N° 184
Juin

http://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Juin 2018
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
http://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
Les Textes, photos ou images sont protégés par un copyright et ne doivent pas être utilisés
à des fins commerciales ou sur d'autres sites et publications sans avoir obtenu
l'autorisation écrite du Webmaster de ce site.
Copyright©seybouse.info
Les derniers Numéros : 174, 175, 176, 177, 178, 179, 180, 181, 182, 183,
EDITO
   Juin, le soleil souhaité !    

         Le temps poursuivant sa folle course, juin arrive sans tambours ni trompettes et il annonce l'été dans trois semaines. Il est vrai qu'au regard de la météo médiocre de mai, l'été ne montre pas des premiers signes encourageant.

        Ne soyons pas défaitistes, avec ses longues journées, juin est propice à la détente, à la rêverie, aux voyages, à la pêche, aux rencontres amicales et aux méchouis.
        Avec la Seybouse, la plupart du temps, vous voici déjà en vacances là-bas et en voyage au travers de la Mémoire.

        Juin est aussi le temps des retrouvailles pour les Associations mais aussi pour les groupes d'Amis ou de familles et c'est aussi le temps pour refaire le monde de notre passé d'exilés, donc savourons ces instants présents en attendant l'été.

        En congés ou en retraite, rien ne devrait nous empêcher de profiter de ces longues journées, espérons ensoleillées, où l'air est embaumé par le parfum des fleurs et des fruits. Des tendres soirées où l'apéro s'éternise autour de l'anisette, des kémias à profusion et l'on sent déjà l'odeur des grillades de viandes, sardines ou escargots, des fougasses, pizzas et caldis, fèves et pois-chiches au cumin…..

        Le Soleil, le Barbecue et la Table, qui dit mieux ?
Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,
        A tchao.

A TOUTES NOS MAMANS
Par Jocelyne MAS

Enfants n'oubliez jamais.
                Et à toutes celles qui ont rejoint le Pays des Braves, voici une ode à leur mémoire, car leur amour nous accompagne toujours. Elles veillent sur nous, nous protègent et nous aiment.
A ma mère,

Un ange est venu ce matin,
Prendre ma mère par la main,
Pour l'emmener vers Bains-Romains.

Entêtée et ordonnée,
Amoureuse d'Alger.
De sa terre natale aimant
Tout, le ciel, la mer,
Le sablé ondoyant
De ses plages et de son désert.

Généreuse et méticuleuse,
Chaleureuse et bienheureuse.
Charmeuse et travailleuse,
Un tant soit peu rêveuse.

Dans le ciel de velours sombre,
Une étoile est née.
Elle brille un peu plus que les autres,
Pour que nous puissions la repérer,
Dans l'univers des ombres.

Maman, ton souvenir
Éclairera nos lendemains.

Jocelyne MAS              
Poète Écrivain Conférencière              
http://www.jocelynemas.com              


LE MUTILE N° 50 de 1918 (Gallica)
LE CRAN
        
        On ne saurait trop reproduire les énergiques déclarations apportées, récemment, par M. Clemenceau à la tribune de la Chambre. Elles sont l'écho de ce que pense la France patriote - qui, de plus en plus, a du cran.
        La France a du cran. Et n'en déplaise aux Boches comme aux défaitistes à leur solde, elle en aura plus que jamais.
        Chaque jour elle le prouve dans les tranchées. C'est le tour des civils.
        Nancy, Reims, Dunkerque, Calais, pour ne citer que ces quatre villes, montrent depuis Longtemps une héroïque tenue sous les bombardements intensifs et répétés. Paris, quoi qu'il advienne, conservera à son tour son renom de bravoure devant les attentats des assassins ailés du Kaiser. C'est qu'elle a, notre vaillante Capitale, de douze à quinze siècles d'honneur et de traditions civiques et militaires, qui ont préparé ses nerfs à toutes les épreuves. Et, elle a, en plus, cet indomptable caractère d'indépendance qui la fait se mettre en travers de tous ceux qui font mine de vouloir la brimer.
        "Si donc les Boches ont fait le rêve d'exercer sur le moral de la France en général et de Paris en particulier une pression débilitante ils en seront pour leurs frais. Trahison, chantage, menace, cela a peut être cours sur leur frontière, de l'Est, cela n'a pas cours chez nous."
        Au contraire.
        Plus ils chercheront à nous intimider, plus nous aurons de cran.
        Notre Premier le disait dernièrement, en termes définitifs, aux acclamations des représentants du pays :
        "La tenue de nos soldats fait l'admiration de tous. Nulle excitation, une superbe sérénité d'âme, des propos pleins de gaieté, et, quand on parle de l'ennemi, quelquefois un geste pour faire comprendre que les efforts ennemis viendront s'épuiser devant le front. Et chez les parents de ces jeunes gens, quelle abnégation I Le civil n'est pas au-dessous du poilu."
        Et puis M. Georges Clemenceau s'écriait :
        "La paix, je la désire, il serait criminel d'avoir une autre pensée. Mais ce n'est pas en bêlant la paix que l'on fait taire le militarisme prussien. Ma formule est la même partout. Politique intérieure ? Je fais la guerre. Politique étrangère ? Je fais la guerre. La Russie nous trahit ? Je continue à faire la guerre. La malheureuse Roumanie est obligée de capituler ? Je continue la guerre. Et je continuerai jusqu'au dernier quart d'heure, car c'est nous qui aurons le dernier quart d'heure. " Voilà le cran. Le vrai.
        On ne saurait trop répéter, reproduire ces déclarations. Elles sont l'écho même dé ce que pensent les patriotes, les seuls qu'on doive écouter en ce moment, parce que, en ce moment, se concentre en eux ta vie du pays.
        Assurément, pour tenir, il faut un effort, du courage et de la vertu.
        Je ne sache personne qui n'en soit capable en dehors des espions et des propagandistes au service de l'Allemagne.
        Le cran, nous l'aurons, à l'avant, à l'arrière, jusqu'au "dernier quart d'heure".
        Nos alliés aussi.
        Sir Edward Garson déclarait, il y a peu de jours, à Londres : "Nous sommes en état de tenir nos lignes du front occidental. Dans le cas où il serait impossible de pratiquer une trouée, toute la question serait de tenir bon.
        Ce serait la mise a l'épreuve de la virilité et de la force de résistance des deux nations. Dut la guerre se prolonger une, deux, trois années, elle ne se terminerait pas sans que les Allemands eussent reconnu qu'ils sont les voleurs et les cambrioleurs que nous connaissons."

        Ce langage viril est le nôtre. Les assassins qui survolent nos villes ouvertes, ne nous effareront pas. Ils n'auront pas plus prise sur Paris que sur Londres qui en est à son cent quatrième bombardement.
        Ces meurtres, ces dégâts inutiles, loin de nous amollir, nous affermiront dans notre volonté de vaincre et de châtier.
        Ce ne sera plus le cran, ce sera le double-cran.
Henry BÉRENGER.       Sénateur .                 
100 ans après, où est le CRAN DE LA FRANCE ?


 Bulletin - Oeuvre de saint Augustin et de sainte Monique, patronne des mères chrétiennes  
N° 3 - Avril 1878 - Brochure trouvée à la BNF

LA KABYLIE  VI

RELIGION ACTUELLE.SUPERSTITIONS.

                               Me suis-je trop arrêté à cette question des origines chrétiennes des Kabyles ? Si quelqu'un le pense, il me le pardonnera. C'est bien le moins qu'un fils tienne à conserver intacts les souvenirs de sa mère. C'est bien le moins, lorsqu'on aime son pays, que de chercher à mettre au jour le titre le plus sacré de la France catholique à l'occupation de cette terre infidèle.

              Après tout, nous l'avons dit, nous ne voulons rien exagérer. Les Kabyles ont jadis été chrétiens le sont-ils aujourd'hui ? A mon cœur défendant, mais il l'a bien fallu, j'ai déclaré assez nettement que non. Au moins en religion, ils sont mahométans, ils le sont infiniment trop, sans pourtant l'être beaucoup.
              Le général Daumas, si versé dans la connaissance de la société indigène de l'Algérie, a dit du Kabyle que, ayant subi le Coran et ne l'ayant point embrassé, il ne s'en est revêtu que comme d'un burnous. Le mot est aussi juste qu'expressif. Encore le pauvre burnous est-il fort endommagé pour peu qu'on l'aide, il sera vite en lambeaux.

              L'honnête touriste qui, arrivant en Kabylie, s'attendrait à y trouver le musulman classique, tel qu'on l'a cent fois décrit, ritualiste, minutieux et intraitable, invinciblement fidèle à sa mosquée, à ses prières cinq fois par jour, à ses ablutions réglementaires, à la lecture de son Coran, à son pèlerinage de la Mecque, enfin à vingt autres pratiques, cet honnête touriste serait grandement trompé. Le kabyle, nous commençons à le connaître, de race foncièrement positive, a beaucoup allégé, pour la commodité de sa vie, le fardeau trop pesant des momeries musulmanes. Ce n'est pas que ces momeries soient bien crucifiantes, n'exigeant aucun sacrifice intime et suppléant aisément à la purification du cœur par l'ablution du pied. Toujours est-il qu'elles prennent du temps, imposent des gênes, bref, sont plus ou moins des servitudes or, là haut, on aime tant à garder ses coudées franches.

              L'usage de la circoncision, l'observation vaille que vaille du jeûne du Ramadan, l'abstinence du vin et de certaines viandes, la célébration de trois ou quatre fêtes dans l'année, quelques repas ayant un caractère sacré, à l'occasion des naissances ou des funérailles, voilà en somme à quoi se réduit le bagage religieux d'un Kabyle.
              Pour une religion qui consiste tout dans les pratiques, ce n'est pas énorme. Encore, si l'on n'en retranchait jamais rien. Mais tel qui a trop soif pendant le Ramadan mettra un morceau de glace dans sa bouche et vous dira effrontément que ce n'est ni boire ni manger. Tel autre qui vient de tuer un beau sanglier fera taire ses scrupules et mandera la viande interdite Dieu est grand et pardonne les faiblesses de l'homme. J'ai tort pourtant de m'occuper de ces fanfarons: ils sont l'exception, et s'il est un péché capital peu connu en Kabylie, c'est la gourmandise.

              Pour les prières, les prostrations, les ablutions, on les fera si le cœur vous en dit, mais on s'en dispense plus facilement encore. " Que ne vous battez-vous donc, au lieu d'être sans cesse à marmotter des prières ?" Disaient cavalièrement les chansons de la montagne à des tribus de la plaine qui avaient rendu les armes sans avoir fait parler la poudre. Ce qui est plus significatif, sur les sept jours de la semaine, pas un qui soit spécialement réservé à la Prière, au moins en fait et pour la masse.
              Rien absolument qui rappelle cet air de paix et de bonne fête qu'on respire dans ces beaux et joyeux dimanches de nos campagnes, et le vendredi, jour sacré des Musulmans, le jour où le grand Turc se rend pompeusement à Sainte-Sophie, est pour le Kabyle jour de marché, d'industrie et de labeur, comme le plus vulgaire des jours.

              Quelques écrivains, qui ont parlé des coutumes do la Kabylie, ont dit qu'au lieu de célébrer le vendredi, comme les musulmans, les Kabyles se reposent le dimanche, et ils ont apporté ce fait comme un témoignage précieux de leurs traditions chrétiennes. Cette tradition, je crois, provient d'un malentendu. Aucune tribu, que je sache, ne respecte le dimanche comme jour officiel du repos, et en vertu d'une idée religieuse. Seulement, si vous demandez à trois Kabyles quel jour ils se reposent, l'un pourra vous dire le vendredi l'autre, jamais, et le troisième, le dimanche. Mais allez au fond de la question avec ce dernier, et vous verrez bientôt que son habitude lui est entièrement personnelle et qu'il l'a tout simplement rapportée d'Alger ou de la plaine.
              De vrai, et voici encore qui montre bien l'état du culte en Kabylie, le moyen pour le Kabyle d'aller pompeusement à sa mosquée ? Sa mosquée est bien ce qu'il y a de plus primitif au monde. On avait beau chanter en 1857, alors que le canon des infidèles profanait tout sans merci : " La mosquée des Taourirt, des Aïn-Yenni, tombée sous les coups des Français, l'emportait sur toutes en beauté " Ce n'était pas dire beaucoup.

              La mosquée Kabyle est tout simplement l'une des humbles maisons du village, privée même, dans plusieurs tribus, de son indispensable minaret, quelquefois un peu moins étroite, un peu moins étouffée que les autres masures, mais tout aussi sale (et Dieu sait ce que je dis en disant cela !).
              Tout aussi délabrée, plus souvent hantée, quand elle n'est pas déserte ou abandonnée aux chauves-souris, par les oisifs, les voyageurs sans abri, les amis de la sieste et de l'ombre, que par les marabouts et les fervents.
              Le pèlerinage de la Mecque est fort négligé. Bienheureux sans doute qui a pu visiter le saint tombeau, et en rapporter du même coup, avec le titre de Hadj honoré de tous les bons musulmans, ce certificat de bonne vie qui d'avance vous met au pied dans le paradis du prophète! Mais le voyage est long et le montagnard pauvre. Généralement le Kabyle préfère voyager pour son commerce ou pour aller louer dans la plaine, au temps de la moisson, ses bras et son travail: C'est une excursion plus clairement profitable.
              Mais le menu peuple a bien d'autres terres à piocher. Il fut un temps, peu après la conquête de 1857, où l'autorité française d'alors prétendait introduire plus largement dans ces montagnes l'enseignement du Coran sans doute pour hâter la régénération et l'assimilation de ce peuple (?)

              C'était le temps (et nous pouvons dire qu'il est complètement disparu) où l'on faisait sonner bien haut, en Algérie, les mots de ce royaume arabe, où, pour singer la manière du premier Bonaparte, en Egypte, l'État payait les frais du pèlerinage à la Mecque, où la voix même du souverain recommandait " de développer l'instruction publique musulmane et d'entourer d'une solennité officielle la célébration des fêtes de l'Islam. " Dieu merci! au moins pour la Kabylie, Napoléon III en fut pour ses frais de belles paroles, et aujourd'hui comme avant, pourvu que le Kabyle gagne sa vie et qu'il sache qu'il n'y a de Dieu que Dieu, et que Mahomet est son prophète, peu lui importe le reste.

              Le Coran, est-cela peine d'en parler ? Il est bien pour le Kabyle, comme pour tout musulman, le livre saint, le livre par excellence mais il est encore plus le livre scellé. Pour le connaître il faut l'avoir lu ; et le moyen de le lire ? Pas de traduction berbère du coran; bien plus, nous l'avons dit, pas d'écriture berbère. Force serait donc de savoir entendre et lire l'arabe. Or, combien de Kabyles en sont-là Ceux d'entre eux qui s'expatrient et fréquentent la plaine comme colporteurs ou comme moissonneurs savent bien de l'arabe ce qu'il leur en faut pour se faire comprendre; mais le déchiffrer, c'est autre chose. La Kabylie, pays cependant très-démocratique et très-égalitaire depuis des siècles, est on ne peut plus en retard sur le brillant chemin de la science.

              La science, s'il est permis de donner un tel nom à quelques bribes d'instruction éminemment primaire, est le lot réservé du marabout ; les écoles des villages ne sont guère faites que pour ses enfants, et à eux seuls le privilège de devenir tolba, c'est à-dire étudiants, capables de réciter imperturbablement toutes les sourates du Coran sans en comprendre un traître mot.
              On le voit, le mahométisme à l'usage des Kabyles a été passé par un creuset, d'où il est sorti considérablement atténué. Est-ce à dire que ce soit un peuple sans croyance et sans Dieu, rieur comme un sceptique, matérialiste comme un athée, positiviste à force d'être positif? Tout cela est bon pour certains Algériens importés d'Europe, haineux contre Dieu, contre ses prêtres, contre tout ce qui porte un cachet religieux

A. DUGAS.               

LA KABYLIE  VII

RELIGION ACTUELLE.SUPERSTITIONS.

              Quant aux Kabyles, s'il en est qui connaissent les effronteries de cet athéisme exotique, c'est pour en avoir rapporté quelques échantillons des rues et des boutiques d'Alger, des fermes de la Mitidja ou des casernes françaises. Dans la montagne, on respire une atmosphère moins empestée. Encore une fois, on fait plus d'une brèche à la pratique; mais au moins on a des âmes ouvertes aux pensées de la foi, d'un monde supérieur, d'une vie immortelle, des âmes souples et soumises à toute autorité qui s'affirme comme venant de Dieu, pleinement accessibles au respect et à l'admiration pour tout ce qui a l'apparence religieuse.

              Sur quelques articles, comme la divinité du Coran, la mission de Mahomet, la prédestination absolue, ces pauvres gens, qui n'en savent pas long, musulmans parce qu'ils sont nés musulmans, ne sont malheureusement que des croyants trop asservis et trop tenaces, tout ce qu'il y a de moins libres-penseurs.
              Je n'entrevois qu'un point sur lequel les incrédules de France pourraient commodément s'entendre avec nos montagnards; c'est la morale. Encore la morale musulmane n'aurait-elle pas quelquefois des dehors un peu sévères pour la morale indépendante ?

              Pour dire toute notre pensée, l'atténuation que les Kabyles ont fait subir à leur mahométisme pour la facilité de la pratique, a plutôt épuré que volatilisé l'esprit naturellement religieux de ces peuplades.
              Gardant assez de foi et de naïveté dans la foi pour ne pas se raidir contre le surnaturel, elles se sont cependant débarrassées de ces mille détails du cérémonial musulman, qui sont autant d'obstacles à la vérité et entretiennent pour une bonne part le fanatisme de l'arabe; si un jour la lumière pouvait pénétrer jusqu'à ces âmes, elles y trouveraient certainement fa place moins encombrée.

              Au surplus, ne semble-t-il pas que Dieu travaille lentement, mais avec une miséricordieuse obstination, à faire tomber une à une les barrières qui tiennent encore ces populations séparées de nous? Comme s'il voulait signifier aux vainqueurs que, un peu plus tôt, un peu plus tard, ils devront sans violence, mais aussi sans faiblesse, seconder l'œuvre de la conversion du vaincu, et qu'enfin une heure sonnera où ce sera une lâcheté criminelle de continuer à parler timidement et tout bas là où a retenti tant de fois le tonnerre de nos victoires.

              De même que la famine qui, en 1868, a décimé les Arabes est devenue aujourd'hui pour ces malheureux, grâce à l'intelligente et intrépide charité de Mgr l'Archevêque d'Alger, la source d'incalculables bienfaits, ainsi l'insurrection kabyle de 1871, funeste à tant d'égards, n'a-t-elle pas été un coup de foudre salutaire destiné par la Providence à détruire des murailles dont jusque-là rien n'avait eu raison? Spectacle fortifiant que celui de ces jeux de la miséricorde divine, qui emploie pour ses fins les instruments en apparence les plus rebelles, les calamités et les fléaux Je m'explique.

              Avant ces derniers événements, la Kabylie recelait dans ses montagnes et dans ses gorges de mauvais génies qui étaient, pour la France et pour l'esprit chrétien, des adversaires redoutables je veux parler des marabouts influents, en renom de piété, d'austérité et de savoir, des Zaouïa et des Khouan.
              La Zaouïa, toute réserve faite, cela va sans dire, est un centre religieux qui n'est pas sans analogie avec les anciens monastères. C'est une agglomération d'habitations groupées ordinairement autour de quelque koubba ou tombeau vénéré, occupées par des marabouts, et le plus souvent renfermant tout à la fois école d'enseignement secondaire et auberge gratuite pour les pèlerins, les passants et les mendiants. Les khouan (frères) sont les membres des confréries religieuses musulmanes, c'est-à-dire trop souvent des agents de sociétés secrètes politiques.

              Ce n'étaient pas des ennemis nouveaux ni particuliers à ce coin de l'Algérie. On pourrait affirmer que, du jour où nous avons mis le pied en Afrique, c'est de ce triple foyer que sont sorties toutes les étincelles qui ont fait partir contre nous les fusils des Arabes. Même chez le Kabyle plus fou d'indépendance que de religion, la fibre nationale a toujours été moins sensible que chez l'Arabe aux excitations du fanatisme.

              Pourtant, là aussi, on croyait à ses marabouts et à ses saints. On se fiait aux appels des premiers, on comptait sur l'appui des seconds. Déjà la campagne de 1857 avait commencé à porter un coup à leur prestige. Les plus crédules avaient pu se convaincre dès lors que promesses de marabouts, si assurées qu'elles soient, sont loin d'être toujours infaillibles, et que les tombeaux des saints du pays étaient parfois des grande gardes peu vigilantes ou suspectes.
              Quels traits ironiques ne lancèrent pas à cette époque les chansons des tribus contre les saints, sans plus épargner les vivants que les morts! C'étaient des traîtres! Du moins ils s'étaient cachés ou laissé surprendre. Toutefois, peu à peu, l'apaisement s'était |ait, on avait oublié les torts de ces protecteurs jusque-là fidèles, un moment inattentifs, et l'on s'était repris à croire à ses prophètes et à se confier à la tutelle de ses génies. Bref, au commencement de 1871, ces trois foyers de révolte, Khouan, Zaouïa, marabouts, étaient incandescents le premier coup de vent pouvait faire échapper la flamme et mettre le feu au pays.

              Les agitateurs purent alors, avec trop d'apparence de raison, répéter à tous les échos de la montagne ce que Tacfarina, au rapport de Tacite, criait à ses affidés, dix-huit cents ans plus tôt : "Qu'au sein même de la métropole la chose publique s'en allait en lambeaux, déchirée par l'étranger; que la puissance conquérante n'avait plus qu'à dire adieu à l'Afrique, et qu'il était aisé d'en finir avec le reste de soldats qu'elle y tenait encore. "

              L'appel fut entendu et l'on se rua sur nous. Mais l'attaque fit long feu. Dieu attendait là, pour les confondre, ces beaux prophètes de délivrance et de victoire. Il est à croire que celte lutte, si fatale aux insurgés, aura été l'effort suprême d'une force agonisante. Le lion populaire du Djurjura a conservé un fond de bon sens que le lion civilisé a perdu sous les caresses hypocrites du monde moderne. Aux gardiens et aux guides qui l'ont trompé, il réserve autre chose que la faveur de ses suffrages. Au dire de tous ceux qui connaissent l'état actuel de la Kabylie, l'influence des marabouts y est tout à fait en baisse.
A. DUGAS.               
A SUIVRE

LE DERAILLEMENT D'EL GUERRAH   
Par Pierre Latkowski

                C'était au début de l'année 1944. Mobilisé quelques mois auparavant, j'avais été affecté à un régiment d'artillerie, d'abord à Constantine, puis à Oran, enfin à Tlemcen, à l'autre bout de l'Algérie. On nous accorda quelques jours de permission, et, avec plusieurs camarades bônois et constantinois, nous avions eu l'audace, ou l'inconscience, de vouloir parcourir un millier de kilomètres pour revoir nos familles avant un départ en Métropole. Je me retrouvai ainsi dans un train de permissionnaires cheminant vers l'Est. Voyage interminable dans des wagons bourrés au delà du possible. Passé Alger, nous avions encore la perspective d'une autre nuit dans un total inconfort, les mieux lotis ayant pu accéder au filet à bagages, mais pour la plupart serrés les uns contre les autres ou entassés dans les couloirs.
                Avant la tombée du jour, je vis à travers la vitre mon ami Mémé, me faisant de l'extérieur des signes qui s'efforçaient d'être discrets mais devenaient de plus en plus insistants, malgré mon refus de le rejoindre et d'abandonner un précieux bout de banquette. J'avais lié avec Mémé une amitié spontanée et profonde, restée fidèle bien au-delà des années de guerre. Je décidais enfin de lui faire confiance.
                A l'un des nombreux arrêts de notre train, il avait reconnu un employé des chemins de fer, collègue de son père. Ce brave homme avait voulu lui procurer un peu de confort en ouvrant, en queue du train, un fourgon où s'entassaient des ballots de vêtements. Découverte paradisiaque qui devait rester secrète sous peine de tout compromettre mais que Mémé ne pouvait garder pour lui seul.
                Sans doute, Mémé venait de me sauver la vie.

                Lorsque le train dérailla au matin, dans une grande plaine à proximité de la station d'El Guerrah, nous dormions tous deux profondément. Nous avons ressenti un arrêt un peu plus brutal que les autres sans nous en inquiéter. Les wagons de voyageurs étaient loin devant les fourgons. Ce n'est qu'en descendant sur le talus que nous mesurâmes l'ampleur du sinistre : les fourgons lourdement chargés avaient broyé les wagons de voyageurs contre la locomotive renversée, on ne voyait plus qu'un entassement de roues, d'essieux, de planches transformées en longues échardes transperçant les corps des voyageurs surpris dans leur somnolence. Je garde toujours en mémoire les appels de cet homme coincé sous une lourde pièce de métal impossible à déplacer, je ne peux oublier mon incapacité à lui porter le secours qu'il réclamait et la rage honteuse de m'éloigner de lui, sans un mot.
                On nous apprit qu'un tank anglais en exercice qui manœuvrait là avait touché la locomotive, que le nombre des morts se chiffrait à une soixantaine, et celui des blessés au double. Je n'ai jamais eu confirmation de ces chiffres. Les camarades de mon compartiment étaient tous plus ou moins grièvement atteints. L'un d'eux, Jean Claude Pancrazi avait péri, en voulant s'échapper par une vitre. iI était resté jambes pendantes, la poitrine coincée entre deux wagons qui s'étaient rabattus l'un contre l'autre. A une seconde près, il était sauvé.
                Nous sommes restés à seconder les équipes de sauvetage jusqu'à ce qu'un convoi vienne nous diriger sur Constantine. Nous n'étions qu'à une trentaine de kilomètres de l'arrivée.

                Je ne peux m'empêcher de revoir ces scènes sans y joindre le souvenir d'une dernière vision, qui aurait été grotesque, voire surréaliste, si elle n'avait été si tragique : celle d'un de nos camarades, Max Ténéroni, marchant d'un pas hésitant sur les décombres, en réclamant ses lunettes. Il était affligé d'une myopie avoisinant la cécité, mais n'avait pas été réformé pour autant. C'était la guerre...
Pierre Latkowski                 

ANNALES ALGERIENNES
Tome 1
2ème partie
LIVRE I
De l'Afrique septentrionale avant l'invasion du Mahométisme.
               Les, Européens, dont les colonies enlacent toute la terre comme d'un vaste réseau, croiraient ne posséder qu'imparfaitement les pays où ils transportent leur industrie et leurs espérances, s'ils ignoraient l'histoire et l'origine des races d'hommes qui les ont habités avant eux ; bien différents en cela, des Orientaux qui ne s'occupent guère plus des peuples qui les ont précédés, que de ceux qui doivent les suivre.

              C'est pour satisfaire cette curiosité que j'ai cru devoir réunir dans cet article et dans le suivant, un résumé des documents historiques que nous possédons sur l'Afrique septentrionale, et quelques observations sur les diverses races qui l'habitent.
              Les Grecs donnaient au continent africain la dénomination générale de Lybie. Celle d'Afrique n'a été appliquée pendant longtemps qu'à la partie de cette contrée, où les Phéniciens bâtirent Carthage. Selon Bochart, cité par Shau, le mot Afrique vient de Férique, qui, en langue Phénicienne, signifie épi ; on s'en serait servi pour indiquer la grande fertilité des environs de Carthage. Quoi qu'il en soit de cette étymologie, nous appellerons, dès à présent, Afrique la Lybie des Grecs.

              On ne sait rien des peuples Autochtones de l'Afrique septentrionale. C'est de l'Asie que cette contrée reçut les plus anciens habitants dont l'histoire ait conservé quelques traces. Ils lui vinrent de la Palestine et de l'Arabie.
              Selon Léon l'Africain " (Léon l'Africain était un savant Maure de Grenade qui se convertit au Christianisme, et qui a beaucoup écrit sur l'Afrique. Il vivait dans le 16e siècle.) ", les Chananéens, chassés de la Palestine par Josué et les Israélites, passèrent en Afrique, et s'y établirent. Quelques siècles plus tard, Maleck Afriki, toujours d'après le même auteur, y conduisit une nombreuse émigration d'Arabes Sabéens.
              Ces deux assertions de Léon sont corroborées d'assez fortes preuves, non quant aux détails et aux époques, mais quant à l'existence de deux émigrations, l'une Cananéenne, et l'autre Arabe.

              En effet, tout atteste qu'il a existé depuis fort longtemps en Afrique une race d'hommes distincte des autres par le langage et les habitudes. Cette race, qui a été le noyau des Kbaïles actuels, était désignée par les juifs Africains sous le nom de Philistins (Paleschtin) " (Je dois cette remarque à M. Maugay, capitaine du génie, qui a fait sur les origines africaines plusieurs savantes recherches qu'il se propose de publier). " C'est encore celui qu'ils donnent aux Kbaïles, en souvenir de leur origine Chananéenne. En second lieu, on trouve dans la, Régence une tribu bien connue, qui, selon toutes les probabilités, vient de la Palestine, c'est celle des Beni-Mzabou, Beni-Moab. Tous les rabbins instruits sont persuadés qu'elle descend de Moab, fils de Loth, et on lui reproche encore dans le pays son incestueuse origine. Les rabbins ajoutent que la postérité de Loth tout entière émigra en Afrique, et que c'est d'Amon, frère de Moab, et enfant incestueux comme lui, que descendent, les anciens Amonéens, qui portent actuellement le nom d'Amouni. La Genèse nous dit en effet que Loth eut deux fils de son inceste avec ses filles, et que de ces fils descendirent les tribus des Moabites et des Ammonites.
              Ces petits peuples étaient plus particulièrement en horreur aux Juifs, comme nous l'attestent plusieurs passages du Deutéronome, des Nombres et des Prophètes. Bien qu'ils existassent encore en Palestine, du temps des rois, comme on le voit dans la Bible, rien ne nous empêche de croire que plusieurs d'entre eux aient émigré en Afrique après l'invasion de Josué. Les vexations auxquelles ceux qui restèrent dans la Palestine furent exposés, après que David eut affermi la puissance d'Israël, finirent sans doute par les chasser aussi du pays, et ils allèrent rejoindre leurs frères d'Afrique.

              Nous ne discuterons pas ici la source de la Genèse, ni des autres livres hébreux dont la réunion forme ce que nous appelons la Bible ; mais il est certain que ce sont des monuments de la plus haute antiquité, et qu'ils servent à jeter quelque lumière sur des points fort obscurs de l'histoire des anciens peuples. Leur témoignage conduit même à une sorte de certitude, lorsqu'il est confirmé par celui souvent tout puissant des étymologies. Or, ici que voyons-nous ? deux tribus d'Afrique qui ont une parfaite similitude de noms avec deux anciennes tribus de la Palestine, persécutées dans ce pays. Cette dernière contrée fut donc leur berceau, du moins selon toutes les probabilités ; et elles s'en éloignèrent pour fuir la persécution.
              Le nom donné par les rabbins aux Kbaïles, n'est pas la seule trace de l'origine Cananéenne du noyau de ce peuple; la tribu de Phlissa, que nous écrivons ordinairement Flissa, la plus puissante de ces indomptables montagnards, vient encore attester par son nom leur parenté avec les Philistins. Enfin le nom propre de Ben-Chanaan, très commun parmi eux, est celui du père des Chananéens, qui, d'après la Genèse, fut Chanaan, fils de Chan et petit-fils de Noé ; cela ne prouve pas que la Genèse ait raison dans tout ce qu'elle nous dit des anciens Chananéens, mais cela démontre entre ces peuples et les Kbaïles une communauté d'appellations qui semble en indiquer une dans leur origine.

              Les Beni-Mzabs ou Mozabites, comme nous les appelons à Alger, parlent une autre langue que les Kbaïles. Mais il doit en être ainsi s'ils sont, comme tout le prouve, les descendants de Moab. En effet, Loth, père de Moab, sortait de la Mésopotamie et appartenait à la descendance de Sem comme Abraham. Les deux tribus qui lui doivent leur origine devaient donc, quoique établies dans le pays de Chanaan, parler une autre langue que les Philistins et autres Chananéens qui appartenaient à la descendance de Chan. On voit dans la Bible que ces deux peuplades habitaient à l'orient du Jourdain, et par conséquent à part des autres tribus. Je le répète encore, je n'ai pas en la Bible une foi aveugle, mais ce qu'elle dit ici prouve au moins que les Moabites n'avaient pas la même origine que le gros de la nation Cananéenne, dont la langue devait par conséquent différer de la leur, ce qui existe encore de nos jours entre les descendants des uns et des autres.
              Il ne faut pas que le grand nombre de siècles qui nous séparent de l'époque où nous plaçons l'émigration des Mozabites, soit une raison pour repousser les preuves que nous avons acquises sur l'origine asiatique de cette tribu ; car enfin, il n'est pas plus extraordinaire de retrouver ce petit peuple en Afrique, que d'y voir les Juifs ses anciens persécuteurs.

              Nous pouvons donc regarder comme un fait avéré le passage des Chananéens en Afrique. Quant à l'émigration arabe, Léon la considère comme un point qui n'est pas même sujet à controverse ; il dit que Malek qui la conduisit, avait avec lui cinq tribus, savoir Zanagra, Muçamoda, Zénéta, Haouara et Gomera, et que c'est d'elles que descendent les Maures. Toutes ces tribus sont fort connues ; celle des Zénètes surtout, figure avec éclat dans l'histoire des guerres d'Espagne. On trouve encore des Gomères près de Melilla, place occupée par les Espagnols, sur les côtes de Maroc. Il y a, comme nous l'avons vu dans la première partie, des Haouara dans la province de Titery. On trouve des Zanagra dans la Métidja au pays des Hadjoutes. Léon l'Africain devait donc très bien connaître les tribus dont il parlait.

              Au reste, nous avons plusieurs autres preuves de l'origine arabe des Maures ; d'abord, comme nous l'avons dit dans la première partie, l'histoire a conservé des monuments irrécusables d'une invasion fort ancienne de l'Afrique, par les Arabes, qui dominèrent l'Égypte fort longtemps, et y formèrent ce que les chronologistes appellent la dynastie des rois pasteurs. Ensuite il existait, au témoignage de tous les écrivains arabes, une grande analogie de mœurs et de langage entre les Arabes qui conquirent l'Afrique septentrionale après Mohamed, et les peuples de cette contrée, circoncis comme eux : ce qui amène tous ces écrivains à conclure que les Maures sont leurs frères arrivés en Afrique avant eux. Les historiens qui nous font connaître les commencements des Maraboutins, que nous appelons Almoravites, fondateurs de l'empire de Maroc, nous fournissent le plus de lumières à cet égard.
              La similitude des mœurs des Arabes et des anciens habitants de l'Afrique n'a pas échappé aux écrivains grecs et romains, entre autres à Strabon, qui dit positivement que les Gétaliens vivaient exactement comme les Arabes nomades. De plus on peut réunir quelques preuves, peu contestables, de l'existence de la langue arabe en Afrique, dans les temps les plus reculés. Ainsi le nom de Nasamous, qu'Hérodote et les écrivains qui l'ont suivi donnent à un peuple des environs de la Cyrénaïque, n'est autre chose que Nas-El-Amoun, qui en arabe signifie gens d'Amoun, comme on dit encore Nas-el-Medina, les gens de la ville, Nas-el-Outhan, les gens de l'Outhan, etc. De plus Hérodote donne aux tribus des montagnes de la Cyrénaïque la qualification générale de Kbaïles, qui est à peu près le nom dont se servent encore les Arabes pour désigner les tribus qui ont une origine autre que la leur.

              Sans pousser plus loin cette dissertation, nous poserons comme principe arrêté que les premiers peuples connus qui ont habité le nord de l'Afrique, étaient des Chananéens et des Arabes. Vient ensuite l'invasion phénicienne, dont le premier acte fut la fondation d'Utique, que les chronologistes placent en l'an 1520 avant J.-C.
              Celle de Carthage est postérieure de plusieurs siècles.
              Cette invasion n'eut pas le même caractère que les deux premières : elle se borne au littoral, car les Phéniciens, peuple essentiellement marchand, exploitaient le pays bien plus qu'ils n'y pénétraient. Aussi les Carthaginois n'ont jamais poussé de profondes racines en Afrique, et leur puissance n'y a été que précaire et factice comme celle d'une maison de commerce. Cependant, d'après Scylax, ils occupaient toutes les places maritimes depuis les colonnes d'Hercule jusqu'aux Syrtes, c'est-à-dire, depuis le détroit de Gibraltar jusqu'au golfe de la Sydre.
              Ils confinaient sur ce point aux Cyrénéens, colonie lacédémonienne qui s'était établie dans le pays appelé de nos jours Djebel-Akdar par les Arabes, mais plus connu en Europe sous le nom de Pentapole Cyrénaïque. Ainsi toutes les côtes de l'Afrique septentrionale étaient occupées par étrangers. Les Grecs de Cyrène, polis et amis des arts, ont fourni leur contingent à la masse des connaissances ces humaines. On a compté parmi eux des philosophes, des poètes et des artistes. Les marchands de Carthage n'ont laissé à la postérité que le souvenir de leur cupidité et de leur mauvaise foi devenue proverbiale.

              C'est à la présence des Grecs et des Phéniciens sur le littoral de l'Afrique, que sont dues les fables d'Atlas et du Jardin des Hespérides, qui renfermaient sans doute un sens caché, comme toutes les fictions de ce genre, et surtout les anciennes histoires des conquêtes d'Hercule dans le nord de l'Afrique. Ingénieuse allégorie, qui nous peint la lutte des lois et de la barbarie.

              Nous ignorons le nom dont se servaient les Carthaginois pour désigner les habitants de l'Afrique. Il devait peu différer de celui de Maure, si ce dernier vient, comme le croit Chénier, du mot hébreux Mahurin ou occidentaux.
              Scylax dit que ces peuples étaient appelés Marusiens par les Grecs, et Maures, par les Romains. Cette dernière appellation a prévalu. On les appelait aussi Numides, nom qui dérive évidemment de leurs habitudes nomades. C'est, du reste, ce que dit Solin, en propres termes. Ainsi il n'y a aucune distinction réelle à établir entre les Maures et les Numides.
              Lorsque les Romains se furent emparés de l'Afrique, ils appelèrent Numidie une de leurs provinces, mais il ne faut pas, conclure de là que les peuples qui l'habitaient fussent différents des autres Maures, pas plus qu'il ne faudrait établir de différence entre les Poitevins et les Vendéens. Cette dernière appellation, maintenant si célèbre, n'étant que le résultat d'une nouvelle division administrative de la France.

              Les. Maures, ou Numides, étaient divisés en petits états indépendants et souvent ennemis. Leurs chefs, que les Romains appelèrent Rois, n'avaient qu'une autorité très bornée et très chancelante; ils intriguaient sans cesse auprès des Carthaginois, et ensuite auprès des Romains pour obtenir d'eux les moyens de s'entre-détruire. C'est ce que font encore les tribus arabes auprès des Français, mais ceux-ci ne savent pas en profiter. Les Romains, plus habiles, employèrent les Numides contre les Carthaginois d'abord, et ensuite les armèrent les uns contre les autres. A l'époque de la seconde guerre punique, les deux plus puissants chefs Numides étaient Syphax et Massinissa.
              Après avoir changé plusieurs fois de partis, ils se fixèrent, le premier dans celui de Carthage, le second, dans celui de Rome. La capitale de Syphax était Siga, dont on voit les ruines au fond du golfe d'Harsch-Goone, dans la province d'Oran. Massinissa régnait à Cirta, qui est à présent Constantine. Carthage et Syphax succombèrent. Une paix humiliante laissa à Carthage une ombre d'existence politique, mais Syphax périt, et ses états furent ajoutés à ceux de Massinissa, qui s'accrurent ainsi aux dépens des Carthaginois. Rome, qui les laissait encore vivre, voulait cependant les tenir en bride, en créant à leurs portes une puissance formidable qui lui dût son existence.

              Après la troisième guerre punique, qui amena la destruction totale de Carthage, les Romains s'établirent eux-mêmes en Afrique, et la Provincia Africa fut constituée. Dès lors il fut facile de prévoir qu'une lutte aurait lieu entre eux et le royaume de Numidie, dont ils n'avaient plus besoin. C'est ce qui arriva sous Jugurtha, second successeur de Massinissa. Ce prince, après s'être défendu avec un courage, avec une habileté et une persévérance dignes d'un meilleur sort, fut écrasé par le colosse Romain, et son royaume fut réduit en province romaine, moins la partie occidentale, donnée à Bocchus, autre Roi Maure, qui avait été utile aux Romains dans leur guerre contre Jugurtha.
              L'histoire des successeurs de ce Bocchus n'est pas bien claire. On n'a pas non plus de grandes lumières sur les limites et l'étendue de son royaume, mais on sait que Juba, qui l'a possédé, prit parti pour Pompée dans la guerre civile qui déchira le sein de Rome, qu'il périt dans la lutte, et que son fils fut conduit à Rome par César, son heureux vainqueur. Ce jeune prince, qui s'appelait aussi Juba, se distingua dans la suite par ses connaissances variées et les grâces de son esprit. Auguste le prit en affection et lui rendit le royaume de son père. Il établit sa résidence à Jol, qu'il appela Césarée, par reconnaissance pour son bienfaiteur. Il s'occupa pendant tout son règne du soin de l'embellir, et en fit une cité fort remarquable. C'est maintenant Cherchell, bien déchue de son ancienne splendeur.

              Auguste avait eu soin, au reste, de ne laisser guère à Juba d'autre occupation que celle de bâtir et de se livrer aux inoffensives distractions de la littérature, car il avait hérissé son royaume de colonies romaines indépendantes de lui. Les principales étaient Rustonium, dont ont les ruines auprès d'Alger; Saldœ, maintenant Bougie ; Igilgi, qui est Djidjeli ; Portus Magnus, maintenant Mers-El-Kébir (c'est le même nom en arabe) ; Cartenna, maintenant Tenez ; Arsenaria, qui est Arzew ; Banesa ou Valencia ; Julia Constantia Zilis ; Babba ou Julia Campestris. Ces trois dernières, qui étaient tout à fait à l'extrémité de la Mauritanie du côté de l'Océan, relevaient de la Bétique.
              Après la mort de Juba, son fils Ptolémée monta sur le trône, où il ne parut qu'un instant. S'étant présenté, à Rome pour rendre hommage à l'empereur qui était alors Caligula, ce fou furieux, jaloux du luxe qu'il y déploya, le fit assassiner. Ce fut la fin du royaume de Mauritanie, dont Claude, successeur de Caligula, fit, peu de temps après, deux provinces romaines, la Tingitane, qui eut Tanger pour capitale, et la Césarienne, dont la capitale fut Césarée.

              Claude et ses successeurs étendirent le système des colonies, qui leur assura pendant plusieurs siècles la libre possession du pays. On sait que ces colonies étaient des petits états constitués à l'instar de Rome, ayant, au lieu de Consuls, deux magistrats qui portaient le titre plus modeste de Décemvirs, et pour sénat un conseil municipal. Dès l'instant qu'une ville était constituée en colonie romaine ou municipe, tous les habitants jouissaient des droits de citoyens romains, quelle que fût leur origine. Souvent ces colonies étaient toutes militaires et formées de vétérans, ce qui avait lieu sur les points où l'emploi de la force paraissait devoir être nécessaire. On a répété jusqu'à satiété, dans les derniers temps, que les Romains n'ont jamais pu dompter les habitants des montagnes, les terribles Kbaïles, qui, de nos jours, semblent en effet indomptables ; mais c'est là une de ces assertions hasardées par la légèreté ou par l'ignorance, et qui ne peuvent soutenir l'examen. On trouve des ruines de monuments romains au sein des vallées les plus reculées de l'Atlas, on en voit dans la tribu des Béni-Abés, une des plus indépendantes des tribus Kbaïles de nos jours ; enfin l'existence incontestée et incontestable des villes de Sava et de Sitifi, au sud de Bougie, prouve qu'aucun lieu n'est inaccessible, quand on suit une politique sage et persévérante. Ce qui a pu égarer quelques personnes peu familiarisées avec les études historiques, c'est un passage de Procope, où il est dit que les Romains ne pouvaient aller que par mer à Césarée, parce que les routes de terre étaient sans cesse interceptées par les tribus des montagnes qui avoisinent cette ville. Mais Procope entend par Romains les Grecs du Bas-Empire, qui reconquirent l'Afrique sur les Vandales. A cette époque, presque toutes les anciennes colonies avaient cessé d'exister, et les montagnards s'étaient accrus des débris des Vandales.
              Au reste ; les vrais Romains eurent bien, de temps à autre, quelques révoltes à réprimer ; une dès plus terribles fut celle que suscita, dès la première année de la réunion de la Mauritanie à l'empire, Edmond, affranchi du malheureux Ptolémée, mis à mort par Caligula.

              Une autre opinion, non moins erronée que celle que nous venons de combattre, est celle que les Romains ne tiraient de la Numidie que des bêtes féroces. Elle est appuyée sur ce passage de Pline : après une courte description de la Numidie, cet écrivain dit: Tusca fluvius Numidiœ finis ; nec prœter marmoris numidici et ferarum proventum nihil aliud insigne ; c'est-à-dire, le fleuve Tusca est la borne de la Numidie, et il n'y a plus rien de remarquable (à en dire) si ce n'est l'abondance de marbre et de bêtes féroces. Cela ne prouve pas du tout que cette province ne fût pas susceptible de produire autre chose.
              Au reste, serait-ce là le sens de l'auteur, qu'on ne serait pas autorisé à rien en conclure de désavantageux contre la Régence d'Alger ; premièrement, parce qu'une partie seulement de son territoire était comprise dans la Numidie ; secondement, parce que l'autorité de Pline ; quelque respectable qu'elle soit, ne saurait prévaloir contre les faits qui nous attestent la fertilité du pays Algérien.
              Sous Constantin, dernière époque de la grandeur romaine, l'Afrique était divisée en neuf provinces, savoir : la Mauritanie Tingitane, qui s'étendait depuis l'Océan jusqu'au fleuve Malva, à présent la Mullooïah, qui se jette dans la Méditerranée, à quelques lieues, à l'ouest de Touut ; la Mauritanie Césarienne à l'est de la Malva, et la Mauritanie Sitifienne à l'est de la précédente, et séparée de la Numidie par le fleuve Ampsaga, à présent l'Oued-El-Kebir, qui se jette dans la mer entre Collo et Djidjeli ; la Numidie, qui s'étendait depuis le fleuve Ampsaga jusqu'à la Tusca, à présent la Zaine, qui sépare la Régence d'Alger et celle de Tunis ; la Zeugitanie ou Afrique proprement dite, qui commençait au fleuve Tusca et s'étendait jusqu'aux environs d'Adrumette. Le Bysacium, à l'est de la Zeugitanie, était compris entre cette dernière et la Subventana ou province de Tripoli, bornée à l'est par la grande Syrte ; venait ensuite la Cyrénaïque, puis enfin l'Égypte.
              Les capitales de ces provinces étaient pour les trois Mauritanies, Tanger, Césarée et Sitifi ; pour la Numidie, Cirta; pour la Zeugitanie, Carthage restaurée par César et constituée en colonie ; pour le Bysacium, Adrumette ; pour la Subventana, Leptis ; pour la Cyrénaïque, Cyrène ; pour l'Égypte enfin, Alexandrie.

              On sait qu'après Constantin, l'empire fut presque toujours divisé en empire d'Orient, dont le siège fut à Constantinople, et en empire d'Occident, dont Rome continua à être la capitale. Ce déchirement devint permanent après la mort de Théodose ; ses deux fils Honorius et Arcadius régnèrent, l'un en Occident et l'autre en Orient, et ces deux grandes fractions de l'empire ne furent plus réunies. L'Égypte et la Cyrénaïque firent partie de l'empire d'Orient. Toutes les autres provinces de l'Afrique continuèrent à relever de Rome. Mais avant cette révolution, plus administrative encore que politique, il s'était opéré une révolution morale, admirable par son principe, immense par ses résultats. Je veux parler de la propagation du christianisme, cette lumière pure et éclatante, qui devait mettre les hommes sur la voie de leur complète émancipation. L'Afrique avait participé, comme les autres parties de l'empire, au changement de croyance qui s'opéra à cette époque, et son Église se rendit célèbre par les hommes remarquables qu'elle produisit. Je citerai entre autres Tertullien de Carthage, Lactance surnommé le Cicéron chrétien, St. Cyprien évêque de Carthage, enfin l'illustre St. Augustin évêque d'Hippone, le plus savant homme de son temps. On comptait plus de 160 évêques dans les trois Mauritanies seulement.

              Cependant, l'empire romain penchait vers son déclin. Les peuples du nord abandonnaient leurs frimats et, se précipitaient comme un torrent sur le midi de l'Europe. Les Gaules, l'Espagne, l'Italie même, avaient été envahies; l'Afrique ne tarda pas à l'être. Les Vandales, qui de la Scandinavie étaient arrivés en deux ou trois bonds dans la Bétique, où ils semblaient se reposer de leurs fatigues, convoitaient cette riche contrée ; l'occasion d'y pénétrer se présenta bientôt. A la mort d'Honorius, le diadème impérial, si fort déchu de son antique éclat, ceignit le front de Valentinien III, faible enfant, placé sous la tutelle de sa mère Placidie. Cette femme commit quelques injustices à l'égard du comte Boniface, gouverneur d'Afrique, qui ne trouva d'autre moyen de s'en venger que d'appeler les Vandales dans sa province.
              Ceux-ci, conduits par leur roi Genséric, s'y précipitèrent, et dans un espace de dix années, la subjuguèrent complètement. La plupart des colonies romaines périrent dans cette lutte. Genséric établit à Carthage le siège de sa puissance, de sorte que cette ville fut encore une fois la capitale d'un état indépendant.

              La domination des Vandales en Afrique dura 96 ans, depuis l'an 438 de l'ère Chrétienne jusqu'en l'an 534. Cette courte période suffit pour faire disparaître presque en entier la civilisation romaine de cette belle contrée. Mais il y avait dans la pression des Barbares du nord sur le monde romain, un défaut de suite et de calcul, qui de temps à autre redonnait l'avantage à ce dernier. Cette réaction fut surtout sensible sous le règne de Justinien. Cet empereur arracha l'Italie aux Ostrogoths, et l'Afrique aux Vandales. Il ? t ces deux conquêtes par les mains du célèbre Bélisaire, qui en l'an 434 détrôna Gélimer, dernier roi Vandale, et mit l'Afrique sous les lois des empereurs de Constantinople. Alors commença Pour l'Afrique, la période Gréco-Romaine, qui s'étend jusqu'à l'invasion des, Arabes.

              Le pouvoir des empereurs d'Orient ne fut jamais solidement établi en Afrique. Il n'existait presque plus de colonies romaines pour l'appuyer. Les tribus Maures avaient repris leurs habitudes d'indépendance, les Vandales s'étaient retirés dans les montagnes, où, unis aux Indigènes, ils bravaient les efforts des gouverneurs grecs de Carthage, et donnaient naissance aux Kbaïles modernes par leur alliance avec les anciens. Salomon, successeur de Bélisaire, remporta bien quelques avantages sur eux, mais il ne put jamais les dompter. Ces braves montagnards ont conservé jusqu'à nos jours leur liberté et leur indépendance ; voilà sans doute ce qui a fait dire à quelques personnes, comme nous en avons déjà fait la remarque, que, les Romains n'ont jamais eu action sur les Kbaïles, cela n'est vrai que pour la période Gréco-Romaine qui n'a guère plus d'un siècle d'étendue.
              Tel était l'état de l'Afrique lorsqu'elle fut envahie dans le VIIème siècle par les Arabes Mahométans, ainsi que nous allons le voir dans l'article suivant.



LA FERME DE MON PÈRE
De Monsieur Alain ALGUDO
AVANT 1962


Le Paradis perdu



Mon père avec un contremaître



Le vignoble



En 1952, Bebdehiba, Laradj et Alain Algudo et la pastques


APRES 1962, en 2018

Ruines de la ferme



Le hangar


La désolation des bâtiments



L'ancien vignoble


La destruction des terres rendues au "désert"

       J'avais demandé à un de nos amis de prendre des clichés de ma ferme située entre Ouréha et Rivoli, proche de MOSTAGANEM , exploitation que nous avions créée, sortie de la rocaille, pour en faire au bout de 10 années un magnifique vignoble, avec bâtiments et un mur entourant les lieux, le tout construit avec des pierres extraites du sol calcaire de ce lumineux plateau surplombant la baie d'Arzew. Quel désastre aujourd'hui ! En " conformité " avec les dits " accords d'Evian gaullo/fln protégeant les personnes et les biens ", nous étions alors expulsés des lieux en 1962, manu militari, en même temps que le gérant que nous avions formé, ce cher Bendehiba BENASLA, qui menait le vignoble et les champs de pastèques attenants de main de maître. Aujourd'hui tout n'est que ruines, bâtiments écroulés, d'autres en ruine, terres en friches, le mur de clôture servant de carrière de pierres à bâtir (n'importe où, n'importe comment). J'en ai informé notre Ami Boualem SANSAL . Voici ce qu'il me répond :
       " Je comprends cela cher Alain, ce paradis est devenu un enfer, rien n'a résisté au déluge de médiocrité et de méchanceté qui s'est abattu sur ce pays. Le drame est que cela est irréversible. Mais on voit la même chose en France, les banlieues qui étaient des havres de tranquillité et beauté ont été transformées en quelques petites années en bidonvilles cauchemardesques et cela ne fait que commencer, la tache d'huile avance à une vitesse terrifiante. Moi je suis très pessimiste de ce côté, j'étais loin de penser que ça prendrait que quelques années, je voyais cela en décennies. Quand donc les Français vont-il se réveiller ? Jamais, ils font ce que nous avons fait, nous nous sommes tus et nous avons détourné le regard. Il nous faut maintenant cuver notre défaite et notre honte.
       Bien fraternellement
. Boualem SANSAL

       Personnellement je considère que quand un peuple n'a même pas honte de son incapacité, c'est qu'il a déjà cessé d'exister. Et ce n'est même pas de la rage qui m'anime devant un tel spectacle, simplement du dégoût et surtout du mépris.
       Alors devant un tel gâchis, de tels ravages qui atteignent presque tous les éléments de ce magnifique Patrimoine dont on nous a dépossédés, on se demande comment il est possible d'arriver à un tel degré d'incompétence, à une telle capacité à retrouver cet instinct de destruction traversant le temps. Ils l'ont fait, ils continuent ainsi à actualiser l'histoire lointaine de ces hordes barbares venues d'Arabie détruisant les civilisations trouvées sur sur leur passage. Dans l'Algérie actuelle, nous y sommes, désarmés devant ce qui paraît être chez ces nouveaux " Huns " une façon d'agir inscrite dans leurs gènes.
Alain ALGUDO 


LES EXILES
ECHO D'ORANIE - N°297

        Ils venaient de Paris, d'Espagne, d'Italie, de Corse,
         D'Alsace, de Bretagne, de Malte ou de la Beauce;
         Ils avaient assaini, défriché, semé dans le pays;
         C'étaient des réprouvés sous ce soleil maudit;
         Certains étaient repartis, beaucoup étaient restés
         Vivant de peu, travaillant avec ténacité;
         La charrue dans une main, le fusil dans l'autre,
         Les berbères n'avaient jamais vu de tels hôtes !

         Ils avaient défendu, pendant les deux guerres,
         L'honneur et le drapeau de la " France entière " .
         Des tranchées de Verdun à Monte-Cassino.
         Dans les batailles ils n'avaient pas d'égaux
         Ils vivaient heureux ayant peu de besoins,
         Un général décida de leur sort si soudain.
         Ils quittèrent à jamais la terre de leurs ancêtres,
         Où les gars de Bugeaud avaient usé leurs guêtres.

         Ils virent s'éloigner, avec plein d'amertume,
         Les côtes d'Algérie dans un torrent d'écume.
         Ils avaient une valise au moment de partir,
         Un maigre baluchon, une foule de souvenirs ;
         Souvenirs de bonheur comme l'été sur la plage,
         Noël en famille, les moissons, les mariages.
         Ils quittèrent leurs morts, leurs maisons, leurs métiers,
         Les champs de blé, les vergers et les oliveraies.

         Ils débarquèrent harassés, malades, hués,
         Les derniers héritiers des valeureux pionniers.
         Agriculteurs, commerçant, ouvriers, fonctionnaires,
         Peu de mains se tendirent pour leur vie nouvelle;
         Des vexations fusèrent, des vils et cruels.
         On les affubla, pour les moquer, d'un nom
         Dont ils firent un étendard un blason.
         Ils refirent leur vie avec patience et courage,
         Occultant leur misère, leur désespoir, leur rage.

         Beaucoup ont survécu après bien des tourments,
         Ne ménageant pas leur peine, sans compter les ans.
         Ils ont construit, rebâti, inventé,
         Avec obstination, optimisme, volonté.
         Ils ont gardé une grande nostalgie au fond des yeux,
         Des manières simples, l'accent, le geste chaleureux.
         Qu'ils soient de Saïda, d'Alger, d'Aïn-Témouchent,
         Tous repensent au passé, alors ils se souviennent.

         Souvent dans leurs songes, ils sont encore "la-bas" :
         Insouciants, riant, partageant une Mouna ;
         Ce ne sont que des rêves à jamais ancrés
         Dans leur pauvre mémoire, vestiges du passé.
         Ils ont refait leur vie, mais beaucoup ont vieilli
         Qui ne verront plus le ciel pur du Pays.
         L'Histoire ingrate les oubliera dans cent ans :
         La France n'a pas aimé tous ses enfants.

         Je suis un des leurs et c'est là un honneur,
         La marque des pionniers restera dans mon cœur.
         On nous appelle toujours pudiquement "rapatriés" ,
         Français nous sommes, mais nous resterons des Exilés.

Pierre CANAL        




Instituteurs et Prêtres pendant la guerre
L'Effort Algérien N°259, du 20 janvier 1933 .
               De la Revue des Indépendants de janvier 1933:

            Si les prêtres et religieux ont bien mérité de la patrie, il est une autre corporation qui, elle aussi, a moissonné les lauriers et connu les plus cruelles hécatombes, j'ai nominé la corporation des instituteurs.
           Oui, je sais - et je déplore - la grande majorité du corps enseignant primaire est d'esprit révolutionnaire. Toutefois. Il ne s'agit pas de cela dans cette étude, mais seulement de l'altitude des instituteurs sur les champs de bataille.
           Or, elle fut admirable. Sur 35.817 instituteurs mobilisés, 8.119 succombèrent à la guerre.

           Ceux qui chercheraient, déclare Drac, la raison du pourcentage élevé de morts parmi les instituteurs et les prêtres, devraient se rappeler que pendant la guerre, c'est le corps des officiers et des chefs de section qui fut d'emblée le plus atteint. Dès le temps de paix, un grand nombre d'instituteurs avaient accepté les grades d'officiers de réserve auxquels les appelaient naturellement leur instruction générale et leur aptitude au commandement.
           Il en fut de même pour une certaine proportion de prêtres quoique beaucoup furent uniquement aumôniers ou brancardiers et c'est ainsi que, côte à côte, l'instituteur et le prêtre jouèrent le rôle d'entraîneurs.
XXXXXXXXXXXXX
Les Arabes en France
           De la volonté :

           Une solution vient tout de suite à l'esprit. Prions les Arabes de rester chez eux, et surtout ne faisons rien pour les attirer sur notre sol. Solution simpliste. Les problèmes d'immigration présentent une autre envergure. Les appels et la main-d'œuvre indigène sont venus de nos usines. Elles en ont en un pressant, un urgent besoin. Maintenant l'habitude est prise et il parait difficile de fermer les frontières, surtout à ces hommes qui font partie de notre empire. Notre sollicitude à leur égard doit être plus vigilante encore. Nous avons créé pour eux des dispensaires spéciaux, des services médicaux. Il s'agit d'en étendre le nombre.

           On songe à la création d'un livret médical qui suivrait l'indigène chez lui quand il nous quitte de façon temporaire ou définitive, ce qui effectuerait la liaison des services de santé nord-africain et parisien.
           Le docteur Colombani, directeur de la santé au Maroc, est acquis à cette idée. Les autorités algériennes et tunisiennes n'y verraient sans doute nul inconvénient. Imagine-t-on le Maroc infesté lui aussi, par la tuberculose ! Cela serait d'une tristesse affreuse            



LE ROCHER DU LION Á BÔNE
Par M. Pierre Latkowski

Photo M. Pierre Latkowski
            
            Photo prise par Louis Latkowski, mon père, avec son 9x12 à plaques de verre.

            J'ai toujours le négatif.

            A la fraîcheur des joints de ciment on voit que la jetée du lion - la bien nommée - avait été récemment construite.

            Notre lion avait encore toute sa tête avant qu'en 1917 des "tueurs de lions" lui fassent sauter à coups de canon pour un vague pretexte de la défense de la baie de Bône contre des incursions possible de sous-marins.

            Alors que depuis des millenaires il avait résisté la fureur de la mer et les violences orageuses.

            Je pense donc que ce document a un certain caractère historique.

            
Pierre Latkowski (94 ans)             



De Gaulle " visionnaire " ?
Par M Piedineri                           Partie 1
Les mensonges de la propagande gaulliste
et la guerre d'Algérie

             " Qu'on ne dise pas que le régime gaulliste a " résolu le problème algérien " : on ne règle pas plus un problème en supprimant ses éléments de base qu'on ne résout une équation en déchirant et en jetant au panier la feuille de papier sur laquelle elle est écrite. Le problème algérien consistait à faire vivre ensemble deux peuples enracinés et mêlés sur un même territoire : on a purement et simplement éliminé un de ces peuples en le mettant en face du terrible dilemme : " la valise ou le cercueil ". " Jacques Soustelle

             Les gaullistes croient avoir gagné la lutte intellectuelle à propos de la guerre d'Algérie. Les arguments, sont bien connus : " c'était inéluctable ", " le sens de l'Histoire ", " le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ", et enfin le dernier, très en vogue à notre époque : " de Gaulle a été visionnaire sur l'islam et la démographie de l'Algérie ". Certains bourricots nous expliquent même que le grand Charles, en donnant l'Algérie au FLN, aurait empêché à la France de " devenir arabe " ! Si bien que les partisans de l'Algérie française, hier traités de fascistes et de nazis, sont aujourd'hui considérés de plus en plus comme des idiots, de naïfs précurseurs de SOS Racisme et de l'idéologie multiculturelle qui auraient œuvré sans le savoir à l'islamisation de la France. On le voit, ces hommes auront eu droit à toutes les étiquettes.
             En fait les gaullistes, qui se rendent bien compte, dans leur for intérieur, du désastre auquel a conduit pour l'Algérie et surtout pour la France, la politique de leur vénéré maître, essayent seulement de noyer le poisson en cherchant à faire croire que le général de Gaulle a " réglé " la guerre d'Algérie de façon rationnelle, quitte à le présenter comme un grand visionnaire entrevoyant " Colombey-les-Deux-Mosquées " dans sa boule de cristal " au cas où l'Algérie resterait française ".

             Eh bien non, de Gaulle n'a jamais été visionnaire en quoi que ce soit sur l'Algérie. Il voulait seulement s'en débarrasser le plus vite possible et à n'importe quel prix. " Ils vous intéressent, vous, ces Mohammed et ces Fernandez ? " , aurait-il un jour déclaré à des notables des Landes l'interrogeant sur ce pays. Européens et musulmans d'Algérie, d'après lui, ne " méritaient " pas en effet que la France perde son temps, ses hommes et son argent pour eux. Il faut aussi savoir, il faut aussi rappeler que le général de Gaulle n'a pas hésité à sacrifier et éliminer le peuple pied-noir en bonne partie parce qu'il souhaitait devenir le leader du Tiers-Monde ! Cela peut paraître grotesque - et ça le serait si ce n'était pas criminel -, mais c'est ainsi. On comprend donc que les admirateurs du général de Gaulle préfèrent mettre en avant la prétendue perspicacité de leur idole sur " la démographie ", " l'islam " algériens, et l'impossibilité d'assimiler des millions de musulmans à la nation française (assimilation dont il n'a d'ailleurs jamais été question en Algérie), plutôt que sa volonté de devenir le leader du Tiers-Monde, tellement cette idée paraît pour le moins farfelue aujourd'hui...

             Il est donc nécessaire et urgent de répondre à toutes les inepties que l'on entend régulièrement à ce sujet, car beaucoup de gens sincères et mal informés font confiance à la propagande et croient sincèrement que de Gaulle a agi comme un visionnaire et un patriote en Algérie. Or il n'en est rien, et nous allons le démontrer.

