N° 181
Mars

http://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Mars 2018
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
http://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO
   LE PIRE MOIS DE MARS, EN 1962   

        Chers Compatriotes, Amis et Amies de la Seybouse

        Mars 1962, le mois ou la vie reprend forme après un hiver calamiteux ; Mars avec le début du printemps aurait du être le mois de l'espoir pour la paix.
        Hélas, ce mois de mars a été le début de la fin de tous les espoirs et de la fin tout court pour des milliers de P.N. et Harkis.

        En effet, la France a trahi l'espoir de vivre enfin en paix sur cette terre de sueur. Elle a trahi par son " sauveur, son maître " avec la signature unilatérale des fameux Accords " Déviants " le 18 mars. Oui unilatérale car le FLN et ensuite le gouvernement Algérien n'ont jamais signé, reconnu, honoré ces accords, au contraire, ils les ont toujours reniés jusqu'à présent, sauf, sauf.. pour des revendications nouvelles qui les arrangent.

        Mais ce n'est pas tout pour ce mois de mars 62, le Traître, le Félon, a montré sa "fatche" de grand criminel du 23 au 26 mars à Alger avec, sur ses ordres précis, les bombardements de Bab-El-Oued et la fusillade de la Rue d'Isly. Fusillade ou plutôt exécution publique de civils P.N. qui manifestaient paisiblement, sans armes pour le déblocage de Bab-El-Oued, Des centaines de blessés et de Morts, qui pour la plupart ont été enterrés à la va vite dans des fosses communes.
        Le faux Général sanguinaire, a continué, encore pendant les mois suivants, à faire traquer et tuer des civils, trop souvent avec des tortionnaires qu'il avait amené en Algérie. Les fameux barbouzes, un " bagali " de voleurs, criminels, assassins, qui commettaient même des attentats, des vols en les revendiquant au nom de l'OAS.

        Il ne faut pas oublier le 5 Juillet à Oran, avec des milliers de morts, qui est encore à mettre au crédit du plus grand falsificateur de l'Histoire, du plus grand assassin Français depuis 1915.
        Oui, 1915, après avoir fait tuer une bonne partie de son détachement, il s'est rendu lâchement aux allemands qui pour cette lâcheté ne l'ont jamais autorisé à garder et porter son sabre comme c'était la tradition pour les officiers.
        En 1939/40, il a abandonné ses troupes pour aller chercher un poste politique qu'il a ensuite lâchement abandonné. Les bombardements de Madagascar, de Toulon et de Mers el Kébir ont été fait avec son aval. Combien de morts dans tout cela pour le plus grand des " français " ? Des milliers !

        Et voilà qu'un an plus tard en mars 1963, il en remet une couche avec l'Assassinat de Bastien Thiry.
        Nous Pieds-Noirs, nous ne pouvons pas oublier ces crimes d'Etat gratuits commis par une pourriture (il pourri dans sa tombe) et nous devons avoir une pensée aux dates anniversaires pour tous ces innocents.
Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,
        A tchao.
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Homélie de Mgr Jean-Yves Molinas

        Frères et sœurs pieds-noirs, chers amis,

        Il y a cinquante-cinq ans, alors que s"amorçait le dernier printemps de l'Algérie Française - mais pouvions-nous alors le croire ? - Alger allait vivre le jour le plus horrible de son histoire. Jour de violence, jour de cruauté, mais surtout jour où le " crime d'état " allait marquer de son sceau la trahison dont notre peuple allait être la victime.

        Depuis cette date et l'exode qui s"en est suivi, nous vivons, nous les Pieds~Noirs et les Harkis, dans l'espérance mille fois déçue d'une reconnaissance de ce que fut notre histoire. Sachons bien que si nous n'avions pas persévéré dans le combat pour la sauvegarde de notre mémoire, aujourd'hui nous n'existerions plus. Non seulement nous n'existerions plus mais, d'une manière définitive, l'histoire de l'Algérie française serait relégué dans les coins les plus sombres de l'histoire de France, et avec elle l'honneur de nos aïeux, de nos soldats ; celui aussi des fusillés du 26 mars 1962, des victimes des massacres qui ont ponctué le long chemin de croix de cette guerre sans nom, et de tous ceux qui ont donné leur vie et souvent leur sang pour l'édification d*un monde nouveau.

        Or, ce que nous constatons aujourd'hui c'est que l'oubli dans lequel on veut nous enfermer ne suffit pas à certains. Il faut la diffamation, le travestissement grossier de l'histoire pour continuer une basse besogne qui semble ne pas être achevée. Et l'on va donc parler de la colonisation comme d"un crime contre l'humanité. Une telle insulte infamante ne concerne pas seulement la politique d'une époque donnée, elle atteint tous ceux qui ont travaillé pour la venue au monde de pays nouveaux et d'énergies nouvelles. C'est à dire que ce mensonge salit la mémoire de nos ancêtres et chacun de nous personnellement si nous voulons rester fidèles à l"oeuvre qu'ils ont accomplie.

        Et ne soyons pas dupes. En effet, si de telles paroles peuvent être prononcées, et dans le conteste que l'on connaît, c"est que leur auteur en a mesuré les risques. N*est-il pas persuadé finalement qu'une grande partie de nos concitoyens, pour ne pas dire la majorité d'entre eux, accepteront une telle mystification sans réagir ? Depuis plus de cinquante ans on ment à la France et aux français.
        Les consciences sont annihilées ou, au mieux, endormies. Le maréchal Juin avait déclaré face à l'abandon de l'Algérie : " La France est en état de péché mortel. Un jour elle aura à le payer. "
        Notre grand homme avait sans doute raison, mais je continue de croire, même au point ou nous en sommes, que la rédemption est toujours possible. Continuons donc de nous battre pour l'honneur et la mémoire de nos martyrs, pour le respect de notre histoire et pour le salut de la France, notre patrie. Ne perdons jamais courage ? Poursuivons le combat jusqu"au dernier d'entre nous en espérant que, d'une manière comme d'une autre, le relais sera passé à des générations de jeunes français qui auront à cœur de rétablir la vérité.

        Aujourd'hui nous prions pour les victimes de la rue d'Isly, sans oublier bien sur tous ceux qui sont tombés durant ces sept années de folie destructrice. Notre coeur se tourne vers la ville blanche ensanglantée en ce funeste jour du 26 mars 1962. Frères et sœurs pieds-noirs, chers amis, restons forts dans la foi et prions pour la France. Que Dieu sauve la France !
Mgr Jean-Yves Molinas
Le 26 mars 20i7, à Caraquet -Acadie - Nouvelle France

Ajacciens massacrés à Bône
Par M. Marc Donato

          "C'est un véritable massacre qui se déroule à Bône ce jeudi 23 mai 1816. De très bonne heure, la garde turque du dey d'Alger se rend au port pour procéder à l'arrestation des corailleurs dont le nombre est supérieur à deux mille, parmi lesquels cinq cents Ajacciens embarqués sur cinquante gondoles ; des Provençaux et des Napolitains sont également présents à cette saison de pêche d'été que l'on annonce exceptionnelle.
          Les pêcheurs refusent cette décision et opposent une résistance farouche aux hommes de la garde ; le premier homme tué est un Turc. II eut été alors impossible d'empêcher les Turcs de tirer vengeance de cet attentat. Les habitants de la ville se joignent à la garde et encerclent les pêcheurs qui, retranchés dans deux maisons, font "face de toutes parts". Le combat est violent : des coups de feu sont échangés, des blessures provoquées par des dagues, par des bâtons ferrés sont constatées."

          Santa Léonetti : Le drame des corailleurs corses massacrés à Bône (1817). In Le corail en Méditerranée. Ed. Alain Piazzola. 2004. C'était le jour de l'Ascension ;
          Les pêcheurs ne travaillaient pas et étaient donc regroupés.

          Pour les Ajacciens, les premières estimations font état d'une quarantaine de tués, les blessés par des armes tranchantes, des instruments contendants ou même par lapidation sont nombreux, emprisonnés (24 heures) avec beaucoup d'autres, sains et saufs. Ceux qui peuvent s'enfuir le font. Plus tard, quelques-uns resteront pour garder les armements. Les chiffres sont cependant soumis à caution et revus à la baisse par Santa Léonetti. Ils démontrent en tout cas l'abondance du corail et l'importance de sa pêche dans la région de Bône.

          Pourquoi ce déchaînement de violence ?
          Les corailleurs corses étaient armés, ce qui était illégal dans le royaume d'Alger et interdiction leur avait déjà été faite de ne pas porter d'armes ; injonction non respectée, d'où l'intervention de la garnison turque qui compta le premier tué, ce qui augmenta la fureur de ses compatriotes.

          Une autre cause est plus politique : les pêcheurs corses ont fait les frais d'une dissension entre la Régence d'Alger et l'Angleterre qui a l'autorité sur la pêche du corail sur les côtes d'Afrique. En effet, le 16 mai, quelques jours auparavant, l'Angleterre par la voix de ses représentants dans la Régence signifie qu'elle se considère en état de guerre contre elle du fait que cette dernière n'accepte pas les conditions demandées par la Cour de Londres relativement à la course barbaresque.

          Par ailleurs, les pêcheurs de corail doivent obtenir un permis de pêche des autorités anglaises et battre ensuite pavillon anglais. Le dey décide d'arrêter les consuls et, dans l'amalgame, on pense que les pêcheurs corses battant pavillon anglais sont à ranger dans le lot des sujets de sa Majesté. De plus, vu leur nombre et les armes dont ils disposaient, ils semblaient représenter un danger dans la mesure où ils auraient pu aider une escadre anglaise à se rendre maîtresse de la ville.
          Toute la flotte des "gondoles" rejoint Ajaccio qui compte ses morts et ses blessés. Ordre est donné par les autorités de ne plus délivrer de permis pour se rendre sur les côtes africaines.

          Au-delà du drame, c'est toute l'activité de la pêche du corail par les Ajacciens qui sera touchée et Santa Léonetti souligne même que cet événement sonne pour Ajaccio, le glas de la pêche au corail en Méditerranée.

          D'autres, les Napolitains en particulier, déjà présents avec les Corses à Bône, reprendront cette activité à leur compte et on sait l'importance qu'elle aura dans l'installation de familles italiennes à La Calle, Bône, mais aussi plus à l'ouest vers Philippeville et Stora.

M. Marc Donato          

Une histoire de corailleurs corses
lundi 29 février 2016

          Le Bastion de France fut un ancien comptoir français situé au Maghreb, près du village de Calle, proche de l'actuelle frontière tunisienne.

          Il a été établi au XVIe siècle par une famille de commerçants corses installée à Marseille.

          Il fut un temps sous le contrôle de la Compagnie royale d'Afrique qui faisait commerce des produits de la pêche, du corail, du blé et d'animaux d'Afrique du Nord, un commerce permanent entre Marseille et Alger.

          C'est Thomaso, fils de Lencio (2) de Morsiglia, fondateur de la compagnie du Corail qui installa le Bastion de France pour abriter ses pêcheurs entre La Calle et Bône (Annaba) et pour créer sur les côtes du Maghreb une épine dans le pied des corsaires barbaresques... Les tours construites sur le littoral corse, à coté des tours génoises, ne suffisant pas à endiguer les dangers et ravages, provoqués par la course des pirates barbaresques, que rencontraient les pêcheurs de corail.

          En 1550, le dey d'Alger accorde à Tomasino Lenche le droit de pêcher le corail rouge au Massacarès (1), près de Bône.
          Le Bastion fut donc un point d'appui. Il connut des vicissitudes, détruit en 1604 et reconstruit, à nouveau détruit en 1619, cédé au duc de Guise...

          Sansone Napoleoni de Centuri obtient en 1628, du dey d'Alger, la restitution du Bastion et, rapidement, le bastion et les autres bases ajoutées regroupèrent plus de 2 000 corses !

          L'activité commerciale de ce comptoir s'avère importante et son développement est spectaculaire : elle compte 250 pêcheurs répartis sur 50 navires. Le corail, qui alors se développait sous 10m d'eau, est pêché par chalutage : un gros râteau de bois, lesté de pierres, suivi d'un filet. Les profits dégagés le sont tout autant : la livre de corail se vend 6 livres tournois (un pêcheur gagne 12 sols par livre de corail pêchée, soit l'exacte moitié d'une livre tournois). Le corail est un produit de luxe utilisé en orfèvrerie (confection des chapelets par exemple). Il est utilisé comme monnaie d'échange aux échelles du Levant, surtout à Alexandrie, contre des épices et de la soie.




          Les Lenche diversifient leurs activités et deviennent des hommes d'affaires. Ils se positionnent comme des intermédiaires dans le commerce entre Alger et Marseille. Ils se lancent dans le trafic de contrebande pour approvisionner le dey en plomb, en fer et en armes (artillerie, poudre, munitions). En échange, ils reçoivent des chevaux arabes, des chiens, des faucons, et même une paire de lions, présents destinés au gouverneur de Provence.

          La famille Lenche fit fortune au XVIIe, et construisit à Marseille une immense bâtisse, détruite aujourd'hui. Elle était située place de Lenche, dans le Panier.

          Sous cette place il y a des caves (avec citernes) connues depuis l'antiquité ; elles n'ont pas livrées tous leurs secrets. Mais lors des dernières fouilles effectuées, du matériel pour bateaux (agrès et espars) a été identifié. Rien d'exceptionnel en somme pour des caves ayant appartenu à une famille de corailleurs...
          http://corserando.fr/spip.php?article52

          Mais cette opulence excite la convoitise. En 1633, Sanson Napollon est tué lors d'une attaque menée par les Génois et en 1637, une nouvelle offensive des Algérois, dirigée par Ali Bitchinin, général des galères, porte un coup fatal aux comptoirs français : Le Bastion de France, La Calle et les installations du cap Rose sont détruits. 317 corses sont faits prisonniers. Cela signe la fin de la tête de pont corse en Afrique.
          Sources : O Jehasse, Histoire de la Corse, Wikipedia, Musée d'Histoire de Marseille

          Le bastion comprenait :
          plusieurs magasins destinés aux bateaux (cuirs, agrès, réparation, avitaillement...)
          un hôpital,
          une paroisse,
          une mosquée,
          un directeur qui possédait un jardin arrosé par un puits, lequel était alimenté par le ruissellement des eaux de pluie sur la place d'armes,
          la plage des corailleurs où les bateaux étaient tirés quand le vent de NW soufflait frais et que les vagues entraient dans la baie,
          un moulin à vent équipé d'une couleuvrine, de 2 canons de 6 livres de balles (3kg), tournés vers les terres, d'un mât de signalisation où un pavillon blanc était envoyé à destination des bateaux qui voulaient entrer dans le port quand le vent de NW était frais, et que l'entrée de la passe, chahutée par les vagues brisant sur les récifs, représentait un danger pour les bâtiments.
          Source MUCEM Expo Made in Algeria (Janv -Mai 2016)











          1) Massacarès : Vers le 10ème siècle, ce petit port s'appelle Mers-El-Kharez (signifiant le port aux breloques ou Massacarès en transcription européenne). Ce nom imagé, s'explique par le fait que les fonds marins recelaient des coraux, très recherchés à l'époque, qui étaient transformés en bijoux de toutes sortes. Dès le 9ème siècle, dit l'historien arabe El-Bekri, Mers-El-Kharez servait à la construction des navires que les Khalifes de Kairouan destinaient aux ravages des côtes de l'Empire byzantin. Vers 1150, Al-Idrisi, savant et prince musulman, rédige à la demande du roi chrétien Roger II de Sicile, une géographie du monde connu. La Calle y est décrite ainsi : " Au Nord, vis-à-vis, et à une forte journée de Béja, au bord de mer, est située Marsâ-El-Kharaz. C'est une petite ville entourée d'une forte enceinte et munie d'une citadelle. Les environs sont peuplés de nomades arabes. La prospérité des habitants repose sur la pêche au corail qui s'y trouve en grande quantité, et qui est supérieur en qualité à celui du reste du monde… Le banc y est exploité tous les ans. On y emploie en tout temps cinquante barques plus ou moins… ".
          2) LENCHE : En 1553, la famille Linci (ou Lincio), armateurs entreprenants, originaire de Morsiglia dans le Cap Corse, va normaliser ces campagnes. Thomaso Linci, dit Thomas Lenche, né aussi à Morsiglia mais établi à Marseille, avec l'aide du Marseillais Carlin Didier, va être l'artisan d'un traité entre le roi de France Henri II et le Dey d'Alger, par lequel il obtient la concession de la pêche du corail sur le site de La Calle du Massacarès.
          Sources 1 et 2 : http://www.cdha.fr/du-bastion-de-france-la-calle


          Message que j'ai adressé au Webmaster du site Corse et dont je n'ai pas eu de réponse.
          Bonjour M. le Webmaster
          C'est avec plaisir que j'ai vu, sur votre excellent site, la page sur l'Histoire des Corailleurs Corses : http://corserando.fr/spip.php?article52
          Etant intéressé par cette histoire pour la diffuser sur la Seybouse de Bône dont nombre d'habitants étaient ou sont originaires de Corse. Je vous demande la permission de copier cette Histoire sur le prochain N°, dont bien entendu je mettrai les liens et l'origine du texte et photos.
          Pour voir le dernier numéro de la Seybouse à cette adresse :
          http://www.seybouse.info/seybouse/infos_diverses/mise_a_jour/maj180.html
          Dans l'attente de votre réponse, je vous remercie d'avance,
          Recevez mes amicales salutations
          Jean Pierre Bartolini

LE MUTILE N° 49 et 50, de 1918 (Gallica)

L'odyssée d'un zouave
prisonnier de Guerre
        
        Nous avons eu la bonne fortune de causer avec un jeune Oranais M... R... de la classe 1914 qui, parti au front en septembre 1915 eut l'honneur, avec son régiment de se mesurer avec la Garde-Prussienne au Mort-Homme le 14 mars 1916, où une cruelle blessure à l'œil gauche, le fit tomber entre les mains des boches.
        Le caporal M.. L\.,. n'est pas un " bourreur " de crâne el si ce n'était son infirmité, ta Médaille Militaire el la Croix de Guerre qui ornent sa poitrine, on croirait difficilement qu'il a souffert les pires souffrances dans les camps de prisonniers, durant neuf mois.

        Il nous a conté que durant la retraite de la Garde Prussienne qui reculait devant la furia des attaques françaises, il fut, grièvement blessé, faire 35 kilomètres à pied, sans soins et sans nourriture, "mais nous a-t-il dit, avec une pointe de malice, nos souffrances ont été partagées par ceux qui nous amenaient, car les boches aussi se sont mis la ceinture " et, d'un ton plus sérieux, comme se parlant à lui-même, "les canons ne leur avaient pas permis une minute de songer à se ravitailler "
        Cet homme, à qui il faut presque arracher les confidences, nous a fait l'effet d'en savoir bien long, mais est-ce discrétion, est-ce le régime tortionnaire qu'il a subi, il a su se taire lorsque nous avons essayé de le faire préciser.
        C'est bien là le soldat Français, splendide de dévouement et d'héroïsme dans lé danger, mais muet après l'action.

        Le 17 mars il arrivait à Worms, rompu, inerte et fut hospitalisé. Au préalable, des infirmières le déshabillèrent, le plongèrent dans un récipient plein d'eau mi-chaude mi-froide après l'avoir rasé, elles lui frictionnèrent le corps avec une brosse à chiendent dans le genre de celles avec lesquelles nous brossons les chevaux.
        Le malheureux ne s'en rendit pas compte tout d'abord ; il était dans un tel état d'abattement qu'il ne ressentit rien ou presque rien sur le moment, mais, le lendemain, se sentant des douleurs cuisantes à l'épiderme, il constata que son corps était zébré de raies sanguinolentes et il se souvint. Il devait en voir bien d'autres. <
        Comme nourriture, à titre de grand blessé, il eut le matin comme café au lait, du jus de glands avec un croûton de pain. A midi, de la morue comme viande et des pommes de terre écrasées avec leurs épluchures et de l'eau. Le soir, de la soupe d'orge dans laquelle entrait des os pulvérisés pour donner l'illusion de la viande.
        Il resta là un mois sans soins et dut à l'amabilité d'un major russe prisonnier, d'être traité de temps à autre, en cachette.
        Evacué le 15 avril à Mauen, il fut opéré par un major boche, tellement expert, que durant deux heures et demie, il le tint sur le marbre de la salle d'opération. <
        Cinq jours après il était envoyé au camp des prisonniers où on lui procura immédiatement de l'ouvrage à titre de convalescent. Cet ouvrage consistait simplement à s'atteler avec d'autres prisonniers plus ou moins ingambes, à l'aide d'un collier, à un énorme rouleau cylindre qu'il fallait traîner par tous les temps pour écraser la caillasse. La besogne était écrasante on lui donnait pour le réconforter 250 grammes de pain K K par jour.
        De là, comme l'agriculture manquait de bras, il fut envoyé au camp de concentration de Tauben Bischoffen où il fut mis à la disposition d'un propriétaire pour y piocher des champs de betteraves.
        Levé avant le jour, il piochait sans cesse jusqu'à la nuit pour un salaire d'environ 0 fr. 30 de notre monnaie. Il fit ce petit exercice durant un mois, si bien qu'il tomba malade et fut renvoyé au camp de Tauben Bischoffen où il attendit vainement des soins durant près d'un mois, mais il eut du moins le repos du corps A défaut de celui de l'esprit.

        Il lui arrivait parfois de recevoir un colis d'Algérie à l'aide duquel il pouvait se réconforter un peu, mais le papier à cigarette et les cigares étaient immédiatement saisis sous prétexte qu'ils pouvaient servir à un échange de correspondances. Il est vrai que le lendemain il pouvait racheter ce papier à cigarettes et ces cigares qui lui avaient été volés, à 0,30 pièce, à la cantine. Il resta 24 jours couchant sur des vieux morceaux de papier comme paillasse. <
        Un jour un caporal boche lui ayant demandé sur un ton moqueur à combien de soldats allemands il avait coupé le cou, il répondit du tac au lac qu'il en avait oublié e nombre, ce qui lui valut quatre jours de prison durant lesquels il fut nourri pendant 3 jours au pain sec et le 4ème à l'aide d'une soupe d'orge.
        Dans ce camp, les prisonniers qui recevaient de l'argent étaient autorisés à faire leur popote, mais ils étaient naturellement écorchés. On leur vendait le mètre cube de bois 25 marks et le reste à l'avenant. Les prisonniers qui souffraient le plus étaient les Russes qui, ne recevant pas d'argent, se nourrissaient de détritus. Quand la faim, leur déchirant les entrailles, ils se hasardaient à demander un supplément de nourriture, on leur administrait la schlague.
        Elle consistait à attacher le patient, le torse nu à un poteau et à lui administrer un certain nombre de coups de cravache. On devine si ces brutes y allaient de bon cœur : c'est si bon de pouvoir frapper un ennemi sans défense.


LES PLÉONASMES
De M. Edmond Brua
Envoyé Par M. Carpy Dominique

         Un enfant de Bab-el-Oued
         A d'autres enfans de la rue
         Racontoit de A jusqu'à Z
         Dieu sait quelle histoire incongrue,
         Serpent de mer, coquecigrue,
         Mélange absurde autant qu'impur
         De la Fable ancienne & moderne,
         De la Comtesse de Ségur,
         Tintin , Homère & Jules Verne,
         Walt Disney, le Cycle d'Arthur,
         Cervantès, Andersen, Nat Pinkerton, Robur,
         Les Pieds-Nickelés & la Bible,
         Malaxés et passés au crible
         Par le propre fils de Bagur !
         Alors, péroroit-il en mimant cette affaire,
         Alors le petit nain i recule en errière,
         I serche un os de mort, i s'avance en avant,
         I n'en donne " un " au grand géant
         En plein dans le miyeu du centre,
         Qu'i lui sort les boyaux du ventre,
         Qu'i l'y lève la vue des yeux
         Et qu'il s'le montre à ces mecieux
         En disant ces mots vec la bouche :
         " Venez oir un mort de tué ! "
         Alors...
         A cet instant, quelque chose de louche
         Alerte le conteur, mais, d'un coup d'œil farouche,
         Il l'a sur-le-champ situé :
         Un vieillard, dont la boutonnière
         Arbore académiquement
         Une rosette printanière,
         Juge l'histoire à sa manière
         Par un petit ricanement :
         Mon jeune ami, dit-il, c'est là la rhétorique
         Qu'on vous enseigne à la " laïque " ?
         Un nouveau-né
         Sait que l'emploi simultané
         De deux mots de sens identique
         Est formellement condamné.
         Petit nain ! Grand géant ! Os de mort ! Quel langage !
         Attendez, je retire " os de mort ". C'est dommage,
         Mais, il faut l'avouer, les vivans ont des os...
         Le fils de Bagur, à ces mots,
         Pousse son cri de guerre & voici nos marmots,
         Egaillés dans le voisinage,
         Ramassant des cailloux, revenant sur leurs pas
         Et lapidant le personnage Qui se crut tout près du trépas.
         Un saignement de nez, par bonheur, l'en tint quitte
         Et mit les galopins en fuite.
         Bagur, le grand Bagur, survint dans ce moment,
         Comprit tout, s'excusa, promit le châtiment
         Du coupable. Or, la victime,
         Voyant un homme de bien,
         Tint à lui prouver combien
         Sa cause étoit légitime.
         Monsieur, dit le vieillard, quand les gens sont polis,
         J'en conclus, moi, qu'ils sont honnêtes.
         Seule l'instruction leur a donné ce pli.
         Dites-moi donc comment, instruit comme vous l'êtes,
         Avec un fils qui n'est pas bête
     Du moins à ce qu'il me paroît,
         Vous pouvez tolérer qu'il fasse
         Des pléonasmes sans arrêt ?
         Holà ! ho ! doucement les basses !
         Dit Bagur. Le petit, pour qui vous le prenez ?
         Des plaies au naz, des plaies au nez,
         I n'en a fait rien qu'une, à vous ! Je le régrette,
         Mâ " sans arrêt " ? Là, je vous dis : Arrête !
         Arrêtez, pour l'amour du ciel,
         De sortir le discours toujours continuel !
         Que ça m'est égal qu'on le traite,
         Mon fils à moi, d'animal bête,
         Mais pas d'assassin criminel !   
         Quand on chasse le naturel
         Il revient parfois en tempête.        
Edmond Brua


 Bulletin - Oeuvre de saint Augustin et de sainte Monique, patronne des mères chrétiennes  
N° 3 - Avril 1878 - Brochure trouvée à la BNF

LA KABYLIE

COMMENT LES KABYLES ONT APOSTASIE

                Dans le même chapitre où il a esquissé la physionomie morale des Berbères, Ibn Khaldoun déclare laconiquement qu'étant tombée ensuite en décadence, cette race à vu ses qualités disparaître. Pourquoi ? Comment ? Ce n'est pas un musulman qui peut le dire ni le comprendre.. Nous, en revanche, si nous l'ignorions, nous saurions le deviner, et puisse l'Europe, encore un peu chrétienne, n'apprendre jamais ce que perdent les nations en achevant lie perdre Jésus-Christ !

               La suppression radicale de l'Évangile ne se fit pas toutefois pour la Kabylie en un clin d'œil. Il fallut l'épuisement causé par plusieurs siècles d'isolement et d'abandon, les coups répétés du sabre et enfin la séduction, pour arracher entièrement du cœur de ce peuple cette vieille foi qui avait fait sa force et son honneur. De l'aveu d'Ibn Khaldoun, peu suspect assurément, ce n'est qu'après avoir soutenu maints combats et être revenus DOUZE fois à leur ancienne religion que les Berbères ont adopté définitivement l'islamisme. Dans ces luttes pro aris et focis, plus d'une goutte de sang dut couler pour la foi en même temps que pour la liberté.

               Il est certain que si l'islam réussissait à tout niveler dans la plaine, il ne parvenait pas aussi bien à escalader les montagnes et à passer sur elles son grattoir si triomphant ailleurs. N'oublions-nous pas un peu trop ce fait historique, lueur consolante dans les sombres annales de l'Église africaine ? Encore que l'irruption musulmane ait été pour l'Afrique comme un nouveau déluge, ce déluge néanmoins n'eut la permission ni de submerger tout d'un coup les plus hautes cimes, ni de briser l'arche jusqu'à engloutir ses dernières épaves. Grâces à Dieu, quelque chose de l'arche surnageait encore, lorsque le 14 juin 1830 fit luire l'arc-en-ciel sur ces plages désolées. Toujours, même au plus fort de la tempête, la colombe a trouvé où se reposer, je veux dire, pour être moins biblique, que le pauvre chrétien captif sur cette terre ennemie a toujours eu au service de son âme, même aux plus mauvais jours, un prêtre et un autel. L'autel était caché, je le veux bien, au fond de quelque obscur et humide repaire, et le prêtre vivait exposé à des avanies de tout genre. Mais des avanies pouvaient-elles décourager des prêtres de Jésus-Christ voués à une œuvre si semblable à celle du Calvaire, la rédemption des captifs ? Le maréchal de Bourmont, entré dans Alger, put y saluer encore les derniers successeurs de ces humbles et intrépides religieux qui, depuis tant de siècles, veillaient là, avec un dévouement sans mesure et dans la plus inébranlable espérance, à la garde de l'Église d'Afrique restée vivante dans son tombeau.

               Pour revenir aux premiers siècles de l'hégire et à nos montagnes, que nous avons un peu oubliées, ce n'est point encore au tombeau, mais bien au soleil que nous devons y chercher la croix. M. Ch. Féraud, actuellement interprète principal de l'armée d'Afrique et infatigable travailleur, montre très-bien, dans une monographie pleine d'érudition et d'intérêt consacrée à la ville de Bougie, que les armées du prophète, tout en débordant jusque sur l'Espagne, dès l'année 710, laissèrent intact derrière elles tout le système de montagnes qui domine Bougie et forme le djurjura. Quoi d'étonnant qu'elles se soient brisées contre cet obstacle ? Il avait déjà intimidé plus d'un triomphateur, entre autres le fameux comte Théodose, qui était doublement à craindre puisqu'il était à la fois espagnol par le sang et vieux romain par la trempe d'âme. Toujours est-il que ce qui était pour Rome la montagne cuirassée, mons ferratus, devint pour les Arabes la terre ennemie, El-Adaoua.

               Terre ennemie à double titre d'abord, à cause de ses ravins, de ses pics et de ses rochers, mais aussi et surtout parce qu'elle était pour lors l'asile de ceux qui, n'acceptant pas bénévolement l'alternative : Crois ou meurs, avaient pris le troisième parti de s'esquiver et. de sauver du même coup leur vie, leur indépendance et leur foi. Ce fut en effet sur ces montagnes (nous en avons déjà dit un mot) que, d'après des traditions locales, se réfugièrent les débris des malheureuses populations chrétiennes de Constantine, de Sétif et des plaines environnantes qui purent échapper à l'apostasie ou au massacre'. On savait qu'on trouverait sur ces hauteurs la croix, des frères, au besoin des cœurs et des bras armés pour la résistance.
               Il faut attendre environ quatre cents ans, le Vème siècle de l'hégire, le XIème de l'ère chrétienne, pour constater positivement dans l'histoire un commencement de prise de possession du sol kabyle par l'islamisme. Encore ne s'agit-il que de l'installation du sultan En-Nacer dans la ville de Bougie, l'antique Saldæ des Romains. Tenir cette ville, c'était bien tenir une des portes de la Kabylie.

               Cependant on ne voit pas que la porte ait été forcée et le christianisme contraint de trahir ou de reculer à l'approche de la dynastie nouvelle. C'était un prince musulman bien peu de son époque et de son pays que cet émir En-Nacer ! Sa mémoire, demeurée populaire, nous le représente non-seulement ami des sciences et des arts, politique éclairé, dévoué à la prospérité de son peuple, mais favorable aux chrétiens çà et là soumis son gouvernement.
               Voici un fait qui n'est point une légende arabe ou berbère greffée à plaisir sur l'histoire. Des documents européens attestent que des relations amicales existaient entre le pape Grégoire VII et le sultan de Bougie. (Rohrbacher. Du reste, toute histoire de l'Eglise atteste le fait.)

               Le prêtre Servandus, choisi l'archevêché d'Hippone, allait à Rome recevoir la consécration épiscopale. En-Nacer, à qui l'élu était, paraît-il, persona grata, lui remet pour le Pape, avec une lettre pleine de déférence, les plus riches présents; le moindre de ces présents n'était assurément pas la liberté que " par amour pour le Pontife et pour saint Pierre " il s'engageait à donner à tous les chrétiens captifs dans ses États. Grégoire VII, dont l'histoire nous a conservé la réponse, s'empresse de remercier le monarque avec une effusion presque paternelle. Il le félicite de s'être montré si généreux et si charitable, il l'assure de son dévouement et de son amitié, et c'est en lui souhaitant " d'être reçu, après une longue vie, dans le sein de la béatitude du très-saint patriarche Abraham " qu'il termine sa lettre. " Scit Deus quam pure ad honoremDei te diligimus, et salutem et honorem tuum in pressenti et in futura vita desideramus atque ut ipse Deus in sinum Beatitudinis sanctissimi Patriarche Abrahee, post longa hujus vitao spatia, te perducat corde et ore rogamus. "

               La main qui écrivait ces lignes avait peu l'habitude de distribuer de vaines flatteries aux puissants. Si donc Grégoire VII traitait ce prince musulman avec tant d'affection, il avait de bonnes raisons pour le faire. Sans compter que les actes de l'émir méritaient évidemment reconnaissance, le Pasteur suprême des âmes avait à cœur de conserver à ses pauvres ouailles d'Afrique les ménagements du pouvoir civil ; et qui peut dire si l'origine chrétienne et berbère d'En-Nacer et de sa nation ne laissait pas au Pontife le secret espoir de ramener un jour à la vraie foi et cette dynastie et ce peuple ?

               N'est-il pas intéressant de trouver le nom d'un si grand Pape mêlé à l'histoire de cet humble et obscur pays ? N'est-il pas particulièrement piquant de voir ce même pontife, un intraitable et un exagéré, à en croire nos faux autoritaires et nos demi-catholiques, sympathiser avec un roi mahométan à propos de la nomination d'un évêque ?
               D'après une notice arabe, rédigée sur d'anciennes chroniques locales, les relations bienveillantes entre Rome et Bougie ne se seraient pas arrêtées là. Le fils et successeur d'En-Nacer, El-Mansour, ayant demandé au souverain du pays de Roum (le pape) des architectes et des ouvriers pour continuer les embellissements de sa capitale, celui-ci lui envoya onze cents artisans, qui construisirent dans la ville plusieurs édifices remarquables, entre autres, une tour à miroirs et à feux correspondants. (M. Féraud.)

               Nous ne pouvions laisser passer ce détail sans le noter. Il prouve clairement qu'à la fin du XIème siècle les sultans de Bougie, " les rois de la Mauritanie Sitifienne (suivant le titre que continuait à leur donner la chancellerie romaine, toujours pieusement conservatrice), avaient encore à l'ombre de leur pouvoir quelques chrétiens indigènes. Des documents dignes de foi témoignent même qu'en 1114 il y avait à El-Kalaa, ville dépendante du gouvernement de Bougie, un noyau de catholiques berbères, un évêque et une église dédiée à Notre-Dame. (M. de Mas-Latrie, Traités de paix et de commerce concernant les relations des chrétiens avec les Arabes de l'Afrique septentrionale ait moyen âge.)

               Certes, si le christianisme était ainsi parvenu à garder quelques positions sous des sceptres musulmans et dans des régions infiniment plus exposées que la vraie Kabylie aux menaces du sabre arabe, que dirons-nous de sa situation au sein des retraites abritées et indépendantes du Djurjura, où nous l'avons vu, en face des premières irruptions sarrasines, se concentrer et se barricader, bien loin de déposer les armes ? Sans nous livrer à d'inutiles hypothèses, disons seulement qu'au XIIIème ou XIVème siècle les Arabes donnaient encore aux tribus berbères des environs de Bougie, le nom, tout à la fois suspect et glorieux, de survivants, Bedjaïa. (Ibn Khaldoun, t. II, p. 51.) De là même, l'étymologie du nom de Bougie. (V. M. Féraud, loc. cit.)

               A partir de cette époque, plus une trace, plus une ombre d'une chrétienté indigène vivante et agissante. Les princes africains conservèrent longtemps sous les drapeaux de leurs armées des milices publiquement chrétiennes, jouissant au milieu des troupes musulmanes du libre exercice de leur culte. Rien ne prouve, toutefois, qu'il y ait eu parmi ces contingents chrétiens de ces fantassins zouaoua qui ont été le premier noyau de nos zouaves et forment maintenant pour une bonne part nos terribles turcos.

