoir fait un « devoir de mémoire » pour réhabiliter l’Armée française, trop souvent calomniée ?
           Il y a (c’est décidément une manie française) deux catégories sociales qui ont été sans cesse vilipendées : les colons et l’armée. Deux mots seulement, s’agissant des colons. J’ai vécu à leur contact. On n’imagine pas, en France, ce qu’il a fallu de courage, volonté et abnégation à ces gens-là pour réaliser des domaines agricoles d’une importance totale telle (pour l’Algérie) que ce pays, qui crevait de faim avant l’arrivée des Français, avait atteint une auto-suffisance alimentaire qu’il a de nouveau perdue depuis notre départ. Certes il y a sans doute eu des cas, évidemment répréhensibles, de colons ayant « fait suer le burnous ». Mais la majorité d’entre eux n’avait que des propriétés nécessairement plus grandes qu’en France pour un rapport identique. Et ceux qui avaient d’immenses domaines (j’ai cité le cas de l’un d’entre eux avec 550 hectares d’un seul tenant), ils construisirent des hameaux pour loger convenablement leurs ouvriers aux lieux et places de leurs « khaïmas » sales et malsaines. Ils vivaient aussi sur le domaine. Je n’ai pas manqué de leur rendre justice.
           S’agissant de l’Armée française, je ne pense pas qu’il faille employer le verbe « réhabiliter ». L’armée n’a pas failli. Elle a combattu, certes, mais élémentairement, on ne fait pas face à un ennemi avec des fleurs. Il est facile pour les salonnards, loin du champ d’action, de critiquer sans avoir la moindre notion des conditions de vie, des fatigues, risques constants du soldat en opérations. Qu’il y ait eu de-ci, de-là, des bavures, c’est possible et répréhensible. Mais dans toutes les catégories de la société il y a bien des individualités non sociables. Pourquoi, ferait-on porter les fautes de quelques individus dévoyés en les amplifiant à l’échelle de l’Armée ? Non ! Je me refuse à parler de réhabilitation de l’Armée française. Car, je ne crois nullement qu’elle ait failli. Et je le démontre ! En conclusion, oui, je pense et espère avoir rempli un « Devoir de mémoire ».

           De l’ennemi vert-de-gris à l’ennemi rouge 478 pages, et Dans la tourmente de la Guerre d’Algérie (tome II: 1951-1962), 460 pages, du Colonel (h) Roger Cunibile, éditions Dualpha, collection « Vérités pour l’ Histoire », dirigée par Philippe Randa.
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Philippe Randa est écrivain, chroniqueur politique et éditeur (www.francephi.com). Ses chroniques sont libres de reproduction à la seule condition que soient indiquée leurs origines, c’est-à-dire le site www.francephi.com, « Espace Philippe Randa ».



LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.

             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens d'ajouter Petit, Clauzel, Gelât Bou Sba, Héliopolis, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.

             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Duvivier, Duzerville, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Penthièvre, Randon, Kellermann et Millesimo, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :

CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 


NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers

Investissement en aquaculture

Envoyé par Roger
http://www.lestrepublicain.com/index.php/annaba/item/9010314-objectif-100-000-tonnes-de-poissons-par-an-d-ici-2035