             Cette étude comprend trois chapitres, qui sont :
             I. " Vis-à-vis de l'Algérie, la France n'a plus de fierté " (Guy de Carmoy, 1967) - Accords d'Evian, immigration algérienne et soumission de la France à l'Algérie FLN
             II. Les partisans de l'Algérie française n'étaient pas des idiots, et le général de Gaulle n'était pas visionnaire : l'exemple de Jacques Soustelle
             III. Il existait des solutions intermédiaires entre l'Algérie française " éternelle " et la livraison des Pieds-Noirs au FLN

I. " Vis-à-vis de l'Algérie, la France n'a plus de fierté " (Guy de Carmoy, 1967) - Accords d'Evian, immigration algérienne et soumission de la France à l'Algérie FLN

             Commençons par évoquer l'immigration.
             De Gaulle visionnaire ? De Gaulle sauveur de son village bien-aimé, menacé par les combattants de l'Algérie française de devenir " Colombey-les-Deux-Mosquées " ? Il semble pourtant, de nos jours, que la France se rapproche de plus en plus d'une telle situation.

             On nous dira : " oui, mais le général de Gaulle n'y est pour rien, les vrais responsables de l'immigration sauvage, ce sont ses successeurs "... Les gaullistes ont d'ailleurs trouvé un bouc-émissaire idéal : Valéry Giscard d'Estaing, et sa loi sur le regroupement familial. Mais c'est oublier que le regroupement familial ne fit que confirmer une situation déjà existante, et ne fit qu'aggraver les choses. En effet, c'est dès le lendemain de l'indépendance algérienne, à partir de 1963, qu'a débuté l'immigration algérienne de masse vers la France, ancienne Métropole, les Algériens fuyant la misère FLN profitant notamment des dispositifs de libre circulation des personnes prévus par les accords d'Evian (accords signés entre la France et le FLN en mars 1962, ayant officiellement mis fin à la guerre d'Algérie), mais également de l'instauration d'une hypothétique " coopération franco-algérienne " prévue par ces mêmes accords. Laissons parler les chiffres :
             - En 132 ans d'Algérie française : 400.000 musulmans d'Afrique du Nord s'installent en France métropolitaine (dont une bonne partie entre 1956 et 1962).
             - En sept ans de gaullisme, d'Algérie indépendante, de dictature et de misère FLN (de 1962 à 1969) : plusieurs centaines de milliers d'Algériens (400 à 500.000 au moins, en comptant les clandestins) migrent en France. Et ce n'était qu'un début, puisque la France compte aujourd'hui sur son sol presque autant d'habitants d'origine arabo-musulmane que l'Algérie de l'époque...

             Et de Gaulle, plutôt que d'aller jusqu'au bout de sa politique de séparation entre la France et l'Algérie, et de procéder à un véritable échange de populations en invitant les Algériens de France à retourner dans leur pays et faire le chemin inverse de celui emprunté - de force - par les Français d'Algérie, de consentir au contraire - tout en bougonnant - à l'entrée sur le territoire français de centaines de milliers d'Algériens tout au long des années 1960, littéralement pris au piège qu'il était par ces " accords " d'Evian qu'il s'était empressé de signer. Et de Gaulle, plutôt que d'imiter un FLN ayant refusé catégoriquement aux Français d'Algérie le droit du sol et le droit à la double-nationalité, et rendre la pareille aux Algériens de France quitte à leur appliquer en retour la même intransigeance, de ne rien faire, conformément à la soumission totale dont il fit preuve face à ce même FLN à Evian en cédant à l'ensemble de ses revendications. Tout cela, sur fond de " politique arabe de la France ", là où le président de la République cherche à tout prix, au lendemain de la guerre d'Algérie, à cultiver une image de " grand décolonisateur " ami du Tiers-Monde, jusqu'à adopter un discours anti-impérialiste de bazar, et provoquer l'isolement de la France dans le concert international en s'opposant constamment aux Etats-Unis.
             Aussi les successeurs du général de Gaulle à la tête de l'Etat ont tout simplement poursuivi la politique que lui-même avait inauguré, contribuant, chacun à leur niveau, à faire de la compromission face au FLN et au pouvoir algérien, une sorte de tradition nationale désormais ancrée dans les mœurs.
             Du général de Gaulle qui en 1962 reste silencieux devant les destructions à grande échelle de cimetières chrétiens et monuments aux morts, ainsi que devant le massacre des harkis et les enlèvements d'Européens restés en Algérie, à Emmanuel Macron qui en 2017 s'en va fleurir à Alger le monument aux " martyrs " du FLN, en passant par le président Hollande, bafouillant, face à une lycéenne d'origine algérienne reprochant à la France d'avoir commis un " génocide " en Algérie, c'est la même pièce qui se joue, la même pente que l'on descend, la même soumission qui se poursuit.
             L'homme politique socialiste et ancien gouverneur de l'Algérie Marcel-Edmond Naegelen (1892-1978) est sans doute l'un de ceux qui ont le mieux analysé les conséquences à long terme des prétendus " accords " d'Evian, de la " coopération franco-algérienne " et de la soumission de la France à l'Algérie FLN, dans son livre " Une route plus large que longue " paru en 1965, témoignage précieux et prophétique. Naegelen, a bien montré jusqu'à quel point le président de Gaulle, poursuivant la chimère de devenir le leader du Tiers-Monde, a pu se soumettre aux volontés du dictateur algérien Ben Bella dans les années 1960, une soumission que l'on a un peu trop oublié aujourd'hui :

             " Le seul intérêt qui pourrait retenir l'Algérie de passer franchement, avec tout l'arabisme, dans le camp dit socialiste, c'est la crainte de perdre le soutien financier régulier et considérable, et l'aide technique indispensable à sa vie économique et financière que lui apporte la France. Or, ni les enlèvements, ni les égorgements de Français, ni les tortures infligées aux Musulmans qui avaient servi la France, ni les spoliations, ni les nationalisations, ni les violations flagrantes et répétées des accords d'Evian n'ont amené le gouvernement français à suspendre ou à menacer de suspendre ses versements financiers et à envisager le rappel de ses professeurs, instituteurs et techniciens [...].

             M. Ben Bella a donc le droit de penser que la patience du général de Gaulle est inépuisable et à toute épreuve, du moins quand il s'agit des rapports de la France avec l'Algérie, et que le gouvernement de la Cinquième République acceptera bien d'autres affronts et renversements des accords avant de se résigner à reconnaître par des actes que sa politique algérienne aboutit à toutes les pertes et à toutes les hontes pour la France et qu'il est nécessaire de mettre fin à ce marché de dupes. Le dictateur algérien peut donc continuer à user et abuser de la longanimité française. [...]

             Ben Bella affirme sa volonté d'indépendance complète et définitive, balaie des accords d'Evian tout ce qui peut le gêner [...] sans même avertir le gouvernement de Paris [...]. Paris lui permet cette affirmation, en ne protestant pas contre les violations répétées des engagements pris à Evian par le G.P.R.A., en publiant aussi des communiqués où il n'est question que de " discussions courtoises, dans une atmosphère de compréhension réciproque ". Le général de Gaulle, en recevant, comme disent les journalistes de la radio et de la télévision françaises, " son homologue " de la République algérienne, au château de Champs, a singulièrement contribué à faciliter cette tactique qui consiste à obtenir de la France tout ce à quoi elle s'était engagée, sans reconnaître ni accomplir ce que l'on avait promis. [...]

             L'impunité avec laquelle [Ben Bella] a violé de plus en plus fréquemment et de plus en plus gravement les accords d'Evian le fait apparaître comme un chef audacieux et heureux qu'une des plus grandes puissances coloniales du XIXe et du XXe siècle n'ose rappeler au respect des conventions dûment signées. "


             Puis M.-E. Naegelen poursuit en décryptant les grands projets géopolitiques du président de Gaulle, la " politique arabe " et tiers-mondiste de la France, au nom desquels ont été sacrifiés Pieds-Noirs et Harkis :

             " Le général de Gaulle rêve de regrouper sous son autorité morale et politique les Etats du Tiers Monde dans le but de constituer entre le colosse russe et le colosse américain une force capable de se faire entendre et respecter, dont il serait l'animateur et le porte-parole. Ainsi se réaliserait son ambition personnelle : jouer l'un des tout premiers rôles sur la scène mondiale. Or, dans ce bloc des Etats " non engagés ", qu'il s'agit d'engager sous la conduite du Président de la République française, la présence du monde arabe et arabiste est indispensable. Il doit y tenir un rôle important, y occuper une des premières places. Sans lui, toute la combinaison politique et stratégique s'effondre. [...] Il faut donc ne pas heurter le monde arabe. Il faut se le concilier. Impossible de se brouiller avec Ben Bella qui apparaît, au même niveau que Nasser, prophète et chef de l'arabisme. Impossible de répondre à ses violations des traités [...].

             On comprend donc que le général de Gaulle ne veuille pas de conflit avec l'Algérie. Entre un rêve de puissance et les intérêts, qui lui paraissent misérables, des Français d'Algérie, il a tout de suite choisi. Reggane est plus précieux que les fermes des colons et les boutiques des commerçants algériens. La grandeur française ne réside pas dans la présence et l'activité des Français sur un sol où ils sont nés et dans lequel dorment leurs aïeux. Elle est dans le rôle déterminant qu'elle pourra tenir parmi les grandes puissances, armées des terribles engins fabriqués et expérimentés à Reggane. " Le général de Gaulle, m'a dit un [...] Musulman algérien, construit des routes plus larges que longues. Elles sont engageantes, mais elles ne mènent pas loin. " [...] Ainsi s'explique que Paris ait tout laissé dire, tout laissé faire par Alger. "


             Voilà un exposé clair et précis.
             L'économiste Guy de Carmoy, qui pourtant était favorable à l'indépendance de l'Algérie, a lui aussi bien mis en avant la soumission dont fit preuve de Gaulle à l'égard de l'Algérie FLN tout au long des années 1960, dans l'objectif chimérique de gagner l'amitié du " monde arabe " et du Tiers-Monde :

             " Comment la France peut-elle entraîner cette vaste et turbulente clientèle ?... Il n'est qu'un moyen, coopérer à tout prix avec le pays contre lequel la France a conduit, pendant près de huit ans, la dernière guerre coloniale. Si la France entraîne l'Algérie dans son sillage, elle entraînera le Tiers-Monde... Elle acceptera les avanies, les rebuffades, la violation ouverte et délibérée des engagements clairs et récents. Frappée sur la joue droite, elle tendra la joue gauche. Vis-à-vis de l'Algérie, la France n'a plus de fierté. Par quelle " porte étroite " la grandeur doit-elle parfois se faufiler ? Ben Bella a compris, et Boumediene après lui... Il est dans une position de chantage. Il en profite en toute impunité. L'hôte de l'Elysée s'incline... "

             " L'hôte de l'Elysée ", c'est bien sûr le général de Gaulle... Et Jacques Soustelle de renchérir :

             " Il faut reconnaître à Ben Bella et à sa clique l'art consommé de prendre des mouches avec du vinaigre. Le masochisme français, il est vrai, les y aide " . ;
             " Je suis convaincu pour ma part qu'il y a au moins un Français de haut rang qui sait parfaitement que les
" accords " d'Evian sont caducs et l'ont été dès leur signature, et que le " règlement " de l'affaire algérienne a été une duperie : c'est de Gaulle lui-même. Alors, il veut à tout prix " se refaire ". Le souvenir et le regret de nos déboires orientaux aidant, il place les mises de la France sur la carte arabe. Plaire aux Etats arabes, c'est s'ouvrir, imagine-t-il, les portes du Tiers-Monde. Et le voilà à son tour parcourant la route des illusions et des désillusions où l'ont précédé les Britanniques. Car le " monde arabe " est un client à qui l'on doit toujours consentir des avances, mais qui ne rembourse jamais. "


             Et, plus de dix ans après l'indépendance de l'Algérie Soustelle disait encore :

             " Une comparaison me vient à l'esprit : au IVe et au Ve siècle de notre ère, l'Empire romain affaibli, ne pouvant plus ou ne voulant plus résister à la pression des Barbares, concédait à tel ou tel peuple un territoire, le titre de " fédérés " et des dons en nature ou en argent. Pour les Romains, il s'agissait de cadeaux destinés à entretenir la bonne volonté ; pour les " fédérés ", c'était bel et bien un tribut qu'ils exigeaient.

             Voilà donc dix ans que la Fance paie tribut à l'Algérie F.L.N., sans autre résultat que d'avoir vu année après année s'effondrer les accords d'Evian, s'évanouir les " garanties " solennellement promises, tous les biens français dévorés par des nationalisations en cascade, enfin le pétrole - suprême espoir et suprême pensée, ou plutôt suprême alibi - disparaître dans le cataclysme juridique de février 1971. Tout a été balayé, les bases du Sahara et Mers-el-Kebir comme le reste. "


             Il semble d'ailleurs que le paiementr de ce " tribut " continue encore de nos jours, puisque certaines études menées récemment ont démontré que pour une partie non négligeable de descendants d'immigrés Algériens, le versement par la France de nombreuses allocations et autres prestations sociales à leurs familles est considéré par eux comme un dû, une sorte de " rançon " que se doit de verser l'ancienne puissance coloniale en compensation du prétendu " pillage " de leur pays d'origine et des " crimes de la colonisation "...
             Faisons maintenant un petit tour d'horizon de la " coopération franco-algérienne " :

             Sur un ton excédé, le général de Gaulle lançait au président algérien Ben Bella en mars 1964 : " Cessez de nous envoyer des travailleurs migrants [...]. Nous n'en avons que trop. Vous avez voulu l'indépendance, vous l'avez. Ce n'est pas à nous d'en supporter les conséquences. [...] Nous n'en admettrons plus. Débrouillez-vous pour les faire vivre sur votre sol ". Mais ce de Gaulle-là fait étrangement penser à l'un de ses successeurs, Giscard d'Estaing, incitant en vain, à la fin des années 1970, les immigrés Algériens à rentrer au pays par l'instauration d'une prime au retour… Un autre de ses successeurs, le président Chirac, se rendant en Algérie en 2003 était quant à lui assailli par des demandes de visas. Même Jacques Chirac qui trois ans plus tôt, laissait en toute impunité le président Bouteflika, en visite d'Etat en France, comparer les Harkis aux " collabos " de la Seconde Guerre mondiale. Plus récemment, un certain Emmanuel Macron, interpellé par un jeune Algérois l'interrogeant sur la repentance et la colonisation lors d'un voyage présidentiel, répondait, légèrement agacé : " Qu'est-ce que vous venez m'embrouiller avec ça ? " - tout en étant lui-même, à l'instar de ses prédécesseurs, extrêmement généreux en termes d'obtention de visas en faveur des Algériens (tradition de la Cinquième République oblige…). Emmanuel Macron qui, en voyage en Algérie quelques mois plus tôt n'avait pourtant pas manqué de qualifier la colonisation française de " crime contre l'Humanité ". N'oublions pas non plus François Hollande, qui, président de la République en fonction se confiait à des journalistes il y a quelques années : " Je pense qu'il y a trop d'arrivées, d'immigration qui ne devrait pas être là. [...] Comment peut-on éviter la partition ? Car c'est quand même ça qui est en train de se produire : la partition. "
             Ainsi, le " visionnaire " de Gaulle, en 1962, refusait non seulement l'Algérie française, mais également le projet moins ambitieux d'un partage de l'Algérie, jugeant cette solution " satisfaisante pour l'esprit " mais " pas pratique " , et condamnant ainsi à l'exil sans retour plus d'un million de ses compatriotes suivis par des centaines de milliers d'autres Algériens fuyant la misère FLN. Cinquante ans après, c'est désormais du risque de partition du territoire français dont parle Hollande. De compromis en compromis... A tel point qu'un rapport publié l'été dernier par l'Institut Montaigne nous expliquait, je cite, que " le Maghreb n'est plus une simple affaire de politique étrangère pour nous, c'est aussi une question de politique intérieure. La stabilité du Maghreb, c'est notre stabilité. La prospérité du Maghreb, c'est notre prospérité. Les problèmes du Maghreb, ce sont nos problèmes " ...
             C'est pourquoi le philosophe Emmanuel Navarro a écrit récemment :

             " Voici, à présent, une Algérie dressée au-dessus de la société française comme la statue du commandeur. [...]
             L'Algérie est cette " entité " abstraite, dont la faiblesse nationale érigée en vertu (l'ouverture aux autres) se laisse abuser. La France avance fièrement en reculant. Il ne lui reste plus qu'à penser les stratégies qui lui permettront de se préserver de l'immense coup de boule qui la guette. "


             Les accords d'Evian, ou comment s'attacher un boulet au pied pour des décennies et des décennies, pour ne pas dire des siècles et des siècles. " Evian dans le long terme, cela signifie […] à la fois la décolonisation et l'affirmation d'une politique de coopération franco-algérienne, laquelle à travers des hauts et des bas a survécu à De Gaulle " , indiquait en 1997 l'historien de gauche Charles-Robert Ageron, qui parlait aussi d'" une aide privilégiée et de longue durée " dépassant " largement les engagements pris par la France " envers l'Algérie, à tel point qu'un universitaire marocain, en 1989, s'étonnait de " la prédilection française pour la coopération avec Alger ", " de l'aide financière massive qui lui fut consentie ", et " de l'indulgence systématique qui lui fut témoignée " . Et l'immigration fait partie de cet ensemble. Ainsi le journal Valeurs actuelles, dans un dossier récemment consacré à " la bombe algérienne ", nous apprenait que les Algériens, aujourd'hui encore, profitent de certaines dispositions favorables des accords d'Evian pour venir s'installer en France... Plus de 50 ans après !
             Dès la signature de ces accords d'Evian d'ailleurs, nous dit encore l'historien Charles-Robert Ageron, les opposants à la politique algérienne du général de Gaulle alertaient déjà sur le risque, je cite, que " la liberté de circulation concédée par De Gaulle aux ouvriers algériens " ne provoque " une immigration massive " ! Ne seraient-ce pas eux, sur ce point, les véritables " visionnaires " ?
             Il faut aussi savoir que même l'aile gauche de ceux que l'on appelle les " partisans de l'Algérie française ", dénonçait les dangers d'une immigration algérienne toujours plus importante au lendemain des accords d'Evian. C'est le cas du socialiste Marcel-Edmond Naegelen (personnalité dont on a dit que les organisateurs du putsch d'Alger d'avril 1961 avaient pensé à lui pour remplacer le général de Gaulle à la présidence de la République ) qui écrivait, trois ans seulement après leur signature, à un moment où le général de Gaulle est toujours au pouvoir, au sujet de l'immigration et des immigrés Algériens :

             " Dans la région parisienne ils ont établi de véritables bidonvilles [...]. Beaucoup de ces pauvres diables sont jeunes et n'ont jamais travaillé avant leur arrivée en France. Ils n'ont pas de métier et sont voués aux besognes à la fois faciles et pénibles. Parmi eux s'introduisent quelques " blousons bruns " experts en agressions et en rapines, et des souteneurs.
             Ils posent aux autorités françaises de multiples problèmes. Au ministère du Travail, débordé par cet afflux toujours grossissant de main-d'œuvre non qualifiée, ne correspondant pas aux besoins de l'économie française. [...] Le ministère de l'Intérieur n'est pas le moins préoccupé par la présence sur le territoire français de cette masse facilement manœuvrable. [...]

             Soixante-dix mille Algériens ont, depuis la proclamation de l'indépendance, demandé la nationalité française. Il n'en demeure pas moins que la présence sur le sol français, réduit à peu de chose près à l'hexagone, de cette masse de plus d'un demi-million d'hommes de nationalité étrangère, pose un problème sans précédent au gouvernement et au peuple français. Leur nombre ne cessant de croître, il prend de plus en plus l'importance d'un danger pour la sécurité intérieure. Désormais une minorité, [...] permanente dans son épaisseur et son imperméabilité, est installée dans nos régions industrielles les plus actives où se trouvent les organes essentiels de la vie française. Autour de nos mines, de nos grandes usines, de nos chantiers où se préparent les forces économiques de demain, se rassemblent des foules de plus en plus nombreuses de prolétaires qui ne parlent pas, ou qui parlent mal notre langue, qui n'ont pas nos habitudes et nos croyances, nos besoins et nos modes de vie, qui se sentent eux-mêmes un corps étranger dans la société française.
             Certes, ils ne songent qu'à trouver du travail et à envoyer le plus d'argent possible dans le pays où ils ont l'intention de revenir, parmi les leurs. Mais ils sont soumis à des propagandes [...]. Durant la rébellion, le F.L.N. essaya, non sans quelques résultats, de les utiliser pour provoquer des troubles dans la métropole. [...]

             En 1965, la masse à remuer et à manœuvrer ainsi contre la paix intérieure française serait plus nombreuse et plus homogène qu'en 1959, 1960 et 1961. L'importance que le gouvernement français a donné au F.L.N., l'exclusivité qu'il lui a accordée pour représenter les populations algériennes ont enlevé au M.N.A. et à Messali Hadj l'influence qu'ils pouvaient encore exercer dans les milieux des travailleurs algériens en métropole. Quant aux partisans de la France, ils ont été réduits sauvagement au silence. Les agitateurs parleraient et ordonneraient maintenant au nom d'un Etat indépendant, d'un gouvernement reconnu, en brandissant un étendard planté sur les monuments d'Algérie où flottait encore, en 1962, le drapeau français. La besogne serait plus facile qu'avant la proclamation de l'indépendance algérienne.
             On nous accusera d'agiter un épouvantail, d'évoquer une situation qui ne se présentera jamais, et de peindre un danger purement imaginaire. En cas de conflit grave entre l'Algérie et la France, en cas de conflit international où l'Algérie se rangerait dans le camp opposé à celui où se trouverait la France, il est certain que la présence dans nos centres vitaux de plusieurs centaines de milliers de sujets d'une puissance ennemie constituerait pour la mise en défense de notre pays un péril considérable. [...]

             Nos plénipotentiaires à Evian n'ont pas songé ou n'ont pas voulu songer au danger que représenterait en cas de guerre cette présence dans notre pays de plusieurs centaines de milliers d'étrangers ou d'ennemis. Il leur fallait croire à la collaboration franco-algérienne et miser sur elle. Mais il n'est rien d'éternel dans les choses humaines et les accords et ce qu'on a appelé l'esprit d'Evian, n'ont pas duré plus longtemps qu'un coucher de soleil sur le lac. Les problèmes demeurent et, parmi eux, celui de la présence en France d'une masse grossissante de prolétaires algériens. Seuls, une rapide et considérable amélioration de la situation économique en Algérie, la disparition du chômage, la hausse du niveau de vie, la fin de la misère générale, le retour massif de ces travailleurs vers leur pays d'origine et l'arrêt à peu près total des départs pour la France pourraient le faire disparaître. Or l'Algérie n'entre pas dans une ère meilleure, la situation ne cesse de s'y aggraver. "


             Non vous ne faites pas erreur, l'homme qui, en 1965, écrit ces lignes, était bien socialiste. Mais un socialiste patriote qui connaissait bien l'Algérie, qui défendait les intérêts de la France, des Pieds-Noirs et Harkis, et non ceux du FLN. Un socialiste qui, sans être un " fanatique " de l'Algérie française, souhaitait la mise en œuvre de la solution la plus française, la plus intelligente, et la plus honorable à ce conflit.
             Citons maintenant Maurice Allais, prix Nobel d'économie 1988, qui dans son livre L'Algérie d'Evian paru l'été 1962 alertant les Français sur les conséquences dramatiques des accords d'Evian et le " crime contre l'Humanité " commis selon lui contre les Harkis et Pieds-Noirs par le pouvoir gaulliste, n'a certes pas manqué de relever, après avoir épluché ces accords, certaines dispositions relatives à l'immigration. L'économiste Maurice Allais, précisons-le, n'était en aucun cas un " ultra " de l'Algérie française. Cet homme, était un " libéral ", un humaniste. Dès le début de la guerre, il prit parti pour des négociations avec le FLN et pour l'indépendance de l'Algérie (en tout cas d'une partie de l'Algérie), tout en plaidant pour ce que l'on pourrait appeler une " troisième voie ", soit une Algérie indépendante organisée sur un mode fédéral ou, à défaut, une partition du pays. Voici donc son témoignage, sur le danger que pourrait selon lui représenter dans le futur la liberté de circulation accordée aux citoyens Algériens par le gouvernement du général de Gaulle. Citant le Premier ministre Georges Pompidou qui, expliquant à la nation le principe des accords d'Evian, déclarait le 27 avril 1962 : " Tous ceux qui voudraient rester Français, qu'ils soient Musulmans ou d'origine européenne, le resteront au regard de la France [et] conserveront l'intégralité des droits que cette qualité leur confère ", Maurice Allais s'interroge ensuite sur le sens de ces déclarations de Pompidou :

             " Quelle serait donc l'attitude du gouvernement algérien si plusieurs centaines de milliers de Musulmans désiraient émigrer en France ?
             A supposer même que cette immigration soit possible, est-il d'ailleurs sage de garantir inconditionnellement et sans limite de temps la nationalité française à ceux des Algériens qui le désireraient. Qui ne voit les dangers possibles d'une telle situation ? Supposons, par exemple, que l'Algérie devienne un Etat communiste. Alors la possibilité serait donnée sans restriction au gouvernement algérien d'envoyer en France des agitateurs communistes se réclamant de la nationalité française. Le G.P.R.A. a eu raison de stipuler dans les accords que du point de vue de l'Etat algérien l'option de nationalité offerte aux Français d'Algérie serait effectuée une fois pour toutes au bout de trois ans. La France ne saurait s'engager elle-même au-delà.

             Sur le seul plan économique et en cas de chômage massif en Algérie, ou en France, ou dans les deux pays à la fois, serait-il sage de donner à tout moment la possibilité pour tout Musulman de se réclamer de la nationalité française dans le cas de Musulmans ennemis de la France, alors que des Musulmans amis pourraient être empêchés de quitter l'Algérie sous des prétextes divers.
             Tant que la France disposait du pouvoir politique en Algérie, elle avait de multiples moyens de ralentir, voire de stopper, l'arrivée de travailleurs algériens en France. A l'avenir cette possibilité n'existera plus et si l'on suivait la déclaration de M. Pompidou, un nombre illimité de Musulmans pourraient à tout moment, sans limite de temps ni aucune restriction, venir s'installer en France et y jouir de tous les droits civiques. Est-ce là une position raisonnable ? Même si l'on s'en tient aux accords d'Evian, il résulte de la Déclaration des garanties (article 2) et de la Déclaration relative à la Coopération économique et financière (article 7) que tout Algérien aura à tout moment la possibilité de venir résider en France et d'y bénéficier de tous les avantages sociaux ? Est-ce là une clause raisonnable si un chômage massif vient à se constater en France ? Est-ce là une clause raisonnable, alors que la population algérienne doit doubler à bref délai ? On pourra toujours, certes, dénoncer les accords, mais si on les dénonce, ce sera au détriment des Français résidant en Algérie, véritables otages du futur Etat algérien.

             De telles dispositions sont manifestement tout à fait excessives, alors que cependant elles n'apportent aucune garantie réelle d'aucune sorte aux Musulmans pro-Français, à ceux qui nous ont fait confiance. "


             Ce témoignage de Maurice Allais est très intéressant, et, je ne sais pas pour vous, cher lecteur de La Seybouse, mais en ce qui me concerne j'ai de plus en plus de mal à croire, après avoir lu ça, que le général de Gaulle a été visionnaire sur l'Algérie.
             Mais plus encore que dans l'analyse des textes de lois et autres accords bilatéraux, c'est peut-être dans la psychologie des Français qu'il faut rechercher les causes de cette immigration.
             C'est connu, nombreux sont les Français à justifier le bien-fondé de l'immigration algérienne en France, au prétexte que " nos deux pays " auraient, je cite, " une histoire commune "... Pourtant l'indépendance de 1962 n'avait-elle pas pour objectif de séparer définitivement les deux peuples Français et Algérien (certes, au prix du sacrifice des Pieds-Noirs), en établissant entre eux une barrière infranchissable ?

             En réalité il est possible de voir dans l'accueil globalement favorable fait par la France, depuis maintenant des décennies, à cette immigration algérienne (le score élevé obtenu à la dernière présidentielle par Emmanuel Macron, partisan d'un " resserrement des liens " avec l'Algérie, nous le prouve), rien d'autre qu'une énième conséquence du mépris criminel dans lequel ont été tenus Pieds-Noirs et Harkis et de leur abandon sans gloire, là où les règles élémentaires de la solidarité nationale furent bafouées comme jamais elles ne l'ont été. Car a-t-on pensé une seule seconde à demander leur avis aux Pieds-Noirs et Harkis, au sujet d'une politique qui conduisait à accueillir sur le sol où ils ont trouvé refuge, ceux-là mêmes qui parfois les avaient chassés de leur maison ?
             Si ces derniers avaient été respectés dans leur être et non traités comme du bétail, parfois même calomniés et voués au lynchage, si l'on n'avait pas fait du titre de " Pied-Noir " un symbole de honte, si l'on avait pas insinué l'idée que ces Pieds-Noirs étaient responsables de leur malheur pour avoir " fait suer le burnous " ou soutenu l'OAS, si l'on ne s'était pas non plus permis de comparer l'Algérie française à l'Occupation allemande, les parachutistes à des SS, les Pieds-Noirs à des occupants et les Harkis à des collabos, il ne serait sans doute jamais venu à l'esprit de certains hommes politiques et au peuple Français, d'accueillir sur une aussi longue durée et à une si grande échelle ces hôtes imprévus que sont devenus les immigrés Algériens et leurs descendants, au lendemain de huit années d'une guerre atroce. Car c'est dans cette repentance maladive, dans cette dévalorisation du " colon " et de tout ce qui a trait à la colonisation, et, inversement, dans cette survalorisation de l'" indigène " et de l'" arabe ", auréolé de toutes les vertus, qu'il faut aussi comprendre ce phénomène. Le fellagha, le terroriste du FLN, assimilé à un Résistant, victimisé à un point inimaginable, a engrangé tellement de sympathies - à des degrés divers - chez une partie de l'opinion publique contemporaine de la guerre d'Algérie, que le peuple Français fut finalement bien incapable, psychologiquement parlant, de s'opposer à cette immigration de masse.
             " Politique arabe de la France ", " coopération franco-algérienne ", soumission à l'Algérie FLN, tiers-mondisme imprégnant toutes les couches de la société, repentance unilatérale, mépris de ce que représentent les Pieds-Noirs, immigration algérienne de masse, tout semble lié.
             De Gaulle lui-même, homme d'ordre certes, n'était pas dénué d'une fibre anticolonialiste certaine, lui qui dans une lettre à son fils datée du 14 février 1960 dénonçait " l'outrecuidante pression des Européens d'origine à Alger " et " le mythe de l'Algérie française qui ne fait que couvrir la volonté des " Pieds-Noirs " de maintenir leur domination sur les musulmans " . L'année suivante il invitait, dans une allocution télévisée, les Français d'Algérie à " renoncer ", je cite, " aux mythes périmés ", ce qui inspirera à Camille Brière cette réflexion : " Manifestement, cet homme ne comprenait pas ou plutôt ne voulait pas connaître la situation réelle des Pieds-Noirs et ne tenait à les considérer que comme des colonialistes attachés à leurs privilèges et non comme un peuple authentiquement algérien attaché par toutes ses fibres à son pays natal. Son cœur glacé était incapable de concevoir les sentiments d'un peuple qui se sentait menacé. " Jacques Soustelle, cherchant à comprendre les raisons ayant amené le général de Gaulle à abandonner les Français d'Algérie aux terroristes du FLN, a également écrit :

             Peu porté à la sentimentalité, il partage pourtant la conviction des progressistes que tout ce qui n'est pas l'indépendance demeure une forme de domination, et leur ressentiment contre les Français d'outre-mer. [...] Il y a en effet à la base de tout une faute de raisonnement. On peut résumer la ligne maîtresse de la politique algérienne du Chef de l'Etat en un syllogisme classique : " L'Algérie est une colonie ; or, toutes les colonies doivent être abandonnées, donc il faut abandonner l'Algérie. " [...] On est parti d'une image d'Epinal (le " peuple algérien " opprimé par les méchants colons) qui n'avait aucun rapport avec la réalité. "

             "Et si de Gaulle n'avait finalement rien compris à la guerre d'Algérie et aux véritables objectifs du FLN ? Et si cet homme, que l'on présente habituellement comme un grand visionnaire, avait été aveugle face au djihad sanglant mené par le FLN, adepte, tel un vulgaire marxiste-léniniste, de cette fable selon laquelle le FLN lutterait seulement contre les " gros colons ", et croyant naïvement que la majorité des Pieds-Noirs pourraient continuer à vivre libres dans une Algérie arabo-islamique indépendante ? Mais ne soyons pas plus naïfs que lui. De Gaulle savait très tôt les conséquences irréversibles qu'allait entraîner sa politique, et les archives ont bien montré que lui et son gouvernement étaient au courant dès les premières négociations avec le FLN, à l'été 1960, que les Pieds-Noirs seraient tous contraints de très vite quitter l'Algérie en cas d'indépendance totale de ce pays entre les mains du FLN. En revanche, ces mots adressés à son fils en disent longs : dénonçant la prétendue " volonté des " Pieds-Noirs " de maintenir leur domination sur les musulmans ", il va jusqu'à reprendre à son compte les clichés anticolonialistes les plus éculés... Ainsi la France du général de Gaulle, en cherchant à conclure au plus vite " la paix " en Algérie, a fait le choix, ou a donné l'impression de faire le choix des Arabes " contre " les Pieds-Noirs - et le voyage du président de la République en Algérie en décembre 1960 en est une parfaite illustration -, il était donc prévisible que ce parti pris continue après l'indépendance.
             Cela est d'autant plus vrai que le général de Gaulle, ce n'est un mystère pour personne, pour mener à bien sa politique de liquidation précipitée de l'Algérie et surtout de la population Pied-Noir a dû fouler au pied jusqu'aux notions d'honneur, de loyauté, de devoir et de solidarité nationale à un point inimaginable. Il a dû également - devant l'impossibilité d'avouer clairement les raisons xénophobes qui le poussaient à abandonner l'Algérie... -, s'appuyer sur une certaine gauche sartrienne, communiste et farouchement anticolonialiste, et une certaine droite défaitiste adepte de F. Mauriac ou de Raymond Aron, qui triompheront en voyant le régime gaulliste capituler devant le FLN et réaliser ainsi leurs vœux. Il a dû enfin diviser la nation, qualifier de factieux d'anciens Résistants antifascistes, calomnier, emprisonner, traiter en malfaiteurs des hommes d'honneur, qui se refusaient seulement à abandonner sur place à une secte terroriste des populations françaises de toutes origines promises au massacre ou à l'exil et victimes d'une trahison abjecte et criminelle.
             En effet le pouvoir gaulliste, à mesure que l'on approchait de la fin de la guerre d'Algérie, n'a pas hésité, avec le concours d'une certaine intelligentsia, à recourir à la calomnie pure et simple contre les Français d'Algérie et leurs défenseurs. Or il est toujours grave, voire mortel, pour un pays, de rejeter hors de la nation une partie du corps social. Ça n'a pas porté chance à Vichy, il n'y a aucune raison pour qu'une telle politique ait profité à la France de la Cinquième République. De nombreux témoignages sont là pour l'étayer. Nous en retiendrons trois. D'abord l'économiste Maurice Allais, qui s'indignait au printemps 1962 : " J'estime qu'au lieu de développer une campagne haineuse contre les Français d'Algérie, tous les moyens de la Nation devaient être mobilisés pour les accueillir parmi nous. " Ensuite Jacques Soustelle, deux ans plus tard : " De même qu'il fallait dépeindre les Français d'Algérie comme une meute fasciste d'exploiteurs sans scrupules et de réactionnaires attardés, de même il fallait que les métropolitains - en particulier les hommes politiques - qui combattaient pour le maintien de l'Algérie dans la République, fussent disqualifiés par une campagne de calomnies allant jusqu'à l'assassinat moral. La presse d'extrême-gauche s'est chargée de cette opération, reprise avec une ampleur écrasante par l'Etat lui-même et par tous les moyens de propagande qui dépendent de lui, à partir de 1960. [...] On ne s'est pas contenté de chasser [le peuple Français d'Algérie] de son foyer et de condamner ceux qui l'ont défendu : non, il a fallu encore rendre odieux à l'opinion française et mondiale ce peuple et ses défenseurs. Il a fallu les traiter de colonialistes, de fascistes, d'aventuriers, d'assassins, pour que le crime de l'abandon apparaisse comme justifié par l'indignité supposée des victimes. "
             Enfin un dernier témoignage nous est fourni par le regretté Raphaël Draï (1942-2015), qui, décrivant l'attitude du régime gaulliste dans les derniers temps de la guerre d'Algérie, écrivait peu avant de nous quitter : " Et c'est alors que commença le " travail " le moins honorable qui puisse se concevoir, politiquement et moralement. Il s'orienta vers le discrédit de ces populations d'Algérie auprès de l'opinion publique métropolitaine constituée en entité partitive et que commença à se déployer, avec tous les moyens de propagande de l'Etat, la thématique des Pieds-Noirs " fachos et braillards ", tapant sur leurs casseroles et hurlant à la lune pour sauvegarder leurs privilèges et proroger le système colonial. Le mythe gaullien ne saurait prévaloir contre ce qui apparaît bien comme une grave faute politique : discréditer une population pour justifier une politique injustifiable compte tenu des conditions de son engagement. "
             Inutile de dire que de tels mensonges ont laissé des traces, et continuent aujourd'hui encore à imprégner les consciences de la plupart des Français. Or s'il est dangereux de jouer avec le feu, il est mortel pour un pays de jouer avec la solidarité nationale.

             Ainsi le fait, pour le général de Gaulle, de flatter les instincts les plus bas du peuple Français pour en finir au plus vite avec le prétendu " boulet algérien ", mais aussi, selon le mot de Georges-Marc Benamou, " l'axe de Gaulle-Sartre ", ne pouvaient pas ne pas porter à conséquences, aussi funestes soient-elles. En effet, unis dans leur commune détestation et surtout leur profond mépris et leur profonde ignorance des Européens d'Algérie, qu'ils se représentent tantôt comme un ramassis de " bâtards méditerranéens ", tantôt comme de détestables " colons dominateurs ", tantôt les deux à la fois, Charles de Gaulle et Jean-Paul Sartre furent finalement les meilleurs complices qui soient dans l'assassinat du peuple Pied-Noir. " On n'emprisonne pas Voltaire ! " aurait répondu le Général, à ceux qui l'invitaient à engager des poursuites contre Sartre pour avoir encouragé le FLN à massacrer jusqu'au dernier les Européens d'Algérie dans sa préface aux Damnés de la terre. De Gaulle, sans aucun doute, porte la lourde responsabilité d'avoir élevé un assassin doublé d'un " collabo " du FLN au statut de " grand penseur " de son époque :

             " Un pacte implicite se noua entre de Gaulle et Sartre, explique Georges-Marc Benamou. De Gaulle fit de Sartre son " allié objectif ", pour reprendre un terme du philosophe. [...] Dans la dernière ligne droite d'une dangereuse décolonisation, de Gaulle sut se servir de cette " force d'appoint " inespérée [...]. Et Sartre se laissa faire, ravi de voir ériger par ce pair inattendu sa propre légende de son vivant. De Gaulle en fit son complice, son allié clandestin - on le découvre à bien des indices, à la relative clémence de certains tribunaux, à cet accès aux médias gaullistes dont bénéficièrent les porteurs de valises, et à ce sentiment partagé qu'en 1961-1962 les amis du FLN étaient devenus ceux des gaullistes. [...] Le génie de De Gaulle - et de sa propagande - fut cette alliance sartrienne. "

             Le socialiste Marcel-Edmond Naegelen, bien avant G.-M. Benamou, n'a pas manqué lui aussi de déplorer cette alliance de Gaulle / extrême gauche apparue dans la dernière ligne droite de la guerre d'Algérie, dans le but de livrer au plus vite ce pays au FLN. Son témoignage est très intéressant :

             " [Le général de Gaulle] ne fit rien pour se renseigner sur l'état d'esprit véritable des Algériens. Il accueillait avec une visible impatience les hommes, informés par le cœur autant que par l'intelligence et leur connaissance de l'Algérie, qui s'efforçaient d'arriver jusqu'à lui et de le convaincre que l'accomplissement de ses projets, devenus peu à peu évidents, provoquerait un drame humain, troublerait profondément l'armée, diviserait les Français. [...]
             Constituer ainsi, peu à peu, entre l'Amérique et le monde communiste, un Tiers Monde dominé par la haute stature de Charles de Gaulle armé d'une " force de frappe ", tels sont les énormes projets qui nous sont apparus progressivement.
             Or, la politique de maintien de la France en Algérie n'aurait pas permis de les entreprendre, ni même de les envisager. [...]

             Comment, dans ces conditions, et aussi longtemps que la guerre d'Algérie maintiendrait dans le monde cet état d'esprit hostile à la France, espérer pouvoir réussir la grande politique mondiale qui devait lui permettre de reprendre la place due, parmi les Grands, à notre nation ? Il fallait donc terminer cette " affaire ", habituer le peuple français à l'idée qu'il lui était impossible de garder l'Algérie, qu'il fallait en finir avec cette lutte coûteuse et inutile et lui faire admettre des renonciations de plus en plus considérables, jusqu'à l'abandon. C'est à cette tâche primordiale, dont le succès permettrait ensuite les vastes entreprises, que se consacra d'abord le général de Gaulle, chef de l'Etat. Avec une adresse, avec une constance, avec une autorité qui lui permirent d'obtenir ce qu'aucun autre homme politique français n'aurait osé demander à ses compatriotes. Il eut avec lui l'immense majorité de ce qu'en France on est convenu d'appeler " la gauche " . Presque tous ses compagnons, qui avaient été furieusement " Algérie française " le suivirent docilement, sans trop de gêne apparente. Il réussit à assimiler à l'" extrême droite " tous les citoyens déconcertés, attristés, indignés, qui osaient exprimer leur chagrin et prétendre qu'on pouvait et devait réussir en Algérie une autre politique que celle de la renonciation française. Il entraîna facilement dans cette voie du moindre effort l'ensemble de la population française, ignorante de la réalité algérienne et lasse [de cette] lutte [...]. [...]

             La politique algérienne du général de Gaulle a mis en péril l'unité de la France. [...]
             Jamais, depuis l'Affaire Dreyfus, on n'avait vu les Français se partager ainsi en deux camps dressés l'un contre l'autre avec violence, et s'accuser réciproquement de trahison, de lâcheté ou de racisme ou de stupidité. [...]
             Cette division des Français laisse des cicatrices profondes et ineffaçables. "


             " [De Gaulle] réussit à assimiler à l'" extrême droite " tous les citoyens [qui osaient] prétendre qu'on pouvait et devait réussir en Algérie une autre politique que celle de la renonciation française ", a écrit Naegelen... Or il est dangereux de s'amuser à faire passer pour des " nazis ", des " nostalgiques de Vichy ", ou à assimiler à " l'extrême droite " d'anciens Résistants antifascistes comme Jacques Soustelle, Robert Lacoste, Georges Bidault, et même, osons-le nommer, le général Salan, chef de l'OAS connu depuis toujours pour être un républicain sincère, et proche, dit-on, du centre gauche radical-socialiste.

             Jacques Soustelle a également bien relevé cette alliance symbolique nouée à l'époque entre gauche anticolonialiste et droite gaulliste, dénonçant en 1973 " le conformisme régnant " dans lequel " tout l'establishment radio-littéraire gauchisant célèbre la " décolonisation " ", de même que " l'autre establishment, celui qui est parvenu au pouvoir aux cris de " Algérie française " en 1958 pour livrer l'Algérie au terrorisme quatre ans plus tard, continue à entretenir pieusement la légende de la " décolonisation " réussie et de la " coopération exemplaire " " . Déplorant dès 1964 le fait que de Gaulle, " avec quelques précautions de façade ", " conforme sa politique " étrangère à " ce qu'on ne peut même pas appeler " l'idéologie " anticolonialiste de l'O.N.U. (car ce serait faire beaucoup d'honneur à ce ramassis de clichés et de slogans) " , Soustelle, dans les années 1970 disait encore :
             " La doctrine officielle de la France en 1970 demeure celle que lui a léguée le règne précédent. C'est la " décolonisation ". " ;
             " Quand on mesure l'épaisseur du rideau de fumée tendu devant les yeux des Français pour leur cacher les conséquences des accords d'Evian : dans ces cas et bien d'autres semblables, on s'aperçoit qu'il existe une véritable conspiration de l'imposture et du mensonge pour continuer à faire croire à tout prix que ces folies et ces abandons constituaient une œuvre de justice, nécessaire et bienfaisante.


             Il faut avant tout que les responsables de ces folies et de ces abandons ne perdent pas la face : aussi les couvre-t-on de louanges pour leur sagesse ou tout au moins pour le réalisme qu'ils ont montré en suivant le sens de l'Histoire. Corrélativement, doivent être à jamais dénoncés et stigmatisés ceux qui ont osé croire qu'on devait et pouvait résister : en cette dixième année de l'indépendance, mille articles, vingt livres et dix films ont été consacrés à piétiner les vaincus et à exalter de purs héros tels que Yacef Saâdi, poseur de bombes " .

             Rappelons que lorsque Jacques Soustelle écrit ceci, nous sommes encore sous la présidence de Georges Pompidou, grand gaulliste devant l'Eternel. La repentance et la glorification généralisée du FLN ont donc commencé bien plus tôt qu'on ne le croit.
             La guerre d'Algérie, dit-on, était à 80 % une guerre psychologique. Eh bien force est de constater que la France l'a - volontairement et lamentablement - perdue, non seulement en cédant à la barbarie du FLN (et lorsqu'une civilisation commence à céder face à la barbarie, elle s'engage sur une pente très dangereuse), mais également en laissant libre cours depuis 1962 aux discours masochistes et de glorification de l'ennemi, jusqu'à en faire parfois la doctrine officielle de l'Etat français lui-même.

             Rien n'illustre mieux cette collusion entre gaullisme et porteurs de valises du FLN que l'autobiographie du grand historien de l'Antiquité Paul Veyne. Paul Veyne, né en 1930 à Aix-en-Provence, grandit dans une famille de petits-bourgeois plutôt favorables à la collaboration. Lui-même, enfant, suivait l'orientation pétainiste de son milieu, chose qui, aujourd'hui encore, demeure pour lui une source inépuisable de tourments et de mauvaise conscience. Mais, grâce au Ciel, la glorieuse lutte de libération du glorieux FLN algérien lui fournira l'occasion unique de " se racheter ". Paul Veyne a fait son choix : il sera " résistant ". Ce dernier ose en effet se vanter dans son autobiographie parue récemment , d'avoir été porteur de valises pour le compte des moudjahidines du FLN. Il raconte par exemple comment, à l'époque jeune historien proche du Parti communiste, alors qu'il s'apprêtait, au moment du putsch des généraux d'avril 1961, à répondre à l'appel d'André Malraux invitant les Français à descendre dans la rue pour barrer la route aux prétendus " factieux " d'Alger et soutenir le régime gaulliste menacé, un coup de téléphone lui fit changer de programme, lui donnant l'ordre de se rendre jusqu'en Allemagne pour y véhiculer un agent de liaison algérien du FLN (" ma tâche habituelle dans mon réseau de soutien ", précise-t-il). On n'est donc pas particulièrement étonné de lire quelques lignes plus bas chez cet ancien militant d'extrême gauche et porteur de valises : " Oui, je vénère de Gaulle, je l'ai dit, pour avoir été le plus grand réformateur de gauche de son siècle ". De gauche le général de gaulle ? Oui, assure Paul Veyne, pour avoir institué la Sécurité sociale, le vote des femmes... et la décolonisation. Peu importe les nombreuses victimes collatérales de cette " décolonisation ".
             Paul Veyne, ou le petit soldat de " l'axe de Gaulle-Sartre ".

             Rien n'illustre mieux également ce rapprochement entre la gauche - mais aussi la droite - pro-FLN et le gaullisme des années 1960 que l'" Association France-Algérie ", fondée en 1963 avec l'accord et le soutien du général de Gaulle, association que l'ancien journaliste au Canard enchaîné Nicolas Beau a pu qualifier d'" embryon d'un lobby pro-arabe en France " . Son but : favoriser une entente durable entre la République française et le jeune Etat algérien, et établir des relations de confiance et d'amitié entre les deux peuples dans le cadre de la " coopération franco-algérienne ".
L'" Association France-Algérie ", animée par le grand gaulliste Edmond Michelet regroupera à la fois des gaullistes et anciens Résistants restés fidèles au Général, des journalistes " progressistes " et plus ou moins pro-FLN comme Jean Daniel, Jean Lacouture ou François Mauriac, des chrétiens de gauche comme Jean-Marie Domenach, des Pieds-Noirs tel Jules Roy ayant soutenu l'indépendance, le diplomate Stéphane Hessel, l'ancien négociateur français des accords d'Evian Robert Buron, l'ethnologue Germaine Tillion, ainsi que plusieurs militants anticolonialistes historiques. A par exemple adhéré à cette association David Rousset (1912-1997), célèbre homme politique et militant trotskyste, tiers-mondiste et violemment anticolonialiste - de ceux que Jacques Soustelle a si bien décrits, comme étant animés par " le défaitisme, le goût snob d'être " à la page ", une niaise admiration de l'exotique, s'ajoutant à une crasse ignorance et à une intolérance de ligueurs " ... David Rousset est notamment l'un des fondateurs, en 1948, du parti d'extrême gauche " Rassemblement Démocratique Révolutionnaire " aux côtés de Jean-Paul Sartre, puis, en 1957, du " Comité Maurice Audin ". En accord avec la politique algérienne du grand " décolonisateur " de Gaulle, l'ex-trotskyste David Rousset, au lendemain de la guerre d'Algérie finira même par devenir... " gaulliste de gauche ", allant jusqu'à se faire élire député de l'Isère aux élections de juin 1968 sous l'étiquette de l'UDR, le parti gaulliste.
             Le voici, et dans toute sa splendeur !, " l'axe de Gaulle-Sartre " dont parle Georges-Marc Benamou...
             Il faut aussi savoir que de nombreux membres de l'" Association France-Algérie ", parmi lesquels son fondateur Edmond Michelet, parraineront ensuite l'" Association de Solidarité Franco-Arabe " créée à la fin de l'année 1967 dans le cadre du conflit israélo-palestinien et dans le but d'accompagner la " politique arabe " du général de Gaulle, une association dont le principal animateur n'était autre que le célèbre militant pro-arabe et pro-palestinien Lucien Bitterlin , mieux connu pour avoir exercé quelques années auparavant la délicate fonction de chef des " barbouzes ", cette police parallèle remplie de truands, chargée de la lutte anti OAS dans les derniers temps de la guerre d'Algérie, n'ayant pas hésité pour cela à recourir aux méthodes les plus inhumaines et à s'allier au FLN. Il est en outre intéressant de relever que le " barbouze " Lucien Bitterlin, une fois cette besogne achevée, assurera à son tour, dans les années 1960, le secrétariat administratif de la fameuse " Association France-Algérie " ...

             Jacques Soustelle, à propos de ces groupes de " barbouzes " et autres " sections anti-OAS ", a parlé de " maffias où se rencontrent néo-gaullistes, progressistes et communistes " . Autre façon de dire : " l'axe de Gaulle-Sartre "...
             Il semble enfin que ce triomphe de l'idéologie tiers-mondiste et cette alliance nouée entre gaullisme, gauche pro-FLN et autres défaitistes que symbolise si bien l'" Association France-Algérie ", aient eu comme autre conséquence néfaste d'avoir largement contribué à marginaliser et ruiner pour de nombreuses décennies le peu qu'il restait de la vieille gauche patriote, républicaine et anticommuniste incarnée notamment par des hommes tels que Robert Lacoste, Albert Bayet, André Morice, Amédée Froger, Bourgès-Maunoury, André Lafond, Jacques Soustelle, Paul Rivet, Max Lejeune, M.-E. Naegelen ainsi que le journal Combat , et diverses autres personnalités de droite ou de gauche tels Albert Camus, Alfred Fabre-Luce ou Maurice Allais, ayant également refusé de se plier au diktat du FLN. Ces hommes, écrasés par " l'axe de Gaulle-Sartre ", resteront pour toujours isolés, méprisés, calomniés, leur discours déformé et caricaturé. Jusqu'à nos jours et par une habile propagande, la pensée dominante les stigmatise, les présentant à l'opinion comme des " ultras de l'Algérie française ", des " hommes perdus " ou des " cervelles de colibri ", des " colonialistes ", des " racistes " pour ne pas dire des " fascistes " , simplement pour avoir voulu rester fidèles à la solidarité nationale et à leurs valeurs de gauche en n'acceptant pas qu'une minorité, celle des non-musulmans d'Algérie, soit dépouillée de tous ses droits, livrée pieds et poings liés au racisme, au fanatisme religieux, et n'ait plus comme seul choix que " la valise ou le cercueil ". Voilà leur crime.

             Mais comme la nature a horreur du vide, d'autres à gauche ont vite pris leur place. Adieu la gauche républicaine, bonjour la gauche gauchiste ! Adieu Robert Lacoste et bonjour Cohn-Bendit ! Adieu " Combat ", bonjour " Libé " !
             Cette gauche modérée et patriote tente aujourd'hui péniblement de revivre derrière la figure de Manuel Valls, après plusieurs décennies d'effacement total.
             Il est d'ailleurs intéressant de constater que la gauche (gauchistes, communistes et chrétiens de gauche) qui hier discutait sans complexes avec les fellagha, est celle qui aujourd'hui encourage le plus l'immigration maghrébine, le communautarisme, et n'hésite pas parfois à se compromettre avec certains leaders islamistes et autres militants du " Parti des Indigènes de la République ", ce nouveau FLN installé dans nos banlieues. Inversement c'est la même gauche républicaine et patriote qui hier rechignait à s'incliner devant le FLN, qui dénonce aujourd'hui avec passion l'" islamo-gauchisme ", l'idéologie multiculturaliste, et commence à percevoir les dangers de l'immigration. Il n'y a pas de hasard.

             Ainsi ce n'est pas en épluchant des textes de loi sur le regroupement familial, mais davantage en se penchant sur cette alliance inattendue apparue aux derniers temps de la guerre d'Algérie entre la jeune génération de la gauche anticolonialiste (opposée à la vieille gauche patriote) et la droite restée fidèle à de Gaulle, qu'il faut comprendre le futur laisser-aller de la France dans le domaine migratoire. Et, le fait que les derniers défenseurs de l'Algérie française et/ou des Français d'Algérie furent souvent les premiers à dénoncer, dès les années 1970-1980, ce qu'ils estimaient être le " danger " d'une immigration " incontrôlée " - ainsi du socialiste Naegelen, de Jean-Marie Le Pen, Jacques Soustelle, Georges Bidault, Michel Poniatowski ou Pascal Arrighi, sans même parler des anciens de l'OAS ayant rejoint le Front National... -, ne relève sans doute pas du hasard. Inversement, et aussi surprenant que cela puisse paraître au premier abord, puisque l'indépendance était censée couper les liens brutalement et par la violence entre la France et l'Algérie, la plupart des partisans Français du FLN - sur qui le général de Gaulle s'est appuyé pour mener à bien sa politique algérienne - se sont ensuite illustrés par leur discours en faveur de l'immigration maghrébine.
             La vérité est qu'il n'existe - sauf exceptions - pas un seul écrit, pas un seul discours, pas un seul témoignage d'un ancien " partisan de l'Algérie française ", de droite ou de gauche, ayant fait l'éloge de l'immigration et de la société multiculturelle. C'est exactement l'inverse en ce qui concerne les anciens sympathisants du FLN et leurs héritiers, avec qui Charles de Gaulle a jugé bon de s'allier contre les premiers.
Marius Piedineri

       1 D'après Jacques Isorni, dans Lui qui les juge (Flammarion, 1961, p. 27).
       2 Guy de Carmoy, Les Politiques étrangères de la France (1944-1966), Paris, La Table Ronde, 1967, p. 297-298 (cité par Jacques Soustelle, dans Vingt-huit ans de gaullisme).
       3-20-26 Jacques Soustelle, Sur une route nouvelle, Editions du fuseau, 1964, p. 59. p. 52 puis p. 195-196 p. 249.
       4 Jacques Soustelle, Vingt-huit ans de gaullisme, Editions de la Table Ronde, 1968, p. 352.
       5-25-28 Jacques Soustelle, Lettre ouverte aux victimes de la décolonisation, Editions Albin Michel, 1973, p. 122. p. 12-13. p. 25-26.
       6 Gérard Davet, Fabrice Lhomme, Un président ne devrait pas dire ça…, Les secrets d'un quinquennat, Stock, 2016.
       7 Georges Valance, VGE, une vie, Flammarion, 2011.
       8 Valeurs actuelles du 11 janvier 2018.
       9 Emmanuel Navarro, Enquêtes d'Algérie, Le culte des hommes premiers, Tome 1, Bannissement, L'Harmattan, 2016, p. 93. Le " coup de boule " en question est une métaphore en référence au célèbre coup de tête donné par le joueur de football français d'origine algérienne Zinedine Zidane à un joueur italien lors de la finale de la Coupe du monde 2006.
       10-11-12 Charles-Robert Ageron, " La signification politique des Accords d'Evian ", in René Galissot (dir.), Les Accords d'Evian, en conjoncture et en longue durée, Editions Karthala, 1997.
       13 Guy Pervillé, " Marcel-Edmond Naegelen ", notice publiée dans la revue de l'ARDBA (Association de recherche pour un dictionnaire biographique sur l'Algérie, 1830-1962) intitulée Parcours, l'Algérie, les hommes et l'histoire, recherches pour un dictionnaire biographique, n°12, mai 1990, p. 77-81 (article qu'il est possible de consulter sur le site Internet guy.perville.free.fr).
       14-24 Marcel-Edmond Naegelen, Une route plus large que longue, Robert Laffont, 1965, p. 284-295. p. 73-77 et p. 337-338.
       15-19 Maurice Allais, L'Algérie d'Evian, Editions Jeune Pied-Noir, 1999 (1ère éd. chez L'Esprit Nouveau, 1962), p. 46-49. p. 250. p. 62.
       16-21 Raphaël Draï, La fin de l'Algérie française et les juridictions d'exception, Etat, Justice et Morale dans les procès du putsch d'Alger et de l'OAS, Editions Manucius, Paris, 2015, p. 78.
       17 Camille Brière, Ceux qu'on appelle les Pieds-Noirs, ou 150 ans de L'Histoire d'un Peuple, Editions de l'Atlanthrope, 1984, p. 173.
       18-31-34 Jacques Soustelle, L'espérance trahie, Editions de l'Alma, 1962, p. 23 et p. 253. p. 22. p. 258.
       22 Georges-Marc Benamou, Un mensonge français, Retours sur la guerre d'Algérie, Editions Robert Laffont, Paris, 2003, p. 107-109.
       23 Le Parti communiste ordonnera le " oui " au référendum du 8 avril 1962 qui approuvera les accords d'Evian. Il a demandé des armes au moment du putsch des généraux pour s'opposer à une éventuelle tentative des parachutistes sur Paris (note de l'auteur).
       27 Le Monde du 27 octobre 1970 (" Du néo-colonialisme sans profit ", par Jacques Soustelle).
       29 Paul Veyne, Et dans l'éternité je ne m'ennuierai pas, Souvenirs, Albin Michel, 2014. Ce livre a obtenu le Prix Femina de l'essai 2014.
       30 Nicolas Beau, Paris, capitale arabe, Le Seuil, 1995, p. 118.
       32-33 Samir Kassir, Farouk Mardam-Bey, Itinéraires de Paris à Jérusalem, La France et le conflit israélo-arabe (Tome I : 1917-1958), Institut des études palestiniennes, 1992, p. 165.
       35 Anne-Marie Duranton-Crabol, " Combat et la guerre d'Algérie ", in Vingtième Siècle, revue d'histoire, n°40, octobre-décembre 1993, p. 86-96. On lit dans cet article : " Au total, Combat prend donc nettement parti pour l'Algérie française. [...] Comme ces intellectuels de gauche ralliés au camp de l'Algérie française, auxquels Albert Bayet sert de référence, le quotidien fondé par Camus manifeste sa fidélité au modèle républicain ", etc.
       36 Certains intellectuels de gauche sont allés jusqu'à utiliser l'expression " national-molletisme " (en référence au nazisme : " national-socialisme "), pour mieux stigmatiser le socialiste Guy Mollet et sa politique de répression du FLN lorsqu'il était chef du gouvernement (1956-1957). Cette expression est d'autant plus ignoble que Guy Mollet, à l'heure de l'Occupation allemande a opté pour la Résistance, quand certains intellectuels qui se plairont à dénoncer le " national-molletisme " n'ont, eux, pas bougé le petit doigt, voire collaboraient carrément avec les Allemands.

A suivre

Hommage à l'Armée d'Afrique
Envoyé Par M. F. Alary

La France vient de fêter " sa victoire sur la barbarie nazie le 8 mai 1945 ". Il est assez normal que l'on fête la libération de notre sol national mais j'aimerais qu'on le fasse avec un minimum d'honnêteté intellectuelle et qu'on arrête d'entretenir le mythe, aussi stupide que mensonger, de " la France libérée par elle-même " et du " premier résistant de France " boutant le teuton hors de France à coups de croix de Lorraine, aidé par les FTP communistes.

             La " barbarie nazie " a été mise à bas par… 360 divisions soviétiques, et sur notre sol, par 90 divisions américaines, 20 divisions britanniques et… l'armée d'Afrique.

             L'armée d'Afrique a libéré la France
             Rappelons pour mémoire que, lors du débarquement en Provence d'août 1944, le général Giraud mobilisa 27 classes de français d'Algérie. Du jamais vu, même au moment de la Grande Guerre ! 176.500 furent réellement incorporés. Ils se sont remarquablement battus et leur taux de pertes au feu fut deux fois supérieur à celui des autres unités alliées ayant participé, de près ou de loin, à la libération du sol national.

             Et tant pis s'il faut, ici, contredire les auteurs du film Indigènes, mais l'effort demandé aux Musulmans fut moindre : sur 14.730.000 habitants de l'Algérie, 233.000 furent mobilisés soit 1,58% de la population. La majorité était constituée d'engagés volontaires. L'effort consenti librement par les Musulmans d'Afrique du Nord (Algérie ET Maroc) fut 10 fois moins important que celui demandé aux " Pieds-noirs ".

             À partir du 15 août 1944, ce sont environ 260.000 combattants de " l'armée B " du général de Lattre de Tassigny, qui sont arrivés dans le sud de la France. 10 % étaient originaires de la métropole (les " Français Libres " de De Gaulle), 90 % venaient d'Afrique du Nord dont une écrasante majorité pour les départements d'Algérie. (48 % étaient des "Pieds-noirs").

             Pour relativiser les choses, il faut se souvenir que le 6 juin 1944, les " Français libres " qui débarquèrent ce jour-là étaient… 170 : les " Bérets Verts " du commando Kieffer. La 2ème DB du général Leclerc (celle qui est entrée dans l'histoire) n'a débarqué sur le sol de France qu'en août 44, presque deux mois plus tard. Et, aussi glorieuse soit-elle, ce n'était jamais que "UNE" division.

             Je sais… Je sais qu'on va me dire que j'oublie " le poids considérable de la Résistance ". Non, je n'oublie rien et j'ai un profond respect pour les vrais résistants. Ceux qui n'ont pas attendu les deux débarquements pour voler au secours de la victoire ; pas les salopards-revanchards qui punissaient la "collaboration horizontale" à coup de tondeuse !

             Mais la Résistance, d'après l'historien Basil H. Liddell Hart, a représenté l'équivalent de deux divisions ; deux… sur les 500 venues à bout du joug nazi.

             Il faut se souvenir aussi que lors de la Libération, l'armée a réussi à incorporer - péniblement - moins de 100.000 résistants alors que sur les trois départements d'Algérie, le général Giraud avait mobilisé 300.000 hommes.

             Alors, pourquoi nos manuels d'histoire nous parlent-ils si peu de l'Armée d'Afrique ?

             Sans doute pour faire oublier qu'après une guerre gagnée militairement, le 19 mars 1962, la France gaulliste a lâchement, tragiquement, honteusement, abandonné les " Pieds noirs " et les Musulmans venus la libérer en 1944…
Éric de Verdelhan             


Les trois maîtres et les muletiers
Envoyé Par Fabien Alary

                    Tel était le renom d’Abdul-Qadir que des mystiques de toutes confessions se pressaient journellement dans son dargah (salle de réception). On observait dans ces assemblées un décorum très élaboré; les usages traditionnels étaient scrupuleusement respectés; les pieux visiteurs se rangeaient par ordre de préséance, en fonction de l’âge, de la renommée dont leur maître avait joui et de la place qu’ils occupaient au sein de leur communauté.
          Mais tous se disputaient l’attention d’Abdul-Qadir, le "sultan des maîtres ".

          Ses manières étaient irréprochables. Et l’on ne rencontrait personne à ces assemblées qui fût d’intelligence médiocre ou manquât d’instruction.