               Cette lamentable disparition d'une oeuvre que les docteurs et les martyrs avaient faite si grande ne s'explique que trop facilement. Longtemps avant cette heure fatale, l'hérésie et le schisme avaient jeté dans ce corps jadis vigoureux de nombreux germes de décomposition. Nous sommes déjà loin d'ailleurs des beaux jours d'En-Nacer. Dans le drame sanglant que le croissant devait jouer sur cette terre pour la châtier, les relâches ne pouvaient être que courtes. Les Almohades, devenus maîtres de Bougie, n'ont jamais passé pour une puissance tolérante. Bref, l'agonie avait duré d'assez longs siècles.
               Plus de communications avec le dehors, surtout plus de relations avec Rome, plus d'évêques, de prêtres; c'est-à-dire plus de doctrine, ni de sacrements, ni d'eucharistie, ni d'autel c'était, -non pas la mort, j'ai dit que l'Église africaine était restée vivante au tombeau, mais une crise suprême. La place, démantelée et comme vide, allait demeurer à la merci du premier occupant.
               Nous trouvons, sous Jules II, un évêque nommé au siége de Constantine, mais autorisé à résider en Italie, à cause du danger qu'aurait offert le séjour de sa ville épiscopale. Décidément, l'Afrique était alors in partibus inifidelium.

               Le Prophète, longtemps tenu à la porte, mais toujours aux aguets, commençait à avoir beau jeu. Là où, par suite d'une hâte maladroite, la terreur de ses armes avait échoué, l'appât de sa morale et de sa religion pouvait maintenant obtenir seul et sans aide un triomphe facile, ne rencontrant plus que des âmes délaissées, privées du pain de vie, par conséquent affamées et capables de se jeter sur la plus vile pâture. Le moment était, on ne peut plus opportun pour substituer tout doucement le Coran à l'Évangile dans tous les recoins où la besogne n'était pas encore achevée. Quel attrait ne devait pas exercer sur ces populations sauvages, ardentes, passionnées, avides de nouveautés (" Ingenio mobili et novarum rerum avido, " disait Tacite en parlant des Numides. ), d'indépendance, de butin et de batailles, et désormais sans contre-poids, une religion qui prêchait la guerre, autorisait la rapine et consacrait la volupté Selon toute vraisemblance, la conversion des Kabyles à l'islamisme, tentée d'abord par la violence et commencée dans le sang, s'acheva sans fracas. Au lieu de faire enfoncer les dernières portes par des convertisseurs armés, on fit glisser au cœur de la place, où déjà l'on s'était ménagé plus d'une intelligence, de nombreux émissaires de la caste sainte et lettrée des marabouts. Ces malheureux prédicants de l'enfer devaient se donner la main pour circonvenir et endoctriner tout ce qui restait dans ces parages de faibles et de simples et qui donc, parmi ces pauvres gens abandonnés, pouvait ne pas être et très-simple et très-faible ? Hélas ! cette tactique de perversion, employée à propos, a fait maintes fois ses preuves.
               C'est ainsi qu'après de longues et admirables résistances, plusieurs contrées catholiques du nord, enserrées par les protestants, privées de secours spirituels, obsédées par les prédicants de la Réforme, ont fini, de guerre lasse, par se laisser absorber dans le culte du vainqueur.

               Pour la Kabylie, c'est l'opinion générale parmi les indigènes, et même les marabouts le font sonner très-haut, que ceux-ci sont en majorité une importation du dehors et de race arabe, la race bénie et choisie du Coran. Si vous demandez à un Kabyle "Qui habite ce village ? " souvent il vous répondra " Ce ne sont pas des Kabyles, ce sont des marabouts. " Il est vrai que, sans cesser de former une caste à part avec ses privilèges à elle, les marabouts, aussi bien les marabouts d'origine étrangère que les autres, ont entièrement adopté les façons extérieures de la masse autochtone la plupart du temps aussi déguenillés, aussi illettrés, aussi coulants sur la pratique religieuse, que le dernier des Kabyles c'est une vieille coutume du Djurjura de s'assimiler ses hôtes. Mais, en attendant, le triste tour était joué ; et si, par suite d'un contact mutuel prolongé, d'alliances réciproques inévitables, les marabouts arabes étaient devenus plus ou moins kabyles, les Kabyles, hélas étaient devenus en revanche plus ou moins musulmans.


VESTIGES DU CHRISTIANISME.

               II n'est que trop vrai, un Français, j'entends par-là un chrétien, à qui il arrive de traverser la Kabylie, s'aperçoit vite qu'il a beau être sur une terre jadis baptisée et où les armes de la mère-patrie sont maintenant maîtresses, il est cependant fort loin de son pays de France. Nulle part l'église du village, nulle part le souffle qui apporte à l'oreille et au cœur le son de la cloche, nulle part le crucifix du chemin. Où sont nos cimetières, dont la plus humble croix est toute rayonnante de promesses ? où est la femme de nos campagnes, honorée dans sa dure vie d'indigence et de travail ? où est le petit pâtre des Pyrénées ou des Alpes qui, en réponse à vos questions sur le bon Dieu et sur Notre-Seigneur Jésus-Christ, sait au moins balbutier le nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et tracer sur sa poitrine le signe de la croix ? Non, si charmants soient-ils, les parfums que soulève la brise de ces montagnes ne sont point ces parfums de foi, de pureté évangélique que malgré tout on respire encore dans l'air natal. Sans doute, cette nature parle magnifiquement de son auteur; sans doute, ces Kabyles qui vous croisent ont des façons avenantes, ces petits bergers qui vous regardent, des figures éveillées, ouvertes, souvent aimables ; ces femmes qu'on rencontre dans le sentier, remontant de la fontaine, le visage découvert, en devisant ensemble, sont moins tenues en servitude que la femme arabe; sans doute encore, tout ce peuple qui travaille, qui gagne si durement sa pauvre vie et qui s'en contente, est actif, sobre, énergique, rude à lui-même; n'importe, tout cela sent encore beaucoup trop son Mahomet, son pays débaptisé et vide de Jésus-Christ. Comment voulez-vous que la vieille empreinte chrétienne ne soit pas considérablement effacée dans des mœurs, des coutumes et des âmes, qui depuis cinq ou six siècles au moins, n'ont plus le baptême et reconnaissent Mahomet pour seigneur ?

               Néanmoins j'ai hâte de dire qu'en dépit de la couche épaisse jetée sur les hommes et les choses par le chamelier de Médine, il subsiste en Kabylie plus d'un vestige chrétien témoin oublié, titre à demi enfoui, que la Providence semble avoir laissé là pour certifier au besoin ce que l'histoire ne dit qu'en tâtonnant et à regret.

               Le général Daumas, un investigateur, au courant des choses du pays, dit dans son livre Mœurs et Coutumes de l'Algérie " Si l'on approfondit spécialement les mystères de la société kabyle, plus on creuse dans ce vieux tronc, plus sous l'écorce musulmane on trouve de sève chrétienne. On reconnaît alors que le peuple kabyle, en partie autochtone, en partie germain d'origine, ne s'est pas complètement transfiguré (mieux vaudrait défiguré) dans la religion nouvelle, et ce n'est pas uniquement dans les tatouages de sa figure qu'il étale devant nous le symbole de la croix.
               Avant le général Daumas, en 1832, la Moricière envoyait cette note à sa famille " Toute cette population (il s'agit des tribus kabyles des environs de Bougie qu'on était à la veille d'attaquer) se distingue par son activité, son intelligence, son amour du travail et de la liberté on y reconnaît à n'en pas douter, les traces d'une civilisation supérieure à celle des Arabes et à voir les croix dont les Kabyles sont tatoués de père en fils, il est évident qu'ils descendent des anciens chrétiens et qu'ils sont les restes des habitants de l'Algérie sauvés par leurs montagnes du flot envahisseur " (E. Keller, Le général la Moricière, sa vie, etc.)

               En définitive, comment n'être pas frappé de ce fait et de sa valeur historique ? Dans tous les pays où la race arabe a absorbé l'ancien peuple ou s'est implantée à sa place, pas un vestige de la croix, pas un reste chrétien ! ce sont des signes impitoyablement proscrits ; et avant que nous fussions là, c'était jouer sa tête que de faire le moindre étalage de la croix devant, un musulman de la vraie roche. On voit encore à Alger une mosquée bâtie en forme de croix l'architecte, un captif européen, inspiré par sa foi, peut-être par ses espérances, avait tenu à lui donner cette forme ; son audace lui coûta cher, ce fut son sang qui cimenta les pierres de l'édifice. Au contraire, dans les diverses fractions berbères qui ont réussi à se maintenir à peu près intactes, qu'elles se soient concentrées dans les montagnes du littoral, comme les Kabyles, ou qu'elles soient allées, comme les Touareg, cacher leur liberté menacée dans les déserts du Sahara et jusqu'aux frontières du Soudan, quelques restes, quelques ombres de la croix et du tempérament chrétien apparaissent çà et là, et l'œuvre du croissant n'est faite qu'à demi.

               Dans l'un des groupes importants de l'intérieur, chez les Beni Mzab, tenus du reste pour hérétiques par les quatre sectes orthodoxes de l'islam on retrouve jusqu'à des souvenirs de la discipline primitive de l'Eglise, une sorte de pénitence publique imposée à certains coupables, et parfois une véritable excommunication, qui peut en quelques cas poursuivre le criminel au-delà du tombeau.
               Puis, ce qui n'est pas moins remarquable, tandis que chez les mahométans de pur-sang on naît marabout, on ne le devient pas (si bien que le fils d'un marabout ne perd nullement le titre paternel pour être un vaurien et un impie), au Mzab, c'est par le choix que se recrute la caste sacrée.
               Voyez dans les Missions catholiques, numéro du 3 décembre 1875, un intéressant feuilleton intitulé Les Peuples kabyles de l'Atlas et les tribus nomades, du Sahara, par un missionnaire d'Afrique.
               Chez les Touareg, les traces du christianisme sont plus visibles encore. Leur nom même de Touareg "les abandonnés de Dieu," ils le doivent à l'honneur d'avoir longtemps repoussé et renié l'islamisme.
               Je ne fais guère ici que copier textuellement M. Henri Duveyrier, les Touareg du nord. Ces renseignements donnés par le jeune voyageur, ont d'autant plus de valeur qu'on ne saurait accuser l'écrivain d'être dominé dans son livre par les préoccupations religieuses.

               De plus, musulmans seulement de nom, sans imam, sans mufti, sans mosquée, partant, sans pratique religieuse, ils ont, par contre, l'image de la croix dans leur alphabet sur leurs armes, sur leurs boucliers, dans leurs ornements et leurs vêtements. Le seul tatouage qu'ils portent sur le front, sur le dos de la main, est une croix le pommeau de leurs selles, les poignées de leurs sabres et de leurs poignards sont en croix. Les selles des chameaux sont garnies de clochettes, quoique partout Mahomet ait rejeté la cloche comme une sorte de cachet du christianisme.
               Leur Dieu est Amanaï (l'Adonaï de la Bible) le diable Iblis, règne dans leur enfer, " le dernier feu, " et leur ciel est habité par des anges (Aradjelous) nous sommes loin des houris mahométanes.
               Ce détail est toujours de M. Duveyrier. Nous n'ignorons pas, du reste, la ressemblance, faut-il dire la presque identité, les signes graphiques du touareg avec les caractères des plus anciennes inscriptions libyques, découvertes en ces dernières années, surtout dans la province de Constantine, et nous savons que parmi les lettres de ces inscriptions figure aussi la croix. Cette croix de l'alphabet des Touareg ne serait donc pas un indice du christianisme. Ce serait, par contre, une preuve de plus à l'appui de cette observation faite depuis longtemps, que dans les monuments de tous les peuples et de tous les âges on trouve des marques et comme des pressentiments du mystère de la croix d'autant plus (coïncidence remarquable) que la lettre représentée par cette croix est précisément le T, tau, le signe mystérieux d'Ezéchiel.

               C'est surtout dans les mœurs que la marque de la civilisation chrétienne est demeurée saillante. La monogamie, respectée sans exception, a maintenu autour du foyer domestique des restes de moralité et d'honneur absolument inconnus dans la famille arabe polygame. Contrairement à toutes les habitudes africaines ou orientales, la femme targuie est généralement instruite et dispose librement de sa main ; mariée, elle est l'égale de l'homme et garde l'administration de sa fortune personnelle ; mère, elle préside à l'éducation de ses enfants, et c'est son sang, non celui du père, qui détermine quel rang ils auront à prendre dans la tribu.
J. Dugas.
A SUIVRE


LE GOÛT DU JOUR
Envoyé par Hugues.
          Encore quelque temps, des jours, des mois, des ans,
          Avant que ne s'achève la course de ma vie! ?
          Je fêterai, le onze, mes quatre vingt printemps
          Précédant les saisons qui ont toujours suivi !

          Quatre vingt, chiffre clé des automobilistes,
          Vitesse kilométrique qu'il leur faut respecter.
          A défaut, les sanctions d'un Etat fiscaliste
          Ponctionnent, dès demain, les écarts détectés !

          Quatre vingt, chiffre mythique de Jules Verne devin,
          Prophète des exploits, devenus coutumiers,
          De marins, hommes et femmes, doués d'un pouvoir divin,
          Bouclant leur Vendée Globe en parfaits timoniers !

          Quatre vingt, troisième âge, l'après-midi d'une vie
          Partagée en famille, entre amis, dans la paix,
          En ne regrettant pas les rêves inassouvis,
          En vivant le présent conscient, avec respect.
Hugues JOLIVET          9 janvier 2018         


ANNALES ALGERIENNES
Tome 1
LIVRE VI
Relations avec les Arabes. - Expédition de Médéah. - Digression sur la province de Titery. - Prise de Belida. - Combat de Ténia. - Occupation de Médéah - Ben Omar est nommé Bey de Titery. - Combat et sac de Blida. - Réduction de l'armée. - Garde nationale Algérienne. - Chasseurs Algériens. - Destitution d'Hamdan. - Le colonel Mendiri, Aga. - Traités avec Tunis au sujet de la province de Constantine et de celle d'Oran. - Évacuation de Médéah. - Départ du général Clauzel. - État de la colonie au départ du général Clauzel.
               Le général Clauzel, en même temps qu'il pourvoyait aux besoins de l'administration civile, songeait à étendre son autorité au dehors. De fortes reconnaissances, poussées dans tous les sens, apprirent aux Arabes que nous allions sortir de notre engourdissement ; aussi, ne tardèrent-ils pas à revenir à quelques sentiments de soumission. Quelques rapports de commandement, d'un côté, et d'obéissance, de l'autre, s'établirent entre notre Agha et les Kaïds. Mais Hamdan ne sut pas en profiter. La retraite de Blida, où il s'était trouvé, lui avait inspiré une si grande terreur des Arabes, qu'il n'osait point paraître dans la plaine sans être soutenu par nos troupes. Les Kaïds des Outhans qui nous avoisinent étaient alors : à Beni-Khalil, Mohammed-ben-Cherguy ; à Beni-Mouça, Hamed-ben-Ouchefoun ; à Khachna, Mohammed-ben-Amery ; au Sebt, Meçaoud-ben-Abdeloued.
              La ville de Cherchell avait reconnu pour chef Mohammed-ben-Aïssa-El-Barkani, Cheik de Beni-Menacer, personnage appartenant à une noble et puissante famille, dans laquelle l'autorité de Cheik est héréditaire.
              Tout le reste de la province était dans l'anarchie, à l'exception de la ville de Colée, où les célèbres Marabouts de la famille Moubareck avaient conservé une espèce d'ordre. A l'ouest, Ben-Zamoun devenait chaque jour plus puissant.

              Si le général Clauzel avait mieux connu le pays et sa véritable situation, il aurait pu parvenir à des résultats plus positifs que ceux qu'il obtint ; mais il n'avait que des renseignements faux ou imparfaits ; ni lui, ni personne ne songea à attacher à la cause française, les anciens cavaliers de l'Agha et les zémouls, dont l'existence était alors ignorée de tous ceux qui étaient à la tête des affaires, et peut-être de l'Agha Hamdan lui-même.
              Cependant, Mustapha-Bou-Mezrag, Bey de Tittery, croyant qu'on ne pourrait jamais l'atteindre, bravait la puissance française derrière ses montagnes. Le général en chef résolut d'en finir avec cet homme, qui était un centre de ralliement pour tous les mécontents. Un arrêté du 15 novembre prononça sa destitution, et, sur la proposition du conseil municipal d'Alger, nomma à sa place Mustapha-Ben-El-Hadji-Omar, parent d'Hamdan, et comme lui Maure et négociant. Mais cette mesure avait besoin d'être soutenue par les armes. En conséquence, un corps d'armée, conduit par le général en chef en personne, se dirigea le 17 novembre sur la province de Tittery.

              Cette province, située entre celle de Constantine et celle d'Oran, et bornée, au nord, par celle d'Alger, s'étend au midi jusqu'au désert. La partie septentrionale, qui est très montagneuse, n'a rien qui rappelle l'Afrique ; le froid y est aussi vif que dans le midi de la France. C'est là qu'est située Médéah, capitale de la province, petite ville de quatre à cinq mille habitants. Les Indigènes assurent que la partie méridionale est d'une beauté remarquable ; mais nous ne la connaissons que par ouï-dire. La province de Tittery était divisée en 21 Outhans, dont sept entourent Médéah en se déployant en éventail, du, centre à la circonférence ; les autres s'étendent dans différentes directions, en s'appuyant sur les premiers. Le plus puissant est celui de Diza, qui touche à la province de Constantine : il a 24 cantons, et avait ordinairement pour Kaïd un des fils du Bey de Tittery.

              Le gouvernement du Bey de Titery était un reflet de celui de Dey, et ses moyens d'action sur les Arabes étaient les mêmes. Il avait à sa disposition deux colonies militaires qui présentaient un effectif de 1,200 cavaliers. C'étaient les Habides et les Douers, qui avaient la même origine et la même organisation que les Zémouls de la province d'Alger. Ils habitaient, et habitent encore, les environs de Bourakiah, espèce de fort ou de maison carrée située à une journée de marche au sud de Médéah.
              On a beaucoup exagéré la pauvreté de la province de Tittery. Shaler lui-même, dans son estimable ouvrage sur Alger, ne porte qu'à 4,000 dollars (20,640 fr.) les revenus de cette contrée. Un état qui a été trouvé dans les papiers du Bey, élève cependant à 45,891 boudjous (85,357 fr. 26 c.) les contributions de Tittery. Les tribus du désert payent en outre au Bey près de 100,000 fr. pour avoir le droit de commerce avec Médéah.

              Le corps d'armée destiné à marcher sur cette province était composé de trois brigades, commandées par les maréchaux de camp Achard, Munck d'Uzer et Hurel. Ces 3 brigades étaient formées chacune de quatre bataillons tirés de divers régiments : Ceux de la 1ère brigade, avaient été fournis par les 14ème, 37ème, 20ème et 28ème de ligne; ceux de la 2ème, par les 6ème, 23ème, 15ème et 29ème de ligne ; ceux de la 3ème, par les 17ème, 30ème, 4ème et 35ème de ligne. Ces 3 brigades formèrent une division sous le commandement du lieutenant-général Boyer. Il y avait, de plus, une réserve composée d'un bataillon du 21ème de ligne, du bataillon de Zouaves et des chasseurs d'Afrique, une batterie de campagne, une batterie de montagne, et une compagnie du génie.

              Cette petite armée, présentant un effectif de 7,000 combattants, bivouaqua à Boufarik le 17 novembre. Une pluie continuelle ayant empêché de faire la soupe depuis le moment de l'arrivée jusqu'au matin, on ne repartit de ce point que vers le milieu de la journée du 18, et l'on se dirigea sur Blida A une lieue en avant de cette ville, l'armée rencontra une assez forte troupe de cavaliers arabes dont les intentions paraissaient hostiles. Le général en chef envoya vers eux un jeune renégat Italien, nommé Joseph, appelé à jouer plus tard un rôle remarquable, et fit arrêter la colonne. Ce jeune homme revint bientôt avec celui qui paraissait le chef de la troupe; c'était un Arabe de bonne mine, au regard assuré, au maintien fier et imposant. Le général en chef lui ayant fait connaître son intention d'aller coucher ce jour-là même à Belida, il lui répondit avec beaucoup de hauteur de n'en rien faire, parce qu'il avait, lui, celle de s'y opposer. A cette réponse, le général ordonna au parlementaire de se retirer, et mit sur-le-champ la colonne en marche.

              Les Arabes commencèrent aussitôt un feu assez nourri ; la brigade Achard, qui était en tête, les poussa facilement devant elle, et quelques obus eurent bientôt mis le désordre dans leurs rangs. Vers la chute du jour, le général Achard se présenta devant Blida, dont les portes étaient fermées ; il se préparait à les abattre à coup de canon, lorsqu'elles furent ouvertes par un officier et quelques voltigeurs qui escaladèrent les murs. La ville était déserte, le plus grand nombre des habitants ayant fui dans les montagnes.

              Pendant que la brigade Achard marchait sur Blida par la route, la brigade Munck d'Uzer se jetait à droite pour y arriver à travers champs, mais tout était fini lorsqu'elle y parvint. Quelques Kbaïles continuèrent cependant à tirailler, des hauteurs où ils s'étaient réfugiés ; on envoya contre eux quelques compagnies qui les en débusquèrent, et qui s'y établirent.

              La brigade Achard forma son bivouac en avant de Blida, où l'on ne laissa que des postes; la 2ème et la 3ème brigade bivouaquèrent en arrière, mais à peu de distance des portes. La brigade Hurel n'arriva que fort tard à sa position, ainsi que les bagages et le bataillon du 21ème de ligne qui marchait à la queue pour les couvrir. Deux marchands de la suite de l'armée, étant restés un peu en arrière, eurent la tête tranchée par les Arabes.

              Nous n'eûmes, dans la journée du 18, que 30 hommes mis hors de combat.

              L'armée s'arrêta à Blida toute la journée du 19. L'intention du général en chef étant d'y laisser une garnison, pendant qu'il se porterait en avant, cette journée fût employée aux préparatifs nécessaires à son établissement ; on répara aussi, à la hâte, les conduits d'eau que l'ennemi avait brisés en plusieurs endroits. Le même jour, les Arabes se présentèrent dans la plaine, devant le front de la brigade Achard ; les Kbaïles vinrent tirailler sur son flanc gauche, en restant sur les pentes du petit Atlas, dont le pied touche la ville. Une charge de cavalerie dispersa les premiers sans qu'on pût en atteindre un seul. Les seconds furent chassés dans la montagne, par les bataillons du 20ème et du 37ème de ligne. L'ordre fut donné de tout détruire, et de tout incendier dans cette direction, où se trouvent les plus beaux jardins du pays. En ville on fusillait, presque sous les yeux du général en chef, tout ce qui était pris les armes à la main. Cette boucherie, présidée par le grand prévôt, dura si longtemps, qu'à la fin, les soldats ne s'y prêtaient plus qu'avec une répugnance visible. Le général Clauzel crut, sans doute, intimider les Arabes par ces actes de rigueur qui n'étaient cependant pas dans ses habitudes ; mais il se préparait de sanglantes représailles.

              Plusieurs habitants de Blida, hommes, femmes et enfants, s'étaient retirés dans une des premières gorges de l'Atlas. On leur envoya un parlementaire pour leur dire de regagner leurs demeures, et qu'on n'en voulait qu'aux hommes mariés. La plupart se rendirent, pour leur malheur, à cette invitation.

              Le 21 l'armée se remit en marche, en longeant le pied de l'Atlas. On laissa à Blida le bataillon du 34ème, celui du 35ème et 2 pièces de canon, sous le commandement du colonel Rullière, officier très ferme et très capable

              Vers le milieu de la journée, l'armée parvint à l'entrée de la gorge, où le chemin de Médéah coupe la montagne. Il y a à cet endroit une belle ferme appelée Haouch-Chaouch-El-Mouzaïa. Un Marabout de Mouzaïa, nommé Sidi-Mohammed-Ben-Fekir, vint s'y présenter au général en chef, avec cinq Cheiks des tribus voisines, qui font partie de l'Outhan El-Sebt. Il déclara que son intention était de vivre en bonne intelligence avec les Français, et que les gens de Mouzaïa ne songeaient nullement à inquiéter notre marche ; il demanda, en conséquence, que leurs personnes et leurs propriétés fussent épargnées, ce qui fut accordé, comme on le pense bien. Cependant quelques personnes trouvèrent que le général en chef ne reçut pas cet homme d'une manière convenable en général, nous sommes trop disposés à ne voir que de misérables sauvages dans ces Arabes, qui tiennent entre leurs mains l'avenir du pays, et sans le concours desquels nous ne pourrons jamais rien faire en Afrique.

              L'armée bivouaqua auprès de Haouch-Mouzaïa : la brigade Achard alla s'établir à trois quarts de lieue en avant, sur la route de Médéah. D'après les renseignements fournis par le Marabout, sur la difficulté des chemins, on se détermina à laisser à la ferme, sous la garde du bataillon du 21ème de ligne, les pièces de campagne et toutes les voitures. L'artillerie de montagnes et les mulets de bât durent suivre l'armée.

              Le général en chef avait auprès de lui un autre Marabout de Miliana, nommé Hamed-Asguiguy-ben-Hamed-ben-Yousouf, qui depuis quelque temps s'était attaché à notre cause, et qui nous donna d'assez bons renseignements sur le pays.

              Une proclamation annonça aux troupes que, le lendemain, elles franchiraient la première chaîne de l'Atlas. Les soldats se mirent aussitôt à discourir, autour des feux de bivouac, sur l'entreprise dans laquelle ils se trouvaient engagés. Les plus instruits, faisant un appel à leurs souvenirs classiques, racontaient les guerres des Romains, et faisaient connaître à leurs camarades qu'aucune armée européenne n'avait paru dans ces contrées depuis ce peuple, auquel on aime tant à se comparer, parce qu'aucune nation n'a pu l'égaler dans les entreprises qui demandent de la persévérance et de la suite. Ces conversations de bivouac sont, en général, très remarquables dans les armées françaises. C'est là que se formulent en expressions vives et pittoresques des pensées justes et profondes, qui ensuite ont cours dans les rangs, et donnent au soldat de notre nation le sentiment et l'intelligence des opérations auxquelles on l'emploie. Une seule chose embarrassait un peu les commentateurs de la proclamation du général Clauzel : il y était question, comme dans celle du vainqueur des Pyramides, d'un certain nombre de siècles qui contemplait l'armée Française ; le chiffre variant selon les copies, les uns l'appliquaient à l'Atlas lui-même, qui certainement porte sur ses cimes bien des siècles écoulés ; d'autres pensaient qu'il s'agissait d'un antique Tumulus, connu dans le pays sous le nom de Kouber-El-Roumin (Tombeau de la Chrétienne), que l'on aperçoit de Mouzaïa, sur une colline au nord du pays des Hadjoutes ; enfin, quelques plaisants prétendirent que les siècles qui nous contemplaient n'étaient autres que certains généraux que nous avait envoyés la Jeune-France de Juillet, et qui, arrivés au terme d'une carrière fort honorable, sans doute, semblaient se survivre à eux-mêmes. Tout cela est peu important ; cette plaisanterie fait penser que l'armée commençait à connaître et à juger les hommes de l'Empire, quoique à cette époque, ils fussent encore entourés d'un certain prestige, que beaucoup d'entre eux ont le malheur de faire disparaître chaque fois qu'ils sont mis en évidence.

              L'armée partit de Mouzaïa le 21 au point du jour. L'Agha Hamdan, qui l'avait suivie jusque là, fut laissé dans cette Ferme, pour observer les mouvements des Arabes dans la plaine de Métidja ; mais, au lieu de faire quelques courses dans les environs, afin de découvrir leurs projets, il s'y tint prudemment enfermé, à l'abri de tout danger. Je pense que c'est du séjour de cet Agha, dans ce Haouch, que nous avons pris l'habitude de le désigner sous le nom de Ferme de l'Agha, qui n'est point celui qu'on lui donne dans le pays.

              Ainsi que nous l'avait annoncé le Marabout, que le général Clauzel garda près de lui, les gens de Mouzaïa ne cherchèrent point à s'opposer à notre marche, ou du moins, ceux d'entre eux qui voulaient guerroyer étaient allés se joindre aux troupes du Bey de Tittery, qui nous attendait au col de Ténia. Nous gravîmes, sans beaucoup de peine, les premières pentes de l'Atlas, et nous parvînmes sur un plateau élevé, d'où les regards plongeaient sur toute la plaine de la Métidja. La mer se laissait entrevoir dans le lointain, et l'on découvrait, à l'ouest, le lac Aoula à l'extrémité du territoire des Hadjoutes. L'armée fit halte en cet endroit, et l'artillerie de montagne salua le vénérable Atlas de 25 coups de canon.

              La colonne s'étant remise en mouvement, marcha encore quelque temps sans rencontrer l'ennemi ; mais, à une heure, il se présenta devant la brigade Achard, qui formait tête de colonne, et commença le feu. Quelques compagnies du 14ème et du 37ème furent lancées en tirailleurs, et l'eurent bientôt débusqué d'une position qu'il occupait à gauche de la route. Il se retira, par les crêtes, sur les hauteurs du col de Ténia.

              L'armée continua à avancer, et se trouva bientôt en face de ce col, qui est un passage étroit, ou plutôt une coupure de quelques pieds dominée à droite et à gauche par des mamelons coniques et élevés. On n'y parvient que par un sentier raide et difficile, bordé, à droite, par un profond précipice, et à gauche, par des hauteurs escarpées. En approchant du col, le chemin devient encore plus dangereux ; il est taillé dans un sol schisteux et glissant, et court en zigzag, à branches rapprochées, sur un plan très incliné. Le Bey de Tittery avait mis deux mauvaises pièces de canon en batterie à droite et à gauche de la coupure, et ses troupes, dont il est assez difficile d'évaluer le nombre, garnissaient toutes les hauteurs.

              Cette formidable position ne pouvait être attaquée que de front et par la gauche, le ravin de droite étant des plus difficiles. En conséquence, le général en chef ordonna au général Achard de faire gravir à sa brigade les hauteurs de gauche, pour gagner le col par les crêtes ; la brigade Munck d'Uzer, qui marchait après elle, devait continuer à suivre la route. Le général Achard, pour exécuter à la lettre le mouvement, aurait été obligé de laisser la route dégarnie, jusqu'au moment de l'arrivée, sur ce point, de la brigade Munck d'Uzer ; pour éviter cet inconvénient, il n'envoya que trois bataillons sur la gauche, sous les ordres du colonel Marion, et resta sur la route avec un bataillon du 37ème.

              Le colonel Marion, rencontra un terrain fortement accidenté, qui lui fut disputé par les Kbaïles, de sorte qu'il ne marcha que lentement. Le général d'Uzer, qui serrait sur le bataillon du 37ème, crut même devoir envoyer le bataillon du 6ème pour l'appuyer. Dans ce moment, les tambours des bataillons de gauche ayant battu la charge pour animer les soldats, qui avaient de la peine à gravir les pentes escarpées qui s'offraient sans cesse à eux, le général Achard crut qu'ils étaient arrivés sur les crêtes, et qu'ils chargeaient l'ennemi à la baïonnette ; il se lança alors en avant, avec le seul bataillon du 37ème, dont une compagnie, envoyée en tirailleurs au-delà du ravin de droite, avait déjà beaucoup souffert ; elle était commandée par le capitaine de la Fare, qui fut tué en combattant vaillamment. Le bataillon du 37ème, ayant à sa tête le général Achard et le commandant Ducros, attaqua donc la position de front, et le fit avec la plus grande vigueur; on peut dire, qu'il se précipita tête baissée au-devant de la mort ; car, selon toutes les prévisions, la moitié de cette brave troupe devait périr avant d'atteindre le but ; elle perdit, en effet, beaucoup de monde, mais moins cependant que l'on ne devait le croire. Quelques officiers s'étaient jetés en avant pour indiquer la route. M. de Mac Mahon, aide de camp du général Achard, arriva le premier au Col.

              L'ennemi, épouvanté de la vigueur de cette attaque, abandonna la position sans essayer d'une lutte corps à corps. Les bataillons du colonel Marion arrivèrent dans ce moment au Col, et saluèrent de leurs acclamations le brave 37ème de ligne.

              Toute l'armée bivouaqua sur les hauteurs enlevées à l'ennemi ; la brigade Achard se porta cependant un peu plus loin, ainsi que la cavalerie. La brigade Hurel et les bagages arrivèrent fort tard à la position ; ils avaient été attaqués par quelques tirailleurs. Pendant que la brigade Achard était aux prises avec les défenseurs du Col de Ténia. La cavalerie fournit une charge assez insignifiante sur un terrain désavantageux. Notre petite armée eut, dans cette journée glorieuse, 220 hommes mis hors de combat. Le général Achard, en eut l'honneur parmi les officiers-généraux, le brave Ducros, parmi les officiers supérieurs, et le jeune Mac Mahon parmi les officiers subalternes. C'est du Col de Ténia que le général Clauzel lança cette fameuse proclamation dont le style, un peu océanique, a paru depuis ridicule à bien des gens ; mais elle parut alors fort convenable à des hommes que de grandes choses disposaient aux grandes idées, ou, si l'on veut, aux grandes expressions.

              Le 22 novembre, dans la matinée, quelques compagnies allèrent incendier les habitations des gens de Soumata qui avaient pris les armes contre nous ; le général en chef décida que la brigade Munck d'Uzer resterait à Ténia pour garder le passage, et le reste de l'armée prit à onze heures la route de Médéah. Ténia est le point culminant de l'Atlas dans cette direction ; de sorte qu'après l'avoir franchi, il ne reste plus qu'à descendre. La route, en général, plus large que sur le versant septentrional, est pavée en plusieurs endroits ; le pays, à droite et à gauche, est couvert et très boisé. Arrivée au pied de la montagne, la brigade Achard, chassa devant elle une troupe d'Arabes avec qui elle échangea quelques coups de fusil. Le bataillon du 20ème de ligne se porta à gauche de la route, pour repousser d'autres Arabes qui paraissaient vouloir faire une attaque de flanc ; il y eut là un engagement assez vif, dans lequel nous perdîmes quelques hommes. Cinq blessés tombèrent entre les mains des ennemis, qui, en fuyant sur les rochers, nous présentèrent leurs têtes sanglantes.

              La brigade Achard, combattit jusqu'au-delà d'un bois d'oliviers, après lequel le terrain est plus découvert. Le général en chef ordonna à la cavalerie de charger : en arrivant sur ce point, nos escadrons s'ébranlèrent ; mais ils rencontrèrent bientôt un ravin qui les arrêta tout court : les Arabes n'en continuèrent pas moins leur retraite, car ils savaient, par expérience, que notre infanterie passe partout.

              Depuis le bois d'oliviers jusqu'à Médéah, le terrain n'offre plus que quelques ondulations ; il est un peu incliné sur la droite, et se rattache, dans cette direction, au bassin de Chélif. De temps à autres, quelques cavaliers Arabes s'arrêtaient pour lâcher leurs coups de fusils ; mais le gros de leur troupe fuyait vers Médéah ; nous vîmes plusieurs fois le marabout Ben-Felkir courir au-devant d'eux, pour les engager à cesser le combat.

              A une lieue du bois d'oliviers, un Arabe à pied, très pauvrement vêtu, sortit subitement d'un pli de terrain où il était caché, et se présenta à nous, en nous montrant une lettre adressée au général en chef ; elle était des autorités de Médéah, et contenait la soumission de la ville ; elle avait été écrite la veille au soir, c'est-à-dire, aussitôt que l'on avait eu à Médéah la nouvelle de la défaite du Bey.

              En approchant de cette ville, l'armée entendit avec surprise une forte fusillade, accompagnée de quelques coups de canon ; c'étaient les gens de Médéah qui, pour nous donner une preuve de la sincérité de leur soumission, tiraient sur les troupes du Bey de Titery celui-ci s'enfuyait, avec son monde, par la route de Bourakiah. Médéah s'élève sur un plateau incliné du nord-est au sud-ouest. Elle est entourée d'un mauvais mur qui, du reste, est une défense suffisante contre des Arabes; auprès des deux entrées principales, sont deux petits châteaux armés de quelques pièces de canon de fabrique espagnole, la ville est plus régulièrement bâtie qu'Alger, et les rues en sont en général plus larges et moins tortueuses, Les maisons ont des toitures en tuiles comme celle du midi de la France. Le général en chef au-devant duquel les autorités de Médéah s'étaient rendues, fit son entrée dans cette ville à la chute du jour, un bataillon y fut établi. La brigade Achard se porta en avant dans les environs de la maison de campagne du Bey, et la brigade Hurel resta à un quart de lieue en arrière. Cette brigade, eut le lendemain 23, quelques coups de fusils à échanger contre un gros d'Arabes qui cherchaient à se jeter sur ses communications avec la ville.