Par Est Républicain, publié le 23/01/2019 par Ahmed Chab

Objectif : 100 000 tonnes de poissons par an d’ici 2035

             La journée sur la promotion et le développement de l’investissement dans le domaine de l’aquaculture basée sur l’expérience européenne, et en particulier italienne, a été organisée par la Direction de la pêche et des ressources halieutiques de Annaba. Elle s’adresse aux investisseurs dans le domaine de la région Est du pays.
             Assistaient à cette importante réunion les représentants des wilayas d’Annaba, Jijel et Skikda. Le Directeur Général de la Chambre Nationale M. M. Lazhar Abdelhalim a défini les objectifs du ministère et a fait appel à trois grandes entreprises italiennes spécialisées dans l’aquaculture.
             Elles sont en effet les trois piliers de ce créneau à savoir la production de matériel, de l’aliment et de l’alevinage. Les promoteurs qui doivent investir au moins 25 millions de Dinars algériens sont dans l’obligation de s’adresser à elles pour pouvoir mettre en route leurs projets.
             Il s’agit en fait de permettre aux nationaux de produire ces trois branches indispensables et par là amoindrir les frais d’investissement. Mme Séridi, Sous-Directrice a fait ressortir la déclinaison des ressources halieutiques en Méditerranée tout comme pour le reste du monde.
             Le gouvernement algérien s’est engagé à développer le secteur de l’aquaculture de manière durable pour un meilleur équilibre assurant la protection des écosystèmes marins et la préservation des populations de poissons sauvages. Le secteur de la pêche revêt un caractère stratégique de par ses capacités à contribuer à revitaliser l’économie des collectivités côtières rurales et autochtones par la création et la préservation de l’emploi dans un secteur viable sur le plan social, économique et environnemental.
             L’objectif est d’arriver à produire 100 000 tonnes de poissons et de crustacés par le biais de l’aquaculture, parmi lesquelles 80 000 proviendront de la mer. On parle actuellement de l’élevage dans des cages flottantes de loups de mer et de daurade. Un projet réalisable certes, mais sur lequel la région Est du pays se trouve être en retard. Sur les 37 projets existants, seule Bejaia est en train d’en réaliser un ou deux. La dimension opérationnelle de la stratégie du secteur dans une première phase à donc permis de le doter en instruments structurants et opérationnels nécessaires à l’amorce d’une dynamique de développement durable, moderne et performante de l’économie de l’aquaculture. Cette culture a vu le jour en Chine par l’élevage de carpes, puis dans certains pays du Nord dont la Norvège pour celui du saumon en 1970. L’année 1980 a vu l’aquaculture s’installer dans plusieurs pays du bassin Méditerranéen.
Ahmed Chab           


Annaba

Envoyé par Pierrette
https://www.liberte-algerie.com/est/breves-de-lest-308096


Liberté-Algérie   l Par M. A. Allia - 24/01/2019

Les souscripteurs AADL 2013 menacent d'investir la rue

        À l’issue de la réunion d’évaluation du rythme des travaux de réalisation des différents projets AADL, qu’ils ont tenue, dernièrement, avec les membres de leur association, les souscripteurs au logement ont constaté le manque d’intérêt qu’accordent les parties concernées à la réalisation de leurs logements et menacent de reprendre la contestation.
         Les souscripteurs de l’Agence d’amélioration et du développement du logement (AADL) 2013, notamment ceux d’entre eux qui postulent pour le projet en cours de réalisation de 2500 logements de la nouvelle ville de Draâ Errich menacent d’observer un sit-in, jeudi prochain devant le siège de la wilaya de Annaba.
         Ceci pour “dénoncer le retard considérable qu’enregistrent les projets de logements en cours de réalisation à cause du laisser-aller et du manque de suivi des directions concernées”, peut-on lire dans le communiqué, que les intéressés ont rendu public, hier. Les signataires de ce document dénoncent le faible taux d’avancement des travaux des projets et le non-respect des délais prévus initialement et évoquent d’autres problèmes répertoriés dans un rapport qui devrait être remis aux responsables concernés.
A. Allia           

REVENDICATIONS DES CITOYENS À ANNABA

Envoyé par Gabin
https://www.liberte-algerie.com/est/le-wali-exige-plus-dengagement-des-responsables-308200

Liberté-Algérie  Par A. Allia - 26-01-2019

Le wali exige plus d’engagement des responsables

           Excédé par les mouvements de protestation répétitifs qui ont ébranlé ces derniers jours certaines communes de la wilaya, le wali de Annaba Tewfik Mezhoud a convoqué, avant-hier jeudi, les directeurs d’exécutif, les chefs de daïras et les élus locaux pour les mettre en face de leurs responsabilités.
           “Il est inadmissible que toutes les revendications de la population se transforment systématiquement chaque fois en manifestations de rue, bloquant la circulation et donnant lieu à des troubles à l’ordre public.
           Chaque responsable à son niveau, chaque élu doit assumer sa charge et répondre aux besoins légitimes du citoyen, qu’il s’agisse de logement, d’alimentation en eau potable ou encore d’amélioration du cadre de vie”, a souligné le wali, en indiquant que dorénavant tout sit-in qui viendrait à se tenir devant le siège de la wilaya pour quelque motif que ce soit sera interprété comme une défaillance de la part des chefs de daïras, des directeurs et des élus communaux directement concernés.