          Un jour, les sheikhs du Khorassan, d’Irak et d’Égypte, guidés par trois muletiers illettrés, arrivèrent à Bagdad, venant de La Mecque où ils avaient accompli le pèlerinage. Ils avaient dû endurer pendant plus d’un mois les manières frustes et les facéties de leurs guides.
          Aussi se réjouissaient-ils autant à la pensée d’être débarrassés de leurs compagnons qu’à la perspective d’entrevoir bientôt le grand maître.

          Contrairement à l’usage, Abdul—Qadir vint à leur rencontre. Aucun signe ne fut échangé entre lui et les muletiers.
          Tard dans la soirée, cependant, les trois sheikhs, au moment de regagner leurs appartements, aperçurent Abdul-Qadir qui souhaitait une bonne nuit aux muletiers.
          Ceux—ci sortaient de sa chambre en lui témoignant du respect. Les sheikhs furent stupéfaits de voir Abdul-Qadir leur baiser la main.
          Ils comprirent alors que les trois muletiers étaient des maîtres cachés. Ils les suivirent, essayèrent d’engager la conversation.
          Le chef des muletiers leur fit cette brève réponse :

          « Retournez à vos prières et à vos marmonnements, sheikhs ! Nous vous laissons à votre soufisme et à votre quête de la vérité que nous avons dû endurer pendant les trente-six jours du voyage. Nous sommes de simples muletiers, nous n’avons que faire de tout ça. »

          Idries Shah

Bugeaud 
Envoyé par M. Christian Graille

                 En 1840 la situation européenne s'était améliorée ; la France ne songea pas à abandonner l'Algérie ; pour la conserver une seule solution restait possible : la conquête et la pacification totale.
                 Bugeaud débarqua à Alger le 22 février 1841 ; il conserva ses fonctions de gouverneur général jusqu'au 11 septembre 1847. Il eut donc ce qu'il avait manqué à ses prédécesseurs ; le temps.
                 Lorsqu'il arriva les résultats étaient médiocres et lorsqu'il partit, il ne restait plus qu'à recueillir les fruits de son effort et à laisser venir le dénouement qu'il avait préparé. Le ministère Soult-Guizot lui donna les moyens militaires indispensables qu'on avait refusé à d'autres et notamment à Clauzel.
                 L'effectif des troupes qui n'était que de 18.000 hommes en 1931, de 31.000 en 1835, de 48.000 en 1838, passe à 63.000 en 1840, 83.000 en 1842, 90.000 en 1844, 108.000 en 1846 ; c'était le tiers de l'armée française.

                Bugeaud, officier de fortune, sorti du rang il avait acquis en Espagne l'expérience de la guerre de partisans et d'embuscades ; d'autre part, ses origines paysannes et agricoles devaient donner à son œuvre coloniale comme un accent particulier ; il avait été en Périgord le cultivateur travaillant lui-même la terre qu'il rêvera d'introduire en Algérie.
                 A la fois homme de guerre, homme politique, colonisateur c'était un homme complexe, très adroit sous ses apparences brusques ; il avait des ruses de paysan. Ce qui le caractérisait c'était son bon sens, sa vivacité, sa verve et un style familier. Son activité de corps et d'esprit était prodigieuse. Il dormait fort peu et ne craignait pas de réveiller son entourage lorsque le sommeil le fuyait.

                Il écrivait rarement lui-même et toujours lentement et d'une main mal assurée. Travailleur infatigable il mettait ses collaborateurs sur les dents.
                 Son esprit, sa gaieté, son entrain, sa bonhomie le faisaient aimer de ceux qui vivaient dans son intimité. Paternel et grondeur, bourru bienfaisant il aimait à parler et professait toujours. C'était un merveilleux conteur sachant donner à ses récits un ton pittoresque et original.
                 Homme de bonne foi et de bon vouloir, cerveau puissant et fécond, doué à un remarquable degré du sens des réalités, il a véritablement créé l'Algérie française et c'est à juste titre que les Algériens ont conservé sa mémoire.
                 " Il est dit Jules Cambon, l'homme qui a marqué sa personnalité de la façon la plus profonde sur notre colonie et une partie des reproches que l'on fait aux Algériens viennent peut-être de certaines habitudes d'esprit qu'ils ont prises dans les idées personnelles du maréchal Bugeaud. "

                Doué d'une remarquable aptitude pour les choses militaires, brave et réfléchi, résolu et prudent, il savait combiner et agir. Il tenait à ses idées pour les imposer mais il aimait mieux les faire partager ; au début d'une expédition ou à la veille d'un combat sérieux, il réunissait toujours ses officiers pour leur exposer son plan.
                 Les troupes savaient où il les menait ; sûr de lui-même, il leur communiquait son assurance.

Ses lieutenants

                Bugeaud eut la bonne fortune d'être secondé par de jeunes généraux d'aptitudes et de caractères dissemblables qui avaient compris que la guerre en Algérie comportait de toutes autres méthodes qu'en Europe.
                 - La Moricière, esprit inventif et organisateur, connaissant la langue et les mœurs des indigènes, fut mêlé à tout ce qui s'est fait d'important en Algérie de 1830 à 1848 : Opérations militaires, administration indigène, organisation de troupes spéciales, méthodes de colonisation. Il fut un des premiers officiers de zouaves comme un des premiers officiers de bureau arabe. Il se distingua à l'assaut de Constantine puis poursuivit sa carrière dans la province d'Oran jusqu'au moment où l'Émir se rendit à lui.
                 - Ce petit homme brun, trapu, avec sa tunique ouverte, son pantalon large, sa chéchia, sa canne qui l'avait fait surnommer par les indigènes Bou-Araoua, sans épée, sans épaulettes fut une des figures les plus populaires de la conquête. Bien qu'il eût une façon rude de conduire la guerre et ménageât ses hommes moins que Bugeaud, il plaisait aux troupes par son entrain et sa bonne humeur. Il était souvent en difficultés avec Bugeaud qui lui reprochait d'être discuteur, ergoteur et trop enclin à l'indépendance. Beaucoup plus cultivé que son chef il représentait un type d'officier plus moderne ; il ménageait la presse dans laquelle il avait des amis.
                 - Un autre collaborateur du gouverneur fut Bedeau, un des chefs les plus complets. D'une probité intransigeante, simple, sage, modeste, intelligent, dévoué au bien public, c'était une sorte de puritain fanatique à l'idée du devoir, dur à lui-même et aux autres. Il se distingua à la prise de Constantine, à la bataille d'Isly, en Kabylie et fut surtout l'homme de la province de Constantine comme La Moricière fut celui de la province d'Oran.
                 - Changarnier qui s'était déjà illustré comme chef de bataillon du 2e léger dans la retraite de Constantine eut lui aussi une belle carrière africaine. Il s'entendait très mal avec Bugeaud qui se plaignait de son caractère altier et orgueilleux. Une des altercations entre les deux hommes est demeurée célèbre : Comme Changarnier déclarait qu'il faisait la guerre depuis longtemps et croyait savoir son métier, Bugeaud lui répondit que le mulet du maréchal de Saxe avait fait vingt campagnes et n'en était pas moins resté un mulet. Aussi en 1843, ayant reçu sa troisième étoile, Changarnier demanda de rentrer en France et ne revint en Afrique qu'en 1847 après le départ du maréchal. Celui-ci disait que le premier était Changarnier, méchant caractère, mauvais coucheur mais rude soldat, le plus fort, le meilleur.
                 Ensuite venait Bedeau, homme de devoir et de conscience, solide et qui ne bronchait pas au feu.
                 Enfin arrivait La Moricière, vaillant, infatigable, débrouillard mais doctrinaire qui discutait sans cesse, ergotait, hésitait et n'aimait pas les responsabilités.
                 En sous-ordre venaient des officiers plus jeunes :

                 - Cavaignac, élève de l'école Polytechnique, comme La Moricière, d'opinion républicaine, homme de devoir et de probité, le plus loyal ; on ne lui reprochait que son sombre accueil, son aspect triste et sévère, sa constante tristesse. Il était en Algérie depuis 1833.
                 - Duvivier, brave, intelligent, honnête mais homme à systèmes, rude, cassant, prétentieux.
                 - Le jeune duc d'Aumale, quatrième fils de Louis-Philippe était venu en Algérie en 1840 avec son frère le duc d'Orléans.
                 - Il faut mentionner encore Pélissier, chef d'état-major incomparable, caractère de fer dont la brusquerie est restée légendaire. Il fut nommé général en 1846.
                 - Leroy de Saint-Arnaud, soldat ardent et intrépide ; il possédait au plus haut point le don de séduire.
                 - Yusuf, soldat magnifique auquel son caractère et son origine assignent une place à part, très diversement jugé, fort apprécié par Clauzel et par Bugeaud qui l'appelait le Murat de l'armée d'Afrique.
                 - Morris, le brave des braves, superbe au feu vivante personnalisation de la cavalerie en Afrique devint maréchal de camp en 1847.
                 - Marey-Monge, petit-fils de l'illustre savant, intelligent et instruit servit en Algérie de 1830 à 1848.
                 - Négrier, officier d'une rare énergie fit sa carrière en Algérie de 1837 à 1842.
                 - Daumas, venu en Afrique en 1835, consul chez Abd-el-Kader, fut directeur des affaires arabes de 1741 à 1847 ; son œuvre fut autant militaire que politique. Il fut l'auteur d'ouvrages très savoureux sur les indigènes.

Ses méthodes de guerre

                C'est le créateur de l'armée d'Afrique. Il commença par réformer les préjugés et rectifier les méthodes pratiquées depuis 1830. Il renonça au système des petits postes et des blockhaus préconisé par le maréchal Valée. A ces postes où les troupes étaient décimées par les maladies, l'inaction et l'ennemi, il substitua le système des colonnes mobiles rayonnant sur tout le pays.

                Plus de lourds convois, toujours attaqués et harcelés ; des troupes alertes légères, pouvant lutter de vitesse avec leurs adversaires, menant aussi lestement que les indigènes eux-mêmes les razzias et les coups de main.
                 Il ordonna d'embarquer les canons de campagne, les prolonges du génie, les charriots de l'administration, enfin ne garder que les chevaux de trait pour les transformer en bêtes de somme voulant se rendre mobile.
                 " Il faut, disait-il, persévérer dans le système des colonnes agissantes, parcourant le pays et combattant l'ennemi partout où il se présente, ne lui laissant ni sécurité, ni repos. De plus, il faut que les troupes soient composées d'hommes choisis, vigoureux, de volontaires s'il se peut ; que les officiers soient jeunes, gens d'avenir ; point de vieux officiers supérieurs voisins de leur retraite, point même de vieux capitaines dégoûtés. "

                On renonça à tout ce qui alourdissait. Au lieu des voitures on employa les mulets afin de ne pas dépendre des habitants du pays, de pouvoir se porter partout avec légèreté. Les soldats auraient dans de petits sacs une réserve de quatre jours.
                 Deux ordonnances royales du 7 décembre 1841 réglementèrent l'organisation de l'infanterie et de la cavalerie indigènes. Les bataillons prirent le nom de tirailleurs indigènes et les spahis furent désormais distincts des chasseurs d'Afrique, comme les tirailleurs des zouaves ; Yusuf fut le premier colonel des spahis.

                Bugeaud savait parler au soldat et se faire aimer de lui ; vigilant et actif il s'occupait des moindres détails. Malgré son âpreté d'humeur il se fit une réelle popularité militaire. Le " père Bugeaud " et sa casquette fut pour l'armée d'Afrique ce qu'avait été pour la grande Armée le " petit caporal. "

                On partait entre trois et six heures du matin, avec une halte d'une heure pour faire le café au milieu de l'étape et on arrivait au bivouac vers trois heures du soir.
                 Souvent on lançait une pointe rapide avec des fusils seulement en laissant les bagages et le convoi sous bonne garde.
                 On s'efforça d'atteindre les indigènes dans leurs intérêts matériels et saisissables : récoltes sur pied, plantations, douars, bestiaux, silos. La prise de possession de l'Algérie n'a donc été nullement une pénétration pacifique, mais une conquête, une rude et dure conquête. Ce qu'il faut savoir c'est que les souvenirs des luttes que ces populations ont soutenus contre nous comptent parmi ceux qu'aujourd'hui encore les indigènes évoquent le plus volontiers. Ce serait bien mal les connaître que de leur prêter sur ce point nos idées européennes et pacifistes. Hommes de poudre, soldats avant tout, ils sont fiers de s'être battus héroïquement contre nous d'abord, puis plus tard à nos côtés dans les guerres coloniales ou européennes.
                 Les noms de Bugeaud, de La Moricière, de Margueritte, de Mac-Mahon leur sont restés aussi chers qu'à nous-mêmes.
                 Gabriel Hanotaux de l'Académie française
                 Alfred Martineau professeur au Collège de France
                 Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde. Tome II : l'Algérie par Augustin Bernard professeur à la faculté des lettres de Paris. Édition 1930.

La tactique d'Abd-el-Kader
Envoyé par M. Christian Graille

                 Bugeaud trouva un adversaire digne de lui dans le petit marabout de Mascara dont les Français avaient fait un sultan des Arabes.
                 Jamais les indigènes de l'Afrique n'avaient eu un chef aussi actif, aussi intelligent ; ils reconnaissaient l'éminente supériorité de l'Émir, admiraient sa sévérité et sa simplicité, sa piété et son éloquence. De là l'acharnement et la longueur de la lutte qu'il soutint contre nous.
                 Au début de 1841, il était maître de toute la province d'Oran, d'une bonne partie de la province d'Alger et conservait des partisans en Kabylie et dans la province de Constantine Il avait un trésor de guerre évalué à 1.500.000 francs.
                 Il avait un trésor de guerre estimé à 1.500.000 francs ; ses forces régulières comprenaient 8.000 hommes d'infanterie, 2.000 cavaliers, 240 artilleurs, 20 pièces de campagne en bon état.

                 Les tribus lui fournissaient pour la guerre sainte des contingents de cavaliers irréguliers et de goumiers s'élevant à 50.000 hommes. Dès le début de la lutte, il prescrivit de refuser le combat en plaine, sauf si l'on était en présence de petits détachements isolés et se gardant mal.
                 Sa tactique consista à harceler sans cesse les Français, à les attirer dans les montagnes ou dans le Sahara, à couper leurs lignes de retraite et de communication, à les fatiguer par des marches et des contremarches tout en demeurant insaisissable. Grâce à cette tactique, pratiquée avec une activité et une fertilité de ressources prodigieuses, l'Émir réussit à prolonger la lutte pendant sept ans. Il espérait nous lasser et il faut convenir que l'histoire des onze premières années de notre occupation pouvait lui donner cet espoir.

Les campagnes de 1841-1843

                 Le plan de Bugeaud consistait à enlever à Abd-el-Kader ses places fortes, à razzier impitoyablement toutes les tribus qui ne se soumettaient pas. Celles-ci voyaient brûler leurs récoltes, enlever leurs troupeaux et commençaient à trouver que la guerre sainte leur coûtait cher. Le maréchal poursuivit ses campagnes à l'automne ; il ravagea le pays natal de l'Émir, détruisit Saïda et razzia la grande tribu des Flittas. Pendant deux mois, les soldats n'eurent pas un jour de repos. Les résultats obtenus étaient importants mais pas décisifs.
                 Au printemps 1842 Tlemcen est réoccupée pendant que Bedeau opère à Nédromah, La Moricière dans la région de Mascara et de Mostaganem.

                 Cependant la sécurité était encore loin de régner dans la Mitidja ; un détachement de 22 hommes, escortant la correspondance de Boufarik à Blida fut soudainement attaquée à Beni-Méred par 300 cavaliers indigènes ; le sergent Blandan qui commandait la petite troupe succomba après une héroïque défense. Il ne fallait pas que de semblables agressions puissent se renouveler si près d'Alger. Bugeaud s'empressa d'y mettre ordre et obligea toutes les tribus qui occupaient ou entouraient la Mitidja à demander l'aman. A l'automne trois colonnes parties de Miliana parcoururent en tous sens le massif montagneux de l'Ouarsenis. Beaucoup d'indigènes n'auraient pas mieux demandé que de venir à nous, mais nous étions impuissants à les protéger contre la vengeance de l'Émir. Dès qu'il réapparaissait, elles se ralliaient à lui autant par intérêt que par conviction.

La prise de la Smala (16 mai 1843)

                 Pendant que le gouverneur général établissait notre autorité dans la vallée du Cheliff et que La Moricière manœuvrait du côté de Tiaret, le jeune duc d'Aumale, qui venait d'être appelé au commandement de la subdivision de Médéa, s'avançait vers le Sud à la recherche de la smala d'Abd-el-Kader, et, par un coup de main dont le magnifique résultat peut seul justifier la témérité, parvenait à porter à la puissance de l'Émir le coup le plus sensible qu'elle eût reçu.
                 La smala était une grande ville de tentes où campaient avec leurs femmes, leurs enfants, leurs troupeaux, des fractions de tribus et des tribus entières ; il y avait là 300 douars et plus de 20.000 individus voire même 60.000 d'après certaines évaluations.

                 Sorti de Boghar avec 1.300 fantassins et 600 cavaliers, le duc d'Aumale après avoir marché par un sirocco accablant, apprit par le guide de la colonne que la smala se trouvait à la source de Taguin. Laissant en arrière les zouaves et l'artillerie, il fond à l'improviste sur cette masse humaine avec ses 600 cavaliers divisés en trois groupes, Morris à droite, Yusuf à gauche, lui-même au centre et profite du premier moment de surprise et d'effroi pour la mettre en déroute. Ce fut une confusion inexprimable ; toute cette foule fut prise de panique.
                 Comme on ne pouvait pas tout amener, on en isola une partie et on laissa fuir le reste ; on avait fait 3.000 prisonniers, enlevé un canon et un immense butin ; on s'était emparé de la tente d'Abd-el-Kader dont la mère et la femme se sauvèrent à grand peine.

                 Pour le colonel Charras, " pour entrer avec 600 hommes au milieu d'une pareille population, il fallait avoir vingt-trois ans, ne pas savoir ce qu'est le danger ou bien avoir le diable au ventre. Les femmes n'avaient qu'à tendre les cordes des tentes sur le chemin des chevaux pour les faire culbuter et qu'à jeter leurs pantoufles à la tête des soldats pour les exterminer tous. "

Le combat de Sidi-Yahia

                 La prise de la smala eut un retentissement considérable aussi bien en France qu'en Algérie. Le duc d'Aumale fut nommé lieutenant général en même temps que Changarnier et La Moricière ; Bugeaud reçut le bâton de maréchal de France par ordonnance du 31 juillet 1843.
                 Non moins important, quoique moins connu, fut le combat de Sidi-Yahia où le colonel Tempoure défit Embarek, le meilleur lieutenant d'Abd-el-Kader et anéantit ses bataillons réguliers. Embarek était au nombre des morts ; sa tête coupée fut envoyée à La Moricière dans un sac de cuir ; Bugeaud le fit enterrer à Koléa avec les honneurs militaires. C'était pour l'Emir un désastre aussi grand que la prise de la smala. Manquant de grains et de munitions, ne pouvant plus pénétrer dans le Tell, il prit le parti de chercher un refuge au Maroc.

                 Les campagnes de 18414-1843 avaient donné des résultats remarquables grâce à l'activité incroyable de Bugeaud et de ses lieutenants et à l'habileté de ses combinaisons. Une nouvelle phase commence après la prise de la smala ; les indigènes cessent de donner à Abd-el-Kader le titre de sultan. Pour la première fois depuis 1830 les Français apparaissent comme les successeurs du Dey. Beaucoup de régions sont encore insoumises ou indépendantes, mais les tribus qui nous refusent l'obéissance combattent seulement par point d'honneur ou pour retarder l'obligation de payer l'impôt.

Le Maroc. La bataille d'Isly et la convention de Lalla-Marnia

                 Abd-el-Kader cherchait à entraîner le sultan du Maroc dans sa lutte contre les chrétiens ; celui-ci le ravitaillait et le soutenait tout en se méfiant de son ambition. La politique de l'Émir consistait à attirer les Français sur le territoire marocain. Lorsque nous créâmes un poste à Lalla-Marnia, les Marocains prétendirent que ce poste se trouvait chez eux et le sultan, sous la pression de l'opinion publique, envoya une mehalla camper près d'Oujda.
                 Bugeaud avait reçu l'ordre de tout tenter pour maintenir la paix une entrevue fut décidée entre Bedeau et Guenaoui le 15 juin. Elle fut interrompue par des coups de feu ; Bedeau prit alors l'offensive et quatre jours plus tard il entrait dans Oujda. Les négociations entamées avec le sultan du Maroc échouèrent et Bugeaud adressa un ultimatum au caïd d'Oujda.

                 Les forces marocaines comprenaient 6.000 cavaliers réguliers, 1.200 fantassins et environ 60.000 cavaliers des tribus. Bugeaud avait 18 bataillons d'infanterie, 19 escadrons de cavalerie, en tout 11.000 hommes et 16 bouches à feu.
                 L'armée française commença son mouvement dans l'après-midi du 2 août.
                 La rencontre eut lieu le 14 août 1844 sur les bords de l'Oued-Isly près d'Oujda. L'immense cavalerie marocaine, s'ébranlant au galop, essaya de déborder l'armée française assaillant les flancs et la queue de la colonne mais l'infanterie reçut la charge avec une solidité inébranlable et répondit par des feux de salve.
                 Yusuf balaya avec ses spahis tout ce qui se trouvait devant lui et s'élança dans le camp marocain ; 5 escadrons de chasseurs vinrent le soutenir. La bataille fut gagnée : l'ennemi laissa 800 morts, les Français 28 tués et 100 blessés.

                 Le Maroc ayant sollicité la paix, les négociations furent rapidement menées. Le traité de Tanger (10 septembre 1844) stipulait que le sultan s'engageait à interner Abd-el-Kader au cas où il tomberait entre ses mains. La délimitation de la frontière fit l'objet d'une convention signée à Lalla-Marnia le 18 mars 1845.

La dernière phase de la lutte

                 Après la bataille d'Isly qui est l'épisode populaire et le plus brillant de la conquête de l'Algérie la lutte entre Bugeaud et Abd-el-Kader changea de caractère.
                 Le dernier n'est plus qu'un chef de partisans. Cependant les difficultés restent grandes. Aux yeux des musulmans zélés, l'Émir n'a rien perdu de son prestige.
                 De part et d'autre, les hostilités, dans cette dernière phase de la lutte, prenaient une âpreté, une férocité même qu'elles n'avaient pas eues jusqu'alors.
                 L'agitation qui avait secoué l'Algérie toute entière était loin d'être calmée.

                 De toutes parts des mouvements maraboutiques se produisaient indépendamment les uns des autres. Le plus important de ces mouvements fut celui qui eut pour chef Mohamed-ben-Abdallah. Il parcourait les tribus, promettant aux combattants tantôt l'invulnérabilité, tantôt les joies du paradis. L'insurrection s'étendit bientôt à toute la région montagneuse du Dahra.
                 Battus par Saint-Arnaud Le gouverneur laissa à Pélissier le soin de désarmer la population qui avait pris part à la révolte ; celle-ci s'était réfugiée dans les grottes de Nekmaria ; après les avoir sommés de se rendre, de grands feux furent allumés à l'entrée des cavernes ; 500 personnes, hommes, femmes et enfants périrent asphyxiés :
                 " Terrible mais indispensable résolution ! écrivait Saint-Arnaud. Pélissier a employé tous les moyens, toutes les sommations. Il a dû agir avec vigueur. J'aurais été à sa place j'aurais fait de même, mais j'aime mieux que ce lot lui soit tombé qu'à moi. "
                 Ce triste incident, grossi par des polémiques passionnées fit grand bruit en France. Bugeaud couvrit son subordonné qui n'avait fait qu'exécuter ses ordres. Soult eut une attitude assez embarrassée ; on lui rappela qu'à la bataille d'Austerlitz il avait fait briser par le canon la glace des étangs sur lesquels fuyaient 12.000 hommes.

Sidi-Brahim

                 Abd-el-Kader n'avait pas pris l'initiative de l'insurrection du Dahra mais avec son habilité ordinaire il chercha à en tirer parti ; il tenta une incursion dans la vallée de la Tafna où plusieurs tribus se soulevèrent à son approche.
                 Le colonel de Montagnac, officier très instruit et très brave mais fougueux, violent et aventureux commandait le poste de Djemaâ-Ghazouat (Nemours) très isolé.
                 Les instructions qui lui étaient données lui prescrivaient d'être prudent et de ne pas s'aventurer hors de sa place. Il n'en tint pas compte et sortit le 21 septembre avec 430 hommes, talonné sans doute par le désir de prendre l'Émir. Le 23, laissant une partie de son monde au bivouac près du marabout de Sidi-Brahim, il se trouva bientôt en face d'Abd-el-Kader qui avait 5 à 6.000 hommes. La petite colonne affaiblie par un fractionnement malheureux fut complètement écrasée. Montagnac fut tué un des premiers. Le capitaine de Géraux, retranché avec une compagnie à Sidi-Brahim subit trois attaques furieuses ; les soldats refusèrent de se rendre et tinrent bon jusqu'au 26 ; n'ayant plus ni eau, ni vivres et n'étant pas secourus, ils essayèrent de s'ouvrir un chemin vers Djamaâ-Ghazaout ; tous périrent, sauf 16 hommes et 96 prisonniers qui tombèrent aux mains de l'Émir.

                 Montagnac avait commis une imprudence inconcevable ; sa mort héroïque a racheté ses erreurs.
                 Quelques jours après se produisit un nouvel accident, peut-être plus douloureux encore, car c'était une défaillance de l'honneur militaire. A Sidi-Moussa, près d'Aïn-Témouchent, 200 hommes commandés par le lieutenant Marin se rendaient sans combattre à Abd-el-Kader et déposait leurs armes à ses pieds.

La grande insurrection (novembre 1845-juillet 1846)

                 Les indigènes furent éblouis par l'éclat de ces deux succès. L'incendie se ralluma partout à la fois, dans le Dahra, dans la vallée du Cheliff, à la frontière marocaine, dans le Titteri. L'insurrection devenait générale et la situation était grave. Bugeaud en congé en France se hâta de revenir.
                 Dix-huit colonnes commandées par La Moricière, Bedeau, Cavaignac, d'Aumale, Yusuf, Saint-Arnaud, Pelissier, Comman, Géry, d'Arbouville, Gentil, Marey, Korte, Mac-Mahon, Cancobert, Bourjolly, Eynard, Bugeaud lui-même furent sur pied en même temps, formant un immense demi-cercle qui allait de la Tafna à la Kabylie pour empêcher Abd-el-Kader de pénétrer dans le Tell.
                 C'est une véritable chasse à l'homme qui s'organise sur près de huit cents lieues, du Sahara au Djudjura. L'Émir manœuvre avec une incroyable rapidité, passant à travers les mailles du réseau destiné à l'arrêter, apparaissant là où il est le moins attendu.

                 Il feint de s'enfoncer dans le Sahara puis se montre dans la vallée du Cheliff, mais les tribus qu'il appelle à lui ne bougent pas, les colonnes se rapprochent pour l'envelopper. Il se dérobe avant que le cercle se soit fermé passe au Sud et va rejoindre en Kabylie son khalifa Ben-Salem.
                 Il menace la Mitidja défendue seulement par quelques gendarmes et par un bataillon de disciplinaires armés à la hâte. Mais comme en 1839 les Kabyles refusèrent de prendre parti dans la querelle et à s'associer à une cause qui leur semblait perdue.

                 La grande insurrection de 1845-1846 démontra aux indigènes, tant aux fanatiques qu'aux politiques l'inutilité de leurs efforts. Ce fut la campagne la plus difficile et la plus pénible qui ait été faite en Algérie, bien qu'il ne s'y soit livré aucun combat de grande importance. Des marches, des contremarches, des fatigues écrasantes, des efforts inouïs furent imposés à toutes les colonnes ; les généraux Comman et Géry moururent d'épuisement.
                 Pendant cette poursuite, la Deïra d'Abd-el-Kader, résidu de la smala, autour de laquelle venait se grouper les mécontents, les émigrés, les déserteurs, tous les ennemis de la France était demeurées campés à la frontière marocaine. Dans la nuit du 26 au 27 avril, 270 prisonniers français y furent égorgés.
                 A partir de l'automne 1846 l'Algérie est de nouveau tranquille. Bugeaud qui avait toujours attaché une importance extrême à la Kabylie jugea que l'occasion était favorable pour soumettre ce massif montagneux dont il regardait l'indépendance comme une menace perpétuelle, mais le ministère ne voulut pas en entendre parler.

Le départ de Bugeaud

                 A diverses reprises Bugeaud avait été sur le point de donner sa démission.
                 A partir de 1844 les conflits devenaient continuels. Les attaques de la presse auxquelles le maréchal était très sensible, continuaient, notamment dans l'Afrique et l'Algérie subventionnés disait Bugeaud par le ministère de la guerre.
                 L'influence de La Moricière, qu'on lui opposait, allait grandissant. Le gouverneur se plaignait qu'on lui eût interdit de poursuivre Abd-el-Kader au Maroc et que l'on n'eût pas autorisé à faire l'expédition en Kabylie.
                 On lui retira le droit d'accorder des concessions en territoire civil.
                 Enfin un crédit de 3 millions qu'il avait demandé pour la colonisation militaire lui fut refusé. Il déclara qu'il considérait sa mission comme terminée.

                 Le 5 juin 1847, il s'embraqua pour ne plus revenir : " Nous lui rendîmes, écrit le prince de Joinville, les honneurs vice-royaux et je vois encore sa tête blanche et énergique, lorsque, debout et découvert sur la passerelle du bâtiment qui l'emportait, il traversa lentement les lignes des vaisseaux au bruit du canon, des tambours, des musiques jouant la Marseillaise et des acclamations des équipages. Il quittait avec tristesse cette terre d'Algérie qu'il avait tant contribué à faire Française. "

Le gouvernement du duc d'Aumale. La reddition d'Abd-el-Kader

                 A plusieurs reprises et dès 1843 on avait songé à mettre un prince à la tête des possessions africaines. On donna comme successeur à Bugeaud le duc d'Aumale qui connaissait depuis longtemps l'Algérie, avait commandé la subdivision de Médéa puis la division de Constantine. Il était aimé de l'armée, estimé de la population civile ; on s'accordait à louer son intelligence et ses capacités ; les indigènes honoraient en lui le fils du sultan de France ; les colons comptaient sur son influence pour ne pas être oubliés en haut lieu.
                 Nommé gouverneur général par ordonnance du 11 septembre 1847, le duc ramenait avec lui le général Changarnier.
                 Tout l'intérêt de la courte administration du duc d'Aumale réside dans la soumission d'Abd-el-Kader déjà préparée quand Bugeaud quitta la colonie. Le sultan du Maroc s'était brouillé avec l'Émir qu'il somma de disperser sa Deïra et de se rendre à Fez ; le sultan envoya une mehalla pour appuyer sa sommation. Le duc d'Aumale de son côté faisait concentrer 5.000 hommes à Marnia sous le commandement de La Moricière.

                 Abd-el-Kader fut obligé de reculer et dut sacrifier son infanterie et sa cavalerie pour sauver sa Daïra. Il conseilla aux siens de se rendre aux Français et suivi d'un petit nombre de cavaliers s'éloigna vers le Sud espérant encore gagner le Sahara.
                 La frontière était strictement gardée. Lorsqu'il se présenta au col de Guerbous il y trouva un détachement de spahis commandé par le lieutenant indigène Mohamed-Ben-Kouïa qui le reçut à coups de fusil. Il était deux heures du matin, la nuit était très noire, il tombait une pluie torrentielle ; l'officier qui commandait le poste avait peine à reconnaître dans ce groupe de fugitifs l'Émir jadis puissant et ses derniers compagnons.
                 Celui-ci préférant se rendre aux Français plutôt qu'aux Marocains fit porter sa demande d'aman à La Moricière ; il offrait de se soumettre pourvu qu'on lui permit de se retirer à Alexandrie ou à Saint Jean d'Acre ; La Moricière accepta ces conditions.
                 Ces promesses ne furent tenues que quelques années plus tard.
                 Abd-el-Kader fut conduit à Toulon avec 90 personnes dont 25 de sa famille.
                 La révolution de février ajourna son départ pour l'Orient ; il fut transféré d'abord à Pau puis à Amboise.
                 En 1852 il fut mis en liberté s'établit à Damas où, lors des massacres de 1860 il sauva la vie à près de 400 chrétiens en les abritant dans sa demeure ; son loyalisme ne se démentit jamais ; il mourut en 1883, vénéré des musulmans et protégeant les chrétiens d'Orient.

                 Abd-el-Kader avait été pendant quinze ans le plus redoutable et le plus persévérant de nos adversaires ; il avait su se créer des ressources et discipliner dans une certaine mesure un peuple indisciplinable ; vaincu il avait longtemps déjoué toutes les poursuites ; fugitif et émigré, il nous a causé autant d'embarras qu'aux jours de sa plus grande puissance.
                 Il avait sur ses compatriotes une supériorité qu'ils comprenaient instinctivement ; sa simplicité, ses mœurs austères, sa foi ardente, son invincible ténacité font de lui une grande figure historique. On peut dire, et c'est à son éloge, que du jour de sa reddition date vraiment la conquête de l'Algérie. Il y eut encore des soumissions à obtenir et des révoltes à réprimer mais la résistance sérieuse était finie et la période des grandes guerres d'Afrique définitivement close.

                 Suivant Pellissier de Reynaud, historien bien informé et impartial, le duc d'Aumale, pendant sa courte administration, montra beaucoup de zèle et d'intelligence et lorsqu'il partit, il s'était déjà occupé d'une foule de questions dont en principe la solution, qui est arrivée beaucoup plus tard, avait été entrevue par lui.
                 Il avait arrêté pour le printemps de 1848 une expédition en Kabylie qui eût constitué l'achèvement définitif de la conquête. Il s'était préoccupé d'obtenir les terres nécessaires à la colonisation européenne. La révolution de février mit fin à son administration au bout de quelques mois.

                 Les premières nouvelles de la révolution parvinrent à Alger le 27 février et le 2 mars le duc d'Aumale apprit qu'il était remplacé par le général Cavaignac. Le lendemain il partit avec le prince et la princesse de Joinville après avoir fait ses adieux à l'armée et à la population civile. Ils s'embarquèrent pour l'Angleterre sur le Solon. Le commandant Jaurès, qui leur était tout dévoué, se déclara prêt à les conduire en France s'ils le désiraient mais ils refusèrent. A vingt-six ans commençait pour le duc d'Aumale un exil qui devait durer jusqu'en 1871. La blessure ne se cicatrisa jamais. Il conservait pieusement ses uniformes et souvent ses visiteurs le surprenaient à les regarder comme cloué au sol et hypnotisé.

                 L'Algérie ne cessa pas de tenir une grande place dans ses préoccupations : " Je porte toujours, écrivait-il en 1855, le plus vif intérêt aux affaires de ce pays qui est tout mon passé et dont la conquête reste une des principales gloires du règne de mon père. " La question algérienne était celle qui le passionnait le plus. On ne pouvait associer son nom à celui de l'Algérie, rappeler le rôle qu'il y avait joué, sans le faire tressaillir. Plus tard encore, à la fin de sa vie, il aimait, sous les beaux ombrages de Chantilly, à évoquer les souvenirs de sa carrière africaine.

                 Gabriel Hanotaux de l'Académie française
                 Alfred Martineau professeur au Collège de France
                 Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde.
                 Tome II : l'Algérie par Augustin Bernard professeur à la faculté des lettres de Paris. Édition 1930

Administration générale
Envoyé par M. Christian Graille

                  Bugeaud n'a pas seulement conquis l'Algérie ; il a aussi marqué sa forte empreinte sur l'administration et sur la colonisation. Il était convaincu de la supériorité de l'administration militaire ; l'idée d'un gouvernement civil de l'Algérie, qui avait été émise dans divers milieux et dont La Moricière s'était déclaré partisan, lui paraissait une coupable folie tant que la domination française ne serait pas mieux établie. Jusqu'en 1845 tous les pouvoirs étaient réunis dans la main du gouverneur qui avait en particulier le droit d'expulsion.
                 Soult n'approuvait pas la liberté, trop grande selon lui laissée à l'autorité locale ; il entendait la restreindre et s'efforçait d'intervenir dans les affaires algériennes.

                 L'administration civile avait ses préférences contrairement aux vues de Bugeaud.
                 La désignation du duc d'Aumale ramena la question qui déjà s'était posée en 1834, de savoir si l'on créerait en Algérie une vice-royauté. Le gouvernement ne s'engagea pas dans cette voie.
                 L'ordonnance du 1er septembre 1847 restreignit les pouvoirs du chef de la colonie. Le gouverneur général demeurait chargé de la haute administration. On décida que les centres de population ayant acquis un degré de développement convenable pourraient être érigés en communes par ordonnance royale. Six localités, Alger, Blida, Oran, Mostaganem, Bône et Philippeville, devinrent des communes mais le conseil municipal d'Alger était le seul qui fût installé lorsque la révolution de février mit fin à l'administration du duc d'Aumale.

L'administration des indigènes et les bureaux arabes

                 Une profonde ignorance avait longtemps présidé à nos relations avec les populations musulmanes. Nous, nous étions d'abord adressés aux Maures citadins, aux Israélites, aux interprètes recrutés au hasard, dont on a dit que quelques-uns ne savaient ni le français ni l'arabe. Tous ces intermédiaires avaient abusé de notre candeur.
                 En 1833, un bureau arabe dirigé par La Moricière avait été créé pour centraliser les affaires indigènes, réunir les documents, traduire la correspondance, transmettre les décisions du commandement. C'était l'anarchie dans laquelle nous avions laissé si longtemps les indigènes, c'était notre incapacité à les administrer qui les avaient livrés à Abd El Kader. Il ne suffisait pas de le combattre mais de le remplacer.

                 Les principaux collaborateurs de Bugeaud dans cette tâche difficile furent Daumas qui dirigea les affaires indigènes de 1841 à 1847, La Moricière, Léon Roches, de Barral, Charras, Cavaignac, Lapasset, Bourbaki.
                 Le maréchal pensait qu'on ne pouvait imposer à un peuple conquis un système quelconque de gouvernement, fut-il plus moral, plus paternel, plus parfait que celui sous lequel il avait précédemment vécu et qu'il fallait tenir compte des tendances, des habitudes, du génie des populations pour les administrer avec fermeté, justice et bienveillance, suivant leurs mœurs et leurs institutions, non suivant les nôtres.

                 On pouvait s'inspirer soit de l'organisation des Turcs soit de celle d'Abd-el-Kader. Nous avions détruit le système turc qui reposait sur l'arbitraire, sur la distinction des tribus mais à ce titre il ne pouvait nous convenir. Bugeaud et Daumas se décidèrent pour le système de l'Émir. Le programme consistait :
                 - à changer les hommes sans toucher aux institutions fondamentales,
                 - à faire succéder sans secousse notre autorité à l'autorité déchue,
                 - à supprimer par des réformes successives les abus inséparables de tout gouvernement absolu,
                 - à moraliser les nouveaux chefs indigènes par l'exemple de notre probité politique et administrative,
                 - à conquérir peu à peu l'affection de nos administrés en leur faisant entrevoir un recours contre l'injustice et l'arbitraire.

                 On maintint ou reconstitua toute une hiérarchie de chefs indigènes qui exerçaient sur la population les pouvoirs politiques, administratifs, militaires, financiers, judiciaires.
                 On conserva l'impôt sur les récoltes et sur le bétail. Les grands chefs, à l'époque, nous étaient nécessaires.
                 Pour aider les commandants supérieurs dans l'administration délicate des affaires indigènes il fallait des auxiliaires familiarisés avec la langue, les habitudes, les idées des populations.

                 Les attributions des officiers chargés des affaires arabes étaient nombreuses et variées. Ils devaient :
                 - comprendre et parler la langue des indigènes,
                 - s'appliquer à acquérir une connaissance approfondie du pays,
                 - connaître l'histoire des tribus et dans chaque tribu celle des personnalités marquantes,
                 - se déplacer fréquemment,
                 - visiter les tribus, les marchés et écouter sur les lieux mêmes toutes les réclamations afin que l'autorité française apparût aux indigènes comme la protectrice des opprimés contre l'arbitraire des chefs,
                 - assurer la transmission des ordres et leur traduction,
                 - en expliquer le sens aux chefs indigènes et provoquer leur avis,
                 - veiller à l'assiette et à la rentrée des impôts, au paiement régulier des cavaliers du makhzen,
                 - rechercher les biens du Beylik,
                 - constituer des archives claires et bien ordonnées.

                 Bugeaud veillait personnellement à ce qu'aucune injustice, aucune brutalité ne fut commise à l'égard des indigènes. Le corps des officiers de bureau arabe a compté un grand nombre d'hommes tout à fait remarquables qui nous ont donné l'Afrique du Nord en nous permettant de faire mouvoir tous les rouages de la société indigène et de l'administrer avec le concours et par l'intermédiaire des grands chefs. Le mouvement imprimé par Bugeaud s'est continué jusqu'en 1858. Puis peu à peu, le personnel des bureaux arabes à fini par recevoir des sujets d'un moindre mérite. Les pouvoirs considérables dont ils étaient investis, le maniement de fonds sans contrôle, le contact des chefs prévaricateurs a parfois corrompu certains hommes de mentalité médiocre.
                 En même temps, les bureaux arabes contrairement aux intentions formelles de Bugeaud, se rendaient indépendants du commandement.
                 Enfin, à mesure que notre contrôle sur les indigènes se resserrait, ils étaient amenés à descendre dans le détail de l'administration auquel des officiers sont en général peu préparés.

                 Gabriel Hanotaux de l'Académie française
                 Alfred Martineau professeur au Collège de France
                 Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde.
                 Tome II : l'Algérie par Augustin Bernard professeur à la faculté des lettres de Paris. Édition 1930.



Pour sourire
Envoyé par M. Alain

         - " Le revolver ! ... Le bazooka ! ... Le fusil ! ... La mitraillette ! ..."
         L'infirmière entre précipitamment dans la chambre et l'enguirlande :
         - " Non, mais ça ne va pas de crier comme ça ! Vous vous croyez encore à la guerre ? ... Et puis c'est quoi cette odeur d'urine ? " Elle soulève les draps et s'aperçoit qu'ils sont complètement mouillés :
         - " Mais c'est dégoûtant ! Vous auriez pu demander le pistolet ...

         - " Voilà ! Le pistolet !!!!!!! C'est le mot que je cherchais... "

=============

         Un homme décide après plus de 20 ans de retourner à confesse. Il écarte le rideau, entre, s'assied, et découvre étonné, un minibar bien rempli,
         une bouteille de champagne rosé dans un seau avec de la glace, un ravier avec des amandes grillées et des cacahuètes, un autre ravier rempli de MON CHERI,
         et enfin, " cerise sur le gâteau ", des photos de Playboy avec de jolies filles affichées sur la paroi du confessionnal...
         Alors qu'il entend le prêtre s'apprêter à entrer dans le confessionnal, il lui dit :
         - " Mon père, excusez moi, cela fait très longtemps que je ne me suis plus confessé, et même que je suis entré dans une église, mais dites-moi...
         çà à pas mal changé... non ? ”

         Et le prêtre répond :
         - " Sortez de là, vous êtes de mon côté, imbécile !!! "


L'Administration turque en Algérie
Envoyé par M. Christian Graille
Des Hojas, du Cadi, du Cazenadar, et de divers autres officiers.

                 Les Hojas, ou Cogias hachis, ou grands écrivains sont les secrétaires d'État. Il y en a quatre aux fonctions très importantes :
                 Le plus ancien tient les livres de la paye et des dépenses ordinaires et extraordinaires, le second ceux de la douane, le troisième ceux des revenus de l'État, le quatrième ceux des affaires étrangères et extraordinaires. Ils sont toujours assis sur un même rang dans une table ou bureau, à côté droit du Bey, pendant tout le temps qu'il est sur son siège, pour répondre, vérifier, écrire ou enregistrer tout ce qui est de leur département.

                 Lorsqu'un Consul va porter plainte au Dey de quelque tort fait aux gens de sa nation, ou de l'infraction de quelque article du traité de paix de la part des Algériens, le Dey ordonne au secrétaire d'État qui a le registre des traités de l'ouvrir et de répondre aux plaintes du Consul. Le secrétaire lit tout haut l'article, que le Consul prétend avoir été enfreint, il est suivi à la lettre et sans aucune interprétation. Si le Consul a raison, on lui rend justice ; mais s'il se plaint fondé sur quelque interprétation favorable de l'article en question, on lui refuse ce qu'il demande et l'affaire est réglée dans un instant de quelque conséquence qu'elle soit.

                 Les grands écrivains sont nommés par le Dey. Au nombre de 80 Ils ont chacun leurs différents emplois. Les uns commis à la distribution du pain des soldats, les autres de la viande, les uns aux garâmes ou droits sur les maisons ou boutiques, les autres aux garâmes des jardins, métairies et autres terres. Il y en a de préposés pour l'entrée des bestiaux, des cuirs, de la cire, des huiles et autres marchandises du cru du pays et autres différents magasins tant de la terre que de la mer. Il s'en tient toujours deux à chaque porte, quelques-uns auprès du Dey pour recevoir ses ordres et ceux des secrétaires d'État, et d'autres s'embarquent sur les gros vaisseaux qui vont en course.

                 Ils ne décident de rien que par son organe ; mais comme ils sont de sa main, que ce sont les premiers conseillers et qu'ils sont toujours auprès de lui, ils ont un grand pouvoir et leurs avis sont toujours d'un grand poids. Ils le donnent ordinairement en particulier et parlent rarement en présence des parties.

                 Le Cadi est nommé et envoyé par la Porte ottomane (surnom donné au gouvernement ottoman en référence à une porte monumentale du palais de Topkapi à Constantinople,) après avoir été approuvé par le grand mufti ou patriarche ottoman à Constantinople. Il n'a aucun pouvoir dans le gouvernement et ne peut s'en mêler en aucune façon. Il juge et décide généralement de toutes les affaires qui regardent la loi et dit rendre ses jugements sans frais et sans appel. Mais comme un Cadi ne vient à Alger que pour s'enrichir et qu'il lui en coûte des présents à la Porte pour avoir cet emploi, il se laisse aisément corrompre par les parties. Il est obligé de rester toujours chez lui, sans pouvoir en sortir que par la permission du dey. Ce dernier fait souvent juger par son Divan (assemblée de notables) des affaires litigieuses qui sont de la compétence du Cadi, lorsqu'elles sont de quelque conséquence et en ce cas il appelle tous les gens de la loi. Il y a aussi un Cadi maure, qui rend la justice aux gens de sa nation, lorsque le Dey les renvoie à lui. Il n'a aucune paye et est entièrement subordonné au Cadi turc.

                 Le Hazenadar, ou Cazenadar est le trésorier général de l'État. C'est lui-même qui reçoit en présence du Dey les fonds provenant des revenus du royaume et qui les met aussi en sa présence et celle des quatre grands écrivains, dans le Hazena ou trésor, qui est une Chambre dans la salle du Divan où on l'enferme. Ce trésorier doit tenir un compte général des dépenses de la république (la République signifie également l'État) mais on n'y regarde pas toujours de si près puisqu'il y a de ces trésoriers qui ne savent point écrire ni même lire.

                 Il ne fait ses opérations qu'en présence du Divan ordinaire, soit qu'il reçoive de l'argent ou qu'il en donne. Il a avec lui un commis qu'on appelle Contador, qui est un Turc chargé de tout l'argent tant de la recette que de la dépense. Ce Turc a deux aides pour cela et deux Juifs auprès de lui : un pour visiter les monnaies douteuses qui, en ce cas, sont refusées, l'autre pour peser ; et à mesure qu'il reçoit ou qu'il paye, il crie à haute voix ce qu'il fait. Alors le grand écrivain ou secrétaire d'État, écrit ce qui se passe dans son registre courant.

                 Le Chekelbeled est l'échevin de la ville. Il a soin de la police en ce qui concerne les réparations de la ville, les rues et autres choses semblables. Il est à la nomination du Dey. C'est dans la maison du Chekelbeled qu'on met en arrêt les femmes de bonnes réputations qui ont mérité quelque punition et elles y sont châtiées secrètement comme les Turcs dans la maison de l'Aga. Lorsque le Dey a pour esclaves des femmes ou des filles de quelque distinction dont il attend une bonne rançon, il les envoie dans la maison du Chekelbeled sous bonne garde et leur fait donner tout le nécessaire et de l'ouvrage pour s'occuper, si elles le souhaitent ; et elles restent là jusqu'à ce qu'elles soient rachetées.

                 Le Pitremelgi ou Bethmagi, qui signifie homme de la Chambre des biens, est chargé de s'emparer au nom du dey de tout le casuel qui appartient à la république par la mort et l'esclavage de ceux qui n'ont ni enfants, ni frère, tant en meubles qu'en immeubles dont il doit rendre compte exactement.
                 Il a ses officiers particuliers, et de peur qu'on ne cache la mort de quelqu'un, nul ne peut être enterré sans un billet de lui. Cela s'observe d'autant plus exactement, que les sépultures sont toutes en dehors de la ville et qu'il y a un commis à chaque porte pendant tout le temps qu'elles sont ouvertes pour recevoir les billets de permission que le Pitremelgi a signés.
                 Lorsque quelqu'un est mort sans enfants ni frère, le Pitremelgi s'empare de tout son bien, dont il paye le douaire à la veuve. Il a soin de faire fouiller dans les maisons du défunt tant à la ville qu'à la campagne, s'il y en a dans l'héritage, pour trouver le trésor caché, étant assez ordinaire à cette nation de cacher de l'argent et de l'or.
                 La raison de cet usage vient de ce qu'un particulier qui passe pour riche est souvent inquiété par le Dey, qui lui demande de l'argent sous prétexte des besoins de l'État, ou lui impose des amendes pécuniaires fort considérables lorsqu'il commet la moindre faute on confisque ses biens au profit de l'État sur le moindre soupçon d'avoir conspiré contre lui de sorte qu'il aime mieux avoir un trésor caché, qui est une ressource pour lui ou pour ses enfants, en cas qu'il soit obligé de s'en aller furtivement et d'abandonner ses biens pour garantir sa vie. Mais il est assez ordinaire que la mort en surprend beaucoup avec le trésor caché, sans qu'ils l'aient déclaré à personne ; ce qui fait que le Pitremelgi fait de grandes recherches.

                 Le Hoja, ou Cogia-Pingié est le Contrôleur Général, qui est chargé de la part ou portion des marchandises qui revient à la République sur les prises faites en mer. Il en tient compte, et les délivre selon l'ordre du Dey, soit à l'enchère, soit par vente particulière, dont il rend compte aux secrétaires d'État. Il a deux écrivains pour ses aides.

                 Le Dragoman, ou interprète de la maison du Roi, est un Turc qui sait lire et écrire en turc et en arabe. Il explique toutes les lettres des Arabes et des Maures qui viennent au Dey des différents endroits du royaume, de même que celles des esclaves algériens dans les pays des chrétiens ; et après en avoir fait la traduction en langue turque, il les présente au Dey, qui donne ses ordres en conséquence.
                 Il est dépositaire du sceau ou cachet du Dey, qu'il ne quitte jamais, et il scelle en sa présence toutes les dépêches, mandements, traités et autres écrits. Il faut observer que le Dey ne signe jamais aucun écrit, et le sceau où il n'y a de gravé que son nom tient lieu de signature. Il est toujours auprès du Dey ou dans la salle du Divan, pour servir d'interprète aux Arabes et aux Maures, tant de la ville que de la campagne, qui viennent porter des plaintes au Dey, ou lui demander des avis de ce qui se passe pour ou contre ses intérêts. Il interprète et traduit aussi les lettres qui viennent des royaumes du Maroc et de Tunis, qui sont écrites ordinairement en langue arabe.

                 Les Chaoux sont les exempts de la maison du roi. C'est un corps très considérable. Il est composé de douze Turcs des plus forts et des plus puissants de la république et d'un chef appelé Bachaoux, ou Chaoux-Bachi ou grand prévôt. Il y a eu plusieurs Bachaoux qui ont été élus Deys. Ils sont habillés de vert avec une écharpe rouge, ils ont un bonnet blanc en pointe et sont les fidèles porteurs de tous les ordres du Dey.
                 Il ne leur est pas permis de porter aucune arme offensive ou défensive, pas même un couteau ou un bâton ; et néanmoins ils arrêtent, lorsqu'ils en ont l'ordre, les Turcs les plus puissants et les plus séditieux, sans qu'il n'y ait aucun exemple qu'on leur ait résisté, quoique ceux qu'ils ont arrêtés aient su leur mort certaine.
                 Les Turcs les plus résolus, de quelque qualité qu'ils soient, tremblent et pâlissent dès qu'un Chaoux leur a mis la main dessus par commandement du dey, et ils se laissent conduire comme des agneaux chez l'Aga de la milice, où ils sont bastonnées ou étranglés, selon les ordres que ce général en a déjà reçus.
                 Ces Chaoux ne sont employés que pour les affaires des Turcs, étant indignes d'eux de mettre la main sur un Chrétien, sur un Maure ou sur un Juif. Il y a le même nombre de Chaoux maures et un Bachaoux de la même nation, qui ont le même pouvoir, sur les Maures, sur les Chrétiens et sur les Juifs, suivant les ordres du Dey mais il ne leur est pas permis de porter aucun ordre à un Turc.
                 Les deux Bachaoux se tiennent toujours auprès du Dey pour recevoir ses commandements et les faire exécuter par les Chaoux qui se tiennent toujours dans la maison du roi.
                 Lorsque le Dey a ordonné de faire venir quelqu'un qui est accusé devant lui, il ne faut pas que le Chaoux qui en a l'ordre s'avise de revenir sans lui. S'il apprend qu'il est à la campagne, il va l'y chercher et l'y amène avec lui. S'il ne peut apprendre où il est, il fait publier par un crieur public, que ceux qui sauront où il est aient à le déclarer sous peine de punition ; et si l'on apprend que l'un l'ait caché ou l'ait fait évader, celui qui lui a rendu ce bon office est puni très sévèrement et mis à l'amende et même puni de mort si l'affaire dont il s'agit intéresse le dey ou l'État.

                 Les gardiens Bachis sont des Turcs qui ont le commandement des bagnes du Deylik ou du gouvernement et ont le compte et le soin des esclaves. Chaque bagne a un gardien-Bachi et surtout il y a un Bachi-gardien-Bachi, ou Gouverneur Général qui fait la revue tous les soirs dans les bagnes, qui répartit les esclaves pour aller en mer ou pour le travail journalier, qui les fait châtier lorsqu'ils sont jugés dignes de punition, et qui rend chaque jour compte au dey de ce qui se passe dans les bagnes. C'est le Bachi-gardien-Bachi qui fait ordinairement préparer les vaisseaux pour mettre à la voile, à cause du nombre d'esclaves du Deylik qui y travaillent et qui sont embarqués pour aller en campagne. C'est un des anciens Raïs ou capitaines corsaires qui occupe ordinairement cette place. Il a beaucoup de pouvoir dans la République.

                 Le Raïs de la marine, ou capitaine du port, est un officier de grande distinction et de crédit. Il n'est pas nommé par ancienneté de capitaine mais à la volonté du Dey, qui choisit ordinairement pour remplir ce poste une personne âgée, expérimentée dans la marine et de bonnes mœurs.
                 Cet officier a plusieurs aides qu'on nomme gardiens du port. Il donne avis au Dey de tout ce qui se passe. Lorsqu'il arrive des bâtiments, il va à bord avant qu'ils entrent dans le port ; et après avoir pris les informations, il va rendre compte du lieu de départ des bâtiments, du chargement et des nouvelles qu'on lui a données et il revient aussi incessamment pour porter aux capitaines les ordres que le Dey lui a donnés. Dès que les bateaux sont dans le port, il conduit les capitaines devant le Dey, qui les interroge, selon son bon plaisir. C'est le Raïs de la marine qui fait la visite en chef de tous les navires chrétiens qui sont sur leur départ afin qu'ils n'enlèvent pas des esclaves. Il a sa justice particulière pour tous les différends qui arrivent dans le port, à l'occasion des bâtiments, avec pouvoir d'absoudre ou de condamner. Dans les cas de conséquence seulement il convoque l'Amiral et tous les Raïs dans le lieu de leur assemblée ordinaire, qui est au bout du môle, et l'affaire est décidée en leur présence après qu'ils ont donné leur avis, en commençant par les plus anciens. Après quoi il va faire son rapport au Dey, avant que d'exécuter le jugement, qui est toujours approuvé.
                 Il commande la galiote (navire à rames connu aussi sous le nom de demi-galère) de garde qui est armée pendant tout l'été pour faire la découverte sur la côte avant la nuit et pour aller reconnaître les bâtiments qui viennent pendant le jour.

                 Les Raïs, ou capitaines de vaisseaux forment un corps considérable et accrédité, à cause du profit que leurs courses apportent au pays dont ils sont le plus ferme soutien : aussi sont-ils respectés et ménagés par rapport au besoin qu'on a d'eux. Chaque capitaine est un des propriétaires du bâtiment qu'il commande et les autres armateurs le laissent maître de l'armement, et d'aller en course quand il veut, à moins que le dey ne juge que le bâtiment est nécessaire au service de l'État car alors il faut qu'il le serve avant toutes choses. Ce service ne consiste qu'à porter les garnisons des places maritimes lorsqu'on les change. Ils sont fixés à ce poste et n'ont d'autorité dans le gouvernement que celle qu'ils s'acquièrent par leurs services, leur bonne réputation et leur bonheur. Un capitaine n'a part aux prises que comme armateur, sans avoir les appointements " Les soute-Raïs " sont les officiers major. Ils sont au choix du capitaine et n'ont point d'appointements. Ils ont quatre parts sur le produit des prises.

                 L'Amiral n'est pas le plus ancien officier de la mer, mais celui à qui il plaît au Dey de donner le commandement du seul navire qui appartient au Deylik. Il a le pas et les honneurs devant tous les autres capitaines et les commande à la mer. Il n'a aucun pouvoir que celui qu'il s'acquiert, en s'attirant l'estime des autres capitaines qui, excepté sur mer, ne dépendent de lui qu'autant qu'il leur plaît. Mais lorsqu'il est reconnu pour un homme de poids et de mérite, le Dey lui renvoie souvent la décision des affaires de la marine et les capitaines et les marchands s'adressent volontiers à lui pour terminer leurs différends.

                 Les Topigi-Bachi sont les maîtres canonniers. Ils commandent l'artillerie à bord. Il y en a dans chaque bâtiment corsaire au choix du capitaine et n'a que trois parts aux prises. Lorsqu'ils ont de quoi s'intéresser à un armement, ils parviennent aisément à avoir un bâtiment, de même que les autres officiers subalternes.

                 Le Mézouard est le grand bailli et le lieutenant général de la police. Il maintient la paix et le bon ordre dans la ville. Il a une compagnie de gardes à pied, qui ne reçoivent aucun ordre que de lui directement. Il observe et se fait informer de ce qui se passe dans la ville pendant le jour, fait la patrouille pendant la nuit et rend compte tous les matins au Dey de tous les désordres qui sont arrivés et de tout ce qu'il a appris par ses émissaires. Il a inspection et plein pouvoir sur les femmes de mauvaise vie ; il en exige une garâme ou tribut, dont il paye tous les ans 2.000 piastres sévillanes au Dey.
                 Il s'empare de toutes les femmes de joie et les tient enfermées dans la maison où elles sont distinguées par classe. Dès qu'il découvre quelque femme ou fille qui commence à donner dans l'intrigue, pourvu qu'il puisse une fois la surprendre en flagrant délit, il a le droit de s'en saisir et de la mettre avec les autres, ou de la rançonner.
                 Il les loue aux Turcs ou aux Maures qui viennent lui en demander et leur laisse choisir celles qui leur conviennent.
                 Ils peuvent les garder autant de temps qu'ils veulent, suivant la conclusion du marché fait entre le Mezouard et eux et sont obligés de les ramener à la maison où ils les ont prises, lorsque le temps du marché est fini, ou de le renouveler. Celles qui veulent sortir chercher fortune en obtiennent la permission en payant chaque jour une petite somme au Mezouard pour droit de sortie. Il est aussi le maître bourreau : il fait ou fait faire les exécutions par ses satellites, donne ou fait donner la bastonnade lorsque le dey lui en donne les ordres. C'est toujours un Maure qui occupe cet emploi, qui est des plus lucratifs et des plus en horreur.

                 Histoire du royaume d'Alger
                 Par M. Laugier de Tassy, commissaire de la marine pour Sa Majesté très chrétienne en Hollande. Édition 1725




L'Algérie sous les Turcs
Envoyé par M. Christian Graille

                 Bien que la domination turque qui a duré trois siècles n'ait laissé que peu de traces en Algérie, comme elle a précédé immédiatement la domination française, il convient d'y insister quelque peu.
                 L'anarchie dans laquelle était tombée l'Afrique du Nord semblait appeler la conquête étrangère. Elle se produisit sous la double forme des entreprises hispano-portugaises et de l'intervention des Turcs. La péninsule ibérique une foi reconquise, les Portugais et les Espagnols poursuivirent au-delà du détroit de Gibraltar la croisade contre les Maures. Les Portugais dominèrent sur les côtes du Maroc, les espagnols de Melilla à Tripoli. La première conquête des Portugais au Maroc fut la prise de Ceuta en 1416 ; Quant aux entreprises espagnoles elles ne commencèrent qu'après la prise de Grenade en 1492. Le testament d'Isabelle la Catholique prescrivait à ses successeurs de conquérir l'Afrique et d'y continuer sans jamais l'interrompre la croisade pour la foi contre les infidèles. Ils étaient d'ailleurs provoqués par les Indigènes qui, de concert avec les Morisques expulsés d'Andalousie, avaient organisé la piraterie sur toutes les côtes de la Méditerranée.

                 En 1505 Dont Diego Hernandez de Cordoue, plus tard marquis de Comarès, prit Mers-el-Kébir ; deux ans après, il s'avança jusqu'à Misserghin pour surprendre un douar de Gharabas mais essuya au retour un sérieux échec.
                 Ferdinand cédant aux instances du cardinal Ximénés de Cisneros résolut de venger cette défaite. Le cardinal réunit une armée de 4.000 cavaliers, 12.000 piqueurs, 8.000 aventuriers à ses gages ; la flotte qui la portait comprenait 33 vaisseaux, 22 caravelles, 6 galiotes (navire à voile), 3 bateaux plats, une fuste (bateau à voile et à rames) et 19 chaloupes.
                 Ximénès prit le titre de capitaine général et confia le commandement effectif à Pedro Navarro ; l'armada, partie de Carthagène, fit voile pour Mers-el-Kébir, d'où l'armée espagnole marcha sur Oran et enleva la place d'assaut au cri de Santiago y Cisneros ; 4.000 Musulmans furent tués, 8.000 faits prisonniers et le cardinal fit son entrée sur une embarcation magnifique au-dessus de laquelle une banderole brodée de la croix et de la devise : In hoc signo vinces. (par ce signe tu vaincras) Les Espagnols s'emparèrent ensuite de Bougie, de Tripoli, de Ténès. Sur un des îlots qui ont valu son nom à Alger (El-Djezaïr : les îles). Pedro Navarro construisit une forteresse, le Penon, dont les canons pouvaient battre la ville de la distance de 300 mètres. Ces succès si rapides jetèrent l'effroi parmi les Indigènes ; Bon nombre de tribus s'empressèrent de faire leur soumission. L'Espagne maîtresse d'une grande partie des côtes de l'Afrique, voyant les chefs locaux s'adresser à elle contre leurs compétiteurs, aurait pu profiter de l'anarchie du pays pour l'occuper tout entier. Mais au lieu de prendre les ports comme base de pénétration vers l'intérieur, les Espagnols se tinrent enfermés derrière de puissantes murailles. Ce système d'occupation restreinte, dont la France devait renouveler, trois siècles plus tard, la triste expérience, eut ses résultats ordinaires. Les Espagnols furent bientôt assiégés et comme emprisonnés dans leurs places fortes par les tribus du voisinage, réduits à tout faire venir d'Espagne, même l'eau douce.
                 Les difficultés de la navigation pendant l'hiver et surtout la négligence de l'intendance réduisaient parfois la garnison à l'extrême misère : " A Bône, dit un rapport officiel, les soldats n'ont plus de quoi acheter une sardine ; A Bougie, on doit dix-huit mois de solde aux troupes et les hommes désertent pour aller aux Indes ; au Penon, on était en train de mourir de faim quand un vaisseau chargé de blé est venu s'échouer devant le fort. Tout va bien maintenant, mais il ne faudra pas continuer à tenter Dieu. "
                 Le capitaine général qui avait le commandement suprême de l'armée et des fortifications était doublé d'un Corrégidor royal, sorte de gouverneur civil, qui était chargé d'assurer la solde, les approvisionnements et de rendre la justice. Entre ces deux pouvoirs rivaux, la lutte fut incessante jusqu'au moment où le roi, en 1536, se décida à supprimer le Corrégidor.
                 Les Espagnols se laissèrent d'ailleurs détourner de leurs entreprises africaines par les guerres d'Italie. Le pays leur échappa économiquement et politiquement ; les Indigènes reprirent peu à peu courage ; il leur vint d'ailleurs un secours inattendu, celui des Barberousse, qui, avec quelques milliers d'hommes allaient se rendre maîtres de l'Algérie.