              Le même jour Mustapha-Bou-Mezrag, ne sachant plus où donner de la tête, et craignant de tomber entre les mains des Arabes du Sahara, aima mieux se remettre entre les nôtres. Il se rendit prisonnier au général Clauzel, qui le fit garder à vue, mais qui le traita néanmoins avec assez de douceur ; tous les Turcs de sa suite, et ceux que l'on trouva dans Médéah, furent traités de même. La reddition de Mustapha-Bou-Mezrag parut avoir mis fin aux hostilités. Ben-Omar nommé, ainsi que nous l'avons dit, pour le remplacer, fut installé, et le général passa en revue, à cette occasion, les habitants armés de Médéah qui formaient une espèce de garde nationale. Il fut décidé qu'on laisserait les Zouaves et deux bataillons français à Médéah, dont le colonel Marion fut nommé commandant. Le général Clauzel avait aussi formé le projet d'envoyer le général Munck d'Uzer à Miliana, et d'établir le général Boyer et sa division à Blida Mais ce plan, conçu dans la joie de la victoire, fut bientôt abandonné.

              Il paraît qu'en partant d'Alger, on n'avait point pensé aux frais que devaient entraîner l'établissement d'un Bey et d'une garnison à Médéah, ou qu'on espérait y trouver un trésor, car on s'était mis en route presque sans argent. On fut obligé de puiser dans la bourse des officiers, et même d'emprunter une somme de 8 à 10,000 fr. à Mustapha-Bou-Mezrag, qui n'en avait pas davantage.

              Le 26, dans la matinée, le général en chef quitta Médéah, pour retourner à Alger, avec les brigades Achard et Hurel ; il ne s'arrêta que quelques heures à Ténia, et l'armée alla coucher à Mouzaïa. Nous ne trouvâmes sur toute la route, que des démonstrations pacifiques de la part des Kbaïles et des Arabes ; mais, dans ce moment même, la ville de Blida était le théâtre de sanglants événements. Lorsque l'armée en approcha, le 27, elle eut à disperser quelques troupes ennemies qui paraissaient vouloir s'y introduire, et renouveler un combat qui avait eu lieu la veille.

              Le 26 Ben-Zamoun, à la tête d'une nuée de Kbaïles, était venu attaquer le colonel Rullière dans Blida Il y pénétra par plusieurs points, et l'on se battit longtemps de rue en rue. Il paraît même, que la garnison, acculée peu à peu sous les voûtes de la porte d'Alger, ne présentait plus qu'une masse informe et découragée, lorsque ce colonel fit sortir par cette porte, dont il était heureusement maître, deux compagnies d'élite qui tournèrent la ville et y rentrèrent par celle de Médéah. Ces compagnies tombant à l'improviste sur les derrières des assaillants, ceux-ci crurent qu'ils avaient affaire au corps d'armée de Médéah ; ils furent confirmés dans cette erreur, par le Muezzin de la Mosquée principale, qui leur cria du haut d'un minaret, que c'était en effet le général en chef qui arrivait. Aussitôt ils se dispersèrent et disparurent. Voilà l'ensemble de la chose, mais les détails sont encore couverts d'un nuage obscur et sanglant. Blida, lorsque le général en chef la traversa le 27 novembre, était encombrée de cadavres, dont plusieurs étaient ceux de vieillards, de femmes, d'enfants et de Juifs, gens tout à fait inoffensifs. Très peu paraissaient avoir appartenu à des gens qui eussent eu la volonté ou le pouvoir de se défendre. Après un si grand carnage, on ne trouva point, ou presque point d'armes sur les vaincus. Cette dernière circonstance fit naître d'étranges soupçons dans l'âme du général Clauzel, qui, dans son indignation, flétrit, le chef de la garnison, d'une épithète fâcheuse. L'horreur qu'il éprouva à la vue des traces sanglantes du sac et du massacre de cette ville, fut partagée par toute la partie de l'armée qui n'avait pas pris part à ce déplorable événement ; mais la pitié pour les vaincus fit bientôt place à un sentiment contraire, lorsque l'on apprit le massacre de 50 canonniers, dirigés imprudemment de la Ferme Mouzaïa sur Alger, pour aller y chercher des munitions, d'après un ordre du général en chef, venu de Médéah. Ces malheureux avaient tous péri. On a su depuis qu'ils avaient été attaqués par les cavaliers du Merdjia et de l'Hamaïd, cantons de l'Outhan de Beni-Khalil.

              Ces preuves réciproques d'une fureur aveugle remplirent de tristesse ceux qui croyaient à la possibilité d'une fusion entre les deux peuples. Un spectacle touchant vint un peu les consoler. Le général Clauzel, qui avait abandonné le projet d'occuper Blida, quitta cette ville le 28 avec tout le corps d'armée. Les débris de la population, craignant de tomber entre les mains des Kbaïles, suivirent nos colonnes ; des vieillards, des femmes, des enfants, haletants et souvent pieds nus, se traînaient péniblement derrière nos bataillons : c'était un spectacle déchirant. Nos soldats, touchés de compassion, se mirent à leur prodiguer les soins les plus empressés ; les officiers mettaient pied à terre pour donner leurs chevaux à ces malheureux, écrasés de fatigue. Le soir on bivouaqua à Sidi-Haïd, qui est un lieu aride, et nos soldats donnèrent le peu d'eau qui était dans leurs bidons à ces mêmes enfants que peut-être leurs baïonnettes avaient rendu orphelins.

              Le 29 novembre l'armée rentra dans ses cantonnements. Le général en chef, profondément affecté du massacre des canonniers, renonça, comme nous l'avons dit, à occuper Blida, qu'il regarda, sans doute, comme un point entouré dune population trop hostile, pour qu'on pût y aventurer une garnison. Celle de Médéah avait été laissée presque sans vivres et sans munitions : comme on comptait peu sur les ressources du pays, il fallut songer à lui en envoyer ; en conséquence, le général Boyer repartit d'Alger le 7 décembre avec 2 brigades et un fort convoi ; il traversa l'Atlas et arriva à Médéah sans avoir tiré un coup de fusil. Ce pendant si les Kbaïles avaient voulu, ils auraient pu nous faire beaucoup de mal : car dans la dernière journée de marche, le plus grand désordre se mit dans une de nos brigades, qui erra à l'aventure, pendant toute une nuit, entre l'Atlas et Médéah, par un temps affreux.

              La garnison de cette ville apprit avec une joie extrême l'arrivée des secours que le général Boyer lui amenait. Cependant, elle avait déjà reçu quelques ballots de cartouches qu'on lui avait fait parvenir par des Arabes. Elle avait eu, pendant trois jours, des attaques assez vives à repousser ; ce fut le 27 qu'elles commencèrent. L'ennemi se porta en force à la ferme du Bey, où se trouvaient le bataillon du 28ème de ligne et les Zouaves, et commença le combat avec assez de résolution. Il voulut aussi couper les communications avec la ville, mais les habitants et le 20ème de ligne firent une sortie qui le chassa ces positions qu'il avait prises dans cette direction. Ce mouvement fut appuyé par une sortie faite par les troupes qui occupaient la ferme.

              Le lendemain 28, les Arabes recommencèrent la même manœuvre ; elle ne leur réussit pas mieux que la première fois ; le combat fut beaucoup plus acharné que la veille autour de la ferme ; les Zouaves se conduisirent vaillamment ; un de leurs capitaines fut tué. Les habitants de Médéah se battirent, comme le jour précédent, malgré les efforts de l'ennemi pour les attirer à lui.

              Le 29, les attaques, toujours conduites de la même manière, furent beaucoup moins vives. Le nombre des assaillants avait beaucoup diminué. Le 30 au soir, l'ennemi avait entièrement disparu. Il laissa 500 morts sur-le-champ de bataille. Les Arabes et les Kbaïles qui prirent part à ces trois combats appartenaient aux Outhans de Rhiga, Hassam, Ben-Alep, Beni-Hossan, Ouzara et Aouara. Il y avait aussi des Habides, des Douers, des Aribs, et des Beni-Soliman.

              Telles furent les attaques contre Médéah pendant notre occupation. Elles furent facilement repoussées, et cependant on les cite souvent comme une preuve du danger qu'il y a à envoyer des garnisons dans l'intérieur. Après ces divers combats il restait si peu de munitions de guerre au colonel Marion, qu'il se vit obligé d'en refuser aux habitants qui avaient épuisé les leurs.

              Cet officier supérieur dut céder le commandement de Médéah au général Danlion, qui était venu avec le général Boyer pour le remplacer. La garnison en fut augmentée de deux bataillons, et le général Boyer, après être resté trois jours à Médéah, reprit, avec ce qui lui restait de troupes, la route d'Alger où il arriva sans accident d'aucune espèce.

              Cependant, d'après les ordres du gouvernement, l'armée d'Afrique devait être réduite à 4 régiments. Il était fortement question, à cette époque, d'une guerre européenne, et chacun désirait quitter l'Afrique pour aller s'exercer sur un plus brillant théâtre. Le général Clauzel, qui, comme nous l'avons dit, avait déjà organisé les Zouaves pour obvier autant qu'il était en lui à la première diminution de l'armée, ordonna cette fois la création d'une garde nationale composée d'Européens et d'indigènes ; mais cette mesure reçut à peine un commencement d'exécution. Ce ne fut que sous le duc de Rovigo que fut organisée la garde nationale algérienne, réduite à des dimensions beaucoup plus étroites que celles qu'avait conçues le général Clauzel. L'idée de faire concourir les indigènes à la défense commune était heureuse, et n'aurait pas dû être abandonnée.

              Le général Clauzel avait aussi ordonné, la formation d'un corps de Zouaves à cheval ou de Spahis, dont le commandement fut confié à M. Marey, capitaine d'artillerie, qu'un goût très prononcé pour le costume et pour les mœurs de l'Orient semblait appeler à cet emploi ; mais cette troupe n'avait encore, à cette époque, qu'une existence purement nominale. La formation d'un autre corps de cavalerie indigène, sous la dénomination de Mameluks, fut résolue. Le jeune Joseph, dont nous avons déjà parlé, fut chargé de l'organiser; il parvint à y attirer beaucoup de jeunes Algériens appartenant à des familles honorables ; mais les promesses qu'on leur fit n'ayant pas toujours été remplies, ce corps n'eut guère plus de consistance que celui de M. Marey. En général, M. Clauzel concevait très bien les choses ; il ne péchait que dans les moyens d'exécution, dont il ne s'occupait pas assez.

              Le général en chef ayant renoncé à l'occupation de Blida, voulut cependant que cette ville eût un gouverneur nommé par l'autorité française. Il éleva à ce poste le marabout Ben-Yousouf, de Miliana; et lui donna, avec le titre de Calife, non seulement le gouvernement de la ville, mais encore celui des tribus des environs. Comme ces tribus n'étaient pas désignées nominativement, et que d'ailleurs, d'après les habitudes administratives du pays, les habitants des campagnes sont peu disposés à reconnaître l'autorité des gouverneurs des villes, il dut en résulter, et il en résulta en effet des conflits assez fréquents entre le nouveau Calife et les Cheiks des tribus.

              Les fugitifs de Blida, voyant qu'une espèce d'autorité y était rétablie, avaient peu à peu regagné leurs demeures ; et dès le mois de janvier, cette ville se trouva à peu près repeuplée : mais au mois de février, les habitants s'aperçurent que leur Calife, qui se conduisait assez mal avec eux, les compromettait, en outre, avec les tribus voisines, par ses prétentions de commandement ; ils le chassèrent, et écrivirent au général en chef pour en demander un autre. M. Clausel, qui, dans ce moment, n'était pas en position de rien entreprendre, ferma les yeux sur ce que la conduite des gens de Blida avait d'irrégulier, et il leur donna un autre gouverneur qui fut Mohammed-ben-Cherguy.

              La charge d'Agha avait été supprimée dans les premiers jours de janvier. Après l'expédition de Médéah, Hamdan, voulant faire cesser les sarcasmes que lui attiraient de nombreuses preuves de faiblesse qu'il avait données dans la campagne, demanda et obtint la permission d'aller courir le pays avec ses cavaliers. Dans cette excursion, il échangea, à ce qu'il assure, quelques coups de fusil avec les bandes d'insurgés qui se montraient dans la plaine, et il envoya de Blida, au général en chef, une tête, qu'il dit être celle d'un Arabe qui avait pris une part active au massacre des 50 canonniers ; mais je puis assurer que c'était celle du Muezzin de Blida qui avait contribué, ainsi que nous l'avons vu plus haut, à la défaite des Kbaïles, dans l'attaque de Ben-Zamoun. Cet homme, en donnant le faux avis qui sauva peut-être la garnison française, n'avait, sans doute, d'autre but que d'éloigner de ses foyers le théâtre de la guerre ; mais, cette action dut le signaler à l'opinion publique comme ami des Français. Ce fut pour établir soi autorité aux dépens de la nôtre qu'Hamdan le sacrifia. Il le fit avec tant d'habileté que les Français crurent avoir la tête d'un de leurs ennemis les plus acharnés. Ce ne fut point cet acte de perfidie, longtemps ignoré, qui perdit l'Agha ; on lui reprocha quelques concussions commises dans le cours de son voyage, et qui, pour la plupart, se bornaient à des réquisitions de vivres autorisées par l'usage ; mais comme le général en chef en était las, il saisit cette occasion de s'en débarrasser. La place d'Agha fut supprimée le 7 janvier. Le général en chef, craignant qu'Hamdan ne se livrât, après sa disgrâce, à quelques intrigues dangereuses, le força de s'éloigner d'Alger, et de se rendre en France, où il a passé, quelques années et où il s'est marié.

              Le général Clauzel exila aussi Mohammed-Ben-Anabi, Mufti Hanephy d'Alger, qui lui était signalé comme un homme à craindre, et qui s'était imprudemment vanté d'exercer sur les Arabes une influence qu'il était peut-être bien loin d'avoir. Il conçut aussi le projet d'envoyer en France les fils des meilleurs familles maures, dans le double but de leur procurer une éducation européenne, et d'avoir des otages ; mais ayant rencontré une répugnance très marquée de la part des habitants, il y renonça. Les membres de la municipalité maure, mirent encore cette circonstance à profit pour extorquer de l'argent à plusieurs familles, qu'ils promirent d'exempter d'une mesure qui ne reçut pas même un commencement d'exécution. Hamdan-ben-Otman-Khodja, qui a publié contre le général Clauzel un libelle diffamatoire, est accusé, par la rumeur publique, d'avoir arraché, de cette manière, une somme considérable à la veuve du célèbre Yahia-Agha.

              Cependant, le général Clauzel roulait depuis longtemps dans sa tête un projet dont l'exécution devait nous permettre de concentrer tous nos efforts et tous nos sacrifices sur la province d'Alger, tout en établissant notre suzeraineté sur les autres parties de la Régence. Il consistait à céder à des princes de la famille régnante de Tunis, les deux Beyliks de Constantine et d'Oran, moyennant une reconnaissance de vasselage, et un tribut annuel garanti par le Bey de Tunis. Des ambassadeurs de ce prince étaient à Alger depuis quelque temps pour traiter cette affaire. Le 15 décembre, Hadj-Ahmed, Bey de Constantine, fut officiellement destitué de ses fonctions, et le lendemain, parut un arrêté qui nommait à sa place Sidi-Mustapha, frère du Bey de Tunis. D'après une convention passée le 18 du même mois, le nouveau Bey s'engagea, sous la caution de son frère, à payer à la France un million de francs par an, comme contribution de sa province, mais il n'était par dit par quels moyens il se mettrait en possession de son gouvernement. Il paraît que ce devait être par ses seules forces, car le général Clauzel envoya seulement à Tunis quelques officiers français pour organiser à peu près à l'européenne les troupes qui devaient marcher sur Constantine.

              Une convention semblable fut passée dans les premiers jours de février pour le Beylik d'Oran, qui fut cédé à Sidi-Ahmed, autre prince de la maison de Tunis, également pour une somme annuelle d'un million de francs. Ce dernier pouvait au moins entrer sur-le-champ en jouissance de sa capitale, car la ville d'Oran était en notre pouvoir.

              L'empereur de Maroc, Abderromann, ayant cherché à s'emparer de Trémecen, le général en chef, dans la crainte que toute la province ne tombât entre les mains de ce voisin puissant, avait résolu d'y envoyer quelques troupes à l'époque de la campagne de Médéah. Le général Damrémont fut chargé de cette expédition. Il partit d'Alger avec le 20ème de ligne, le 11 décembre, et arriva le 13 du même mois en rade d'Oran. Il fit occuper le 14, le fort de Mers El-kébir, et quelques jours après, le fort Saint-Grégoire. Il resta ensuite pendant un mois dans la plus complète inaction. On lui avait envoyé d'Alger, un bataillon du 17ème de ligne ; mais, ne pensant pas que ce renfort fut nécessaire, il le renvoya en France.

              Quelques officiers ont eu de la peine à s'expliquer pourquoi le général Damrémont ne fit pas occuper Oran aussitôt après son arrivée ; ils n'ont pas réfléchi, sans doute, que rien n'était encore décidé à cette époque sur le sort de cette ville; que le nouveau Bey n'était pas encore nommé, et que probablement les instructions données par le général en chef, prescrivaient d'agir avec prudence et circonspection, afin de ne pas être forcé de préluder par des actes de rigueur à l'installation du nouveau gouvernement qu'on destinait à la province. Ensuite, on n'avait d'autre but, en paraissant dans ces parages avant que les négociations avec Tunis fussent arrivées à leur terme, que d'appuyer par la présence de nos troupes les sommations faites à l'empereur de Maroc pour l'évacuation de la province d'Oran. Voilà sans doute pourquoi le général Damrémont n'occupa que le 4 janvier la ville d'Oran ; il prit toutes les mesures propres à empêcher l'effusion du sang ; cependant, entre le fort de Saint-Grégoire et la ville, il rencontra quelques Arabes avec qui il eut un engagement de peu d'importance.

              Le vieux Bey d'Oran, débarrassé enfin d'une position qui lui pesait depuis longtemps, s'embarqua, peu de jours après l'occupation de la ville par les Français, sur un navire qui le conduisit à Alger. Il y resta jusqu'au départ du général Clauzel, après quoi il se retira à Alexandrie, et de là à la Mecque, où il est mort.

              Peu de jours après l'arrivée d'Hassan bey à Alger, on vit débarquer dans cette ville environ deux cents Tunisiens destinés à former la garde du nouveau Bey d'Oran, qui ne fut officiellement nommé que le 4 février ; ils étaient commandés par le Kalifa ou lieutenant de ce prince. Cet officier, après avoir terminé à Alger, les affaires de son maître, se rembarqua avec sa petite troupe, et alla prendre possession d'Oran. Le général Damrémont, après avoir procédé à son installation, lui laissa le 21ème de ligne, commandé par le colonel Lefol, et quitta la province où sa mission était terminée.

              Pendant que ce général était à Oran, le colonel d'état-major Auvray fut envoyé vers l'Empereur de Maroc, pour sommer ce prince de respecter le territoire algérien comme étant une dépendance de la France. M. Auvray ne dépassa pas Tanger, où il fut retenu par le gouverneur de la province; cependant la Cour de Maroc promit d'évacuer la province d'Oran, et de ne plus se mêler des affaires de la Régence, mais nous verrons plus tard que cet engagement ne fut pas respecté.

              Le lieutenant du nouveau Bey d'Oran ne trouva pas cette ville dans un état aussi satisfaisant qu'il l'avait espéré. La plupart des habitants l'avaient abandonnée, et les Arabes de la province étaient loin d'être soumis. Il paraît que le général Clauzel avait dissimulé au Tunisien le véritable état des choses, car celui-ci se plaignit d'avoir été trompé. Il avait surtout compté sur des magasins bien pourvus, tandis que ceux qui lui furent livrés étaient vides. Les rapports qu'il envoya à Tunis n'étaient pas de nature à rendre le prince Ahmed très désireux de faire connaissance avec sa province : aussi n'y parut-il jamais. Cependant un peu de calme s'y rétablit peu à peu. Quelques habitants d'Oran rentrèrent en ville, et quelques tribus arabes firent leur soumission. Il est à présumer que si l'on avait pris les mesures convenables, on serait parvenu à faire reconnaître partout l'autorité du nouveau Bey ; mais le gouvernement français ne paraissant pas disposé à ratifier les traités de M. Clauzel avec Tunis, ce général ne s'occupa plus de cette affaire, qu'il désespérait de pouvoir mener à bien. Cependant ces traités forment la partie la moins attaquable de l'administration du général Clauzel. Ils étaient même si avantageux sous le rapport financier, qu'il était douteux que les clauses pussent en être exactement observées dans les premières années ; mais quand même la France aurait été obligée de faire des remises à ses deux Beys, dans les premiers temps de leur administration, elle aurait encore gagné au marché tout ce qu'elle a perdu pour ses établissements de Bône, d'Oran, de Bougie, d'Arzew et de Mostaganem. Sous le rapport politique, les arrangements pris par le général Clauzel n'étaient pas moins sages. Ils nous permettaient d'opérer directement sur le centre de la Régence avec tous nos moyens d'action, d'y établir un foyer de puissance et de civilisation, qui devait nécessairement réagir sur les extrémités, qu'un état de vasselage allait disposer à celui de sujétion, ou si l'on veut de fusion avec la race conquérante.

              La vanité blessée de M. Sébastiani fut la seule cause de la non ratification des traités. Il était alors Ministre des affaires étrangères, et il trouva très mauvais que celle-ci eut été conclue sans sa participation. Il ne le cacha pas au général Clauzel, qui répondit avec raison qu'il ne s'agissait dans tout cela que de deux nominations de Bey dans des provinces acquises en droit à la France, ce qui n'était pas du tout du ressort du Ministre des affaires étrangères, qu'il avait accepté pour l'exécution des clauses financières la caution du Bey de Tunis, mais qu'en cela encore il n'était pas sorti de son rôle de général en chef de l'armée d'Afrique. Malgré l'évidence de ce raisonnement, le gouvernement n'en persista pas moins à regarder comme non-avenus les traités Clauzel. Cependant comme ils étaient d'une utilité palpable, il fut question pendant quelque temps de les reprendre en sous-œuvre, mais on finit par les abandonner tout à fait. C'est ainsi que la mesquine vanité d'un vieillard susceptible, rompit un plan habilement conçu, et qui eût produit d'heureux résultats s'il eût été bien exécuté.

              Pendant que les évènements dont nous venons de rendre compte, se succédaient à Oran, le général Clauzel se voyait forcé d'abandonner Médéah, par suite de la réduction de l'armée d'Afrique. La garnison de cette ville n'avait pu ou n'avait su s'y créer aucune ressource, et il devenait impossible de la ravitailler. Ben-Omar était un homme peu capable, et surtout peu entreprenant, qui ne sut rien organiser. Le général Clauzel lui avait prescrit de ne rien changer à l'administration existante, et d'agir dans les premiers moments comme un véritable Bey turc ; mais il laissa tout dépérir, il ne songea pas même à rallier à lui les Habides et les Douers, qui auraient pu lui être d'un si grand secours, et que leur habitude de soutenir le pouvoir devait rendre accessibles à ses offres. Toute sa sollicitude administrative se réduisait à exercer dans l'intérieur de la ville quelques actes de basse juridiction, et à percevoir des amendes.

              Le général Danlion était hors d'état de le guider ; c'était un homme très capable de maintenir la discipline parmi ses troupes, et de prendre quelques vulgaires mesures de conservation, mais il ne fallait rien lui demander de plus. Il est véritablement bien pénible d'avoir presque toujours à blâmer; mais comment justifier un homme qui n'a pas même su établir un moulin dont il avait besoin, et qui se vit obligé de diminuer la ration de ses soldats, dans une province riche en céréales, et dans une ville dont les habitants étaient aussi bien disposés pour notre cause que l'étaient à cette époque les gens de Médéah. Le fait suivant donnera une idée assez exacte du général Danlion. Une tribu arabe, après avoir reçu un Cheik de la main de Ben-Omar, le chassa.

              Comme le général Danlion n'était pas sûr de pouvoir traverser l'Atlas avec sa brigade, le général Clauzel envoya au-devant de lui, jusqu'au col de Ténia, la brigade Achard, qui le ramena à Alger, où il rentra le 4 janvier. Ben-Omar, qui sentait son impuissance, avait d'abord voulu quitter Médéah avec lui ; mais les habitants de cette ville, craignant de tomber dans l'anarchie, firent tant par leurs instances qu'ils le retinrent parmi eux. Un homme plus habile que Ben-Omar aurait su mettre à profit des dispositions aussi favorables, pour asseoir son autorité sur des bases solides ; loin de là, nous le verrons bientôt obligé de renoncer au poste élevé qui lui avait été donné par le général Clauzel, et où il avait de si belles ignominieusement et se mit en état de rébellion contre le Bey. Le général Danlion partit de Médéah avec une partie de son monde pour aller châtier cette tribu ; mais s'étant aperçu qu'elle demeurait un peu loin, et qu'il serait fatigant d'aller jusqu'à elle, il se mit à brûler les cabanes et à enlever les troupeaux d'une tribu voisine, pensant que l'effet serait les même chances de réussite.

              Par suite de l'évacuation de Médéah, les affaires de la province d'Alger se trouvèrent ramenées à peu près au même point où le général Clauzel les avait prises ; nous avions des postes avancés à la Ferme-Modèle et à la Maison-Carrée, au lieu d'être resserrés entre la Vigie et Mustapha-Pacha. Mais c'était toute l'amélioration obtenue ; au-delà de ces avant-postes, notre autorité était tout aussi méconnue que dans le temps de M. de Bourmont. Quelques hommes d'ordre et de paix se ralliaient seuls à nos Kaïds, par ces habitudes de soumission au pouvoir si naturelles aux gens paisibles ; mais comme ces mêmes hommes ne sont malheureusement pas les plus énergiques, l'autorité n'avait en eux qu'un bien faible appui. Les masses se livraient avec délice à la joie insensée d'être délivrées de tout frein, même de celui des lois conservatrices de toute société ; mais bientôt leurs propres excès retombèrent sur elles-mêmes, et par une juste et rationnelle réaction, elles éprouvèrent à leur tour le besoin d'être gouvernées. Peu de personnes ont voulu observer cette marche des idées parmi les Arabes: elle devait cependant rendre bien plus facile la tâche de ceux qui ont exercé le pouvoir à Alger.

              Au moment où M. le général Clauzel avait le moins d'action sur les Arabes, il fit paraître un arrêté qui supprimait tous les droits que les Beys et les Kaïds avaient coutume de percevoir pour leur compte dans certaines circonstances, et qui leur allouait en échange un traitement annuel. Cet arrêté, qui est du 18 février, conservait cependant ceux de ces droits qui, par leur périodicité pouvaient être considérés comme des impôts, mais il réglait qu'ils seraient perçus pour le compte du gouvernement. Il fut pris aussi quelques mesures, par l'inspecteur des finances pour la perception des contributions ; on décida qu'elle aurait lieu par douzième et par mois ; il est inutile de dire que toutes ces dispositions n'ont jamais existé que sur le papier, où elles figuraient comme témoignages trompeurs d'une autorité que nous n'avions pas.

              Ce fut à peu près à la même époque que le général Clauzel rétablit la charge d'Agha dans la personne de M. Mendiri, chef d'escadron de gendarmerie et grand prévôt de l'armée. On attacha à son service douze cavaliers indigènes, sous le nom de guides. Le grand prévôt Mendiri était un personnage tout à fait insignifiant, qui ne fut jamais Agha que de nom.

              Pendant que tout ceci se passait à Alger, le gouvernement de France s'occupait de trouver un successeur à M. Clauzel, à qui il reprochait des manières d'agir trop indépendantes, c'est-à-dire, trop de dispositions à secouer le joug humiliant des bureaux. On ? t choix du général Berthezène, qui avait commandé une division pendant la campagne. Ce nouveau général ne devait avoir que le titre modeste de commandant de la division d'occupation d'Afrique. Il arriva à Alger le 20 février, et le général Clauzel en partit le lendemain, après avoir annoncé par la voie de l'ordre du jour, que l'armée d'Afrique cessait d'exister sous cette dénomination, et qu'elle devait prendre celle de division d'occupation.

              M. le général Clauzel, quels que soient les torts qu'on lui ait reprochés, laissa beaucoup de regrets en Afrique. Il désirait le bien du pays et croyait en son avenir. L'armée, qu'il commença par calomnier, mais à qui il rendit justice ensuite, trouva en lui un zélé défenseur. Il prit l'initiative des récompenses qu'elle avait méritées, et lorsque le ministre de la guerre voulut attaquer la validité de ses nominations, il soutint avec une noble fermeté les droits acquis par un des plus beaux faits d'armes de l'époque. La population européenne qui commençait à s'agglomérer à Alger, eut en M. Clausel un homme qui comprit en grande partie ses besoins, et qui évita de l'humilier en pure perte, comme on l'a fait trop souvent depuis.

              Cette population s'élevait, au moment du départ du général Clauzel, à 3,000 individus de tout sexe et de toutes nations, qui, poussés par le besoin d'augmenter leur bien-être, ou d'échapper à de fâcheux souvenirs, s'étaient rués sur l'Afrique. Mais est-ce avec des hommes à position toute faite que l'on peut espérer de peupler une colonie ? Parmi ces individus, beaucoup se livraient au commerce, très peu à l'agriculture ; la Ferme-Modèle et deux ou trois cultures particulières étaient alors à peu près le seul établissement agricole français. En revanche, il s'élevait de toutes parts des maisons de commerce et des magasins ; on trouvait à Alger, dès le mois de janvier 1831, à satisfaire à peu près tous les besoins de la vie européenne. Mais il n'y avait pas encore de création, car commercer n'est pas produire.




ECHO D'ORANIE - N°249
MEKTOUB

        A ma fille

         Bien sûr c'était écrit qu'on partirait un jour.
         Emportant les lambeaux de notre triste histoire.
         Un passé fait de joies, fait de pleurs, fait d'Amour,
         Malgré les ans passés... c'est encore dur à croire.

         En regardant le temps qui lentement s'écoule.
         En luttant âprement contre l'adversité.
         Bien sûr, c'était écrit, comme un fleuve qui coule.
         Que l'on se défendrait avec tant de fierté.

         C'était écrit, bien sûr, qu'un grand vent de folle.
         Soufflerait, nous poussant dans un autre univers.
         Semés aux quatre vents bannis et démunis.
         Qu'il faudrait vaillamment supporter nos revers

         Nos valises, de biens. étaient des plus légères,
         La richesse, la vraie, l'emportions dans nos cœurs.
         C'était nos souvenirs et nos folles chimères.
         II fallait à tout prix apaiser nos douleurs.

         Par des joies discrètes, souvent mêlées de lames,
         La volonté au cœur d'un magnifique espoir.
         Cet espoir caressé était la meilleure arme.
         D'un avenir plus clair encore teinté de noir.

         C'était écrit, enfin, qu'un ciel plus clément,
         Exaucerait nos veux. sous un soleil plus pâle,
         Qu'avec sérénité ce courage dément.
         Éclairerait la vie d'espérance loyale,

         Nous avons reformé notre grande famille.
         Mais toutes nos pensées vont vers l'ancien foyer,
         Revivant un printemps sous un soleil qui brille.
         Ce n'était pas écrit, qu'on pouvait oublier.
        
Mathilde Entz-Laplace
        





LES ŒUVRES DE MUSETTE
LE MARIAGE DE CAGAYOUS
CHAPITRE VII
Y ASTA !

  
              Le temps il a passé.
                Depis une pièce de huit jours, je travaille dessur le tombereau des ordures à le quartier neuf. Canca, le balieur, y me donne la main et j'y Iaisse qui ramasse pour lui les chiffons, les fers vieux, le zinque et tout ça qui veut. Quand y trouve la monnaie, nous faisons demitche moi et lui. Quand y ramasse des choses qu'encore ça sert, je me soigis ça que je veux. Le métier il est bon. Chaque maison on me connaît ; et si jamais une concierge elle m'em.. j'y laisse la motié de la saloperie en devant sa maison et j'y parle Canca qui s'y balie à l'envers. Comme ça y faut faire pour qu'on porte le respègue.
                Si jamais je me vois un type qui fait le malin, j'y fais péter le fouet en côté I'oreille qui vient sourd un mois. Cuilà qu'il est pas content, il a rien qu'à s'annoncer. Vec Ie service, faut pas rigoler.

                Une fois que j'avais fini la tournée, je vois Çuilà qu'il a la Calotte jaune vec la corbeille qui se vend la gomme russe. Il a fait semblant qui me connaît pas et y me demande comme ça si mon cheval il a pas le rhume ? J'y f... un coup de mèche dessur sa marchandise qu'il y saute en l'air quate ou cinq cornets de la gomme. Ma què rabia ! Partout y se serche un caillou pour me taper et y s'a trouvé rien qu'une peau de mélon qui m'a lancée dessur moi en me sortant des insultes. Quand y s'a passé la rage, j'y demande si y veut pas monter en prémière classe dedans ma voiture pour promener.
                Tu t'en vas la bataille des fleurs ou à le rallye papier ? y dit La Calotte jaune.
                Si tu veux, avant, nous faisons l'escale à l'équrarrissage.
                Ti as besoin sanger de cheval ? Gare qui s'attrape pas le mors aux dents.
                Monte, bougue de chineur, et ferme. J'a besoin le renseignement.
                -- Combien tu payes ?
                Allez, monte, spèce de fausse-couche, aussinon je te pose un anchois dessur la figure vec le fouet. Monte que nous parlons.
                Et le commerce, ho ? Tu veux je fais faillite alors ?
                - Tu veux monter ou non ?
                Oilà Çuilà qu'il a la Calotte jaune qu'il a monté en côté de moi en faisant un tas des chichis et en disant comme ça : " Qué horreur qu'on travaille dedans. ce sale métier.. C'est une enfection... C'est dégoûtant...
                Qu'est-ce quelle va dire ma clientèle..." Ma parole un petit baron c'est rien.
                Ti as vu Bacora ? j'y dis.
                Bacora y se tient un boeuf qui casse tout depis ahier.
                A cause ?
                - Un homme qu'il a barboté quinze francs l'américaine.
                Aouat ?
                J'le jur ... Oilà la gomme russe ! Demandez la gomme russe pour la tousse, la colique et tout !
                Qu'est-ce que tu g... ? J'y demande à la Calotte jaune.
                -Aspéra, qu'y a plein des marins, que peut-être je vends quéque chose.
                Ferme le magasin, j't e dis ! Comment c'est venu ça que tu dis de Bacora ?
                C'est un homme que soisandisant y veut monter le kiosque de la limonade, même qui veut m'embaucher à moi si je me l'envoye pas dinguer. Y z'ont fait camarades lui et l'aute et après il y a dit qu'il y prête vingt pour s'envoyer les échantillons de je sais pas quoi. Comme l'homme il était bien habillé, Bacora il y a prêté quinze francs et après il a plus vu rien. L'homme y s'a calté.
                Ça qui rouspète pluss que tout Bacora, c'est pas à cause la galette, c'est à cause qu'on li a mis comme le bras. Aïe qué rire !

                Cet homme là il a venu à ma maison pour parler que je travaille vec lui. Zoop, je marche. Qu'est-ce je sais d'aousque y vient ce citoyen là ? Bacora y s'a laissé qu'on li pose le salabre dessur. ChalIah ! qui s'empoigne la fièbre célébrale. Bacora y l'a dit rien sur moi, des fois ?

                Y m'a dit comme ça que ti es venu falso avec lui.
                Lui, oui, c'est un falso véritabe. Tu connais pas Lydia, celle-là qu'elle parle vec ma soeur ?
                La négrita, qu'elle se peinture la figure ? Un chouari niméro un, c'est.
                Oui. Eh ben cette fille là, moi j'a entendu les femmes qu'elles parlaient comme ça qu'elle a venue la maitresse à Bacora rien pour s'empêcher que Madame Solano qu'elle tient l'épicerie et Mamoiselle Thérésine elles parlent vec ma soeur. On s'y a envoyé la lettre alonyme à Madame Solano e un tas des saletés dessur sa fille et dessur moi. A Chicanelle aussi on s'y a envoyé la lettre alonyme qu'on dit qu'elle fait la main pour moi que je suis été pluss de six mois à l'hôpital et encore des autes mensonges qlue si je me retiens pas, j'y lève la peau qu'elle se tient dessur ses oss. Quand même les lettres elles portent pas le nom, on s'a connu que c'est la Négrita qu'elle se les a écrit vec Bacora, purquoi y a une chose qu'on y a dit esprès, rien que elle pour voir si elle blague.
                C'est la jalousie qu'elle s'y brûle la viande, y dit la Calotte jaune. Tous les femmes qu'elles sont un peu vieilles et vilaines, elles ont la rage de ça qui font les autes.