           Il va sans dire que l’attitude sévère du wali a provoqué une gêne perceptible chez les responsables présents à cette rencontre.
          
A. Allia .   


Les Algériens rêvent de devenir Français

Envoyé par Maurice
http://kabyles.net/les-algeriens-revent-de-devenir-francais/?fbclid=IwAR0LeTywU5rGIZ1JPBKfZ6hCOjbehXIbpGwmk6710ZUfWI1G68OAdaF0Cv4


par Kabyle.net

50 ans après " l'indépendance "

           Les demandes de reconnaissance de la nationalité française par les Algériens, déposées dans les consulats, ont explosé depuis les années 1990.
           Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision à savoir si les héritiers des Algériens ayant acquis la citoyenneté française grâce à une ordonnance du 7 mars 1944 " relative au statut des Français musulmans d'Algérie " sont Français, 50 ans après l'indépendance de l'ex-colonie. Le Conseil devait rendre sa décision après avoir été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité par un Algérien né en 1941, résidant encore dans son pays et revendiquant la nationalité française.
           Cette possibilité est ouverte par une récente réforme qui permet à toute personne de poser une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel s'est réuni le 19 juin pour une audience qui a vu la première activité officielle de Nicolas Sarkozy depuis sa défaite face à François Hollande. La haute juridiction a désavoué Mouloud qui, comme d'autres Algériens, a livré une "bataille pour la fierté" et pour la "dignité". Ce sont les termes employés par son avocat, Me Patrice Spinosi.
           Le Conseil constitutionnel refuse la filiation française réclamée par des Algériens dont un ascendant avait exceptionnellement obtenu la citoyenneté grâce à une ordonnance du 7 mars 1944, quand l'Algérie était une colonie française.

           À plus de 70 ans, Mouloud A. de la commune d'Iboudrarène, en Kabylie, a livré sa dernière bataille pour récupérer la nationalité française qu'il croyait avoir héritée de son père. Après avoir été désavoué par la justice à toutes les étapes, il s'est saisi de la dernière chance qui lui est venue : s'adresser au Conseil constitutionnel.
           Saisis d'une question prioritaire de constitutionnalité par Mouloud A. dont le père, décédé en 1946, avait bénéficié des effets de cet article, les Sages ont tranché :
           " L'article 3 de l'ordonnance du 7 mars 1944 relative au statut des Français musulmans d'Algérie est conforme à la Constitution. " Pour les Sages, le texte visé " a eu pour objet de conférer, en raison de leurs mérites, à certains Français musulmans d'Algérie relevant du statut personnel, des droits politiques identiques à ceux qui étaient exercés par les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie ".
           L'ordonnance du 7 mars 1944 a permis, selon un représentant du gouvernement, d'avoir la citoyenneté française à 60.000 musulmans " particulièrement méritants" , dont le père de Mouloud A. décédé en 1946.
           " Cette faveur faite aux Algériens particulièrement méritants a dissuadé leurs enfants de faire une démarche en vue d'une conservation d'une nationalité française qu'ils croyaient acquise ", a plaidé le 19 juin son avocat.