Les différentes phases de la domination turque


                 La période turque de l'histoire de l'Algérie se divise en quatre phases :
                 - celle des Beylierbeys (1518-1587),
                 - celle des Pachas triennaux (1587-1659),
                 - celle des Aghas (1659-1671),
                 - celle des Deys (1671-1830).

                 Ces diverses phases correspondent à un détachement croissant vis-à-vis du sultan de Constantinople et aussi à une anarchie de plus en plus complète. Depuis qu'Arroudj et Kheir-ed-Din avaient fondé la régence d'Alger, ou comme on le disait, l'Odjak, quatre grands personnages avaient été revêtus de la dignité de Beylierbey : Kheir-ed-Din lui-même, son fils Hassan, Salah-Raïs et Euldj-Ali ; les uns et les autres avaient été des hommes remarquables par leur énergie et leur sens politique. La milice et les corsaires leur obéissaient et ils étaient eux-mêmes de fidèles serviteurs du Sultan. Mais déjà des révoltes fréquentes avaient appris aux fondateurs de la Régence que leur œuvre n'était guère solide et que la turbulence des janissaires constituait peut-être un perpétuel danger.

                 Dès 1556, la milice égorgeait un Pacha ; en 1561, elle embarquait de force pour la Turquie Hussan-Ben-Kheir-ed-Din. Le Pacha, quand on voulait bien l'accepter, ne pouvait rien sans l'assentiment de l'agha, chef des troupes et de l'assemblée du divan où tous les janissaires avaient accès.
                 Cependant jusqu'en 1587, les Beylierbeys (Gouverneurs Généraux) trouvèrent un solide point d'appui contre les janissaires dans la corporation des corsaires ou taïffe des raïs, qui leur était très attachée, à eux et à l'Empire ottoman.

Les pachas triennaux.


                 Les choses changèrent à la fin du XVIe siècle. Le nombre des Ioldachs (soldats ) augmenta considérablement ; se voyant plus redoutables, ils devinrent plus grossiers, plus arrogants, plus pillards et plus indisciplinés. Leurs officiers composaient le divan, qui décidait souverainement de la paix et de la guerre, des alliances et des traités, s'inquiétant peu de savoir si la détermination prise était ou non conforme à la politique de la Porte. Les raïs ne se recrutaient plus comme jadis parmi les marins de l'empire turc, mais parmi les renégats qui affluaient à Alger à partir de cette époque. Ces nouveaux corsaires furent beaucoup plus âpres au gain et plus cruels que leurs prédécesseurs. Ils n'eurent que pour les ordres du Sultan que du mépris et comme seuls ils faisaient régner l'abondance dans Alger, ils en devinrent les véritables maîtres.

                 Après la mort d'Euldj-Ali, il n'y eut plus ni grand chef de guerre, ni grande politique dans la Régence. L'empire turc qui avait fait à la chrétienté une guerre si redoutable, était bien affaibli et déjà commençait sa longue décadence. La Porte renonça au grand projet qu'avaient conçu les Beylierbeys : la création d'un empire en Afrique. Elle considéra les Régences d'Alger, de Tunis et de Tripoli comme de simples provinces qu'il suffirait, croyait-elle, d'administrer comme celles de l'Asie Mineure et de la Turquie d'Europe. Elle envoya donc à Alger des Pachas qui ne gardaient leur gouvernement que pendant trois ans.
                 Mais les populations de l'Afrique du Nord étaient beaucoup plus indociles et plus remuantes que celles du reste de l'Empire. Les janissaires d'Alger se sentaient assez forts pour s'ériger en maîtres et ne laissaient aux Pachas que des prérogatives purement extérieures : une garde, un palais, des chaouchs, la place d'honneur dans les cérémonies publiques.
                 En 1635, préludant à la révolution qu'elle devait accomplir vingt-six ans plus tard, l'assemblée tumultueuse du Divan soustrayait au Pacha l'administration du Trésor et n'en exigeait pas moins qu'il payât les troupes. Les Pachas sans cesse ballottés entre les exigences de la taïffe, de la milice et de la populace, s'efforçait de ménager tout le monde, tremblant sans cesse pour leurs têtes et pour leurs trésors qu'ils cherchaient à accroître rapidement pour aller finir leurs jours dans une des riantes villas du Bosphore. On cessa d'obéir aux ordres de la Porte et la Régence devint indépendante.

Les aghas.


                 Dans la seconde moitié du dix-septième siècle, les pachas furent de moins en moins respectés et obéis.
                 En 1659, les janissaires réunis en Divan décidèrent que le pacha envoyé de Constantinople n'aurait plus le pouvoir exécutif ; celui-ci serait exercé par les Aghas, chefs de la milice, assistés du Divan, et l'envoyé de la Porte ne conserverait plus qu'un titre honorifique.
                 La soldatesque devenait ainsi maîtresse du pouvoir et la séparation entre la Régence et la Porte s'accentuait. La révolution de 1659 changeait le pachalik (domaine du Pacha) en une République militaire, dont chaque soldat devait devenir président à son tour d'ancienneté : conception bizarre et évidemment irréalisable. L'agha ne gardait ses fonctions que deux mois, et tous les deux mois surgissait un nouveau chef du pouvoir. Le système avait pour effet de multiplier au-delà de toute mesure les désordres et les assassinats. Tous les aghas sans exception moururent de mort violente de 1659 à 1671.

                 La nouvelle constitution dura douze ans à peine. En 1671 se produisit une nouvelle révolution, qui, cette fois, fut l'œuvre des Raïs ; la souveraineté des chefs de la milice disparut devant la prééminence de la marine. Les raïs donnèrent le pouvoir à l'un d'entre eux, qui prit le titre de Deys, c'est-à-dire, oncle, patron, appellation familière qui se transforma en un titre officiel.
                 Les Deys, nommés à vie, ne tardèrent pas à profiter des moyens que leur donnait la position qu'ils occupaient pour transformer leur pouvoir en une sorte de dictature. Quant aux pachas, revêts par le sultan du caftan (long manteau) d'honneur, ils furent complètement oubliés et sans aucune influence sur la marche des affaires.
                 La Porte finit d'ailleurs par se lasser d'envoyer à Alger des représentants qui étaient comptés pour rien et le dey devint en même temps pacha.

Les deys.


                 Les quatre premiers deys furent des capitaines-corsaires, qui, soutenus par leur taïffe, plus puissante que la milice elle-même, abaissèrent le Divan et ne le réunirent plus que pour la forme. Mais leur origine même les força de fermer les yeux sur les excès de la piraterie, qui exposaient Alger aux représailles des nations chrétiennes.
                 Après que les bombardements et les croisières eurent terrifié les habitants et ruiné la marine des Raïs, les janissaires reprirent une partie de leur ancienne influence. Mais ce n'était plus l'ancien corps uni et compact qui avait dicté ses lois à la Régence pendant un demi-siècle ; l'effectif était réduit des deux tiers au moins. Le recrutement ne se faisait guère qu'en Asie Mineure parmi les vagabonds et les mendiants. Leur tourbe vénale s'occupa de moins et moins de conserver les privilèges qui leur étaient acquis et les échangea volontiers contre des accroissements de solde et des dons de joyeux avènement.

                 Cette cupidité grossière devait d'ailleurs amener des conspirations et des révoltes sanglantes, chacun de ces mercenaires ne voyant plus dans un changement de souverain que l'occasion d'une gratification nouvelle. Le moindre retard dans le paiement de la solde, une insulte ou une injustice qu'on disait faite à l'un d'entre eux, le moindre incident était un motif de soulèvement. Les janissaires apportaient alors leurs marmites renversées devant le palais de la Jenina et comme ils avaient presque toujours des complices dans l'entourage du Dey, celui-ci était mis à mort. Le besoin d'argent obligea les souverains de la Régence à donner la plus grande extension à la course, qui devint une piraterie organisée par l'État et pour son compte.
                 Aux réclamations d'un consul, l'un d'eux répondait : " Je suis le chef d'une bande de voleurs, mon métier est de prendre et non de rendre. "

                 En droit, un Dey eût dû être élu par l'Assemblée Générale ; en fait les choses se passaient tout autrement. Lorsque le souverain abdiquait ou mourait de mort naturelle, ce qui n'arriva que onze fois sur vingt-huit, son successeur, désigné d'avance, avait pris les précautions nécessaires et le changement s'opérait sans opposition. Mais quand il succombait à la violence, les assassins se précipitaient à la Jenina, en occupaient les abords et proclamaient celui d'entre eux qu'ils avaient choisi ; souvent un combat s'engageait et durait jusqu'au moment où les vainqueurs pouvaient arborer la bannière verte sur le palais dans lequel ils venaient d'installer leur candidat. En ville, des scènes de pillage accompagnaient le changement de règne.
                 " La milice, disait un consul de France, est un animal qui ne reconnaît ni guide, ni éperon, capable de se porter aux dernières extrémités sans seulement songer au lendemain et souvent sans savoir pourquoi. "

                 Les janissaires faisaient parfois des choix étranges. Tel cet Hadj-Ahmed (1695), vieux soldat que les conjurés trouvèrent sur le seuil de sa porte, raccommodant ses babouches, enlevèrent sur leurs épaules et portèrent triomphalement au Divan ; inquiet et maniaque, il vécut sous l'empire d'une terreur perpétuelle et n'osait même pas sortir de la Jenina pour aller à la mosquée.
                 Tel encore Baba-Ali (1754), ancien ânier, ignorant, brutal, fanatique, donnant des ordres au hasard et les révoquant au bout de quelques minutes sur l'avis d'un esclave ou d'un matelot qu'il consultait sur les affaires de l'Etat en lui disant :
                 " Tu as plus d'esprit que moi, décide. "

                 Tel Omer-Agha (1809), grand fumeur d'opium, qui restait dans une apathie voisine de l'imbécillité tant qu'il n'avait pas pris sa dose accoutumée et tombait dans des accès de démence furieuse quand il la dépassait.
                 Au dix-huitième siècle, l'anarchie s'aggrave encore et tout est en décadence, même la course. Le nombre de vaisseaux diminue et l'argent manque pour en construire de nouveaux.

                 Le port d'Alger qui comptait autrefois plus de 300 Raïs n'en a plus que 24 en 1725. Les bagnes où il y avait eu 30.000 esclaves n'en ont plus que 3 ou 4.000. La milice qui avait eu jusqu'à 22.000 hommes est réduite de moitié ; elle perd même cette supériorité de bravoure et de discipline qu'elle avait eue jusqu'alors sur les Indigènes.
                 La population est décimée par des pestes et des famines presque périodiques ; les révoltes d'esclaves, de Koulouglis, de Kabyles sont continuelles. A peine un complot est-il apaisé qu'il en renaît un autre.

                 La Porte harcelée par les réclamations des puissances européennes essayait parfois d'intervenir. Ses envoyés étaient accueillis avec de grands honneurs, ils offraient au Dey le caftan d'investiture et le sabre encerclé de diamants en présence du Divan assemblé, la lecture du firman (décret) du Grand Seigneur était écoutée avec un silence respectueux. Mais lorsqu'on arrivait aux réclamations, la séance devenait tumultueuse, les Algériens refusaient d'obéir aux ordres de leur suzerain :
                 " Nous sommes ici les maîtres chez nous, disaient-ils, et nous n'avons d'ordres à recevoir de personne. "

                 La Régence était assaillie de temps à autre par ses voisins de l'Ouest et de l'Est, Marocains et Tunisiens, parfois unis contre elle. Les Algériens étaient en général facilement vainqueurs ; ils entrèrent à Tunis à plusieurs reprises mais ils ne réussirent jamais à conquérir la Tunisie d'une manière définitive, ni même à la soumettre à un tribut ; aussitôt qu'ils étaient repartis, le tribut leur était de nouveau refusé.
                 Depuis le jour où les Espagnols avaient été vaincus devant Mostaganem, ils étaient étroitement assiégés par les Indigènes dans les quelques places fortes qu'ils avaient conservées.
                 En 1708, le dey Mohammed-Bagdach, aidé par le Bey de Mascara, Bou-Chlaghem, réussit à enlever Oran et Mers-el-Kebir ; le comte de Montemar reprit ces places en 1732, en augmenta les fortifications et approvisionna par quelques razzias bien conduites.

                 Mais l'Espagne ne tenait guère à ces possessions qui lui coûtaient chaque année plus de quatre millions. L'abandon d'Oran et de Mers-el-Kébir avait été convenu dans le traité conclu en 1785 entre la Régence et l'Espagne.
                 En 1790, un terrible tremblement de terre renversa les fortifications et les maisons d'Oran et hâta la solution décidée de part et d'autre.
                 L'évacuation fut terminée en mars 1792. Mohamed-Ben-Osman (1766-1791) rendit quelque vitalité au moins apparente à l'État algérien. C'était un homme sage, travailleur, d'un esprit juste et ferme ; ce fut certainement le meilleur de tous les deys qui se succédèrent sur le trône d'Alger, qu'il occupa pendant vingt-cinq ans en dépit de nombreuses conspirations ; il réussit à remplir les caisses de la Régence et son règne vit les derniers exploits des corsaires algériens. La décomposition de l'Odjak s'accentuait de plus en plus. L'abolition de la piraterie en 1815 lui porta un coup de grâce.

                 En 1815, Ali-Khodja tenta de se soustraire au joug de la milice en quittant la Jenina pour aller habiter la Kasbah, qu'il avait soigneusement armée et où il fit transporter le Trésor public. Il essaya de s'appuyer sur les Kabyles et les Koulouglis contre les janissaires ; ceux-ci furent pour la plupart massacrés ou rapatriés à Smyrne et à Constantinople. Le dernier dey, Hussein (1818-1830), fut un des meilleurs souverains de la Régence ; il se renferma lui aussi dans la Kasbah ; il eut à lutter contre diverses révoltes dans les Beyliks d'Oran et de Constantine.

                 A partir de 1826, la Régence jouit d'une tranquillité relative. Mais, privée des profits indispensables de la piraterie, ne pouvant s'appuyer ni sur la milice, ni sur les Indigènes dont il n'avait jamais essayé de faire la conquête morale, le gouvernement d'Alger n'avait plus qu'une existence précaire et ses jours étaient comptés. L'heure allait sonner où la France renverserait l'Odjak et mettrait fin à cet étrange État barbaresque qui avait réussi à vivre ou plutôt à agoniser pendant trois siècles.

                 Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde.
                 Tome II : L'Algérie par Augustin Bernard, professeur à la faculté de lettres de Paris. 1930




De la vente des esclaves,
du traitement qu'on leur fait
et la manière dont ils sont rachetés
Envoyé par M. Christian Graille

                 L'État trouve un profit considérable tant en la vente des esclaves, qu'en ce qu'aucun ne peut être racheté qu'en payant dix pour cent du prix de son rachat et plusieurs autres droits des portes, ou droits de sortie. Après que le Dey a choisi le huitième sur les esclaves nouvellement pris, les autres sont envoyés au " batistan" ou marché des esclaves. Il s'en fait là une première vente de cette manière.

                 Les delels ou courtiers les promènent l'un après l'autre dans le marché en disant fort et haut la qualité ou le métier de l'esclave et le prix qu'on y a dit. Les personnes de toute nation sont reçues pour y dire et l'enchère s'en fait, jusqu'à ce que personne n'augmente plus et alors l'écrivain préposé aux ventes écrit le prix.
                 Cette vente ne va jamais bien haut parce qu'il s'en fait une autre en présence du Dey dans la maison du Roi où l'esclave est libéré. Tous les acheteurs s'y rendent et l'esclave est remis à l'enchère et délivré au plus offrant et dernier enchérisseur qui en dispose à sa volonté.

                 Le prix de la première vente au batistan est celui qui appartient aux armateurs et à l'équipage. Celui de la seconde excédant la première appartient au Deylik (province gérée par le Dey) et monte ordinairement une fois autant que celui de la première ; parce que les acheteurs sachant que les esclaves ne sont délivrés qu'à la deuxième vente ne poussent pas à la première. L'argent provenant de ces ventes est toujours payé comptant et sur-le-champ.
                 Il y a des esclaves de deux classes : ceux du Deylik ou de la République (La République signifie aussi État.) et ceux des particuliers.
                 Les uns et les autres ne sont pas, à beaucoup près, aussi malheureux dans cet esclavage, comme on le débite dans les relations fabuleuses faites par les moines, ou par des gens qui ont été esclaves, lesquels ont leurs raisons d'en imposer au public. C'est ce que nous allons faire voir.

                 Des esclaves du Deylik le Dey en prend toujours le même nombre des jeunes et des mieux faits, qui restent auprès de lui pour servir en qualité de pages. Ils y sont bien nourris et bien habillés et ont souvent de bonnes étrennes de ceux qui approchent du Dey pour des affaires.
                 Il y en a un nombre destiné pour les cacheries ou casernes qui sont très bien traités par les soldats turcs qui y logent. Les autres sont logés dans des bagnes, qui sont de grands et vastes bâtiments où ils sont enfermés tous les soirs. Il y a une chapelle dans chacun et ils peuvent faire librement l'exercice de la religion chrétienne. Ils ont tous les jours une ration de trois petits pains sans autre chose, un petit matelas et une couverture de laine pour leur lit.

                 Le Dey fait toujours embarquer un nombre de ces esclaves sur les bâtiments corsaires, qui ont part aux prises, selon qu'ils sont habiles. Le Dey retire les deux tiers de leur part et leur laisse la troisième.
                 L'ordre est que tous les esclaves du Deylik portent un petit anneau de fer à un pied pour les distinguer des autres mais on n'observe guère cet usage.

                 L'ordre en est pourtant renouvelé de temps à autre, parce qu'il y a quelquefois de vieux esclaves, qui sachant la langue du pays, s'habillent à la turque, et vont faire du ravage dans les métairies des Maures. Les Deys emploient à la construction des bâtiments de mer tous les esclaves qui y sont propres, comme les charpentiers, calfats et forgerons et tirent les deux tiers des journées que leur payent les armateurs de ces bâtiments et leur laissent l'autre tiers.
                 Tous les soirs on enferme dans les bâtiments les esclaves du Deylik. A la pointe du jour on en ouvre les portes, et tous ceux qui ont un métier et qui veulent sortir pour aller travailler pour eux, sont libres en payant un droit au gardien-bachi (gardien chef du bagne) et doivent revenir tous les soirs coucher aux bagnes.

                 Ceux qui n'ont aucun métier sont employés aux ouvrages publics du gouvernement. Tous les matins on en fait sortir un nombre à cet effet, qui se repose le lendemain. On ne les charge point de travail au-dessus de leurs forces. On les ménage au contraire afin qu'ils ne soient pas malades, de crainte de les perdre.
                 Il y en a beaucoup qui feignent de l'être lorsqu'il faut aller au travail, et on les laisse ordinairement au bagne. Mais lorsque cela arrive trop souvent, et que le gardien-bachi s'aperçoit qu'ils ne sont pas malades, ils sont châtiés et envoyés au travail. Il y a des esclaves qui ont le privilège de tenir taverne ou gargote. Ils payent un droit annuel au Dey et au gardien-bachi et donnent à manger et à boire pour de l'argent à qui en demande, soit turc, soit maure ou chrétien.

                 Ils ont le pouvoir de s'y faire payer exactement, même des soldats turcs jusqu'à les dépouiller et à les battre, s'ils le jugent nécessaire pour être payés.
                 Ces taverniers gagnent considérablement par toutes sortes de voies d'iniquité, et pourraient dans une année gagner leur liberté ; mais la plupart S'abandonnent à la débauche et au libertinage, et ils aiment mieux demeurer à Alger qu'en pays chrétien.

                 Les esclaves des particuliers doivent aussi être mis en deux classes.
                 Les uns sont achetés pour le service particulier des acheteurs, de leurs maisons, jardins etc. Ils sont plus ou moins heureux ou malheureux suivant l'humeur des maîtres, ou le bon ou mauvais naturel des esclaves. Mais de quelle manière que ce soit, les maîtres ménagent toujours les esclaves, de peur de les perdre, et ils ont beaucoup d'indulgence pour eux. Comme il n'y a point de domestiques libres à Alger, et qu'il n'y a que des esclaves pour servir, il y a des maîtres riches, qui se font un plaisir de les habiller proprement et de bien les entretenir pour s'en faire honneur.

                 Plusieurs d'entre eux ont autant et plus de pouvoir dans la maison que leurs maîtres, couchent dans la même chambre, mangent ensemble et sont soignés et chéris comme les enfants. Mais ceux qui sont libertins et méchants s'attirent souvent de mauvais traitements ; on prend garde pourtant, autant qu'il se peut, de ne point altérer leur santé, pour pouvoir les revendre sans perte. Les plus malheureux sont ordinairement ceux qu'on croit avoir du bien, et dont on espère une bonne rançon.
                 Ils sont achetés par les Tagarins, nation de maures venus d'Espagne, qui ne font autre chose que le trafic d'esclaves, pour y profiter comme sur une marchandise. Les esclaves sont à plaindre avec de tels maîtres, qui les font travailler sans profit et les obligent quelquefois par de mauvais traitements à se racheter à bonnes enseignes. Ce qu'il y a de fâcheux, c'est que ce sont ordinairement les personnes de quelque rang dans le monde qui tombent entre les mains de ces Tagarins et ils ne laissent point échapper, autant qu'ils peuvent, ni prêtres ni religieux, parce que la longue expérience de ces marchands d'esclaves leur donne là-dessus des lumières inconcevables pour faire de grands profits.

                 Chaque particulier a encore la liberté d'envoyer ses esclaves en mer et profite des parts qui leur reviennent des prises. D'autres louent leurs esclaves aux consuls ou à des maisons chrétiennes, moyennant une piastre courante par lune, et qu'ils soient entretenus de tout leur nécessaire. J'ai déjà remarqué, que les femmes de quelque distinction qui tombent toujours en partage au Deylik, sont envoyées dans la maison du " chekebeled " ou maire de la ville pour y être gardées et bien traitées, jusqu'à ce que leur rançon soit arrivée.
                 Les femmes de basse extraction sont vendues à des particuliers, à la brutalité desquels elles sont exposées, et il y en a peu qui puissent bien s'en défendre. Car lorsqu'elles se plaignent au Dey des violences que leur font leurs maîtres, il ne peut faire autre chose, que d'exhorter ces derniers à ne pas les violenter.

                 Les jeunes garçons esclaves sont aussi fort exposés aux violences de certains maîtres, qui les achètent quelquefois à ce dessein. Il est nécessaire que les nouveaux esclaves qui arrivent à Alger, soient sur leurs gardes, et se méfient de leurs compatriotes qu'ils y trouvent dans l'esclavage. Car les anciens, sous prétexte de consoler les nouveaux venus, s'informent de leur qualité et de leurs biens et savent adroitement s'ils seront bientôt rachetés et combien leurs parents sont en état de donner. C'est uniquement pour les trahir qu'ils font ces perquisitions (interrogations des esclaves qui en fait ne sont que des enquêtes) ; car dès que la vente est faite, ces misérables vont trouver ceux qui les ont acheté, et moyennant une ou deux piastres leur révèlent ce qu'ils savent ; ce qui oblige les maîtres de fixer bien haut le rachat de ces esclaves.

                 Il y a aussi des esclaves qui sont écrivains dans les bagnes, qui écrivent des lettres pour tous ceux qui ne savent point écrire et qui révèlent leurs secrets pour de l'argent aux maîtres. Généralement parlant les esclaves sont plus respectés à Alger que les chrétiens libres. Les derniers sont toujours insultés de paroles par les Turcs, les Koulouglis et les jeunes Maures ; au lieu qu'on n'ose rien dire aux premiers, et encore moins les battre, parce que s'il arrivait qu'un esclave maltraité fût malade ou mourût, celui qui l'aurait maltraité ou ses parents seraient condamnés à le payer plus qu'il n'en vaudrait. Ils sont même si ménagés, qu'ils commettent quelquefois bien des crimes dans la maison de leurs maîtres dont ils ne reçoivent que de légers châtiments : les maîtres n'osant pas les dénoncer de peur de les perdre par arrêt de justice.
                 Le libertinage règne parmi les esclaves chrétiens et il est rare d'en voir qui ne soient adonnés à toute sorte de vices. Ceux qui vivent avec sagesse et qui obéissent fidèlement à leurs maîtres sont comblés de caresses et regardés avec admiration.

                 Il est incontestable que ce sont les vices et la mauvaise conduite des esclaves qui le plus souvent leur attirent des mauvais traitements. Il y a des esclaves qui se trouvent si bien à Alger, tant par le profit que leur industrie leur procure, que par leur libertinage, qu'ils achètent le droit d'être esclaves pendant longtemps ou pendant toute leur vie. Ils conviennent de leur rançon avec leurs maîtres et en payent la plus grande partie, parce qu'étant entrés en paiement, ils ne peuvent être vendus à d'autres.
                 Outre cela les esclaves payent tant par lune à ces mêmes maîtres, pour être libres de travailler pour leur propre compte et ne payent point le reste du prix convenu de leur rançon, pour avoir le nom d'esclave et être protégés comme tels.

                 Le rachat des esclaves se fait de deux manières, par les rédemptions (La rédemption consistait à verser une somme d'argent au maître de l'esclave, par un intermédiaire afin d'obtenir son rachat, donc sa libération) publiques des royaumes chrétiens et le ministère des religieux qui commettent des aumônes, ou par les ordres des particuliers.

                 D'une manière ou d'autre, après que le prix convenu de la rançon de l'esclave est payé à son maître, on paye les droits suivants, qu'on appelle ordinairement les droits des portes, ou seulement portes :
                  - 10 pour cent sur le prix du rachat pour la douane.
                  - 15 piastres au Dey pour le droit appelé Cafetan du pacha.
                  - 4 piastres aux grands écrivains ou secrétaires d'État.
                  - 7 piastres au Raïs de la marine ou capitaine du port.

                 Outre ces droits les esclaves du Deylik sont obligés de payer 17 piastres pour les portes du bagne au bachi-gardien-bachi.

                 Les rédemptions publiques d'Espagne se font de la manière suivante.
                 Dès qu'il y a une assez grande quantité d'aumônes pour faire une rédemption, on en avertit le père administrateur de l'hôpital d'Espagne qui est à Alger. Il demande au Dey, et en obtient un passeport pour la personne des pères préposés pour faire la rédemption et pour le bâtiment qu'ils frettent à cet effet.
                 Dès que ces pères sont arrivés, ils vont saluer le Dey et lui font quelque présent de valeur en bijoux ou en argent. Le Dey leur demande quelle somme d'argent et quelles marchandises ils apportent. Après la réponse, il envoie à bord un ayabachi pour les vérifier. On débarque tout en sa présence, et on le porte à la maison du Roi qui retient trois pour cent sur l'argent, et douze et demi pour cent sur la valeur des marchandises. Il prend aussi, à peu près l'argent auquel doivent monter les droits des portes pour la rédemption qu'on doit faire, desquels il tient compte. Après quoi le dey fait louer une maison pour les pères rédempteurs et nomme un truchement (intermédiaire neutre, médiateur) pour les aider qui est ordinairement celui de la maison de France.

                 Les pères ont avec eux une liste de plusieurs esclaves, qui sont recommandés à leur ordre, ou à eux en particulier, par des puissances ou leurs amis ; et ceux-là sont ordinairement privilégiés et rachetés les premiers.

                 Ils font une perquisition secrète et exacte de tous les esclaves de leur nation, du nom de leurs maîtres, du lieu où ils sont, de leur âge et de leur métier, pour pouvoir traiter leur rançon avec plus d'avantage. Ils sont toujours obligés de racheter par préférence les jeunes femmes et les enfants afin que la faiblesse du sexe et de l'âge ne les fassent pas succomber à changer de religion.
                 Il y a quelques esclaves dont la rédemption est forcée par l'usage, laquelle est payée la première ; savoir, ceux du Deylik à proportion de la somme destinée pour cet ouvrage, dont le nombre et le prix sont réglés par le Dey ; quelques-uns du Dey, et un de chaque secrétaire d'État, la plupart desquels les pères sont obligés de racheter, quoi qu'ils ne soient quelquefois ni de leur nation, ni de leur religion. Ensuite avec l'aide du truchement, ils rachètent ceux dont ils ont fait l'état autant que les fonds y peuvent suffire, après en être convenus avec les maîtres des esclaves.

                 Les Turcs et les Maures qui ont des esclaves, leur font la cour et toute sorte de caresses, pour les engager à racheter leurs esclaves préférablement à d'autres. Ils leur représentent qu'ils sont maladifs et qu'ils pourraient mourir dans l'esclavage, et se servent de tous les prétextes possibles qu'ils font appuyer par leurs esclaves, auxquels ils promettent une récompense proportionnelle au prix qu'ils tireront de leur rançon.
                 Lorsque les rédempteurs ont racheté tous les esclaves de leur nation, s'il leur reste de l'argent, ils sont obligés de racheter d'autres esclaves chrétiens, quoi qu'ils ne soient ni de leur nation, ni de leur religion.

                 Quand tout est fini, on assigne un jour où tous les esclaves rachetés, à chacun desquels on a distribué un burnous blanc ou cape, se rendent à l'hôpital d'Espagne, où l'on chante une grande messe solennelle et des prières en actions de grâces. Ensuite, on les conduit à la maison du roi, où on leur distribue un teskeret ou carte franche à chacun ; les pères ayant pris congé du roi et des officiers du Divan conduisent la troupe et la font embarquer avec eux. Les uns de ces religieux se mettent à la tête avec le truchement, d'autres au milieu, et les autres à la queue et les esclaves marchent deux à deux.

                 Ils sortent en cet ordre de la ville, vont s'embarquer et faire voile dans le moment. Le Dey fait prendre, ce jour-là, toutes les précautions nécessaires afin qu'aucun esclave non racheté ne se mêle parmi la troupe franche. C'est l'usage que les esclaves laissent croître leur barbe pendant tout le temps de leur esclavage, à la réserve de ceux qui gagnent de l'argent et qui restent volontairement à Alger. Ces derniers sont lestes et ne portent qu'une grande moustache et parmi les premiers il y en a qui ont la barbe jusqu'à la ceinture, et qui ont un air affreux. Les religieux ont soin de les empêcher de la couper, parce qu'étant arrivés en Espagne, on y fait une procession solennelle, où les esclaves sont conduits de deux en deux avec leur burnous ou cape à la mauresque avec leurs barbes, et chargés de chaînes qu'ils n'ont jamais portées.
                 Ces figures mauresques, ces barbes et ces chaînes attirent la compassion du public, qui fait de grandes libéralités et jette des pièces d'or et d'argent dans les bassins qui sont portés par des gens de distinction, sans compter les charités qu'on porte aux religieux de la rédemption.

                 Les esclaves rachetés par des ordres particuliers, le sont avec ceux auxquels ces ordres sont adressés. Ils traitent à loisir avec les patrons ou maîtres des esclaves et prennent le temps et les occasions pour les avoir au meilleur prix qu'il se peut, suivant l'intention de ceux qui donnent la commission.
                 Le rachat et les droits étant payés, le Raïs de la marine les laisse embarquer et partir sur le bâtiment qui leur convient, en représentant leur teskeret ou carte franche, pourvu que les esclaves rachetés ne laissent aucune dette à Alger, car alors ils seront retenus, jusqu'à l'entier paiement.

                 Ces sortes de rachat coûtent beaucoup moins que ceux qui sont faits par les pères de la rédemption, surtout quand ils sont conduits par des personnes prudentes, qui ne font paraître aucun empressement pour avoir les esclaves. Car ces religieux payent un droit pour les fonds qu'ils emploient, sont obligés de faire un présent au Dey et à quelques officiers du Divan, et de prendre plusieurs esclaves à un haut prix réglé par la volonté du Dey ; et enfin ils ne sont plus les maîtres, étant une fois à Alger, de remporter leurs fonds.
                 Mais ces missions de rachat sont utiles d'autre part pour l'honneur de ces religieux de la rédemption des captifs, et pour la collecte des aumônes qui se font en abondance par la quantité du monde qu'attirent les processions avec l'appareil qui a été expliqué où il y a quelque fois 7 à 8.000 esclaves.
Histoire du royaume d'Alger par M. Laugier de Tassy,
commissaire de la marine pour Sa Majesté très chrétienne en Hollande.
Édition 1725




Pour Rire
Envoyé par M. Régis


         - " Que faites- vous depuis que vous êtes en retraite.? "
         Le premier dit : - " Moi, je fais de la photo... "
         Le deuxième : - " Moi, je jardine.. "
         Et le troisième annonce : - " Moi, je fais de la recherche !!! "
         - " Ah bon.! Et dans quoi ??? "

         - " Tous les jours, je cherche mes lunettes, ma canne, mon dentier, mes clés..."

===============

         Un homme de 70 ans se marie avec une jeune de 30 ans, le lendemain il demande à son ami :
         " Comment tu me vois à côté de ma belle épouse?... "
         L'ami lui répond :
         - " Comme l'oreille du taureau !!! "
         - " Je ne comprends pas ??? "

         " Loin des fesses et tout près des cornes !!! "



Barberousse
Envoyé par M. Christian Graille

                 Quarante ans avant l'époque où Grenade tombait (1492) et où la domination musulmane expirait en Espagne, un fait grave s'était produit sur la côte septentrionale de l'Afrique. C'est alors qu'une course de guerre et de piraterie commença à y être organisée sur une grande échelle. On comprend tout ce que l'humiliation et la colère qu'éprouvèrent les Musulmans à la nouvelle des défaites de leurs coreligionnaires et de la disparition prévue ou réalisée du mahométisme, proscrit par les rois espagnols, put ajouter d'ardeur et de violence au fanatisme musulman et à l'attrait de la cupidité. La nouvelle destinée de cette côte d'Afrique commençait à se dessiner, et la piraterie, qui devait y établir pour plusieurs siècles le centre de ses entreprises, s'y essayait.

                  Bientôt les côtes de l'Espagne et de l'Italie furent désolées par des incursions subites, inattendues, qui, menaçant une vaste étendue du littoral ne pouvaient être prévenues nulle part. Des expéditions parties de Velez-de-Gomera, (île située à l'Est du détroit de Gibraltar près des côtes marocaines) de Djigelly, de Cherchell, d'Oran, de Bougie, de Tunis sur la Méditerranée ; de Salé, Rabat, Azamor, Saffi, Mahmore sur l'océan, allaient porter partout le ravage.
                  Les Portugais essayèrent les premiers de mettre un terme à ces entreprises. Don Manuel du Portugal (Roi du Portugal 1469-1521) échoua en 1501 dans ses efforts. Les Espagnols qui avaient vaincu les Maures en Espagne et qui en avaient repoussé les Berbères ne pouvaient souffrir patiemment cette nouvelle forme de guerre. Pleins de confiance dans leur supériorité, il était indiqué qu'ils viendraient chercher en Afrique ces adversaires qu'ils avaient domptés en Europe. Les rôles étaient intervertis : l'Espagne chrétienne, jadis conquise, entreprenait de faire des conquêtes sur le sol de l'Afrique d'où étaient partis ses anciens conquérants.

                  Don Diego de Cordoue ouvrit la voie par un succès suivi d'un grand revers provoqué par l'imprudence des Espagnols. Ce qu'il avait commencé fut achevé par un homme plus fort que lui ; le cardinal Ximenès qui joua un si grand rôle en Espagne, entreprit de mettre un terme aux déprédations des Maures et des Berbères en faisant assiéger l'une après l'autre les villes du littoral africain d'où partaient les expéditions des pirates, ou en bâtissant devant ces villes des forteresses qui les commandaient. Ses efforts furent couronnés de succès.
                  Dans la Méditerranée, Oran, Velez de Gomera, l'île du phare d'Alger, tombèrent à la merci des Espagnols ; Tunis seule conserva son indépendance. A la même époque, Don Manuel du Portugal détruisait, au moins pour un temps, la piraterie sur l'océan en s'emparant de Saffi et d'Azamor.

                  Quel était donc l'évènement qui, donnant des proportions inattendues à la piraterie septentrionale de l'Afrique, créait ce nouveau péril que le cardinal Ximenès s'efforçait de conjurer dans les derniers temps de sa vie ?
                  Un nouvel élément apparaissait sur cette côte occupée par les Arabes et les Berbères ; les Turcs vers le milieu du quinzième siècle, jetaient les bases de leur établissement.

                  C'est ici que l'histoire d'Alger commence, et elle s'ouvre sur la vie des deux pirates les plus terribles dont les mers aient conservé le souvenir, nous voulons parler des Barberousse. Quelle était leur origine, leur pays ? D'où venait leur nom ?
                  Questions controversées et controversables. On a fait d'eux tour à tour les fils d'un Lesbien (habitant de Lesbos, île de la mer Égée), d'un Albanais, d'un Sicilien, d'un Français. On a longtemps répété que leur nom venait de la couleur de la barbe de l'aîné ; puis on a dit plus récemment que le nom de Barberousse pourrait être dérivé de ces mots arabes Baba-Harrudj, mal prononcé par les Européens.
                  Les Arabes, en effet, faisaient précéder le nom de l'aîné des deux frères Harroudj du mot Baba, qualification qu'ils donnaient et donnent encore à tous les Turcs.
                  Toujours est-il que Baba-Arroudj, que nous appelons Barberousse, était un de ces génies singuliers entre le grand homme et le brigand, souillé de trop de crimes pour mériter entièrement le premier de ces titres, doué de trop d'éminentes qualités pour être flétri d'une manière absolue de la seconde de ces appellations, un de ces caractères vigoureux et entreprenants qui, dans les époques troublées, s'ouvrent une large place, comme ces boulets que rien n'arrête.

                  Les premières années de Baba-Haroudj sont remplies d'entreprises hardies, de coups de main violents, d'aventures. Il connut les hauts et les bas de la fortune. Chef de la chiourme à bord d'une galère turque, il est pris à la hauteur de Candie (ville d'Héraklion en Crête) par les chevaliers de Rhodes. Après deux ans de captivité pendant lesquels il rame sur les galères de l'ordre, il parvient à briser sa chaîne au milieu d'une tempête et atteint, à travers mille périls, la côte à la nage.
                  De retour à Constantinople il est repoussé par les trésoriers de la marine qui lui reprochent sa galère perdue et, pour gagner son pain il devient successivement portefaix, journalier, conducteur de barque. Un meurtre et un vol lui fournissent les moyens de commencer sa vie de pirate. Engagé comme timonier à Constantinople, à bord d'une galère armée, il tue d'un coup de hache son maître endormi, soulève l'équipage et se fait reconnaître par lui comme chef.

                  Avant de commencer ses courses, il aborde à l'île Mételin (ville de l'île de Lesbos, Mytilène), sa patrie, dit-on, et où du moins résidait sa mère ; il promet à celle-ci de grandes richesses, emmène son frère Khaïr-el-Dinn, aussi audacieux que lui, lui confie son brigantin, fait monter sur son propre navire Ishaac, un autre de ses frères. Il est dans ce moment, l'ennemi des Turcs, dont il redoute la justice, comme l'ennemi des Chrétiens.
                  Sa première prise est même une galiote (bateau à rames) turque. A grand peine il laisse la vie au capitaine qui la lui demande en promettant d'être, jusqu'à la fin de sa vie, son fidèle esclave. Sa fortune commence avec sa seconde prise qui est bien plus importante ; c'est un navire qui transportait à Naples trois cents Espagnols et parmi eux soixante gentilshommes.
                  La rencontre eut lieu devant l'île de Lipari. Le combat dura trois jours. Après une résistance acharnée, les pirates triomphèrent. Le butin était considérable. Baba-Haroudj, habile à profiter de ces avantages, entre en grande pompe à Tunis, conduisant en triomphe son butin, ses esclaves, au nombre desquels on remarque quatre jeunes filles d'une grande beauté, montées sur des mules ; les corsaires, couverts de riches habits, fermaient le cortège en agitant leurs étendards. Cette espèce d'ovation, qui avait l'avantage de frapper vivement l'esprit des populations, se termina par un beau présent en esclaves et en marchandises offert au souverain de Tunis, qui reconnut cette offrande politique en permettant à Barberousse de choisir, parmi ses navires, celui qu'il jugerait le plus propre à la course.

                  L'histoire de Barberousse est, à partir de ce moment, une suite d'entreprises hardies jusqu'à la témérité, tentées avec le concours d'hommes sans foi ni loi, mais aussi sans peur. Tantôt ce sont des rencontres de mer qui mettent l'intrépide pirate aux prises avec des bâtiments supérieurs en force et en nombre, les galères du pape, les vaisseaux de l'Espagne, dont cependant il s'empare par des prodiges de courage, de ténacité, de présence d'esprit ; tantôt ce sont des descentes imprévues sur le littoral de la Méditerranée et de ses îles, avec des pointes rapides vers des châteaux que l'on pille après des combats sanglants.
                  Barberousse trouve dans les pirates de l'île de Gelves (île de Djerba en Tunisie) d'utiles auxiliaires pour ses entreprises. Ce n'est point seulement un voleur de mer, c'est un énergique soldat, un habile capitaine qui compte pour rien le danger, les obstacles, quand il s'agit d'atteindre une riche proie.

                  L'intuition de son avenir jette déjà de brillants reflets sur sa vie de brigandage. Il étudie en passant les fortifications d'Alger, comme s'il pressentait que ce lieu sera le théâtre de sa puissance. Il propose au roi de Tunis le siège en règle de Bougie, occupé par les Espagnols depuis l'expédition du cardinal Ximenès. C'est ainsi qu'il s'apprête à franchir la limite qui sépare la fortune du pirate de celle du conquérant.
                  Le trait le plus marqué de ce singulier caractère, c'est une énergie indomptable, une infatigable ténacité. Il échoue une première fois dans le siège de Bougie, tenté de concert avec le roi de Tunis et un cheik arabe, son allié ; il y perd même un bras atteint par un biscaïen (petit boulet).

                  Depuis ce temps les chrétiens l'appelèrent Barberousse le bras coupé. Loin de céder au découragement, il tente, tout blessé qu'il est, une descente sur la côte d'Espagne et, l'année suivante il recommence le siège de Bougie. Cette fois son frère Ishaac y périt ; la canonnade, les assauts, tout demeure inutile, et une expédition partie d'Espagne le menaçant du côté de la mer, il ne lui reste qu'à brûler ses vaisseaux engravés par la baisse des eaux, dans l'oued el-Kebir.
                  Pour le coup sa situation semblait désespérée. La plupart de ses compagnons, enchaînés à leur chef par le succès seulement, l'avaient abandonné, lui-même il se croyait perdu sans retour, quand le cheik arabe Ben-el-Kady lui demanda s'il voulait le suivre à Jijel (Didjelli). Ce fut pour Barberousse un port de salut où il put attendre un retour de fortune.
                  La difficulté de sa position consistait en effet dans la nécessité où il était de tenir sans cesse la mer sans avoir d'autre refuge que les ports du littoral africain, ouverts devant ses succès et ses prises mais qui se fermaient devant ses revers.

                  L'obligation de toujours réussir est une obligation pesante aux hommes les plus forts quand on considère l'inconstance naturelle des choses humaines, et ce qu'il y a de plus malheureux pour un individu ou pour un gouvernement c'est de ne pouvoir vivre qu'à condition d'être toujours heureux.
                  De là sans doute ce désir si vif de s'emparer de Bougie et cette précaution clairvoyante qui avait engagé de bonne heure Barberousse à étudier la situation d'Alger. Quand les habitants d'Alger apprirent, en 1516, la mort de Ferdinand Roi de Castille, le vainqueur des Maures de Grenade, ils espérèrent secouer le joug des Espagnols qui, du château construit par eux sur le rocher qui commandait la ville, la tenaient en échec.
                  Leur seule industrie était la piraterie ; depuis qu'elle leur était interdite, la ville était appauvrie. C'est en vain que dans l'espoir de chasser les Espagnols, elle s'était donnée à un cheik arabe puissant dans la plaine, Selim Eutémy.

                  Le nom de Baba-Haroudj était populaire dans toutes les villes barbaresques ; les Algériens et Eutémy lui-même pensèrent que seul il pourrait faire réussir une entreprise à laquelle la mort de Ferdinand et l'âge avancé du cardinal Ximenès semblaient devoir donner des chances. Barberousse mesura d'un coup d'œil la grandeur de l'occasion offerte à son audace et accepta la proposition sans hésiter. Il arma ce qu'il put de bâtiments et fit voile pour Alger, tandis que son hôte, Ben-el-Kady, à la tête d'un certain nombre des siens, s'y rendait par terre.

                  Alger, dont l'enceinte était, au seizième siècle, ce qu'elle est restée de nos jours, n'avait ni le port qu'elle devait avoir sous la domination des Turcs, ni les forts qu'ils élevèrent sur les différents points de la côte pour en défendre les approches, ni les formidables batteries qu'ils dressèrent, ni le château de l'Empereur.

                  La ville devait s'embellir en raison des richesses qui y affluèrent ; mais sa situation en amphithéâtre au bord de la mer, sur la rive ouest d'une rade foraine, (rade où les bateaux étrangers avaient le droit de mouiller l'ancre même en cas de guerre) dont le cap Matifou et le cap Caxine forment les deux extrémités, était ce qu'elle est encore aujourd'hui, avec les hautes montagnes qui l'avoisinent, l'aspect pittoresque de leurs pentes ravinées et, derrière le massif qui la porte, la vaste plaine de la Mitidja, qui longe l'Atlas pendant une étendue de vingt-cinq lieues, et dans laquelle de nombreuses tribus plaçaient leurs demeures, à la proximité des immenses pâturages où ils envoyaient leurs troupeaux.
                  Les gorges les plus abruptes de l'Atlas étaient, comme elles le sont aujourd'hui, occupées par des tribus de Kabyles ou Berbères, jaloux de leur indépendance maintenue sous les diverses dominations qui avaient passé sur ce pays dont ils étaient vraisemblablement les habitants primitifs, comme on le reconnaît à la forte empreinte du type de leur race, si différente de la race arabe.

                  En arrivant à Alger, Barberousse avait déjà conçu la pensée de s'en emparer. Mais il fallait essayer d'abord de délivrer ses habitants de la forteresse espagnole dont la vue, dit la chronique arabe, " était comme une épine qui leur perçait le cœur ". Barberousse l'entreprit. Il ne lui était pas réservé de réussir, mais le siège lui servit de prétexte pour appeler de tous côtés des Turcs que l'appât d'une solde élevée, le goût de la guerre, l'espoir d'arriver promptement à la fortune sous le commandement d'un homme de cette trempe, attiraient en foule à Alger. Son frère Khaïr-el-Din qui, depuis leur désastre commun devant Bougie, habitait Tunis, lui en envoya un grand nombre, et vint bientôt l'aider de sa personne.

                  Le cheik arabe Eutémy s'aperçut trop tard qu'il avait introduit dans Alger un auxiliaire plus dangereux pour lui que les Espagnols eux-mêmes. Les Turcs, supérieurs aux Arabes par leurs armes (car ceux-ci ne se servaient encore que d'arbalètes et de lances et n'avaient point de canons), par leur discipline, par leur habitude de la guerre étaient en réalité les maîtres d'Alger.
                  Barberousse qui avait la conscience de sa force s'empara de la ville qui devait être le centre de sa domination comme il s'était emparé de sa première barque par la trahison et le meurtre. Il étrangla Eutémy avec la toile de son turban, se fit proclamer roi d'Alger et, pour affermir son pouvoir naissant, il le plaça, par une inspiration vraiment politique, sous la protection de la Porte, (siège du gouvernement des sultans turcs) en demandant l'investiture au Grand Seigneur, qui la lui accorda.

                  Il fortifia la Casbah, l'arma de pièces d'artillerie, appela sous son drapeau tous les Turcs qui voulurent s'enrôler. Sans cesse en guerre avec les tribus voisines et avec les villes situées sur la côte, il triomphe des unes et s'empare des autres, tantôt par la force, tantôt par la trahison. C'est ainsi que Tenez et Cherchell tombent entre ses mains. De sanglantes exécutions établissent son pouvoir et le maintiennent.
                  Les Arabes de la plaine et les habitants d'Alger, poussés au désespoir, regrettent les Espagnols, entrent en pour-parler avec eux pour se délivrer de leur nouveau tyran ; Barberousse qui découvre leurs menées fait tomber des têtes et éteint les révoltes dans le sang. Le brigand et le pirate se laissent toujours voir derrière le soldat, le souverain et le conquérant.

                  Bientôt un péril plus grand le menace. Le cardinal Ximenès, voyant les côtes d'Espagne de nouveau insultées et pillées par les corsaires qui avaient trouvé une rade pour y abriter leurs navires, fait les préparatifs d'une expédition. Mais les troupes, levées à la hâte, mal disciplinées, mal conduites par Diego de Vera, qui s'était pourtant fait une réputation dans les guerres d'Afrique, ne reparaissent devant Alger que pour essuyer un désastre (1516). Trois mille Espagnols sont tués, quatre cents faits prisonniers et Diego de Vera qui n'a pas même honoré son malheur par son courage, étant de retour dans son pays, entend les enfants répéter à ses oreilles des refrains populaires dans lesquels on lui reproche de s'être laissé battre, lui qui avait ses deux bras, par Barberousse le bras coupé.
                  Le désastre des Espagnols met le comble à la renommée de celui-ci.

                  Son pouvoir grandit par la terreur qui s'attache à son nom et par le prestige du succès, puissant partout, plus puissant encore chez les populations qui admettent le dogme de la fatalité. Ce centre de force qu'Haroudj, aidé de son frère Khaïr-el-Din, avait créé au milieu de l'anarchie qui régnait sur cette côte d'Afrique, exerce une puissante attraction, et c'est ainsi que sa domination tend sans cesse à s'accroître.

                  Il est appelé à Tlemcen par une des factions qui déchirent cette ville ; il y entre après avoir gagné une bataille sur les Arabes qui tiennent pour le parti dominant ; l'autre parti se confie dans le serment qu'il a prêté sur le Coran de rendre le pouvoir à Abou-Ziane, le prince détrôné.
                  Qu'était-ce qu'un serment pour la conscience d'un pirate qui avait monté le premier degré de sa fortune par la trahison et par le meurtre et qui, depuis, n'y avait cessé de s'élever par les mêmes moyens ? Il viole son serment, fait périr indistinctement tous les princes de la famille régnante en les faisant jeter dans un lac, et prend, au spectacle de leur agonie, un plaisir de bête féroce. Il couronne ces exécutions en faisant mettre à mort les soixante-dix principaux habitants de la ville afin, dit-il, qu'ils ne trahissent pas leur nouveau maître comme ils ont trahi leur roi naturel. En même temps ses exactions et ses violences contre les Arabes de la plaine augmentent chaque jour.

                  Cette politique de crime et de sang qui lui a réussi jusque-là tourne enfin à sa perte. La crainte qu'il inspire devient moins forte que l'indignation et le désespoir ; les tribus arabes se soulèvent et demandent le secours des Espagnols. Don Carlos, depuis Charles-Quint, qui venait de monter sur le trône, ordonne à Don Diego Fernandez de Cordova, qui commandait pour lui à Oran, de leur porter secours. Barberousse est assiégé en 1518 dans le méchouar ou citadelle de Tlemcen par les Arabes et les Espagnols unis. Les Turcs envoyés à son secours par son frère Khaïr-le-Din, qu'il a préposé à la garde d'Alger, ne peuvent arriver jusqu'à lui.

                  Après un premier succès qui les enivre et leur ôte toute prudence, ils sont surpris à leur tour et exterminés à Kala des Béni-Rached (petite ville suspendue aux flancs d'une montagne abrupte, située à une journée de Mascara, sur la route qui conduit de cette ville dans les vallées de la Mina et du Chélif) par Martin d'Argote, parti d'Oran à la tête de deux mille Espagnols.
                  Il n'y a plus d'espoir pour Barberousse. La ville où il se défend le hait, la plaine qui l'entoure est au pouvoir des tribus d'Arabes ses ennemis. Martin d'Argote et ses Espagnols, après avoir détruit le corps auxiliaire que le Turc attendait, se sont hâtés de marcher sur Tlemcen pour concourir à sa perte. Il faut fuir.

                  Barberousse s'échappe avec des fusiliers turcs et quelques Kabyles qui lui restent, par une brèche faite dans la muraille et mal surveillée ; mais bientôt découvert, il est suivi de près par ses ennemis. Quinze mille Arabes ou Kabyles, armés seulement d'arbalètes, sont tenus à distance par la crainte des fusiliers turcs ; mais les Espagnols sont plus audacieux. Dans cette extrémité, Ben-el-Kady, cet utile et constant ami qui lui était resté fidèle après et depuis son désastre devant Bougie, se sépare de lui.

                  C'est le signal de sa perte. En vain, pour retarder la poursuite des Espagnols, fait-il répandre sur la route de l'Ouest où ils le suivent les trésors qu'il avait emportés avec lui. Barberousse, atteint par eux à vingt-trois lieues de Tlemcen, probablement près de la rivière de l'Ouchda, dans sa fuite désespérée, se jette accablé de fatigue, mourant de soif, dans un ancien parc à bestiaux entouré d'un mur de pierres sèches où, suivi d'un petit nombre des siens, il se retranche et se songe plus qu'à vendre chèrement sa vie.
                  Après une résistance à outrance, il est jeté à terre d'un coup de lance par un enseigne espagnol, Garcia Fernandez de la Plaza, et, combattant encore, quoique blessé, il ne cesse de frapper ses ennemis qu'en cessant de vivre. Sa tête, coupée, fut portée à Oran comme un trophée. S'il faut en croire un historien, on fit plus, on l'envoya en Espagne. " La tête de Barberousse, lit-on dans une ancienne traduction de Paolo Jovio, transmise et portée sur une lance tout à l'entour de l'Espagne, apporta liesse singulière aux peuples, et principalement maritimes, pour ce que la sûreté, dès longtemps souhaitée, semblait être rendue à leurs rivages ".

                  Ainsi finit, en 1518, à l'âge de quarante-quatre ans, cet homme de combat et de lutte, haï et craint par ses ennemis, aimé et suivi avec enthousiasme par les compagnons de ses aventures qu'il récompensait magnifiquement et qui avaient foi dans son courage à toute épreuve, sa fortune et son génie.

                  On a encore la lettre de Charles-Quint qui accorde les armoiries à l'enseigne de la Plaza pour ce fait d'armes :

                  " Vous, Garcia Fernandez de la plaza, enseigne dans la compagnie de Pedro de Antrada, un de nos capitaines, lui dit-il, nous vous accordons par ces présentes pour armoiries, un écu avec la tête et la couronne dudit Barberousse, sa bannière et son cimeterre au naturel avec cinq autres têtes de Turcs, le tout en signe et souvenir que vous avez gagné ces armes au service de Dieu et au nôtre de la manière suivante ".

                  La lettre de Charles-Quint, à laquelle sont empruntés ces détails, se trouve tout au long dans la Cronica de las Barbajoras de Gomara.
                  Soldat intrépide, capitaine expérimenté, politique habile, rusé, perfide, sans scrupule et sans entrailles, c'était une forte intelligence ; mais il lui a manqué un grand cœur pour être un grand homme. Ses vices, comme ses qualités, trouvèrent leur emploi dans le temps et le milieu social où il parut, et c'est à cette circonstance qu'il dut de pouvoir fonder sur la côte d'Afrique ce gouvernement étrange comme lui, et profondément empreint de son génie, dans lequel le brigandage, la guerre et la piraterie, la politique et la violence, le fanatisme et le pillage se trouvaient si singulièrement et cependant si puissamment mêlés que l'œuvre de Barberousse a duré trois cents ans.
Histoire de la conquête d'Alger
écrite sur des documents inédits et authentiques
par M. Alfred Nettement, journaliste et écrivain. Édition 1867




L'expédition d'Alger
Envoyé par M. Christian Graille

                 Elle fut entreprise par le gouvernement de la Restauration, non pas, ainsi que le prétendirent les journaux de l'opposition, comme une manœuvre de politique intérieure commandée par les circonstances difficiles où se trouvait le ministère de Polignac, mais comme une mesure d'honneur et d'intérêt national, devant laquelle le gouvernement, qui avaient tenté toutes les autres voies, ne pouvait plus reculer sans déserter ses devoirs.
                 C'est seulement au mois de janvier 1830 que la décision fut prise ; il fallait faire de grands efforts pour être prêt à la bonne saison, c'est-à-dire au mois de mai ou de juin au plus tard. Trois commissions furent constituées, qui travaillèrent d'abord séparément, puis se réunirent sous la présidence du prince de Polignac et en présence du ministère tout entier.

                 Le conseil, après une longue délibération, adopta le plan présenté par Dupetit-Thouars (officier de marine) qui consistait à débarquer à Sidi-Ferruch et à s'emparer du Fort l'Empereur d'où on dominait la ville ; les défenses de son front de mer, dans ces conditions, ne lui servaient à rien. L'ordonnance de mobilisation parut le 7 février 1830 et l'expédition fut annoncée aux Chambres dans le discours du trône du 2 mars. Le 20 avril le Moniteur résumait les griefs de la France contre le Dey :
                 " A nos soldats, disait-il, est réservé la noble mission de venger la dignité de la Couronne et de délivrer la France et l'Europe du triple fléau que les puissances chrétiennes ont enduré trop longtemps : l'esclavage de leurs sujets, les tributs que le Dey exige d'elles et la piraterie qui ôte toute sécurité aux côtes de la Méditerranée.

                 La préparation de l'expédition fut effectuée avec beaucoup de méthode et de célérité. Les vieux amiraux, timides survivants de la marine impériale, prétendaient qu'elle exigerait six ou huit mois ; mais le baron d'Haussez promit d'être prêt pour le 15 mai et tint parole. Rien ne fut laissé au hasard. On réunit les forces de terre et de mer et le matériel de guerre, on rassembla les munitions et les vivres, on concentra les bâtiments de guerre, de transport et de débarquement. A la fin d'avril les troupes étaient réunies aux environs de Toulon et de Marseille. L'effectif total s'élevait à 37.600 hommes, 4.500 chevaux, 91 pièces d'artillerie.
                 Le commandement de la flotte fut confié à l'amiral Duperré et celui de l'armée de terre au général de Bourmont. Les deux hommes ne s'entendaient guère.
                 Duperré, rude et brusque, d'humeur peu sociale, était un excellent marin et avait fait une brillante campagne en 1810 dans l'Inde. Ses opinions libérales le rendaient suspect au Roi et au Dauphin. Il ne croyait pas au succès de l'expédition et partageait sur ce point l'opinion de Wellington :
                 " Les Français sont fous, disait celui-ci, un revers effroyable les attend sur la côte d'Algérie. "

                 Duperré résuma toutes ses objections dans une lettre qui était un chef-d'œuvre de prévoyance pessimiste ; il prévoyait un mois pour le débarquement qui, en fait, ne demanda que huit heures. Ce pessimisme de l'amiral eut peut-être compromis le succès de l'expédition sans la fermeté du baron d'Haussez et le sang-froid du général en chef.
                 L'opinion publique n'avait pas oublié que Bourmont avait abandonné sa division avant Waterloo pour rejoindre Louis XVIII à Gand. Il souhaitait évidemment, en prenant le commandement de l'expédition, effacer le souvenir de cette trahison. Bourmont avait pleins pouvoirs même sur Duperré et une ordonnance secrète l'investissait, en cas de nécessité absolue, du commandement suprême des forces de terre et de mer.
                 Les trois divisions de l'armée étaient commandées par les généraux Berthezène, Loverdo et des Cars. Le lieutenant général Desprez était chef d'état-major général, Lahitte commandait le génie, Valazé l'artillerie, le baron Denniée l'intendance.

                 Les états-majors avaient été composés de façon à y faire entrer en nombre à peu près égal des officiers de l'ancienne et de la nouvelle armée. Chefs et soldats avaient une double appartenance. Les uns, comme Berthezène, Poret-de-Morvan avaient servi sous l'Empire et étaient demeurés fidèles à l'idée impérialiste ; le colonel Monnier, qui commandait le 28e de ligne, a inspiré à Alfred de Vigny le beau portrait du capitaine Renaud dans servitude et grandeur militaire ; quelques vieux grognards se rappelaient même l'expédition d'Égypte. D'autres officiers comme Loverdo et Lahitte étaient ralliés à la Restauration. Cet amalgame était de nature à effacer les dernières traces des discussions qui divisaient l'armée depuis 1815.
                 L'armée navale se trouva réunie le 23 avril. Elle comptait plus de 600 bâtiments, dont 103 bâtiments de guerre, divisés en trois escadres : l'escadre de bataille commandée par le vice-amiral Duperré qui arbora son pavillon sur la Provence, avec le vice- amiral Rosamel commandant en second l'escadre de débarquement et l'escadre de réserve. Le reste se composait de bâtiments de commerce affrétés qui constituait le convoi et l'escadrille de débarquement pour la mise à terre des troupes et du matériel. Il n'y avait que sept bâtiments à vapeur, avisos et remorqueurs de faible tonnage et l'expédition d'Alger fut, en fait, le dernier exploit de la marine à voiles.

                 Le 5 mai, le Dauphin passa la revue de l'armée et de la flotte qui, toute pavoisée, offrait un spectacle magnifique dans le cadre grandiose de la rade de Toulon. L'embarquement des troupes commençait le 11 mai et le départ eut lieu le 25. La navigation fut très lente.

                 Le 30 mai on arriva en vue de la côte d'Afrique, mais le vent n'étant pas favorable, on rétrograda jusqu'aux Baléares où on resta jusqu'au 9 juin.

                 Le 12 on était de nouveau sur la côte de l'Algérie et on vit apparaître Alger avec ses murailles blanches, sa campagne couverte de jardins, son magnifique cadre de montagnes.
                 Duperré hésitait encore à se rendre au mouillage inconnu de Sidi-Ferruch, mais Bourmont, sans toutefois être obligé de montrer ses pleins pouvoirs, imposa son autorité :
                 Monsieur l'amiral, dit-il, cette fois il faut débarquer. La mer n'est pas mauvaise, vous savez que j'ai le droit de vouloir et je veux que nous débarquions. " L'opération s'effectua le 14 juin dans la baie qui se trouve à l'Ouest de la presqu'île de Sidi-Ferruch et qui offre, avec une belle plage de sable fin, un bon mouillage, bien abrité. La mer était calme et le fond excellent. Sur la presqu'île s'élevait une petite tour, appelée tore chica par les Espagnols, que quelques pièces de canon avait fait prendre pour un établissement militaire, mais qui était simplement le minaret d'un édifice très religieux renfermant le tombeau du saint personnage qui avait donné son nom à la localité.
                 L'ennemi n'opposa qu'une très faible résistance ; au Consul des États-Unis qui s'étonnait qu'il laissât ainsi débarquer tranquillement l'armée ennemie, Hussein répondit que c'était afin de la détruire plus facilement.

                 La division Berthezène soutenue par le feu des bâtiments, s'empara sans peine de quelques batteries placées en dehors de la presqu'île. Le débarquement présenté comme si difficile par les adversaires de l'expédition, s'était opéré en quelques heures et nous avait coûté trente-deux hommes.

                 Cet évènement mémorable est rappelé par l'inscription suivante gravée sur la porte du fort élevé à cet emplacement :
                  " Ici le 14 juin 1830 par ordre du Roi Charles X, sous le commandement du général de Bourmont, l'armée française vint arborer ses drapeaux, rendre la liberté aux mers, donnant l'Algérie à la France. "
                 Le débarquement de l'artillerie et du matériel continua les jours suivants, gêné seulement le 16 juin par un violent coup de vent de Nord-Ouest qui mit la flotte en danger et à propos duquel on évoqua le souvenir de l'expédition de Charles-Quint ; mais heureusement vers midi, le vent passa à l'Est et la mer se calma.
                 Il fut décidé qu'on fortifierait la petite presqu'île de Sidi-Ferruch pour en faire un camp retranché et une place de dépôt. On y établit des parcs, des magasins, des hôpitaux, des fours à cuire le pain.
                 La distance entre Sidi-Ferruch et Alger est d'environ vingt-cinq kilomètres. Trois combats qui nous rendîmes maîtres de la ville furent livrés sur ce trajet : ceux de Staouéli, de Sidi-Khalef et du Fort l'Empereur.
                 Le plus important des trois fut celui de Staouéli. L'Agha Ibrahim, gendre d'Hussein, commandait les forces de la Régence ; il avait avec lui la milice turque forte d'environ 6.000 hommes, les Koulouglis et les Maures d'Alger ; le Bey de Constantine avait amené 13.000 hommes, le Bey d'Oran 6.000, les tribus kabyles fournirent 15.000 hommes environ ; au total les forces de l'Agha s'élevaient à près de 50.000 hommes. Il se proposait d'enfoncer l'aile gauche de l'armée française et de la couper de la presqu'île de Sidi-Ferruch.