                Pantience ! Un jour y vient que nous la coppons, va. Chicanelle, sans dire rien, elle se la fait espionner par, une femme pluss louette que elle. C'qui parait que La Négrita elle travaille vec une sorcière arabe pour que nous faisons la dispute vec Madame Solano et Mamoiselle Thérésine. A cause de ça, ma soeur elle fait laver la maison vec l'eau de la mer. Elle y a dit à Madame Solano qu'elle fait pareil que elle. C'empêche pas qu'elle porte tout le temps des ensorcelages en devant la porte à ma soeur et à Madame Solano. Chicanelle, elle a ramassé tout dedans le couffin et après elle y a fait mettre dedans la nuit en devant sa porte à Lydia.

                Cette fille là c'est une malfaiteuse qu'elle fait pIuss du mal à le monde que le choléra ; elle s'attrape à tout ça que c'est prope et elle passe le temps rien qu'à jeter la pooison dedans les maisons tranquilles. Manque plus que Bacora y fait associé vec elle à présent.

                Huit jours y reste, après y se la largue. Alors tu t'en rappelles plus comment qui fait Bacora vec ses fumelles, ho ?
                - Mieux ça vaut que la colle elle tient et qui s'y f ... une tournée chaque soir dessur la citrouille.
                - Ça se peut, pourquoi la Négrita elle fait crampon. Pantience !
                Après que nous avons parlé comme je dis, Çuila qu'il a la Calotte jaune il a descendu le Iandau et il a parti en criant la gomme russe, quand même y a personne dedans la rue que c'est l'heure qu'on mange.
                Moi j'a mené le tombereau à la rémise d'en haut la Carrière, et du temps que Canca y désattèle et qui fait boire le cheval, j'a f... le camp la maison.

                Quand j'a passé en devant l'épicerie à Madame Solano, je me vois à Mecieu Hoc qui blague vec la patronne, en tenant le couffin qui fait le marché avec.
                Ah ! Te voilà toi, y me dit le facteur en retraite. Juste nous parlons dessur toi vec
                Madame Solano...
                Mais comme les pratiques elles avaient venu dedans le magasin, Madame Solano elle a rentré pour servir. Alors Mecieu Hoc y me dit comme ça :
                Encore Madame Solano elle a trouvé la lettre alonyme en dessous la porte à le magasin qu'elle veut li faire lire à sa fille avant qu'elle connaît ça qui a écrit dedans. AIorss elle m'a dit que j'y lis. Pour qu'elle se fait le mauvais sang, j'y a sangé la motié de ça qui a, que c'est aboménable. Seurement, comme Madame Solamo elle fait lire les lettres à trois, quate persones pour voir si des fois on se l'angore pas, faut savoir si a pas moyen qu'on s'y embrouille la lettre pour la déchirer.
                Disez-y que vous allez la porter à l'espert pour qui s'endivine qui c'est qui l'a écrit. Moi y faut que je m'en vais la soupe, le temps y marche et le tombereau y m'attend. Allez adios. J'y crie bonjour aussi à Madame Solano à le fond de le magasin et j'y m'amène à la maison.

                J'a vu Madame Solano, j'y parle à Chicanelle, du temps que je m'assis à la table pour manger.
                De quoi elle ta dit ?
                Moutche ! Y avait une chiée des pratiques dedans l'épicerie, Mecieu Hoc qu'il avait taillé la bavette vec elle, y m'a parlé qu'on li a envoyé la lettre alonyme plein de la poison dessur nous tous.
                Ca, c'est encore un coup à la Négrita, sur. Saleté, va !
                Mecieu Hoc à cause que la lettre elle porte la révolution, veut s'y faire trois quate cinque pour pas que Madame Solano y la fait lire à un aute, des fois.
                Probabe. La vieille elle la connaît dans dans les coins, va !
                Moi j'y a dit à Mecieu Hoc qui dit comme ça qui s'en va la faire voir à un espert esprès.
                Comme ça, peut -être Madame Solano, elle marche.
                Mecieu Hoc y fait camarade vec elle. Tout le temps y reste dedans le magasin.
                Y veut venir ton beau-père, elle dit Chicanelle en rigolant.
                A moi ? Qué commerce c'est ça ?
                Oilà comme c'est anrangé, Mecieu Hoc, y se marie vec Madame Solano et après toi tu t'épouses à Mamoiselle Thérèsine qu'elle en pince pour ta figure et toi aussi ; tous on sait.
                Quand ma soeur elle a parlé comme ça, j'a venu blanc et le manger y m'a resté à moitié chemin de le tuyau.

                Tout ça c'est des histoires que les femmes elles sont inventées pour passer le temps, j'y dis à Chicanelle.
                - Dis la vérité, elle m'a dit ma soeur ; ti as pas fait caprice vec Mamoiselle Thérèsine hein ? Alors pourquoi l'aute jour ti as porté le petit bouquet que ti as ramassé les fleurs par en haut la Vigerie. Pourquoi à présent tu rentres à la maison tout de suite que la journée elle est finite, à cause que Mamoiselle Thérésine elle reste vec moi jusqu'à temps qu'on mange ?
                La politesse elle veut comme ça, pas pluss.
                Assez, menteur que ti es ! Régare ça que je dis moi : chaque coup que nous faisons la réussite, toi tu sors en côté Thérésine, vec I'amour et le mariage. Le bras de force tout le temps y vient pour toi et la victoire aussi.
                Tchalèfe ! Les cartes elles parlent comme on veut.
                - C'empêche pas qu'y a des femmes qu'elles endivinent tout comme c'est. Toi le premier que tu fais tant le zigoto, si jamais tu t'en vas voir une que je la connais, que c'est la plus forte qu'y a ici, la figure tu perds. Tout ça qu'elle m'a dit à moi c'est arrivé.

                Ca se peut. Seurement y en a qu'elles travaillent rien que pour angorer à les filles et faire le rendez-vous pour des hommes. Y en a qu'elles font les lettres alonymes esprès pour qu'on va encore à chez elles et un tas de sorcelages qu'on vient bourriquots par foce.
                - Les mauvaises femmes partout y en a dedans chaque métier. Mais aussi y en a qu'elles sont honnêtes et qu'elles travaillent pour faire bien. Celle-là là que je parle, moi, jamais elle a fait des misères à personne. Elle dit ça qu'y a juste, pas pluss. Même des fois qu'on l'a pas l'argent, elle fait le travail battel. Comme les moutons le monde y vient achez elle. Alorss qu'est-ce tu crois, toi, que tout le monde c'est des canailles !
                Je dis pas.
                Régare ça qu'il est arrivé pour toi si c'est pas vrai, hein ? Tout on m'a annoncé.
                Avant que tu connais Mamoiselle Thésèrine ti est f.. comme l'as de pique. A présent, tu fais te poireau vec le foulard jaune qu'y a les petites raies, tu te mets la pommade dessur les cheveux que les draps y sont pareils à le fond de la culotte à un pôvre homme ; tu t'a sorti les bottines jaunes vec les boutons. A peu à peu tu mets les gants et tu te fais la rue des poux par darrière la tête comme un hiveneur.

                Alors quand on vient prope ça veut dire qu'on vient amoureux ?
                Et la bouteiIle de l'odeur que t'embusque dedans la tabe de nuit, c'est pour mettre dedans la salade ?
                - C'est pour défacer l'odeur à les ordures que des fois c'empeste ! Et toi qui c'est qui t'a donné la permission que tu fouilles dedans mes affaires ? En voilà encore une !
                Et le ménage, c'est toi que tu te le fais ! Et pis c'est pas déshonorant ça que tu fais ; ça prouve que tu veux venir giron pour que Mamoiselle Thérèsine elle te gobe. Pas la peine que tu t'esquintes pour dire des mensonges. Ça se voit que ti es amoureux, va ! Denande-z-y à Théllésine ?
                De quoi elle dit ?
                - Ça que nous parlons entre nous autes ça régare pas à les hommes.
                - Quand même Chicanelle elle me chine tant qu'elle peut, je laisse qu'on parle comme ça pour pas qu'on fait fâcher. Un jour je m'ai trouvé un papier vec je sais pas quoi dedans, qu'on s'avait rentré dedans mon chapeau par en dessous le cuir qu'y a. Un aute coup par force on s'a voulu que je me suce un morceau du sucre que soisandisant on s'a fait le canard dedans le café. Un aute coup, Momoiselle Thérèsine elle m'a demandé que je li fait cadeau le mouchoir que pour ma fête on s'a bordé l'anitiale que ca ressembe à une lettre de l'enseigne. Alorss elle, elle m'a fait cadeau son mouchoir à elle vec la dentelle et plein des trous esprès autour que ça qui reste pour moucher, un timbre de quittance il est plus grand. Ma parole je m'attrape le rhume si jamais je me mouche vec ce mouchoir là !
                - Ça sera pour que vous le mettez à vote poche d'en haut du panetot des dimanches, elle dit Mamoiselle Thérésine. Cet très original.

                Le premier diianche que j'a sorti vec ça dedans la boudjaque qu'on met le cigare, vec la dentelle qu'elle sort, ce fan de p... de La Calotte jaune y me demande si je m'ai pas habillé vec un rideau du lit sans faire esprès, à cause, qu'un bout y passe par la poche. Ca fallu que j'y sors un tas des splications pour qui comprend.
                A rapport à le mouchoir, tous mes camarades y z'ont blagué que je fréquente, et avant qui passent quate jours, tout la Cantère elle parle que je m'en vais me marier.
                Qui c'est qu'il a dit que il je m'en vais marier ? Aucun y se met la main dessur le feu voilà que tous on sort la preuve. Mécieu Hoc que un peu y travaille pour sa peau à lui, ma soeur Chicanelle et les autes femmes y s'ont enfermés en cachette pour trafiquer des affaires dessur moi, sans qu'on me demande la permission.
                Une y m'a jeté le sort dessur moi ; une aute y m'a fait la réputation ; une y m'a sorti une femme ; une aute y m'a montéle mnage et Mecieu Hoc il a fait les papiers. A présent, si jamais je passe pas par le chemin que le mode y m'a commandé, on me jette à la mer en m'eng.. Bessif je marche, si je veux pas que mon père y me lève le nom et que Madame Solano elle me saute dessur jusqu'à temps qu'elle me mange tout !
                Chandific ! Pisque tous on veut que je me ahisse le drapeau jaune dessur ma maison, laisse qui vient ça qui vient. Mamoiselle Thérésine elle est pas vilaine ; elle se tient le certificat d'études et l'épicerie à sa mère. Si le certificat d'études y porte pas la farine à le pétrin, toujours nous boulottons la morue et les côtelettes d'Espagne. Dommage que Madame Solano elle pense pas de faire escapa dedans son pays pour voir si les raisins y sont pas secs. Cette femme là elle est pas méchante, seurement elle fait tout le temps du rouski pour rien.

                Pluss de 35 ans elle a resté à Alger et encore pas même elle sait parler en français comme la tia Bolbassa. Quand j'y a dit quelle parle en spagnol pour qu'on comprend, elle a dit comme ça qu'elle s'en rappelle plus. Què typesse c'est !
                A présent que tous on raconte que je m'en vais me marier vec Mamoiselle Thérèseine, chaque matin des femmes elles vont à le magasin de Madame Solano pour parler dessur ça. Y en a que la jalousie elle y rentre en dessus la peau et que ça li brûle la viande. Une elle dit comme ça :
                Eh ben va, vote fille elle poudrait se soigir mieux que ça, vec ça qu'elle porte et bien et tout qu'elle est !
                Une aute elle parle :
                C'est dommage qu'une fille comme Thérésine elle tombe dessur un endividu pareil. Manque pas des junhommes à Bablouette qui sont pluss mieux que lui !
                Une aute elle dit en sortant le soupir :
                Ça se voit bien que l'amour il est aveugue ! Seurement Madame Solano c'est une crminelle, d'y donner une palomba à ce chacail.
                Tout le temps comme ça. Pas même elle crève, une elle dit que Mamoiselle Thérésine elle a raison de faire ça que ça li fait plaisir et moi aussi.

                Les hommes c'est pareil à les femmes.
                Chaque pourpion qui s'amène y se pense qui s'a été ch... par I'Empereur des Girons et y rouspète comme un voleur qu'on se I'aye pas soigi à lui pour garder à l'épicerie et à la fille. Aie que commerce !
                - Encore si les femmes et les hommes qui s'annoncent pour jeter sa crachat y z'arraient le droit parler comme le juge. Les sept figures parterre, on fait au nom du père et on ferme la bouche. Mais pour l'amour de Dieu, portez-y la glace pour qui s'arrégardent. Si jamais on s'y lève la chimise, aucun y reste debout. Assez qu'y z'ont pas le savon, pour euss les pôvres qui se lavent le linge à les autes vec sa langue. Tsss aï aïe !.

                Mamoiselle Thérèsine elle s'en f… pas mal de tout ça qu'on dit. Elle rigole, basta. Madame Solano elle répond à chaque :
                Quouand yo farai la lissive, yo vo gardarai on pètite place per vote paquette.
                Dedans le monde, çuilà qui parle de les autes, toujours y monte dessur sa boite des sa boite des ordures pour venir pluss grand.
(A suivre)                


La Musique arabe
L'Effort Algérien N°259, du 20 janvier 1933 .
De Marseille- Matin
         
               La musique est un des plaisirs que les indigènes de l'Afrique du Nord placent au-dessus des autres. Citadins. nomades, montagnards berbères, tous aiment également la musique et les chants. A tout seigneur tout honneur. Nous parlerons d'abord des musiques guerrières de la Nouba, sur laquelle Léon Roches interprète en chef des armées d'Afrique, recueillit au camp d'Abd-el-Kader la curieuse légende ci-après :
            A propos de la nouba, on m'a raconté une histoire typique : un Arabe plaisant demandait à ses compatriotes s'ils comprenaient le langage de la nouba :

            " Elle ne dit rien, elle chante " lui répondirent-ils.
            Ah ! ignorants ou simples que vous êtes reprit-il, la nouba parle au nom du Sultan et en votre propre nom, écoutez : les grosses caisses, c'est la voix du sultan qui crie : " Draham, draham, draham. "
            Draham veut dire argent : et en prononçant le mot fortement et avec emphase on imite le son de la grosse caisse.

            Le hautbois, c'est la voix des Arabes auxquels on demande de l'argent et qui disent en pleurant : " M'ninn, m'ninn, m'ninn. "
            M'ninn veut dire d'où : en prononçant vivement m'ninn plusieurs fois de suite avec une voix de fausset, on imite les sons aigus du hautbois.

            Et les timbales, c'est la voix des cavaliers du Sultan qui viennent lever l'impôt et qui répondent : " Debbor. Debbor. Debbor. "
            Trouves-en, trouves-en, en prononçant fortement les deux "b", on imite le son des timbales..

                
           


 " Le testament du Pied-Noir "
Envoyé par Marius Piedineri
A l'aube de l'année 1962, Marcel Ducrocq, diplomate originaire de la Mitidja, pressentant le douloureux exode sans retour de ses compatriotes Français d'Algérie, lançait un dernier cri du cœur, dans son petit livre Une œuvre fraternelle, Notre Algérie. Voici un court extrait de cet ouvrage, extrait que l'on pourrait appeler

" Le testament du Pied-Noir "

             " Les idées qui expriment des faits perdent tout intérêt lorsque ceux-ci ont cessé d'être. Si un jour les Français d'Algérie devaient être dispersés, nos regrets ne seraient plus que des sépulcres blanchis. Ils n'auraient plus qu'un intérêt historique et iraient rejoindre, dans l'arsenal de l'histoire, pour d'autres luttes, les armes ou les justifications des temps futurs.

             Peut-être même quelque poète viendrait-il s'attendrir sur notre triste sort et, tel Longfellow, conter nos misérables aventures. Il y a longtemps qu'est connue l'histoire des Acadiens, ces Français d'Amérique, eux aussi chassés de chez eux.

             J'ai aimé Evangéline(1) et je lui ai offert mes larmes pour qu'elle cesse de poursuivre son vain souvenir. Mais elle tenait encore plus à ce qui avait été dispersé et détruit qu'à la vie. Evangéline n'a pas voulu perdre la trace de celui qu'elle avait vainement cherché et qu'un éblouissement lui a rendu, alors que la mort fermait ses yeux.

             Evangéline, ma sœur, irons-nous aussi chercher ceux que nous ne retrouverons plus ? Oui, je te vois, petite sœur, courir le long des flots, croyant entendre l'Océan te dire " Despair not ". Mais lui aussi mentait, et ceux qui ont pris la place des tiens se sont servis pour paver les rues, des pierres tombales qui furent laissées et leurs pas effacent jusqu'au souvenir.

             Ah, si nous pouvions quitter, tous ensemble, notre terre de sang et de larmes ! Croyez-vous que nous aurions moins d'ardeur que les Boers qui, dans leurs immenses chariots, firent le grand Trek, ou que les Israélites qui partirent vers la Terre Promise et s'ouvrirent un passage au travers des eaux de la Mer Rouge ?

             Mais nous arrivons trop tard. Où que nous allions maintenant, nous serons des étrangers. Peut-être trouverons-nous des cœurs pour s'apitoyer sur nous et nous offrir l'hospitalité de leur cité, mais combien d'autres, nous rendant responsables de leurs propres maux et de leur mauvaise conscience, nous refuseront l'aumône ou bien nous diront : " Vous l'avez bien mérité ". "

             Deuxième extrait : " A l'enterrement du vieux Mahieddine, j'ai regardé, du haut de sa demeure, accroché au flanc de la montagne qui surplombe L'Arba, la Mitidja s'étendre à perte de vue. J'ai pensé au paysage que le mort, dans son enfance, avait dû avoir sous les yeux ; les chemins rares et poussiéreux avaient été depuis remplacés par un réseau dense de routes goudronnées bordées d'arbres. Les marécages étaient devenus des vergers et à l'horizon Alger n'était plus la petite tache plus compacte de la Casbah, mais un immense arc de cercle tout blanc, le long de la baie. J'ai imaginé le flux et le reflux de l'histoire : les Carthaginois et leurs comptoirs, les Romains et leurs légions, les Arabes et leurs cavaliers, les Turcs et les corsaires, enfin la France et ses colons. Nous avions fertilisé comme d'autres avaient dévasté. Qu'importe, nous étions devenus les fils de la même terre et un jour dans la nuit des temps, d'autres encore viendraient et aimeraient cette terre. Quel vain combat puisque le destin a fait de chacun de nous d'irrécusables contemporains, réunis jusqu'à la fin des siècles, dans un même chapitre de l'histoire.

             Sans l'amour des hommes, la Cité ne saurait vivre, et en Algérie cela est encore plus vrai qu'ailleurs. "

             Marcel Ducrocq, Une œuvre fraternelle, Notre Algérie (lettre du Maréchal Juin, préface de Robert Abdesselam, député d'Alger-Banlieue), Nouvelles Editions Latines, 1962

             Evangéline : Poème de l'américain Longfellow (1807-1882), sur la déportation des Acadiens par les Anglais en 1755 (le " Grand Dérangement "). Il raconte l'histoire de deux amants Acadiens séparés par l'exil.

PRÉFACE

De EVANGELINE de H. W. LONGFELLOW - 1847
Traduit par M. Poullin

AUX JEUNES FILLES DE FRANCE

             C'est à vous, mes jeunes et chères compatriotes, qu'est plus particulièrement dédié cet ouvrage. En écrivant cette modeste adaptation du poème si frais et si touchant d'Évangèline, notre pensée se reportait involontairement vers des temps plus rapprochés de nous.

             En 1870, notre chère Alsace fut frappée de malheurs offrant une triste analogie avec ceux qui accablèrent l'Acadie en 1755.

             Lorsque vous rencontrerez sur votre chemin une femme, dont le visage triste et rêveur est encore assombri par un large nœud de deuil.

             Saluez-la du fond du cœur. Cette femme est une exilée.

             Comme Èvangèline, elle fut un jour chassée du foyer paternel par un ennemi brutal ; Comme elle, c'est à la lueur des flammes qui défloraient la maison où elle avait passé son enfance, qu'elle quitta son village natal ; elle fut comme elle, séparée violemment de ses compagnes et de ses amies d'enfance ; comme elle enfin, beaucoup de jeunes filles d'Alsace laissèrent, sur une terre désormais étrangère, le corps de leur père mort brisé par le chagrin, ou accablé par les mauvais traitements.

             Et aujourd'hui que, plus heureuses qu'Evangèline, ces infortunées alsaciennes ont trouvé au milieu de nous un nouveau foyer et une nouvelle famille, un ennemi méfiant jusqu'à la cruauté, leur refuse la consolation d'aller librement pleurer sur la tombe de ceux qu'elles ont laissés là-bas.

             Que ces terribles événements, dont l'histoire nous offre de temps en temps le spectacle, soit pour vos Jeunes dames une leçon salutaire.

             A l'exemple de la jeune et douce acadienne, opposez à l'adversité et aux douleurs de la vie un cœur fort et résigné ; attachez-vous fermement à ses précieuses qualités qui font les grands caractères ; la foi de vos pères et l'amour du pays natal.


             NB : Malheureusement les Evangélines de 1962 n'ont pas ému les Français et Françaises au même titre que les Alsaciennes et les acadiennes.


PHOTOS de BÔNE
Envoyé par M. Roland Bussola

Cathédrale
Photo M. Roland Bussola


Cours National
Photo M. Roland Bussola


Emplacement de la Gare
Photo M. Roland Bussola

Quai Warnier
Photo M. Roland Bussola




UN NOM OUBLIE
27 février 1945
Par M. Pierre Latkowski
            
            Comment s'appelait-il ?

            Était-ce Martinez, Cornez, Fernandez, Murcia ? Pas Cornez, non : blessé dans l'accident qui avait coûté la vie à Algarra, Cornez n'était déjà plus parmi nous, depuis Marseille. Pas Murcia non plus : c'était un brigadier-chef. Mais peut-être Lopez, Sanchez, ou un autre de ces noms si courants en Oranie, où le groupe avait été constitué quelques mois avant l'embarquement, et où j'avais été conduit, avec une poignée de bônois, à presque 1.150 Kms de chez nous par les routes de l'époque, pour vivre ensemble les années de fer et de feu.

            L'Alsace étalait autour de nous ses planes étendues de douceur blanche et brune, engourdie sous les frimas de février, soumise au cycle des saisons plus qu'à l'enfer des hommes. Parfois, un lièvre trop curieux cachait mal ses grandes oreilles derrière un cep de vigne, et lorsque nous partions là-haut, dans les collines couvertes de sapins, il nous arrivait de voir un cervidé traverser d'un seul bond devant nos jeeps les pistes enneigées, pour disparaître presque aussitôt, comme absorbé par l'obscurité des sous-bois, laissant nos yeux émerveillés fouiller le grand silence en quête d'une nouvelle apparition.

            Comment s'appelait-il donc ? L'ai-je seulement bien su, à cette époque où nous étions si indifférents aux conventions du monde civilisé ! Plus qu'au patronyme des gens, notre attention s'attachait à une silhouette, une attitude, un comportement particulier, parce qu'il était bon à l'occasion de pouvoir pressentir ce que serait l'autre, face à l'imprévu.

            Une silhouette, oui, brune, petite, râblée, qui aurait pu aussi bien être celle d'un des quelques corses qui s'étaient joints à nous au départ d'Algérie, et qui, réunis sous une même guitoune, avaient mené grand tapage la nuit tombée, autour d'un jeu de cartes. Mais lui, quelque fût son nom, était incontestablement d'origine espagnole.
            Il n'était pas comme moi le maillon d'une équipe autonome, où chacun se trouvait lié par le hasard aux autres maillons de la chaîne, pour l'exécution d'une tâche bien déterminée. Il dépendait de services plus étoffés, qui assuraient le fonctionnement de l'ensemble du groupe, et c'est pour cela qu'il était là.

            Il m'avait pris par le bras gauche, à deux mains, et, d'un mouvement de reins, m'avait hissé en travers de son dos. Mon bras droit pendait, inerte, laissant tomber sur la terre, çà et là, quelques gouttes de sang, comme pour marquer notre passage, et je sentais dans mes bottes une chaleur visqueuse descendant de mes autres blessures. Il avançait lentement, pliant sous mon poids. J'entendais sa respiration saccadée. Était-elle due seulement à l'effort ?

            Ma tête plongeait vers le sol, et mes yeux ne voyaient qu'un petit cercle autour de ses pieds, mais sous chaque herbe, sous chaque pierre, je croyais distinguer une fourchette. Nous appelions ainsi les quelques pointes de métal, fines et verticalement dressées, qui étaient la seule et discrète apparence de la mine enfouie sous elles. Piège sournois, planté là pour frapper, un jour, une victime de hasard, pour frapper aveuglément encore, demain ou dans des lustres, longtemps après que les passions seraient apaisées. Arme monstrueuse, désir de tuer dans son sens absolu.

            Celle qui avait éclaté sous nos pas n'avait frappé que des soldats. Nous étions quatre, Brandstaetter le brigadier, Jacques Xaès, Roger Sarrault ( bônois) et moi, Pierre Latkowski (bônois aussi). Nous avions abordé le champ par l'intérieur des terres, à un endroit où les démineurs n'avaient pas encore déroulé leurs rubans indicateurs du danger. Nous allions en sortir, en franchissant sur quelques planches un étroit canal nous séparant du village. C'est le quatrième qui déclencha le mécanisme, à l'entrée du petit pont, en marchant pourtant sur les traces des trois autres.

            Je marchais en second. Croyant d'abord, bêtement, à un coup de fusil, je m'étais tourné vers les deux derniers, avec sur les lèvres quelque question narquoise sur le résultat du tir. Et j'avais vu " Brands " se pencher vers Xaès à terre, puis détaler à corps perdu en direction du village.

            Xaès le doux rêveur, Xaès le mental, le lettré, le musicien, Xaès dont le violon, rapporté de Strasbourg quelques jours auparavant, nous parlait, pendant les moments d'attente, des bonheurs abandonnés là-bas, sous un autre soleil. Xaès dont l'expression musicale était le pur reflet de cette petite lueur triste qui flottait toujours au fond de son regard : tristesse devant l'absurdité des temps présents, mais aussi tristesse remontant du fond des âges, malgré l'hispanisation du nom, malgré des études plus littéraires que bibliques ; tristesse deux fois millénaire d'un peuple condamné à l'errance.

            Et ce regard s'était posé sur moi, fixe, lourd de questions, de reproches même devant mon attitude figée. "Va donc chercher du secours !". Bouleversé d'entendre ce corps éclaté me parler encore, j'avais dit que " Brands " était déjà parti, marmonné d'autres mots sans suite, monologue informe et ininterrompu jusqu'à ce que le regard se fit encore plus fixe, définitivement.

            C'est seulement lorsque j'avais voulu ramasser mon fusil tombé à terre que je m'étais rendu compte de mes blessures. Je ne souffrais pas, et n'avais que le souvenir d'une sorte de coup de fouet. Roger, qui avait marché en tête, gémissait de l'autre côté du canal, atteint lui aussi malgré la distance. Curieusement le brigadier, qui, en troisième position, s'était trouvé très proche de la mine, avait été épargné, couvert sans doute par le corps du quatrième. Avec un étrange détachement j'avais sondé d'un doigt sale les chemins qu'avaient tracés les éclats dans mon corps, et devant la profondeur de celui qui pénétrait mon dos, j'avais cru sentir ma vie s'en aller par-là. J'avais encore regardé Xaès, et m'étais demandé quel sens donner à notre mort, à vingt ans, sur ces mottes de terre absorbant notre sang, comme elles avaient, tant de fois déjà, absorbé d'autres sangs chargés, eux aussi, de toute l'espérance de la jeunesse.

            Les secours étaient arrivés et mon camarade au nom oublié tentait de nous faire rejoindre la route où un Dodge attendait. Combien de pas à franchir avant d'atteindre la zone déminée ? Redressant un peu la tête, je voyais au loin la bande aux couleurs vives marquant la fin du danger. Vision bien dérisoire, en cet instant, et pourtant bien effrayante par son éloignement. Encore cent pas, deux cents peut-être. Encore cent fois, deux cents fois, voir les pieds de l'autre se poser sur le sol et cent fois, deux cents fois, attendre le déclenchement d'un autre engin de mort surgissant de terre. Encore autant de fois sentir mon sauveteur anonyme vibrer de cette même terreur. Le regard scrutant le sol autour de nous, je criais malgré moi: "attention ! devant ! à droite ! à gauche !", inconscient de tout ce que ces mots pouvaient causer de terreurs inutiles chez celui qui avait déjà traversé les mêmes dangers pour venir jusqu'à moi, qui tentait maintenant de me sortir de là, et qui allait sans doute mourir avec moi, pour moi, au pas suivant, ou à l'autre, ou sur les derniers mètres du parcours, si le hasard en avait décidé ainsi.

            "Tais-toi et ferme les yeux", me dit-il soudain gravement, sans colère. Et je suis certain qu'il les fermait aussi.
            Je ne l'ai jamais revu.
Pierre Latkowski (94 ans)             

Cote AC 21 P 167098 MEMOIRE DES HOMMES
Jacques XAES Mort pour la France
le 27-02-1945 (Bichtolsheim, 67 - Bas-Rhin)

Né le 19-09-1924 à Oran (Algérie (département d'Oran))
Unité :102ème Groupe d'observation d'artillerie
Mention : Mort pour la France
Cause du décès : tué par l'explosion d'une mine.



L'organisation de la Régence
Envoyé par M. Christian Graille
Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde.
Tome II par Augustin Bernard, professeur à la faculté des lettres de Paris. 1930

                 Les janissaires.
                 L'histoire d'Alger sous la domination turque est celle de la rivalité de la milice des janissaires et de la corporation des Raïs ou capitaines de navires.
                 La milice ou Odjak était une sorte de république militaire. Elle se recrutait dans le bas peuple d'Anatolie. Les Koulouglis, fils de Turcs et de femmes indigènes, très bons soldats étaient enrôlés en cas de danger ; mais en temps ordinaire on les écartait le plus possible et leur inscriptions sur les contrôles était une faveur qu'ils devaient acheter par des présents.
                 Le simple soldat ou janissaire s'appelait Ioldach ; au bout de trois ans de service il devenait vétéran et recevait une haute paye. Tous les grades étaient donnés à l'ancienneté. Le plus ancien officier devenait kiaya, commandant supérieur et deux mois après Agha, capitaine général ; il ne gardait cette charge que deux autres mois puis passait Agha honoraire.
                 La milice qui comptait environ 15.000 Hommes de troupes régulières à la fin du seizième siècle était répartie en trois groupes : un tiers qualifié de khezour (repos), restait à Alger, un second tiers tenait garnison (nouba) dans certaines villes de l'intérieur comme Constantine, Tébessa, Bougie, Mascara, Tlemcen, Mostaganem ; le reste formait des colonnes ou mehallas. Presque toutes combattaient à pied ; la cavalerie des spahis était recrutée parmi les Indigènes.
                 Le danger de ce système était de développer chez des hommes de basse origine, comme étaient les soldats turcs, l'orgueil, la brutalité, le mépris des lois. L'égalité de la solde et l'avancement à l'ancienneté faisaient que les soldats regardaient les officiers comme leurs camarades et tenaient d'eux peu de compte quand la fantaisie leur prenait de bouleverser l'État. De l'ambition encombrante des membres de la milice, de leurs querelles avec les patrons-corsaires, de leurs exigences à l'égard des représentants de la Porte résultèrent l'instabilité du pouvoir et les changements de régime.

                 Le dey
                 Il était tenu de demeurer à la Jenina, sous l'œil des janissaires qui ne le perdaient jamais de vue. A partir du jour de son élection, il était séparé de sa famille, car aucune femme ne pouvait pénétrer dans le palais, sinon en audience publique.
                 Le jeudi après la prière du Dohor ( ) les gardes l'escortaient jusqu'à sa maison particulière où ils venaient le reprendre le lendemain un peu avant midi pour le conduire à la grande mosquée. Puis il rentrait à la Jenina jusqu'au jeudi suivant. Quand il périssait de mort violente, ses biens étaient confisqués au profit de l'État. " Ainsi vit cet homme, écrit Juan Cano, riche sans être maître de ses trésors, père sans enfant, époux sans femme, despote sans liberté, ni esclaves et esclaves de ses sujets. "
                 Lorsque la réunion du Divan des janissaires ne fut plus qu'une vaine formalité le pouvoir du Dey devint absolu en principe. Il recevait tous les deux ou trois ans un caftan d'honneur du sultan de Constantinople et ce don traditionnel était tout ce qui attestait sa vassalité purement théorique vis-à-vis de la Porte.
                 Il était assisté d'un conseil d'État ou divan du Pacha dont les membres choisis par lui prirent le nom de puissances. Ce conseil se composait de cinq ministres :
                 le Khasnadji ou trésorier, l'Agha, commandant l'armée de terre, l'Oukil-el-Hardj, ministre de la marine, le Bit-el-Maldji, intendant du domaine et gérant des successions en déshérence, le Khodjet-el-Kheïl, receveur général des tributs tant en argent qu'en nature.
                 Au-dessus de ces cinq puissances venait le Khasnadar, trésorier particulier du Dey, puis les Khodjas ou secrétaires, chargés des écritures et de la paye, et des chaouchs ou huissiers.
                 Le chef de l'Etat tenait audience tous les matins, sauf le mardi, jour de grand conseil, et rendait la justice à tous, sauf aux janissaires qui ne relevaient que de la juridiction de leur agha.
                 Les délits étaient punis de l'amende ou de la bastonnade, les crimes de la décapitation ou de la strangulation. La torture, le pal et les ganches, longs crochets de fer sur lesquels on précipitait le condamné du haut des remparts étaient réservés aux condamnés politiques, le bûcher aux apostats et ou Juifs. Les ganches se trouvaient à la porte Bab-Azzoun.
                 Jamais les janissaires n'étaient exécutés publiquement dans l'enceinte de la ville ; ils subissaient leur supplice dans la cour du palais de l'Agha.

                 L'Alger turc.
                 Alger fut pendant trois siècles la métropole de la piraterie, le rendez-vous de tous les forbans, la patrie cosmopolite de tous les aventuriers, la terreur des nations civilisées qu'elle bravait avec l'audace d'une longue impunité. Bien qu'il reste peu de chose de la cité des corsaires, détruite et défigurée de toutes manières, il est facile de la reconstituer par la pensée, grâce aux vues anciennes et aux nombreuses descriptions qu'en ont laissées les captifs et les voyageurs.
                 La ville avait l'aspect d'un triangle dont le sommet était formé par la Kasbah, d'où elle dévalait en pente raide vers la mer.
                 Les maisons basses, muettes, penchées les unes sur les autres étaient séparées par des ruelles étroites qui laissaient à peine filtrer un peu de lumière.
                 Une grande artère commerçante, le grand souk, traversait la vile basse réunissant Bab-el-Oued au Nord et Bab-Azzoun au Sud ; une troisième porte, Bab-Djedid ou la Porte Neuve, s'ouvrait dans le haut de la ville ; deux autres, les portes dites de la Maine et de la Pêcherie donnaient sur le front de mer. Un mur d'enceinte de 25 pieds de haut, avec des tours carrées de distance en distance et un fossé de 6 à 8 mètres de profondeur, protégeait Alger.
                 A 900 mètre de la porte Bab-Azzoun s'élevait le fort du même nom ; le Fort Neuf couvrait la porte de Bab-el-Oued à 300 mètres de celui-ci était le fort des Vingt-quatre heures et 1.300 mètres plus loin le fort des Anglais.
                 Le fort de l'Empereur, éloigné de 800 mètres de la ville, était le seul ouvrage avancé qui défendît la Kasbah du côté de la terre. Les Beyylierbeys avaient fortifié Alger avec soin et l'avaient embellie de palais, de bains et de mosquées.