           Me Patrice Spinosi a demandé au Conseil constitutionnel de " réparer une injustice " et une " discrimination " induites par la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a fait une distinction entre Français suivant les textes leur ayant permis d'acquérir la citoyenneté.
           Alors que l'écrasante majorité des Algériens relevaient du droit civil local et de la loi musulmane pendant la colonisation (1830-1962), une petite minorité (70.000 personnes) avait acquis la citoyenneté française, grâce à trois textes.
           La loi du 4 février 1919 donnait aux soldats mobilisés pour la première guerre mondiale (173.000 selon l'historien de l'immigration Patrick Weil) la possibilité d'obtenir la citoyenneté française par jugement.
           Le Sénatus-consulte du 14 juillet 1865 autorisait des chefs de tribus et des notables à demander la citoyenneté française, conférée ensuite par décret impérial rendu en Conseil d'État.
           Au total, ils étaient " moins de 8.000 " en 1936 à la demander et à renoncer au droit local, a expliqué le représentant du gouvernement devant le Conseil constitutionnel. Leurs descendants, eux, jouissent de la nationalité française par filiation, contrairement à ceux qui relèvent de l'ordonnance de 1944.
           La décision du Conseil constitutionnel est intervenue quelques jours seulement avant le cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie - proclamée le 3 juillet 1962 - un délai prescriptif au-delà duquel les personnes concernées ne seront plus autorisées à faire la preuve qu'elles sont françaises " par filiation ".
           Le Conseil constitutionnel a ainsi confirmé une jurisprudence de la cour de cassation selon laquelle le requérant aurait dû renoncer au droit local et se placer complètement sous l'autorité de la loi française pour être en mesure de récupérer le droit qu'il revendique. Il aurait pu aussi, à l'instar de tous les Algériens, choisir la nationalité française au moment de l'Indépendance. Selon son avocat, Mouloud n'a pas souscrit de "déclaration recognitive" de la nationalité française parce qu'il pensait qu'elle était acquise.
           L'avocat a évoqué une rupture d'égalité devant la loi parce qu'une autre catégorie d'Algériens ont acquis la citoyenneté française par le biais de deux autres textes.
           Leurs descendants, eux, jouissent de la nationalité française par filiation, contrairement à ceux qui relèvent de l'ordonnance de 1944.
i                      


Algérie : Le syndicat des juges refuse la dépénalisation de l'homosexualité

Envoyé par Pierre
https://www.observalgerie.com/actualite-algerie/algerie-news/libertes-en-algerie/algerie-syndicat-des-juges-refuse-la-depenalisation-de-homosexualite/


  Par Shérazade - 27 janvier 2019


           Le président du Syndicat national des juges, Djamel Aidouni, a appelé le gouvernement à ne pas se laisser influencer par une organisation non gouvernementale (ONG) et à refuser la suppression de l'article 338 du Code pénal algérien, qui incrimine tout acte d'homosexualité.

           Djamel Aidouni avait affirmé, lors d'une conférence donnée à l'occasion du Conseil national de son syndicat, que les juges étaient déterminés à " défendre les mœurs algériennes et les bonnes conduites, en garantissant l'application des textes de loi et en faisant face à tous ceux qui souhaiteraient nuire à la société algérienne et effacer ses principes au nom des Droits de l'homme ".

           Selon ce juge à la tête du syndicat national, une organisation non gouvernementale (ONG) activerait secrètement en Algérie pour la suppression de l'article 338, qui incrimine tout acte d'homosexualité : " Tout coupable d'un acte d'homosexualité est puni d'un emprisonnement de deux mois à deux ans, et d'une amende de 500 dinars à 2000 dinars. Si l'un des auteurs est mineur de dix-huit ans, la peine à l'égard du majeur peut être élevée jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 10 000 dinars d'amende ".

           À ce propos, le président du syndicat avait ajouté que " la société algérienne est musulmane et conservatrice avant toute chose. Elle a ses particularités et ces principes font qu'on ne puisse absolument pas remplacer certaines lois par d'autres qui ne seraient pas compatibles avec les composants de la société ".

           Djamel Aidouni, avait également expliqué que " l'Algérie [faisait] partie des pays leaders en matière des Droits de l'homme, surtout après la révision constitutionnelle de 2016. Notre pays n'a pas besoin de leçons venant de ses ONG ". Enfin, le juge a appelé " à faire très attention avec cette proposition, et à ne pas se faire influencer - voire même intimider - par de telles organisations ".
Shérazade                      


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La Mort et le Bûcheron
Envoyé par Fabien

       Un pauvre Bûcheron tout couvert de ramée,
       Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
       Gémissant et courbé marchait à pas pesants,
       Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée.
       Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur,
       Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
       Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ?
       En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?
       Point de pain quelquefois, et jamais de repos.
       Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
       Le créancier, et la corvée
       Lui font d'un malheureux la peinture achevée.
       Il appelle la mort, elle vient sans tarder,
       Lui demande ce qu'il faut faire
       C'est, dit-il, afin de m'aider
       A recharger ce bois ; tu ne tarderas guère.
       Le trépas vient tout guérir ;
       Mais ne bougeons d'où nous sommes.
       Plutôt souffrir que mourir,
       C'est la devise des hommes.
      
Jean de LA FONTAINE      
1621 - 1695       



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