                 Le 19 juin au matin, toutes nos lignes furent assaillies ; le premier choc fut terrible, mais après une lutte acharnée, les Algériens durent se replier sur leurs positions. Les Kabyles lâchèrent prise les premiers ; le reste suivit.
                 A midi les hauteurs de Staouéli étaient conquises et le camp turc occupé.

                 Nous avions 530 hommes hors de combat, dont 57 morts ; les Algériens avaient perdu deux fois plus de monde. La prise du camp de Staouéli produisit un grand effet. L'arrivée des fuyards et des blessés jeta le désarroi et la consternation dans Alger et les Kabyles regagnèrent leurs montagnes.
                 Bourmont aurait pu sans doute dès ce moment poursuivre l'ennemi, s'emparer d'Alger et terminer la campagne. Mais ne voulant rien laisser au hasard, il préféra attendre le matériel de siège, les munitions et les subsistances que lui amenait le convoi qui, parti le 18 de Palma, n'arriva que dans la nuit du 24 au 25. Staouéli fut reliée à Alger par une route.

                 Le 24 juin un nouveau combat fut livré à Sidi-Khalef. Dans les journées des 25 au 28 juin les Turcs commandés par le Bey du Titteri, Mustapha-Bou-Mezrag, qui avait remplacé l'Agha Ibrahim, tentèrent un nouvel effort et firent éprouver à l'armée française des pertes sérieuses.

                 Le 29 on reprit la marche en avant destinée à envelopper le Fort l'Empereur ; la division des Cars était à gauche, la division Loverdo au centre, la division Berthezène à droite. Le chef d'état-major commit ce jour-là une faute grave.
                 Du point de départ de l'armée, on n'apercevait ni le Fort de l'Empereur, ni Alger ; comme la plaine de la Mitidja était couverte de brouillard, on crut voir la mer de ce côté ; l'état- major en conclut que la carte de Boutin était fautive et que l'armée était engagée beaucoup trop à droite. Il fit appuyer les troupes à gauche vers la Bouzaréa, à travers un pays difficile et coupé de profonds ravins ; il en résultat un grand désordre dans la ligne de bataille ; les colonnes s'égarèrent et se heurtèrent dans une confusion extrême, dont, fort heureusement, l'ennemi ne profita pas. Après quoi, au prix de grandes fatigues et de contremarches pénibles, on parvint à regagner les positions qu'on occupait le matin.
                 Le Fort l'Empereur que les indigènes appelaient Bordj-Moulay-Hassan ou bordj-et-Taous (le fort des paons) devait son nom européen à ce qu'il avait été construit sur le point même où Charles-Quint avait planté sa tente en 1541, mais pour nos soldats l'Empereur ne pouvait être que Napoléon.

                 C'était le seul ouvrage avancé qui défendît du côté de la terre la Casbah et la ville d'Alger, dont les murailles s'étendaient en contre-bas à environ 1.200 mètres au Nord-Est de sorte que la prise du Fort l'Empereur rendait la défense de la ville impossible. Le Khasnadji (chef du gouvernement) s'y était enfermé avec 800 Turcs et 1.200 Arabes. Les troupes creusèrent des tranchées pendant quatre jours puis, quand les travaux d'approche furent suffisamment avancés, le 4 juillet au matin l'artillerie de siège commença le bombardement. En quelques heures, les murailles s'écroulèrent. Les Turcs montrèrent un grand courage mais bientôt leur feu fut éteint. L'ordre de battre en brèche allait être donné lorsqu'à dix heures, une formidable explosion se produisit ; des flammes, des nuages de fumée et de poussière s'élevaient jusqu'à une grande hauteur, des pierres pleuvaient dans toutes les directions. Les Turcs, avant d'abandonner le fort, avaient fait sauter la poudrière. L'explosion avait ouvert une large brèche par laquelle les troupes se précipitèrent, le fort fut occupé et mis immédiatement en état de défense. Le Dey parlait de résister encore mais la population ne lui permit pas.

                 A deux heures de l'après-midi, un des secrétaires du Dey, le Kodja Mustapha, se présenta en parlementaire au quartier général. Puis vinrent deux Maures qui offrirent à Bourmont de lui apporter la tête du Dey ; le général répondit que cela ne lui ferait aucun plaisir et que le Roi de France avait comme coutume de prendre les villes, non les têtes de ses ennemis.
                 A quatre heures le secrétaire du Dey revint avec le Consul d'Angleterre, M. Saint-John ; celui-ci proposa sa médiation que Bourmont refusa nettement. Le général Desprez rédigea le texte de la capitulation et le plus ancien interprète de l'armée, Bracewitz, qui avait fait la campagne d'Égypte trente-deux ans auparavant, partit avec le kodja pour la porter au Dey. La remise de la capitulation donna lieu à une scène dramatique ; les cris de fureur des janissaires furent tels que Bracewitz crut son dernier jour arrivé ; il mourut quelques jours après des suites de l'émotion qu'il avait éprouvée. Le Dey cependant accepta les conditions qui lui étaient imposées.

                 Le 5 juillet au matin, la capitulation fut signée. En voici le texte : 1° Le fort de la Casbah, tous les autres forts qui dépendent d'Alger et le port de cette ville seront remis aux troupes françaises le 5 juillet à midi.
                 2° Le général en chef de l'armée française s'engage envers son Altesse du Dey d'Alger à lui laisser la liberté et la possession de ce qui lui appartient personnellement.
                 3° Le Dey sera libre de se retirer avec sa famille et ce qui lui appartient dans le lieu qu'il fixera et, tant qu'il restera à Alger, il y sera, lui et toute sa famille, sous la protection du général en chef de l'armée française ; une garde garantira la sécurité de sa personne et de celle de sa famille.
                 4° Le général en chef assure à tous les soldats de la milice les mêmes avantages et la même protection.
                 5° L'exercice de la religion mahométane restera libre ; la liberté de toutes les classes, leur religion, leur commerce et leurs industries ne recevront aucune atteinte, leurs femmes seront respectées ; le général en chef en prend l'engagement sur l'honneur. 6° L'échange de cette convention sera faîte le 5 avant midi. Les troupes françaises entreront aussitôt après dans la Casbah et successivement dans les autres forts de la ville et de la marine.


                 Ainsi le drapeau français remplaçait désormais le pavillon des barbaresques sur les murs d'Alger la guerrière. Les soldats vêtus de rouge, qui d'après d'anciennes prédictions, devaient mettre fin à l'existence de la Régence, entrèrent dans la cité des pirates par la Porte Neuve. Cette entrée ne se fit pas sans quelque désordre et manqua de solennité. Les voies étaient encombrées et l'état-major n'avait pas donné ses instructions en temps voulu. Le général Lahitte pénétra d'abord avec deux compagnies d'artillerie. Peu après Bourmont fit son entrée à la tête du 6e de ligne. Le quartier général fut établi à la Casbah que le Dey avait quittée et que les indigènes commençaient à piller.

                 La casbah, dont l'imagination française avait fait un palais féerique, apparut en réalité comme une habitation à peine tolérable. Les appartements du Dey et de ses femmes étaient si sales et si infestés d'insectes, qu'il fallut les passer à la chaux pour s'en débarrasser. Des marchandises de toute espèce, provenant des prélèvements de la Régence sur les cargaisons étaient entassées dans les magasins.
                 Le Khasnadji donna les clefs des salles qui renfermaient le Trésor de la Régence, mais déclara qu'aucun registre n'en indiquait le montant, ce qui était faux. Une commission fut chargée d'inventorier les monnaies d'or entassées pêle-mêle et d'en prendre possession. On trouva 48.700.000 francs qui furent expédiés en France et couvrirent largement les frais de l'expédition évalués à 43.500.000 francs.
                 On s'attendait à trouver des sommes plus considérables, d'où la légende du pillage de la Casbah qui ne repose sur rien sinon sur les antipathies du quartier général et du général Loverdo qui se renvoyèrent ces accusations.
                 Aucun excès ne fut commis par nos troupes ; les maisons pillées le furent par les Juifs et par la population indigène. L'Allemand Pfeiffer déclare que " l'armée française se conduisit plus noblement que ne l'eussent fait les troupes de n'importe quel peuple. "
                 Nos pertes pendant l'expédition d'Alger s'élevèrent à 2.300 hommes hors de combat, dont 400 morts. Parmi ces derniers était le fils du général en chef, Amédée de Bourmont, grièvement blessé à Sidi-Khalef et mort à l'hôpital de Sidi-Ferruch. Bourmont apprit le deuil qui le frappait le jour même de l'entrée à Alger :
                 " L'armée, écrivit-il à Polignac, perd un brave soldat, je perds un excellent fils. "
                 Le journal des Débats désarma devant cette douleur paternelle :
                 " M. de Bourmont est noblement réconcilié avec la France, le sang de son fils a payé pour lui. "

                 Le 7 juillet eut lieu une entrevue entre le général en chef et le Dey qui venait reprendre les objets qui lui appartenaient. D'après les renseignements donnés par Bacri, il serait parti avec 18 millions de fortune, dont 8 millions en bijoux, diamants et pierres précieuses.
                 Résigné à la volonté de Dieu, Hussein s'embarqua le 10 juillet pour Naples sur la frégate la Jeanne d'Arc avec sa famille, son harem, sa suite, en tout 110 personnes dont 55 femmes et un bagage considérable.
                 La nouvelle de la prise d'Alger fut apportée à Toulon par le bateau à vapeur le Sphinx ; transmise par le télégraphe, elle arriva le 9 juillet à Paris. La dépêche fut remise au baron d'Haussez qui sauta à cheval et galopa sur la route de Saint-Cloud. En arrivant au château il aperçut de loin le vieux Roi qui se promenait avec la duchesse d'Angoulême au travers de ces futaies magnifiques qu'il devait peu de jours après quitter en fugitif sous les huées de la populace : " Sire, cria d'Haussez, Alger est à nous ! " Une vive rougeur colora les traits pâles et fatigués du Roi : " On s'embrasse en un pareil jour," et il donna à d'Haussez une chaleureuse accolade.

                 Le bâton de Maréchal de France fut donné au commandant en chef de l'expédition et la dignité de Pair de France à l'amiral Duperré. Il y eut quelque enthousiasme dans le Midi qui était en relations constantes avec Alger et qui souffrait de la piraterie, mais dans le reste de la France, la chute d'Alger éveilla peu d'écho et n'arrêta pas l'orage qui montait contre la monarchie :
                 " oui, Alger est vaincu, écrivait le journal des Débats, mais non pas la charte. Elles vivent et elles sont debout ces lois qui défendent de faire la guerre sans crédits votés régulièrement, ces lois qui condamnent les ministres qui dépensent l'argent du peuple sans autorisation. La victoire est au Roi, à l'Armée, à la France mais la faute est aux ministres et le droit d'accuser et de punir aux Chambres. Chacun aura ce qui lui est dû, nos soldats leur gloire, nos ministres leur punition. "
                 Le dimanche 11 juillet, le Roi se rendit à Notre Dame pour assister à un Te Deum. Tout était morne et silencieux sur le passage du cortège. " Quelques cris évidemment achetés, dit d'Haussez, firent seuls les frais de la joie publique." Le Roi en fut très affecté.

                 L'expédition d'Alger avait été bien préparée et bien conduite. Le débarquement était l'opération difficile. Dès l'instant qu'il s'était effectué dans de bonnes conditions la partie était gagnée et l'armée ne devait pas rencontrer beaucoup de résistance.
                 " Jeter avec succès, dit Raynal (intendant) une armée de 40.000 hommes sur un point de la côte rapprochée d'Alger ; obtenir des vents le temps de débarquer le matériel nécessaire à cette armée, tel était le problème que la fortune se chargea de résoudre. L'inexpérience de l'ennemi et la bravoure de nos troupes firent le reste. "
                 Par l'occupation d'Alger, la France donnait une base solide à sa politique coloniale dans la Méditerranée ; elle devenait prépondérante dans le bassin occidental de cette mer et portait une atteinte grave à l'omnipotence de Gibraltar et de Malte ; elle plantait le premier jalon de son futur empire africain.

                 Gabriel Hanotaux de l'Académie française,
                 Alfred Martineau, professeur au Collège de France.
                 Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde.
                 Tome II : l'Algérie par Augustin Bernard professeur à la faculté de lettres de Paris. Édition 1930



Alger jusqu'au départ de Bourmont
(5 juillet-2 septembre 1830)
Envoyé par M. Christian Graille

                 Quoique la prise d'Alger n'ait pas eu un caractère purement accidentel, on ne savait pas trop ce que l'on ferait de la nouvelle conquête. On ignorait presque tout du pays, de son gouvernement, de ses habitants. Le petit manuel distribué aux officiers au moment du départ de l'expédition, intitulé : Aperçu historique, statistique et topographie sur l'État d'Alger, montre que sauf sur Alger et ses ouvrages fortifiés on ne savait rien de précis. Le gouvernement de la Restauration n'eut d'ailleurs pas beaucoup de temps pour prendre parti, puisque la nouvelle de la capitulation d'Alger ne parvint à Paris que le 9 juillet et qu'à la fin du mois, la vieille monarchie avait cessé d'exister. Il n'y avait en France qu'une très faible minorité qui eût l'audace de vouloir faire de l'Algérie une terre française. Jusque dans le ministère, notre occupation rencontrait une vive résistance et le Dauphin lui était très hostile. On arguait que la France n'entendait rien à la Colonisation et ne tirerait jamais aucun parti de la Régence.

                 Quant à l'opposition, après avoir combattu l'expédition d'Alger, elle soutint bientôt au contraire la nécessité du maintien de l'occupation : " Supposez, disait le Journal des Débats, un ministère qui n'eût aucune difficulté intérieure, la question diplomatique est simple. Nous gardons Alger parce que nous l'avons pris et qu'il n'appartient à personne. Nous y ferons un établissement de guerre et de commerce qui assure notre juste influence sur la Méditerranée. La Russie approuve et l'Angleterre, dans sa situation actuelle, se plaint sans s'opposer. "

                 Le gouvernement n'avait pris aucun engagement vis-à-vis de personne, mais Polignac disait vrai en affirmant que la France n'avait pas arrêté le plan de conduite qu'elle suivrait après la destruction de la domination turque. Dans ses notes diplomatiques, il spécifiait que la France entendait garder sa liberté d'action, mais qu'elle était disposée à se concerter avec les autres peuples chrétiens au sujet du sort de la Régence.

                 On songea un instant à partager le pays entre les puissances de la Méditerranée ou à donner Alger à l'ordre de Malte, ou encore à le remettre à la Porte qui y installerait un Pacha comme dans les provinces de l'Empire ottoman. Cependant les relations étaient plus que tendues avec l'Angleterre. A Alger le Consul Saint-John, après avoir proposé sa médiation, avait refusé d'entrer en relation avec Bourmont et avait prodigué à Hussein jusqu'à son départ les témoignages de sympathie et de dévouement. Après l'embarquement du Dey, il continua à surveiller et à dénaturer tous les actes de l'autorité française. Les ports de Malte et de Gibraltar regorgeaient de troupes et de navires et Saint-John écrivait à son chef, lord Aberdeen :
                 " Dites-moi, je vous prie, si vous voulez que j'empêche les Français de venir s'installer ici. En ce cas, je saurai provoquer une telle agitation chez les indigènes qu'ils ne pourront rien faire dans ce pays."

                 Les instructions de Bourmont lui prescrivaient " d'éviter avec soin de ne rien faire ni rien dire qui puisse préjuger sur nos intentions ultérieures à l'égard d'Alger ou gêner plus tard la liberté d'action que la France doit se réserver pour l'organisation et la disposition définitive de ce pays."
                 Quelques jours après la capitulation d'Alger, le général en chef rétablit les consuls dans leurs attributions, ce qui était un acte de souveraineté. M. de Laval fut fort mal reçu lorsqu'il vint en informer le foreign (office bureau du ministère des Affaires étrangères) : " Vous n'avez pas à vous occuper de notre consul, répondit lord Aberdeen, puisqu'il est accrédité auprès du Dey. "

                 Le 26 juillet, dans une audience, lord Aberdeen fit entendre à notre ambassadeur des paroles encore plus comminatoires : " Jamais, lui dit-il, la France, même au temps de la République et de l'Empire ne nous a donné de pareils sujets de plaintes. " " Milord, répondit le duc de Laval, je ne saurais ni dire ni prévoir ce que vous pouvez espérer de la modération de la France, mais ce qui je sais, c'est que vous n'en obtiendrez jamais rien par la menace. "
                 Lord Stuart ayant, sur ordre de son gouvernement, communiqué une demande d'explications à Charles X, le Roi lui retourna sa dépêche avec cette annotation : " Pour prendre Alger, je n'ai considéré que la dignité de la France ; pour le garder ou le rendre, je ne consulterai que son intérêt."

                 Le maréchal de Bourmont agit, aussitôt après la capitulation d'Alger en homme assuré que la conquête de l'armée resterait acquise à la France. Il commit néanmoins, dans la courte période qui va du 5 juillet au 3 septembre 1830 des fautes assez nombreuses ; il avait su tailler, il ne sut pas recoudre. Il n'y eut pas d'organisation du pays, pas de compréhension vraie de sa situation et de ses besoins. Il est juste de dire que cette carence et due en partie au contre coup des évènements qui se produisaient en France ; l'incertitude sur le sort de la conquête, les divisions de l'armée, les maladies, le découragement, tout contribuait à compliquer notre tâche.

                 Le général en chef, son état-major et l'intendant général se montrèrent tous trois incapables d'administrer convenablement la ville d'Alger. Le premier soin de Bourmont, aussitôt que l'armée eut pris possession de la ville fut d'ordonner le désarmement de la milice turque.
                 Les janissaires célibataires au nombre de 2.500 furent embarqués pour Smyrne ; ceux qui étaient mariés, un millier environ, reçurent d'abord la permission de rester à Alger, mais quelques jours après, Bourmont, se croyant trahi par les Turcs, ordonna de tous les expulser, mesure qui fut exécutée de manière assez brutale. Les Turcs pourtant n'auraient pas mieux demandé que de nous servir ; ils disaient que le Roi de France avait sans doute un trésorier comme le Dey et que son argent en valait un autre. Habitués à commander aux indigènes, connaissant de longue date les mobiles auxquels ils obéissaient, les rouages de leur société, ils nous auraient rendu de précieux services.

                 Tout disparut de l'ancienne administration de la Régence ; dans la Casbah, les soldats, sous les yeux de l'intendant général, allumaient leur pipe avec les papiers de l'administration. On n'arriva à se renseigner approximativement sur l'état des propriétés et des revenus publics que par les déclarations plus ou moins exactes des particuliers et l'amin (magistrat) des eaux qui connaissait seul le tracé des aqueducs alimentant la ville d'Alger, n'opéra aucune remise de service.

                 Nous donnâmes toute notre confiance aux Maures et aux Juifs. " Les Maures sont intelligents, dit Denniée (intendant général), ils deviendront pour nous des agents actifs et d'utiles intermédiaires. Par eux ces immenses tribus d'Arabes seront en peu de temps nos alliés et nos pourvoyeurs. "
                 C'était se faire beaucoup d'illusions et sur le dévouement et sur l'influence de ces éléments de la population. Bourmont paraît s'en être aperçu : " Je destine les principaux emplois civils aux Maures ; mais dans un pays où l'habitude d'obéir au plus fort existe, on ne peut confier l'autorité première qu'à des gens de guerre et je me trouve ici obligé de choisir parmi les Kabyles et les Arabes les principaux chefs du pays, et j'en exclus les Turcs."

                 Dès le 6 juillet une commission de gouvernement présidée par Denniée fut constituée pour établir les besoins et les ressources du pays, les institutions qu'il s'agissait de modifier ou de remplacer. Cette commission était composée du général Tholozé, commandant la place d'Alger, du consul Alexandre Duval, neveu de celui qui jadis avait insulté le Dey, du payeur général Firino de l'officier interprète d'Aubignosc. Ce dernier qui avait longtemps résidé dans les pays barbaresques fut nommé lieutenant général de police et devint, de fait, le premier chef de l'administration algérienne.

                 Une commission municipale composée de Maures et de Juifs fut chargée de renseigner la commission de gouvernement ; elle était présidée par Ahmed-bou-Derba, homme d'esprit fin et rusé, mais sans moralité aucune et plus tracassier qu'habile. Les troupes vivaient en bonne intelligence avec les habitants d'Alger mais le passage subit de la vie active des camps à l'oisiveté du bivouac eut une influence fâcheuse sur la discipline et la santé des soldats. Les maisons de campagnes des environs d'Alger furent dévastées. L'armée fut bientôt décimée par les dysenteries et les entérites. Les infirmeries étaient encombrées.

                 Du 25 juin au 10 août il y eut 9.000 entrées dans les hôpitaux.
                 Bourmont qui ne se faisait aucune idée sur la situation véritable de la régence, parait avoir cru que la prise d'Alger amènerait la soumission du pays tout entier : " Tout le royaume d'Alger, écrivait-il, sera probablement soumis au Roi avant quinze jours sans avoir un coup de fusil de plus à tirer. "

                 Il pensait qu'on pouvait sans inconvénient rappeler une des trois divisions de l'armée d'Alger. Il donna l'investiture au Bey du Titteri, Mustapha-bou Mezrag qui signa une déclaration par laquelle il reconnaissait le Roi de France pour son souverain, lui rendait hommage et s'engageait à lui payer les tributs coutumiers. Mais Mustapha ne tint pas ses promesses et ne tarda pas à se tourner contre nous. Le Bey d'Oran, Hassan était bien disposé en notre faveur mais il était assiégé par les indigènes et sollicitait l'appui des troupes françaises. Mers-el-Kébir et Oran furent occupés sans résistance.

                 Une expédition fut envoyée à Bône où Damrémont prit possession de la Casbah et de ville.
                 " On a lieu de croire, écrivait Bourmont, que l'occupation de Bône décidera le Bey de Constantine à se soumettre et qu'il demandera à traiter aux même conditions que le Bey du Titteri. "
                 En fait, les villes où était établie la domination turque paraissaient disposées à accepter notre souveraineté, mais, derrière les Turcs, nous ne devions pas tarder à découvrir les indigènes des tribus, montagnards ou nomades, cultivateurs ou pasteurs, Kabyles ou Arabes, autrement redoutables et résistants, sur lesquels il fallut conquérir le pays.
                 L'expédition de Blida mit en lumière notre situation véritable. Bourmont crut qu'il était utile de montrer que les troupes françaises ne craignaient pas de s'éloigner du littoral, et, bien qu'on l'eût averti du danger, voulut s'avancer jusqu'à Blida, situé à 48 kilomètres d'Alger, au-delà de la plaine de la Mitidja, au pied de l'Atlas et entourée de populations kabyles. Tout alla bien à l'aller mais lorsqu'on voulut revenir sur ses pas, les Kabyles se ruèrent sur la colonne et lui firent éprouver des pertes assez sérieuses.
                 L'échec de Blida encore aggravé par l'évacuation de Bône et d'Oran qui suivit de près leur occupation montra que nous n'étions pas invulnérables. Ce fut un premier avertissement qui nous montra que la destruction de la domination turque ne nous rendait nullement maîtres de la Régence.

                 La prise d'Alger était un fait accompli : la guerre d'Afrique commençait.

                 La nouvelle de la révolution de 1830 parvint à Alger le 11 août, d'abord par un bateau marchand apportant à Jacob Bacri une lettre d'un de ses correspondants de Marseille, puis par un navire de guerre. Une lettre du général Gérard, ministre de la guerre invitait le général de Bourmont à rester à rester à Alger : " D'heureuses circonstances, disait-il, vous ont séparé de vos collègues ; la France vous sait gré de vos succès et le gouvernement saura vous récompenser de vos services. "

                 Bourmont parait avoir songé un moment à aller se mettre à la disposition de Charles X mais Duperré refusa le concours de la marine et une partie de l'armée était hostile à cette solution. Lorsque l'émotion du premier instant fut tombée, il prit le bon parti et travailla à conserver Alger à l'armée et l'armée à la France. Il fut convenu avec Duperré que l'armée navale et l'armée de terre quitteraient ensemble leurs couleurs et un ordre du jour du 16 août leur prescrivit de substituer la cocarde et le pavillon tricolore à la cocarde et au pavillon blanc.

                 Le 2 septembre le général Clauzel arriva à Alger à bord de l'Algésiras ; le maréchal de Bourmont lui remit le commandement et fit ses adieux à l'armée. Bourmont s'embarqua le lendemain. Il avait demandé à l'amiral Duperré un bâtiment de guerre pour quitter l'Afrique ; ce bâtiment lui fut refusé. Il dut noliser à ses frais un petit brick de commerce autrichien et partit avec deux de ses fils.

                 Son bagage était si minime que deux Maures suffirent à le porter. Un petit coffret renfermant le cœur de son fils tué pendant la campagne était le seul trésor qu'il emportât d'Alger. Un seul officier encore obscur l'accompagna presque seul jusqu'au bord de la mer ; ce courtisan du malheur s'appelait La Moricière.
                  " Il faut rendre cette justice au maréchal de Bourmont, dit Reynal, qu'il était impossible de se conduire avec plus de prudence et de modération qu'il ne l'a fait lorsque la nouvelle des évènements de juillet est venue frapper l'armée d'étonnement. Il a évité la guerre civile et donné l'exemple de la soumission en prenant lui-même la cocarde tricolore et en faisant arborer le drapeau tricolore sur la Kasbah. "

                 Gabriel Hanotaux de l'Académie française
                 Alfred Martineau, professeur au collège de France.
                 Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde.
                 Tome II : l'Algérie par Augustin Bernard, professeur à la faculté des lettres de Paris. Édition 1930




Les Clous à Dédé
Envoyé par M. Régis


         C’est Dédé qui monte son entreprise pour vendre des clous. Il en parle à son ami :
         - " Il faudrait que je fasse de la pub pour ma société... "
         - " Attends, moi je bosse à la L’Est Républicain. Je vais te faire un petit encart... "
         - " Bravo, formidable !!! >
         Le lendemain, Dédé ouvre le journal et horreur ! Malheur ! Il voit Jésus sur sa croix et un petit texte qui dit :

         " AVEC LES CLOUS À DÉDÉ, C'EST POUR L'ÉTERNITÉ !!! "
         Il appelle son ami et lui dit que non, il ne peut pas faire ça. Il faut vite faire un rectificatif. Son ami est d'accord et lui dit de ne pas s'inquiéter, il va trouver une autre idée.
         Le lendemain, Dédé est pressé d'aller jeter un œil dans le journal, et là, stupéfaction ! Il y voit une croix vide et Jésus allongé par terre devant, avec la légende suivante :

         " AVEC LES CLOUS À DÉDÉ, CA NE SERAIT PAS ARRIVÉ !!!



De Gaulle " visionnaire " ?
Par M Piedineri                           Partie 2
Les mensonges de la propagande gaulliste
et la guerre d'Algérie

II. Les partisans de l'Algérie française n'étaient pas des idiots, et le général de Gaulle n'était pas visionnaire : l'exemple de Jacques Soustelle

             Abordons maintenant le thème de l'explosion démographique musulmane et de l'islam. Là encore on connaît l'argument, savamment entretenu par une propagande gaulliste qui n'a jamais reculé devant le mensonge : " L'Algérie française ? Mais mon petit monsieur, il y aurait aujourd'hui 40 millions d'Arabes en France ! ". Et tout le monde, aujourd'hui, se met à citer des propos que le général de Gaulle aurait tenus en privé, telle une obscure métaphore sur " l'huile et le vinaigre ", ou encore cette phrase : " les musulmans, vous êtes allés les voir ? Vous les avez regardés avec leurs turbans et leurs djellabas ? Vous voyez bien que ce ne sont pas des Français ! ", etc., etc., etc. La France est d'ailleurs tombée tellement bas que l'on fait de ce type de propos dignes d'un pilier de comptoir et que n'importe quel idiot du village aurait pu tenir, le signe de l'intelligence surhumaine d'un homme visionnaire et lucide comme personne !...
               Mais les opposants à la politique algérienne du général de Gaulle, contrairement à ce qu'on cherche à nous faire croire, étaient loin d'être de doux républicains universalistes, rêveurs et naïfs, et d'ignorer les graves problèmes posés par la démographie de l'Algérie et par l'islam. Bien au contraire, ils avaient, eux, pris au sérieux la portée géo-civilisationnelle majeure que représentait la guerre d'Algérie.
               Prenons l'exemple de l'ethnologue de renom, homme politique et ancien Résistant de la première heure venu de la gauche et de l'antifascisme Jacques Soustelle (1912-1990), célèbre partisan de " l'intégration " de l'Algérie, calomnié et présenté par une certaine droite gaulliste comme un pauvre naïf qui se serait trompé sur toute la ligne, et comme un " colonialiste " par une certaine gauche.
               Ce projet d'" intégration " - et la question pour nous n'est pas de savoir si ce fut une bonne ou une mauvaise idée -, dont le but essentiel était d'établir l'égalité des droits de tous les habitants de l'Algérie dans le cadre de la France tout en tenant compte du caractère particulier de cette province, a depuis toujours été caricaturé, déformé, moqué, à un point tel qu'il serait bon de s'interroger sur les causes profondes d'un tel acharnement, d'autant plus lorsqu'on constate que cet acharnement, plus de cinquante ans après continue de plus belle, notamment sous la plume d'Eric Zemmour.
               En effet Eric Zemmour, qui est certes brillant et a beaucoup de courage, a cependant le gros défaut d'être un admirateur inconditionnel du général de Gaulle, ce qui a parfois comme inconvénient de lui faire perdre l'objectivité. Et, dans son best-seller " Le suicide français ", égaré par sa vocation de défenseur de la cause perdue du gaullisme, le voilà qui en vient à travestir de façon éhontée la pensée de Soustelle, jusqu'à s'en prendre à son honneur. Le présentant comme un " assimilationniste sans états d'âme " (ce qui est faux, car Soustelle n'a jamais soutenu une seule seconde l'idée d'une assimilation de l'Algérie à la France), reprenant une formule du général de Gaulle traitant " ceux qui croient à l'intégration " de l'Algérie de " cervelles de colibri ", Eric Zemmour, ensuite, ose cette phrase ahurissante à propos de la loi sur le regroupement familial :

               " Soustelle a dû ricaner ; Debré se réjouir. Le regroupement familial est la grande revanche posthume des partisans de l'Algérie française sur le général de Gaulle. "
               Et Zemmour, de moquer ces " partisans de l'Algérie française " qui, comme Jacques Soustelle, voient dans les fellahs algériens les frères des " paysans " de sa Lozère natale ", les opposant à un de Gaulle qui, lui, contrairement à eux aurait compris, je cite, que " les Français sont des Français, les Arabes sont des Arabes ".
               Pour Eric Zemmour donc, Jacques Soustelle aurait été le représentant d'un universalisme abstrait, doublé d'une sorte de précurseur de SOS Racisme et de l'association France terre d'asile... Zemmour a raison : plus c'est gros mieux ça passe !
               Mais si Zemmour avait lu J. Soustelle entre les lignes, il aurait vite eu l'occasion de constater que ce dernier a répondu à ses assertions dès 1961 : " Il est évident, bien entendu, je l'ai assez dit et assez répété, que l'intégration n'est pas l'assimilation, affirmait-il lors d'une conférence de presse clandestine. Il est absolument inutile, comme l'ont fait beaucoup de beaux esprits qui y ont consacré du temps, de l'encre et de la salive, de nous expliquer que Blida n'est pas Bécon-les-Bruyères, car je le savais depuis longtemps. "
               Prenons maintenant la peine d'étudier la pensée de Jacques Soustelle (une pensée d'ailleurs très actuelle), au-delà de toute caricature et de toute déformation.
               En se penchant sur la pensée et les nombreux écrits de Jacques Soustelle, on est d'abord frappé par son sens aigu du devoir, de la solidarité nationale, et son refus de courber l'échine devant un prétendu " sens de l'Histoire " qui condamnerait l'Europe à un déclin inexorable. Pour Jacques Soustelle en effet, les Européens n'ont tout simplement pas à avoir honte d'être ce qu'ils sont, n'ayant, selon lui, de comptes à rendre à personne. Certes Eric Zemmour n'a pas tort lorsqu'il insiste sur cet humanisme, cette générosité républicaine bien présents chez Soustelle, un universalisme qui, toutefois, correspond à tout sauf de la naïveté, et ne va pas sans un puissant réflexe patriotique. Zemmour a raison : Soustelle est bien le digne héritier de Victor Hugo, Jules Ferry et Gambetta. Universalisme républicain et patriotisme, chez lui, forment en quelque sorte les deux faces d'une même pièce, dans la plus pure tradition des républicains français du XIXème siècle. Et il faut voir vitupérer cet homme, déjà à l'époque, contre " le masochisme français " , " les Européens qui se livrent aux affres de la mauvaise conscience et que le péché originel de la colonisation frappe d'un complexe de culpabilité " , dénoncer " l'agression psychologique permanente contre l'opinion occidentale " que constituent - déjà ! - les discours de repentance, dénoncer enfin l'ONU, comme l'endroit où se joue " la perpétuelle guerre raciste contre les Blancs d'Europe " et dont l'anticolonialisme ne servirait que de " paravent à une entreprise mondiale de subversion et de destruction " . Où est la naïveté chez cet homme ?
               Jacques Soustelle, exprimant le fond de sa pensée écrivait enfin en 1962 :

               " La grande poussée du panarabisme, partie du Caire le 1er novembre 1954, relayée ensuite par l'entreprise communiste, pouvait, devait se briser sur la résistance de l'Algérie. L'Algérie pouvait, devait demeurer, dans une Afrique du Nord partie à la dérive, une enclave de fraternité entre peuples et religions de l'Orient et de l'Occident, une large tête de pont de l'Europe et une vitrine d'exposition de la démocratie française. Certes, on objectera qu'une telle solution pouvait bien ne pas durer très longtemps. Mais d'abord personne n'est en mesure de l'affirmer, et puis ce n'est pas rien de gagner quelques dizaines d'années ou un siècle ou davantage. Avec tous ses défauts, l'Empire de Byzance a tout de même sauvegardé pendant mille ans des valeurs essentielles sur un territoire de siècle en siècle plus étroit et plus menacé. La prétendue fatalité historique dont on nous étourdit, comme si la volonté des hommes et des peuples ne comptait pour rien, joue surtout le rôle d'un alibi commode : il est certes plus facile de s'incliner que de résister. "

               " Certes, on objectera qu'une telle solution pouvait bien ne pas durer très longtemps. Mais d'abord personne n'est en mesure de l'affirmer, et puis ce n'est pas rien de gagner quelques dizaines d'années ou un siècle ou davantage " : ce passage est essentiel. Si l'on peut ne pas être d'accord avec Jacques Soustelle, il est cependant impossible d'affirmer que cet homme a été moins visionnaire que le général de Gaulle, qu'il était naïf, ou qu'il aurait sous-estimé les difficultés que représentaient pour l'Algérie française la démographie musulmane et l'islam. Ajoutons d'ailleurs qu'en 1962, il n'existait aucune urgence démographique concernant l'Algérie, la population musulmane s'élevant alors à moins de 10 millions d'habitants. L'argument majeur des gaullistes, en plus d'être mensonger, est donc anachronique. Car il faut rappeler que cette idée d'" intégration ", Soustelle ne la considérait pas comme une utopie, mais simplement comme une réponse politique à une situation donnée, dans un contexte très précis.
               Sa différence avec de Gaulle ? Certes, Soustelle n'était pas raciste. Mais est-ce un crime ? Il est vrai qu'au moment où ce dernier dissertait brillamment sur l'avenir et le déclin de la civilisation Européenne (comme la citation ci-dessus le montre), le général de Gaulle, de son côté, lançait à un sénateur partisan de l'Algérie française : " Voulez-vous être bougnoulisé ? ". On ne peut lutter contre l'intelligence surhumaine du " grand Charles "...
               Il faudrait encore être particulièrement ignorant ou malhonnête pour reprocher à Jacques Soustelle d'avoir sous-estimé la force de l'islam algérien. Bien au contraire, c'est précisément la livraison de l'Algérie et de ses habitants au panarabisme et à un fanatisme religieux rétrograde et conquérant, que cet homme dénonçait en permanence. C'est justement parce qu'il avait conscience du danger que représenterait à terme ce réveil de l'islam, que Soustelle appelait à résister et à ne rien céder. Il faut le voir dénoncer " l'excitation à la haine raciale et religieuse " des combattants du FLN contre " le non-musulman ", la livraison de l'Algérie au " fanatisme islamique ", aux " Ulémas ", au " désordre prédateur des Hillali " et à " l'obscurantisme wahabite ", etc. Comparant dans un chapitre de son livre " Sur une route nouvelle " (1964) le communisme à l'islam, appelant à " barrer la route au nouvel Islam " représenté selon lui par le communisme, il développait :

               " Le communisme soviétique rappelle par plus d'un trait l'Islam : conquérant comme lui, convertissant " par le sabre ", bessif, les peuples qu'il subjugue [...]. Communautaires l'un et l'autre, les deux systèmes sont à la fois temporels et spirituels ; de leur doctrine découlent également, pour les croyants, le droit et la science, les règles de la vie personnelle et celles de l'organisation collective. [...] Le musulman sait que les chrétiens et les Israélites sont comme lui des " gens du Livre ", [...] et en même temps il nous tient pour des infidèles fondamentalement plongés dans l'erreur. [...] Les Occidentaux feraient bien de se rendre compte qu'aux yeux d'un communiste, qu'il soit russe ou chinois, ils demeurent et demeureront l'ennemi, comme le chrétien et le juif sont demeurés les infidèles aux yeux des musulmans, qu'ils fussent d'Afrique ou d'Espagne. "

               Soustelle était-il donc " islamophile " ou naïf à propos de l'islam ? La réponse est évidemment non. Dans la même optique, dénonçant le chantage au " sens de l'Histoire ", l'un des arguments majeurs du général de Gaulle et des partisans Français du FLN pour abandonner l'Algérie au FLN, il prenait comme référence... Charles Martel : " Le " vent " de l'Histoire semblait certainement, au début du VIIIe siècle, souffler pour l'Islam. Après avoir submergé l'Afrique du Nord et l'Espagne, il déferlait sur la France. [...] Mais le fait est que Charles Martel, ne croyant pas au sens de l'Histoire, gagna la bataille de Poitiers. " Une nouvelle fois, où se trouve la naïveté chez cet homme ?
               " Il avait fallu tout le long travail de francisation accompli en plus d'un siècle en Algérie pour faire pénétrer dans l'Islam algérien un esprit de tolérance que les Ulémas panislamistes et le F.L.N. panarabe ont farouchement combattu " , disait-il encore.
               Inversement, prenons l'exemple d'un grand islamophile comme l'anthropologue et spécialiste de l'islam Jacques Berque, promoteur inlassable du mythe d'une " Andalousie " arabe pleine de tolérance et du multiculturalisme. Eh bien Jacques Berque, pourtant Français d'Algérie, a pris très tôt position en faveur des revendications du FLN, avant de soutenir les Palestiniens dans leur lutte contre Israël. Est-ce un hasard ?
               Si l'on peut reprocher beaucoup de choses à ces partisans de l'Algérie française, il serait tout à fait injuste de leur reprocher d'avoir été aveugles sur l'islam ou l'islamisme. La preuve en est que le premier à avoir mis des mots précis sur l'alliance apparue lors de la guerre d'Algérie entre une certaine gauche et un certain islam n'est autre que Jean-Marie Bastien-Thiry, qui lors de son procès en février 1963 dénoncera, je cite, " la synthèse islamo-marxiste " " en cours de réalisation " (ancêtre, apparemment, de la célèbre formule " islamo-gauchisme "), tandis que Soustelle écrira : " Contrairement à ce qu'on prétend souvent, il est très facile à des musulmans de devenir communistes, ou en tout cas de collaborer avec le communisme. " Même Soustelle qui, connaissant la vieille admiration que vouait Hitler à l'islam, dénonçait également le soutien apporté par une partie de l'extrême droite Européenne au FLN et au panarabisme nassérien : " je constate, soutenait-il, que tous les ex-nazis, antisémites, racistes et fascistes d'Europe occidentale et du Proche-Orient, depuis le trop fameux Grand Mufti El Hadj Amine El Husseini jusqu'aux dirigeants de l'internationale fasciste en Allemagne et ailleurs, collaborent activement avec le F.L.N. et avec ses organisations annexes. " Et c'est bien cette alliance entre, je cite, " rouges/bruns/verts " (c'est-à-dire : " extrême gauche/néo-nazis/islamistes "), que dénonce aujourd'hui inlassablement le grand spécialiste de la question Alexandre del Valle, que le journaliste au Figaro Alexandre Devecchio nomme à son tour " une nébuleuse rouge-verte " s'en prenant au " mâle blanc occidental ", et que l'avocat et éditorialiste Gilles-William Goldnadel décrit ainsi :

               " L'islamo-gauchisme désigne la complaisance coupable d'une grande partie de la gauche à l'égard de la radicalité islamique. [...] Il faut moins déceler de l'amour pour les populations islamiques qu'une haine inconsciente envers l'Occident coupable non seulement de la colonisation, mais encore du plus grand génocide traumatique de tous les temps. "

               Mais c'est précisément ce discours de repentance et de haine de soi typique des Occidentaux que dénonçait Jacques Soustelle de façon compulsive dès les années 1950-1960 !
               Ainsi Soustelle s'inquiétait déjà du danger que pourrait bien représenter à terme l'apparition sur l'échiquier politique, en pleine guerre d'Algérie, d'une nouvelle forme de bien-pensance, portée par un discours masochiste prétexte à tous les renoncements et à toutes les compromissions. Une pensée s'incarnant aussi bien à gauche qu'à droite, " nouvelle gauche " et " nouvelle droite " (sic) vues par Soustelle comme " les deux faces d'une médaille " se rejoignant " dans le défaitisme " en prenant parti pour le FLN. Soustelle qui regrettait aussi le fait que " notre maladie nationale, en cette deuxième moitié du XXe siècle, c'est la mauvaise conscience " , cette mauvaise conscience conduisant " des démocrates épris de progrès humain à applaudir aux exploits sanglants de fanatiques rétrogrades, imbus d'un esprit théocratique et totalitaire " . Quant à Georges Bidault, autre partisan de l'Algérie française - après avoir été le successeur de Jean Moulin à la tête de la Résistance -, il déplorait dans l'attitude de trop nombreux intellectuels Français " une sorte de consentement fébrile au déclin, une disposition permanente à nous mettre en accusation nous-mêmes ", ainsi qu'" un comportement à base de culpabilité nationale " . Albert Camus, lui aussi révolté face à cette repentance systématique manifestée par de nombreux sympathisants du FLN, écrira à son tour : " Il est bon qu'une nation soit assez forte de tradition et d'honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs. Mais elle ne doit pas oublier les raisons qu'elle peut avoir encore de s'estimer elle-même. Il est dangereux en tout cas de lui demander de s'avouer seule coupable et de la vouer à une pénitence perpétuelle ", Camus ajoutant par ailleurs avec sagesse : " Si certains Français considèrent que, par ses entreprises coloniales, la France (et elle seule, au milieu de nations saintes et pures) est en état de péché historique, ils n'ont pas à désigner les Français d'Algérie comme victimes expiatoires (" Crevez, nous l'avons bien mérité ! "), ils doivent s'offrir eux-mêmes à l'expiation. "
               Soustelle, Bidault et Camus avaient vu juste : cette idéologie, à l'origine du gauchisme culturel, triomphera dans les décennies suivantes. La livraison de l'Algérie aux tueurs du FLN et la destruction du peuple Pied-Noir fut sa plus grande victoire. Son " baptême du feu ", en quelque sorte, sous le parrainage de l'oncle Charles. Soustelle n'a pas manqué de féliciter le vainqueur :

               " Eh bien, Messieurs, Messieurs les intellectuels de gauche, Messieurs les écrivains, Messieurs les curés progressistes, vous voilà exaucés : vos ennemis ont mordu la poussière. Les voici, affamés et ruinés, la peur au cœur et la faim au ventre, jetés avec deux valises sur le sol d'une patrie marâtre, ayant tout perdu, y compris souvent des êtres chers. Votre triomphe est complet. Ces hommes, ces femmes, ces enfants dénués de tout, désespérés et abandonnés, ce sont vos victimes. "

               Ecoutons-le encore, dénoncer, comme Gilles-William Goldnadel aujourd'hui, l'hypocrisie de ces défenseurs autoproclamés des Droits de l'Homme et des " opprimés " qui d'après lui ne sont en réalité animés que par la haine de soi : dix ans après la livraison de la totalité de l'Algérie au FLN, se demandant " pourquoi des hommes et des mouvements politiques qui se sont consacrés avec passion pendant des années à " libérer " les Algériens, les Congolais, les Tanzaniens, etc., se désintéressent totalement aujourd'hui du sort de ces peuples ", Soustelle concluait : " Mais tout s'explique s'il ne s'agissait, en fait, que de détruire les empires européens. Pour en arriver là, tous les moyens étaient bons, y compris une sollicitude sourcilleuse et mensongère pour le bien de peuples dont, en réalité, les apôtres de la décolonisation ", qu'ils fussent " communistes, chrétiens de gauche ou gaullistes également de gauche ", " se moquaient éperdument " .

               " Il faut moins déceler [dans l'islamo-gauchisme] de l'amour pour les populations islamiques qu'une haine inconsciente envers l'Occident ",
               a dit Gilles-William Goldnadel. Eh bien c'est cette " haine inconsciente " que Soustelle dénonçait au mot près en fustigeant, en 1962,
               " ces progressistes, chrétiens ou non, qui ne brillent ni par la clairvoyance ni par la logique. Enragés " décolonisateurs ", ils condamnent chez nous toute trace d'oppression et de racisme, mais admettent tout et approuvent tout dès lors que les oppresseurs sont noirs au lieu d'être blancs ou musulmans au lieu d'être chrétiens. Vous avez toujours tort si vous portez le chapeau, toujours raison si vous portez la chéchia. "

               Soustelle qui écrivait encore, dans les dernières années de sa vie, à la fin des années 1980 :

               " La victoire la plus significative, la plus dangereuse pour nous tous, de la subversion incarnée dans l'Union soviétique, c'est qu'elle a réussi - avec la complicité, hélas ! de nombre de nos intellectuels, de nos prêtres, de nos journalistes et des médias - à inoculer aux occidentaux le virus de la culpabilisation, de la conscience coupable. L'homme occidental [...] en est arrivé à tenir pour évidents et indiscutables un certain nombre d'axiomes tels que (par exemple) : " Les pays pauvres sont pauvres parce qu'ils ont été pillés par les pays riches " [...]. D'une façon plus générale, l'Européen ou le Nord-Américain a toujours tort, le Blanc est, par définition, l'ennemi. Il n'est de racisme que celui du Blanc contre l'homme de couleur ; l'inverse n'est que la revanche bien justifiée du second contre le premier. D'où il suit que les droits de l'homme ne sont jamais invoqués que si l'on peut les utiliser comme machine de guerre contre l'Occident. [...]
               Une fois terminée la guerre mondiale, une nouvelle guerre a commencé et n'a pas cessé depuis lors : c'est la guerre psychologique, dont l'arme favorite est la " désinformation " et le but la démoralisation de l'Occident. L'idéal n'est pas d'abattre l'adversaire à coups de canon - procédé coûteux et dangereux - mais de l'amener à douter de lui-même, à se renier, à se rendre sans combat. [...] Or le message le plus insistant, la campagne permanente de désinformation menée contre l'Occident, l'arme essentielle de la guerre psychologique ont pour objet d'inoculer à l'Occident le virus de la culpabilité et de l'écraser sous le poids du remords. "


               Ces mots sont on ne peut plus actuels.
               Quant à la démographie algérienne, Jacques Soustelle n'était pas plus aveugle. Au contraire, c'est justement parce que l'Algérie et l'Afrique françaises étaient en situation d'explosion démographique, avec tous les risques de pauvreté et de déstabilisation que cela implique pour un pays, que Soustelle s'opposait à l'indépendance immédiate de l'Algérie et des autres territoires de l'Empire :

               " Qu'est-ce que la France représente, économiquement, pour l'Algérie ? Elle représente simplement la différence entre la vie et la mort, affirmait-il dans son petit livre Le drame algérien et la décadence française publié en 1957. Je voudrais que personne n'entreprenne de raisonner sur ce problème sans avoir lu la brochure mince mais combien substantielle de Germaine Tillion . On y voit décrit avec une véracité criante l'affreux processus de paupérisation, pire, de " clochardisation " comme dit Germaine Tillion, qui broie le peuple des fellahs [fellahs : petits paysans Musulmans Algériens]. On y voit comment tout se métamorphose en cendres et en ruine entre les mains de ces malheureux, arrachés par nous à leur monde archaïque et pas encore entrés dans le monde moderne. Tout le drame de l'Algérie est là. Que l'indépendance puisse y mettre un terme est un mensonge dérisoire ; le fellagha qui croit lutter pour voir " la fin de notre misère " ne sait pas qu'il est cyniquement trompé par la Ligue Arabe et des néo-féodaux avides de pouvoir ; il ne sait pas que son Etat arabe, si jamais il voyait le jour, le condamnerait à une misère vingt fois plus profonde.
               Mais ce qu'il faut bien que nous comprenions, nous Français de France, c'est que le bien que nous avons fait en Algérie comme le mal que nous y avons fait aussi, et qui finalement " s'additionnent pour constituer une des plus redoutables machines infernales du globe " , c'est notre responsabilité. Nous sommes allés en Algérie en 1830, et en cent vingt-sept ans nous en avons fait un pays à la fois trop moderne et trop archaïque, où l'on vit trop pour y vivre bien. J'en déduis qu'il faut à tout prix poursuivre l'œuvre commencée, achever de moderniser l'Algérie, l'industrialiser, y créer des conditions de vie décentes - qui à leur tour, d'ailleurs, constitueront un puissant facteur de stabilisation démographique. "


               Ces mots datent de 1957. Là encore - et je le répète, que l'on soit d'accord ou non avec les solutions que préconisait Jacques Soustelle n'est pas la question -, qui, était visionnaire, lorsqu'on sait la situation économique désastreuse que connaît l'Algérie depuis 1962, l'immigration qui s'en est suivie, et la spoliation continue du peuple algérien par " des néo-féodaux avides de pouvoir " entrevue par ce dernier ?
               En 1973, dix ans après l'indépendance, notre homme dénonce encore, je cite, l'" aveuglement incroyable " des dirigeants algériens devant le " problème démographique ", regrettant que l'Algérie de Boumediène n'envisage " aucune politique de contrôle démographique", contrôle qui est pourtant la clé du " décollage économique ", et prône au contraire " une sorte d'austérité islamique, de retour aux sources dans l'esprit du wahabisme " .

               Sur l'Afrique en général, alertant en cette même année 1973 sur " l'explosion démographique du Tiers-Monde " et la " disproportion insurmontable entre des ressources dont la croissance est faible (ou nulle) et une population dont la croissance est torrentielle " , J. Soustelle, regrettant le fait que " la plupart des pays du Tiers-Monde se refusent à regarder en face cette réalité " alors que " seul pourrait les sauver un plan de limitation des naissances " , écrivait : " Le vrai danger réside dans l'explosion démographique " , et, se fondant sur des prévisions pour l'an 2000, insistait - déjà ! - sur la nécessité de " dresser un barrage devant le torrent démographique qui emportera tout " !
               Au risque de nous répéter, qui, était visionnaire, lorsqu'on sait que le principal danger qui menace aujourd'hui et l'Afrique et l'Europe est précisément cette explosion démographique génératrice de grande misère, à l'origine de l'actuelle " crise migratoire " ? Qui était visionnaire lorsqu'on sait que le cœur de cette explosion démographique se trouve essentiellement dans une petite région comprise entre le Tchad, le Niger et le Mali, ex-territoires français que le général de Gaulle, en 1960, a poussés à l'indépendance dans la précipitation (en effet, et contrairement à la légende il faut savoir qu'une bonne partie des élites africaines ne revendiquaient pas l'indépendance de leurs pays mais souhaitaient au contraire les voir rester associés à la France, dans un cadre fédéral et dans l'égalité républicaine) pour ne pas avoir à supporter, à court terme, les frais d'une politique de développement en Afrique tout en se forgeant à bon compte une image de " grand décolonisateur ", et dont les habitants ne cessent aujourd'hui de venir trouver refuge dans l'ancienne Métropole française pour fuir la condition misérable dans laquelle ils ont été plongés depuis l'indépendance de leurs pays ? Mais de Gaulle, " a préféré les lauriers de décolonisateur et de " libérateur " de l'Afrique à la renommée moins brillante mais plus solide qu'aurait pu lui acquérir la tâche ardue de défendre la justice et la paix contre la démagogie subversive et belliciste du panafricanisme et du panarabisme " , a écrit J. Soustelle, qui, dressant à la fin de l'année 1968 le bilan du gaullisme concluait ainsi :

               " Qu'on ne dise pas [...] que le régime a " réussi la décolonisation " en Afrique noire. Il n'a rien fait d'autre que de rejeter le fardeau comme un soldat en fuite abandonne son sac dans un fossé.
               Des travaux et des réflexions, des espérances, de la foi d'hier, il ne reste rien. La destinée eurafricaine qui s'ouvrait à la France n'est plus qu'une ombre. Tout cela, semble-t-il, parce qu'on voulait avoir " les mains libres " afin de jouer un grand rôle dans le monde. Mais la petite France hexagonale n'est pas à la mesure de ce monde ni de notre temps. En dépit du verbiage de la grandeur, c'est une France diminuée, rabougrie, repliée sur elle-même, que le néo-gaullisme laissera aux générations futures [...].
               Si l'on ajoute que, pour en arriver là, il a fallu diviser profondément la nation, briser l'armée, traiter en parias un million de Français, emprisonner ou exiler l'opposition, et porter atteinte aux libertés démocratiques, on est amené à conclure que jamais œuvre de destruction n'a été plus complète. Dix ans après l'avènement du régime, le patrimoine que la nation lui avait confié n'est plus que ruines. "


               " C'est une France diminuée, rabougrie, repliée sur elle-même, que le néo-gaullisme laissera aux générations futures "... Encore une fois, qui était visionnaire lorsqu'on sait que la France, en ce début de XXIème siècle, est sur la défensive comme presque jamais elle ne l'a été ? Qui était visionnaire lorsque l'on constate que certaines municipalités en sont réduites aujourd'hui à organiser des " fêtes du cochon " ou des " fêtes du saucisson " pour " défendre " ce qu'elles disent être l'identité française et chrétienne face à l'islam et à l'immigration ? Il serait bon en effet que les Français réfléchissent sérieusement à ce retournement de tendances, car un pays contrôlant le deuxième plus grand Empire ayant jamais existé, qui se transforme, en moins de cinquante ans, en forteresse menacée d'être submergée par ses anciennes colonies et d'être colonisée à son tour, offre un cas très particulier de décadence. Adieu Jules Ferry, bonjour Astérix ! La gigantesque " Exposition coloniale " organisée par la France des années 1930, laisse place aujourd'hui aux " fêtes du saucisson " de nos Identitaires. La " mission civilisatrice " fièrement proclamée il y a près d'un siècle et demi, tant moquée et tant décriée depuis le triomphe de " l'axe de Gaulle-Sartre ", laisse place aux pathétiques réflexes de survie d'un monde menacé d'être englouti.
               En fait - et Jacques Soustelle n'a pas manqué de le relever -, la situation de la France actuelle ressemble cruellement à celle des derniers temps de l'Empire romain, quand Salvien de Marseille, au Vème siècle de notre ère pouvait écrire : " Les vieux Romains étaient craints et nous vivons dans la crainte ; les peuples barbares leur payaient tribut, et nous sommes devenus leurs tributaires " - pour éviter tout malentendu, précisons que pour les Romains, le mot " barbare " n'était pas spécialement péjoratif .

               Nul besoin non plus d'être un " nostalgique de l'Empire colonial " pour constater une chose simple : tous les territoires de cet Empire n'étaient pas encore prêts à s'assumer et couper les amarres avec la France au moment où, essentiellement par la décision du général de Gaulle, ils sont devenus indépendants. Tel est le cas, par exemple, du Tchad ou du Niger qui, bien que riches en ressources énergétiques végètent dans une misère extrême, comptent parmi les pays les plus pauvres de la planète, et menacent l'avenir de l'Europe par leur démographie incontrôlée et l'immigration qu'elle provoque. Et qu'est-ce que l'opération Barkhane actuellement menée par l'armée française au Sahel sinon la preuve d'une telle évidence ?
               Il faudra bien, un jour, oser évoquer l'éventuelle responsabilité du " visionnaire " de Gaulle dans ce désastre. Ne dit-on pas que " gouverner c'est prévoir " ?
               Car s'il y eut un homme visionnaire sur le destin de l'ex-Afrique française, les conséquences d'une décolonisation bâclée, les méfaits de l'" aide " aux pays en développement, de la Françafrique et de ce qu'on nomme le néo-colonialisme, les problèmes posés par les guerres, les dictatures, la misère et la démographie galopante des pays nouvellement indépendants, c'est bien Jacques Soustelle. Il suffit de lire son beau livre Lettre ouverte aux victimes de la décolonisation paru en 1973, pour le comprendre. Cette citation suffira :

               " Leurs ressources insuffisantes ne parviennent pas à faire face à une population en augmentation constante et torrentielle. A ce déséquilibre fondamental s'ajoutent, trop souvent, les fautes d'une administration incapable ou corrompue, l'exploitation cynique de certains pays par un néo-colonialisme qui a tous les défauts de l'ancien mais n'apporte aucun de ses bienfaits, le militarisme déchaîné dans des Etats sans élites, le goût de l'argent et du luxe chez certains privilégiés face à la profonde misère du peuple. A de rares exceptions près, comme la Côte-d'Ivoire, tel est le tableau qu'offrent la plupart des anciens territoires coloniaux aujourd'hui " émancipés ". "

               Ces lignes datent du début des années 1970. Force est de constater que depuis, rien de ce qui est décrit ici n'a changé, ou, plutôt, que tout a empiré.
               Ajoutons que le grand historien Espagnol Serafín Fanjul a d'une certaine manière donné raison à Jacques Soustelle, puisque, à la question " Quels sont selon vous les facteurs expliquant l'essor de l'Islam au début du XXIème siècle ? ", il répondait, récemment :

               " La grande explosion démographique, le contrôle du pétrole et des énormes masses de capitaux sur les marchés financiers par quelques pays islamiques (qui ne sont pas précisément démocratiques), l'autodestruction de l'impérialisme européen, qui a mis fin à sa propre existence même s'il a subi des pressions des Etats-Unis après la Deuxième Guerre mondiale. Ajoutons l'occupation de grands espaces laissés libres par le nationalisme arabe et l'islamisme qui, logiquement, a tendance à s'étendre. Ce n'est pas un jugement de valeur, c'est une simple description. "

               Même un historien comme Maurice Agulhon, jeune " anticolonialiste " proche du Parti communiste au moment de la " décolonisation " et de la guerre d'Algérie, avant de se recentrer plus tard vers une gauche plus républicaine et patriote, commençait, sur ce sujet, à ouvrir les yeux dans les derniers temps de sa vie : " la France n'est plus une grande puissance mondiale, notamment pour avoir perdu son empire ", admettait-il. S'interrogeant, en 1996, sur les " conséquences morales " et sur l'effet qu'a pu " produire sur le sentiment national français la réduction du patrimoine territorial à l'" Hexagone " et aux " confettis de l'Empire " (les D.O.M. et les T.O.M.) ", Agulhon concluait : " Déficit de fierté, déficit de légitimation, il y a bien là deux effondrements de vieilles convictions et de vieux sentiments, que n'ont pas réussi à remplacer les discours palliatifs sur la francophonie. "

               Et qu'on ne parle pas de " sens de l'Histoire " ou de " droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ", quand on sait que les Gabonais (habitants du Gabon, petit pays d'Afrique producteur de pétrole situé sur le littoral Atlantique, très peu peuplé et de religion chrétienne), qui souhaitaient rester Français au point d'entamer des démarches auprès du général de Gaulle, en 1958, en vue de transformer leur pays en département français d'outre-mer, recevront de la part du président de la République - en violation de la Constitution - une fin de non-recevoir. " L'indépendance comme tout le monde ! ", leur a-t-on répondu à Paris, et tout sera fait pour convaincre les représentants du Gabon de revenir sur leur décision. Etrange pays que la France du général de Gaulle, qui contraint à l'indépendance un territoire souhaitant officiellement rester Français. On peut donc penser ce que l'on veut de la " décolonisation " de l'Afrique noire par le général de Gaulle, mais parler de " droit des peuples à disposer d'eux-mêmes " à ce sujet est un peu farfelu. C'est pourquoi Jacques Soustelle dénonçait, dans les années 1970, " les mythes, les mensonges, les impostures " ayant eu pour but d'amener l'opinion française et occidentale " à croire que la dislocation des anciens empires et leur éclatement en une multitude d'Etat improvisés, sans ressources et sans réalité ethnique ou culturelle, se situaient dans la ligne droite d'une inéluctable et bienfaisante évolution. "

               Et puisque Eric Zemmour tend à présenter Jacques Soustelle comme un bisounours qui se serait réjoui du regroupement familial, abordons sans plus tarder le thème de l'immigration. " Il faut dire et répéter hautement que nous ne devons rien, absolument rien, aux pays devenus indépendants. Ils défendent leurs intérêts, à nous de défendre les nôtres " , écrivait par exemple le " bisounours " Soustelle, près de dix ans après l'indépendance de l'Algérie et des pays africains. S'en prenant au gouvernement algérien, il lui reprochait notamment d'" exporter ses hommes faute de leur donner le moyen de se nourrir en travaillant ", ou encore de " se décharger sur l'étranger du soin de procurer des emplois à ses chômeurs, de leur faire acquérir la formation d'ouvriers qualifiés, de les soigner, eux et leurs familles, dans ses hôpitaux et grâce à sa sécurité sociale. " " C'était bien la peine de faire sept ans de guerre " contre le colonialisme " pour en arriver là ! " , concluait-il. Où est la naïveté ici ? Déplorant - déjà... - la traite des migrants Africains par des passeurs mafieux, et l'attrait que représente l'Europe, " zone de basses pressions démographiques et de haut niveau économique ", pour " les masses sous-alimentées et sous-employées " de l'Afrique, J. Soustelle invitait enfin l'Europe à prendre à bras-le-corps, je cite, " l'immense problème posé par l'afflux, à la fois nécessaire et redoutable, des Berbères, Arabes, Africains noirs, Antillais, Pakistanais, etc., qui viennent chercher un travail et un salaire dans ses centres industriels. " Combien étaient-ils ceux qui dès 1973, je dis bien dès 1973, osaient parler de l'immigration comme d'un " immense problème " ? Une poignée. Là encore et comme d'habitude, la conclusion s'impose : Jacques Soustelle était visionnaire.