                 Les Morisques d'Espagne, fuyant la persécution étaient venus s'y établir en grand nombre, l'avaient enrichie des épaves de leur fortune et des produits de leur travail. Les corsaires s'étaient fait bâtir dans le quartier de la marine des maisons spacieuses, décorées avec un luxe bizarre, mi européen, mi oriental.
                 Sur les côteaux qui entourent Alger et lui forment un si riant horizon, ils avaient des villas de plaisance entourées de jardins, parés des dépouilles qu'ils ramenaient de leurs croisières ; les marbres d'Italie, les faïences de Delft, les velours de Gênes, les glaces de Venise embellissaient leurs demeures.
                 Les esclaves étaient enfermés le soir dans les bagnes publics ou privés dont quelques-uns contenaient jusqu'à 3.000 captifs. On y vendait du vin, que les musulmans venaient plus ou moins boire en cachette. <
br>                 A la fin du dix-huitième siècle, le bénédictin Haedo comptait à Alger 12.000 maisons, 100 mosquées, 2 synagogues, 2 chapelles catholiques, 8 fontaines monumentales, des bains de marbre publics et gratuits, 7 grande casernes pour les janissaires non mariés.
                 Dans cet étroit espace grouillait toute une multitude, 100.000 habitants au temps de Haedo, 200.000 au dix-huitième siècle d'après un résident français : Turcs, Koulouglis, Arabes, Maures, Juifs, Kabyles, Biskris, renégats et captifs venus des quatre coins de l'Europe, assemblage hétéroclite des races les plus diverses et des types les plus opposés , l'Arabe, le Provençal, l'Italien, l'Espagnol, le Français, toutes les langues et tous les idiomes se heurtaient dans cette Babel.
                 Quand un navire entrait dans la darse, arborant fièrement le pavillon vert semé d'étoiles d'argent, tous se ruaient vers la marine ; c'était le moment d'acheter, de vendre, de spéculer. Parfois si l'on avait capturé quelques barques espagnoles chargées de vin, les esclaves se grisaient à bon marché ; ils avaient leur part de liesse.
                 Certains jours la ville devenait morne ; les rues étaient désertes, les maisons closes ; la milice venait d'égorger le Dey, dont les esclaves trainaient dans la cour, le corps encore chaud, pendant que son successeur recevait le baisemain de ceux qui l'entouraient. Ou bien c'était une révolte de Koulouglis, de Kabyles, d'esclaves ou encore une escadre européenne qui lançait ses boulets et ses bombes. Mais, l'orage passé, on reprenait avec insouciance la vie accoutumée.
                 Les Turcs, comme de juste, tenaient le premier rang ; le dernier des janissaires était qualifié de " haut et magnifique seigneur ".

                 Haedo distinguait deux sortes de Turcs : les Turcs de naissance et les Turcs de profession, c'est-à-dire les renégats. Les Musulmans détenaient l'industrie locale. L'administration municipale comprenait le cheik-el Blad, premier magistrat, le Bit-el-Maldji, administrateur des successions vacantes, le Mohhtasseb, chargé de la surveillance des marchés, le Mézouar, chargé de la police des femmes publiques, l'Amin-el-Aïoun, chargé des fontaines. Les divers corps de métiers avaient chacun leur Amin.
                 Les Juifs étaient au nombre de 10.000 environ et trafiquaient sur les marchandises provenant de la course, qu'ils trouvaient moyen de revendre en Europe. Ils étaient fort mal traités, frappés, insultés, soumis à de lourds impôts, ne pouvant se vêtir que de couleurs sombres.
                 Mais le besoin d'argent, principal mobile de la politique des Deys, les força souvent à recourir aux Juifs ; ils furent d'abord les banquiers des Deys, puis leurs conseillers et enfin leurs ministres.
                 Les Juifs dit Indigènes qui composaient la grande partie de la colonie étaient anciennement établis dans le pays ou venus d'Europe à partir du quatorzième siècle ; ils s'occupaient de petits commerces et de petits métiers, étaient parqués dans un quartier spécial et étaient fréquemment pillés.
                 Il en était tout autrement de ceux qu'on appelait les Juifs francs, venus d'Italie et surtout de Livourne, où les grands ducs de Toscane les avaient laissé établir un dépôt d'esclaves et de marchandises provenant de la course.
                 N'étant pas sujets de la Régence ils se trouvaient placés sous la protection du consul de France. Ils y gagnaient l'exemption des charges humiliantes qui pesaient sur les coreligionnaires, pouvaient loger où ils voulaient et porter des vêtements européens. Les Juifs livournais avaient habillement profité des embarras financiers des souverains de la Régence pour monopoliser le commerce à leur profit ; ils avaient acquis de grandes richesses dont il consacrait une partie à acheter la faveur des principaux personnages de l'État.
                 Peu à peu ils étaient devenus les véritables maîtres de la Régence. Le fondateur de leur influence politique fut un certain Soliman Jakete qui mourut fort âgé en 1724. Leur influence ne fit que s'accroître au dix-huitième siècle, à la fin duquel les Bakri et les Busnach étaient les véritables maîtres d'Alger. En 1805, Nephtali Busnach, qui s'était rendu odieux par son arrogance fut tué d'un coup de pistolet par un janissaire au moment où il sortait de la Jenina : " Salut au roi d'Alger " s'était écrié le meurtrier.
                 Une émeute éclata et beaucoup de Juifs furent massacrés. Bakri parvint à s'échapper et reconquit bientôt son influence. Telle était la vie dans l'Alger turc.

                 " Petite ville kabyle à l'origine et quelque peu andalouse, dit Masqueray, gouvernée par les Turcs, elle se remplit très rapidement d'Européens coiffés du turban, s'enfla outre mesure et devint, toujours sous le masque de l'islamisme, une cité de près de 100.000 âmes, toute méditerranéenne.
                 Elle fut Alger la Blanche, dressée en amphithéâtre sur le bord d'une mer bleue, toute en maisons cubiques dont les terrasses s'élevaient les unes au-dessus des autres. Elle eut son fort de la Victoire, bâti sur l'emplacement de la tente de Charles Quint en témoignage d'un des plus brillants triomphe du croissant, ses hautes muraille crénelées qui continuaient à défier les assauts de la Chrétienté, ses fortins et son front de mer hérissés de canons toujours tournés vers les ennemis de Dieu unique, ses sept casernes de soldats toujours prêts à mériter le paradis du Djihad. "


L'Algérie sous les Turcs
Envoyé par M. Christian Graille
Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde.
Tome II : L'Algérie par Augustin Bernard, professeur à la faculté de lettres de Paris. 1930

                 Bien que la domination turque qui a duré trois siècles n'ait laissé que peu de traces en Algérie, comme elle a précédé immédiatement la domination française, il convient d'y insister quelque peu.
                 L'anarchie dans laquelle était tombée l'Afrique du Nord semblait appeler la conquête étrangère. Elle se produisit sous la double forme des entreprises hispano-portugaises et de l'intervention des Turcs. La péninsule ibérique une foi reconquise, les Portugais et les Espagnols poursuivirent au-delà du détroit de Gibraltar la croisade contre les Maures. Les Portugais dominèrent sur les côtes du Maroc, les espagnols de Melilla à Tripoli. La première conquête des Portugais au Maroc fut la prise de Ceuta en 1416 ; quant aux entreprises espagnoles elles ne commencèrent qu'après la prise de Grenade en 1492.

                 Le testament d'Isabelle la Catholique prescrivait à ses successeurs de conquérir l'Afrique et d'y continuer sans jamais l'interrompre la croisade pour la foi contre les infidèles. Ils étaient d'ailleurs provoqués par les Indigènes qui, de concert avec les Morisques expulsés d'Andalousie, avaient organisé la piraterie sur toutes les côtes de la Méditerranée.
                 En 1505 Don Diego Hernandez de Cordoue, plus tard marquis de Comarès, prit Mers-el-Kébir ; deux ans après, il s'avança jusqu'à Misserghin pour surprendre un douar de Gharabas mais essuya au retour un sérieux échec.
                 Ferdinand cédant aux instances du cardinal Ximénés de Cisneros résolut de venger cette défaite. Le cardinal réunit une armée de 4.000 cavaliers, 12.000 piqueurs, 8.000 aventuriers à ses gages ; la flotte qui la portait comprenait 33 vaisseaux, 22 caravelles, 6 galiotes (petites galères effilées et très rapides), 3 bateaux plats, une fuste (bâtiments à voiles et à rames) et 19 chaloupes.

                 Ximénès prit le titre de capitaine général et confia le commandement effectif à Pedro Navarro ; l'armada, partie de Carthagène, fit voile pour Mers-el-Kébir, d'où l'armée espagnole marcha sur Oran et enleva la place d'assaut au cri de Santiago y Cisneros ; 4.000 Musulmans furent tués, 8.000 faits prisonniers et le cardinal fit son entrée sur une embarcation magnifique au-dessus de laquelle une banderole brodée de la croix et de la devise : In hoc signo vinces. (par ce signe, tu vaincras). Les Espagnols s'emparèrent ensuite de Bougie, de Tripoli, de Ténès. Sur un des îlots qui ont valu son nom à Alger (El-Djezaïr : les îles).
                 Pedro Navarro construisit une forteresse, le Penon, dont les canons pouvaient battre la ville de la distance de 300 mètres. Ces succès si rapides jetèrent l'effroi parmi les Indigènes ; Bon nombre de tribus s'empressèrent de faire leur soumission.
                 L'Espagne maîtresse d'une grande partie des côtes de l'Afrique, voyant les chefs locaux s'adresser à elle contre leurs compétiteurs, aurait pu profiter de l'anarchie du pays pour l'occuper tout entier. Mais au lieu de prendre les ports comme base de pénétration vers l'intérieur, les Espagnols se tinrent enfermés derrière de puissantes murailles.

                 Ce système d'occupation restreinte, dont la France devait renouveler, trois siècles plus tard, la triste expérience, eut ses résultats ordinaires.
                 Les Espagnols furent bientôt assiégés et comme emprisonnés dans leurs places fortes par les tribus du voisinage, réduits à tout faire venir d'Espagne, même l'eau douce. Les difficultés de la navigation pendant l'hiver et surtout la négligence de l'intendance réduisaient parfois la garnison à l'extrême misère : " A Bône, dit un rapport officiel, les soldats n'ont plus de quoi acheter une sardine ; A Bougie, on doit dix-huit mois de solde aux troupes et les hommes désertent pour aller aux Indes ; au Penon, on était en train de mourir de faim quand un vaisseau chargé de blé est venu s'échouer devant le fort. Tout va bien maintenant, mais il ne faudra pas continuer à tenter Dieu. "

                 Le capitaine général qui avait le commandement suprême de l'armée et des fortifications était doublé d'un corrégidor royal, sorte de gouverneur civil, qui était chargé d'assurer la solde, les approvisionnements et de rendre la justice.
                 Entre ces deux pouvoirs rivaux, la lutte fut incessante jusqu'au moment où le Roi, en 1536, se décida à supprimer le corrégidor.
                 Les Espagnols se laissèrent d'ailleurs détourner de leurs entreprises africaines par les guerres d'Italie. Le pays leur échappa économiquement et politiquement ; les Indigènes reprirent peu à peu courage ; il leur vint d'ailleurs un secours inattendu, celui des Barberousse, qui, avec quelques milliers d'hommes allaient se rendre maîtres de l'Algérie.

                 Les différentes phases de la domination turque
                 La période turque de l'histoire de l'Algérie se divise en quatre phases :
                 celle des Beylierbeys (1518-1587),
                 celle des Pachas triennaux (1587-1659),
                 celle des Aghas (1659-1671),
                 celle des Deys (1671-1830.)
                 Ces diverses phases correspondent à un détachement croissant vis-à-vis du sultan de Constantinople et aussi à une anarchie de plus en plus complète.

                 Depuis qu'Arroudj el Kheir-ed-Din avaient fondé la régence d'Alger, ou comme on le disait, l'Odjak, quatre grands personnages avaient été revêtus de la dignité de beylierbey : Kheir-ed-Din lui-même, son fils Hassan, Salah-Raïs et Euldj-Ali ; les uns et les autres avaient été des hommes remarquables par leur énergie et leur sens politique.
                 La milice et les corsaires leur obéissaient et ils étaient eux-mêmes de fidèles serviteurs du sultan. Mais déjà des révoltes fréquentes avaient appris aux fondateurs de la Régence que leur œuvre n'était guère solide et que la turbulence des janissaires constituait pour elle un perpétuel danger.

                 Dès 1556, la milice égorgeait un pacha ; en 1561, elle embarquait de force pour la Turquie Hussan-Ben-Kheir-ed-Din. Le pacha, quand on voulait bien l'accepter, ne pouvait rien sans l'assentiment de l'agha, chef des troupes et de l'assemblée du divan (l'administration) où tous les janissaires avaient accès.
                 Cependant jusqu'en 1587, les beylierbeys trouvèrent un solide point d'appui contre les janissaires dans la corporation des corsaires ou taïffe des raïs, qui leur était très attachée, à eux et à l'empire ottoman.

                 Les pachas triennaux.
                 Les choses changèrent à la fin du XVIe siècle. Le nombre des Ioldachs (soldats) augmenta considérablement ; se voyant plus redoutables, ils devinrent plus grossiers, plus arrogants, plus pillards et plus indisciplinés. Leurs officiers composaient le divan, qui décidait souverainement de la paix et de la guerre, des alliances et des traités, s'inquiétant peu de savoir si la détermination prise était ou non conforme à la politique de la Porte (siège du gouvernement du sultan).
                 Les raïs (capitaines des corsaires) ne se recrutaient plus comme jadis parmi les marins de l'empire turc, mais parmi les renégats qui affluaient à Alger à partir de cette époque.
                 Ces nouveaux corsaires furent beaucoup plus âpres au gain et plus cruels que leurs prédécesseurs. Ils n'eurent que pour les ordres du sultan que du mépris et comme seuls ils faisaient régner l'abondance dans Alger, ils en devinrent les véritables maîtres.
                 Après la mort d'Euldj-Ali, il n'y eut plus ni grand chef de guerre, ni grande politique dans la Régence. L'empire turc qui avait fait à la chrétienté une guerre si redoutable, était bien affaibli et déjà commençait sa longue décadence. La Porte renonça au grand projet qu'avaient conçu les beylierbeys : la création d'un empire en Afrique.

                 Elle considéra les Régences d'Alger, de Tunis et de Tripoli comme de simples provinces qu'il suffirait, croyait-elle, d'administrer comme celles de l'Asie Mineure et de la Turquie d'Europe. Elle envoya donc à Alger des pachas qui ne gardaient leur gouvernement que pendant trois ans.
                 Mais les populations de l'Afrique du Nord étaient beaucoup plus indociles et plus remuantes que celles du reste de l'empire. Les janissaires d'Alger se sentaient assez forts pour s'ériger en maîtres et ne laissaient aux pachas que des prérogatives purement extérieures : une garde, un palais, des chaouchs, la place d'honneur dans les cérémonies publiques.

                 En 1635, préludant à la révolution qu'elle devait accomplir vingt-six ans plus tard, l'assemblée tumultueuse du Divan soustrayait au pacha l'administration du Trésor et n'en exigeait pas moins qu'il payât les troupes. Les pachas sans cesse ballottés entre les exigences de la taïffa, de la milice et de la populace, s'efforçait de ménager tout le monde, tremblant sans cesse pour leurs têtes et pour leurs trésors qu'ils cherchaient à accroître rapidement pour aller finir leurs jours dans une des riantes villas du Bosphore. On cessa d'obéir aux ordres de la Porte et la Régence devint indépendante.

                 Les aghas.
                 Dans la seconde moitié du dix-septième siècle, les pachas furent de moins en moins respectés et obéis.
                 En 1659, les janissaires réunis en Divan décidèrent que le pacha envoyé de Constantinople n'aurait plus le pouvoir exécutif ; celui-ci serait exercé par les Aghas, chefs de la milice, assistés du Divan, et l'envoyé de la Porte ne conserverait plus qu'un titre honorifique.
                 La soldatesque devenait ainsi maîtresse du pouvoir et la séparation entre la Régence et la Porte s'accentuait. La révolution de 1659 changeait le pachalik (charge du Pacha) en une république militaire, dont chaque soldat devait devenir président à son tour d'ancienneté : conception bizarre et évidemment irréalisable. L'Agha ne gardait ses fonctions que deux mois, et tous les deux mois surgissait un nouveau chef du pouvoir. Le système avait pour effet de multiplier au-delà de toute mesure les désordres et les assassinats. Tous les Aghas sans exception moururent de mort violente de 1659 à 1671.

                 La nouvelle constitution dura douze ans à peine. En 1671 se produisit une nouvelle révolution, qui, cette fois, fut l'œuvre des Raïs ; la souveraineté des chefs de la milice disparut devant la prééminence de la marine.
                 Les Raïs donnèrent le pouvoir à l'un d'entre eux, qui prit le titre de deys, c'est-à-dire, oncle, patron, appellation familière qui se transforma en un titre officiel.
                 Les Deys, nommés à vie, ne tardèrent pas à profiter des moyens que leur donnait la position qu'ils occupaient pour transformer leur pouvoir en une sorte de dictature.
                 Quant aux pachas, revêts par le sultan du caftan (long manteau) d'honneur, ils furent complètement oubliés et sans aucune influence sur la marche des affaires.
                 La Porte finit d'ailleurs par se lasser d'envoyer à Alger des représentants qui étaient comptés pour rien et le dey devint en même temps pacha.

                 Les Deys.
                 Les quatre premiers deys furent des capitaines-corsaires, qui, soutenus par leur taïffe, plus puissante que la milice elle-même, abaissèrent le Divan et ne le réunirent plus que pour la forme. Mais leur origine même les força de fermer les yeux sur les excès de la piraterie, qui exposaient Alger aux représailles des nations chrétiennes.
                 Après que les bombardements et les croisières eurent terrifié les habitants et ruiné la marine des Raïs, les janissaires reprirent une partie de leur ancienne influence.
                 Mais ce n'était plus l'ancien corps uni et compact qui avait dicté ses lois à la Régence pendant un demi-siècle ; l'effectif était réduit des deux tiers au moins.
                 Le recrutement ne se faisait guère qu'en Asie Mineure parmi les vagabonds et les mendiants. Leur tourbe vénale s'occupa de moins et moins de conserver les privilèges qui leur étaient acquis et les échangea volontiers contre des accroissements de solde et des dons de joyeux avènement.
                 Cette cupidité grossière devait d'ailleurs amener des conspirations et des révoltes sanglantes, chacun de ces mercenaires ne voyant plus dans un changement de souverain que l'occasion d'une gratification nouvelle. Le moindre retard dans le paiement de la solde, une insulte ou une injustice qu'on disait faite à l'un d'entre eux, le moindre incident était un motif de soulèvement.

                 Les janissaires apportaient alors leurs marmites renversées devant le palais de la Jenina (palais où siégeaient gouvernement et administration) et comme ils avaient presque toujours des complices dans l'entourage du dey, celui-ci était mis à mort.
                 Le besoin d'argent obligea les souverains de la Régence à donner la plus grande extension à la course, qui devint une piraterie organisée par l'État et pour son compte.
                 Aux réclamations d'un consul, l'un d'eux répondait : " Je suis le chef d'une bande de voleurs, mon métier est de prendre et non de rendre. "
                 En droit, un Dey eût dû être élu par l'assemblée générale ; en fait les choses se passaient tout autrement. Lorsque le souverain abdiquait ou mourait de mort naturelle, ce qui n'arriva que onze fois sur vingt-huit, son successeur, désigné d'avance, avait pris les précautions nécessaires et le changement s'opérait sans opposition. Mais quand il succombait à la violence, les assassins se précipitaient à la Jenina, en occupaient les abords et proclamaient celui d'entre eux qu'ils avaient choisi ; souvent un combat s'engageait et durait jusqu'au moment où les vainqueurs pouvaient arborer la bannière verte sur le palais dans lequel ils venaient d'installer leur candidat.

                 En ville, des scènes de pillage accompagnaient le changement de règne. " La milice, disait un consul de France, est un animal qui ne reconnaît ni guide, ni éperon, capable de se porter aux dernières extrémités sans seulement songer au lendemain et souvent sans savoir pourquoi. "
                 Les janissaires faisaient parfois des choix étranges. Tel cet Hadj-Ahmed (1695), vieux soldat que les conjurés trouvèrent sur le seuil de sa porte, raccommodant ses babouches, enlevèrent sur leurs épaules et portèrent triomphalement au Divan ; inquiet et maniaque, il vécut sous l'empire d'une terreur perpétuelle et n'osait même pas sortir de la Jenina pour aller à la mosquée.

                 Tel encore Baba-Ali (1754), ancien ânier, ignorant, brutal, fanatique, donnant des ordres au hasard et les révoquant au bout de quelques minutes sur l'avis d'un esclave ou d'un matelot qu'il consultait sur les affaires de l'Etat en lui disant : " Tu as plus d'esprit que moi, décide. "
                 Tel Omer-Agha (1809), grand fumeur d'opium, qui restait dans une apathie voisine de l'imbécillité tant qu'il n'avait pas pris sa dose accoutumée et tombait dans des accès de démence furieuse quand il la dépassait.

                 Au dix-huitième siècle, l'anarchie s'aggrave encore et tout est en décadence, même la course. Le nombre de vaisseaux diminue et l'argent manque pour en construire de nouveaux. Le port d'Alger qui comptait autrefois plus de 300 Rais n'en a plus que 24 en 1725. Les bagnes où il y avait eu 30.000 esclaves n'en ont plus que 3 ou 4.000.
                 La milice qui avait eu jusqu'à 22.000 hommes est réduite de moitié ; elle perd même cette supériorité de bravoure et de discipline qu'elle avait eue jusqu'alors sur les Indigènes.
                 La population est décimée par des pestes et des famines presque périodiques ; les révoltes d'esclaves, de Koulouglis, de Kabyles sont continuelles. A peine un complot est-il apaisé qu'il en renaît un autre.

                 La Porte harcelée par les réclamations des puissances européennes essayait parfois d'intervenir. Ses envoyés étaient accueillis avec de grands honneurs, ils offraient au dey le caftan d'investiture et le sabre encerclé de diamants en présence du Divan assemblé, la lecture du firman (décret) du Grand Seigneur était écoutée avec un silence respectueux. Mais lorsqu'on arrivait aux réclamations, la séance devenait tumultueuse, les Algériens refusaient d'obéir aux ordres de leur suzerain :
                 " Nous sommes ici les maîtres chez nous, disaient-ils, et nous n'avons d'ordres à recevoir de personne. " La Régence était assaillie de temps à autre par ses voisins de l'Ouest et de l'Est, Marocains et Tunisiens, parfois unis contre elle.
                 Les Algériens étaient en général facilement vainqueurs ; ils entrèrent à Tunis à plusieurs reprises mais ils ne réussirent jamais à conquérir la Tunisie d'une manière définitive, ni même à la soumettre à un tribut ; aussitôt qu'ils étaient repartis, le tribut leur était de nouveau refusé.
                 Depuis le jour où les Espagnols avaient été vaincus devant Mostaganem, ils étaient étroitement assiégés par les Indigènes dans les quelques places fortes qu'ils avaient conservées.

                 En 1708, le dey Mohammed-Bagdach, aidé par le bey de Mascara, Bou-Chlaghem, réussit à enlever Oran et Mers-el-Kebir ; le comte de Montemar reprit ces places en 1732, en augmenta les fortifications et approvisionna par quelques razzias bien conduites.
                 Mais l'Espagne ne tenait guère à ces possessions qui lui coûtaient chaque année plus de quatre millions. L'abandon d'Oran et de Mers-el-Kébir avait été convenu dans le traité conclu en 1785 entre la Régence et l'Espagne.

                 En 1790, un terrible tremblement de terre renversa les fortifications et les maisons d'Oran et hâta la solution décidée de part et d'autre.
                 L'évacuation fut terminée en mars 1792.

                 Mohamed-Ben-Osman (1766-1791) rendit quelque vitalité au moins apparente à l'Etat algérien. C'était un homme sage, travailleur, d'un esprit juste et ferme ; ce fut certainement le meilleur de tous les deys qui se succédèrent sur le trône d'Alger, qu'il occupa pendant vingt-cinq ans en dépit de nombreuses conspirations ; il réussit à remplir les caisses de la Régence et son règne vit les derniers exploits des corsaires algériens.
                 La décomposition de l'Odjak s'accentuait de plus en plus. L'abolition de la piraterie en 1815 lui porta un coup de grâce. En 1815, Ali-Khodja tenta de se soustraire au joug de la milice en quittant la Jenina pour aller habiter la Kasbah, qu'il avait soigneusement armée et où il fit transporter le Trésor public.

                 Il essaya de s'appuyer sur les Kabyles et les Koulouglis contre les janissaires ; ceux-ci furent pour la plupart massacrés ou rapatriés à Smyrne et à Constantinople. Le dernier dey, Hussein (1818-1830), fut un des meilleurs souverains de la Régence ; il se renferma lui aussi dans la Kasbah ; il eut à lutter contre diverses révoltes dans les beyliks d'Oran et de Constantine. A partir de 1826, la Régence jouit d'une tranquillité relative. Mais, privée des profits indispensables de la piraterie, ne pouvant s'appuyer ni sur la milice, ni sur les Indigènes dont il n'avait jamais essayé de faire la conquête morale, le gouvernement d'Alger n'avait plus qu'une existence précaire et ses jours étaient comptés.
                 L'heure allait sonner où la France renverserait l'Odjak et mettrait fin à cet étrange État barbaresque qui avait réussi à vivre ou plutôt à agoniser pendant trois siècles.


Hussein Pacha
Envoyé par M. Christian Graille
Souvenirs de l'Algérie et de la France méridionale
par M. Dopigez 1840

                 Le Dey souverain absolu de l'Algérie distribuait les récompenses et les châtiments, ordonnait les armements et les expéditions militaires, désignait les garnisons, nommait à toutes les charges et avait en un mot la haute administration de toutes les affaires de la régence sans être obligé de rendre à qui que ce fût le moindre compte de ses actions. Tel était le pouvoir d'Hussein. Il est né en Caramanie, province d'Anatolie en Asie Mineure.
                 Dans sa jeunesse il servit comme soldat dans la milice turque. Mais à la suite d'une querelle qu'il eut avec un de ses chefs et dans laquelle il oublia totalement les lois de la subordination et de la discipline ; il s'était abandonné à toute la fougue et à l'emportement qui lui étaient naturels ; il n'y avait qu'une prompte fuite qui put le mettre à l'abri de la vengeance expéditive et terrible de ses compatriotes ; en un mot, il y allait de sa tête mais il la sauva du cordon en s'engageant dans la milice d'Alger.

                 Dès qu'un individu faisait partie de cette milice la justice turque n'avait plus aucun pouvoir sur lui. Le plus grand coupable, un assassin même, étant poursuivi, parvenait-il à s'introduire chez un recruteur de la régence et à lui dire : " Je m'engage, " il était sauvé à l'instant même ; il pouvait aussitôt se présenter dans la rue et dire à ceux qui le poursuivaient : " Je suis janissaire d'Alger, " on le laissait libre et tranquille. Une fois qu'il eut endossé l'uniforme de la milice, Hussein prit le parti prudent et sage de s'appliquer à réprimer la violence de son caractère, et l'âge et l'ambition aidant, il en vint à bout.

                 Tout soldat avait la liberté d'utiliser son temps le mieux qu'il pouvait ; s'il avait un métier, il lui était permis de l'exercer. Il pouvait même s'absenter pour les affaires de son commerce, s'il en exerçait un pourvu qu'il s'arrangeât de manière à être toujours prêt quand le service de l'État réclamait sa présence, il était assuré de jouir tranquillement toutes les lunes, de sa paie de soldat en y ajoutant le fruit de son travail et de son industrie.
                 Hussein tenait une boutique de fripier dans Asouaka, partie basse de la ville presque vis-à-vis du grand café où sont actuellement les bureaux du lieutenant-général de police.

                 L'activité, l'ordre et l'économie qu'il sut mettre dans ses petites affaires lui firent bientôt réaliser des bénéfices qui lui permirent de solliciter par des présents et d'obtenir la place de directeur de l'entrepôt de blé. Dans cette position nouvelle, Hussein montra toute l'aptitude et toute l'habileté dont il était doué pour l'administration des affaires. Les richesses qu'il ne tarda pas à amasser éveillèrent toute son ambition et la fortune souriant sans cesse à ses entreprises, il envia bientôt le poste de Kodja-el Kheil (ministre de l'intérieur).
                 La mort du Dey Omar fut encore pour Hussein un évènement heureux. Un de ses amis intimes, Ben-Cadi-el-Malek, proche parent du successeur d'Omar étant devenu Premier ministre de la régence, lui fit obtenir la place éminente qu'il ambitionnait.

                 Ben-Cadi-el-Malek ne s'arrêta à ces preuves de son amitié pour Hussein et il lui rendit, à quelque temps de là, un service bien plus important encore. La peste, qui de temps en temps exerce ses ravages à Alger, s'étant déclarée, le Dey régnant, Aly en fut atteint.
                 A la première nouvelle de l'évènement, ses ministres s'assemblèrent en divan extraordinaire à la Kasbah et ne quittèrent plus ce palais. Le Premier ministre Ben-Cadi-el-Malek se tenait près du lit du Dey et venait d'heure en heure donner des nouvelles de son état. Il annonça enfin que, suivant les décrets de l'immuable volonté de la Providence, Aly avait cessé de vivre.

                 Aly n'avait régné que quatre mois et pendant ce court espace de temps un grand nombre de ses officiers et de ses soldats avaient été étranglés par ses ordres. Peu de temps avant sa mort le bruit s'était répandu qu'il allait encore augmenter le nombre de ses victimes. En effet me dit un Maure d'Alger, du train qu'il y allait, on pensait revenir au règne de l'un de ses prédécesseurs qui fit mettre à mort quatorze cents Turcs.
                 Jamais depuis ce règne sanglant et odieux, le bourreau n'avait eu telle besogne. Vers la fin du règne d'Aly, la milice, exaspérée par les cruautés de ce tyran pouvait à peine maintenir les manifestations de son mécontentement et de sa haine. Aly s'était fait entourer d'une garde imposante de zouaves dans la forteresse de la Kasbah, transformée en palais, et il y avait établi sa résidence pour se mettre à l'abri du ressentiment et de la vengeance de ses sujets.

                 Une fois installé dans cette demeure, entouré et défendu par une artillerie formidable, il avait annoncé hautement l'intention de dissoudre la milice et de se faire le chef d'une dynastie héréditaire comme celle de Tunis.

                 Hussein, en courtisan adroit et astucieux, flattait les passions et les espérances du despote en même temps qu'il conservait des intelligences parmi les janissaires, distribuant çà et là des largesses, promettant sa protection et son appui aux mécontents et leur faisant entrevoir un avenir qui leur ferait oublier tous les maux qui les affligeaient. Aussi tous ne formaient plus qu'un seul vœu, le moment où ils pourraient élever Hussein à la souveraine puissance.

                 Les ministres d'Aly eux-mêmes lui témoignaient autant de dévouements et de dispositions bienveillantes que la milice et l'ascendant de Ben-Cadi-el-Malek ne contribuait pas peu à augmenter cette sympathie ; aussi quand la mort vint frapper Aly, Ben-Cadi-el-Malek, le Premier ministre en annonçant cette mort, déclara qu'il ne connaissait personne plus digne que Hussein de monter sur le trône, et à l'instant même des acclamations unanimes le saluèrent du titre de Pacha.
                 Hussein a enfin conquis le souverain pouvoir, objet de toute son ambition ; Le voilà revêtu du caftan (grande robe longue) et assis sur le trône, du haut duquel il proclame et fait reconnaître sa dignité, en présence de la garde assemblée sous les armes.

                 Le canon de la Kasbah annonce l'avènement du nouveau Dey à la milice et au peuple qui répondent par des cris d'enthousiasme et de joie. Hussein-Pacha tint sa parole envers la milice turque ; il la traita avec beaucoup d'égards et de considération ; mais il paya de la plus noire ingratitude le dévouement dont lui avait donné l'homme auquel il était doublement attaché par les liens de l'amitié et de la reconnaissance : L'infortuné Ben-Cadi-el-Malek fut étranglé par ses ordres.

                 On assigna deux causes à cette action monstrueuse ; la première c'est que Hussein voulait flatter par-là les sentiments de vengeance qui enflammaient le cœur des miliciens contre Ben-Cadi-el-Malek, coupable de crime d'avoir été le conseiller intime et le parent de l'odieux Aly ; la seconde cause de cet assassinat politique fut attribuée à la crainte ombrageuse et jalouse qu'inspirait à Hussein l'ascendant que ce chef avait conservé sur la garde particulière du palais.

                 Hussein s'appliqua, au commencement de son règne, à consolider de plus en plus les bases de sa puissance remise entre ses mains habiles. Redoutant la turbulence et l'inconstance des janissaires, il continua d'habiter la forteresse de la Kasbah et conserva auprès de lui ses fidèles zouaves.

                 Une fois affermi sur son trône, il donna un libre cours à la violence naturelle de son caractère ; et son opiniâtreté, défaut dominant chez lui, devint plus que jamais inflexible.

                 Lorsque je vis Hussein, il ne me fit qu'une médiocre impression. La majesté de sa puissance n'était pas, comme je m'y attendais, empreinte sur son large front. Il me parut accablé du coup qui venait de le frapper ; et cependant, tout bien considéré, après quinze ans de règne, chose sans exemple à Alger, le destin le traitait moins mal que la plupart de ses prédécesseurs qui, au lieu de descendre vivants de leur trône, avaient presque tous péri par la corde ou le poignard.

                 Le pouvoir souverain était environné de mille périls à Alger. Celui qui en était revêtu, continuellement agité par la crainte et la méfiance, toujours sous le glaive de Damoclès, constamment occupé à découvrir des conspirations et à faire périr ceux qui étaient convaincus ou seulement soupçonnés d'y avoir pris part, celui-là, dis-je, devait se trouver plus malheureux que le dernier de ses sujets.

                 Les précautions les plus cruelles devenaient même assez souvent inutiles car une tête que le Dey faisait tomber, loin d'effrayer d'autres conspirateurs, les poussaient au contraire à la vengeance de leur frère, et à la place d'un ennemi abattu il en surgissait mille autres.

                 Plusieurs Deys ne pouvant s'acclimater dans l'atmosphère du sang où ils étaient obligés de vivre, fatigués d'une existence aussi pénible et aussi agitée, prirent le parti de conjurer l'orage qui tôt ou tard devait foudroyer leur tête, en abandonnant le trône par aller chercher dans la retraite et l'obscurité une condition plus heureuse et surtout plus tranquille. Mais il fallait qu'une pareille résolution fût conduite avec la plus grande circonspection et le plus profond mystère. Si l'on était découvert, il fallait se préparer à mourir, les janissaires concluant toujours que le Dey qui voulait fuir s'était enrichi par l'iniquité et qu'il avait l'intention d'emporter des trésors avec lui, si déjà il ne les avait fait passer dans le pays qu'il avait dessein d'habiter.

                 Lorsqu'un Dey était massacré, et si le peuple donnait son approbation à ce meurtre, ses femmes retournaient à leur première condition et ses enfants devenaient de simples soldats dans l'armée, sans espoir de parvenir à aucun grade.

                 Mais si la mort du souverain était naturelle, ce qui était très rare, ses obsèques se faisaient avec pompe ; on le révélait après sa mort comme un saint, et ses parents étaient traités avec de grands égards.
                 Telle était la férocité de la milice algérienne qu'il arrivait quelquefois qu'un Dey n'était pas plutôt porté au trône par une faction, qu'il était égorgé le jour même par la faction contraire, sort que son successeur risquait d'éprouver de la part d'un troisième parti ; aussi a-t-on vu, chose incroyable et cependant littéralement historique, six Deys assassinés successivement. Les mausolées de ces six victimes de la fureur populaire se voient encore aujourd'hui hors la porte Bab-El-Oued où ils sont disposés en forme circulaire.

                 Pendant que les Beys régnaient à Alger, celui qui parvenait au trône par la force était tout aussi bien reconnu que celui qui y était monté du consentement général, et cela parce que les Turcs sont fermement persuadés que tous les évènements qui arrivent dans le monde sont écris là-haut dans les décrets de la Providence. Les préambules des traités d'Hussein avec les puissances étrangères étaient conçus en ces termes : " Au nom de Dieu miséricordieux.

                 Louange soit au tout-puissant, le roi éternel et le créateur du monde. Le très honorable, le très puissant, le très illustre et le très magnanime Hussein, par la permission divine, élu Dey et gouverneur de la belliqueuse nation algérienne, du consentement unanime de l'invincible milice, des grands du royaume, du chef de la loi, des officiers du divan, du peuple et des habitants, etc. "

                 A l'époque de l'entrée des Français dans la capitale, Hussein avait 63 ans. Sa taille était petite et ses formes musculeuses et arrondies indiquaient la force. Le burnous était négligemment jeté sur ses épaules, et un turban fait avec un cachemire de couleur cramoisie couvrait sa tête. Il continua avant son départ d'Algérie, d'être entouré de Turcs et de Maures de distinction, mais aucun d'eux n'était armé.

                 Le trait suivant peut donner une idée exacte du caractère d'Hussein et de la justice algérienne. Un esclave de sa suite avait, pendant la visite au général en chef, dérobé des rasoirs du général Desprez.
                 Une plainte ayant été portée à ce sujet : " Douze hommes m'accompagnaient répondit le Dey je leur ferai trancher la tête à tous, bien assuré par ce moyen d'atteindre le coupable qui se trouve au milieu d'eux et dont j'ignore le nom. "

                 On ne le laissa pas faire, bien entendu, et le général Desprez fut obligé d'acheter d'autres rasoirs.
                 Peu de jours après l'entrée des Français dans Alger, une frégate conduisit à Naples Hussein et sa suite. Les Turcs célibataires furent embarqués pour L'Asie Mineure. Quand, à leur départ, on distribua une somme de cinq piastres à chacun d'eux, ils témoignèrent leur étonnement et leur reconnaissance pour la générosité de leurs ennemis.