               Mieux encore, dès le milieu des années 1980, dans les dernières années de sa vie, Jacques Soustelle, loin de perdre le sens des réalités alertait de plus en plus fortement ses compatriotes, dans le contexte de l'apparition de SOS Racisme, sur les dangers de l'idéologie multiculturaliste en pleine vogue à l'époque, sur le nouvel antisémitisme des banlieues, ainsi que sur la montée de l'islamisme et de ce qu'on appelle aujourd'hui l'islamo-gauchisme. Il appelait également à durcir les conditions d'accès à la nationalité française, dénonçait le laxisme migratoire et la diabolisation outrancière du Front National, s'en prenant, par exemple, au " terrorisme intellectuel " (sic) d'une gauche traitant de nazis et de racistes tous ceux qui s'opposent à elle. Affirmant qu'" il faut en finir avec cette odieuse campagne de culpabilisation que mènent les soi-disant anti-racistes à la mode de Harlem Désir ", il apportait son soutien, en 1987, à un projet de réforme du code de la nationalité, insistant sur la nécessité de " défendre les Français, de toute origine, contre l'intrusion de pseudo-Français, contre les fraudeurs et escrocs, contre les profiteurs qui n'utilisent l'étiquette nationale que pour bénéficier d'avantages matériels, contre les traîtres en puissance liés à une allégeance étrangère " .
               Voici maintenant l'extrait d'un article intitulé " Racisme, antiracisme : mythes et réalités ", publié par Jacques Soustelle à bientôt 75 ans, en mars 1986, dans la Revue des Deux Mondes. Cet extrait est long, mais, il vaut la peine d'être lu jusqu'au bout. Soustelle soulignant qu'" il n'est pas vrai qu'un Français soit raciste parce qu'il préfère sa culture, celle de sa patrie historique, à des cultures étrangères ", il posait ensuite cette question, avec sa franchise habituelle :

               " [La société française] peut-elle devenir multiculturelle ? C'est là que surgit le problème de l'immigration.
               On observera d'abord que notre pays a toujours été ouvert à l'immigration et que les " vagues " les plus récentes, provenant pour l'essentiel de Pologne, d'Italie, d'Espagne et du Portugal, n'ont pas soulevé de graves questions ni suscité des polémiques comparables à celles auxquelles nous assistons aujourd'hui. Ces étrangers slaves ou latins sont entrés de plain-pied dans la société française sans provoquer de remous ni de fractures. [...]
               En fait, et personne n'en doute, le seul problème de l'immigration est celui des " Maghrébins ", comme on dit, notamment celui des Algériens musulmans. Pourquoi ? D'abord en raison de leur nombre. [...] L'essentiel [est] de constater que leur concentration dans certaines localités telles que divers quartiers de Marseille, de Paris ou de Lyon aboutit, qu'on le veuille ou non, et par le seul jeu de la dynamique sociale, à créer des enclaves non françaises où, bien souvent, même les forces de l'ordre n'osent plus s'aventurer.
               Par un phénomène qu'a subi, jusqu'à sa dissolution, l'Empire romain de la décadence qui laissait s'installer sur son sol des " fédérés " d'abord respectueux, bientôt arrogants et hostiles, nous assistons à la formation de " noyaux " étrangers à toute tradition culturelle française. [...]
               Il n'est pas douteux que cette situation favorise un développement anormal de la délinquance. Pour citer le Monde du 19 décembre dernier : " Inutile de se voiler la face : aujourd'hui, en France, la délinquance étrangère est essentiellement maghrébine. " [...]
               Une des racines du mal est évidemment cette concentration, cet entassement d'immigrés dans certaines localités, ce qui, le chômage aidant, constitue un facteur criminogène. [...]
               [Par ailleurs], l'Algérie ne nous envoie pas des docteurs de l'Islam, des oulama. Ce n'est pas Ibn Khaldoun ressuscité qui arrive à Marseille en " touriste " pour ne jamais en repartir. On exporte vers la France, ex-métropole haïe et regrettée, les meskine sans travail, les malheureux fellahs déracinés, les malades qui seront soignés aux frais de la Sécurité sociale. [...]
               Il faut avouer que l'époque où nous vivons n'encourage guère les projets de coexistence pacifique de cultures différentes. Le Liban écartelé, Chypre déchirée illustrent cette redoutable tendance des sociétés humaines à se scinder selon des lignes de clivage ethno-religieuses. [...]

               En ce qui concerne le Maghreb et la France, il est possible que la dernière chance d'une harmonieuse fusion ait été jouée et perdue entre 1958 et 1962. L'intégration de la province algérienne à l'ensemble français, dans l'égalité et la démocratie, repoussée avec violence par les insurgés, fut non moins catégoriquement rejetée par une métropole qui redoutait, paraît-il, d'être envahie par son ancienne colonie. L'ironie de l'Histoire veut que la France, où jadis venaient travailler temporairement quelques trois cent mille Algériens, soit maintenant occupée par au moins un million d'Arabo-Berbères avec familles étendues, ménages polygames et nombreux enfants au statut incertain. Le repli frileux sur l'Hexagone, non seulement n'a pas fait obstacle à un transfert massif de populations maghrébines vers le nord - lesquelles, soit dit en passant, auraient dû demeurer en Algérie pour y savourer les délices de l'indépendance assortie du " socialisme arabe " -, mais encore a accéléré et multiplié le processus d'immigration. De ce fait, l'afflux torrentiel de musulmans arabophones dans un pays où n'existe aucune structure d'accueil ne pouvait absolument pas être canalisé vers une solution raisonnable, et cela d'autant moins que - fâcheuse coïncidence - on assiste aujourd'hui dans le monde entier à une radicalisation, à un durcissement fanatique de l'islam. Qu'il s'agisse du colonel-dictateur de Tripoli ou des ayatollahs iraniens, des miliciens chiites au Liban ou des terroristes palestiniens, le fait est que l'islam tel que nous l'avons connu jadis au Maghreb, capable de vivre en bonne intelligence avec les chrétiens et les juifs sous l'égide de la France, cet islam kharidjite avec ses Zaouïas, leurs chefs et leurs mokkadem, leurs médersas le plus souvent subventionnés par la République " laïque ", cet islam tolérant s'efface chaque jour davantage. Dans le sillage du cheikh Ben Badis et de son célèbre trinôme : " l'Arabe est ma langue, l'islam est ma religion, l'Algérie est ma patrie ", le fanatisme totalitaire qui est, qu'on le veuille ou non, une tentation majeure de l'islam se répand partout. [...]
               Il est évident que la montée en puissance de cet intégrisme islamique dans les communautés maghrébines immigrées pose le plus grave problème : inutile de chercher ailleurs la source de l'impossibilité où l'on se trouve de prévoir dans un futur raisonnable, à vues humaines, l'incorporation des Maghrébins dans la société française. L'islam militant, absolutiste, des mollahs et des moudjahidins dresse une barrière insurmontable entre cette population et les Français [...].
               Certes, l'obstacle n'était pas aussi brutal il y a une vingtaine d'années quand, après Evian, les harkis [...], ou tout au moins ceux qui ont échappé au massacre généralisé [...], sont arrivés en France, sous la conduite d'un chef prestigieux, le Bachaga Saïd Boualam. Il n'aurait pas été difficile d'intégrer à la population française ces hommes, relativement peu nombreux, qui avaient donné tant de preuves de leur dévouement. Hélas ! les gouvernements successifs ont raté l'incorporation des harkis comme ils ont raté l'indemnisation des " rapatriés ". Qu'ils aient combattu à nos côtés, sous notre drapeau, était-ce une tare ? On les a laissés, la plupart du temps, végéter en marge, sans leur montrer le centième des attentions que l'on prodigue à ceux que le F.L.N. nous envoie. [...]
               Pour ce qui est des autres, il convient de procéder aux observations et aux distinctions nécessaires. La France n'a aucun besoin de conserver les irréguliers, les délinquants, les marginaux qui ne sont venus ici que pour bénéficier de lois sociales, d'allocations et de soins que leur propre pays ne leur assure point. Encore moins avons-nous besoin d'agitateurs révolutionnaires, d'hommes de main et de fanatiques. Leur faire repasser la Méditerranée n'aura de sens que si les mesures de contrôle nécessaires sont mises en œuvre pour éviter qu'ils ne reviennent subrepticement peu après leur expulsion.

               Il faut, de plus, déconcentrer les populations maghrébines et éclaircir leurs rangs, faciliter les retours au pays d'origine, opposer une barrière solide à toute nouvelle incursion. On ne dira jamais assez combien est malsaine, génératrice de frustrations et de conflits, la situation des quartiers ou des banlieues transformés en ghettos. C'est cela qu'il faut changer en tout premier lieu. L'illusion d'une société multiculturelle une fois dissipée, ne resteront en France de façon permanente que ceux qui acceptent les lois, les coutumes, le mode de vie des Français. D'autres pourront, si la conjoncture économique le permet, venir travailler temporairement. Mais il ne saurait être question de laisser s'enraciner parmi nous, disséminés un peu partout à la façon des taches d'un jaguar, des colonies jouissant, comme c'est le cas actuellement dans certains endroits, d'une véritable extraterritorialité, avec des mœurs et une culture totalement étrangère aux nôtres, sous-tendues par une religion fanatique.
               Certes, et il importe de le préciser, il n'est pas question que la France démocratique s'abaisse à imiter les méthodes brutales et inhumaines que de nombreux pays du tiers-monde, toujours prompts à nous donner des leçons, mettent en œuvre pour expulser les immigrés qui ont cessé d'être utiles. [...]
               L'Allemagne fédérale, la Suisse, que personne ne qualifiera, j'imagine, de pays racistes et fascistes, ont réussi à inverser le flux migratoire et à comprimer sérieusement la masse des travailleurs étrangers non européens. On ne voit pas pourquoi notre République ne pourrait pas en faire autant.
               Répétons, parce qu'il faut malheureusement répéter des évidences face à une propagande déchaînée, qu'il ne s'agit pas, dans tout cela, de " racisme ". Je laisse même de côté, bien que ce soit une considération importante et légitime, le coût social et budgétaire sans doute excessif que les communautés immigrées imposent à la société française. L'essentiel n'est pas là. Ce qui compte, ce qui doit déterminer demain une politique clairvoyante et affranchie des fantasmes, c'est l'échec évident et inéluctable de la tentative multiculturelle. La détérioration de l'identité française et le danger d'une sorte d'apartheid découlent de cet échec.
               Une France reprenant conscience d'elle-même, rejetant l'idéologie tiers-mondiste, voudra, sans esprit d'hégémonie mais sans consentir à aucun abaissement, que ses relations avec ses anciennes provinces d'outre-mer soient régies, comme il convient, par le principe de réciprocité. [...] Edouard Herriot osa dire un jour que la France devrait prendre garde à ne pas devenir la colonie de ses colonies. Cet avertissement apparaît comme prophétique quand on voit un gouvernement français, un parti actuellement au pouvoir, déchaîner une campagne inouïe de calomnies et de désinformation sur le thème d'un prétendu " racisme " imputé aux Français.
               Rappelons, une fois de plus, en conclusion, que tout homme, qu'il soit descendant de Français depuis la nuit des temps, fils ou petit-fils d'immigré, blanc, noir ou jaune, peut être citoyen de notre République pour peu qu'il en accepte les lois, y exerce ses droits et s'y acquitte de ses devoirs. La citoyenneté française n'est pas une défroque que n'importe qui puisse acquérir au rabais pour ses convenances, quitte à la jeter aux orties quand cela lui plaît. "


               C'est à se demander si Jacques Soustelle, visionnaire comme il était, n'avait pas des dons de voyance.

               Un an plus tard, en 1987, le même homme dénonçait la diabolisation du Front national, et le " tumulte où se mêlent étrangement les voix disparates de la gauche unie et de la droite divisée " pour condamner ce parti politique : " Trop, c'est trop, s'indignait-il. Tout ce qui est excessif finit par être insignifiant. Il n'est pas convenable ni acceptable de traiter comme on le fait un peu partout " le Front National. Soustelle ajoutant que " certaines thèses du FN ne peuvent être rejetées a priori comme monstrueuses et contraires aux droits de l'homme " , il appelait la droite parlementaire à cesser de " déverser des torrents d'injures " à l'adresse du Front National et de son chef Jean-Marie Le Pen en le présentant comme " l'horreur absolu et l'incarnation du Diable ", et à conclure, avant même le premier tour, un accord avec ce parti en vue de l'élection présidentielle de 1988 - certes, Soustelle s'exprime avant certaines déclarations fracassantes de J.-M. Le Pen, celle sur le " point de détail " notamment, qui marginaliseront encore plus le Front National... " On succomberait à une illusion fatale si l'on croyait qu'il suffirait de quelques homélies sur les droits de l'homme et de quelques concessions aux modes de la nomenklatura parisienne ou des salons gauchisants de la rive droite pour consolider une majorité " électorale, prévenait-il.
               Qui fera croire, après ça, que Soustelle était un naïf, une " cervelle de colibri ", et aurait applaudi à l'annonce du regroupement familial et de l'immigration algérienne ?

               Mais alors pourquoi, pourrait-on également se demander, pourquoi des hommes tel que Soustelle seront les premiers, dès les années 1980, à dénoncer l'immigration et la société multiculturelle alors même qu'autrefois, ces mêmes hommes luttaient pour faire des musulmans d'Algérie des Français ? Pourquoi ? Eh bien la réponse est très simple. Tout tient à la psychologie, à l'état d'esprit de ces hommes. Parce que ces hommes, qu'ils fussent de droite ou de gauche, étaient tout simplement vaccinés contre la mauvaise conscience et contre toute forme de repentance. Parce qu'ils étaient déterminés à faire respecter la loi non écrite de la solidarité nationale, à défendre et à ne pas abandonner à un groupe de dangereux fanatiques leurs compatriotes d'Algérie menacés. On ne le dira jamais assez : le défi posé par cette guerre d'Algérie à la nation française était avant tout PSYCHOLOGIQUE et MORAL - au-delà de tous les questionnements, légitimes bien que tout à fait secondaires, sur la démographie, l'islam, le pétrole, le droit des peuples, etc. La question, était : doit-on oui ou non céder à la barbarie, à l'impérialisme panarabe et à la haine raciale et religieuse prônée par le FLN ? Et c'est pourquoi on peut se demander si le fait, pour le général de Gaulle, d'avoir entièrement cédé et d'avoir ainsi donné raison au FLN, n'a pas ouvert la boîte de Pandore au discours de repentance, de haine de soi et à ce désarmement moral qui conduit aujourd'hui une courte majorité de Français, d'après un récent sondage, à souhaiter que leur pays formule des " excuses " vis-à-vis de l'Algérie pour " la colonisation ". Là encore pourtant, Jacques Soustelle avait prévenu : " A partir du moment, écrivait-il en 1965, où l'on baptise " grandeur " la liquidation du patrimoine national, l'égoïsme féroce qui se dérobe à la solidarité élémentaire entre fils d'un même pays [...], on ne saurait s'étonner de l'abaissement de l'esprit public. [...] Ce que dit ou ce que fait l'Etat détermine beaucoup plus qu'on ne le croit ce que pense la nation. Par ses paroles ou par ses actes, le Pouvoir a donné une leçon à la nation : " Il n'y a pas d'honneur ni de devoir, même envers des compatriotes malheureux. " [...] Cette leçon a été écoutée. "

               Jacques Soustelle, conscient que la livraison de la totalité de l'Algérie aux gangsters du FLN ne pourrait provoquer que le chaos, la guerre civile, la dictature et l'épuration ethnico-religieuse, a également écrit que

               " l'" Algérie algérienne " nous ramènerait très exactement à l'époque des voiliers : celle des corsaires d'Alger " ,
               que
               " le F.L.N. n'est pas un parti politique avec qui l'on puisse composer grâce à des concessions réciproques, mais une faction totalitaire à laquelle il faut tout céder ou ne rien céder " ,
               et que
               " la création d'un Etat algérien, quelles que soient les précautions juridiques ou contractuelles, conduirait [à ce résultat] : cet Etat se dresserait rapidement contre la France [...] et en outre les pouvoirs y seraient très vite détenus par les fanatiques les plus extrémistes. "


               Alors décidément, qui était visionnaire ? Le président de Gaulle avait-il prévu en effet que s'installerait au Sud de la Méditerranée pour plusieurs décennies un Etat totalitaire contrôlé par le seul FLN, un Etat qui plus est menacé à chaque instant de se transformer en République islamique, un Etat qui inoculerait la haine de la France à des dizaines de millions d'Algériens en adoptant, par exemple, un hymne national qui dans ses paroles va jusqu'à menacer directement notre pays ? Je le redis pour ceux qui ne le savent pas encore, l'Algérie, est en effet le seul pays au monde à citer un pays étranger dans son hymne national, le " Kassaman ". Ce pays, inutile de vous dire qu'il s'agit de la France. Et inutile de vous dire également que le message qui lui est adressé n'est en rien sympathique : " Ô France ! voici venu le jour où il te faut rendre des comptes / Prépares-toi ! voici notre réponse ", dit par exemple le 3ème couplet.

               Le général de Gaulle avait-il également prévu qu'en acceptant une telle capitulation devant le FLN - bien que, comme nous le verrons plus bas, il existait des solutions intermédiaires au problème algérien, entre l'Algérie française " éternelle " et la capitulation sans précédent des accords d'Evian -, avait-il prévu le désastre psychologique que cela représenterait sur le long terme, en donnant l'impression aux nationalistes arabes et autres islamistes d'avoir vaincu la France par les armes, alors même que le FLN fut en réalité vaincu militairement sur le terrain et qu'il n'a jamais représenté qu'une minorité d'Algériens musulmans ?
               Il n'y a en effet que les gaullistes pour croire encore que le général de Gaulle a gagné la guerre d'Algérie et " sauvé la France " en signant les " accords " d'Evian... Mais il est temps qu'ils se réveillent. En Algérie, l'impression n'est pas la même et beaucoup d'Algériens, aujourd'hui convaincus d'avoir mis la France à genoux, ont une mentalité de conquérants, comparable à celle des Espagnols du temps de la Reconquista qui, après avoir repris la totalité de l'Espagne et en avoir chassé les musulmans, menaçaient à son tour l'Afrique du Nord de la force de leurs armes. En effet pour une partie non négligeable d'Algériens, la soumission qu'ils attendent de la France - par le biais notamment de la repentance - est considérée comme la suite logique de leur guerre d'" indépendance " de 1954-1962, et nombre d'observateurs de l'époque avaient bien compris que cette guerre était bien plus une guerre menée au nom de l'impérialisme arabe et de l'islam qu'une simple guerre d'indépendance. Le FLN, il va falloir enfin l'admettre, menait une guerre ethnique et religieuse, et n'était en rien semblable à l'IRA irlandaise ni même aux actuels indépendantistes Corses ou Catalans. C'est pourquoi l'ex-chef de la Résistance intérieure puis partisan de l'Algérie française Georges Bidault n'a pas hésité à intituler un chapitre de son livre Algérie, l'oiseau aux ailes coupées sorti en 1958 : " Du nationalisme sans nation à l'impérialisme arabe ", de la même manière qu'Albert Camus, qui était pourtant loin d'être un " ultra de l'Algérie française ", alertait ses compatriotes sur le fait que céder à toutes les revendications du FLN signifierait " pour la nation française le prélude d'une sorte de mort historique " ... C'est pourtant ce que fera le général de Gaulle, qui, désireux de se débarrasser au plus vite et à n'importe quel prix de ce qu'il considérait comme le " fardeau " algérien, n'a, semble-t-il, pas su estimer à sa juste mesure la puissance symbolique que représentait la guerre d'Algérie. Et la France, en paye aujourd'hui les lourdes conséquences.

               Citant en 1956, en pleine guerre d'Algérie, un tract du FLN annonçant aux Français : " Rappelez-vous bien, quand nous serons indépendants, dans un minimum de temps nous combattrons aussi les 800 kilomètres carrés que nos ancêtres ont envahi en France. Voici les limites : Poitiers, St-Etienne, Lyon, les environs des Alpes et des Pyrénées. Toutes ces villes et ces terres sont celles de nos ancêtres. Après la guerre d'Afrique du Nord, nous allons envahir les 800 kilomètres carrés qui nous appartiennent, et les ports de Toulon, de Marseille, de Bordeaux, etc... ", Soustelle, lui, prend la menace au sérieux et écrit : " Ces outrances peuvent faire sourire. On souriait aussi, en France, dans les années 1933-1940, quand les séides d'Hitler annonçaient leur intention, non seulement de reprendre l'Alsace, mais de rattacher au grand Reich tout le Nord de la France sous prétexte qu'il était de peuplement germanique. On a beaucoup moins souri par la suite. "
               Le " docteur " Soustelle, qui avait bien identifié le mal qui commençait à ronger l'Occident au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, a également écrit, pendant la guerre d'Algérie :

               " " Lorsque les Mongols conquirent la Mésopotamie en 1401, ils érigèrent un monument de triomphe avec les crânes de cent mille habitants de Bagdad qui ne s'étaient pas défendus. "
               Notre France est comme une Bagdad où une partie des notables prend fait et cause pour l'assiégeant, tandis que d'autres entendent bien ne pas se défendre contre son assaut, et le lui font hautement savoir. Certains intellectuels, fiers de leur cerveau, ne pensent peut-être pas assez à leur crâne, promis à ces trophées dont parle Spengler. Ils sont les témoins et les acteurs du véritable " déclin de l'Occident ".
               Les Mongols du XVe siècle méprisaient profondément les civilisés amollis des villes. J'imagine le mépris des chefs fellagha pour les Français qui les soutiennent, pour ces auxiliaires qui brandissent le stylo à Paris tandis que les guerriers tirent des coups de feu dans la montagne. "

               Ce texte n'a pas pris une ride, et il est tout aussi facile d'imaginer, pour notre époque, le mépris que peuvent vouer les " racailles " de banlieue aux gauchistes et autres bobos bien-pensants qui les soutiennent.
               Que disait encore J. Soustelle d'un point de vue géopolitique ? Voyons cela :

               " A vrai dire, confiait-il deux ans après l'indépendance algérienne, l'Algérie française et Israël étaient l'une et l'autre les deux môles sur lesquels devaient se briser la vague totalitaire dont Nasser est l'expression. Il était clair qu'aussitôt tombé un de ces deux bastions, l'ambition panarabe commencerait à brandir ses armes contre l'autre : c'est évidemment ce qui se passe aujourd'hui.
               La défense de l'Algérie et celle d'Israël formaient, pour qui sait voir, un tout, et nos adversaires clairvoyants ne s'y sont pas trompés. Mais [...] on préfère, au sommet du régime, courir après " l'amitié " des leaders panarabes, illusion coûteuse qui ne peut nous valoir que déceptions et sarcasmes " .


               Une nouvelle fois - et quoi qu'on pense du conflit israélo-palestinien -, on ne peut qu'être frappé par la clairvoyance de Jacques Soustelle, qui prévoit à la fois l'échec de la " politique arabe " de la France, la guerre des Six-Jours de juin 1967, et le choc pétrolier du début des années 1970 qui, rappelons-le, est lui aussi une conséquence de ce conflit israélo-arabe, choc pétrolier d'ailleurs en grande partie à l'origine de la crise économique que subit encore aujourd'hui la France, une France désormais coupée de ses réserves de pétrole saharien par la décision du général de Gaulle. Ainsi, les craintes de Soustelle au sujet de l'indépendance énergétique de la France qu'impliquait la liquidation totale du Sahara, devaient se confirmer dès les années 1970. " Notre pays est à la merci, pour sa survie, des pétroliers de l'Orient arabe " , regrettera-t-il en 1980, au lendemain de ces chocs pétroliers que le grand visionnaire de Gaulle n'avait malheureusement pas prévu.
               Enfin, et ce fait est essentiel, il faut rappeler que Jacques Soustelle, comme la plupart des opposants à la politique algérienne du général de Gaulle n'était en aucun cas hostile, à terme, à une éventuelle indépendance de l'Algérie, à condition que cette indépendance se fasse dans un consentement mutuel et dans les règles de l'art, qu'elle ne se fasse pas contre la France et sous la pression de la violence, et qu'elle n'implique pas le massacre et l'exode de la population Européenne et musulmane francophile d'Algérie. En 1980, il écrivait par exemple :

               " Il est peut-être encore plus urgent, car de cela tout découle, de rétablir la vérité, de déchirer le voile épais de mensonges et d'impostures, de falsifications et de calomnies qui cache encore aux yeux du plus grand nombre la réalité du drame algérien et de ses conséquences. Nous qui avons résisté à l'abandon, on ne s'est pas contenté de nous combattre par la force, on s'en est pris à notre honneur. C'est notre honneur qu'il s'agit de rétablir aujourd'hui. Nous n'étions pas, nous qui défendions l'Algérie française, d'abjects exploiteurs attachés à leurs privilèges, ni des fascistes rêvant d'abattre la République, ni des imbéciles incapables de comprendre l'évolution du monde. Nous avons été insultés et salis sans pouvoir répondre, pendant des années. Notre pensée a été caricaturée, notre idéal bafoué. Le mensonge a régné souverainement sur la France en nous rejetant hors de la nation. [...] Car précisément, ce que nous proposions [...], c'était la voie ouverte à une évolution qui aurait même pu déboucher un jour sur une entité algérienne indépendante ou associée, mais en tout cas amie, où les Français n'auraient pas été des étrangers " .
               La véritable pensée de Jacques Soustelle sur l'Algérie et la décolonisation, au-delà de toutes les caricatures, la voici résumée en quelques lignes :

               " Quant à moi, écrivait-il en 1962, j'avais tiré de plus de vingt ans d'expérience, de voyages, de contacts et d'études un certain nombre de thèses sur le ou les problèmes créés par la colonisation. D'abord, je considérais comme terminée [...] la phase coloniale. Hâtée par la Deuxième Guerre mondiale, une maturation avait eu lieu. L'Afrique s'était ouverte. L'Algérie, pour ne mentionner qu'elle, avait contribué largement à la libération de la métropole. La France devait donc passer d'elle-même à la " décolonisation ", mais cela n'impliquait, à mon sens, ni qu'on se jetât tête baissée dans n'importe quelle décolonisation, ni qu'on se mît à dénoncer hystériquement tout ce qui avait été fait pendant la période coloniale, à insulter et à chasser les " colons " et à remplacer un racisme par un autre, tout aussi bête et aussi malfaisant. " ;
               " D'où il ressort qu'on pouvait entendre la décolonisation de deux manières : ou bien, dans le vent du marxisme-léninisme et du grand capitalisme international provisoirement alliés, pousser à la dispersion et à l'effondrement des empires, pour fonder sur leurs ruines une multitude d'entités dites indépendantes, en fait livrées aux impérialismes politiques et économiques ; ou bien effacer, à l'intérieur des ensembles multi-raciaux, les survivances du régime colonial, y instaurer les autonomies locales et l'égalité politique, intégrer les populations des métropoles et des provinces d'outre-mer. [...]
               L'avenir de l'Algérie était là : égalité de tous les Algériens, création de ressources et d'emplois, ce qui n'était possible qu'en symbiose avec la métropole. Si, comme cela aurait dû être prévu et réalisé, l'ensemble français, métropole-outre-mer, s'était transformé en fédération, cette Algérie rénovée y aurait eu sa place. Si, même, l'Algérie était devenue indépendante, elle l'aurait été à la façon d'un dominion du Commonwealth, sans déchirements, sans spoliations, sans exils. Cette décolonisation a été ratée. "


               Abordons pour finir un point très important.

               Si Soustelle était un partisan de l'Algérie française et de l'intégration, il faut aussi savoir qu'il n'en a jamais fait un dogme, et qu'il était tout à fait prêt à concevoir des solutions de compromis dans le règlement du conflit algérien, à la seule condition que ces solutions soient conformes aux Droits de l'Homme, au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et qu'elles sauvegardent certains intérêts. En effet pour Jacques Soustelle, homme simple qui considère qu'il n'est pas juste d'abandonner plus d'un million de compatriotes entre les mains d'une secte terroriste prête à les jeter à la mer, convaincu également que l'on ne doit céder du territoire à l'ennemi que sous la contrainte, pour un homme simple comme Jacques Soustelle l'abandon de l'Algérie, si abandon de l'Algérie il devait y avoir dans les conditions de 1962, devait nécessairement déboucher sur un fédéralisme ou sur un partage du pays en deux zones, une zone restant française et ayant vocation à regrouper Pieds-Noirs et musulmans francophiles, et une zone indépendante arabo-musulmane (le partage étant hélas, soit-dit en passant, une des seules solutions jusqu'à présent trouvées par l'Humanité pour faire vivre sur une même terre deux peuples ne pouvant pas ou plus vivre ensemble...).
               Soustelle qui, rappelons-le, comme ancien gouverneur de ce pays avait une connaissance aigue de l'Algérie et de ses habitants (contrairement à de Gaulle), écrivait ainsi au sujet du partage, en 1957 :

               " A mon sens, elle ne pourrait être qu'une issue de désespoir, la seule qui resterait ouverte à la population européenne si la métropole l'abandonnait. Issue de désespoir, certes [...] ; issue fatale cependant si l'aveuglement de certains métropolitains [...] prétendait acculer les Européens à l'exil. Car c'est à cela précisément qu'ils ne consentiront jamais. Autrement dit, la véritable question n'est pas : " Pacification, partage ou abandon ", mais : " Partage (au milieu d'un désastre général), si l'on renonce à la pacification et si l'on admet l'abandon. " "
               Le 8 septembre 1959, dans une note remise au Premier ministre Michel Debré, Soustelle prévenait encore :
               " Ou bien les habitants de l'Algérie sont des Français égaux en droits et en devoirs, [...] ou bien ils sont seulement des " Algériens ", mais alors on est obligé de reconnaître qu'il n'y a pas un seul peuple algérien. Si le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est invoqué en faveur du peuple algérien de civilisation musulmane, on ne saurait le refuser au peuple algérien de civilisation française. En d'autres termes, si l'Algérie n'est pas la France, il ne peut y avoir une seule Algérie, mais deux ou même plusieurs. "
               Puis, en 1960, à mesure que se précise le largage total de l'Algérie, Soustelle déclarera notamment :

               " L'" Algérie algérienne " ne peut conduire qu'à la sécession, au chaos, à la ruine de l'Algérie, au déclin de la France. Il est bien évident, en outre, que si l'on rend en quelque sorte leur liberté aux diverses populations de l'Algérie, celle qui est de culture française doit se voir reconnaître tout comme aux autres le droit de disposer d'elle-même. On ne saurait la condamner à choisir entre le massacre et l'exil. "
               " La soi-disant indépendance de l'Algérie, qui est la rupture de tous les liens entre la France et l'Algérie, ne signifierait pas, ne peut pas signifier un Etat indépendant de l'Algérie. Cela signifierait, disons, l'éclatement de l'Algérie, parce que l'Algérie est un territoire sur lequel vivent plusieurs peuples [qui] ne peuvent vivre ensemble [que] dans le cadre d'un Etat démocratique. [...] L'issue inévitable dans ce cas serait la partition de l'Algérie " .
               " Quoi qu'il en soit, l'idée la plus frappante et la plus juste, à laquelle ne peuvent que souscrire tous ceux qui connaissent l'Algérie, c'est que la prétendue indépendance débouche nécessairement sur le partage [...]. Le partage serait, de tous les aboutissements possibles, le plus atroce et le plus désespéré à l'exception, bien entendu, de la dictature F.L.N. ou communiste. [...] Ce n'est que si les choses en arrivaient au pire que la communauté européenne et les Musulmans réfractaires à la domination du F.L.N. devraient, avec l'aide de la métropole, sauver pour eux-mêmes et pour leurs libertés telles portions du territoire qu'ils pourraient soustraire à la vague totalitaire. "


               Eh bien comme nous le verrons plus loin, même cette " issue de désespoir ", le général de Gaulle, aidé de mystérieux " barbouzes " aura tout fait pour l'empêcher de voir le jour...
               Et pourtant, quel risque y avait-il pour que la France " s'algérianise " ou succombe à la démographie musulmane en cas de partage de l'Algérie ? C'est ce que les admirateurs du grand Charles ne nous ont toujours pas expliqué, et l'on aimerait connaître à ce sujet l'avis d'Eric Zemmour.
               Jacques Soustelle n'était-il pas, encore une fois, visionnaire, lui qui écrivait en 1957 : " Les abandons ont un effet cumulatif comme certains poisons. Au-delà d'une certaine dose, il y a danger de mort. "
               N'était-il pas visionnaire lorsque l'on constate que, " ironie " - ou suite logique ? - de l'Histoire, le général de Gaulle ayant refusé ce partage de l'Algérie en 1961-1962, c'est désormais, comme nous l'avons dit plus haut, du risque d'une future partition du territoire français dont on parle de plus en plus ouvertement dans notre pays ?

               Soustelle posait la question de l'intégration à la France des habitants de l'Algérie et de l'Afrique française dans l'égalité de tous, mais aujourd'hui, c'est au lourd problème posé par l'intégration de millions de descendants d'immigrés d'origine africaine nés sur le sol de France, territoire de l'ancienne Métropole, que notre pays est confronté. Et au cas où cette intégration de l'Algérie dans la France n'aurait pas été possible, ou n'aurait pas été souhaitable compte tenu du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Soustelle se résignait à un partage de l'Algérie, tandis que, de nos jours, c'est un risque de partage du territoire français que l'on redoute. Que faut-il donc de plus pour comprendre que le général de Gaulle fut tout sauf visionnaire et qu'il n'a en aucun cas " réglé " le problème algérien, mais qu'il l'a seulement déplacé, de l'Algérie... vers la France ? Et c'est pourquoi on peut se demander, avec Raphaël Draï, " si la séparation physique de l'Algérie et de la France dans les conditions où elle s'est produite et quelque prix qu'elle ait coûté n'a pas été une fausse solution, si elle n'a pas constitué un simple et dangereux déplacement, quasiment au sens psychanalytique, des problèmes qui se posaient alors " .

               Les Romains de l'Antiquité, ne juraient que par ce qu'ils appelaient le " limes ", c'est-à-dire la " frontière à défendre ". Et il faut savoir que si ces derniers n'ont jamais cessé d'agrandir leur territoire, ce fut précisément par crainte d'être eux-mêmes envahis ou conquis par d'autres peuples - une crainte qui même au faîte de leur puissance ne les quittera jamais. Au sens où, plus la Ville de Rome repoussait les limites de ses frontières, plus elle se sentait protégée des dangers extérieurs. Eh bien il y avait quelque chose d'antique dans la pensée de Jacques Soustelle, lui dont l'universalisme républicain et le patriotisme tenaient beaucoup à ce modèle romain, et qui en plein milieu de la guerre d'Algérie prenait l'exemple de l'empereur et philosophe stoïcien Marc-Aurèle pour exhorter les jeunes Français et les intellectuels Parisiens à ne surtout pas rompre la solidarité nationale envers leurs compatriotes menacés, et ne pas perdre de vue l'importance et la gravité des enjeux - humains, philosophiques et stratégiques - représentés par la guerre d'Algérie et le rôle de la France outre-mer.
               " Nul ne peut se délier de ses devoirs " , lançait-il, solennel.
               Semper fidelis...
               C'est tout simplement cette fides et cette pietas des Anciens qui ont fait la fortune de Rome que Jacques Soustelle invitait à respecter par-dessus tout en Algérie, et que le général de Gaulle a piétinées : sens du Devoir, Fidélité, Loyauté, Fraternité, Protection et Solidarité envers " ces hommes et ces femmes qui peuplent ce vaste pays et dont nous sommes responsables " :

               " L'Algérie est le pays de ces Européens, ajoutait-il. Ils n'ont, à mes yeux, pas plus de droits que les autres ; mais ils en ont autant. Ni plus, ni moins. Il n'y a pas d'iniquité plus atroce, de traitement plus intolérable à infliger à un peuple, que de l'arracher à son pays. [...]
               Qu'on le veuille ou non, il existe un " peuple algérien de civilisation française ", de citoyenneté française, de volonté française. Nous n'avons pas le droit de le trahir " .

               Et c'est ce discours de justice et de solidarité que le mensonge qualifiera et qualifie encore aujourd'hui d'" extrémiste " et d'" ultra ".
               Jacques Soustelle, dans le fond n'avait peut-être qu'un seul tort : celui d'être trop brillant pour une époque médiocre et décadente.
               Pour terminer, voici un avertissement solennel lancé par ce dernier à ses compatriotes en pleine guerre d'Algérie, avertissement dont on entend encore aujourd'hui résonner l'écho troublant :

               " Qu'on ne s'y méprenne pas : ce qui se passe en Algérie nous engage tous et engage la France pour cent ans. Quelle illusion d'imaginer qu'il suffirait de renoncer, de commettre cette mauvaise action que serait le retrait de la France, pour nous débarrasser de l'Algérie ! On ne se débarrasse pas à la sauvette d'une province qui fut française avant Nice et la Savoie, et dont tant de fils sont tombés pour défendre la métropole ou même la libérer. "
Marius Piedineri

        36 De même, l'historien spécialiste de l'Algérie Charles-Robert Ageron, chrétien de gauche et militant " anticolonialiste " pendant la guerre d'Algérie, n'hésitera pas, dans son livre se voulant objectif Histoire de l'Algérie contemporaine (PUF, 1979), à qualifier l'ex-Gouverneur de l'Algérie Marcel-Edmond Naegelen, homme politique socialiste connu pour son hostilité aux nationalistes musulmans, de, je cite, " socialiste d'esprit national " (p. 610)... Le jeu de mots avec le " national-socialisme " des nazis est assez clair.
        37 Eric Zemmour, Le suicide français, Albin Michel, 2014, p. 140-142.
        38-43-45-5781-82-83-93-94-96 Jacques Soustelle, L'espérance trahie, Editions de l'Alma, 1962, p. 323 p. 28-29. , p. 22. p. 303 p. 306. p. 112 p. 122. p. 304. p. 293-294 (Annexe IX, Conférence de Presse tenue par Jacques Soustelle le 18 décembre 1961 à Paris).
        39-40-42-44-46-47-48-55-66-87 Jacques Soustelle, Sur une route nouvelle, Editions du fuseau, 1964, p. 59. p. 124. p. 248-249. p. 236-237. p. 288 p. 51, p. 248., p. 13-14.
        41-56-61-62-63-64-65-70-73-74-75-76-91 Jacques Soustelle, Lettre ouverte aux victimes de la décolonisation, Editions Albin Michel, 1973, p. 19. 28-30., p. 143. p. 167. p. 172. p. 170. p. 173. p. 12. p. 32-33. p. 19. p. 145. , p. 16. p. 37 et p. 157.
        49 Cité par Alexandre Del Valle, dans La stratégie de l'intimidation, Du terrorisme jihadiste à l'islamiquement correct, (L'artilleur, 2018).
        50-51-52-86-92-97-99-100-101-102 Jacques Soustelle, Le drame algérien et la décadence française, Réponse à Raymond Aron, Plon, 1957, p. 51-52. p. 46. p. 1-2. p. 41. p. 68. p. 70. p. 62. p. 24-25. p. 61.
        53 Georges Bidault, Algérie, l'oiseau aux ailes coupées, La Table Ronde, 1958, p. 7.
        54-84 Albert Camus, Chroniques algériennes, 1939-1958, Actuelles III, Editions Gallimard, 1958, p. 22-23. p. 205.
        58 Jacques Soustelle, " L'Occident en désarroi ", in Revue des Deux Mondes, février 1988, p. 31-34.
        59 L'Algérie en 1957. Editions de Minuit, Paris, 1957 (note de l'auteur).
        60 G. TILLION, op. cit., p. 20 (note de l'auteur).
        67 Jacques Soustelle, Vingt-huit ans de gaullisme, La Table Ronde, 1968, p. 313-314.
        68 Michel De Jaeghere, Les derniers jours, La fin de l'Empire romain d'Occident, Perrin, 2016, p. 468.
        69 Le mot " barbare ", pour les Romains, n'avait pas le sens que nous lui donnons aujourd'hui. Les Romains nommaient " barbares " les peuples se trouvant à l'extérieur de leurs frontières, sans intention réellement péjorative (enfin, un peu quand même...). En l'occurrence, les Barbares évoqués par Salvien de Marseille sont les Germains, qui par leur migration, par leurs invasions successives et les dévastations qu'ils provoquèrent détruisirent à petit feu l'Empire romain.
        71 Entretien réalisé en 2012. Lien : http://www.prechi-precha.fr/propagande-le-mythe-de-lespagne-musulmane-entretien-avec-serafin-fanjul/.
        72 Maurice Agulhon, Histoire vagabonde, Tome 3, La politique en France, d'hier à aujourd'hui, Gallimard, 1996.
        77 Le Figaro Magazine du 18 juillet 1987 (Code de la nationalité : la grande bataille des intellos - " Pourquoi je suis pour ", par Jacques Soustelle, de l'Académie française).
        78 Jacques Soustelle, " Racisme, antiracisme : mythes et réalités ", in Revue des Deux Mondes, mars 1986, p. 556-574. Article en ligne, à lire sur le site jacques-soustelle.blogpost.fr.
        79 Jacques Soustelle, " Second tour et troisième force ", in Revue des Deux Mondes, juin 1987, p. 574-583.
        80 Jacques Soustelle, La page n'est pas tournée, Editions de la Table Ronde, 1965, p. 168-171.
        85 Jacques Soustelle, " La rébellion algérienne dans le cadre du pan-arabisme ", in Revue de Défense nationale, juillet 1956, p. 823-827.
        88-89 Philippe Héduy, Algérie française, 1942-1962, Société de Production Littéraire, 1980, Préface de Jacques Soustelle.
        90 Jacques Soustelle, L'espérance trahie, Editions de l'Alma, 1962, p. 20.
        95 Jacques Soustelle, Interview à Face the Nation, CBS News, 27 mars 1960.
        98 Raphaël Draï, La fin de l'Algérie française et les juridictions d'exception, Etat, Justice et Morale dans les procès du putsch d'Alger et de l'OAS, Editions Manucius, Paris, 2015, p. 133.

A suivre


Les survivants de juillet 1962
Publié le 11 avril 2018 - par Manuel Gomez
Envoyé par Mme Annie Bouier.
Les Français ont la mémoire (sélective) courte quand ils sont manipulés par des politiciens véreux et des médias à leur botte.

               Les survivants de juillet 1962

               Ils étaient français... Ils ont choisi de partir et ont été spoliés... avec la CGT comme comité d'accueil à Marseille... mais solidaires, courageux, entreprenants, ces survivants de juillet 1962 qu'on a voulu refouler de France nous ont donné une belle leçon à méditer.
               J'ai lu l'appel de Bernard Cazeneuve invitant les Maires de France à accueillir le mieux possible les Migrants qui souhaitent s'installer en France.
               J'ai entendu l'Appel des Artistes demandant que les Pays Occidentaux et les Monarchies du Golfe assument leur Devoir d'Asile, en ouvrant leurs Frontières et leurs bras aux réfugiés qui fuient la Guerre et la Barbarie.
               J'ai noté l'Appel de la CGT à défendre le Droit d'Asile et à respecter la Convention de Genève.

               J'ai vu les milliers de Manifestants qui se mobilisent dans toute la France pour venir en aide aux Populations en détresse.
               Humanité, Solidarité, Générosité, Fraternité, Assistance, Tradition d'Accueil et Droits de l'Homme sont dans la bouche de toutes nos Élites depuis la découverte du corps du petit Eylan, échoué sur une plage de Turquie.
               Partout, l'émotion est à son comble.
               Mais si tout cela me parait bien légitime, je ne peux m'empêcher de ressentir une grande amertume en pensant à l'accueil que la France avait réservé aux Rapatriés d'Algérie en 1962.

               Pour eux, il ne fut pas question d'Humanité, de Solidarité ou de Fraternité.
               Je n'ai pas vu de mobilisation des Maires pour les accueillir.
               Je n'ai pas entendu d'appel des artistes pour soulager leur détresse.
               Je n'ai pas souvenir de défilés pour défendre nos traditions d'accueil et leur venir en aide.

               Pourtant, non seulement ils étaient Français, mais eux aussi fuyaient la guerre et la barbarie, puisque les accords d'Évian n'ont jamais été respectés par le FLN.
               Pieds-Noirs et Harkis furent tout simplement abandonnés par les Pouvoirs Publics et les Français de Métropole.
               Qui se souvient des odieuses paroles de Gaston Defferre, maire socialiste de Marseille ? : "En tout cas je ne les recevrai pas ici… Qu'ils aillent se faire pendre où ils voudront. En aucun cas je ne veux des Pieds-Noirs à Marseille."
               Et, comble de l'ignominie, cette phrase abjecte : "Français d'Algérie, allez vous réadapter ailleurs. Il faut les pendre, les fusiller, les rejeter à la mer… Jamais je ne les recevrai dans ma Cité."

               Quant à Louis Joxe, le Ministre négociateur des Accords d'Évian, il ne fut pas en reste :
               "Les Pieds-Noirs vont inoculer le Fascisme en France… Il n'est pas souhaitable qu'ils s'installent en France. Il vaudrait mieux qu'ils aillent en Argentine, au Brésil ou en Australie." vu ce qui se passe en France et en Europe en ce moment il aurait mieux valu qu'aucun PN ne vienne vivre ici.
               Pompidou voulait les envoyer en Amérique du Sud alors que De Gaulle préférait la Nouvelle-Calédonie ou la Guyane, Terres de pionniers.Sans oublier la CGT, qui ne trouvait rien à redire quand ses Dockers jetaient dans le Port de Marseille les caisses des rapatriés, seuls biens qu'ils avaient pu sauver au cours de leur exode. Il est vrai qu'à l'époque, l'URSS soutenait le FLN, dans l'espoir de chasser les Français et d'implanter son Influence dans tout le Maghreb….
               Selon un Sondage de 1962, pour 62% des Métropolitains, il n'était pas question de sacrifice pour aider les Français d'Algérie, rendus responsables de la Guerre et des nombreux morts parmi les Appelés du Contingent.
               Telle fut la Véritable Tradition d'Accueil que la France réserva à ses Propres Ressortissants, il y a plus de cinquante ans !
               Une sinistre Page d'Histoire qui n'honore pas nos Élites de l'Époque et qui contraste amèrement avec les manifestations de générosité déployées aujourd'hui envers les Migrants étrangers.

               Pour beaucoup de Métropolitains, les Pieds-Noirs et les Harkis n'étaient pas Français.
               Pourtant ils n'avaient fait que servir les Intérêts de la République depuis 1830, transformant les Marécages en jardins, éradiquant les Épidémies de Typhus, de Choléra et de Peste.
               En 132 ans de présence, à force de Courage et de Volonté, ils avaient fait pousser partout des Villes magnifiques, des Ports, des Écoles, des Voies ferrées, des Hôpitaux, faisant des trois départements Français d'Algérie le Pays le plus moderne de tout le Continent Africain avec l'Afrique du Sud.

               Personne n'a jamais autant aimé l'Algérie que les Pieds-Noirs.
               Hélas, la Dictature du politiquement correct a fait table rase de ce bilan exceptionnel, ne gardant que l'image caricaturale du colon avide, faisant suer le burnous aux indigènes.
               Il est vrai que le Terrorisme intellectuel n'est pas à un mensonge près, même s'il salit la France…

               Les Français se veulent la Patrie des Droits de l'Homme et des Valeurs Humanistes, évoquant l'Accueil réservé de tous temps aux Populations persécutées : Russes chassés par la Révolution bolchevique de 1917, Espagnols fuyant Franco, Arméniens victimes du Génocide turc, Chiliens, Bosniaques ou boat people vietnamiens…
               Mais ils ont oublié qu'en 1962, ils n'ont même pas été capables d'accueillir dignement leurs propres compatriotes, lesquels n'avaient pourtant d'autre choix que la Valise ou le Cercueil.

               Heureusement, dans leur malheur, les Pieds-Noirs sont arrivés en plein boom économique des Trente Glorieuses.
               Courageux et travailleurs, ils ne mirent pas longtemps à s'adapter et à contribuer fortement à notre Croissance.
               Qu'ils en soient remerciés, car ces Battants qui avaient défriché les Terres hostiles d'Algérie pour en faire un verger ont été et sont toujours une réelle richesse pour la France.
JACQUES GUILLEMAIN                   
Ancien Officier de l'Armée de l'Air                  


PHOTOS DE BÔNE ET STORA
Envoi de Jérémy Lagarde
  Une photo de Bône et une photo de Philippeville et Stora, vers 1856-1857. Ces photos proviennent du recueil "L'Algérie photographiée : Province de Constantine", publié par le photographe Félix Moulin, en 1856-1857.    

STORA
Photo M. Félix Moulin
Stora et Philippeville en 1856-1857

BÔNE
Photo M. Félix Moulin
Vue du rivage coté droit
Photo M. Félix Moulin
Vue du rivage coté gauche
Photo M. Félix Moulin
Vue entière du rivage 1856-1857


La guerre d'Algérie se transportera en France...
Envoyé par Pierre Monrose
On est puni par où l’on a péché.
Sage STLS sse XI, 16

            Par un été aussi caniculaire que le nôtre il y a tout juste cinquante-quatre ans c’est déjà l’Islam, indirectement, qui faisait la une de l’actualité estivale avec l’indépendance de l’Algérie le 3 juillet 1962. Épilogue sanglant d’une guerre qui fit en quelques mois plus de victimes que n’en avaient causées les huit années précédentes.

            L’exode de l’été 1962
           Aussitôt se mettait en place, avec la complicité passive des autorités gaullistes, un processus d’épuration ethnique et religieuse initié par les massacres d’Oran du 5 juillet qui firent plus de 2 000 victimes européennes civiles, l’armée française restant l’arme aux pieds pendant les massacres. S’ensuivit l’exil en métropole d’un million de pieds-noirs et le retour au compte-goutte des supplétifs musulmans qui avaient servi dans l’armée française. En effet les ordres, formalisés par des directives officielles, étaient formels : désarmer les harkis, les abandonner à leur sort et surtout ne pas les rapatrier en métropole. 100 000 harkis et leurs familles furent massacrés dans des conditions de cruauté indicibles (émasculés, énucléés, ébouillantés, éviscérés, égorgés, etc.) pendant que 40 000 parvenaient à rejoindre la métropole grâce à des réseaux organisés par leurs officiers.

            L’Église et l’Algérie
           La prédiction de 1917 du père de Foucauld à René Bazin se réalisait : Ma pensée est que si, petit à petit, doucement, les musulmans de notre empire colonial du nord de l’Afrique ne se convertissent pas, il se produira un mouvement nationaliste analogue à celui de la Turquie (…) Si nous n’avons pas su faire des Français de ces peuples, ils nous chasseront. Le seul moyen qu’ils deviennent Français est qu’ils deviennent chrétiens. Dès la conquête de 1830 l’Église catholique avait été en butte à l’hostilité des pouvoirs publics qui craignaient que toute forme de prosélytisme en Algérie ne déclenche de nouvelles révoltes. Il n’y eut donc pas, pendant cent cinquante ans, d’action organisée d’apostolat des musulmans et, en conséquence, très peu de conversions.

            En 1962 ( le "Bon Pape Jean" régnant et pourtant bien accueilli en Algérie française quand il était le Nonce Roncalli) l'Église de France ne mit aucun empressement à accueillir les pieds-noirs, à l’exception notable de Mgr Rodhain, fondateur du Secours Catholique. Elle se refusa, ensuite, à toute action organisée d’évangélisation des harkis ( cf les obstacles que dut surmonter le Pére Avril de Salérans dans les Hautes-Alpes). Mgr Duval, archevêque d’Alger, resté en Algérie après l’indépendance et devenu citoyen algérien en 1965 reçut la même année, du pape Paul VI, le chapeau de cardinal.

            « Le lâche soulagement » du peuple français
           Quant au peuple français par le vote massif (91% de oui, 9% de non), réservé aux métropolitains, du 1 juillet il avait donné quitus au gouvernement pour mettre en œuvre les accords d’Évian et procéder à l’abandon de l’Algérie. L’aura du général De Gaulle avait, seule, permis cette issue tragique, après une victoire militaire française sur le terrain aujourd’hui largement reconnue. Déchargée du poids financier (plan de Constantine) et militaire (service militaire de dix-huit voire vingt-huit mois) de l’Algérie la France allait pouvoir, enfin, s’adonner aux délices de la société de consommation ...

            Dés le 2 juillet le maréchal Juin, originaire de Bône, département de Constantine s’insurgeait et prophétisait : Que les Français en grande majorité aient par référendum, confirmé, approuvé l’abandon de l’Algérie (…) qu’ils aient ainsi été complices du pillage, de la ruine, du massacre des Français d’Algérie, de leurs familles, de nos frères musulmans, de nos anciens soldats qui avaient une confiance totale en nous et ont été torturés, égorgés dans des circonstances abominables sans que rien n’ait été fait pour les protéger cela je ne le pardonnerai jamais à mes compatriotes. La France est en état de péché mortel. Elle connaîtra un jour le châtiment.

            Sans doute ce jour est-il venu !

            De curieuses déclarations ecclésiales
           Le père Barrielle, des Coopérateurs Paroissiaux du Christ-Roi, et prédicateur émérite des Exercices Spirituels de saint Ignace rappelait régulièrement à ses retraitants : Il n’y a pas de saint ballot. Quand on apprend que le terrain sur lequel a été bâtie la mosquée jouxtant l’église dans laquelle a été égorgé le père Hamel avait été offert gracieusement à la communauté musulmane par la paroisse, l’incrédulité le dispute à l’abattement.

            Les déclarations du pape François ne sont guère de nature à remonter le moral du fidèle catholique un peu abattu par les révélations précédentes. Je n’aime pas parler de violence islamique parce qu’en feuilletant les journaux je ne vois tous les jours que des violences même en Italie : celui-là qui tue sa fiancée, tel autre qui tue sa belle-mère, et un autre…et ce sont des catholiques baptisés, hein ! Ce sont des catholiques violents. Si je parle de violence islamique je dois parler de violence catholique. Non, les musulmans ne sont pas tous violents, les catholiques ne sont pas tous violents. Un enfant du catéchisme sait, ou savait, que celui qui tue sa fiancée ou sa belle-mère est en contradiction radicale avec l’exemple de la vie du Christ et l’enseignement de l’Église. La vie de Mahomet et le Coran sont en revanche emplis de meurtres et de massacres.

            Que le pape François n’ait ramené de son séjour à Lesbos en avril 2016 que des familles de réfugiés musulmans alimente une incontestable confusion.

            Épilogue
           Sans doute allons-nous vers des jours bien difficiles par refus de regarder la réalité en face. Transposer nos valeurs à un système qui lui est, par nature, étranger est à la fois une forme subtile et perverse de néocolonialisme et une erreur criminelle. Si l’Église a cessé depuis cinquante ans de proclamer qu’elle est la seule arche du salut on ne sache pas que l’Islam se soit livré à un tel aggiornamento. Il reste nostalgique d’Al Andalus et de la conquête de Byzance en 1453. Il n’y a que Manuel Valls et Florian Philippot à croire que la France est attaquée parce qu’elle serait la Patrie des droits de l’Homme et de la laïcité. Dans tous leurs communiqués les islamistes désignent la France comme le pays des croisés. Ils nous interrogent ainsi sur ce que nous sommes. De la qualité de notre réponse dépend notre capacité à résister à une offensive démographique, militaire, religieuse et culturelle dont la guerre d’Algérie n’était qu’une étape.

Jean-Pierre Maugendre.            

            https://www.renaissancecatholique.org/on-est-puni-par-ou-lon-a-peche/

                       



LES FRANÇAIS EN ALGERIE (1845)
Source Gallica : Louis Veuillot N°20

XXVIII -
  A EUGENE VEUILLOT.

          Mon cher ami, nous voici de retour après une campagne de dix-sept jours, qui a eu pour résultat la destruction de Tagdempt et l'occupation de Mascara. Tagdempt était le principal établissement d'Abd-el-Kader, qui avait cru le placer hors de l'atteinte des Français. Il y avait construit un fort et quelques maisons assez spacieuses. Le tout n'est plus aujourd'hui qu'un amas de décombres. La plupart des maisons ont été renversées, pour ainsi dire, à coups de pieds ; le fort, plus solidement bâti, a été miné en quelques heures et s'est écroulé en quelques minutes. Rien n'a pour ainsi dire été défendu ; mais l'affaire n'était pas d'enlever cette bicoque, c'était d'y arriver.
          Le gouverneur a voulu montrer qu'il pourrait aller là et plus loin. De Tagdempt il a conduit à Mascara l'énorme convoi qu'il y voulait laisser, et il est revenu ici après avoir tout ravagé sur le long chemin qu'il a parcouru. On s'est peu battu, et bien que dans les diverses occasions où ils ont osé attaquer l'arrière-garde de l'armée française, les Arabes aient perdu assez de monde, ce ne sont pas ces pertes qui leur seront sensibles ; Nos malades seront peut-être aussi nombreux que leurs blessés ; mais les moissons détruites, mais le pays sillonné par nos colonnes et la crainte de nous voir revenir, voilà ce qui jette parmi eux le trouble et l'irrésolution. Il est à croire qu'Abd-el-Kader, frappé en même temps sur d'autres points, et n'ayant plus ces villes et ces châteaux qui le rendaient si fort dans le pays, ne se trouvera plus en mesure de contraindre à la guerre les tribus fatiguées qui voudraient faire la paix. La situation de ces pauvres tribus est vraiment terrible : d'un côté, le général Bugeaud leur dit : "Vous ne labourerez pas, ou, si vous labourez, vous n'ensemencerez pas ; ou, si vous ensemencez, vous ne moissonnerez pas ; " et il se montre homme à tenir sa parole ; de l'autre, Abd-el-Kader crie à ceux qui traiteraient avec les Français qu'ils seront damnés ; et, pour donner plus de poids à ses anathèmes, il tombe sur eux avec ses réguliers, les ruine et les décime. Les Arabes feront-ils un énergique et persévérant effort contre nous ? se soulèveront-ils contre leur sultan ? c'est la question.
          En même temps que les deux partis les menacent, ils les tentent. Nous leur envoyons des émissaires qui leur promettent notre protection contre l'émir; l'émir trompe leur crédulité en leur jurant que nous n'en pouvons plus ; que les Chambres sont fatiguées de donner de l'argent pour l'Algérie ; que les Anglais vont nous faire la guerre en Europe; que, forcés de nous retirer, nous le laisserons plus puissant que jamais, et qu'alors il sera sans mesure dans ses récompenses et dans ses punitions. Du reste, il a fait d'immenses et, jusqu'à présent, d'heureux efforts pour empêcher tout contact entre les populations et nous.
          L'armée a marché dix-sept jours sans voir venir à elle un seul habitant du pays parcouru. Elle était gardée nuit et jour par un réseau de vedettes qui la bloquaient dans sa marche. Heureusement ses actes parleront assez haut.
          Je termine ici mes campagnes ; il me pousse des ailes au cœur ! N'étant attaché à l'Algérie par aucun devoir, j'ai besoin de revenir ; j'ai besoin de prier auprès de toi dans nos églises honorées. Mais, avant de quitter l'Afrique, il faut que je te parle de l'un des plus rudes ennemis que nous y combattions.

         Si tu veux savoir ce que c'est que la nostalgie, ce mal du pays dont souffrent et meurent tant de pauvres exilés, je puis te l'apprendre. L'âme s'ennuie en elle-même, ne prend plus intérêt à rien de ce qui l'entoure, se sent dans une prison, et, pareille à l'oiseau en cage, après avoir fait d'inutiles efforts pour briser ses barreaux, se tapit dans un coin, l'œil fixé sur cet espace qu'elle dévore, sur cet obstacle qu'elle maudit. Aucune séduction, aucun désir, aucun besoin ne la détourne plus de sa contemplation amère.
          Bientôt le corps, subjugué par cette morne fureur, se fatigue, languit, s'épuise, et devient lui-même incapable de tout viril effort. On fait alors des rêves de mourant, des rêves pleins de désespoir, d'injustice et de douleur. On se trouve abandonné du monde; on s'élève en plaintes contre tous ceux que l'on aime ; on les accuse comme s'ils avaient conspiré cruellement de n'être pas là où l'on voudrait les voir, comme s'il dépendait d'eux d'apparaître pour nous empêcher de mourir. Ou leur demande pardon un instant après, et l'on s'irrite encore parce qu'ils ne peuvent pas recevoir cette réparation qu'on prétend leur faire d'une injure qu'ils n'ont pas connue.

         Aucune parole n'exprimera l'incomparable énergie avec laquelle la pensée du malade s'élance vers ces êtres si chers qui sont si loin. Il se donne un funeste soin de rechercher tous les maux qui les peuvent frapper ; il les plaint sincèrement de ces maux imaginaires, puis il pense qu'il s'inquiète d'eux, et qu'ils sont indifférents.
          Il les voit dans la paix, dans le plaisir.... Oh! Quelle angoisse ! Et toujours il sent son pauvre cœur broyé sous cette meule de leur infortune ou de leur oubli. Il se plaît à la tourner lui-même toujours ; il l'arme de pointes nouvelles, il la rend plus pesante, jusqu'à ce que, sous cette pression implacable, tout refuge soit fermé à la moindre sensation d'espérance et de joie.

         Contre toute raison, contre toute possibilité, on veut s'en aller, on veut retourner aux lieux où s'en va le coeur ; non pas dans quelques jours, non pas demain, mais aujourd'hui, tout de suite, à l'instant. Ce serait trop d'attendre une heure. Hélas! Et l'on sait qu'il faut attendre des mois entiers, des années même, et, si l'on revient du mal dont on se sent frappé, braver mille fois la mort avant de revoir son bien-aimé pays !
          Point de consolation pour une pareille douleur, point de remède contre ce noir délire. On souffre, et l'on veut souffrir ; on pleure, et l'on veut pleurer ; on est fou de tristesse, et l'on ne veut qu'accroître sa tristesse et sa folie. Ne pouvant fuir, ne pouvant s'envoler, on se fait une joie de se détruire rapidement. Mourir est une espérance ; on échappera du moins par la mort.

         N'attendez aucun secours des spectacles nouveaux que vous feriez voir au moribond. Ou ils sont différents de ceux qu'il désire, et, lui rendant son éloignement plus sensible, ils excitent son dégoût et son ennui jusqu'à la rage ; ou, par quelque ressemblance, ravivant ses souvenirs, ils le brûlent et l'écrasent d'une émotion qu'il ne peut supporter. "Ah! mon Dieu! Disait en traversant les moissons du Chélif un jeune soldat de la Beauce, voilà une haie qui ressemble à chez nous!... Mais où est notre maison?..." Et si la maison avait paru, qui lui aurait montré sa mère ?

         Tous les malheureux qui, durant le cours de ces marches accablantes, se retirent à l'écart sans rien dire à leurs camarades, se couchent sur le chemin, et se font sauter la cervelle, ne sont pas des hommes fatigués : beaucoup sont des nostalgiques. Souvent, le matin, au sortir du camp, lorsque les premières lueurs du jour teignaient l'horizon, si quelque peu d'herbe se trouvait sous nos pas, si quelques arbustes ornaient le ravin, si le vent frais de l'aurore, en passant sur les moissons, nous apportait cette bonne odeur qui s'exhale des blés mûrs, un frémissement de joie épanouissait mon âme et me faisait oublier les fatigues du sommeil. Cette nature si belle à si peu de frais me rappelait, à moi heureux de ce monde, des courses matinales faites au-devant du soleil, en joyeuse et chère compagnie. J'oubliais et l'Afrique et la guerre, et les pensées tristes qui s'étaient dirigées vers toi, mon frère absent : j'étais en France, j'étais en des lieux de la France où je fus heureux, où je n'irai plus.

         Mon cheval m'emportait rapidement jusqu'aux lointains éclaireurs, et la trompette qui sonnait derrière nous à l'avant-garde me semblait un écho des fanfares de mon coeur content. Mais ce plaisir, comme tant d'autres, trouvait sa prompte fin ; cette bouffée passait, je songeais à nos pauvres soldats. Ce qui n'était pour moi que l'agréable souvenir de quelques instants heureux, ces fraîches clartés de l'aube, ces brises matinales, ces buissons couverts de rosée, c'était la poignante image de tous leurs biens perdus.

          Ainsi jadis ils se mettaient en route le matin, non le fusil sur l'épaule, non le sac au dos, et d'un pas tyrannisé par le tambour, mais avec l'heureux sentiment de leur liberté. L'alouette chantait, ils répondaient au chant de l'alouette en sifflant gaiement un bon air de village; ils ne portaient que la faux du moissonneur ou la joyeuse hotte des vendanges. Ils n'allaient pas au loin affronter la mort ou des blessures pires que la mort, pour arriver le soir au lit de cailloux d'un bivouac sans bois et sans eau ; ils étaient assurés de retrouver la chaumière ou l'étable, et le paisible sommeil du travailleur.

          Hélas ! qu'on est heureux, après une journée laborieuse, d'avoir une étable, et devant soi quelques couples de bonnes heures à bien dormir, sans s'inquiéter du temps qu'il fera pendant la nuit ! Je les regardais, et, quoique beaucoup d'entre eux, peut-être par l'effet de mes préoccupations, me parussent tristes, je trouvais qu'en général ils portaient leur peine bien courageusement. Mais le jour s'avançait; à six heures du matin la chaleur était déjà lourde.

         On avait quitté depuis longtemps l'oasis du bivouac ; à mesure que le soleil montait, la contrée devenait aride et difficile. Il fallait traverser des gorges étouffantes, franchir des montagnes dépouillées, des plaines de sable ou de pierres roulantes, des espaces sans eau, sans bois, sans végétation, sans limites. Si quelque chose le matin avait rappelé le pays, plus rien maintenant dans ces déserts ne ressemblait à la France; quelques heures avaient rétabli toute cette distance effroyable, un moment oubliée. C'est alors que le désespoir éclatait dans quelques-uns de ces pauvres cœurs; c'est alors qu'à l'arrière-garde on avait peine à rallier les traînards, et que les officiers couraient tantôt à l'ambulance demander des cacolets, tantôt annoncer au colonel qu'un homme de leur compagnie s'était tué.

         C'est alors aussi que je sentais vivement de toute la chaleur de mon âme, de toute la force de ma raison, combien, aujourd'hui plus que jamais, la société, représentée par les chefs qu'elle se donne, commet d'actes inhumains, barbares, criminels, dont elle se doute à peine, et qu'il n'est guère probable que Dieu lui pardonne cependant! J'ai dit qu'aucun secours n'était possible à ces malheureux atteints du mal de l'exil et de la captivité. Je me suis trompé : il est un secours qui pourrait prévenir le mal, le guérir peut-être : c'est le seul efficace, et je n'ai pas besoin de le nommer ; mais aucun secours ne leur est plus refusé que celui-là. Bien ne parle de Dieu à ceux qui ne l'ont jamais connu, rien ne le rappelle à ceux qui l'ont oublié. Les chefs, il faut bien le dire, tristes victimes de l'éducation que reçoit généralement en France la classe élevée, n'éprouvant nullement eux-mêmes le besoin d'une religion, ou ne sachant pas qu'ils l'éprouvent, n'imaginent guère que la religion puisse devenir une source de force et de courage, une consolation pour le soldat.