Le rire est le meilleur médicament !
Envoyé par M. Hugues


         Mon grand,

         Je t'écris quelques mots pour que tu saches que je t'écris.
         Donc, si tu reçois cette lettre, cela voudra dire qu'elle est bien arrivée.
         Sinon, préviens-moi, que je te l'envoie une seconde fois.
         Je t'écris lentement, car je sais que tu ne lis pas rapidement.
         Dernièrement, ton père a lu une enquête disant que la plupart des accidents se produisent à quelques kilomètres de la maison, c'est pour cela que nous avons décidé de déménager un peu plus loin
         Au sujet du manteau que tu désirais, ton oncle Pierre a dit que si je l'expédiais avec les boutons, qui sont lourds, cela coûterait très cher, alors je les ai arrachés et te les ai mis dans une des poches.
         Une bonne nouvelle, ton père a trouvé du travail, il a sous lui environ 500 personnes : il fauche les herbes du cimetière.
         Ta sœur Julie, qui vient de se marier, attend un heureux événement.
         Nous ignorons le sexe, c'est pourquoi je ne peux te dire si tu seras oncle ou tante.
         Si c'est une fille, elle a l'intention de l'appeler comme moi. Cela me fait tout drôle de savoir qu'elle va appeler sa fille 'Maman'.
         Ton frère Jean a eu un gros problème, il a fermé sa voiture avec les clés à l'intérieur. Il a du retourner à la maison, 10 kilomètres aller retour à pied pour récupérer le second jeu de clés et enfin nous sortir du véhicule.
         Si tu as l'occasion de rencontrer ta cousine Monique donne-lui le bonjour de ma part. Si tu ne la vois pas, ne lui dis rien c'est plus simple.
         Ta Maman,

         PS : je voulais te mettre un peu d'argent dans l'enveloppe, mais je l'ai déjà collée.



C'était Mars 1962.
Par M. Robert Charles PUIG
Histoire du royaume d'Alger par M. Laugier de Tassy, commissaire de la marine pour Sa Majesté très chrétienne en Hollande. Édition 1725
Oh mon pays ! Oh ma Patrie !
Te souviens-tu de l'Algérie ?
De ce peuple Pied-noir trahi
Par les mensonges de Paris ?
      
       RCP / 03 /2018


            Mars 1962. Deux journées de ce mois là, le 18 et le 26 et de cette année là, ont démontré au monde combien le pouvoir gaulliste a pu rayer de la carte " France " par le mensonge et la trahison cette province d'Algérie.
            La première date fut celle du 18 mars annoncée par les médias le 19 : les accords d'Evian ! Des accords pour Paris, un papier sans valeur pour le GPRA terroriste algérien. Une mascarade ! Déjà un crime contre l'humanité où se retrouvèrent pratiquement seules sur le document les signatures des représentants de la France poussés par la hargne d'un De Gaulle à aboutir coût que coût à un règlement de " l'affaire algérienne " au détriment de son peuple pied-noir et un seul membre du GPRA. Une dissimulation, des contrevérités faisant croire à la Métropole qu'il y aurait la paix en Algérie... Alors débutèrent sur ce sol français d'Outre-mer, à une plus grande échelle et sans que l'armée aux ordres et surtout la gendarmerie n'interviennent, le kidnapping des civils, la torture et les assassinats de tous ceux qui avaient cru au maintien de cette terre maghrébine au sein de la République. Une attitude scandaleuse, une situation dramatique parce que l'Élysée avait remanié l'armée en Algérie après le Putsch des généraux d'avril 1961 et que les troupes militaires en place étaient aux ordres, silencieuses, soumises à Paris et à son ministre, Mesmer. Pour cette raison, l'armée n'intervenait plus lors d'exactions commises contre des civils dans les villes ou le bled et il arriva que des personnes réfugiées dans des gendarmeries soient " rendues " aux terroristes FLN à partir de cette date.

            Ces accords " déviants " n'avaient pas que le défaut de livrer et d'abandonner une population civile aux terroristes, elle avait son empilement de mensonges faisant croire que rien ne changerait de la vie des Pieds-noirs et des musulmans fidèles à la République française. Rien ? Pourtant, qui a signé ces documents ? Qui a pu nous faire avaler ces dits-accords qui ne valaient rien pour le GPRA, ce fameux gouvernement fantôme algérien ? Je souhaiterai que le document OFFICIEL de cette connivence complice soit enfin révélé au public. Quand ? Que l'on sache que si du côté français il y a toutes les signatures des représentants gaullistes, il n'y a eu qu'une seule signature du GPRA, celle de Krim Belkacem dont on sait le sort funèbre qui lui fut réservé par la suite par ses pairs du FLN !

            Ainsi donc, le 18 mars 1962, le gouvernement français, par exigence de son chef, se débarrasse de l'Algérie en approuvant un document falsifié, incomplet, donnant finalement que le droit de tuer au FLN par l'État gaulliste !
            Le général est satisfait de ces négociations et de ces résultats. Il a gagné ! La parole qu'il avait donnée dans les années 45 à Churchill et Roosevelt de se séparer des colonies prend toute sa valeur avec la fin de l'Algérie, ce fief français que de nombreux propos du général confirment n'avoir jamais souhaité conserver dans le giron de la République. Finalement Évian ? Ces accords entérinent ceux débutés puis avortés à Melun en juin 1960. Deux ans après juin 1958, et ils n'empêcheront pas De Gaulle en novembre, après les barricades d'Alger en janvier 1960, de brandir le spectre de l'indépendance et d'une " Algérie algérienne ".
            En avril 61, une partie de l'armée se rebelle : le Putsch des généraux ! Il durera moins d'une semaine et aboutira à la dissolution des régiments parachutistes qui constituèrent le fer de lance du mouvement : 1 er REP, 14 e RCP et 18 e RCP. Cette rébellion ne modifiera pas l'objectif gaulliste appuyé par les socialistes et les communistes pro-FLN et saboteurs dans de nombreux sites de l'envoi de matériels en Algérie, de brader l'Algérie qui court ainsi à sa fin exigée par Paris.
            Le temps de l'OAS qui suivit ne durera qu'aux environs d'une année. Un combat d'idéalistes, de soldats croyant à une plus grande France. Des héros au sacrifice incommensurable dans l'honneur, mais toujours non reconnus ! Ce fut une aventure dans le sang et le désespoir, décriée par le camp de l'abandon gaulliste et jamais encore pardonnée.
            Il est évident que le gouvernement français avait déjà bien avant le Putsch pris des contacts avec les terroristes du FLN. Melun en 1960, et en février et mai 1961 des " entretiens " débutaient en Suisse. D'un côté Georges Pompidou puis Bruno de Leusse avec en face d'eux Boudmendjel et Boulharouf. En fait, des rendez-vous " préparatoires " à Évian avec Joxe pour la France et Krim Belkacem pour les terroristes du FLN. Ainsi, les cartes truquées étaient disposées sur le tapis vert de la future négociation avec une déclaration du général-président affinant sa pensée d'un abandon du territoire algérien : " La France considèrerait avec le plus grand sang-froid une solution telle que l'Algérie cessât d'appartenir à son domaine. "
            De plus, pour prouver ses bonnes intentions vis-à-vis du FLN, De Gaulle décréta une trêve unilatérale sur le terrain de la guerre. Elle permettra aux terroristes de fortifier leurs positions d'autant plus rapidement et facilement que 6.000 détenus fellaghas seront aussi libérés. Une position aberrante de l'Élysée qui s'accompagnera d'une autre concession de taille, le Sahara dans la " corbeille " des noces sanglantes du FLN.
            C'est de cette façon que le 7 mars 1962 commencera à Évian plusieurs séries de réunions qui dureront onze jours.

            Onze jours de concessions, de pantalon baissé, de soumission au desiderata des représentants du FLN en condamnant l'Algérie française, sa population et l'œuvre de 132 années de construction d'une terre nue transformée en un pays moderne. Pour le GPRA qui n'a rien promis et tout raflé de cette manne tombée du ciel, nous retrouvons une partie des représentants algériens de Lugin : Ben Yayia, Bouhlarouf, Ben Mostafa, Ben kedda, Ben Tobbal, Dabbah, Malek et Krim Belkacem. Pour le gouvernement gaulliste, Louis Joxe, Jean de Broglie et Robert Buron qui démissionnera dès la fin des pourparlers montrant ainsi son désaccord sur les aboutissants de ces " arrangements ".

            Ce fut bien entendu sans illusion que ces accords " déviants " honteux, inimaginables en 1958, provoquèrent le désespoir, l'amertume et la fin décrétée du peuple Pied-noir et des musulmans fidèles à la Patrie. Ce fut le début des pires exactions du FLN, protégé par l'inertie programmée de l'armée et des autorités françaises encore en place. Ce fut le temps de l'abandon des Harkis et des Supplétifs, désarmés et livrés au Douk-douk vengeur du terrorisme ou bien plus, renvoyés en Algérie pour les quelques familles qui avaient réussi à prendre un bateau pour le pays qu'ils avaient défendu contre la barbarie FLN, la France ! Ce fut le temps des kidnappings, de la torture, des assassinats dans les villes et le bled.

            Pour accélérer la fin de l'Algérie française et l'Exode, il y eut le 26 mars au Plateau des Glières, au cœur d'Alger entre la Grande poste et la rue d'Isly alors qu'il s'agissait pour la population de protester contre le blocus de Bab-el-Oued, et juste après l'indépendance accordée par le pouvoir gaulliste dans des conditions toujours inacceptables, la tuerie horrible du 5 juillet à Oran.
            Dans les deux cas, des hauts gradés de l'armée française fautèrent :
            À Alger en alignant des troupes d'anciens fellaghas de la willaya IV soi-disant repentis, qui tirèrent sur une foule pacifique. Sous couvert de l'Élysée, des assassinats programmés par le général Ailleret et Christian Fouchet depuis le Rocher Noir.
            J'avais à l'époque écrit ces quelques lignes sur le 26 mars et la Grande Poste en illustrant d'un dessin d'après photo les colonnes de l'édifice en couleur sang.


Entre les colonnes rouges,
Comme une entrée des enfers,
Tout à coup plus rien ne bouge !
Mêlés aux assassinés,
Au sol... des ombres en prières.
France ! Ce jour-là, qu'as-tu fais ?

            À Oran c'est le général Katz, sous les ordres de De Gaulle, qui laissa la foule oranaise se faire massacrer par la population FLN de la ville, en refusant de faire intervenir les troupes françaises sous son commandement.
            Déjà, l'Exode avait commencé ! Il y avait ceux qui débarquaient en France dans des conditions particulièrement malheureuses. Ils étaient rejetés, maltraités, méprisés ou traités à leur tour de terroristes et de fascistes par la propagande abjecte du pouvoir et des communistes. Ils étaient Pieds-noirs et des colonies ! Cela suffisait pour qu'une partie des métropolitains les vouent aux enfers !

            Pourtant, d'autres français étaient conscients du drame et de la tragédie d'une population française affluant en masse, souvent sans rien d'autre que quelques affaires sauvées dans la peur de l'attentat ou de l'assassinat et effectivement, les Pieds-noirs arrivaient sur le sol de la Mère Patrie sans savoir de quoi leurs lendemains seraient faits. Une terre inconnue pour le plus grand-nombre.
            En vérité les accords d'Évian après tous les crimes impunis d'une engeance FLN assassine et la complaisance gaulliste, n'eurent pour résultat que l'Exode pathétique qui suivit. Pour cette raison je veux rappeler ces écrits qui donnent une plus grande résonnance à cette trahison d'État.

            " 26 mars 1962. Ce jour-là, rue d'Isly à Alger, des hommes qui portaient un uniforme français, agissant selon les ordres de chefs français, ont fauché à coups de mitrailleuses une foule française qui se rassemblait pacifiquement autour des drapeaux français.
            Les balles de la rue d'Isly n'ont pas seulement tué des hommes, des femmes et des enfants, elles ont tué l'idée même de la Nation française, telle que nous l'avons connue et pour certains d'entre-nous, adorée. "

            acques Soustelle / Le livre blanc sur un crime d'État / c/0 Veritas.

            Cet autre écrit sur l'Exode est du à la plume de Christian Lepagnot dans la revue " Historiama " / N° 328 du 03 / 1979.
            " En France, l'afflux des Pieds-noirs déborde le dispositif chichement prévu pour les accueillir. Leur peine de ces journées sinistres, leur angoisse du lendemain comptent au bilan de l'amère décolonisation. "

            Enfin il n'est pas possible d'oublier ce que le livre de Jacques Isorni (Jusqu'au bout de notre peine / La table Ronde / 1963 ) rapporte du témoignage du général de Pouilly lors du procès du général Salan à la suite des événements d'Algérie, du Putsch et de l'OAS :

            " Jai choisi une direction tout à fait différente de celle du général Salan ; j'ai choisi la discipline ; mais en choisissant la discipline, j'ai également choisi de partager avec mes concitoyens et la Nation française la honte d'un abandon. "

            Toujours d'après Jacques Isorni, le général de Pouilly ajouta :
            " L'Histoire dira peut-être que leur crime est moins grave que le nôtre. "

            2018 ? Cette poignante épopée demeure comme une cicatrice non fermée dans le cœur des Pieds-noirs et surtout un blâme indélébile, ineffaçable, rouge-sang, inscrit dans les tablettes des gouvernements successifs de la Nation.
            Combien de temps encore faire croire aux mensonges de cette faute impardonnable pour expliquer l'abandon de l'Algérie ? A priori, il n'y a pas de quartier parmi les ennemis de la vérité pour nous exclure de l'Histoire de France. Après les cérémonies officielles du 17 octobre 1961 et du 19 mars 1962 imposées par François Hollande, en 2015 certains socialistes voulaient faire amende honorable auprès du FLN. Le maire de l'Ile d'Aix et le président de la communauté de Rochefort en Charente Maritime, souhaitaient dresser une statue aux " résidents " FLN emprisonnés au Fort Liedot entre 1959 et 61, Ben Bella, Boudiaf, Keudez et Lacheraf. Une honte ! Puis tout récemment en cette année 2018, deux parlementaires LREM et PCF, messieurs Cédric Villani et Sébastien Jumel viennent de demander à Emmanuel Macron la " reconnaissance officielle de l'assassinat par l'armée française " de Maurice Audin, traître à la République pour ces accointances avec la rébellion algérienne.
            La France n'est pas encore sauvée de son complexe des colonies !
Robert Charles PUIG / Février 2018       
      


LES FRANÇAIS EN ALGERIE (1845)
Source Gallica : Louis Veuillot N°17

XXV - CONTROVERSE.

          Je veux, mon cher ami, vous faire voir un petit tableau de genre. Regardez un peu dans cette chambre moitié mauresque, moitié française, ces trois jouvenceaux groupés autour d'un pot de confitures fortement aromatisées, et de trois tasses à café posées sur le pavé en faïence de l'appartement. Le régal est servi par une vieille Juive au teint vert, et les trois convives causent posément, comme il convient au sujet qui les occupe. L'un, en costume d'Europe, est couché sur un matelas recouvert d'une courtine de soie bariolée, il tient une bible; l'autre, pieds nus, en turban, en veste dorée, est assis à la façon des tailleurs et tient à la main el qoranne (de qara, qui signifie lire, comme chacun sait) ; le troisième, assis par terre, mi-partie d'Europe et d'Afrique, la tète couverte du fez, les pieds chaussés de pantoufles en tapisserie, tient une pipe. Ce trio vous représente votre serviteur, argumentant, au moyen d'un interprète, contre Sid-Ahmed-ben-bou-Gandoura, coulouglis d'Alger, musulman plein de zèle et charmant jeune homme d'ailleurs.

          Sid-Ahmed est gentilhomme, son nom l'indique. La gandoura est le vêtement d'honneur dont le dey d'Alger gratifiait les beys qui venaient, après trois ans, rendre compte de leur gestion ; quelquefois il se ravisait le lendemain ou le surlendemain, et faisait couper la tète de ceux qu'il avait décoré la veille. C'était une façon de roche Tarpéienne qui se trouvait ainsi, selon l'usage antique, fort près du Capitole. Quand le bey conservait tout à la fois sa tète et la gandoura, cette distinction devenait un titre de noblesse qui passait à ses descendants. Bou-Gandoura veut dire le père la Gandoura ; c'est autant que chevalier de la Légion d'honneur en France, ou duc de la Marmelade à Haïti. Un jour, je ne sais quel personnage, discutant avec un subordonné, le tua d'un coup de pistolet ; les Arabes, émerveillés de cette action, le nommèrent Bou-Cabous, et le voilà baptisé, lui et son fils et son petit-fils. Le général Lamoricière est très connu dans la province d'Oran sous le nom de Bou-Chachya, en mémoire du petit bonnet rouge qu'on vit longtemps au brillant colonel des zouaves. Un très-savant et très aimable membre de la commission scientifique, renommé dans toute la mauresquerie d'Alger par son goût pour les fleurs, n'a pas d'autre nom, parmi les indigènes, que Bou-Nou-harrin (je ne garantis pas l'orthographe), qui revient à père la Rose ou père la Tulipe, comme vous voudrez. Vous voyez qu'il ne faut que traduire pour retrouver le faubourg Saint-Antoine, où ces appellations sont communes, sous les remparts même d'Al Djézaïr.

          Je reviens à Sid-Ahmed. C'est un homme de vingt-huit à trente ans, des mieux faits qu'on puisse voir, blanc comme un Anglais, d'une régularité de visage toute grecque et parfaite. Il parle facilement le français, il est instruit pour un musulman d'Alger; il connaît sa religion et l'observe. Jadis il s'est peut-être un peu écarté de la morale de Mahomet ; je ne voudrais pas jurer qu'il n'a jamais bu que de l'eau à la table de ceux qui lui ont appris le français, mais il a fait comme beaucoup d'autres; après s'être familiarisé avec nos mœurs, il s'est converti, il a fait pénitence, je parle sérieusement. Un conseil de son mufti, un poil blanc précoce qu'il aura vu un jour dans sa barbe, l'ont averti que le temps de la jeunesse commençait à passer, et il est revenu au bercail. Nous avons eu des alliés qui ne nous ont pas quittés sur un autre motif. Il s'est marié, il a fermé sa maison, il a restreint le cercle de ses fréquentations européennes, et il vit sagement, j'allais presque dire chrétiennement.

          Vous vous demandez peut-être pourquoi j'avais un interprète, puisque enfin notre musulman parle français? D'abord l'interprète est un ami commun, et ensuite le pauvre Ahmed parle français, mais il ne parle pas chrétien. Depuis huit ou dix ans peut-être qu'il sait notre langue et qu'il nous fréquente, il a entendu bien des choses, il connaît nos formes politiques, nos journaux et le reste; il ne connaît rien de notre religion. Mon français sur ces matières ne lui était pas moins inintelligible qu'à moi son arabe. Voilà quel est notre prosélytisme, et il y a de quoi en gémir, car je suis convaincu que nous aurions converti bon nombre d'infidèles si nous avions été vraiment chrétiens. Je fis d'abord une petite exposition de la foi, historique et dogmatique, dont Sid-Ahmed, peut-être par politesse, se montra charmé, et qu'en tous cas il suivit avec une extrême attention, me montrant dans le Coran les points de contact des deux doctrines.

          Mon interlocuteur nous accordait les avantages de l'ancienneté ; malheureusement il prétendait que l'islamisme, venu ensuite, était un perfectionnement. Là-dessus il aurait plus de facilité à s'entendre avec M. Cousin ou tel autre philosophe en titre et en fonctions qu'avec moi, car ces messieurs n'abjurent pas tous la foi catholique, la plupart se bornent à la vouloir perfectionner. La dispute n'aurait donc plus roulé que sur la question de savoir à qui, de Mahomet, de Luther, de Calvin ou de nos universitaires appartient l'honneur du perfectionnement.

          Les protestants et les philosophes peuvent faire de si grandes concessions en ce qui concerne le dogme ! la morale musulmane est si rapprochée de la leur, quoique plus sévère parfois, et plus obligatoire théologiquement ! En somme, je ne vois pas ce que la plupart des protestants y pourraient perdre, et j'affirme que les philosophes y gagneraient beaucoup. Je vous assure que, quand nous en fûmes aux objections, le musulman disparut ; je me trouvai en présence d'un raisonneur français qui n'argumentait pas plus sottement qu'un autre, et plaise à Dieu de me faire rencontrer souvent des âmes aussi droites, des cœurs aussi naturellement religieux, une prédisposition pareille à recevoir la vérité ! Secondée par la grâce de la prière publique, toute parole de foi ferait brèche à leurs préjugés, et la lumière entrerait triomphante dans leur esprit. Mon cher Ahmed ne m'opposait aucune de ces balourdises que nos incrédules nous forcent à dévorer ; il ne m'opposait pas des raisons de physique contre les miracles, il ne mettait pas sa logique en opposition à la puissance et à la miséricorde du Dieu très bon et très puissant.

          Mais il trouvait notre morale trop pure, nos récompenses trop célestes pour de faibles humains. Je vous répète que, si j'avais été protestant ou professeur de philosophie, nous aurions pu, séance tenante, rédiger une confession de foi qui nous aurait satisfaits tous deux. Admettant le divorce, j'aurais pu lui concéder la polygamie; lui passant que Jésus-Christ n'est pas Dieu, il aurait pu me passer que Jésus-Christ n'est pas prophète. En honorant Mahomet, il m'eût été bien facile d'obtenir ses éloges et ses respects pour M. Damiron.

          Que je sois après ma mort transporté parmi les houris, comme il le désire, ou que je n'arrive à une béatitude terrestre, fort semblable à son paradis, qu'à la suite d'une transmigration plus ou moins prolongée, plus ou moins répétée, comme le veut M. Pierre Leroux, ce n'eût pas été de quoi batailler longtemps. Que sais-je si M. Pierre Leroux a raison, ou si c'est Mahomet ? Qu'en sait M. Pierre Leroux lui-même ? Que je m'absolve de mes péchés du jour par une confession faite à Dieu en arrangeant mon bonnet de nuit, ou que je les efface en lavant soit le pied, soit la main, soit l'œil qui m'ont servi à les commettre, grande n'est pas la différence, et la conscience me paraît devoir être tout aussi rassurée dans l'un que dans l'autre cas ; d'autant que l'ablution n'est qu'un rite, et qu'elle implique la confession intérieure de l'acte coupable, je ne dis pas le regret, qui n'est point jugé nécessaire. Les musulmans ont un enfer, mais tous n'y tiennent pas infiniment; certains protestants ont un purgatoire, mais ils en font bon marché, et c'est un article sur lequel les éclectiques sont plus coulants encore. Que d'autres voies ouvertes à la conciliation ! Il n'y aurait qu'un point malaisé : le musulman reconnaît une doctrine révélée, immuable. Il s'arrête à Mahomet comme nous nous arrêtons à Jésus-Christ. Force serait donc de renoncer au libre examen, à la vérité mobile. Mais est-ce une affaire? Le libre examen a-t-il empêché qu'on ne signât la confession d'Augsbourg ? La vérité mobile empêche-t-elle ses partisans de poser tous les jours, dans des livres fort beaux, les colonnes d'Hercule de la science?

          Ah ! si j'avais eu des concessions à faire !.. Je ne dis pas que je me serais trouvé musulman à la fin de la conférence, ou que Sid-Ahmed se fût trouvé chrétien; je dis que nous eussions été l'un et l'autre dans la position où sont, à la fin des cours de philosophie, beaucoup de professeurs et beaucoup d'élèves : ni musulmans, ni chrétiens, et parfaitement d'accord.

          Il n'en fut pas ainsi : à deux heures du matin nous nous séparâmes, Sid-Ahmed toujours musulman, moi plus chrétien que la veille. Je déplorai son erreur, il déplora la mienne; mais le pauvre garçon ajouta un compliment que je ne pus lui rendre. Il m'assura que, comme après tout ma morale était bonne, bien qu'un peu sévère, Allah m'ouvrirait son paradis dédaigné, et que j'y aurais cent houris tout autant; voilà, j'espère, de la tolérance! Un dernier mot qu'il me dit me toucha davantage : ce fut que, si tous les Européens avaient pensé, parlé et cru comme moi, les choses en Algérie auraient pris un meilleur cours pour la France. J'en suis persuadé. Les politiques qui se sont tant efforcés de déguiser le peu de religion qui nous reste sous le beau prétexte de ne point effaroucher le fanatisme musulman, ont commis la plus lourde faute que l'enfer ait pu leur conseiller. Rien ne répugne plus au fanatisme musulman qu'un peuple sans croyance et sans Dieu.

          Le meilleur de cette causerie est que notre interprète, excellent jeune homme, bon cœur, esprit intelligent, y a pour son compte appris beaucoup de choses dont il ne se doutait guère, et, depuis ce jour, éprouve quelque désir d'aller à la messe. Je me connais à ces vagues inquiétudes, et, partout où je les rencontre, je les salue avec allégresse, je bénis Dieu. Je sais quel jour annonce ordinairement cette aurore ; combien ce germe frêle est profond, et combien sont abondants les fruits qu'il peut donner. Ah! Que Dieu est bon, qu'il est grand, qu'il aime ses pauvres créatures ! J'ignore en quel état se trouvaient les âmes il y a vingt ou trente années, mais il me semble qu'en ce temps-ci Dieu prépare tout pour des oeuvres merveilleuses. Depuis que je suis catholique j'ai vu beaucoup d'hommes; je ne crois pas qu'il en soit un seul à qui j'aie parlé une heure sans lui parler de Dieu, et je ne me souviens pas d'en avoir entretenu un seul, parmi ceux à qui j'ai trouvé du sens ou du coeur, qui ne m'ait laissé l'espérance de le voir un jour chrétien comme moi, meilleur chrétien que moi.

A M. ED. L.

           


Raccourcissement du front de l'amitié
Envoyé Par Pierre B.

            Quelques amis s'en sont allés,
            Telles feuilles que le vent emporte.
            Sur eux, il faut fermer la porte.
            Il reste ceux qui sont restés,
            L'amitié demeure plus forte:
            La vraie.

            Les frères de notre jeunesse,
            Les camarades de nos camps,
            Ceux des feux dans la nuit épaisse,
            Ceux des marches avec les chants,
            Tiennent bien leurs vieilles promesses
            Pourtant.

            Ceux que l'on a perdus en route
            S'effaceront dans le lointain.
            Que nous importent les déroutes ?
            Nous aurons bien d'autres matins,
            Je sais déjà que nous écoute
            Demain

Robert Brasillach oct 1943, fusillé par De Gaulle le 6 fevrier 1945





De la vente des esclaves,
Envoyé par M. Christian Graille
du traitement qu'on leur fait
et la manière dont ils sont rachetés

                 L'État trouve un profit considérable tant en la vente des esclaves, qu'en ce qu'aucun ne peut être racheté qu'en payant dix pour cent du prix de son rachat et plusieurs autres droits des portes, ou droits de sortie. Après que le Dey a choisi le huitième sur les esclaves nouvellement pris, les autres sont envoyés au " batistan" ou marché des esclaves. Il s'en fait là une première vente de cette manière.
                 Les delels ou courtiers les promènent l'un après l'autre dans le marché en disant fort et haut la qualité ou le métier de l'esclave et le prix qu'on y a dit. Les personnes de toute nation sont reçues pour y dire et l'enchère s'en fait, jusqu'à ce que personne n'augmente plus et alors l'écrivain préposé aux ventes écrit le prix.
                 Cette vente ne va jamais bien haut parce qu'il s'en fait une autre en présence du Dey dans la maison du Roi où l'esclave est libéré. Tous les acheteurs s'y rendent et l'esclave est remis à l'enchère et délivré au plus offrant et dernier enchérisseur qui en dispose à sa volonté.

                 Le prix de la première vente au batistan est celui qui appartient aux armateurs et à l'équipage. Celui de la seconde excédant la première appartient au Deylik (province gérée par le Dey) et monte ordinairement une fois autant que celui de la première ; parce que les acheteurs sachant que les esclaves ne sont délivrés qu'à la deuxième vente ne poussent pas à la première. L'argent provenant de ces ventes est toujours payé comptant et sur-le-champ.
                 Il y a des esclaves de deux classes : ceux du Deylik ou de la République (La République signifie aussi État.) Et ceux des particuliers.

                 Les uns et les autres ne sont pas, à beaucoup près, aussi malheureux dans cet esclavage, comme on le débite dans les relations fabuleuses faites par les moines, ou par des gens qui ont été esclaves, lesquels ont leurs raisons d'en imposer au public. C'est ce que nous allons faire voir.

                 Des esclaves du Deylik le Dey en prend toujours le même nombre des jeunes et des mieux faits, qui restent auprès de lui pour servir en qualité de pages. Ils y sont bien nourris et bien habillés et ont souvent de bonnes étrennes de ceux qui approchent du Dey pour des affaires.
                 Il y en a un nombre destiné pour les cacheries ou casernes qui sont très bien traités par les soldats turcs qui y logent. Les autres sont logés dans des bagnes, qui sont de grands et vastes bâtiments où ils sont enfermés tous les soirs. Il y a une chapelle dans chacun et ils peuvent faire librement l'exercice de la religion chrétienne. Ils ont tous les jours une ration de trois petits pains sans autre chose, un petit matelas et une couverture de laine pour leur lit.

                 Le Dey fait toujours embarquer un nombre de ces esclaves sur les bâtiments corsaires, qui ont part aux prises, selon qu'ils sont habiles. Le Dey retire les deux tiers de leur part et leur laisse la troisième.

                 L'ordre est que tous les esclaves du Deylik portent un petit anneau de fer à un pied pour les distinguer des autres mais on n'observe guère cet usage.

                 L'ordre en est pourtant renouvelé de temps à autre, parce qu'il y a quelquefois de vieux esclaves, qui sachant la langue du pays, s'habillent à la Turque, et vont faire du ravage dans les métairies des Maures.
                 Les Deys emploient à la construction des bâtiments de mer tous les esclaves qui y sont propres, comme les charpentiers, calfats et forgerons et tirent les deux tiers des journées que leur payent les armateurs de ces bâtiments et leur laissent l'autre tiers.
                 Tous les soirs on enferme dans les bâtiments les esclaves du Deylik. A la pointe du jour on en ouvre les portes, et tous ceux qui ont un métier et qui veulent sortir pour aller travailler pour eux, sont libres en payant un droit au gardien-bachi (gardien chef du bagne) et doivent revenir tous les soirs coucher aux bagnes.

                 Ceux qui n'ont aucun métier sont employés aux ouvrages publics du gouvernement. Tous les matins on en fait sortir un nombre à cet effet, qui se repose le lendemain. On ne les charge point de travail au-dessus de leurs forces. On les ménage au contraire afin qu'ils ne soient pas malades, de crainte de les perdre. Il y en a beaucoup qui feignent de l'être lorsqu'il faut aller au travail, et on les laisse ordinairement au bagne. Mais lorsque cela arrive trop souvent, et que le gardien-bachi s'aperçoit qu'ils ne sont pas malades, ils sont châtiés et envoyés au travail. Il y a des esclaves qui ont le privilège de tenir taverne ou gargote. Ils payent un droit annuel au Dey et au gardien-bachi et donnent à manger et à boire pour de l'argent à qui en demande, soit turc, soit maure ou chrétien.
                 Ils ont le pouvoir de s'y faire payer exactement, même des soldats turcs jusqu'à les dépouiller et à les battre, s'ils le jugent nécessaire pour être payés.
                 Ces taverniers gagnent considérablement par toutes sortes de voies d'iniquité, et pourraient dans une année gagner leur liberté ; mais la plupart S'abandonnent à la débauche et au libertinage, et ils aiment mieux demeurer à Alger qu'en pays chrétien.

                 Les esclaves des particuliers doivent aussi être mis en deux classes.
                 Les uns sont achetés pour le service particulier des acheteurs, de leurs maisons, jardins etc. Ils sont plus ou moins heureux ou malheureux suivant l'humeur des maîtres, ou le bon ou mauvais naturel des esclaves. Mais de quelle manière que ce soit, les maîtres ménagent toujours les esclaves, de peur de les perdre, et ils ont beaucoup d'indulgence pour eux. Comme il n'y a point de domestiques libres à Alger, et qu'il n'y a que des esclaves pour servir, il y a des maîtres riches, qui se font un plaisir de les habiller proprement et de bien les entretenir pour s'en faire honneur.
                 Plusieurs d'entre eux ont autant et plus de pouvoir dans la maison que leurs maîtres, couchent dans la même chambre, mangent ensemble et sont soignés et chéris comme les enfants. Mais ceux qui sont libertins et méchants s'attirent souvent de mauvais traitements ; on prend garde pourtant, autant qu'il se peut, de ne point altérer leur santé, pour pouvoir les revendre sans perte. Les plus malheureux sont ordinairement ceux qu'on croit avoir du bien, et dont on espère une bonne rançon.
                 Ils sont achetés par les Tagarins, nation de maures venus d'Espagne, qui ne font autre chose que le trafic d'esclaves, pour y profiter comme sur une marchandise. Les esclaves sont à plaindre avec de tels maîtres, qui les font travailler sans profit et les obligent quelquefois par de mauvais traitements à se racheter à bonnes enseignes. Ce qu'il y a de fâcheux, c'est que ce sont ordinairement les personnes de quelque rang dans le monde qui tombent entre les mains de ces Tagarins et ils ne laissent point échapper, autant qu'ils peuvent, ni prêtres ni religieux, parce que la longue expérience de ces marchands d'esclaves leur donne là-dessus des lumières inconcevables pour faire de grands profits.

                 Chaque particulier a encore la liberté d'envoyer ses esclaves en mer et profite des parts qui leur reviennent des prises. D'autres louent leurs esclaves aux consuls ou à des maisons chrétiennes, moyennant une piastre courante par lune, et qu'ils soient entretenus de tout leur nécessaire.
                 J'ai déjà remarqué, que les femmes de quelque distinction qui tombent toujours en partage au Deylik, sont envoyées dans la maison du " chekebeled " ou maire de la ville pour y être gardées et bien traitées, jusqu'à ce que leur rançon soit arrivée.

                 Les femmes de basse extraction sont vendues à des particuliers, à la brutalité desquels elles sont exposées, et il y en a peu qui puissent bien s'en défendre. Car lorsqu'elles se plaignent au Dey des violences que leur font leurs maîtres, il ne peut faire autre chose, que d'exhorter ces derniers à ne pas les violenter.
                 Les jeunes garçons esclaves sont aussi fort exposés aux violences de certains maîtres, qui les achètent quelquefois à ce dessein. Il est nécessaire que les nouveaux esclaves qui arrivent à Alger, soient sur leurs gardes, et se méfient de leurs compatriotes qu'ils y trouvent dans l'esclavage. Car les anciens, sous prétexte de consoler les nouveaux venus, s'informent de leur qualité et de leurs biens et savent adroitement s'ils seront bientôt rachetés et combien leurs parents sont en état de donner. C'est uniquement pour les trahir qu'ils font ces perquisitions (interrogations des esclaves qui en fait ne sont que des enquêtes) ; car dès que la vente est faite, ces misérables vont trouver ceux qui les ont acheté, et moyennant une ou deux piastres leur révèlent ce qu'ils savent ; ce qui oblige les maîtres de fixer bien haut le rachat de ces esclaves.

                 Il y a aussi des esclaves qui sont écrivains dans les bagnes, qui écrivent des lettres pour tous ceux qui ne savent point écrire et qui révèlent leurs secrets pour de l'argent aux maîtres. Généralement parlant les esclaves sont plus respectés à Alger que les chrétiens libres. Les derniers sont toujours insultés de paroles par les Turcs, les Koulouglis et les jeunes Maures ; au lieu qu'on n'ose rien dire aux premiers, et encore moins les battre, parce que s'il arrivait qu'un esclave maltraité fût malade ou mourût, celui qui l'aurait maltraité ou ses parents seraient condamnés à le payer plus qu'il n'en vaudrait. Ils sont même si ménagés, qu'ils commettent quelquefois bien des crimes dans la maison de leurs maîtres dont ils ne reçoivent que de légers châtiments : les maîtres n'osant pas les dénoncer de peur de les perdre par arrêt de justice.
                 Le libertinage règne parmi les esclaves chrétiens et il est rare d'en voir qui ne soient adonnés à toute sorte de vices. Ceux qui vivent avec sagesse et qui obéissent fidèlement à leurs maîtres sont comblés de caresses et regardés avec admiration.
                 Il est incontestable que ce sont les vices et la mauvaise conduite des esclaves qui le plus souvent leur attirent des mauvais traitements. Il y a des esclaves qui se trouvent si bien à Alger, tant par le profit que leur industrie leur procure, que par leur libertinage, qu'ils achètent le droit d'être esclaves pendant longtemps ou pendant toute leur vie. Ils conviennent de leur rançon avec leurs maîtres et en payent la plus grande partie, parce qu'étant entrés en paiement, ils ne peuvent être vendus à d'autres. Outre cela les esclaves payent tant par lune à ces mêmes maîtres, pour être libres de travailler pour leur propre compte et ne payent point le reste du prix convenu de leur rançon, pour avoir le nom d'esclave et être protégés comme tels.

                 Le rachat des esclaves se fait de deux manières, par les rédemptions (La rédemption consistait à verser une somme d'argent au maître de l'esclave, par un intermédiaire afin d'obtenir son rachat, donc sa libération) publiques des royaumes chrétiens et le ministère des religieux qui commettent des aumônes, ou par les ordres des particuliers. D'une manière ou d'autre, après que le prix convenu de la rançon de l'esclave est payé à son maître, on paye les droits suivants, qu'on appelle ordinairement les droits des portes, ou seulement portes :
                  - 10 pour cent sur le prix du rachat pour la douane.
                  - 15 piastres au Dey pour le droit appelé Cafetan du pacha.
                  - 4 piastres aux grands écrivains ou secrétaires d'État.
                  - 7 piastres au Raïs de la marine ou capitaine du port.

                 Outre ces droits les esclaves du Deylik sont obligés de payer 17 piastres pour les portes du bagne au bachi-gardien-bachi.

                 Les rédemptions publiques d'Espagne se font de la manière suivante.
                 Dès qu'il y a une assez grande quantité d'aumônes pour faire une rédemption, on en avertit le père administrateur de l'hôpital d'Espagne qui est à Alger. Il demande au Dey, et en obtient un passeport pour la personne des pères préposés pour faire la rédemption et pour le bâtiment qu'ils frettent à cet effet.
                 Dès que ces pères sont arrivés, ils vont saluer le Dey et lui font quelque présent de valeur en bijoux ou en argent. Le Dey leur demande quelle somme d'argent et quelles marchandises ils apportent. Après la réponse, il envoie à bord un ayabachi pour les vérifier. On débarque tout en sa présence, et on le porte à la maison du Roi qui retient trois pour cent sur l'argent, et douze et demi pour cent sur la valeur des marchandises. Il prend aussi, à peu près l'argent auquel doivent monter les droits des portes pour la rédemption qu'on doit faire, desquels il tient compte. Après quoi le dey fait louer une maison pour les pères rédempteurs et nomme un truchement (intermédiaire neutre, médiateur) pour les aider qui est ordinairement celui de la maison de France.
                 Les pères ont avec eux une liste de plusieurs esclaves, qui sont recommandés à leur ordre, ou à eux en particulier, par des puissances ou leurs amis ; et ceux-là sont ordinairement privilégiés et rachetés les premiers.

                 Ils font une perquisition secrète et exacte de tous les esclaves de leur nation, du nom de leurs maîtres, du lieu où ils sont, de leur âge et de leur métier, pour pouvoir traiter leur rançon avec plus d'avantage. Ils sont toujours obligés de racheter par préférence les jeunes femmes et les enfants afin que la faiblesse du sexe et de l'âge ne les fassent pas succomber à changer de religion.

                 Il y a quelques esclaves dont la rédemption est forcée par l'usage, laquelle est payée la première ; savoir, ceux du Deylik à proportion de la somme destinée pour cet ouvrage, dont le nombre et le prix sont réglés par le Dey ; quelques-uns du Dey, et un de chaque secrétaire d'État, la plupart desquels les pères sont obligés de racheter, quoi qu'ils ne soient quelquefois ni de leur nation, ni de leur religion. Ensuite avec l'aide du truchement, ils rachètent ceux dont ils ont fait l'état autant que les fonds y peuvent suffire, après en être convenus avec les maîtres des esclaves.
                 Les Turcs et les Maures qui ont des esclaves, leur font la cour et toute sorte de caresses, pour les engager à racheter leurs esclaves préférablement à d'autres. Ils leur représentent qu'ils sont maladifs et qu'ils pourraient mourir dans l'esclavage, et se servent de tous les prétextes possibles qu'ils font appuyer par leurs esclaves, auxquels ils promettent une récompense proportionnelle au prix qu'ils tireront de leur rançon.

                 Lorsque les rédempteurs ont racheté tous les esclaves de leur nation, s'il leur reste de l'argent, ils sont obligés de racheter d'autres esclaves chrétiens, quoi qu'ils ne soient ni de leur nation, ni de leur religion. Quand tout est fini, on assigne un jour où tous les esclaves rachetés, à chacun desquels on a distribué un burnous blanc ou cape, se rendent à l'hôpital d'Espagne, où l'on chante une grande messe solennelle et des prières en actions de grâces. Ensuite, on les conduit à la maison du roi, où on leur distribue un teskeret ou carte franche à chacun ; les pères ayant pris congé du roi et des officiers du Divan conduisent la troupe et la font embarquer avec eux. Les uns de ces religieux se mettent à la tête avec le truchement, d'autres au milieu, et les autres à la queue et les esclaves marchent deux à deux. Ils sortent en cet ordre de la ville, vont s'embarquer et faire voile dans le moment. Le Dey fait prendre, ce jour-là, toutes les précautions nécessaires afin qu'aucun esclave non racheté ne se mêle parmi la troupe franche. C'est l'usage que les esclaves laissent croître leur barbe pendant tout le temps de leur esclavage, à la réserve de ceux qui gagnent de l'argent et qui restent volontairement à Alger. Ces derniers sont lestes et ne portent qu'une grande moustache et parmi les premiers il y en a qui ont la barbe jusqu'à la ceinture, et qui ont un air affreux. Les religieux ont soin de les empêcher de la couper, parce qu'étant arrivés en Espagne, on y fait une procession solennelle, où les esclaves sont conduits de deux en deux avec leur burnous ou cape à la mauresque avec leurs barbes, et chargés de chaînes qu'ils n'ont jamais portées.

                 Ces figures mauresques, ces barbes et ces chaînes attirent la compassion du public, qui fait de grandes libéralités et jette des pièces d'or et d'argent dans les bassins qui sont portés par des gens de distinction, sans compter les charités qu'on porte aux religieux de la rédemption.

                 Les esclaves rachetés par des ordres particuliers, le sont avec ceux auxquels ces ordres sont adressés. Ils traitent à loisir avec les patrons ou maîtres des esclaves et prennent le temps et les occasions pour les avoir au meilleur prix qu'il se peut, suivant l'intention de ceux qui donnent la commission.
                 Le rachat et les droits étant payés, le Raïs de la marine les laisse embarquer et partir sur le bâtiment qui leur convient, en représentant leur teskeret ou carte franche, pourvu que les esclaves rachetés ne laissent aucune dette à Alger, car alors ils seront retenus, jusqu'à l'entier paiement.
                 Ces sortes de rachat coûtent beaucoup moins que ceux qui sont faits par les pères de la rédemption, surtout quand ils sont conduits par des personnes prudentes, qui ne font paraître aucun empressement pour avoir les esclaves. Car ces religieux payent un droit pour les fonds qu'ils emploient, sont obligés de faire un présent au Dey et à quelques officiers du Divan, et de prendre plusieurs esclaves à un haut prix réglé par la volonté du Dey ; et enfin ils ne sont plus les maîtres, étant une fois à Alger, de remporter leurs fonds.
                 Mais ces missions de rachat sont utiles d'autre part pour l'honneur de ces religieux de la rédemption des captifs, et pour la collecte des aumônes qui se font en abondance par la quantité du monde qu'attirent les processions avec l'appareil qui a été expliqué où il y a quelque fois 7 à 8.000 esclaves.


Barberousse
Envoyé par M. Christian Graille
Histoire de la conquête d'Alger
écrite sur des documents inédits et authentiques
par M. Alfred Nettement, journaliste et écrivain. Édition 1867

                 Quarante ans avant l'époque où Grenade tombait (1492) et où la domination musulmane expirait en Espagne, un fait grave s'était produit sur la côte septentrionale de l'Afrique. C'est alors qu'une course de guerre et de piraterie commença à y être organisée sur une grande échelle. On comprend tout ce que l'humiliation et la colère qu'éprouvèrent les Musulmans à la nouvelle des défaites de leurs coreligionnaires et de la disparition prévue ou réalisée du mahométisme, proscrit par les rois espagnols, put ajouter d'ardeur et de violence au fanatisme musulman et à l'attrait de la cupidité.
                 La nouvelle destinée de cette côte d'Afrique commençait à se dessiner, et la piraterie, qui devait y établir pour plusieurs siècles le centre de ses entreprises, s'y essayait.

                 Bientôt les côtes de l'Espagne et de l'Italie furent désolées par des incursions subites, inattendues, qui, menaçant une vaste étendue du littoral ne pouvaient être prévenues nulle part. Des expéditions parties de Velez-de-Gomera, (île située à l'Est du détroit de Gibraltar près des côtes marocaines) de Djidjeli, de Cherchell, d'Oran, de Bougie, de Tunis sur la Méditerranée ; de Salé, Rabat, Azamor, Saffi, Mahmore sur l'océan, allaient porter partout le ravage.
                 Les Portugais essayèrent les premiers de mettre un terme à ces entreprises. Don Manuel du Portugal (Roi du Portugal 1469-1521) échoua en 1501 dans ses efforts. Les Espagnols qui avaient vaincu les Maures en Espagne et qui en avaient repoussé les Berbères ne pouvaient souffrir patiemment cette nouvelle forme de guerre. Pleins de confiance dans leur supériorité, il était indiqué qu'ils viendraient chercher en Afrique ces adversaires qu'ils avaient domptés en Europe. Les rôles étaient intervertis : l'Espagne chrétienne, jadis conquise, entreprenait de faire des conquêtes sur le sol de l'Afrique d'où étaient partis ses anciens conquérants.

                 Don Diego de Cordoue ouvrit la voie par un succès suivi d'un grand revers provoqué par l'imprudence des Espagnols. Ce qu'il avait commencé fut achevé par un homme plus fort que lui ; le cardinal Ximenès qui joua un si grand rôle en Espagne, entreprit de mettre un terme aux déprédations des Maures et des Berbères en faisant assiéger l'une après l'autre les villes du littoral africain d'où partaient les expéditions des pirates, ou en bâtissant devant ces villes des forteresses qui les commandaient. Ses efforts furent couronnés de succès.
                 Dans la Méditerranée, Oran, Velez de Gomera, l'île du phare d'Alger, tombèrent à la merci des Espagnols ; Tunis seule conserva son indépendance. A la même époque, Don Manuel du Portugal détruisait, au moins pour un temps, la piraterie sur l'océan en s'emparant de Saffi et d'Azamor.

                 Quel était donc l'évènement qui, donnant des proportions inattendues à la piraterie septentrionale de l'Afrique, créait ce nouveau péril que le cardinal Ximenès s'efforçait de conjurer dans les derniers temps de sa vie ?
                 Un nouvel élément apparaissait sur cette côte occupée par les Arabes et les Berbères ; les Turcs vers le milieu du quinzième siècle, jetaient les bases de leur établissement.

                 C'est ici que l'histoire d'Alger commence, et elle s'ouvre sur la vie des deux pirates les plus terribles dont les mers aient conservé le souvenir, nous voulons parler des Barberousse.
                 Quelle était leur origine, leur pays ? D'où venait leur nom ?
                 Questions controversées et controversables. On a fait d'eux tour à tour les fils d'un Lesbien (habitant de Lesbos, île de la mer Égée), d'un Albanais, d'un Sicilien, d'un Français. On a longtemps répété que leur nom venait de la couleur de la barbe de l'aîné ; puis on a dit plus récemment que le nom de Barberousse pourrait être dérivé de ces mots arabes Baba-Harroudj, mal prononcé par les Européens.
                 Les Arabes, en effet, faisaient précéder le nom de l'aîné des deux frères Harroudj du mot Baba, qualification qu'ils donnaient et donnent encore à tous les Turcs.
                 Toujours est-il que Baba-Arroudj, que nous appelons Barberousse, était un de ces génies singuliers entre le grand homme et le brigand, souillé de trop de crimes pour mériter entièrement le premier de ces titres, doué de trop d'éminentes qualités pour être flétri d'une manière absolue de la seconde de ces appellations, un de ces caractères vigoureux et entreprenants qui, dans les époques troublées, s'ouvrent une large place, comme ces boulets que rien n'arrête.

                 Les premières années de Baba-Haroudj sont remplies d'entreprises hardies, de coups de main violents, d'aventures. Il connut les hauts et les bas de la fortune. Chef de la chiourme à bord d'une galère turque, il est pris à la hauteur de Candie (ville d'Héraklion en Crête) par les chevaliers de Rhodes. Après deux ans de captivité pendant lesquels il rame sur les galères de l'ordre, il parvient à briser sa chaîne au milieu d'une tempête et atteint, à travers mille périls, la côte à la nage.
                 De retour à Constantinople il est repoussé par les trésoriers de la marine qui lui reprochent sa galère perdue et, pour gagner son pain il devient successivement portefaix, journalier, conducteur de barque. Un meurtre et un vol lui fournissent les moyens de commencer sa vie de pirate. Engagé comme timonier à Constantinople, à bord d'une galère armée, il tue d'un coup de hache son maître endormi, soulève l'équipage et se fait reconnaître par lui comme chef.
                 Avant de commencer ses courses, il aborde à l'île Mételin (ville de l'île de Lesbos, Mytilène), sa patrie, dit-on, et où du moins résidait sa mère ; il promet à celle-ci de grandes richesses, emmène son frère Khaïr-el-Din, aussi audacieux que lui, lui confie son brigantin, fait monter sur son propre navire Ishaac, un autre de ses frères. Il est dans ce moment, l'ennemi des Turcs, dont il redoute la justice, comme l'ennemi des Chrétiens.
                 Sa première prise est même une galiote (bateau à rames) turque. A grand peine il laisse la vie au capitaine qui la lui demande en promettant d'être, jusqu'à la fin de sa vie, son fidèle esclave. Sa fortune commence avec sa seconde prise qui est bien plus importante ; c'est un navire qui transportait à Naples trois cents Espagnols et parmi eux soixante gentilshommes.

                 La rencontre eut lieu devant l'île de Lipari. Le combat dura trois jours. Après une résistance acharnée, les pirates triomphèrent. Le butin était considérable. Baba-Haroudj, habile à profiter de ces avantages, entre en grande pompe à Tunis, conduisant en triomphe son butin, ses esclaves, au nombre desquels on remarque quatre jeunes filles d'une grande beauté, montées sur des mules ; les corsaires, couverts de riches habits, fermaient le cortège en agitant leurs étendards. Cette espèce d'ovation, qui avait l'avantage de frapper vivement l'esprit des populations, se termina par un beau présent en esclaves et en marchandises offert au souverain de Tunis, qui reconnut cette offrande politique en permettant à Barberousse de choisir, parmi ses navires, celui qu'il jugerait le plus propre à la course.

                 L'histoire de Barberousse est, à partir de ce moment, une suite d'entreprises hardies jusqu'à la témérité, tentées avec le concours d'hommes sans foi ni loi, mais aussi sans peur. Tantôt ce sont des rencontres de mer qui mettent l'intrépide pirate aux prises avec des bâtiments supérieurs en force et en nombre, les galères du pape, les vaisseaux de l'Espagne, dont cependant il s'empare par des prodiges de courage, de ténacité, de présence d'esprit ; tantôt ce sont des descentes imprévues sur le littoral de la Méditerranée et de ses îles, avec des pointes rapides vers des châteaux que l'on pille après des combats sanglants.
                 Barberousse trouve dans les pirates de l'île de Gelves (île de Djerba en Tunisie) d'utiles auxiliaires pour ses entreprises. Ce n'est point seulement un voleur de mer, c'est un énergique soldat, un habile capitaine qui compte pour rien le danger, les obstacles, quand il s'agit d'atteindre une riche proie.

                 L'intuition de son avenir jette déjà de brillants reflets sur sa vie de brigandage. Il étudie en passant les fortifications d'Alger, comme s'il pressentait que ce lieu sera le théâtre de sa puissance. Il propose au roi de Tunis le siège en règle de Bougie, occupé par les Espagnols depuis l'expédition du cardinal Ximenès. C'est ainsi qu'il s'apprête à franchir la limite qui sépare la fortune du pirate de celle du conquérant.
                 Le trait le plus marqué de ce singulier caractère, c'est une énergie indomptable, une infatigable ténacité. Il échoue une première fois dans le siège de Bougie, tenté de concert avec le roi de Tunis et un cheik arabe, son allié ; il y perd même un bras atteint par un biscaïen (petit boulet).
                 Depuis ce temps les chrétiens l'appelèrent Barberousse le bras coupé. Loin de céder au découragement, il tente, tout blessé qu'il est, une descente sur la côte d'Espagne et, l'année suivante il recommence le siège de Bougie. Cette fois son frère Ishaac y périt ; la canonnade, les assauts, tout demeure inutile, et une expédition partie d'Espagne le menaçant du côté de la mer, il ne lui reste qu'à brûler ses vaisseaux engravés par la baisse des eaux, dans l'oued el-Kebir.

                 Pour le coup sa situation semblait désespérée. La plupart de ses compagnons, enchaînés à leur chef par le succès seulement, l'avaient abandonné, lui-même il se croyait perdu sans retour, quand le cheik arabe Ben-el-Kady lui demanda s'il voulait le suivre à Gigel (Djidjelli). Ce fut pour Barberousse un port de salut où il put attendre un retour de fortune.
                 La difficulté de sa position consistait en effet dans la nécessité où il était de tenir sans cesse la mer sans avoir d'autre refuge que les ports du littoral africain, ouverts devant ses succès et ses prises mais qui se fermaient devant ses revers.
                 L'obligation de toujours réussir est une obligation pesante aux hommes les plus forts quand on considère l'inconstance naturelle des choses humaines, et ce qu'il y a de plus malheureux pour un individu ou pour un gouvernement c'est de ne pouvoir vivre qu'à condition d'être toujours heureux.
                 De là sans doute ce désir si vif de s'emparer de Bougie et cette précaution clairvoyante qui avait engagé de bonne heure Barberousse à étudier la situation d'Alger. Quand les habitants d'Alger apprirent, en 1516, la mort de Ferdinand Roi de Castille, le vainqueur des Maures de Grenade, ils espérèrent secouer le joug des Espagnols qui, du château construit par eux sur le rocher qui commandait la ville, la tenaient en échec.

                 Leur seule industrie était la piraterie ; depuis qu'elle leur était interdite, la ville était appauvrie. C'est en vain que dans l'espoir de chasser les Espagnols, elle s'était donnée à un cheik arabe puissant dans la plaine, Selim Eutémy. Le nom de Baba-Haroudj était populaire dans toutes les villes barbaresques ; les Algériens et Eutémy lui-même pensèrent que seul il pourrait faire réussir une entreprise à laquelle la mort de Ferdinand et l'âge avancé du cardinal Ximenès semblaient devoir donner des chances. Barberousse mesura d'un coup d'œil la grandeur de l'occasion offerte à son audace et accepta la proposition sans hésiter. Il arma ce qu'il put de bâtiments et fit voile pour Alger, tandis que son hôte, Ben-el-Kady, à la tête d'un certain nombre des siens, s'y rendait par terre.

                 Alger, dont l'enceinte était, au seizième siècle, ce qu'elle est restée de nos jours, n'avait ni le port qu'elle devait avoir sous la domination des Turcs, ni les forts qu'ils élevèrent sur les différents points de la côte pour en défendre les approches, ni les formidables batteries qu'ils dressèrent, ni le château de l'Empereur.
                 La ville devait s'embellir en raison des richesses qui y affluèrent ; mais sa situation en amphithéâtre au bord de la mer, sur la rive ouest d'une rade foraine, (rade où les bateaux étrangers avaient le droit de mouiller l'ancre même en cas de guerre) dont le cap Matifou et le cap Caxine forment les deux extrémités, était ce qu'elle est encore aujourd'hui, avec les hautes montagnes qui l'avoisinent, l'aspect pittoresque de leurs pentes ravinées et, derrière le massif qui la porte, la vaste plaine de la Mitidja, qui longe l'Atlas pendant une étendue de vingt-cinq lieues, et dans laquelle de nombreuses tribus plaçaient leurs demeures, à la proximité des immenses pâturages où ils envoyaient leurs troupeaux.
                 Les gorges les plus abruptes de l'Atlas étaient, comme elles le sont aujourd'hui, occupées par des tribus de Kabyles ou Berbères, jaloux de leur indépendance maintenue sous les diverses dominations qui avaient passé sur ce pays dont ils étaient vraisemblablement les habitants primitifs, comme on le reconnaît à la forte empreinte du type de leur race, si différente de la race arabe.

                 En arrivant à Alger, Barberousse avait déjà conçu la pensée de s'en emparer. Mais il fallait essayer d'abord de délivrer ses habitants de la forteresse espagnole dont la vue, dit la chronique arabe, " était comme une épine qui leur perçait le cœur ". Barberousse l'entreprit. Il ne lui était pas réservé de réussir, mais le siège lui servit de prétexte pour appeler de tous côtés des Turcs que l'appât d'une solde élevée, le goût de la guerre, l'espoir d'arriver promptement à la fortune sous le commandement d'un homme de cette trempe, attiraient en foule à Alger. Son frère Khaïr-el-Din qui, depuis leur désastre commun devant Bougie, habitait Tunis, lui en envoya un grand nombre, et vint bientôt l'aider de sa personne.

                 Le cheik arabe Eutémy s'aperçut trop tard qu'il avait introduit dans Alger un auxiliaire plus dangereux pour lui que les Espagnols eux-mêmes. Les Turcs, supérieurs aux Arabes par leurs armes (car ceux-ci ne se servaient encore que d'arbalètes et de lances et n'avaient point de canons), par leur discipline, par leur habitude de la guerre étaient en réalité les maîtres d'Alger.
                 Barberousse qui avait la conscience de sa force s'empara de la ville qui devait être le centre de sa domination comme il s'était emparé de sa première barque par la trahison et le meurtre. Il étrangla Eutémy avec la toile de son turban, se fit proclamer roi d'Alger et, pour affermir son pouvoir naissant il le plaça, par une inspiration vraiment politique, sous la protection de la Porte, (siège du gouvernement des sultans turcs) en demandant l'investiture au Grand Seigneur, qui la lui accorda.

                 Il fortifia la Casbah, l'arma de pièces d'artillerie, appela sous son drapeau tous les Turcs qui voulurent s'enrôler. Sans cesse en guerre avec les tribus voisines et avec les villes situées sur la côte, il triomphe des unes et s'empare des autres, tantôt par la force, tantôt par la trahison. C'est ainsi que Tenez et Cherchell tombent entre ses mains. De sanglantes exécutions établissent son pouvoir et le maintiennent.
                 Les Arabes de la plaine et les habitants d'Alger, poussés au désespoir, regrettent les Espagnols, entrent en pour-parler avec eux pour se délivrer de leur nouveau tyran ; Barberousse qui découvre leurs menées fait tomber des têtes et éteint les révoltes dans le sang. Le brigand et le pirate se laissent toujours voir derrière le soldat, le souverain et le conquérant.

                 Bientôt un péril plus grand le menace. Le cardinal Ximenès, voyant les côtes d'Espagne de nouveau insultées et pillées par les corsaires qui avaient trouvé une rade pour y abriter leurs navires, fait les préparatifs d'une expédition. Mais les troupes, levées à la hâte, mal disciplinées, mal conduites par Diego de Vera, qui s'était pourtant fait une réputation dans les guerres d'Afrique, ne reparaissent devant Alger que pour essuyer un désastre (1516). Trois mille Espagnols sont tués, quatre cents faits prisonniers et Diego de Vera qui n'a pas même honoré son malheur par son courage, étant de retour dans son pays, entend les enfants répéter à ses oreilles des refrains populaires dans lesquels on lui reproche de s'être laissé battre, lui qui avait ses deux bras, par Barberousse le bras coupé.

                 Le désastre des Espagnols met le comble à la renommée de celui-ci. Son pouvoir grandit par la terreur qui s'attache à son nom et par le prestige du succès, puissant partout, plus puissant encore chez les populations qui admettent le dogme de la fatalité. Ce centre de force qu'Haroudj, aidé de son frère Khaïr-el-Din, avait créé au milieu de l'anarchie qui régnait sur cette côte d'Afrique, exerce une puissante attraction, et c'est ainsi que sa domination tend sans cesse à s'accroître.

                 Il est appelé à Tlemcen par une des factions qui déchirent cette ville ; il y entre après avoir gagné une bataille sur les Arabes qui tiennent pour le parti dominant ; l'autre parti se confie dans le serment qu'il a prêté sur le Coran de rendre le pouvoir à Abou-Ziane, le prince détrôné. Qu'était-ce qu'un serment pour la conscience d'un pirate qui avait monté le premier degré de sa fortune par la trahison et par le meurtre et qui, depuis, n'y avait cessé de s'élever par les mêmes moyens ? Il viole son serment, fait périr indistinctement tous les princes de la famille régnante en les faisant jeter dans un lac, et prend, au spectacle de leur agonie, un plaisir de bête féroce. Il couronne ces exécutions en faisant mettre à mort les soixante-dix principaux habitants de la ville afin, dit-il, qu'ils ne trahissent pas leur nouveau maître comme ils ont trahi leur roi naturel. En même temps ses exactions et ses violences contre les Arabes de la plaine augmentent chaque jour.

                 Cette politique de crime et de sang qui lui a réussi jusque-là tourne enfin à sa perte. La crainte qu'il inspire devient moins forte que l'indignation et le désespoir ; les tribus arabes se soulèvent et demandent le secours des Espagnols. Don Carlos, depuis Charles-Quint, qui venait de monter sur le trône, ordonne à Don Diego Fernandez de Cordova, qui commandait pour lui à Oran, de leur porter secours. Barberousse est assiégé en 1518 dans le méchouar ou citadelle de Tlemcen par les Arabes et les Espagnols unis. Les Turcs envoyés à son secours par son frère Khaïr-el-Din, qu'il a préposé à la garde d'Alger, ne peuvent arriver jusqu'à lui.
                 Après un premier succès qui les enivre et leur ôte toute prudence, ils sont surpris à leur tour et exterminés à Kala des Béni-Rached (petite ville suspendue aux flancs d'une montagne abrupte, située à une journée de Mascara, sur la route qui conduit de cette ville dans les vallées de la Mina et du Chélif) par Martin d'Argote, parti d'Oran à la tête de deux mille Espagnols.

                 Il n'y a plus d'espoir pour Barberousse. La ville où il se défend le hait, la plaine qui l'entoure est au pouvoir des tribus d'Arabes ses ennemis. Martin d'Argote et ses Espagnols, après avoir détruit le corps auxiliaire que le Turc attendait, se sont hâtés de marcher sur Tlemcen pour concourir à sa perte. Il faut fuir.
                 Barberousse s'échappe avec des fusiliers turcs et quelques Kabyles qui lui restent, par une brèche faite dans la muraille et mal surveillée ; mais bientôt découvert il est suivi de près par ses ennemis. Quinze mille Arabes ou Kabyles, armés seulement d'arbalètes sont tenus à distance par la crainte des fusiliers turcs ; mais les Espagnols sont plus audacieux. Dans cette extrémité, Ben-el-Kady, cet utile et constant ami qui lui était resté fidèle après et depuis son désastre devant Bougie, se sépare de lui.

                 C'est le signal de sa perte. En vain, pour retarder la poursuite des Espagnols, fait-il répandre sur la route de l'Ouest où ils le suivent les trésors qu'il avait emportés avec lui. Barberousse, atteint par eux à vingt-trois lieues de Tlemcen, probablement près de la rivière de l'Ouchda, dans sa fuite désespérée, se jette accablé de fatigue, mourant de soif, dans un ancien parc à bestiaux entouré d'un mur de pierres sèches où, suivi d'un petit nombre des siens, il se retranche et se songe plus qu'à vendre chèrement sa vie. Après une résistance à outrance, il est jeté à terre d'un coup de lance par un enseigne espagnol, Garcia Fernandez de la Plaza, et, combattant encore, quoique blessé, il ne cesse de frapper ses ennemis qu'en cessant de vivre.
                 Sa tête, coupée, fut portée à Oran comme un trophée.
                 S'il faut en croire un historien, on fit plus, on l'envoya en Espagne.
                 " La tête de Barberousse, lit-on dans une ancienne traduction de Paolo Jovio, transmise et portée sur une lance tout à l'entour de l'Espagne, apporta liesse singulière aux peuples, et principalement maritimes, pour ce que la sûreté, dès longtemps souhaitée, semblait être rendue à leurs rivages ".

                 Ainsi finit, en 1518, à l'âge de quarante-quatre ans, cet homme de combat et de lutte, haï et craint par ses ennemis, aimé et suivi avec enthousiasme par les compagnons de ses aventures qu'il récompensait magnifiquement et qui avaient foi dans son courage à toute épreuve, sa fortune et son génie.

                 On a encore la lettre de Charles-Quint qui accorde les armoiries à l'enseigne de la Plaza pour ce fait d'armes :
                 " Vous, Garcia Fernandez de la plaza, enseigne dans la compagnie de Pedro de Antrada, un de nos capitaines, lui dit-il, nous vous accordons par ces présentes pour armoiries, un écu avec la tête et la couronne dudit Barberousse, sa bannière et son cimeterre au naturel avec cinq autres têtes de Turcs, le tout en signe et souvenir que vous avez gagné ces armes au service de Dieu et au nôtre de la manière suivante ".

                 La lettre de Charles-Quint, à laquelle sont empruntés ces détails, se trouve tout au long dans la Cronica de las Barbajoras de Gomara.
                 Soldat intrépide, capitaine expérimenté, politique habile, rusé, perfide, sans scrupule et sans entrailles, c'était une forte intelligence ; mais il lui a manqué un grand cœur pour être un grand homme. Ses vices, comme ses qualités, trouvèrent leur emploi dans le temps et le milieu social où il parut, et c'est à cette circonstance qu'il dut de pouvoir fonder sur la côte d'Afrique ce gouvernement étrange comme lui, et profondément empreint de son génie, dans lequel le brigandage, la guerre et la piraterie, la politique et la violence, le fanatisme et le pillage se trouvaient si singulièrement et cependant si puissamment mêlés que l'œuvre de Barberousse a duré trois cents ans.



L'Administration turque en Algérie
Envoyé par M. Christian Graille
Histoire du royaume d'Alger par M. Laugier de Tassy, commissaire de la marine pour Sa Majesté très chrétienne en Hollande. Édition 1725

Des Hojas, du Cadi, du Cazenadar, et de divers autres officiers.

                 Les Hojas, ou Cogias hachis, ou grands écrivains sont les secrétaires d'État. Il y en a quatre aux fonctions très importantes :
                 - le plus ancien tient les livres de la paye et des dépenses ordinaires et extraordinaires,
                 - le second ceux de la douane,
                 - le troisième ceux des revenus de l'État,
                 - le quatrième ceux des affaires étrangères et extraordinaires.
                 Ils sont toujours assis sur un même rang dans une table ou bureau, à côté droit du Bey, pendant tout le temps qu'il est sur son siège, pour répondre, vérifier, écrire ou enregistrer tout ce qui est de leur département.

                 Lorsqu'un Consul va porter plainte au Dey de quelque tort fait aux gens de sa nation, ou de l'infraction de quelque article du traité de paix de la part des Algériens, le Dey ordonne au secrétaire d'État qui a le registre des traités de l'ouvrir et de répondre aux plaintes du Consul. Le secrétaire lit tout haut l'article, que le Consul prétend avoir été enfreint, il est suivi à la lettre et sans aucune interprétation. Si le Consul a raison, on lui rend justice ; mais s'il se plaint fondé sur quelque interprétation favorable de l'article en question, on lui refuse ce qu'il demande et l'affaire est réglée dans un instant de quelque conséquence qu'elle soit.

                 Les grands écrivains sont nommés par le Dey. Au nombre de 80 Ils ont chacun leurs différents emplois. Les uns commis à la distribution du pain des soldats, les autres de la viande, les uns aux garâmes ou droits sur les maisons ou boutiques, les autres aux garâmes des jardins, métairies et autres terres. Il y en a de préposés pour l'entrée des bestiaux, des cuirs, de la cire, des huiles et autres marchandises du cru du pays et autres différents magasins tant de la terre que de la mer. Il s'en tient toujours deux à chaque porte, quelques-uns auprès du Dey pour recevoir ses ordres et ceux des secrétaires d'État, et d'autres s'embarquent sur les gros vaisseaux qui vont en course.
                 Ils ne décident de rien que par son organe ; mais comme ils sont de sa main, que ce sont les premiers conseillers et qu'ils sont toujours auprès de lui, ils ont un grand pouvoir et leurs avis sont toujours d'un grand poids. Ils le donnent ordinairement en particulier et parlent rarement en présence des parties.

                 Le Cadi est nommé et envoyé par la Porte ottomane (surnom donné au gouvernement ottoman en référence à une porte monumentale du palais de Topkapi à Constantinople,) après avoir été approuvé par le grand mufti ou patriarche ottoman à Constantinople. Il n'a aucun pouvoir dans le gouvernement et ne peut s'en mêler en aucune façon. Il juge et décide généralement de toutes les affaires qui regardent la loi et dit rendre ses jugements sans frais et sans appel. Mais comme un Cadi ne vient à Alger que pour s'enrichir et qu'il lui en coûte des présents à la Porte pour avoir cet emploi, il se laisse aisément corrompre par les parties. Il est obligé de rester toujours chez lui, sans pouvoir en sortir que par la permission du dey. Ce dernier fait souvent juger par son Divan (assemblée de notables) des affaires litigieuses qui sont de la compétence du Cadi, lorsqu'elles sont de quelque conséquence et en ce cas il appelle tous les gens de la loi. Il y a aussi un Cadi maure, qui rend la justice aux gens de sa nation, lorsque le Dey les renvoie à lui. Il n'a aucune paye et est entièrement subordonné au Cadi turc.

                 Le Hazenadar, ou Cazenadar est le trésorier général de l'État. C'est lui-même qui reçoit en présence du Dey les fonds provenant des revenus du royaume et qui les met aussi en sa présence et celle des quatre grands écrivains, dans le Hazena ou trésor, qui est une Chambre dans la salle du Divan où on l'enferme. Ce trésorier doit tenir un compte général des dépenses de la république (la République signifie également l'État) mais on n'y regarde pas toujours de si près puisqu'il y a de ces trésoriers qui ne savent point écrire ni même lire.
                 Il ne fait ses opérations qu'en présence du Divan ordinaire, soit qu'il reçoive de l'argent ou qu'il en donne. Il a avec lui un commis qu'on appelle Contador, qui est un Turc chargé de tout l'argent tant de la recette que de la dépense. Ce Turc a deux aides pour cela et deux Juifs auprès de lui : un pour visiter les monnaies douteuses qui, en ce cas, sont refusées, l'autre pour peser ; et à mesure qu'il reçoit ou qu'il paye, il crie à haute voix ce qu'il fait. Alors le grand écrivain ou secrétaire d'État, écrit ce qui se passe dans son registre courant.

                 Le Chekelbeled est l'échevin de la ville. Il a soin de la police en ce qui concerne les réparations de la ville, les rues et autres choses semblables. Il est à la nomination du Dey. C'est dans la maison du Chekelbeled qu'on met en arrêt les femmes de bonnes réputations qui ont mérité quelque punition et elles y sont châtiées secrètement comme les Turcs dans la maison de l'Aga. Lorsque le Dey a pour esclaves des femmes ou des filles de quelque distinction dont il attend une bonne rançon, il les envoie dans la maison du Chekelbeled sous bonne garde et leur fait donner tout le nécessaire et de l'ouvrage pour s'occuper, si elles le souhaitent ; et elles restent là jusqu'à ce qu'elles soient rachetées.

                 Le Pitremelgi ou Bethmagi, qui signifie homme de la Chambre des biens, est chargé de s'emparer au nom du dey de tout le casuel qui appartient à la république par la mort et l'esclavage de ceux qui n'ont ni enfants, ni frère, tant en meubles qu'en immeubles dont il doit rendre compte exactement.
                 Il a ses officiers particuliers, et de peur qu'on ne cache la mort de quelqu'un, nul ne peut être enterré sans un billet de lui. Cela s'observe d'autant plus exactement, que les sépultures sont toutes en dehors de la ville et qu'il y a un commis à chaque porte pendant tout le temps qu'elles sont ouvertes pour recevoir les billets de permission que le Pitremelgi a signés.
                 Lorsque quelqu'un est mort sans enfants ni frère, le Pitremelgi s'empare de tout son bien, dont il paye le douaire à la veuve. Il a soin de faire fouiller dans les maisons du défunt tant à la ville qu'à la campagne, s'il y en a dans l'héritage, pour trouver le trésor caché, étant assez ordinaire à cette nation de cacher de l'argent et de l'or.