         M. le général Bugeaud est, je crois, le premier gouverneur qui ait permis à un aumônier de suivre les grandes expéditions. M. l'abbé G'Stalter a fait cette campagne. On n'a manqué envers lui ni de politesse ni de bienveillance, mais on aurait pu entourer sa mission de plus de facilités et de plus d'honneurs. On aurait pu le traiter comme un personnage utile, au lieu de le considérer comme une curiosité, de l'accepter comme une bouche de plus dont il fallait grever les vivres de l'armée pour complaire aux préjugés de l'évêque. Grâces soient rendues néanmoins à la bonne volonté du vaillant général ! M. G'Stalter a pu consoler quelques soldats mourants, il eu à empêcher d'autres de mettre fin à leurs jours.

         Puisse venir bientôt le temps où nos drapeaux, qui donnent tant de gloire, seront partout accompagnés de cette voix, de ce pouvoir qui console et raffermit ces obscures victimes de la splendeur militaire. Un grand acte de justice sera accompli devant Dieu, devant le monde lui-même, lorsque, bénis par le prêtre, ceux qui meurent sans récompense, sans gloire, sans nom, et qui vont disparaître sans laisser même un tombeau sur la terre étrangère qui les aura dévorés, pourront cependant se consoler de mourir !
          Aveuglement des hommes ! Dans ces marches sans fin, dans ces camps désolés, dans ces garnisons meurtrières, il en aurait coûté moins pour entretenir des prêtres qui auraient relevé le moral des soldats, qu'il n'en a coûté pour fournir le quart du vin et des liqueurs fortes employées à les abrutir, et cet abrutissement ne les a sauvés ni du désespoir ni de la mort !            


LES TOUT-PREMIERS PARENTS
Envoyé par Mme Eliane.


         Une petite fille demande à sa mère :
         Dis maman, comment sont-ils nés les touts premiers parents ?

         Eh bien, lui répond la maman, c'est dieu qui a crée les premiers parents humains, Adam et Eve.
         Adam et Eve ont eu des enfants qui plus tard sont devenus parents à leur tour et ainsi de suite.
         C'est ainsi que s'est formée la famille humaine.

         Deux jours plus tard, la fillette pose la même question à son pére.
         Celui-ci lui répond :
         Tu vois ma fille, il y a des millions d'années les singes ont lentement, très lentement évolué jusqu'à devenir les êtres umains que nous sommes aujourd'hui.

         La petite fille toute perplexe retourne aussitôt voir sa mère :
         Maman, maman !!! Mais comment c'est possible que tu me dises que les premiers parents ont été crées par Dieu et que papa me dise que c'était les singes qui ont évolué ?

         Et la mère de lui répondre très calmement, tout en souriant :
         C'est très simple ma chérie ! Moi, je t'ai parlé de ma famille,
         Et ton père de la sienne. !!!



Chantiers nords-africains
           Trouvé à la BNF            01-1932  
  LES INVENTEURS DU CIMENT ARME
LAMBOT-MIRAVAL et MONIER

Jardiniers Français

              La publication, dans le Journal Général du 1er avril dernier, d'un article intitulé " l'Age du Ciment Armé " dû à la plume autorisée de M. E. Créput, ingénieur architecte, et extrait de la Revue de l'Habitation, nous a valu une aimable lettre de notre ami M. Henri Teissier, fournisseur du Bâtiment à Bône. Cette lettre était accompagnée d'un opuscule que M. Teissier tient de son grand-oncle " Lambot " dont le fils vit encore, âgé de 80 ans, à Toulon.
              Nous avons pensé, en reproduisant ci-après le texte de ce document, curieux à plus d'un titre, rendre, au nom de la grande famille du Bâtiment, un pieux hommage aux inventeurs du ciment armé dont la mémoire, croyons-nous, à des droits incontestables à la notoriété et s'impose à notre reconnaissance.

LAMBOT-MIRAVAL, MONIER ET LE CIMENT ARME

              En 1917, j'ai lu, dans je ne sais plus quel journal, (Il s'agit de la " Revue Horticole (n"' 17 et 18, 1919)), que les Allemands, dont les armées venaient de se replier derrière leur fameuse " ligne Hindenburg ", avaient célébré le cinquantenaire de l'invention du ciment armé, invention qu'ils attribuaient à un horticulteur français du nom de Monier.

              Surpris par cette nouvelle, je fis quelques recherches pour en contrôler la véracité. Ces recherches me conduisirent non seulement au brevet d'invention pris par Monier le 16 juillet 1807, mais encore à un brevet identique, délivré douze ans auparavant à Lambot, propriétaire à Carcès (Var). Ces deux inventeurs, ayant appartenu au monde agricole, j'ai pensé que leur biographie ne serait point déplacée dans cette revue.

LAMBOT

              Joseph-Louis Lambot, (22 mai 1814 - 2 août 1887), dit Lambot-Miraval, naquit à Montfort-sur-Argens (Var). Descendant d'une vieille famille provençale, il commença ses études à Brignoles (Var) et les acheva à Paris, rue Louis-le-Grand, dans l'institution Morin, où il fut placé par son oncle, le général Baron de Lambot, qui était alors secrétaire des commandements et aide de camp du duc de Bourbon, prince de Condé.
              Après avoir suivi, à Aix-en-Provence, les cours de l'Ecole de droit, il fit de nombreux voyages, puis il résida chez son grand-père à Miraval, annexe de Correns (Var).
              En 1841, il épouse Mlle Lucette Latil, de Draguignan, et vient habiter Carcès (Var) où il passe quelques années. Enfin il s'installe dans le domaine de sa famille de Miraval et y mène une vie très active, consacrée tout entière à l'agriculture et à d'utiles inventions.
              C'est peu après son mariage que Lambot inventa le ciment armé. Très ingénieux et très habile de ses mains, il confectionnait en 1845 des caisses pour orangers, des réservoirs, des étagères, etc... en fil de fer recouvert de ciment ; puis il construisit avec les mêmes matériaux un premier bateau qui flotta sur le petit lac de Miraval, en 1848, et qu'il dénomma bateau-ciment.
              Cette nouvelle invention fut annoncée dans les termes suivants :
              Expérience et épreuve de cinq ans.

              Bateau-ciment, inventé par M. Lambot-Miraval, propriétaire à Carcès, par Brignoles (Var).
              Cette construction, formée d'un réseau métallique, empâté, rejointoyé avec du ciment, offre :
              1° économie de frais de premier établissement ;
              2° économie d'entretien devenu nul ;
              3° célérité d'exécution ;
              4° réparation instantanée en cas d'avarie ;
              5° imperméabilité absolue ;
              6° incombustibilité facultative ;
              7° solidité à l'épreuve.

              Ce système est éminemment applicable aux : bateaux-moulins, écoles de natation, bateaux de blanchisseuses, chalands, bouées, bateaux de petit cabotage, caisses à eau, portes de cave, caisses à orangers, en un mot à toutes les constructions destinées à se détériorer sur place, dedans ou hors de l'eau.
              On peut employer indistinctement, séparément ou simultanément toute espèce de ciment, selon que l'on veut obtenir des constructions d'une durée indéterminée ou douées de légèreté, d'élasticité ou d'incombustibilité.
              S'adresser à l'inventeur pour plus amples indications.

              NOTA. - On peut voir, sur un petit lac, dans le domaine de Miraval (Var) un bateau-ciment, construit depuis cinq ans, qui a résisté à des chocs violents, et qui, depuis, n'a nécessité aucune espèce de réparation ou d'entretien, ainsi que des caisses à eau et à orangers qui remplissent les conditions du programme.
              Brignoles, Typ. Perreymond-Dufort.


              Le 30 janvier 1855, Lambot prenait, pour son nouveau produit, un brevet d'invention ainsi conçu :
              Combinaison de fer et de ciment, destinée à remplacer le bois et dite " fer-ciment succédané au bois de construction ".

              Mon invention a pour objet un nouveau produit qui sert à remplacer le bois, tant pour les constructions navales que pour celles qui ont à combattre l'humidité, telles que les madriers, les réservoirs à eau, les caisses d'orangers, etc... Le nouveau succédané se compose d'un réseau métallique, d'une combinaison ou u'un entrelacement quelconque, de fils et de barres.
              Je donne à ce réseau la forme la mieux appropriée à l'objet que l'on veut imiter, pour l'empâter ou le rejointoyer ensuite avec du ciment hydraulique ou autre, tels que bitume, coaltar et leurs composés employés à froid comme- à chaud.
              La figure 1 du dessin représente en perspective une pièce de succédané à réseau métallique, destinée à former la paroi d'une carcasse de vaisseau, de caisse à eau ou d'une poutre en succédané.
              La figure 2 représente en perspective aussi la charpente intérieure d'un madrier ou d'une poutre en succédané...

              Tels sont les exemples de constructions qui pourront être facilement modifiées suivant les cas qui se présentent. Je dirai seulement que pour base d'exécution on prend un fil de fer de 7 millimètres de diamètre pour un soliveau de 25 centimètres d'équarrissage.
              Je réclame, pendant la durée de mon brevet (15 ans), la propriété exclusive et privative du succédané du bois qui se compose essentiellement d'un réseau ou faisceau métallique empâté dans du ciment quelconque.

              Pour son fer-ciment, Lambot prit un brevet d'invention, non seulement en France, mais encore en Belgique et en Angleterre.
              Cette même année 1855, il y eut à Paris une Exposition Universelle, à laquelle Lambot prit part ; il y exposa un bateau-ciment qui obtint un succès considérable et attira l'attention de la Commission de la Marine, si bien qu'en novembre il reçut de Toulon deux lettres à peu près identiques et provenant: l'une de la Direction des Constructions Navales (elle a été reproduite dans le Béton Armé de décembre 1902) et l'autre du Préfet Maritime. Voici le texte de cette dernière :
              

Toulon, le 20 novembre 1855.
              A Monsieur Lambot-Miraval,
              propriétaire à Brignoles (Var).

              Monsieur,
              Vous avez exposé au Palais de l'Industrie un modèle d'embarcation d'une construction particulière.
              La Commission de la Marine près l'Exposition Universelle a pensé que l'idée qui a présidé à son exécution mérite d'être signalée, et sans croire que le système puisse être appliqué aux embarcations ou aux bâtiments de mer, elle a émis l'opinion qu'il y aurait intérêt à l'essayer à la confection d'une bouée mouillée sur rade de Toulon.
              Je vous serai reconnaissant de me dire quel serait le prix de revient de cette bouée, et je recevrai, en même temps avec le plus vif intérêt, toutes les informations supplémentaires que vous voudrez bien m'adresser, et que je serai heureux de placer sous les yeux du Ministre de la Marine.
              Recevez, Monsieur, l'assurance de ma parfaite considération.
Le Contre-Amiral,
Préfet maritime par intérim,
CLAVAUD.

              Lambot eut bien vite fait de construire une bouée en fer-ciment, laquelle fut mouillée en rade de Toulon. A la suite de cet essai, il reçut une lettre de félicitations du Préfet Maritime, et l'affaire en resta là.
              Deux lettres adressées à Lambot, il résulte qu'en 1855 nos marins étaient convaincus que son invention n'était pas appelée à s'appliquer aux bâtiments de mer : l'avenir devait les détromper.
              Lorsque Lambot prit possession de Miraval, ce domaine occupant une sorte de grande fente dans le massif montagneux qui vient finir entre Brignoles et Correns, était formé de 326 hectares de bois, au pied desquels s'en trouvaient 102 de cultures diverses : de ces 102 hectares, plus de la moitié était en collines rocheuses ou en fonds de vallons fortement inclinés. Lambot en afferma la majeure partie : il conserva pour soi celle qui réclamait les travaux de mise en état, l'installation foncière.

              Sur le sol aride des collines rocheuses, il exécute des travaux hydrauliques, composés de fossés inclinés et de fossés horizontaux avec bourrelets en terre ; par ce système, il atteint deux résultats extrêmement avantageux :la conservation des terres inclinées et la préservation des inondations. Puis, il draine les fonds de vallons au moyen de. pierres ramassées sur les lieux ; à la suite de cette opération il obtient, dans des terrains jusque là peu productifs, d'abondantes récoltes de céréales et de raisins.

              Bientôt Lambot annonce ses succès dans une brochure intitulée : Observations sur les moyens de remédier aux effets désastreux du dé-boisement, du dégazonnement et des inondations, et d'obtenir de l'eau jaillissante. Système des fossés horizontaux, employé avec succès dans le département du Var, laquelle est publiée en 1856. L'année suivante paraît, à la Librairie Agricole de la Maison Rustique, une nouvelle édition sous le titre : Observations sur les moyens de reverdir les montagnes, d'améliorer les cultures en pente et de prévenir les inondations. Système des fossés horizontaux (in-8° de XVI-65 pages, 1 planche).

              Le labeur de Lambot fut récompensé, en 1864, lors du Congrès régional de Draguignan : une médaille d'or lui fut décernée pour ses " digues en bourrelets " et ses " talus ". A l'occasion de ce Congrès, l'exploitation de Miraval fut l'objet d'un rapport qui mentionne trois innovations introduites par cet ingénieux agriculteur dans sa maison de ferme :
              1° Une écurie, bien faite, dont la purinière (sic) communique par une soupape avec la fosse à fumier pour en imbiber la masse avant de se mêler à l'arrosage ;
              2° La vidange des latrines, amenée aussi, liquéfiée, dans cette fosse au moyen d'un siphon ;
              3° L'outillage vinaire, établi en trois étages qui se commandent ; les cuves et le cellier au plus bas ; les fouloirs au-dessus ; au plus haut un hangar d'où la vendange, versée d'un tombereau à crémaillère, tombe dans les fouloirs.
              A ces inventions, il faut ajouter celle d'une cheminée à foyer tournant, dont un spécimen se trouve au musée de Draguignan.

              Tout en introduisant chez lui d'heureuses innovations, Lambot défendait les intérêts de l'agriculture dans les journaux de son département ; il y a traité notamment : de l'écobuage des bois, qu'il proclame fatal dans les montagnes ; de la conservation du sol forestier ; de l'exploitation des forêts, de leurs incendies dans la région des Maures et de l'Estérel ; des vins de Provence ; de l'impôt sur les boissons, du changement des semences, de la conservation des oiseaux utiles à l'agriculture, etc...

              Après une vie de travail probe et fructueux, Lambot se retire à Brignoles, où il mourut le 2 août il887. Il était membre de la Société d'Agriculture et du Commerce du département du Var et de la Société des Sciences, belles Lettres et Arts du même département (devenue depuis 1879 Académie du Var). Enfin, le 27 avril 1855, il avait été admis membre de la Société d'Acclimatation, fondée à Paris l'année précédente.

              Lambot était mort depuis longtemps et son " bateau-ciment " à peu près oublié, lorsque le Cosmos (numéro du 10 juillet 1897) les rappela à ses lecteurs, à propos d'un brevet pris le 11 février 1897 par l'ingénieur italien Gabellini, pour des " constructions navales invulnérables " en béton armé. J.-M. Béguin y disait avoir vu, en 1852, Lambot à Carcès construire deux grandes barques à ossature en fers méplats, reliés par un grillage en fil de fer, laquelle avait été recouverte de ciment, et il ajoutait que l'auteur de ces constructions n'en était pas à son coup d'essai. Puis tout retomba dans l'oubli jusqu'en 1908.

              A cette date, le bruit courut qu'à la suite d'heureux essais faits par Gabellini à l'arsenal de la Spezzia, la flotte italienne allait s'accroître de cinq navires en béton armé. Cette nouvelle avait suscité quelques articles de journaux, dans lesquels on revendiqua pour Lambot l'invention de ce genre de constructions. Parmi ces articles, il faut citer celui de la Dépêche de Constantine (numéro du 5 février 1909) 011 l'humoristique C. Marx s'exprime ainsi :
              " Le béton armé est né sur les bords de la Méditerranée, vers 1855... Son inventeur n'est pas un de ces grands ingénieurs venus de Polytechnique ou des Ponts et Chaussées, ni même de l'Ecole d'Agriculture, auxquels les " camarades " et les " snobs " élèvent un monument, une statue... c'est un simple colon (sic).
              Oui, mon colon (sic), l'inventeur de cette simple et grandiose affaire qu'est le béton armé, était un bon jardinier. Il s'appelait Lambot. Il jardinait à Miraval un " petit trou pas cher " du Var. "


              En jardinant, il méditait sur les moyens de faire, pour son jardin et ses fleurs, des rigoles, des bassins, des vases, des caisses et des réservoirs plis solides que les poteries et plus économiques que la fonte. Très heureusement, il imagina d'associer le ciment avec un treillage mécanique simplement.
              L'enrobage d'un treillis de fer dans une couche très serrée de mortier de ciment, formait une paroi, rigide, forte, légère et parfaitement étanche. Le treillis, se prêtant à toutes les formes permettait de prévoir tous les usages.

              Toutes les parois, cloisons, planchers de ces vaisseaux quelconques, devant faire partie du même réseau et ne former qu'une seule ossature unie dans le même revêtement, on atteignait d'un coup un degré de solidité inconnu. On réalisait en même temps un maximum de solidité, d'économie, de résistance et même de légèreté pour cette " vaisselle ", à l'épreuve de la casse, de la pourriture, de l'eau et même du feu. De là l'idée de faire un vaisseau, un vrai navire allant à l'eau.
              Le bon jardinier eut là un éclair de génie.
              Il fit son vaisseau et prit son brevet. Son vaisseau n'était qu'un bien petit navire, un simple canot. Mais il allait sur l'eau !
              Il y allait si bien qu'il y est encore depuis plus d'une cinquantaine d'années.
              Cinquante-quatre ans de navigation, c'est une épreuve décisive que ne supporteront pas, hélas ! beaucoup d'autres navires nous coûtant la cinquantaine de millions.
              Nous avons sous les yeux une photographie qui représente le canot en ciment armé, accosté sur le rivage d'un étang de Miraval, le même canot qui figura à l'Exposition Universelle de Paris, en 1855.

              Une circonstance particulièrement digne de remarque est la spécialité maritime du brevet primitif de l'inventeur, indiquant : " réseau métallique ou carcasse d'un bateau, ou d'une caisse à eau ou à orangers ". Mon invention, disait-il, a pour objet " un nouveau produit qui sert à remplacer le bois, tant pour les constructions navales que pour celles qui ont à combattre l'humidité ".
              Il parait qu'une commission de la Marine remarqua, en 18r55, ce petit bateau singulier et interrogea l'inventeur. Ce fut tout. Aujourd'hui seulement on expérimente, à Toulon, une sorte de forteresse flottante construite suivant ce principe. Mais la Marine italienne, beaucoup plus en progrès que la nôtre, hélas ! va s'augmenter de cinq navires cuirassés en béton armé !

              La flotte italienne s'accrut-elle réellement de cinq cuirassés en béton armé ? J'en doute, car ce genre de construction ne fut adopté pour les grands navires qu'en 1918, lorsque les Américains établirent leurs cargos de 15.000 tonnes.
              L'invention de Lambot restait inexploitée, probablement parce qu'elle ne fut brevetée qu'en France, en Belgique et en Angleterre. Celle de Monter le fut en Allemagne et en Autriche : dans ces deux pays elle fut étudiée par des ingénieurs, des architectes et des entrepreneurs qui donnèrent au ciment armé un essor immense en l'appliquant à toutes sortes de constructions.

MONIER

              Joseph Monier (8 novembre 1823 - 13 mars 1906), naquit à Saint-Quentin-La-Poterie (Gard). Après avoir appris le métier de jardinier, il vint, vers 1863, s'installer à Paris, où il fonda deux ateliers de rocailleur : l'un, 24, avenue de l'Impératrice (aujourd'hui avenue du Bois de Boulogne) et l'autre, 83, avenue de Saint-Cloud (aujourd'hui avenue Victor-Hugo). Reçu membre de la Société d'Horticulture de France le 24 mai 1866, il soumit aussitôt à son appréciation un rocher qu'il avait construit l'année précédente. Le rapport sur cette construction, fait par Vossy et publié dans le Journal de la Société, ne fut pas flatteur : " effet nul, dit le rapporteur ; rien de grandiose, pas d'ampleur, un colifichet, un vrai joujou hardi de construction ".
              L'année suivante (16 juillet 1867), Monier prenait un brevet d'invention " pour un système de caisses et bassins mobiles en fer et ciment, applicables à l'horticulture".

              En voici un extrait :
              Les caisses et bassins mobiles portatifs sont de toute grandeur, en tous genres : carrés, ronds, ovales, etc... Ils sont à panneaux ouvrants ou non ouvrants : le système de fabrication est le même. Pour les établir, je fais leur forme en barre de fer rond ou carré, et fil de fer formant grillage, enduits avec du ciment de toute espèce : Portland, Vassy, etc..., d'une épaisseur de 1 à 4 centimètres, selon la grandeur.
              De semblables brevets furent pris par Monier en Allemagne, en Autriche, en Angleterre, en Belgique, en Espagne, etc...

              Lambot avait obtenu, en 1855, un brevet de quinze ans qui aurait dû être encore valable en 1867 ; mais comme il ne l'avait pas exploité pendant deux années consécutives, aux termes de la loi du 5 juillet 1844, il était déchu de tous ses droits.
              Monier opéra d'une autre façon. Non seulement il ne cessa d'exploiter son brevet, mais encore, après l'avoir complété par une série d'additions, il en céda la propriété à deux sociétés étrangères, une allemande et une autrichienne, qui surent en tirer un parti merveilleux.

              Le système de Monier " en ciment et fer inaltérable " fut appliqué d'abord à des articles de jardin : bacs, bassins, rivières, pièces d'eau, réservoirs, citernes, cuves en vases, caisses à fleurs, tuyaux de conduite, murs postiches, etc... qui furent signalés dans le Journal de la Société d'Horticulture (années 1869 et 1872) et dans le Bulletin de la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale (années 1871 et 1872) ; puis à des ponts et passerelles de toutes dimensions (1873), à des cercueils mobiles ou immobiles et à des escaliers de tous genres (1874), etc..., enfin à la construction de maisons fixes ou portatives, hygiéniques ou économiques (1886) et de caniveaux pour fils électriques (1891).

              La vie infortunée de Monier ayant été racontée tout au long dans les journaux le Ciment (numéros de juin à septembre 1902) et le Béton Armé (numéro d'octobre 1902), il est oiseux d'en recommencer le récit.
              Cet inventeur mourut à Paris, 40, avenue Malakoff, le 13 mars 1906.

              Les Allemands, qui ont connu le ciment armé par Monier, lui en ont attribué l'invention ; c'est pourquoi dans leur langue " Ciment armé " se traduit par Monier et on dit : Monierkonstruktion, Monier-Baute, Monier-Brucke, etc... pour construction, travaux, ponts, etc... en ciment armé.
              Les expressions " ciment armé " et " béton armé " sont elles-mêmes de date récente.
              Lambot a appelé son invention " fer-ciment succédané du bois de construction ". Pour Monier père, c'est le " système ciment et fer inaltérable ".
              A l'Exposition Universelle de 1889, paraît le " sidéro-ciment " de Bordenave. Hennebique, en 1892, prend un brevet pour une " combinaison particulière du métal et du ciment en vue de la création de poutraisons très légères et de haute résistance ".

              En 1894, Monier fils fait des travaux spéciaux en " ciment avec ossature en fer et acier ". A cette date, le terme " ossature " est adopté par presque tous les entrepreneurs de travaux en ciment armé.
              Le mot " armature " plus approprié, lui succède : bientôt d'" armature " dérive " armé " et l'on dit : " ciment armé ", " béton armé ".
              C'est le 1er juin 1898 qu'a paru le journal le Béton Armé, " organe des concessionnaires et agents du système Hennebique ", peu après, la rubrique " Ciment armé " est introduite dans le Bottin de Paris, où elle figure toujours.
Paul DOHVEAUX,                          
bibliothécaire à l'Ecole Supérieure de pharmacie de Paris.                          
A SUIVRE


Dans un café parisien..
Envoyé Par Monique

              Un homme est en train de s'enivrer en buvant cognac sur cognac.

               Une dame qui se trouve à la table voisine lui dit :
              - Monsieur, vous devriez arrêter. Songez que chaque année, l'alcool tue plus de trente mille Français...

              Et l'autre répond : - Je m'en fous, je suis belge !




QUELQUES PAGES D'UN VIEUX CAHIER

Source Gallica

Souvenirs du Général Herbillon (1794 - 1866)
Publiés par son petit-fils

        CHAPITRE VII
        Difficultés avec les indigènes. - Incursions des Haractas. - Colonie organisée contre cette tribu (16 mars 1840). - Combat sur les bords de l'oued Meskiana (20 mars 1840). - Soumission des Haractas. - Herbillon est promu lieutenant-colonel (24 novembre 1840) au 18e régiment d'infanterie légère. - Il passe au 62e le 2 janvier 1841 et reste à Guelma. - Expédition chez les Beni-Salah (décembre 1840).

        Voici quelle était la vie au camp de Guelma :

        Les affaires arabes se multipliaient. Devenu le confident des caïds et des cheiks qui avaient en moi la plus grande confiance, des relations s'établissaient même avec les tribus les plus hostiles. Par mon assiduité et mon travail, par mes tendances à la conciliation, j'étais devenu le véritable Cadi. C'est à mon tribunal que femmes, vieillards, hommes mûrs et jeunes venaient porter leurs plaintes. Tous s'en retournaient satisfaits de l'accueil reçu, de la justice rendue.
        A cette époque, il n'était pas question des bureaux arabes. Par conséquent, je résumais en moi affaires politiques contentieuses et j'avais, en outre, le service journalier et le commandement militaire. Du matin au soir, j'étais à, mon bureau que je ne quittais que pour parcourir le pays et visiter les douars.

        Peu d'officiers se livraient à l'étude des affaires arabes, car au début de notre conquête, on n'apercevait encore rien dans l'avenir qui pût faire présager notre maintien dans le pays et notre rapprochement des indigènes. L'organisation du Cercle de Guelma, les résultats obtenus servirent en quelque sorte de base non seulement pour l'essai des bureaux, mais encore pour le développement des cercles dans la province de Constantine.

        Les privations, les fièvres, les luttes que j'ai eu à soutenir avec les généraux, les difficultés que j'ai eu à surmonter pour asseoir l'impôt, pour assurer les limites des tribus, la sévérité que je fus forcé d'adopter pour arrêter les assassinats, rien ne m'arrêta, et, je puis le dire, le succès répondit à ma ténacité, à ma persévérance car, lorsque je quittai la province de Constantine, Guelma était devenu un grand centre de population et une jolie ville.

        Les affaires qui me donnaient le plus de soucis et même d'inquiétudes étaient les condamnations à mort, parce que j'avais à chercher la vérité au milieu des faux rapports, de dénonciations méchantes, de vengeances de famille, de haines de tribus, de contradictions incessantes. Avant de réunir le Medjelen, malgré tous les soins que je prenais de m'éclairer sur les causes du crime, sur la moralité et la conduite du criminel, il me restait toujours une incertitude pénible et quand le jugement était rendu, c'était avec angoisse que je voyais arriver le jour de l'exécution. J'aurais voulu la retarder pour chercher à découvrir s'il n'y avait pas dans la condamnation quelque animosité particulière. Cependant comme il était de toute nécessité de faire cesser les nombreux assassinats, je fis taire mes appréhensions et livrer au Chaouch les coupables.

        Déjà plusieurs condamnations à mort avaient eu lieu. Les exécutions s'en étaient suivies ; mais comme les criminels avaient été pris pour ainsi dire en flagrant délit, ma conscience ne pouvait être atteinte d'aucun regret. Mais, au mois de janvier 1840, un assassinat fut commis sur le caïd des Beni-Kaid et sa femme. Le Kabyle accusé de ce double meurtre était un homme de vingt-six ans qui avait servi notre cause sous le général Duvivier. Par les services qu 'il avait rendu, il avait mérité de faire partie des spahis irréguliers que je venais d'organiser. Je me trouvai de ce fait dans une perplexité pénible.
        Cependant, comme d après tous les dires, les soupçons planaient sur lui, je le fis arrêter. Après l'audition des témoins, je réunis le Medjelen, qui eut lieu le 27 janvier et il fut condamné à mort à l'unanimité.

        Malgré cette entente de tous les juges, je ne pouvais me résoudre à le faire conduire au supplice. Les preuves ne reposant que sur la déclaration d'un enfant de quatorze ans, selon moi, il y avait doute de culpabilité. J'en écrivis au général Guingret, mais le malheureux Moussa el Aissaoui avait à Bône des ennemis mortels. Il en était de même parmi les Kabyles du Cercle de Guelma. Aussi, les ordres reçus étant positifs, le 30 janvier, il fut décapité sur le marché. Cette mort m'affecta profondément, car il restait dans mon esprit qu'il avait été sacrifié à la vengeance des Kabyles et à l'animosité des cheiks arabes de la tribu des Bou-Ariz.

        Les nombreuses occupations que nécessitaient l'organisation, les débats continuels des Arabes et Kabyles ne m'empêchaient pas de parcourir le pays. Aussitôt que je pouvais disposer d'un moment, je montais à cheval et j'allais me faire voir dans les tribus en m'approchant le plus possible de celles qui étaient insoumises chez lesquelles j'envoyais des émissaires pour les sonder et les engager à se rapprocher de nous. Mais malgré ma grande activité, et tous les moyens de conciliation que j'employais, ce n'était qu'avec beaucoup de peine que je parvenais à amener quelques tribus à la soumission. Encore, ce n'étaient que des fractions qui, les plus rapprochées de Guelma, craignaient une surprise de notre part.
        Quant aux grandes tribus des Haractas, des N'Bails, des Ouled D'Hann, des Hanenchas, j'avais bien quelques relations avec elles, mais sans espoir de les amener à se soumettre autrement que par la force. L'Arabe cède peu au raisonnement, ne connaît que la force à laquelle il ne résiste pas.

        En 1840, la province de Constantine était très limitée, car à l'exception des alentours de Bône, de Guelma et de Constantine, toutes les tribus qui s'en trouvaient éloignées, non seulement ne reconnaissaient pas notre autorité, mais nous étaient hostiles. Comme à cette époque, on ne voulait pas étendre nos possessions, il en résultait que les tribus soumises étaient exposées aux courses de leurs voisins sans espérance que nous les pussions prendre entièrement sous notre égide. Des plaintes continuelles parvenaient aux chefs français et ils ne pouvaient y répondre que par des promesses qu'ils savaient pertinemment ne pas pouvoir tenir.
        Le général de Galbois s'endormait à Constantine dans une sécurité trompeuse. Entouré de cheiks arabes qui le flattaient, d'interprètes qui abusaient de sa confiance, il croyait, sur la foi des rapports, qui lui étaient fournis, à la tranquillité parfaite du pays, à la possibilité de voyager sans aventures dans toute l'étendue de son commandement.

        Des faits précis devaient pourtant lui ouvrir les yeux. Les Haractas (Haractas. tribu arabe à 60 kilomètres sud-est de Constantine.) faisaient des incursions fréquentes chez les Zenati ( Zenati, tribu arabe à l'est de Constantine, entre Constantine et Guelma.) et les tribus du Cercle de Guelma qui lui étaient limitrophes. Des assassinats furent commis sur des Européens, sur la route de Sidi-Tamtam à Constantine et l'ex-bey Achmet continuait à exciter les pillards. Il fallait contre eux, non une simple démonstration comme les années précédentes, mais une véritable expédition poussée jusqu'à l'extrémité de leur pays.

        Le général prit donc le parti de réunir une Forte colonne, d'en prendre le commandement et de marcher sur cette tribu nombreuse et riche surtout en bestiaux.
        Les troupes désignées qui partaient de Bône et de Guelma devaient se réunir à celles du lieutenant-général de Galbois à Aïn-Babouche, pays des Haractas. La jonction eut lieu le 16 mars.

        Le général Guingret prit le commandement des troupes, en particulier de l'infanterie. Il avait sous ses ordres le colonel Josse du 6le de ligne. Le général de Galbois, commandant en chef, marchait avec la cavalerie. Il avait conservé avec lui le colonel Delaneau et je lui fus attaché comme officier d'ordonnance.
        Soit qu'il fût peu habitué à de pareilles courses, soit par insouciance, l'organisation de cette colonne laissa beaucoup à désirer. En outre, les chefs arabes et particulièrement le caïd Ali eurent sur lui beaucoup trop d'influence. Tout ne se faisait que par leurs conseils; aussi, dès le début, cette expédition manqua-t-elle d'ensemble et de cohésion.

        Le 18, les détachements réunis en une seule colonne quittèrent le camp de Aïn-Babouche. Sans s'occuper de l'infanterie, le général de Galbois marcha avec la cavalerie et arriva à Aïn-Beida deux heures avant elle.
        A mesure que les troupes avançaient, les Haractas levaient leurs tentes devant elles et s'enfuyaient. Le 20, pourtant, en arrivant sur les bords de l'oued Meskiana, le général de Galbois, toujours avec la cavalerie et très en avant de son infanterie, se trouva en présence de la tribu des Ouled Saïd poussant ses troupeaux devant elle. Il fit charger les spahis de Constantine et le goum du caïd Ali.

        Les Arabes du caïd se jetèrent sur les tentes qui étaient encore debout et se livrèrent au pillage. Les Haractas ne voyant que ces goums se réunirent et se précipitèrent sur les pillards. Les spahis arrivant, chargèrent. Il y eut désordre complet. Arabes, amis et ennemis étaient mêlés; les escadrons de chasseurs prirent les uns à droite, les autres à gauche. Des pelotons s'étant trop avancés eurent à plier devant les Haractas, le capitaine Saint-Hilaire vint de sa personne demander au général d'être soutenu; on entendait des coups de fusil de tous côtés. Chaque peloton agissait pour son compte, mais au milieu de tous ces combats partiels, le général de Galbois ayant aperçu l'escadron de Saint-Hilaire battre en retraite avec assez de précipitation, mit le sabre à la main, traversa la rivière fangeuse de la Meskiana et, suivi seulement du peloton de service et de ses officiers, porta secours à l'escadron compromis. Les Haractas, en le voyant arriver, crurent qu'ils allaient être chargés par une cavalerie nombreuse et se retirèrent pour mettre leurs femmes en sûreté.

        Le jour tombait; on sonna le ralliement et les escadrons se réunirent sur la rive droite de l'oued Melek d'où était' parti le général.
        Jamais peut-être, une troupe ne fut plus mal conduite, plus désordonnée dans ses charges de cavalerie; cependant, il n'y eut jamais en Afrique de prise aussi considérable et une déroute aussi complète parmi les Arabes.
        L'infanterie, dont on ne s'était pas occupé, était restée en arrière et par conséquent ne prit aucune part à cette affaire. Elle n'arriva qu'à 10 heures du soir à l'oued Meskiana.

        Le dernier coup de feu avait été tiré vers 6 h. 30. On chercha un emplacement pour le camp. Dès qu'il fut trouvé, on passa l'oued Melek qui était encombré de chameaux couchés dans la fange, de tapis, d'ustensiles de ménage, de tentes, de moutons, de chèvres et on arriva à l'endroit choisi pour le campement.
        Mais, comme les bagages étaient restés avec l'infanterie, on n'eut les tentes qu'à 10 heures du soir, ce qui fut pour le général de Galbois un contre-temps affreux, car il aimait prodigieusement ses aises.
        Le caïd Ali, homme rusé et adroit, vint avec l'interprète Rousseau féliciter, le général du résultat de la journée, et dans son exagération orientale, il le compara à Napoléon. A cette comparaison monstre, les assistants ne purent retenir une certaine exclamation.

        Le 21, à 4 h. 30 du matin, alors que je sortais de ma tente, le général m'ordonna de monter à cheval et d'aller prévenir le général Guingret, dont le camp était à 4 kilomètres de celui de la cavalerie, de rassembler tous les troupeaux et de les placer dans les carrés de l'infanterie. J'y arrivai non sans peine, étant donnée l'énorme quantité de chameaux et de bétail qu'il me fallut traverser.
        Le camp fut immédiatement levé et on allait se mettre en route, quand le cheik Ben-Aïssa et plusieurs grands des Haractas se présentèrent au lieutenant-général pour demander la cessation des hostilités. Il leur fut donné avis de se rendre à Constantine, où cette demande serait examinée.

        Cette démonstration n'empêcha d'ailleurs pas les Arabes d'attaquer l'arrière-garde une heure à peine après notre départ.
        Le capitaine Marion, du 3e chasseurs, reçut l'ordre de charger les Haractas, mais cet officier ne put exécuter qu'en partie l'ordre donné; tous les chevaux étaient harassés. Une ligne de tirailleurs sous le commandement du lieutenant-colonel Paté se déploya et dispersa l'ennemi.
        Le lieutenant-colonel Paté fut légèrement blessé.
        Le montant de la razzia fut estimé à 70.000 moutons, 500 tentes, 400 tapis, 500 bœufs, 400 à 500 chameaux.

        Le 24, à Aïn-Babouche, quand les colonnes se séparèrent pour regagner leurs garnisons respectives, il restait seulement 23.000 moutons, 480 bœufs et 231 chameaux. Le reste avait disparu, les Arabes qui accompagnaient les cheiks ayant fait jeter ou esquiver le reste pendant la nuit du 22.

        L'intention du lieutenant-général avait été d'envoyer le général Guingret chez les Ouled D'Hann, pour les punir de leurs pillages et les forcer à soumission. Mais à cette époque, les expéditions de huit à dix jours étaient considérées comme très pénibles. Aussi on renonça à cette course.
        L'expédition contre les Haractas eut un grand résultat.
        L'arrogance de cette tribu fut pour le moment bien abattue et on put la contraindre à une certaine soumission. Les cheiks devinrent plus traitables, les tribus voisines furent beaucoup moins tourmentées, la route de Guelma à Constantine plus sûre. Des relations plus intimes s'établirent entre les Haractas et l'autorité française; le Cercle de Guelma entre autres y gagna beaucoup.

        Le 20 novembre 1840, je fus promu lieutenant-colonel au 18e d'infanterie légère.
        Aux termes de mon brevet, j'aurais dû rejoindre mon corps à Metz ; mais, le 8 décembre 1840, le maréchal Valée demanda mon maintien à la tête du Cercle de Guelma, ce qui lui fut accordé.
        L'année 1840 devait se terminer par une course de neuf jours chez les Beni-Salah. Leur territoire s'étend à l'est du coude de la Seybouse, vers l'endroit où ce torrent s'infléchit brusquement vers l'ouest.

        M. le capitaine Saget, du corps de l'État-major, avait été lâchement assassiné par le nommé Hamed-Ben-Saïd, cheik des Beni-Salah qui lui avait donné l'hospitalité, et le caïd Mahmoud qui l'accompagnait avait été aussi victime du même guet-apens. L'assassinat avait eu lieu le 21 octobre 1840 et ne pouvait rester impuni d'autant plus que les Beni-Salah étaient remuants et très mal disposés envers l'autorité française.
        Le général Guingret avait été forcé de suspendre toute sanction, une grande partie des troupes de la subdivision et surtout la cavalerie ayant été dirigées sur Sétif, dont on venait de prendre possession.
        Ce ne fut qu'au mois de décembre, après la rentrée des troupes, que le général put réaliser son projet de parcourir tout le pays des Beni-Salah et de s'emparer des coupables, s'il y avait possibilité.

        On forma deux colonnes : celle de Guelma, sous les ordres du général Guingret, quitta le camp le 26 décembre ; l'autre partit de Drean, avec le commandant de Mirbeck des spahis de Bône, commandant le Cercle de La Calle, sur le territoire duquel le crime avait été commis. Ces deux colonnes agirent parallèlement sur les deux rives de la Seybouse.
        L'expédition ne présenta pas d'actions de guerre remarquables. Elle fut surtout rendue pénible par la nature du chemin parcouru, la région étant semée de ravins profonds et exceptionnellement boisée. On échangeait de temps à autre quelques coups de fusil. Le 27, on fit prisonnier Ali-Ben-Djebala, sorte de "marabout" qui non seulement avait été témoin du meurtre du capitaine Saget, mais qui avait excité à le commettre.

        On ne put mettre la main sur l'assassin lui-même : Hamed-ben-Saïd, et comme il fallait un exemple, le marabout fut décapité le 30 décembre, en présence des troupes réunies à l'endroit où était tombé le capitaine Saget.
        Les Beni-Salah eurent une vingtaine de tués, 1.200 têtes de bétail pris, 50 tentes enlevées, quelques silos brûlés.

        Malgré le peu de résultat obtenu, la présence de nos Colonnes produisit un assez bon effet et fit voir aux Arabesque tôt ou tard ils seraient forcés de se soumettre. D'ailleurs cette course dans un pays difficile prouva aux chefs français qu'avec un peu de ténacité, de persévérance, d'intelligence dans la conduite des colonnes, les Arabes ne pourraient résister longtemps.

        Pour en finir avec l'année 1840, dans une sorte de bilan rapide où le colonel Herbillon envisage l'état sanitaire d'abord, les améliorations obtenues en regard des peines à vaincre, des obstacles qu'elles rencontrent.

        En 1840, les fièvres sévirent à Guelma d'une manière effrayante, le remuement des terres pour les constructions, plantations et défrichements répandaient des miasmes qui devaient influer considérablement sur la santé des hommes. Du mois de juin au 10 septembre, les malades augmentèrent au point que sur une garnison de 700 hommes, 326 étaient à l'hôpital. Des évacuations sur Bône se faisaient sans cesse. Enfin, dans le courant de septembre, l'état sanitaire devint meilleur.

        Il faut se reporter à cette époque pour apprécier toutes les difficultés qui surgissaient sans cesse : des officiers mécontents qui ne demandaient qu'à s'éloigner du foyer des fièvres; des logements qui abritaient à peine; une correspondance longue, longueur qui provenait de la difficulté des chemins et surtout du passage de la Seybouse dont les débordements réitérés isolaient complètement Guelma. Il faut ajouter à cette énumération les incessantes querelles entre Kabyles et Arabes du Guerfa, le peu d'encouragement donné aux travaux, à l'abnégation de ceux qui se livraient de cœur et de corps aux progrès du Cercle.
A SUIVRE


PHOTOS DIVERSES
Envoyées par M. J.L. Ventura
LES PROFS DU LYCEE SAINT-AUGUSTIN


De Gaulle " visionnaire " ?
Par M Piedineri                           Partie3
Les mensonges de la propagande gaulliste
et la guerre d'Algérie

III. Il existait des solutions intermédiaires entre l'Algérie française " éternelle " et la livraison des Pieds-Noirs au FLN

               Nous abordons ici un point capital, et l'un des principaux mensonges sur lesquels repose l'édifice de la Cinquième République.

               Pour la plupart des Français en effet, le général de Gaulle reste celui qui a " rendu sa liberté " au " peuple algérien ", celui également qui, " réaliste ", a " réussi à régler définitivement " le problème algérien, et, s'il l'a fait dans la douleur, c'est qu'il ne pouvait en être autrement. De Gaulle, dans le fond, en agissant comme il l'a fait ne cherchait que le bien suprême de la France et par la même occasion, celui des Français d'Algérie... Le temps du colonialisme était de toute manière dépassé et, quand bien même ces braves Pieds-Noirs ne méritaient pas leur triste sort, il n'y avait malheureusement pour eux pas d'autres solutions que de faire leur valise, et accepter stoïquement de subir les conséquences d'une indépendance jugée, pour toutes sortes de raisons, " inéluctable ". C'était le " sens de l'Histoire ". Et puis après tout, ces gens se sont bien intégrés dans la société française depuis leur " retour " au bercail. Non, vraiment, pas de quoi en faire un plat de toute cette histoire. D'ailleurs, tout ça c'est le passé. Et puis cet Albert Camus était bien sympathique dans sa recherche d'une " troisième voie ", et dans sa volonté d'éviter la douleur de l'exil à ses compatriotes, ce qui est tout à son honneur, mais enfin soyons sérieux : cet homme était naïf, il n'avait pas compris l'évolution du monde et l'Algérie nouvelle qu'il préconisait était une utopie. L'intention était bonne, mais débile.
               Et voilà l'exode pied-noir, qui compte parmi les plus grands nettoyages ethniques de l'Histoire, considéré aujourd'hui dans la mentalité collective, par la magie d'un discours savamment entretenu, comme un petit accident de la décolonisation. De sorte que, après avoir imposé aux Pieds-Noirs un exode brutal et sans retour, il a fallu ensuite leur faire rentrer dans le crâne l'idée de l'" inéluctabilité " et du caractère inévitable de cet exode.
               Voilà pour la commisération. Mais il existe un discours plus " musclé ". Les propagandes gaulliste et gauchiste en effet, afin de mieux légitimer le crime commis contre ce peuple Européen d'Algérie, s'évertuent également, contre toute évidence, et ce depuis des décennies, à présenter les Pieds-Noirs et l'ensemble des opposants à la politique algérienne du général de Gaulle comme ayant été des jusqu'au-boutistes aveugles et fanatiques d'une Algérie française éternelle, pour ne pas dire comme des " fachos " ou des " colonialistes ".
               Or cela est parfaitement faux et relève ni plus ni moins de la malhonnêteté intellectuelle. Car comme l'a justement rappelé Maurice Allais en 1999, " une extraordinaire tentative de falsification de l'histoire s'est développée à propos de l'Algérie qui doit être dénoncée " .
               Mais force est de constater que ces discours, cherchent surtout à camoufler le fait qu'il existait des solutions intermédiaires dans le règlement du conflit algérien, solutions que le général de Gaulle ainsi qu'une bonne partie des intellectuels de l'époque ont choisi délibérément d'écarter les unes après les autres. Pourquoi ne pas le dire ? Tout simplement parce que c'est là que se dévoile la profonde faiblesse du discours gaulliste insistant sur la démographie de l'Algérie et cherchant à accréditer l'idée que " l'Algérie française, c'était l'islamisation de la France avant l'heure ". Parce que c'est là que se dévoile également la faiblesse du discours de gauche insistant sur le " droit " donné aux " Algériens " à " disposer d'eux-mêmes ", puisque s'il y a une population à qui le " droit des peuples à disposer d'eux-mêmes " a été refusé, c'est bien aux Pieds-Noirs. Parce que c'est là que l'on comprend à quel point le général de Gaulle fut tout sauf visionnaire. Parce que c'est là que se révèle le caractère fondamentalement criminel de sa politique. Parce que c'est là enfin, que ses admirateurs le veuillent ou non, que l'on mesure à quel point le général de Gaulle s'est mis à genoux devant le FLN alors même que rien, absolument rien ne l'y obligeait.
               Mais donnons-leur enfin la parole, à ces prétendus " ultras de l'Algérie française ". Donnons la parole au colonel Bastien-Thiry, organisateur de l'attentat du Petit-Clamart, qui lui aussi était prêt à admettre d'autres solutions que l'Algérie française proprement dite. Il aura l'occasion de s'expliquer sur ses motivations au cours de son procès, en février 1963 :

               " Nous étions sincèrement partisans de l'Algérie française, parce que nous estimions cette solution réaliste et bénéfique pour tous ; mais nous concevions qu'il y eut d'autres solutions pour l'avenir algérien, solutions pouvant être défendues de façon honnête et sincère ; l'impératif absolu, quelle que fût la solution finalement retenue, était, en tout état de cause, et sous peine de trahison et d'infamie pour le pouvoir politique mettant en œuvre cette solution, de faire respecter la vie, la liberté et les biens des millions de Français de souche et de Français musulmans vivant sur cette terre. "

               Intéressons-nous maintenant au Pied-Noir Edmond Jouhaud (1905-1995), numéro deux de l'OAS, fils d'instituteur républicain, général d'armée, Résistant lors de la Seconde Guerre mondiale à l'heure où certains, qui pendant la guerre d'Algérie n'hésiteront pas à le traiter de fasciste et de nazi n'ont eux-mêmes pas bougé le petit doigt voire collaboraient ouvertement avec les Allemands. Le général Jouhaud écrivait dans une note personnelle le 20 janvier 1961, quelques mois avant de participer au putsch des généraux et de rejoindre l'OAS :

               " Rien dans mon éducation, dans ma vie, ne m'avait conduit à me révolter contre l'Etat. Je mesure la gravité de mon entreprise, contraire à tout ce que j'ai appris auprès de mon père, un républicain sincère. Pourtant, j'accepte d'être un rebelle, car je n'admettrai jamais que nous soyons contraints par la force à l'exil. "

               Est-ce une profession de foi fasciste, ou colonialiste ?
               Mais revenons-en aux solutions intermédiaires, et intéressons-nous plus particulièrement à la solution, certes douloureuse, qu'aurait pu représenter un partage de l'Algérie sur un mode fédéral. L'OAS elle-même en effet était divisée à l'idée d'un éventuel partage de l'Algérie, et le général Jouhaud admettait volontiers l'idée d'une Algérie largement autonome, ou, alors, si celle-ci ne pouvait se faire, cette fameuse partition territoriale. C'est pourquoi il écrivait en janvier 1961 dans cette même note :

               " Entre la francisation et l'indépendance, n'y a-t-il pas de solution ? Les Français d'Algérie manifestent la crainte de voir la minorité européenne écrasée par la majorité musulmane. A cet égard, deux points me paraissent devoir être soulignés. Il faut d'abord poser cette question les yeux grands ouverts : Si nous croyons les Musulmans irrémédiablement hostiles à notre présence, ne nous faisons aucune illusion ; il nous faut partir ou nous regrouper dans une portion de territoire. Nous partagerons l'Algérie. "

               Même général Jouhaud qui, dans son autobiographie Ô mon pays perdu, relatant son action en tant que numéro deux de l'OAS au début du printemps 1962 écrivait :

               " Que la population européenne se fût entièrement engagée à nos côtés, personne ne pouvait le contester. Mais les Musulmans, comment réagissaient-ils ? [...] La partie était-elle donc perdue avec les Musulmans ? Auquel cas nos buts devaient se modifier et à l'Algérie française devait succéder la solution moins ambitieuse de partition, qui ne nous serait pas octroyée généreusement, du reste : nous devions l'arracher par la force. "

               Edmond Jouhaud qui écrivait enfin, dans un autre ouvrage autobiographique : " on peut se demander si la partition n'était pas la solution douloureuse peut-être, mais réaliste ", regrettant, avec le recul, de ne pas avoir pris assez " nettement parti " en faveur de cette solution.
               Où est le fanatisme ici ? Où est le fascisme ? Et, inversement, où se trouve le danger d'une " algérianisation " ou d'une " islamisation " de la France dans le fait de vouloir conserver une petite portion du territoire algérien pour pouvoir continuer à y vivre, et à y vivre libre ?
               Un autre Français d'Algérie et combattant d'une Algérie française qu'il voulait égalitaire et fraternelle, André Rossfelder, fils d'un maire radical-socialiste d'une petite ville de l'agglomération algéroise, jeune Résistant en 1942 et ami d'Albert Camus, a également écrit, à propos de son propre état d'esprit au moment du putsch des généraux d'avril 1961 :

               " 13 mai 1958, avril 1961, l'espoir reviendrait, nous serions tous algériens français. Et sinon, s'il était vraiment trop tard pour ressusciter cette troisième force, il resterait la solution de repli : la partition, " faire Israël ", et repartir de là... "

               Et c'est là que s'effondre définitivement la propagande, sur " l'impossibilité d'assimiler des dizaines de millions de musulmans Algériens " que le " grand visionnaire " de Gaulle aurait été seul à comprendre.
               Rappelons d'ailleurs que sur ce point Edmond Jouhaud et André Rossfelder ne firent que répondre à une promesse solennelle faite par le chef du gouvernement français Michel Debré le 12 avril 1960 (et c'est une déclaration parmi d'autres) :

               " Il n'y a pas, il n'y aura pas d'abandon. [...] On n'enlèvera pas aux Algériens qui veulent vivre librement en Français, qui veulent demeurer citoyens français, ni la possibilité de vivre Français, ni la qualité d'être citoyens français en Algérie. La sécession, en vérité, c'est le partage. Les principes les plus sacrés ne permettent pas qu'il en soit autrement. "

               Voilà qui est on ne peut plus clair.

               Or il faut savoir qu'une fraction de l'OAS, estimant - par pragmatisme - l'Algérie française définitivement perdue mais cherchant à sauver les meubles et assurer la survie de la communauté pied-noir dans une future Algérie indépendante, finira par se ranger, dans les derniers temps de la guerre d'Algérie, à cette idée de partage. Il faut savoir en effet qu'à l'heure où les deux tiers des hommes en armes de l'OAS menés par le jeune Pied-Noir Jean Sarradet se disent prêts, à partir de décembre 1961, à déposer les armes en échange d'un partage de l'Algérie, ce même gouvernement qui un an plus tôt parlait de ce partage comme relevant d'un " principe sacré ", refusera catégoriquement de négocier, au prétexte qu'" on ne discute pas avec des factieux " ! Un gouvernement, qui depuis plus d'un an discute pourtant avec les tueurs en série du FLN. " La France veut s'écarter de l'Algérie, nous acceptons cela, mais en contrepartie qu'elle ne nous écrase pas. Qu'elle ne prenne pas parti, dans ce conflit, pour l'un des adversaires qu'elle favorise en désarmant les mains de l'autre. Qu'elle les sépare plutôt, si elle veut s'éloigner avec dignité, en fixant à chacun sa part de terre " , avait pourtant plaidé Jean Sarradet. Il ne sera pas entendu, et le gouvernement du général de Gaulle, plutôt que d'aider Pieds-Noirs et musulmans francophiles à organiser ce petit territoire conformément à ses promesses, va, au contraire, faire naître une monstrueuse alliance entre les forces armées françaises et celles du FLN, pour mieux les éliminer. Voilà sans doute la première fois dans l'Histoire de l'Humanité qu'une nation s'allie avec l'ennemi pour écraser ses propres ressortissants.

               Et ce sont des hommes tels que Jacques Soustelle, Jean Sarradet, le général Jouhaud ou André Rossfelder que l'on ose qualifier d'" ultras " de l'Algérie française ? Mais ne sont-ce pas plutôt Charles de Gaulle et son gouvernement les " ultras " de l'abandon, du mensonge et du parjure ? Ce sont ces Pieds-Noirs de l'OAS que l'on ose encore aujourd'hui présenter aux Français comme des " extrémistes " ayant refusé toute solution de compromis alors même que c'est précisément l'inverse, et que c'est le pouvoir gaulliste, enfermé dans sa tour d'ivoire, ne consultant aucun spécialiste - politique ou militaire - du problème algérien, ne consultant aucune des populations directement concernées par ce problème algérien, c'est le pouvoir gaulliste qui a rejeté tout compromis, persistant contre vents et marées dans sa politique du pire jusqu'à provoquer le chaos ? Et l'on ose, après cela, nous présenter comme " visionnaire " un général de Gaulle porté par de vieilles conceptions d'un nationalisme périmé datant du XIXème siècle, ayant cherché à établir en Algérie un Etat centralisé sur le modèle français, solution totalement absurde et dangereuse pour un tel pays compte tenu du fait que, comme l'a écrit Alain Peyrefitte dans " Faut-il partager l'Algérie ? ", " il n'y a pas d'exemple qu'un pays dont le peuplement est hétérogène ait trouvé la paix hors de la fédération, seul cadre qui garantisse toute ethnie de l'écrasement par un autre ", Peyrefitte ajoutant : " un pays qui ressemble à une marquetterie, la nature ne l'a pas destiné à la centralisation, mais au fédéralisme ".
               Voici maintenant la réaction du jeune Jean Sarradet, le jour où le gouvernement français lui fit connaître son refus catégorique de négocier un partage de l'Algérie, le 15 janvier 1962 :

               " Quel flot de rancœur cette réponse ne soulève-t-elle pas en moi ! [...] Ce 15 janvier, vous nous avez doublement poignardés dans le dos, car nos efforts et nos vies étaient sans discussion, sacrifiés dans cette courte phrase, car notre pays l'était aussi. Le mot " factieux " n'était pas une injure mais un non-sens : la France n'avait et n'a aucun droit sur nous. Nous lui avons donné nos morts et son honneur en 40. En paiement nous ne lui demandions que notre liberté et le droit de nous défendre seuls. [...] Le 15 janvier TOUT pouvait être fini. Que celui, que ceux, qui n'ont pas su ou n'ont pas voulu le comprendre, portent seuls le poids du sang qui coulera. "

               Ces paroles sont hélas ! prophétiques. On le voit, le principal " extrémiste ", le principal responsable du désastre algérien est bien le gouvernement français de l'époque, qui aura tout fait pour pousser tout le monde à bout et fermer toutes les issues honorables. Un gouvernement qui porte également la responsabilité du fait que 25.000 soldats Français, et des dizaines de milliers d'autres Hommes, soient morts pour rien, sinon pour une capitulation sans défaite.
               Mais " le gaullisme est un bulldozer aveugle et sans âme ; tant pis pour ce qui se trouve sur sa trajectoire ; rien ne devait ni le ralentir ni le dévier " , comme l'a si bien dit Henri Martinez.

               La responsabilité du gouvernement... mais aussi celle d'une bonne partie du monde intellectuel français. Il sera bien seul, l'économiste Maurice Allais, qui, aux heures tragiques du printemps 1962, dans une France soulagée par le lâche abandon de l'Algérie et de ses populations, défendait encore la nécessité de ce partage territorial, non pas en tant qu'" ultra de l'Algérie française " (car il ne l'a jamais été), mais simplement en tant que défenseur des Droits de l'Homme et du droit du peuple pied-noir à disposer de lui-même, alertant, je cite, sur le risque de " génocide " de la minorité française et musulmane pro-française d'Algérie. Avec le recul, en 1999, le même homme regrettera " que si dans l'élite française mille voix plus influentes et plus éloquentes " que la sienne " avaient soutenu la même position, la politique française en eut été certainement radicalement modifiée ", M. Allais regrettant encore

               " l'extraordinaire silence de la presque totalité de ceux qui auraient dû, au cours de ces longues semaines, protester de toutes leurs forces contre la politique mise en œuvre, au nom des idéaux mêmes qu'ils prétendaient défendre, alors que cette politique condamnait à une déportation volontaire huit cent mille personnes dans des conditions affreuses et qu'elle allait livrer à une mort horrible des dizaines de milliers de musulmans dont le seul tort avait été de participer aux côtés de la France à son combat en Algérie. "
               Le Pied-Noir André Rossfelder ne disait pas autre chose de ces intellectuels " engagés " :

               " Assis dans les hauteurs, loin de la bataille, dans un rôle de témoins afin de pouvoir se faire moralisateurs et de se glisser dans la robe des juges, ils allaient fermer une à une toutes les issues, répondre à tous les arguments et prononcer leur sentence. Là-bas comme ici : la valise ou le cercueil, nous ne méritions pas mieux. "
               Faut-il rappeler les appels au génocide de Jean-Paul Sartre, comme : " abattre un Européen, c'est faire d'une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : reste un homme mort et un homme libre " ; " avec le dernier colon tué, rembarqué ou assimilé, l'espèce minoritaire disparaît, cédant la place à la fraternité socialiste ". Ou les mots du jeune historien " progressiste " Pierre Nora - aujourd'hui membre de l'Académie française -, qui écrivait en 1961 : " Les Français demandent aujourd'hui au président de la République de les débarrasser des Français d'Algérie " ; " Seule une rupture brutale peut impressionner les Français d'Algérie. Il est exclu de les calmer " ; " Il y a même intérêt à les priver momentanément de tout espoir de secours. Rien n'est plus inutile que d'habituer les Français d'Algérie à l'idée anémiante qu'ils vont être " bradés ". Il faut qu'ils voient la chose faite. "
               Il faut croire que Pierre Nora a été écouté par le pouvoir, bien plus en tout cas que l'humaniste Maurice Allais, qui écrivait :

               " Toute solution doit reposer finalement sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, mais ce droit doit être donné à chaque population et non pas être utilisé pour asservir une minorité à une majorité. L'autodétermination qui a été reconnue aux populations algériennes au sein de la République française entraîne nécessairement un corollaire : l'autodétermination de la population européenne et musulmane pro-française au sein de l'Algérie. [...] Deux groupes sont face à face. [...] Mais, nous Français, [...] loin de séparer les adversaires en attendant qu'ils se calment, nous nous apprêtons à livrer à chaud l'un des groupes à l'autre, et nous apportons notre appui au groupe le plus fort contre le plus faible. Ce qui serait moralement inadmissible dans le cas d'un groupe étranger devient odieux et horrible lorsqu'il s'agit de compatriotes. "

               " Tout n'est qu'ignominie et déshonneur. L'Histoire jugera ", concluait M. Allais.
               L'Histoire retiendra en effet que le général de Gaulle, admirateur bien connu de Joseph Staline, s'est comporté en Algérie envers ses propres ressortissants comme un vulgaire tyran oriental, l'un de ces tsars Russes ou de ces sultans Ottomans capables de décider seul dans leur bureau et sans le moindre scrupule l'expulsion, le déplacement et la dispersion de populations entières traitées comme du bétail (" une substance humaine ", a-t-il dit des Pieds-Noirs). " Il faut les obliger à se disperser sur l'ensemble du territoire ", " prendre des mesures autoritaires pour disséminer cette masse ". Vous croyez entendre parler le Turc Mustafa Kemal, ou un dirigeant soviétique ? Non, il s'agit du général de Gaulle parlant des Français d'Algérie à l'heure de leur exode, type de propos qui relève ni plus ni moins de l'ethnocide. Était-ce aussi le " sens de l'Histoire ", la dispersion des Pieds-Noirs ? Le " sens de l'Histoire ", l'abandon et la trahison des Harkis ? Le " sens de l'Histoire ", le fait de ne pas dénoncer les enlèvements de milliers d'Européens les mois suivant l'indépendance ?

               Ecoutez-le encore, ce Staline d'opérette, dire froidement, le 4 mai 1962 en Conseil des ministres :
               " L'intérêt de la France a cessé de se confondre avec celui des Pieds-Noirs ".
               " Il faut se débarrasser sans délai de ce magma d'auxiliaires qui n'a jamais servi à rien ", a-t-il dit également des harkis un mois plus tôt.

               Seulement, les despotes orientaux dignes de ce nom avaient au moins l'intelligence, eux, lorsqu'ils pratiquaient ce type de déplacement de populations, de s'en prendre à des peuples ennemis et non à leurs propres compatriotes, ou, alors, lorsqu'ils étaient contraints d'abandonner les leurs (ce à quoi de Gaulle n'était pas puisque la France avait gagné militairement et était maîtresse du terrain en Algérie), de procéder à un véritable échange de populations dans le but de ne pas perdre au change. Lorsque les Russes, en 1812, annexent le Boudjak, y expulsent 100.000 Turcs et Tatars musulmans en direction de la Bulgarie, l'expulsion ne peut se faire sans l'échange d'un nombre équivalent de chrétiens en sens inverse, échange convenu avec l'Empire Ottoman protecteur des musulmans. Or nous l'avons déjà dit, de Gaulle, lui, fit l'inverse. Non seulement ce sont ses propres ressortissants qu'il fit expulser d'Algérie, sans même procéder à un quelconque échange de populations, mais, bien au contraire, en instituant une désastreuse " coopération franco-algérienne " il laissa s'installer en France, pendant tout le reste de son mandat et sans prendre la peine de s'y opposer, plusieurs centaines de milliers d'Algériens. Une politique continuée par le gaulliste Pompidou et à sa suite par tous les autres présidents de la Cinquième République. De Gaulle a sacrifié les Français d'Algérie (Pieds-Noirs et Harkis) en cherchant cependant à préserver au minimum les intérêts pétroliers de la France dans ce pays, mais, plutôt qu'un pétrole à prix réduit (car sur ce sujet non plus, le FLN ne tint pas ses engagements), ce seront au final des millions d'immigrés Algériens que la France, suite aux " accords " d'Evian, recueillera sur son sol.
               Pourquoi, peut-on se demander, le général de Gaulle a-t-il refusé ce plan de partage de l'Algérie ?

               A ce sujet, il faut absolument lire le dialogue se déroulant à l'Elysée à la fin de l'année 1961 entre le président de la République et le jeune député Alain Peyrefitte, que ce dernier relate dans le premier tome de son livre " C'était de Gaulle ". Un dialogue qui voit le général de Gaulle refuser définitivement l'idée défendue par Alain Peyrefitte d'un partage et d'une indépendance bâtie sur un mode fédéral, seul à même de garantir les droits et la présence des Européens dans une Algérie majoritairement FLN. C'est lors de cette discussion que se dévoilent les véritables motifs de la capitulation et du crime commis contre les Français d'Algérie, au-delà de toutes les sornettes dont nous abreuve la propagande. En effet on ne comprendra rien à la fin de la guerre d'Algérie tant que l'on n'aura pas lu ce dialogue décisif entre Alain Peyrefitte et Charles de Gaulle, dialogue dont j'ai l'honneur de vous offrir, ami lecteur, un petit résumé. Voici un récapitulatif des raisons principales qui semblent avoir poussé de Gaulle à larguer l'Algérie dans le déshonneur et la précipitation, d'après ce que nous montre ce dialogue :

               - D'abord, la ferme volonté de se débarrasser au plus vite de l'Algérie, et ce quel qu'en soit le prix : " Si vous ne voulez plus du partage [...], que nous resterait-il ? ", demande Alain Peyrefitte au Général, qui lui répond : " Il nous resterait le dégagement ! Il faudrait dégager au plus vite. " Autre exemple : " Vous ne pouvez pas faire de plus grand cadeau aux gens du FLN que d'annoncer notre retrait ! C'est tout ce qu'ils souhaitent ", lance Peyrefitte. Ce à quoi de Gaulle répond : " Grand bien leur fasse ! "...
               Si ça ne suffit pas, citons encore ces mots du Général à propos du partage : " Tout ça, on pourrait le tenter, peut-être, si j'avais dix ans devant moi. Mais le temps m'est compté. Ça n'a que trop traîné ", ou encore, à propos de l'Algérie : " Il faut faire glisser ce fardeau de nos épaules. Il nous épuise. "
               Voilà qui est on ne peut plus clair.

               - La volonté tout aussi ferme de jouer un rôle dans le concert international et le Tiers-Monde : s'embourber dans une " guerre coloniale " ou partager l'Algérie, allait en effet à l'encontre du grand dessein géopolitique qu'avait en tête le général de Gaulle, qui, on le sait, souhaitait avoir les " mains libres " pour consacrer le temps qui lui restait à gouverner à sa politique Européenne, et à épater le monde par une politique dite de " grandeur ". Balayant les arguments de Peyrefitte en faveur du partage de l'Algérie, il lui lance : " Si nous suivons votre solution, nous dresserons la terre entière contre nous. Le tiers-monde va se solidariser avec les Arabes. Nous aurons créé un nouvel Israël. Tous les cœurs, dans le monde arabe, en Asie, en Amérique latine, battront à l'unisson des Algériens. " Etrange réflexion, de la part d'un homme qui quelques années plus tôt n'hésitait pas à qualifier de traître le maréchal Pétain pour avoir signé une armistice (et rappelons qu'une armistice n'est pas une capitulation) dans une France littéralement écrasée par l'armée allemande, de la part d'un homme qui, quasiment seul, appelait dès juin 1940 à résister jusqu'au bout à la puissance exponentielle de l'Allemagne nazie, mais qui opte ici pour la capitulation par peur... du petit Tiers-Monde, alors même que la France, militairement, n'a pas perdu une seule bataille en Algérie ! Mais l'on comprendra mieux cette objection du Général lorsqu'on le verra, tout au long des années 1960, tenter vainement de rallier sous la bannière de la France le monde arabe et les pays dits " non alignés ", dans l'objectif de constituer un bloc solide entre les deux géants américain et russe, ainsi que nous l'avons dit plus haut.

               - Ensuite, un mépris profond des Pieds-Noirs : Ce n'est un secret pour personne que le dédain du général de Gaulle envers les gens du Sud et plus particulièrement les Pieds-Noirs était bien enraciné, ce d'ailleurs dès l'époque de la Seconde Guerre mondiale, à tel point qu'un homme aussi mesuré que pouvait l'être Raphaël Draï se demandait lui-même si la rancœur, voire la haine manifestée par de Gaulle vis-à-vis d'une population qui lui aurait manifesté autrefois de la tiédeur ne fut pas un des mobiles principaux de l'abandon programmé des Pieds-Noirs, R. Draï parlant d'une " hypothèse pas sans fondement " . Aussi n'est-on pas étonné de voir de Gaulle, au cours de ce fameux dialogue avec Peyrefitte, comparant les Pieds-Noirs aux Israéliens, affirmer avec mépris : " Les pieds-noirs veulent que notre armée les défende, mais ils n'ont jamais éprouvé le besoin de se défendre eux-mêmes ! " ; " [ils veulent] que nous soyons sous leur dépendance, comme ils en avaient pris l'habitude. " Autre exemple montrant à quel point de Gaulle ignorait tout de l'Algérie et de ses habitants Européens, lorsque, en Conseil des ministres, le 4 octobre 1961, il répond à Valéry Giscard d'Estaing qui préconise la partition : " Solution impraticable : les Européens ne sont pas implantés en Algérie de manière telle qu'ils puissent se charger d'une infinité de besognes, qu'il s'agisse du travail de la terre ou du ressemelage de leurs souliers.Inversement, les musulmans ont besoin de maîtres d'école français. " Voilà donc un homme qui prend le risque de provoquer l'exil et la destruction d'un groupe ethnique de près d'un million de personnes, pour une histoire de " ressemelage de souliers "... Et est-il " visionnaire ", cet homme se figurant que le FLN compte faire appel à des maîtres d'école français dans une future Algérie indépendante ? Tous ces arguments - qui ne sont d'ailleurs que des prétextes - sont totalement absurdes.
               Abordons maintenant le passage le plus stupéfiant de cette discussion avec Alain Peyrefitte.

               Le " grand visionnaire " de Gaulle, se voulant rassurant, affirme à Peyrefitte : " Pensez-vous ! Sur le million des Français de souche, il y en a moins de cent mille, les colons avec leurs familles, qui profitaient du régime colonial et qui, évidemment, cesseront de pouvoir le faire. Mais les autres s'adapteront à la situation nouvelle que créera l'indépendance. L'Algérie nouvelle aura besoin d'eux et ils auront besoin d'elle " (" visionnaire ", n'est-ce pas ?). Mais lorsqu'ensuite Alain Peyrefitte, lucide, balaye ses arguments et l'alerte sur l'épuration ethnique qui menace les non-musulmans d'Algérie, et sur le fait, je cite, que " si nous remettons l'Algérie au FLN, ils ne seront pas 100 000 [rapatriés], mais 1 million ! ", de Gaulle, tenez-vous bien, ose répondre :

               " Je crois que vous exagérez les choses. Enfin, nous verrons bien. Mais nous n'allons pas suspendre notre destin national aux humeurs des pieds-noirs ! ".

               Les " humeurs des Pieds-Noirs " ! " La France n'a pas le droit d'abandonner ceux qui ont cru en elle ! ", lui objectera Peyrefitte, indigné devant un tel cynisme. Pour que les choses soient claires à ce sujet, voici par exemple la façon dont Peyrefitte, dans son livre " Faut-il partager l'Algérie ? " (publié en décembre 1961), livre dont la parution prochaine constitue l'objet principal de cette discussion entre lui et de Gaulle, voici la façon dont Peyrefitte décrivait dans ce livre ce que le président de la République nomme les " humeurs des Pieds-Noirs " :

               " Les Européens d'Algérie forment un peuple qui a sa singularité, comme les Boers, les Néo-Zélandais ou les Canadiens-Français. [...] Les forcer à un exil massif, les détruire en tant que collectivité, serait perpétrer une sorte de génocide. [...] Livrés sans garantie au bon plaisir du vainqueur, ils risqueraient d'être, jour après jour, victimes du fanatisme, ou, au mieux, de la ruse. [...] Peut-être l'O.A.S., si inexcusables que soient ses agissements, doit être interprétée comme le sursaut d'un peuple qui ne veut pas mourir. "
               Les voilà, les " humeurs des Pieds-Noirs " !

               Au passage, imagine-t-on de Gaulle dire " nous n'allons pas suspendre notre destin national aux humeurs des Bretons ", " des Auvergnats " ou " des Normands ", si ceux-ci étaient menacés à court terme de finir dans les poubelles de l'Histoire ? Personnellement je ne le pense pas.

               - Un esprit de capitulation : Venons-en maintenant à l'esprit de soumission d'un général de Gaulle vieillissant, lui aussi déterminant dans l'affaire algérienne. Une nouvelle fois, ce dialogue avec Peyrefitte nous éclaire. " La guerre ne serait pas finie, lance de Gaulle à Peyrefitte au sujet d'un éventuel partage de l'Algérie. Elle se poursuivrait sous d'autres formes. Et nous y serions entraînés malgré nous. " - " En Algérie, où notre armée est maîtresse du terrain et d'où la métropole est toute proche, ce serait quand même le diable si on ne réussissait pas ", réplique Peyrefitte. Mais rien n'y fait : " Vous n'empêcherez pas, affirme le président de la République, que le terrorisme continue dans la partie où les Français seront majoritaires, ni que les Arabes s'assassinent toujours les uns les autres. Ils portent ça en eux. " Au-delà du préjugé anti-arabe, le message du général de Gaulle est ici très simple à comprendre : TOUT sauf la guerre, y compris le déshonneur ! Voici mis à nu l'esprit de Munich qui présida au " règlement " de " l'affaire algérienne ". Le FLN n'accepterait pas qu'une partie de l'Algérie soit soustraite à sa domination ? Eh bien inclinons-nous, cédons à tous ses caprices, faisons cadeau à l'ennemi tout ce qu'il exige et davantage encore !

               Cet esprit de Munich, on le retrouve à un autre moment de la discussion. Expliquant à Alain Peyrefitte son refus de recourir au partage de l'Algérie comme son désir d'en finir le plus vite possible avec ce pays quitte à tout brader, le général de Gaulle aura ces mots troublants, prononcés d'un ton résigné : " Le temps travaille contre nous ! L'Algérie, ça nous gangrène ! Ça gangrène notre jeunesse ! Mieux vaut s'en aller la tête haute que de rester au prix du sang. " " Il doit penser : " au prix de la torture " ", tient à préciser Peyrefitte.

               Une question : lorsque de Gaulle affirme que la guerre d'Algérie " gangrène " la jeunesse, veut-il parler de l'UNEF (syndicat étudiant, à l'époque très anticolonialiste) et autres agitateurs d'extrême-gauche, ou encore du Manifeste des 121 sur le " droit à l'insoumission " des soldats ? C'est très probable. La responsabilité du monde intellectuel dans l'abandon des Européens d'Algérie est donc, n'en doutons pas, très lourde. Car à lire ces mots du Général il semble bien que cet homme, qui a autrefois refusé, quasiment seul, de céder face à l'Allemagne nazie, ait fini, sur l'Algérie, par céder à la pression d'un Pierre Nora, d'un Jean-Paul Sartre, et d'un syndicat étudiant.

               - Ne sous-estimons pas en effet l'influence de l'idéologie " progressiste " et anticolonialiste de gauche, à l'origine de cette hérésie selon laquelle les Arabes, conquérants arrivés seulement quelques siècles plus tôt que les Européens sur la terre algérienne, auraient eu plus de " légitimité " que les Pieds-Noirs à y vivre. Car il semble bien que le général de Gaulle soit lui aussi imprégné de cet état d'esprit masochiste que le philosophe Emmanuel Navarro nomme le " culte des hommes premiers ", et que d'autres encore appellent le " mythe du bon sauvage ". Et ce dernier, expliquant son refus du plan de partage de l'Algérie, de dire à Peyrefitte : " En Algérie, les Arabes ont l'antériorité ; tout ce que nous avons fait porte la tache ineffaçable du régime colonial. " " Le foyer national des Français d'Algérie, c'est la France ", en conclut le tyran, sans penser une seule seconde à demander leur avis aux principaux intéressés. On le voit, pour le général de Gaulle comme pour les " anticolonialistes " à la mode, l'indépendance de l'Algérie consistait d'une certaine manière à " rendre " ce pays à ses " vrais " habitants, " vrais " habitants de l'Algérie qui ne pouvaient être dans son esprit qu'Arabes et musulmans, les Pieds-Noirs chrétiens et juifs étant considérés, dans cette optique, comme des intrus.

               Ce sophisme, qui triomphera avec la livraison de l'Algérie au FLN, imprègne encore aujourd'hui toutes les mentalités, et l'on ne mesurera sans doute jamais assez le mal indélébile qu'il a pu faire à la société française.

               On a idéalisé l'Arabe musulman d'Algérie comme l'autochtone par excellence (ce qu'il n'est pas d'ailleurs, puisque l'arabité de l'Algérie résulte d'une violente conquête au Moyen-Âge, qui mettra fin à la civilisation florissante de l'Afrique romano-berbère, latine et chrétienne), afin de mieux rendre illégitime la présence des Pieds-Noirs essentiellement latins et catholiques, issus d'un processus de colonisation, et assimilés de ce fait à un corps étranger en " terre d'islam ". Sans même chercher à savoir que ces Pieds-Noirs n'occupaient en réalité qu'une infime partie de l'Algérie, sur le littoral méditerranéen, et qu'ils y avaient tout construit y compris leurs villes et leurs villages. Aussi, enfants de Sainte Salsa et de Saint Augustin, les Pieds-Noirs et leurs descendants n'ont pas à justifier une seule seconde de leur antique appartenance à la terre algérienne - sans même parler des juifs et des nombreux musulmans souhaitant en 1962 rester Français, dont les ancêtres étaient présents dans ce pays depuis la plus haute Antiquité. On entend dire, en effet, parfois, que les Pieds-Noirs " croyaient être chez eux " en Algérie. Non, ils étaient chez eux. Et que celui qui cherche à convaincre un Pied-Noir digne de ce nom qu'il n'était pas chez lui s'y reprenne à deux fois, car il n'y a jamais eu aucun doute là-dessus.

               A ce sujet, il existe un texte de Jacques Soustelle ayant le grand mérite de tout résumer, un texte qui devrait être connu de chaque Français et enseigné dans toutes les Universités. Chers lecteurs de notre Seybouse, je m'absente quelques instants et vous laisse lire en toute tranquillité ce joli texte. Je vous souhaite une bonne lecture et vous dit " à tout à l'heure ". La parole est à Jacques Soustelle :

               " Soit par ignorance, soit parce qu'ils caressaient des desseins à plus longue portée, les partisans de l'indépendance de l'Algérie ont systématiquement méconnu la réalité, à savoir que l'Algérie, comme résultat de son histoire, était un territoire où vivaient, juxtaposés plus que mêlés, au moins deux peuples : deux peuples algériens l'un et l'autre, ayant l'un et l'autre le droit de vivre dans leur pays. D'une part, le peuple algérien de civilisation musulmane, produit composite des invasions arabes et de la colonisation turque superposées à la très ancienne ethnie berbère ; d'autre part le peuple algérien de civilisation occidentale, comprenant à la fois les Juifs - pour la plupart descendants d'immigrés installés en Algérie plusieurs siècles avant les Arabes - et les chrétiens qui avaient fait souche dans le pays après cent trente ans. Ces deux peuples n'étaient guère différents par les caractères ethniques, car la Méditerranée est un grand creuset depuis bien des millénaires, car les Juifs et les Maltais sont des Sémites comme les Arabes, car les Berbères, les Français du Midi, les Italiens et les Espagnols présentent bien des traits communs. Ce qui les différenciait c'était leur culture, leur religion et leurs mœurs.

               On pouvait concevoir deux solutions de principe aux rapports entre ces deux peuples :
               - Ou bien les associer dans l'égalité civique et le progrès économique et social, au sein de la République tolérante et tutélaire, c'était l'intégration.
               - Ou bien reconnaître à chacun d'eux le droit de disposer de lui-même - je dis bien à chacun d'eux, car pourquoi, au nom de quoi, priver de ce droit l'Algérien qui s'appelait Hernandez ou Médioni et le conférer à l'Algérien qui s'appelait Ben Kaddour ? - ce qui pouvait conduire soit à la création d'un Etat pluraliste de type fédéral ou doté d'une Constitution établissant des rapports organiques entre les deux peuples et garantissant leurs droits, soit au partage du territoire et à la création de deux Etats distincts, éventuellement associés.

               Autrement dit, on pouvait ou bien aller vers l'intégration, qui était de beaucoup la meilleure des solutions, la plus humaine, la plus propice au développement et au progrès du pays et de ses habitants.
               Ou bien - si l'on voulait se conformer à une idéologie dite " libérale " - faire de l'Algérie un Etat fédéral comme la Yougoslavie ou un Etat à constitution spéciale comme Chypre, ou deux Etats en la partageant comme la Palestine.

               Il y avait donc, si l'on veut, six solutions possibles au problème algérien :
               1. L'intégration dans la République au même titre que les autres départements français.
               2. L'intégration d'une Algérie, Etat fédéré, dans une France devenue elle-même fédérale (formule " hawaïenne ").
               3. L'intégration à la France d'une Algérie dotée d'une autonomie interne mais non de l'indépendance (formule " porto-ricaine ").
               4. L'Algérie indépendante fédérale, composée d'Etats ou cantons (au sens suisse), permettant aux diverses populations de cohabiter dans la liberté et la tolérance réciproque.
               5. Un Etat à constitution spéciale, comme Chypre, dans lequel la vie et les droits de la communauté minoritaire auraient été protégés organiquement.
               6. Enfin le partage en deux Etats, chacun des deux peuples algériens restant maître chez lui, ces deux Etats pouvant ou non être associés du point de vue économique.

               Au lieu de cela, on a choisi la septième, la plus désastreuse et la plus irrationnelle des formules, celle qui consiste à attenter aux droits les plus sacrés de l'homme, celle qui nie l'existence et le droit de vivre d'un des deux peuples de l'Algérie. On pose en principe, arbitrairement, que seuls sont Algériens les prétendus " Arabes " (dont 75 % sinon davantage sont des Berbères arabisés par la conquête), que ces " Arabes " sont les seuls habitants du pays qui aient titre à y demeurer parce qu'ils y sont arrivés sept siècles plus tôt que les Européens (et mille ans plus tard que les Juifs !), et que les autres n'ont qu'à accepter de devenir une minorité opprimée ou à s'exiler.
               Il y a là une soumission servile à la phraséologie panarabe, à l'absurde collection de contre-vérités extravagantes qui forment l'armature de la " philosophie de la révolution " de Nasser. C'est un défi à la réalité historique et ethnique de l'Algérie. C'est aussi la négation de l'idéal " libéral " - et là le mot est employé dans son véritable sens - de la Révolution française et de la démocratie occidentale.

               La France officielle, en se ralliant au dogme panarabe, s'est reniée elle-même. Elle a renié les principes que notre pays avait donnés au monde il y aura bientôt deux siècles. Et l'Occident qui, d'une façon générale, l'a poussée dans cette voie et applaudit à la perte de l'Algérie, a commis un acte suicide. Il est grave de perdre un territoire, mais il est mortel de renier ses propres maximes. Or, en dépit du camouflage psychologique et des homélies moralisantes sur la " décolonisation ", le fait brutal est que la France et l'Occident ont lâchement capitulé devant la violence et accepté comme norme une doctrine fondée sur le racisme et le fanatisme religieux, qui constitue la négation même de leurs principes fondamentaux. "


               Et alors ? Et voilà !, comme dirait l'autre...
               Que rajouter de plus, si ce n'est de citer une dernière fois le socialiste Marcel-Edmond Naegelen, qui deux ans après leur signature a décrit les accords d'Evian comme

               " ce qui demeurera dans l'Histoire comme une des capitulations les plus néfastes et comme la plus injustifiable de toutes celles auxquelles ait consenti notre patrie " ,
               Le même homme ajoutant plus loin sur un ton prophétique :
               " Le sacrifice de l'Algérie sur l'autel de la politique de grandeur n'a amené que des déconvenues et des malheurs. Aucun succès ne lui donne une apparence de justification. Et la chaîne des conséquences néfastes et prévisibles s'allongera... "

               Pour conclure, nous dirons, et de ça nous en sommes à peu près persuadés, que la propagande et la calomnie gaullistes ne résisteront pas longtemps à l'épreuve des faits et de l'Histoire.
               L'Histoire, comme on dit, jugera. Et que les admirateurs du grand Charles prennent garde même à ce qu'elle ne l'exécute pas.

               Certes le général de Gaulle était bien conscient des lourds problèmes et des lourds sacrifices - humains et financiers - que posait et qu'allait finir par poser l'Algérie à la France : existence d'une rébellion nationaliste armée, coût du développement économique, maintien d'une présence militaire, problèmes constitués par l'islam et la démographie musulmane, etc. Mais les opposants à sa politique algérienne, et nous pensons l'avoir démontré ici, étaient tout autant, si ce n'est plus, conscients de ces problèmes, contrairement à ce qu'un certain discours cherche désespérément à faire croire. Il se trouve, seulement, que devant ces lourds problèmes deux solutions s'offraient à la France :
               1. S'incliner, et fuir comme des lâches dans le déshonneur et la précipitation, en abandonnant sur place ses propres frères à une bande de fanatiques ultra-violents et en laissant l'Algérie tomber dans le chaos.
               2. Résister, et chercher une voie intelligente et honorable à ce conflit, ou en tout cas la solution " la moins mauvaise ", pour le bien de tous les habitants de l'Algérie - et, par la même occasion, pour le bien de la France.

               De Gaulle a opté pour la première de ces solutions. Ça n'en fait pas un visionnaire, mais un criminel.

               Car nous sommes bien conscients que tous les arguments que nous venons de développer ici ne valent pas grand-chose compte tenu du fait que la politique algérienne du général de Gaulle - au-delà de tous les points de vue " géopolitiques " que l'on peut légitimement soutenir sur la question -, a constitué une politique hautement criminelle qu'aucun argument quel qu'il soit ne saurait justifier. Oui, criminelle, car une politique basée sur la trahison et la duplicité, ayant couvert la torture et le massacre de dizaines de milliers de Harkis, le massacre et la disparition de milliers de Pieds-Noirs livrés sans contrepartie aux terroristes du FLN, puis l'exode sans retour, le déracinement et la destruction d'un peuple d'un million de Français, sans parler du mauvais accueil général reçu par ce même peuple une fois débarqué en Métropole dans un dénuement total, toute personne saine d'esprit devrait en toute logique considérer le ou les responsables de cette tragédie pour ce qu'ils sont : des criminels.

               Mais une dernière question se pose : le crime fut-il payant ? Eh bien il faut croire que non, puisque le général de Gaulle n'est même pas parvenu à devenir le leader du Tiers-Monde et à redonner à la France la première place en Europe... En revanche une chose est certaine - et, pourrait-on se demander, est-ce la suite logique de cette sanglante mascarade ? -, la France du XXIème siècle se transforme bel et bien de jour en jour en pays du Tiers-Monde.
Marius Piedineri

        103-115-118 Maurice Allais, L'Algérie d'Evian, Editions Jeune Pied-Noir, 1999 (1ère éd. chez L'Esprit Nouveau, 1962), Introduction à la deuxième édition. p. 136 et p. 244-250.
        104-105-107 Edmond Jouhaud, Ce que je n'ai pas dit, Sakiet, OAS, Evian, Fayard, 1977, p. 178. , p. 176. Le général Jouhaud tient à affirmer " l'authenticité " de cette note. p. 261-262.
        106 Edmond Jouhaud, Ce que je n'ai pas dit, Sakiet, OAS, Evian, Fayard, 1977
        108-116 André Rossfelder, Le onzième commandement, Editions Gallimard, 2000, p. 489. p. 434 (chapitre " L'anathème ").
        109 Le Monde diplomatique, mai 1960. Cette déclaration n'est qu'un exemple parmi d'autres. Il faut aussi savoir que le même Michel Debré, lors d'un entretien avec le général de Gaulle le 9 janvier 1962, tout en constatant l'impossibilité de trouver un accord avec le FLN et se désolant d'entrer " dans une impasse ", déconseillera au président de mettre en œuvre le partage, au moment même où une fraction de l'OAS cherche pourtant à négocier cette solution (Michel Debré, Entretiens avec le général de Gaulle, 1961-1969, Albin Michel, 1993, p. 48-49).
        110 D'après Georges Fleury, dans Histoire de l'OAS, Grasset, 2002, " Septième partie - Le temps des barbouzes - 55 - Salan refuse la partition ".
        111 Anne-Marie Duranton-Crabol, Le temps de l'OAS, Editions Complexe, 1995, p. 152.
        112-113 Anne Loesch, La valise et le cercueil, Plon, 1963, p. 108. p. 132-133. Ces propos ne sont certes pas tenus directement par Jean Sarradet mais, disons, " romancés ". Il s'agit d'une reconstitution faite par Anne Loesch, à ce moment très proche de lui, qui indique avoir replacé dans sa bouche " les propos que je lui avais entendu tenir mille fois pour plus de véracité, plus de vie. "
        114 Henri Martinez, Et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine, Oran 1962, Robert Laffont, 1982.
        117 Pierre Nora, Les Français d'Algérie, Christian Bourgeois éditeur, 2012 (1ère éd. 1961), p. 250-257.
        119 Raphaël Draï, La fin de l'Algérie française et les juridictions d'exception, Etat, Justice et Morale dans les procès du putsch d'Alger et de l'OAS, Editions Manucius, Paris, 2015, p. 54-55.
        120 Jean Bothorel, Un si jeune président…, Grasset, 1995.
        121 Jacques Soustelle, Sur une route nouvelle, Editions du fuseau, 1964, p. 43-45.
        122-123 Marcel-Edmond Naegelen, Une route plus large que longue, Robert Laffont, 1964, p. 52. , p. 345.

A suivre



Le parjure, la trahison et la honte
Par M.José CASTANO,

« L’Histoire brûle les hommes. Après, il faut recueillir les cendres et raconter » (Commandant Hélie Denoix de Saint-Marc – « Les champs de braises »)

       Du navire bondé de légionnaires et de parachutistes, en cet automne 1954, un haut-parleur annonça que l’on apercevait les côtes de France. Bientôt le port de Marseille fut en vue. Mal réveillés, ils montèrent tous sur le pont, serrés les uns contre les autres, appuyés à la rambarde. Le paradis dont ils avaient tellement rêvé dans les camps de prisonniers du Vietminh approchait lentement et déjà ils n’en voulaient plus. Ils rêvaient à un autre paradis perdu, l’Indochine… terre qui avait bu, plus qu’aucune autre leur sang. C’est à elle qu’ils pensaient tous à présent. Ils n’étaient pas les fils douloureux qui s’en revenaient chez eux pour faire panser leurs blessures, mais des étrangers. En eux remontaient des aigreurs.

       Ils se souvenaient avec colère et amertume de ces tonnes de médicaments régulièrement adressées au Vietminh par l’Union des Femmes Françaises (1) et leur indignation ne résultait pas de ce que l’ennemi recevait de la Métropole des colis de pénicilline, mais du fait que chaque jour des soldats français mouraient faute d’en posséder…

       En 1950, à Orange, un train de blessés d’Extrême-Orient avait été arrêté par des communistes qui avaient injurié et frappé ces hommes sur leurs civières. Un hôpital parisien qui demandait du sang pour les transfusions sanguines spécifiait que ce sang ne servirait pas pour les blessés d’Indochine. On avait refusé à Marseille, dont ils apercevaient maintenant Notre-Dame de la Garde, de débarquer les cercueils des morts…

       On les avait abandonnés, comme ces mercenaires soudain inutiles que Carthage avait fait massacrer pour ne pas payer leur solde.

       Des souvenirs terribles les hantaient… Ceux de ces partisans qu’ils avaient juré de ne jamais abandonner… Et parmi eux, la vision de ce vieux chef guerrier qui avait rallié sous le drapeau tricolore dix mille de ses hommes… alors que Diên-Biên-Phu était tombée et que tout allait mal dans le delta tonkinois. Il avait alors demandé aux officiers français s’il était vrai que la France allait livrer le Tonkin au Vietminh car rien n’avait été prévu pour replier ses partisans et leurs familles. Les divisions viets déferlaient sur le Delta. Le système de défense cédait peu à peu. Tout reposait sur ce vieux chef et sur ses hommes qui, connaissant admirablement le terrain, étaient à même de repousser mieux que quiconque les assauts des communistes.

       Alors les officiers français lui mentirent et lui assurèrent que jamais ils ne le laisseraient tomber. Il eut foi en leur parole. Ses partisans restèrent à leur poste et continuèrent à se battre jusqu’au bout alors qu’ils étaient submergés. Pendant ce temps l’armée française prépara la défense de Hanoi et de Haiphong et elle n’évacua personne. Le vieux chef fut pris par les communistes. Ils le torturèrent jusqu’à ce qu’il agonisât puis ils lui tranchèrent la tête. Les survivants parmi ses partisans subirent le même sort…

       Et, le visage tendu, les mâchoires crispées, ils se souvenaient aussi de tous ceux à qui ils avaient affirmé qu’ils resteraient toujours et en particulier les catholiques… Ils essayaient de gagner à la nage les bateaux en partance pour la France… Combien de ceux-là périrent noyés ?

       Plus tard, ces visions de cauchemar hanteront de nouveau ces hommes-là… Eux, les anciens d’Indochine, eux, les officiers qui représentaient la France dans ce pays, l’Indochine, ils la burent jusqu’à la lie. Ils connurent la défaite et l’abandon. Leur parole qui était celle de la France, ils la renièrent mille fois dans cette guerre et ils en étaient couverts de honte. Les images qui s’entrechoquaient dans leur mémoire les harcelaient sans trêve… Des familles entières menacées d’extermination par le Vietminh s’accrochaient désespérément aux ridelles des camions et, à bout de force, tombaient en pleurant dans la poussière de la route. Sept ans plus tard, ces mêmes visions apocalyptiques ressurgiront quand l’armée française abandonnera dans la honte et le déshonneur les Musulmans fidèles à la France.

       Le Commandant Hélie Denoix de Saint-Marc écrira dans « Les champs de braises » : « La plupart des Vietnamiens ne disent rien. Ils nous regardent simplement. Nous avons honte. Ils nous auraient tués à ce moment-là que nous aurions trouvé cela juste. L’un d’eux me dit : « Alors, mon capitaine, vous nous laissez tomber ? » Je ne réponds rien ! » … « Les centaines d’hommes et de femmes à qui, au nom de mon pays et en mon nom, j’avais demandé un engagement au péril de leur vie, nous les avons abandonnés en deux heures. Nous avons pris la fuite comme des malfrats. Ils ont été assassinés à cause de nous »…

       Sur cette tragédie –conséquence à ses yeux d’un parjure- qui le traumatisera jusqu’à la fin de ses jours, il ajoutera : « La simple évocation de ces souvenirs suffit, cinquante ans après, à troubler mon regard et faire trembler ma main. »

       Une fois la victoire acquise, les communistes lamineront le pays, faisant la chasse aux « collaborateurs », c'est-à-dire, ceux qui avaient pactisé avec les soldats français. Pour eux, point de pitié. Une mort atroce les attendait…

       Alors, quand en Algérie, le même processus s’engagera ; quand les officiers français se retrouveront coincés dans le même système, quand les harkis risqueront de connaître le même sort que leurs partisans indochinois… ils s’engageront… mais cette fois, personnellement, parce que le pouvoir sera trop faible, trop lâche pour tenir ses engagements. Après, plus question de partir, ce sera terminé pour eux. Ce ne sera plus la parole de la France ; ce sera la leur ! Et pour beaucoup de soldats, ce sera un engagement solennel : « La mort plutôt que le déshonneur ».

       … Et c’est cet engagement qui poussera à la révolte, en avril 1961, des soldats valeureux refusant le parjure, la trahison et la honte. Ils abandonneront ainsi leurs uniformes, sacrifieront leur carrière, seront séparés de leur famille parfois durant de longues années, connaîtront la prison, l’exil, le sarcasme de leurs vainqueurs et de ceux qui n’avaient pas osé, des poltrons, des lâches et des traîtres, pour être restés fidèles à leur serment et à leur idéal.

       Le temps passera, l’oubli viendra, les légendes fleuriront, mais jamais assez l’Histoire ne mesurera la grandeur de leur sacrifice.

José CASTANO
Courriel : joseph.castano0508@orange.fr
« »

       (1) – Issue des comités féminins de la Résistance, l'Union des Femmes Françaises est créée par un congrès le 21 décembre 1944. Elle se révèle rapidement liée au Parti communiste français, sous la houlette de Jeannette Vermeersch, qui en fait pendant les années de guerre froide, une organisation communiste de masse. Elle se retrouve notamment impliquée dans des actes de sabotages et de découragement à l'encontre des soldats français lors de la guerre d'Indochine.
       L'Union des femmes françaises devient Femmes solidaires en 1998




CROISIERE HOSPITALIERE
Envoyé Par M. Hugues Jolivet
Image M. Jolivet H.

         Après chaque repas, libres, sans perfusion,
          Promenade dans les couloirs, exercice de confort,
          Permettant d'apprécier, avec satisfaction,
          Le plaisir de la marche et celui de l'effort.

             Quand, sur notre chemin, une fenêtre dévoile
          Ce dome sur la colline qui ferme l'horizon.
          Mon compagnon s'arrête, admire, c'est génial :
          " Est ce une Mosquée ?", dit-il. Il pense "guérison" !

          Je suis vraiment navré, ma réponse le peine.
          "C'est un Observatoire" . . . il ne m'écoute plus !
          Un si beau "Marabout"(2), comme en terre africaine,
          Il marche, il rêve, il prie, le reste est superflu !

          Je lui souhaite "Inch Allah", quand, le surlendemain,
          Ma "croisière" s'achève. On se quitte à l'escale.
          L'empathie des malades, ce sentiment humain,
          Nait naturellement d'un "lien" chirurgical !
         
Hugues JOLIVET             
1 juillet 2017             



Blanches colombes et bains de sang
Publié par Abbé Alain Arbez le 26 mai 2018
Envoyé Par Mme Eliane Saurel

          Le mot « paix » est instrumentalisé et fonctionne à géométrie variable. Sans complexes, la propagande islamiste (soi-disant « religion de paix ») met en avant le salam coranique comme seul avenir du monde…

          De manière plus générale, voici une idéologie qui se permet d’avoir les coudées franches dans le relativisme ambiant : le pacifisme, pétri de belles intentions et issu de péripéties multiples, est devenu le faux nez d’obscurs projets à l’échelle planétaire !

          En 1915, dans un empire ottoman en déclin, 1 500’000 chrétiens arméniens furent victimes d’un atroce génocide planifié par les Turcs. Les belles âmes des nations européennes furent étrangement silencieuses devant ces massacres, ce qui 35 ans plus tard fut ressenti comme un encouragement par Hitler déclenchant la solution finale. (Wer redet noch von der Armenier ?)

          En 1917, en Russie, ce sont les pacifistes qui organisèrent le déclenchement d’une guerre civile donnant naissance à une Union des républiques socialistes soviétiques, avec ses innombrables victimes, ses goulags et son rouleau compresseur impitoyable. Résultat : cent millions de morts, avec une persécution généralisée du christianisme dans toute la zone d’influence communiste et une emprise hypnotique sur la classe ouvrière et ses porte-paroles en Europe et dans le Tiers-Monde.

          Dans les années 30, les pacifistes d’Europe et des Etats Unis manifestaient vigoureusement en exigeant qu’on renonce aux armes. Mais dans le même temps, l’Allemagne nazie faisait tourner à plein régime ses usines d’armement pour préparer ses agressions. En 1938, les pacifistes applaudirent le pacte germano-soviétique, fomenté par Hitler et Staline, paraît-il pour éviter la guerre… Et en 1940, les mêmes pacifistes encourageaient les Français à accueillir les troupes étrangères. Comme aime à le rappeler Zemmour, la majorité des collabos de Vichy venait de la gauche pacifiste. A Paris, les manifestants vociféraient « contre le militarisme » et revendiquaient la paix … en fin de compte, la pax germanica du Reich. Puis la conflagration de la 2ème guerre mondiale imposa cinq années terribles à la population européenne, avec les bombardements, les exactions, les privations, les exterminations massives. En particulier par la mise en oeuvre à échelle industrielle d’une éradication féroce du judaïsme européen : 6 millions de morts.

          En 1950, des activistes de nombreux pays manifestaient « pour la paix en Indochine », alors même que les soldats mouraient en grand nombre sur le terrain sous les attaques coordonnées du Viet Cong. Les campagnes pacifistes invoquèrent les grands principes humanistes, permettant ainsi à l’offensive communiste de progresser en Asie. Mais aussitôt après le retrait américain et français, le Viet Nâm connut la dictature, les camps de rééducation et les massacres de masse.

          En 1960, on manifestait à grande échelle « pour la paix en Algérie », et les intellectuels de gauche (enseignants, artistes, journalistes) apportaient leur appui aux égorgeurs de femmes et d’enfants et aux poseurs de bombes. Les accords d’Evian, signés avec la plus sanguinaire des factions algériennes, le FLN, furent chaleureusement applaudis. Et ce furent les massacres de civils européens, les tortures, l’exécution sauvage de 150 000 Harkis, le retour en métropole de familles pieds-noirs dans des conditions désastreuses…

          Dès 1968, de grands mouvements de foule s’organisèrent aux cris de « paix au Viet Nâm » et « paix au Cambodge ». Le camp de la paix, c’était le parti communiste de Ho Chi Min et de Pol Pot ; et l’ennemi, les Etats Unis. S’ensuivirent des millions de morts, un génocide atroce, des déplacements massifs de populations, des tentatives de fuite désespérées. Il n’y eut pas le moindre message de solidarité pacifiste envers les innombrables victimes…

          Lorsque la Turquie occupa militairement le nord de Chypre, les pacifistes restèrent silencieux. Les Kurdes massacrés par les Turcs ne suscitèrent non plus aucune réaction pacifiste. Les Tibétains réprimés par la Chine ne trouvèrent guère plus d’écho.

          Durant la plus longue guerre d’Afrique, celle du Soudan, où, pendant 18 ans, 2 millions de chrétiens et animistes du sud furent massacrés par les musulmans de Khartoum, on n’entendit jamais un seul appel des pacifistes. Idem lors du massacre en l’an 2000 de milliers chrétiens des Moluques et de Sulawesi par les islamistes indonésiens. Rien sur les exactions islamiques contre les chrétiens du sud des Philippines et contre les bouddhistes du sud de la Thaïlande. Idem lors du nettoyage ethnique anti-blancs par Mugabe au Zimbabwe. Même silence lors de la répression des Kabyles par le gouvernement d’Alger, ainsi que face aux 250’000 civils assassinés dans le bled par les factions islamistes algériennes.

          En revanche, les pacifistes appuyèrent bruyamment le bombardement de Belgrade par l’OTAN, sans aucune considération pour le rôle décisif et exemplaire des Serbes durant la résistance face aux positions nazies en 1944. L’appui des altermondialistes fut total lors de l’autodéclaration d’indépendance par les musulmans du Kosovo, berceau de la culture orthodoxe serbe.

          Mais les pacifistes ne rateraient surtout aucune manifestation propalestinienne, où s’agitent les bannières multicolores « pace » parmi celles, noires et vertes, du Hezbollah et du Hamas ! Des pacifistes nullement dérangés par les hurlements appelant au jihad, et par les slogans de « mort aux juifs » criés dans l’espace public. Le mouvement pacifiste (ou altermondialiste) engagé en faveur d’une Palestine judenrein, s’est ainsi focalisé sur un refus obstiné de voir les juifs revenir sur leurs terres ancestrales, tandis qu’il facilite en Europe les flux migratoires islamiques sans aucune régulation. Le mouvement pacifiste exige des pays occidentaux la distribution automatique de papiers à tous les clandestins venus d’Afrique et d’Orient.

          Alors que durant les dernières décennies, les chrétiens du Proche Orient furent systématiquement attaqués, spoliés, déportés, massacrés, au point de devenir des petites minorités assiégées dans leur propre pays, jamais on n’entendit le moindre murmure réprobateur des mêmes militants de la paix !

          Comment se fait-il que les pacifistes, portés aux nues par les milieux artistiques, les enseignants et les journalistes, aient été autrefois des alliés objectifs de la dictature communiste, de la barbarie nazie, et aujourd’hui, de la propagande islamiste dont les exploits sanglants s’étalent jour après jour dans les médias?

          Le métissage culturel est le nouveau paradigme et il prépare – sous des prétextes pseudo-artistiques – la disparition progressive des traditions occidentales authentiques. Lors des grands mouvements migratoires musulmans vers les pays européens, les pacifistes et altermondialistes sont en première ligne pour promouvoir la dévalorisation des populations autochtones dans les opinions publiques. Adeptes de la culpabilisation occidentale en repentance permanente, les mêmes partisans de « la paix » et du « sans frontières » refusent rageusement toute référence aux racines judéo-chrétiennes des nations européennes.

          On sait à quel point le mot « paix» est sujet à caution. Ambivalent, il change de sens selon les systèmes politiques… L’anthropologie en est la clé essentielle. Il suffit de voir la différence de signification religieuse entre le shalom biblique (ouvert à tous les humains) et le salam coranique (réservé aux seuls musulmans et donc totalitaire envers les autres). Les conséquences sociétales que cela génère à tous les niveaux sont considérables.

          Les pacifistes se parent de principes qu’ils proclament incontestables et universels. Au nom d’une soumission idéologique opaque, ils travaillent à la destruction des bases civilisationnelles les plus éprouvées et accélèrent le remplacement de populations. Ils rendent ainsi par leurs campagnes et leurs opérations de boycott l’avenir toujours plus fragile et menaçant. D’autant plus que les sous-cultures qui se développent produisent un être humain « hors-sol », sans racines, manipulable à volonté.

          Coupée de toute base réelle, c’est avec les illusionnistes pacifistes que la paix est la plus compromise. La mode du sans frontières se présente généreusement comme ouverture et accueil, alors qu’en réalité le nivellement par le bas poursuit son œuvre délétère. Ce n’est pas la banquise qui est en train de fondre, c’est la colonne vertébrale historique des peuples européens qui disparaît. Profitant de l’amnésie spirituelle qui gagne les esprits, les idéologues pacificateurs se font fossoyeurs.

          « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix, je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Ne soyez ni perturbés, ni angoissés… » (évangile de Jean 14.27)

          Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, commission judeo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.
           


" Bottom up " ou croche-pied USA ?
Par M. Robert Charles PUIG


            Emmanuel Macron croyait, durant ses trois jours américains, avec son indécrottable baraka faire plier Donald Trump sur les différents internationaux les séparant et principalement le dossier iranien sur le nucléaire.
            Il s'est trompé. Trump est un entrepreneur qui a des convictions bonnes ou mauvaises, mais ses idées priment sur celles de ses autres partenaires ou opposants. Macron, extrait du système banquier en essuie les plâtres dans leurs entretiens. Nous avons deux caractères bien trempés qui s'affrontent, savent avant tout maintenir leur point de vue et ne pas déroger à leurs idées. Dans ce jeu, Donald Trump démontre que son métier de chef d'entreprise, le faisant une des grandes fortunes entrepreneuriales dans le bâtiment, ne se laisse pas avoir par les " congratulations " françaises et Macron boit sa tasse amère de thé sans sucre.
            Nous avons là l'essentiel de la vision macroniste qui estime que la volonté orgueilleuse qui l'accompagne peut vaincre toutes ses oppositions. Il se trompe et porte sur son visage aux USA les stigmates de son échec face à Trump.

            En résumé, il n'y a qu'en France, par le jeu d'un hasard judiciaire au temps des élections et avec un minimum de voix en sa faveur qu'il est président de la République... mais pas de tous les français, ce qui à priori est de sa part une douce illusion entretenue par son parti des fans " En marche ! ".
            Nous ne pouvons pas aujourd'hui estimer ce que demain nous promet, mais les événements que traverse le pays ne sont pas l'atout maître du pouvoir macroniste. Cela demande à réfléchir sur notre futur qui pour le moment, en dehors des grèves, ne nous présente qu'un horizon bordé d'impôts.
            Comme le disait le Roi à Chimène, dans le Cid de Corneille : " Laissons du temps au temps ! ", mais en avons-nous du temps pour construire une France forte et surtout débarrassée de ses miasmes humanistes qui l'étouffe et en fait une proie à portée du salafiste envahisseur ? Le pays est infesté de zones de non-droit dans certaines cités et Toulouse en est un nouvel exemple. De plus, Notre Dame des Landes est le dernier espace où le droit et l'ordre ne sont plus respectés ! A quoi sert ce pouvoir politique actuel du " En même temps " de la droite molle et de la gauche multiple qui ne sait plus gouverner, prendre ses responsabilités et donner une image forte de notre pays à l'étranger ?
            En attendant, le macronisme qui avait commencé le " bradage " des fleurons français bien avant l'élection présidentielle, continue son dépouillement de nos valeurs industrielles et commerciales... Après Alsthom et les aéroports il semble que des forces obscures, pour des raisons mercantiles s'attaquent au groupe Bolloré. Il n'est pas à plaindre, mais c'est le seul groupe français qui a constitué un vrai patrimoine économique en Afrique. Il tient divers secteurs dont les terminaux de différents ports primordiaux dans les échanges interrégionaux.

            Les principaux : Cameroun, Côte d'ivoire et bien d'autres. Voilà l'entreprise attaquée après avoir obtenu des contrats juteux avec la Guinée et le Benin il ya quelques années. Qui s'en prend à ces documents bien longtemps après leurs signatures ? Qui tout à coup réveille une justice en sommeil ?
            Bolloré n'est pas un personnage à plaindre, mais la France a tellement perdu de marchés en Afrique francophone depuis des décennies. Dans les transports où " Berlier " a été éliminé par les voitures japonaises ; dans le commerce où la Chine nous supplante : bois, café, cacao, coton... et surtout le bâtiment ! Nous sommes évincés du monde de l'entreprise sauf celui des guerres et de nos militaires morts sur ces terrains minés que sont le Mali, le Centre Afrique et les régions environnantes. Quelle mouche Tsé-tsé a piqué nos tribunaux pour ouvrir un dossier sur des événements anciens ? Rien ne se gagne en Afrique sans bakchich. C'est une règle, une loi et un des plaisirs des palabres africaines mais dans ce cas qui est le meneur de jeu ?
            Y a-t-il quelque part un " Cercle " puissant, international, diffus dans ses actions et qui joue la carte de la destruction d'un des leurs pour changer la donne ? Pour déstabiliser un peu plus la France industrielle et économique ?
            En Europe, l'Allemagne ou la Grande Bretagne ?
            N'y-a-t-il pas surtout la Chine qui est le principal envahisseur de l'Afrique et laisse la France guerroyer pour imposer une certaine démocratie en péril mais profite de cette situation pour ramasser les marrons du feu et devenir les maîtres du commerce, des BTP et la construction immobilière comme en Algérie, et de l'industrie africaine en avançant ses pions au détriment d'un quelconque engagement politique sinon celui du business ?
            La France mérite mieux, mais sait-elle encore faire ?

Robert Charles PUIG / Avril 2018       
      

L'insectarium d'Alger à la pointe de la lutte contre les ravageurs
Envoyé par Mme Nicole Marquet

            Les meubles en bois vernis ont 90 ans et les étiquettes de certaines boîtes sont écrites à la plume, mais avec sa collection "inestimable" de 8.000 espèces assemblée depuis presque un siècle, l'insectarium d'Alger reste un outil de pointe contre les ravageurs des cultures.

            "C'est une collection très riche, inestimable, c'est un patrimoine national et un héritage", souligne auprès de l'AFP Chérifa Zouai, directrice du laboratoire central de l'Institut national de la protection des végétaux (INPV).

            Créé par le colonisateur français dans les années 1920 au sein du Jardin d'Essai, vaste jardin botanique alors déjà presque centenaire au coeur d'Alger, l'insectarium a rejoint en 1975 les locaux de l'INPV, au milieu d'un parc de huit hectares planté de pins et d'oliviers.

            Les vitrines en bois massif et les tiroirs d'origine ont suivi, comme les milliers de boîtes dans lesquelles sont alignés acridiens, lépidoptères et coléoptères, parfois encore sous la forme de cocon, chrysalide ou chenille.

            Gardée comme une relique, la boîte la plus ancienne a été fabriquée en 1924 par un des initiateurs de la collection, André Lepigre (1902-1982), jeune ingénieur agricole français féru d'entomologie, qui deviendra plus tard le directeur de l'Insectarium.
            Elle contient toujours son hôte d'origine, un Papilio Podalirius, papillon communément appelé "Flambé" en raison de bandes noires sur ses ailes.

            Dans la banlieue Est de la capitale, l'INPV est le gardien de la santé des végétaux et des cultures en Algérie. Il contrôle les cargaisons agricoles et de bois importées, les semences, surveille les ravageurs (insectes, mais aussi rongeurs ou oiseaux...) et est chargé de prévenir leurs attaques, dont celles, destructrices, des criquets l'été.

            "Patrimoine et héritage"

            Malgré ses atours surannés, la collection de son insectarium constitue pour l'INPV une précieuse base de données des fléaux susceptibles de s'abattre sur les plantes et cultures algériennes.

            Identifiés, étudiés, répertoriés, classés et soigneusement conservés à une température constante de 16°C, on y trouve les représentants de 3.800 genres et 399 familles d'insectes, collectés depuis presque un siècle à travers l'Algérie et chez ses voisins du Maghreb et du Sahel et dans certains pays d'Europe, explique Chérifa Zouai.
            Depuis 90 ans, la collection permet d'identifier rapidement, en les comparant aux spécimens, tout insecte ravageur découvert dans une cargaison agricole, dans des semences ou dans un champ.

            Chaque insecte de la collection est référencé à ses différentes étapes de vie - oeuf, larve, nymphe, imago (stade adulte) - afin "de comprendre la nature et la quantité de leur nourriture, afin de mettre un terme à leurs nuisances", explique Fatiha Ben Abderrahmane, chef du service Entomologie à l'INPV.
            Tous les pensionnaires des tiroirs de l'insectarium figurent dans un vieux registre à la reliure élimée, que feuillette avec précaution Chérifa Zouai: "C'est un recueil et un inventaire de toute la collection", explique-t-elle.

            Les premières pages portent des dates des années 1930 et sont recouvertes de l'écriture à l'encre bleue de Lepigre qui y consignait les informations relatives aux spécimens qu'il capturait ou qu'on lui envoyait depuis toute l'Algérie.

            Coccinelle contre cochenille

            Non loin des tiroirs où reposent ces insectes séchés, des incubateurs en abritent des milliers d'autres, bien vivants, élevés pour servir d'armes de "lutte biologique". Une technique, dont l'insectarium d'Alger fut un pionnier, qui consiste à utiliser des organismes vivants comme "pesticides" contre les ravageurs.

            Dès 1925, un jeune entomologiste français de l'insectarium et futur grand nom de la discipline, Alfred Balachowsky, sauve des palmeraies du Sahara algérien ravagées par une cochenille, en élevant, puis en relâchant sur place une coccinelle, sa prédatrice naturelle. Une méthode toujours utilisée de nos jours.
            Chaque "incubateur" - de grandes pièces, elles aussi maintenues à une température constante - abrite une espèce différente, certaines difficiles à percevoir à l'oeil nu, qui bourdonnent, volent ou rampent autour de plantes qu'ils colonisent.

            Quand un ravageur est détecté et identifié dans une culture, si les scientifiques disposent d'un prédateur naturel connu, une colonie est alors relâchée sur la zone contaminée et s'attaque naturellement à l'intrus, explique Hafsa Harkat, experte en lutte biologique à l'INPV.
            "On ne peut pas s'empêcher de voir cette collection en se disant que si" Lepigre et Balachowsky "étaient là, ils seraient bien contents de voir leur travail (...) resté intact" se poursuivre à l'INPV, se félicite Chérifa Zouai.

25/04/2018 19:35:27 - Alger (AFP) - © 2018 AFP



LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.

             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens d'ajouter Petit, Clauzel, Guelât Bou Sba, Héliopolis, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.

             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Duvivier, Duzerville, Herbillon, Kellermann, Milesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Penthièvre, Randon, Kellermann et Millesimo, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :

CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net
             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 


NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers

LA MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT À ANNABA

Envoyé par Roland
https://www.liberte-algerie.com/est/le-massif-de-ledough-classe-parc-national-293469

Par Libert-Algérie 24/05/ 2018   l Par M. B. BADIS

Le massif de l’Édough classé Parc national

             Elle a appelé à protéger le lac Fatzara de la pollution industrielle et urbaine.

             Le projet de classement de la région luxuriante de l’Édough de Annaba en Parc national, dont l’étude terrestre et maritime est effectuée par le Genbi, a été adopté, avant-hier, à Annaba, par la ministre de l’Environnement et des Énergies renouvelables, Mme Fatima-Zohra Zerouati, en visite de travail d’une journée.
             Par ailleurs, lors d’une tournée au nouveau pôle urbain Kalitoussa de Berrahal, la ministre a appelé les responsables du secteur à mettre tous les moyens susceptibles de protéger le bassin du lac Fatzara, qui est confronté chaque jour à plusieurs polluants industriels et urbains émanant principalement des trois communes de Berrahal, El-Eulma et Chorfa.
             La calamité est engendrée par certaines usines privées de la zone industrielle de Berrahal et notamment par les stations-services implantées aux abords de la RN44. Aujourd’hui, le danger est imminent, surtout lorsqu’on sait que des agriculteurs ont signalé avoir découvert, après le recul des eaux du bassin, des bidons pleins d’huiles usagées. Cette agression envers la nature n’est pas sans provoquer un déséquilibre à l’environnement et au cycle d’évolution de la nature de la région de Annaba, prolongée par le parc naturel d’El-Kala (El-Tarf) et la zone humide de Guerbez (Skikda), et qui renferme un immense patrimoine de faune et de flore, très varié.

             Les conclusions d’une enquête signalent que la totalité des eaux résiduelles des entreprises et stations de lavage, sont jetées au lac Fatzara sans être épurées, avec le silence complice d’associations dites de protection de l’environnement. Devant cette situation urgente, la ministre a invité les responsables à opter dans les meilleurs délais pour la réalisation de bassins d’épuration des eaux usées ou un centre de traitement des eaux usées. Le lac Fatzara a été classé, en 2006, zone Ramsar.

             La classification de ce site naturel est intervenue à l’issue des visites sur ce site, effectuées il y a quelques années par des experts en la matière et qui ont jugé cette étendue d’eau naturelle “d'excellent site d'accueil, en période hivernale, d'une avifaune nicheuse composée souvent d'espèces rares et protégées”. Selon une étude menée récemment, plus de 100 000 oiseaux voyageurs, dont 55 000 de différentes espèces, ont été recensés durant la période de niche. Cette visite coïncide avec la commémoration de la Journée internationale de la diversité biologique célébrée le 22 mai de chaque année. Le thème choisi est : “Célébrer les 25 ans d’action pour la biodiversité” et avec pour slogan “Sauvegarder la vie sur terre”. Dans la matinée, la ministre a visité, à Sidi Salem, le projet d’aménagement du cours de cette cité qui longe la mer. 7 kiosques y figurent. La somme de 59 millions de dinars a été consacrée pour cette réalisation. Les travaux ont débuté en avril 2016 et doivent durer 18 mois. À Séraïdi, 2e étape de sa sa visite, Mme Zerouati, s’est enquise du projet de l’éclairage public avec l’apport des plaques photovoltaïques qui a intéressé la ministre, une énergie propre et qui doit se généraliser à travers le territoire national.
             Intervenant au Palais de la culture où une exposition de photos se rapportant à la nature organisée sous l’égide de GIZ, la ministre a tenu un discours dans lequel elle a attiré l’attention sur les graves dangers représentés, notamment par le changement climatique.
B. BADIS           


ALORS QUE SON PRIX EST INABORDABLE

Envoyé par Georges
https://www.liberte-algerie.com/est/jijel-celebre-la-fete-du-poisson-292361


Liberté-Algérie   l Par M. RAYAN MOUSSAOUI - 07/05/ 2018

Jijel célèbre la Fête du poisson

         C’est à l’hôtel Bouhanche près de la côte d’Ouled Bounar que s’est déroulée la 11e édition de la traditionnelle Fête du poisson, organisée samedi après-midi par l’association Essafir et la direction du tourisme.
         Au total, 23 participants issus de 3 wilayas, à savoir Jijel, Tizi Ouzou et Aïn Témouchent, ont pris part à cette manifestation culinaire et culturelle. Comme à l’accoutumée, des dizaines de plats préparés à base de poisson ont été exposés par des cuisiniers professionnels et amateurs.

         Venus en famille ou en groupe d’amis, les visiteurs ont fait la découverte des plats faits à base de richesses halieutiques que recèle la côte du Saphir bleu. Bien que le poisson demeure inabordable, plusieurs variétés ont été présentées sous différentes formes.
         Le couscous noir à la bonite (tradition typiquement jijélienne), la dorade au four, la crevette, la sardine grillée et autres plats culinaires ont fait la joie des visiteurs qui ne pouvaient pas s’empêcher de goûter discrètement. Un jury pluridisciplinaire composé de représentants de plusieurs directions a fait la tournée des stands pour désigner les lauréats de la compétition.

         Le prix du meilleur cuisinier professionnel a été remporté par le restaurant El-Foursane de Jijel, suivi de l’Institut du tourisme de Tizi Ouzou et du motel Sultani de la même ville. Pour ce qui est de la catégorie amateur, la palme est revenue à l’association des handicapés moteurs Ettahadi (le défi) de la commune de Sidi Abdelaziz de Jijel, suivie de l’association caritative Cœliaque et l’association artistique les Ponts de l’innovation.
         Le but de cette fête, qui revient chaque année, est de valoriser les richesses de la côte algérienne, promouvoir le secteur de la pêche et faire connaître le talent des ménagères et des chefs cuisiniers qui veulent prospérer, a-t-on fait savoir sur les lieux de l’activité. Cependant, un nombre important de visiteurs ont qualifié cette tradition coûteuse de paradoxale, puisque le prix du kilo de n’importe quel poisson n’est pas à la portée des petites bourses. “On n’est pas là pour la fête, mais juste pour manger du poisson”, diront des jeunes qui attendaient la clôture de l’évènement.

             Et de continuer : “À Jijel, personne n’arrive à se payer du poisson, on se demande bien de quelle fête parlez-vous ?” En effet, force est de constater que les variétés de poissons exposées sont rarement croisées dans les poissonneries de Jijel, sinon elles sont cédées à des prix exorbitants.
RAYAN MOUSSAOUI           


LA PLUS GRANDE TARTE AUX FRAISES AU MONDE

Envoyé par Antoine
https://www.liberte-algerie.com/radar/jijel-se-fait-une-place-dans-le-livre-guinness-des-records-292947

Liberté-Algérie  Par - RUB RADAR 16/05/ 2018

Jijel se fait une place dans le Livre Guinness des records

           Les pâtissiers stagiaires du centre de formation professionnelle d’El-Aouana se sont donné rendez-vous, lundi, à la salle omnisports Abdelkader-Aberkane de Jijel pour la confection d’une tarte aux fraises “géante”. À cet effet, 30 jeunes pâtissiers ont passé 9 heures à travailler d’arrache-pied en présence d’un huissier de justice afin de réaliser ce chef-d’œuvre préparé à base de fraises.
         L’équipe de l’association des agriculteurs a équeuté et nettoyé plus de 400 kg de fraises pour les besoins de préparation de ce gigantesque dessert.

           Le pari a finalement été gagné en fin de journée en confectionnant une tarte feuilletée de 47,74 m2 pour une dimension de 15,40 m x 3,10 m, ce qui a permis à Jijel de détrôner la commune de Lapeyrouse-Fossat dans la ville Toulouse (France) qui détient depuis 2012 le record de la plus grande tarte aux fraises mesurant 22,66 m2.
          
Rub Radar           



Tamanrasset et Skikda

Envoyé par Etienne
https://www.lesoirdalgerie.com/actualites/reddition-de-huit-terroristes-en-48-heures-5562


Le Soir d'Algérie   Par A. Maktour - 24/05/ 2018

Reddition de huit terroristes en 48 heures

           Le mouvement de redditions de terroristes observé depuis la seconde moitié de l’année dernière, particulièrement dans le Grand Sud du pays, prend parfois des allures à donner le tournis à n’importe quel analyste ou observateur avéré de la question sécuritaire, du cas algérien singulièrement.
        
           Si les semaines se suivent et se ressemblent depuis plusieurs mois sur le plan de la lutte antiterroriste, avec des redditions d’éléments armés qu’on ne compte plus, ces toutes dernières quarante-huit heures ont été pour le moins riches en informations faisant état de terroristes s’étant rendus aux autorités militaires. Ainsi, hier en début d’après-midi, le ministère de la Défense nationale informait, à travers ses différents canaux de communication, que quelques heures plus tôt, dans la matinée, cinq terroristes avaient décidé de faire acte de reddition.

         En fait, ce sont d’abord trois éléments armés de kalachnikovs qui se sont rendus aux autorités militaires de Tamanrasset alors que les deux autres, eux également armés de kalachnikovs, se sont constitués prisonniers à Skikda. Ainsi, selon le communiqué du MDN, à Tamanrasset, Gharbi Ahmed, qui avait rallié les groupes terroristes en 2015, Ghedir Abdenasser, lui aussi terroriste depuis 2015, et Amari Lazhar, qui les a rejoints une année plus tard, ont tous les trois décidé de mettre fin à leur carrière.

         Quant aux deux derniers terroristes venus, toujours hier, allonger un peu plus la liste de ceux qui ont déposé les armes, ils ont pour nom Merabet Rabah, alias Chouaïb, et Boukhalfa Hocine, connu sous le pseudonyme de Chorahbil, et tous deux traînent derrière eux seize années dans les groupes terroristes.

           Cinq nouvelles redditions venues s’ajouter donc aux trois enregistrées vingt-quatre heures plus tôt à Tamanrasset, tous en possession d’armes de guerre, des kalachnikovs et une mitrailleuse lourde PKT.
           Selon un pré-bilan établi par les services du MDN, depuis le début avril à hier, ce sont pas moins de 24 terroristes qui se sont rendus, pour la plupart aux autorités militaires de Tamanrasset.
           Il est évident que cette vague de redditions est à lier à la tournure prise par la lutte antiterroriste au sud du pays, depuis la mise en place de l’impressionnant dispositif le long d’une grande partie de nos frontières. Un dispositif qui a fini par limiter presque intégralement les capacités de mouvement des terroristes dans ces vastes contrées aux portes du Sahel, d’une part, et de la tourmentée Libye, d’autre part.
Az. Maktour                      



MESSAGES
S.V.P., Lorsqu'une réponse aux messages ci-dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la Seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,

cliquez ICI pour d'autres messages.
sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura



De M.

        

        
         Mon adresse est, (cliquez sur) :




De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
    Diaporama 110                                          Lieutenant Bleuberet 11
    Diaporama 111                                          Diaporama 112
    Diaporama 113                                          Aéro-club-algerie
    Diaporama 114                                          Diaporama 115
    Diaporama 116                                          Diaporama 117
    Diaporama 118                                          Diaporama 120
Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : jarrige31@orange.fr



DIVERS LIENS VERS LES SITES

M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site au 1er Mai 2018
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
http://piednoir.fr/guelma



CLIQUEZ ICI pour d'autres messages.


CLIC -CLAC  
Envoyé par Eliane

       C’est un homme plutôt mal habillé qui déambule sur les Champs-Élysées.

       Soudain, une grosse Mercedes s’arrête à sa hauteur et la vitre arrière se baisse, Il regarde à l’intérieur et reconnaît un ami d’enfance, c'est EMMANUEL !!
       EMMANUEL le reconnaît également, sort de la limousine et demande à son chauffeur de l’attendre.
       Il prend son ami par le bras et lui propose de faire quelques pas ensemble.
       L’homme lui dit : – Je vois que tu as bien réussi dans la vie.
       – Oui ca va pas mal, et toi ?
       Moi je dois dire que ça ne va pas très fort en ce moment.

       Pendant qu’ils marchent, EMMANUEL est intrigué par un « clic-clac » qui se fait entendre à chaque pas que fait l’autre.
       – C’est quoi ce « clic-clac » ? lui demande-t-il.
       – C’est la semelle d’une de mes chaussures qui c’est décollée et aujourd’hui je n’ai pas les moyens de m’en payer une autre paire.
       Attends je vais te dépanner lui dit l'EMMANUEL.
       Celui-ci sort de sa poche une grosse liasse de billets de 500 € entourée d’un élastique.
       Il retire l’élastique, le donne à son ami et lui dit :

       – Tiens ! Mets l’élastique autour de ta chaussure, comme cela ça ne fera plus « clic clac ».

       LES AMIS NE SERAIENT PAS TOUJOURS CEUX A QUI L’ON DOIT S’ADRESSER ?



Si vous avez des documents ou photos à partager,
n'hésitez-pas à nous les envoyer. D'avance, Merci.

                 EN CLIQUANT. ===> ICI


Notre liberté de penser, de diffuser et d’informer est grandement menacée, et c’est pourquoi je suis obligé de suivre l’exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d’information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d’expression, tel qu’il est reconnu par la Résolution 59 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d’expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».


Numéro Précédent RETOUR Numéro Suivant