                 La raison de cet usage vient de ce qu'un particulier qui passe pour riche est souvent inquiété par le Dey, qui lui demande de l'argent sous prétexte des besoins de l'État, ou lui impose des amendes pécuniaires fort considérables lorsqu'il commet la moindre faute on confisque ses biens au profit de l'État sur le moindre soupçon d'avoir conspiré contre lui de sorte qu'il aime mieux avoir un trésor caché, qui est une ressource pour lui ou pour ses enfants, en cas qu'il soit obligé de s'en aller furtivement et d'abandonner ses biens pour garantir sa vie. Mais il est assez ordinaire que la mort en surprend beaucoup avec le trésor caché, sans qu'ils l'aient déclaré à personne ; ce qui fait que le Pitremelgi fait de grandes recherches.

                 Le Hoja, ou Cogia-Pingié est le Contrôleur Général, qui est chargé de la part ou portion des marchandises qui revient à la République sur les prises faites en mer. Il en tient compte, et les délivre selon l'ordre du Dey, soit à l'enchère, soit par vente particulière, dont il rend compte aux secrétaires d'État. Il a deux écrivains pour ses aides.

                 Le Dragoman, ou interprète de la maison du Roi, est un Turc qui sait lire et écrire en turc et en arabe. Il explique toutes les lettres des Arabes et des Maures qui viennent au Dey des différents endroits du royaume, de même que celles des esclaves algériens dans les pays des chrétiens ; et après en avoir fait la traduction en langue turque, il les présente au Dey, qui donne ses ordres en conséquence.

                 Il est dépositaire du sceau ou cachet du Dey, qu'il ne quitte jamais, et il scelle en sa présence toutes les dépêches, mandements, traités et autres écrits. Il faut observer que le Dey ne signe jamais aucun écrit, et le sceau où il n'y a de gravé que son nom tient lieu de signature. Il est toujours auprès du Dey ou dans la salle du Divan, pour servir d'interprète aux Arabes et aux Maures, tant de la ville que de la campagne, qui viennent porter des plaintes au Dey, ou lui demander des avis de ce qui se passe pour ou contre ses intérêts. Il interprète et traduit aussi les lettres qui viennent des royaumes du Maroc et de Tunis, qui sont écrites ordinairement en langue arabe.

                 Les Chaoux sont les exempts de la maison du roi. C'est un corps très considérable. Il est composé de douze Turcs des plus forts et des plus puissants de la république et d'un chef appelé Bachaoux, ou Chaoux-Bachi ou grand prévôt. Il y a eu plusieurs Bachaoux qui ont été élus Deys. Ils sont habillés de vert avec une écharpe rouge, ils ont un bonnet blanc en pointe et sont les fidèles porteurs de tous les ordres du Dey.
                 Il ne leur est pas permis de porter aucune arme offensive ou défensive, pas même un couteau ou un bâton ; et néanmoins ils arrêtent, lorsqu'ils en ont l'ordre, les Turcs les plus puissants et les plus séditieux, sans qu'il n'y ait aucun exemple qu'on leur ait résisté, quoique ceux qu'ils ont arrêtés aient su leur mort certaine.
                 Les Turcs les plus résolus, de quelque qualité qu'ils soient, tremblent et pâlissent dès qu'un Chaoux leur a mis la main dessus par commandement du dey, et ils se laissent conduire comme des agneaux chez l'Aga de la milice, où ils sont bastonnées ou étranglés, selon les ordres que ce général en a déjà reçus.

                 Ces Chaoux ne sont employés que pour les affaires des Turcs, étant indignes d'eux de mettre la main sur un Chrétien, sur un Maure ou sur un Juif. Il y a le même nombre de Chaoux maures et un Bachaoux de la même nation, qui ont le même pouvoir, sur les Maures, sur les Chrétiens et sur les Juifs, suivant les ordres du Dey mais il ne leur est pas permis de porter aucun ordre à un Turc. Les deux Bachaoux se tiennent toujours auprès du Dey pour recevoir ses commandements et les faire exécuter par les Chaoux qui se tiennent toujours dans la maison du roi.

                 Lorsque le Dey a ordonné de faire venir quelqu'un qui est accusé devant lui, il ne faut pas que le Chaoux qui en a l'ordre s'avise de revenir sans lui. S'il apprend qu'il est à la campagne, il va l'y chercher et l'y amène avec lui. S'il ne peut apprendre où il est, il fait publier par un crieur public, que ceux qui sauront où il est, aient à le déclarer sous peine de punition ; et si l'on apprend que l'un l'ait caché ou l'ait fait évader, celui qui lui a rendu ce bon office est puni très sévèrement et mis à l'amende et même puni de mort si l'affaire dont il s'agit intéresse le dey ou l'État.

                 Les gardiens Bachis sont des Turcs qui ont le commandement des bagnes du Deylik ou du gouvernement et ont le compte et le soin des esclaves. Chaque bagne a un gardien-Bachi et surtout il y a un Bachi-gardien-Bachi, ou Gouverneur Général qui fait la revue tous les soirs dans les bagnes, qui répartit les esclaves pour aller en mer ou pour le travail journalier, qui les fait châtier lorsqu'ils sont jugés dignes de punition, et qui rend chaque jour compte au dey de ce qui se passe dans les bagnes. C'est le Bachi-gardien-Bachi qui fait ordinairement préparer les vaisseaux pour mettre à la voile, à cause du nombre d'esclaves du Deylik qui y travaillent et qui sont embarqués pour aller en campagne. C'est un des anciens Raïs ou capitaines corsaires qui occupe ordinairement cette place. Il a beaucoup de pouvoir dans la République.

                 Le Raïs de la marine, ou capitaine du port, est un officier de grande distinction et de crédit. Il n'est pas nommé par ancienneté de capitaine mais à la volonté du Dey, qui choisit ordinairement pour remplir ce poste une personne âgée, expérimentée dans la marine et de bonnes mœurs.

                 Cet officier a plusieurs aides qu'on nomme gardiens du port. Il donne avis au Dey de tout ce qui se passe. Lorsqu'il arrive des bâtiments, il va à bord avant qu'ils entrent dans le port ; et après avoir pris les informations, il va rendre compte du lieu de départ des bâtiments, du chargement et des nouvelles qu'on lui a données et il revient aussi incessamment pour porter aux capitaines les ordres que le Dey lui a donnés.

                 Dès que les bateaux sont dans le port, il conduit les capitaines devant le Dey, qui les interroge, selon son bon plaisir. C'est le Raïs de la marine qui fait la visite en chef de tous les navires chrétiens qui sont sur leur départ afin qu'ils n'enlèvent pas des esclaves. Il a sa justice particulière pour tous les différends qui arrivent dans le port, à l'occasion des bâtiments, avec pouvoir d'absoudre ou de condamner. Dans les cas de conséquence seulement il convoque l'Amiral et tous les Raïs dans le lieu de leur assemblée ordinaire, qui est au bout du môle, et l'affaire est décidée en leur présence après qu'ils ont donné leur avis, en commençant par les plus anciens. Après quoi il va faire son rapport au Dey, avant que d'exécuter le jugement, qui est toujours approuvé.

                 Il commande la galiote (navire à rames connu aussi sous le nom de demi-galère) de garde qui est armée pendant tout l'été pour faire la découverte sur la côte avant la nuit et pour aller reconnaître les bâtiments qui viennent pendant le jour.

                 Les Raïs, ou capitaines de vaisseaux forment un corps considérable et accrédité, à cause du profit que leurs courses apportent au pays dont ils sont le plus ferme soutien : aussi sont-ils respectés et ménagés par rapport au besoin qu'on a d'eux. Chaque capitaine est un des propriétaires du bâtiment qu'il commande et les autres armateurs le laissent maître de l'armement, et d'aller en course quand il veut, à moins que le dey ne juge que le bâtiment est nécessaire au service de l'État car alors il faut qu'il le serve avant toutes choses. Ce service ne consiste qu'à porter les garnisons des places maritimes lorsqu'on les change. Ils sont fixés à ce poste et n'ont d'autorité dans le gouvernement que celle qu'ils s'acquièrent par leurs services, leur bonne réputation et leur bonheur. Un capitaine n'a part aux prises que comme armateur, sans avoir les appointements " Les soute-Raïs " sont les officiers major. Ils sont au choix du capitaine et n'ont point d'appointements. Ils ont quatre parts sur le produit des prises.

                 L'Amiral n'est pas le plus ancien officier de la mer, mais celui à qui il plaît au Dey de donner le commandement du seul navire qui appartient au Deylik. Il a le pas et les honneurs devant tous les autres capitaines et les commande à la mer. Il n'a aucun pouvoir que celui qu'il s'acquiert, en s'attirant l'estime des autres capitaines qui, excepté sur mer, ne dépendent de lui qu'autant qu'il leur plaît. Mais lorsqu'il est reconnu pour un homme de poids et de mérite, le Dey lui renvoie souvent la décision des affaires de la marine et les capitaines et les marchands s'adressent volontiers à lui pour terminer leurs différends.

                 Les Topigi-Bachi sont les maîtres canonniers. Ils commandent l'artillerie à bord. Il y en a dans chaque bâtiment corsaire au choix du capitaine et n'a que trois parts aux prises. Lorsqu'ils ont de quoi s'intéresser à un armement, ils parviennent aisément à avoir un bâtiment, de même que les autres officiers subalternes.

                 Le Mézouard est le grand bailli et le lieutenant général de la police. Il maintient la paix et le bon ordre dans la ville. Il a une compagnie de gardes à pied, qui ne reçoivent aucun ordre que de lui directement. Il observe et se fait informer de ce qui se passe dans la ville pendant le jour, fait la patrouille pendant la nuit et rend compte tous les matins au Dey de tous les désordres qui sont arrivés et de tout ce qu'il a appris par ses émissaires. Il a inspection et plein pouvoir sur les femmes de mauvaise vie ; il en exige une garâme ou tribut, dont il paye tous les ans 2.000 piastres sévillanes au Dey.

                 Il s'empare de toutes les femmes de joie et les tient enfermées dans la maison où elles sont distinguées par classe. Dès qu'il découvre quelque femme ou fille qui commence à donner dans l'intrigue, pourvu qu'il puisse une fois la surprendre en flagrant délit, il a le droit de s'en saisir et de la mettre avec les autres, ou de la rançonner.

                 Il les loue aux Turcs ou aux Maures qui viennent lui en demander et leur laisse choisir celles qui leur conviennent.

                 Ils peuvent les garder autant de temps qu'ils veulent, suivant la conclusion du marché fait entre le Mezouard et eux et sont obligés de les ramener à la maison où ils les ont prises, lorsque le temps du marché est fini, ou de le renouveler. Celles qui veulent sortir chercher fortune en obtiennent la permission en payant chaque jour une petite somme au Mezouard pour droit de sortie. Il est aussi le maître bourreau : il fait ou fait faire les exécutions par ses satellites, donne ou fait donner la bastonnade lorsque le dey lui en donne les ordres. C'est toujours un Maure qui occupe cet emploi, qui est des plus lucratifs et des plus en horreur.



Chantiers nords-africains
           Trouvé à la BNF            01-1932  
La criée aux poissons d'Oran

              La Criée aux poissons, comme sa destination l'imposait, est située au quartier de la Marine parallèlement au quai Sainte-Marie sur une longueur de cinquante mètres.
              Elle est bâtie sur un terrain appartenant à la Chambre de Commerce d'Oran.
              Sa base, de forme sensiblement trapézoïdale, a une seconde façade, en contre-haut, donnant sur deux artères : la rue du quai Sainte-Marie et la rue d'Orléans.
              Son emplacement, judicieusement choisi, offre le grand avantage d'être au centre de voies de communication et facilite ainsi la réception et les expéditions du poisson.
              D'un style très sobre, en harmonie avec les goûts modestes de ses habitués, la criée présente dans ses lignes modernes un équilibre de formes qui plait.
              Deux resserres symétriquement disposées à chaque aile du bâtiment complètent parfaitement cette construction.
              L'ossature est entièrement en béton armé, la criée et les resserres sont couvertes de grandes dalles de béton.

              Du côté de la mer, façade nord, sept grandes baies métalliques articulées donnent accès à une salle spacieuse où s'effectuent les transactions. Le parterre est fait de carreaux de ciment. Des banquettes d'exposition du poisson servant en même temps de ligne séparative entre les mandataires mareyeurs et les acheteurs. Elles sont constituées par de longues dalles en béton armé d'un entretien très facile. La criée est traversée, dans sa plus grande largeur, par un égout pour l'évacuation rapide des eaux de lavage.

              La partie centrale sur la terrasse, entièrement vitrée, jette, dans la salle, une lumière abondante ; elle est éclairée également sur les ailes par de larges baies horizontales.
              Le grand air et la lumière ont présidé à la conception de cet édifice public.
              De chaque côté de la salle, une banquette avec l'eau à pied d'œuvre pour assurer le lavage des emballages
              Un concasseur est disposé pour permettre le concassage de la glace destinée à la conservation du poisson. Ce concasseur est actionné par une dynamo branchée sur la ligne de distribution électrique. Une ligne téléphonique complète cette installation.
              Cette construction couvre une superficie de 1710 mètres carrés environ. Le montant total de la dépense s'élève à la somme de cinq cent trente mille francs.
              Elle est une manifestation sensible de l'intérêt que porte la ville d'Oran aux pêcheurs, gens rudes et modestes au dévouement et au courage jamais en défaut.

              Les plans de cette construction ont été établis par les soins du Service des Travaux Communaux d'Oran.
              Entrepreneur : M. Piccioli Antoine.

B.                          
                         
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La lutte contre les bruits
à travers l'Histoire -
par M. I. KATEL, Ingénieur civil

              Le bruit est un vieux fléau de l'humanité.

              Il est historiquement incontestable que les Grecs ont pris des mesures pour abattre les bruits plusieurs siècles avant notre ère.
              Les Grecs cultivés, surtout les habitants de la ville de Sybaris; qui avaient la réputation d'être très sensibles envers le manque de confort, ont déclaré une véritable guerre aux bruits.
              Le professeur Spooner indique que cette ville qui fût fondée en Italie du Sud, 720 ans avant Jésus-Christ, devint là ville la plus renommée et la plus riche par suite de la défense par les autorités municipales, de faire des bruits industriels au centre de la ville.

              Les Romains de la même époque qui se vantaient d'être plus aguerris et plus résistants, se moquèrent de cette sensibilité efféminée des Sybarites et ce sont bien eux qui inventèrent l'histoire du Sybarite qui ne pouvait pas dormir sur son lit de feuilles de roses parce qu'un pétale était plié en deux.
              Pourtant cette résistance des romains si vantée céda peu à peu car, dans sa troisième satire, Juvenal, né en l'An 22, se plaint des bruits de la vieille Rome :
              " Quel appartement rend le sommeil possible ? Il faut, dans la capitale, des endroits pour dormir. Le roulement des chariots dans les rues étroites et le vacarme des troupeaux de bestiaux au repos, chassent " le sommeil et empêchent de dormir ".
              Cette sensibilité aux bruits devint de plus en plus générale car, vers cette époque, les riches Romains commencèrent à se réfugier dans la banlieue calme pour éviter les bruits de la ville.
              Un pareil mouvement se manifesta de nouveau, d'une façon plus accentuée, vers la fin de la Renaissance et au commencement de l'histoire moderne.
              En ces temps lointains, les artisans d'un même métier travaillaient dans des rues affectées spécialement à leur usage ; les noms de certaines vieilles rues en gardent les traces. Ceux qui cherchaient le calme, habitaient dans les autres quartiers.
              Les travailleurs intellectuels étaient très exigeants à ce point de vue dans l'Allemagne de jadis.

              En 1617, par Ordonnance de la Faculté de droit de Leipzig, aucun artisan d'un métier bruyant n'avait le droit de l'exercer dans les quartiers où habitaient les docteurs et même les étudiants.
              Un jugement du Tribunal de Leipzig, en 1630, condamna un forgeron à changer de quartier et à annuler son bail " car les bruits qu'il produisait, empêchaient les savants de travailler ".

              En 1695, le recteur de Gôrlitz intentait une action judiciaire contre un orfèvre qui, en exerçant son métier, faisait un tel tapage que les " praeceptores " et les élèves, étaient empêchés de " méditer ". Le résultat de cette action fut couronné par la décision de la Faculté de droit de Halle, selon laquelle l'orfèvre n'avait pas le droit d'exercer un métier bruyant susceptible de déranger des professeurs "éclairant par leur enseignement le monde entier ".
              Il est intéressant de rappeler à ce propos, la lutte sans succès de Frédéric-Ie-Grand, contre le meunier de " Sans-Souci " et son bruyant moulin - il est vrai que le moulin existait avant le château du Roi.

              A toutes époques, les bruits ont gêné l'humanité et Kant, Goethe, Schiller, Beethoven, Byron, Victor-Hugo, Musset, Zola, Schopenhauer, Carlyle, Herbert Spencer, et, enfin, des écrivains de nos jours, Mark Twain, Marcel Prevost, Edmond Haraucourt, Georges Duhamel, et beaucoup d'autres, ont pris part à la lutte contre ceux-ci. Voici comment Schopenhauer s'exprime dans son ouvrage : " Parega et Paralipomena " chapitre 30, avec sa fougue habituelle, contre ce fléau :
              " Le peuple le plus raisonnable et le plus spirituel "de tous les peuples d'Europe a appelé la maxime " never interrupt - Tu ne dois jamais interrompre - le onzième commandement.

              Le bruit est l'interruption la plus impertinente, car il interrompt et même brise nos propres pensées. Il est pourtant vrai que là où il n'y a rien à interrompre, il n'est pas très gênant. Je voudrais savoir combien de grandes et sublimes pensées ont été chassées du monde par les bruits.
              La tolérance générale des bruits injustifiés, par exemple, celle de claquer les portes, qui est sûrement la plus grande impertinence, est une preuve d'un hébétement général et d'une stérilité de pensée.

              Rien ne donne une idée plus sûre de la stupidité humaine que la permission de claquer les fouets. Celui qui possède une pensée ou quelque chose d'analogue dans sa tête doit percevoir avec peine ce claquement soudain qui brise toute idée et détruit toute connaissance ".
              Que dirait Schopenhauer s'il vivait à notre époque des sirènes, des sifflets, des klaxons, de la T. S. F. etc. ?
              Carlyle craignant le chant du coq s'était fait construite une chambre isolée contre les bruits. Herbert Spencer souffrait beaucoup des bruits et avait l'habitude de se boucher les oreilles avec de la laine. Il disait souvent que l'on pouvait mesurer la capacité intellectuelle d'un homme par le degré de son intolérance des bruits inutiles. Mark Twain n'insiste pas moins énergiquement sur le fait que les bruits présentent une menace pour la paix, la santé et le travail productif.

              Georges Duhamel, dans son " message au Chef du Gouvernement " demande la création d'un Ministère du bruit... " car aujourd'hui, l'orgie de bruit ne cesse guère et il est à craindre que le citoyen, gravement intoxiqué, sans cesse ivre de vacarme, ne perde la mesure de sa pensée, de sa parole et de son geste. Le corps médical s'inquiète. Et comment ne s'inquiéterait-il pas ? Des créatures humaines qui se fussent trouvées heureusement utilisables dans une époque moins confuse donnent le spectacle de la frénésie, du crétinisme et de la dégénérescence..."

              Mais ce ne sont pas seulement les poètes et les philosophes qui ont lutté contre les bruits : il y a plus de cent ans (fin octobre 1829) que le Préfet de Police de Paris, signa une ordonnance interdisant l'emploi dans les ateliers, d'outils faisant assez de bruit pour empêcher les habitants du voisinage de dormir ainsi que l'usage d'instruments tels que : trompettes, pistons, trombones, etc...
              Pourtant, malgré ce début, nous ne trouvons qu'au commencement de notre siècle, une campagne organisée contre ce mal. Tandis qu'en Europe, cette campagne n'était menée que par des personnes isolées ou de petits groupes, en Amérique du Nord, elle prit, dès son origine, une grande importance.

              Elle débuta par la Société Féminine de Philadelphie qui obtint dans la ville la création de zones dans lesquelles toute production de bruits est défendue sous peine d'amendes très élevées.
              A New-York, la lutte organisée contre les bruits date de 1907, par la création de la " Sociéty for suppression of unnecessary noise ".
              Cette Société mène sa campagne au moyen d'un plan bien élaboré. Elle commença tout d'abord par la lutte contre les bruits du port, sans s'occuper de ceux de la ville même. Ayant obtenu la défense de corner et de siffler inutilement, elle se consacra ensuite à la lutte pour le calme dans la proximité des hôpitaux.

              Appuyée par la presse quotidienne et surtout par les médecins (dont un signale que, comme suite aux bruits de la rue, deux de ses malades étaient devenues folles) les résultats de cette campagne furent très fructueux : Il est défendu de se servir des cloches de tramways, ainsi qu'il est interdit aux musiciens de toutes sortes, de jouer dans le voisinage des hôpitaux.
              Les agents de police ont été chargés d'appréhender et même d'arrêter toutes les personnes produisant des bruits auprès de ces bâtiments.
              Ce mouvement a gagné de plus en plus en se répandant dans diverses autres villes. A Buffalo et à Détroit, il a été défendu aux mécaniciens des locomotives de se servir de sifflets sous peine d'être arrêtés immédiatement. A Washington et à Boston, tous les bruits de la rue sont défendus entre 22 heures et 6 heures du matin.

              En Suisse, les Chemins de Fer ont pris la décision, il y a trois ans, de supprimer le sifflet comme signal de départ des trains et de le remplacer par des disques blancs durant le jour et des lampes vertes pendant la nuit.

              En Allemagne, la première Société contre les bruits a été créée en 1908 à Nuremberg ainsi qu'un journal " Antirupel " spécialement consacré à cette lutte. La direction de cette Société à Hanovre a édité des cartes portant les mots : " le calme est distingué ", qui doivent être accrochées ou distribuées partout où l'on perçoit des sources de bruits.
              Suivant les exemples de l'Amérique et de l'Allemagne, l'Angleterre a créé également le " Noise-Abatement Commite ".

              Puis ce mouvement s'est répandu en Belgique et en Hollande. En 1909, a eu lieu le premier Congrès International contre les bruits inutiles de la rue. A ce Congrès, ont pris part : l'Amérique, l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Hollande, la Suède et le Danemark. Dans la même année, se créait à Berlin également une Société contre les bruits et le mouvement prit en Allemagne des proportions considérables, enrayées d'ailleurs momentanément par la guerre. Depuis, ce mouvement a gagné de nouveau du terrain et il est devenu actuellement un facteur important au point de vue social.

              Ainsi fut créée en 1928, l'importante " Association contre la surdité professionnelle " par la " Société allemande de l'hygiène industrielle " en 1929, " la ligue contre les bruits " et en 1930, la section de celle-ci, pour la presse berlinoise.
              L'exposition des constructions et de l'hygiène à Berlin en 1931, a fourni un aperçu et des renseignements très intéressants sur l'histoire de ce mouvement important.
              Entre toutes sortes de mesures contre les bruits industriels et de la rue, prises en Allemagne, il est intéressant de signaler la guerre à outrance contre les motocyclettes.
              De toutes les villes, c'est Magdebourg qui se distingue par une lutte très rigoureuse.

              Les motocyclistes produisant des bruits gênants sont soumis à une amende de 50 R. M. (300 francs). Pour repérer ces gêneurs publics on a même créé des patrouilles spéciales de police circulant dans la ville. Le public lui-même est sollicité d'appuyer dans ce sens la police par l'indication des motocyclistes produisant des bruits.
              Comme on le voit, la France s'occupa relativement peu de la question du bruit et il fallut l'heureuse initiative du T. C. F. pour attirer l'attention unanime sur ce fléau.

              Quels sont les moyens de le combattre ?

              Les pouvoirs publics peuvent évidemment édicter des ordonnances et des lois et obtenir certains résultats. Ils peuvent prescrire des heures pour le battage des tapis, la musique, etc..., et enfin, obliger à l'emploi de certains signaux phoniques moins bruyants ; ils peuvent enfin prendre 'des mesures sévères pour que ces ordonnances soient exécutées. Ainsi, les bruits de la rue peuvent être sensiblement diminués.
              Mais les pouvoirs publics sont impuissants contre la majeure partie des bruits d'origine interne, sonorité du bâtiment, trépidation, vibration des ascenseurs, de la tuyauterie d'eau, etc...

              D'autre part, le corps médical peut apporter un appui remarquable à ce mouvement en indiquant le grand danger effectif pour la santé publique des bruits de toute provenance ; il suffit de citer la campagne la plus énergique qui est menée par des médecins connus : MM. Houllevigne, Toulouse, Noir, Blondel et Duhamel déjà cités mais, c'est en fin de compte le technicien qui aura le dernier mot.
              C'est lui qui, spécialisé dans cette nouvelle branche technique sera capable de prendre des mesures appropriées pour empêcher, sinon la production, du moins la transmission de ces bruits et des trépidations qui ne sont qu'une autre forme du même phénomène.

              Il est véritablement étonnant que tant d'architectes qui cherchent à donner tout le confort aux nouvelles constructions, oublient ou négligent que la condition la plus essentielle du confort moderne est bien : le repos.

              Ainsi, au point de vue bien être et santé publique, il est nécessaire de répéter que les habitations communes et les hôtels modernes, munis de tout le confort imaginable, perdent la plus grande partie de leur valeur s'ils ne donnent pas à leurs habitants, respectivement à leurs voyageurs, la garantie parfaite d'un repos si nécessaire.
              Cet état de choses est encore plus étonnant que la question d'isolement phonique des bâtiments se trouve actuellement déjà résolue pratiquement sous tous les points.

              L'architecte moderne doit considérer comme un devoir d'appliquer les procédés d'isolement partout où ils sont nécessaires.
              La France possède de tels spécialistes dont la valeur technique est même appréciée en dehors de ses frontières (1).

              La Société des Médecins de Berlin a pleinement reconnu l'importance des techniciens dans cette lutte et dans son article paru dans le journal "Die Medizinische Welt " (1929 n° 8 S. 283 F.) sur " l'influence des bruits sur la santé publique " indique le grand rôle que jouent les techniciens dans cette branche.
              Il faut donc unir les efforts de toutes les compétences et de tous les groupements susceptibles d'apporter les remèdes appropriés à ces maux dont l'importance s'aggrave, non pas de jour en jour, mais d'heure en heure.

              (1) Nous croyons savoir que l'un de ces Ingénieurs spécialisés est attaché au " Comptoir Algérien de Représentation Technique et d'Etudes",
              12, boulevard Baudin (Maison de l'Agriculture), à Alger.

I. KATEL,                          
Ingénieur-civil.                          

A SUIVRE




PHOTOS de BÔNE
Envoyé par M. Roland Bussola
Palais Lecoq
Photo M. Roland Bussola

Une Fontaine
Photo M. Roland Bussola


Place d'Armes
Photo M. Roland Bussola

La Grenouillère
Photo M. Roland Bussola


Guelma -Hammam Meskoutine
Photo M. Roland Bussola
Guelma -Hammam Meskoutine
Photo M. Roland Bussola


RELATION DU
SIÉGE DE ZAATCHA

Paris. - Imprimerie COSSE et J. DUMAINE, rue Christine, 2. - 1863
Source Gallica

INSURRECTION SURVENUE DANS LE SUD DE LA PROVINCE DE CONSTANTINE En 1849
Par M. le Général HERBILLON,
Commandant la province de Constantine de 1848 à 1850.


        CHAPITRE X
       Campement des nomades. - Les chefs des nomades envoient une députation à Hamed-Bel-Hadje. - Razzia faite sur les fractions de tribus nomades campées à OurlaI. - Une nombreuse députation envoyée pour demander l'aman. - Les nomades se rendent à leur campement d'hiver. - Sortie des défenseurs de Zaatcha contre nos positions de gauche. - Les Arabes attaquent un convoi venant de Batna. - Belle conduite du capitaine Bataille. - Renfort de troupes envoyé à Biskra. - On modifie l'investissement projeté de la place. - Nouveau projet d'attaque adopté. - Bouchagroun entièrement abandonné. - Ce village visité par les officiers de la colonne.

        Après leur défaite à Sidi-Merazzi, le 12 novembre, les nomades ne s'étaient pas éloignés, et plusieurs fractions de leurs grandes tribus étaient venues dresser leurs tentes sur les bords de l'Oued-Djeddi, près de Ben-Thiouss, dans l'espace compris entre Ourlai et Mellili, où, appuyées à ces trois oasis, elles se croyaient à l'abri de toute surprise.

        Ainsi réunis en grand nombre, les chefs nomades avaient envoyé une députation de trente cavaliers à Hamed-Bel-Hadje, qui s'était rapproché de Sidi-Okba, où il avait des partisans. Ils l'engageaient à se rendre au milieu d'eux; mais l'ex-khalifat d'Abd-el-Kader crut prudent de ne pas accepter cette proposition, et préféra se mettre en relation avec Sidi-Abd-el-Afid et Sidi-Saddok, marabouts habitant l'Aurès, espérant les engager à se porter une seconde fois sur Biskra.
         Ce projet, s'il eût été mis à exécution, aurait jeté indubitablement le plus grand désordre dans les oasis du Zab-Chergui et aurait forcé d'envoyer des troupes à Biskra. Heureusement, le marabout Sidi-Abd-el-Afid, homme des plus pacifiques, se rappelant son équipée de Sériana, où il avait marché malgré lui, ne bougea pas. L'ex-khalifat s'en tint alors à attendre la suite des événements pour agir selon l'occurrence.

        Ces dispositions toujours hostiles de la part des nomades, leur campement à Ourlai, d'où ils pouvaient d'un moment à l'autre inquiéter de nouveau nos communications avec Biskra, et leur voisinage de Zaatcha, qui leur permettait d'envoyer impunément des contingents à Bouzian, décidèrent le général à frapper un grand coup sur ces tribus, et les forcer à prendre leur campement d'hiver. A cet effet, il fit prévenir les chefs de corps, le 15 novembre au soir, que le lendemain 16, à deux heures du matin, il partirait du camp avec deux colonnes ( pourvues chacune de deux pièces de montagne.), qui seraient sous les ordres des colonels de Barral et Canrobert, la cavalerie sous ceux du colonel de Mirbeck; quant aux goums de Sétif, de Biskra et d'Aumale, ils devaient être répartis entre les deux colonnes. Le colonel Dumontet prenait le commandement du camp.

        Parti à deux heures du matin, le général arriva à la pointe du jour près de l'oasis d'Ourlal, où on aperçut une ville de tentes appuyée aux oasis, des douars sans nombre s'étendant de tous côtés au loin, et de nombreux troupeaux de chameaux, de moutons, couvrant la plaine.

        Au premier bruit, tous les hommes sortirent des tentes, les cavaliers montèrent à cheval et se portèrent en avant. Les femmes, les enfants, les vieillards, entendant quelques coups de fusil, et voyant une masse mouvante se diriger de leur côté, se sauvèrent précipitamment vers les oasis.
         La cavalerie, qui arrivait dans ce moment de terreur, fut lancée par le colonel de Mirbeck ; les chasseurs des 1er et 3ème régiments d'Afrique chargèrent avec la plus grande vigueur les cavaliers nomades.qui arrivaient de toutes parts. Pendant ce mouvement, les spahis des 1er et 3ème régiments tournèrent plus à gauche, en faisant un circuit, pour couper la retraite aux fuyards. Le général fit exécuter en même temps un mouvement de tête de colonne à gauche à l'infanterie du colonel de Barral, et, lui-même, à la tête de son escorte, se lança au milieu des tentes. En un instant, tous les fantassins arabes, dispersés ou groupés au milieu de cet amas de tentes, prirent la fuite en jetant leurs armes et tout ce qui pouvait les gêner dans leur course : les tentes furent renversées, bouleversées, déchirées, brûlées même, et tous ceux qui n'avaient pu fuir trouvèrent la mort sous les tells et les tapis où ils s'étaient réfugiés.

        Le colonel Canrobert, qui commandait l'arrière-garde, apercevant ce qui se passait, tourna aussi à gauche, et, longeant les murs d'Ourlal, en débusqua les Arabes, et appuya le mouvement offensif. L'artillerie acheva de jeter l'épouvante au milieu de cette population surprise, en dirigeant son tir sur des douars éloignés, et en lançant des obus dans les jardins où s'était sauvée la plus grande partie des fuyards.
        Les tirailleurs indigènes et des spahis ayant été envoyés en même temps à la poursuite des troupeaux, réunirent sans difficultés ceux qui avaient été abandonnés, et enlevèrent un grand nombre de chameaux, que les gardiens défendirent vaillamment en cherchant à les sauver. Quant aux goums, avides de pillage, ils se jetèrent avec rapacité sur le butin qui était à leur disposition, et prirent tout ce que les moyens de transport leur permettaient d'emporter.

        Cette prise d'un des campements des nomades produisit un grand effet sur leur moral ; ils ne purent voir sans effroi leurs femmes foulées aux pieds des chevaux, se relevant mutilées, et cherchant à atteindre les murs des oasis où elles espéraient s'abriter, ni les cadavres de leurs frères, presque tous tués à coups de baïonnette. Spectacle de terreur et de destruction qui, paralysant la résistance, fit succéder, comme par enchantement, le calme à la tempête. Ne voyant plus d'ennemis à combattre, à moins d'aller les chercher dans le labyrinthe des oasis, où le général ne crut ni prudent ni nécessaire d'engager les troupes, et persuadé d'ailleurs que le châtiment qui venait de leur être infligé suffirait pour les dégoûter désormais de toute participation à la révolte des défenseurs de Zaatcha, il fit sonner le ralliement : les colonnes se reformèrent alors sans être inquiétées, et vinrent se réunir près de l'Oued-Djeddi, où elles se reposèrent en pleine sécurité.

        Le général était à peine descendu de cheval, lorsque les grands des deux fractions les plus importantes des nomades, les Ali-Ben-Ali et les Chourfa, se présentèrent au nom de toutes leurs tribus pour demander l'aman.
         Après les avoir écoutés et leur avoir reproché leur mauvaise foi, ainsi que leur peu de reconnaissance pour le bien-être dont ils jouissaient depuis que nous occupions le pays, il ne leur accorda l'aman qu'ils sollicitaient, qu'à la condition que tous les nomades partiraient immédiatement pour leur campement d'hiver, qu'ils paieraient une forte amende, et qu'ils enverraient de suite des otages à Biskra, où ils y resteraient jusqu'au paiement complet de la somme, dont la répartition serait faite selon la force et la richesse des tribus.

        Quelques jours après, les nomades partirent pour leur campement habituel ; les otages pris dans les grandes familles se rendirent à Biskra ; les amendes furent payées aux époques fixées ; et, comme ils avaient demandé à racheter deux mille chameaux qu'on leur avait pris, ceux-ci furent rendus moyennant une somme qui fut déterminée par une commission nommée à cet effet. Les moutons, qui avaient été enlevés au nombre de quinze mille, furent remis à l'administration et distribués à la troupe.

        Telle fut l'issue de la défection des nomades, dont l'arrivée dans le Sahara avait surexcité toutes les passions haineuses et encouragé les rebelles. Arrogants et perfides, ils nous avaient attaqués à l'improviste; ils en furent cruellement châtiés, et le coup qui leur fut porté jeta le deuil dans un grand nombre de familles (120 cadavres furent trouvés sur l'emplacement du campement). De notre côté, nous eûmes six tués et trente-quatre blessés.
         La colonne rentra au camp vers quatre heures et demie du soir, avec sa prise de deux mille chameaux et quinze mille moutons, les goums avec un butin considérable.

        Le général avait devancé la colonne pour se rendre aux tranchées et visiter les travaux exécutés dans la journée. Il trouva à l'attaque de gauche le commandant du génie et le colonel de tranchée, très contrariés, et donnant des ordres pour la réparation de dégâts causés par une attaque que l'ennemi avait faite en escaladant sur trois côtés les murs du jardin n° 17. Les assiégés s'étaient jetés en masse sur ce point ; ils en avaient chassé les travailleurs qui, en se retirant dans le cheminement en arrière, avaient entraîné avec eux le poste destiné à leur défense. Des armes, des outils et des matériaux abandonnés étaient restés au pouvoir des Arabes, qu'une compagnie du 16ème de ligne, arrivée au pas de course, était parvenue à arrêter près de la place d'armes construite sur l'emplacement de la batterie n° 4, et à les refouler. Mais l'ennemi, au lieu de se retirer, s'était embusqué dans tous les jardins voisins, et avait fait un feu très-vif sur nos positions de gauche, d'où il n'avait pu être éloigné qu'en jetant des bombes, des obus et un grand nombre de grenades.

        Cette sortie nous avait coûté 3 hommes tués, 9 blessés dont 2 officiers, et avait fait voir aux officiers nouvellement arrivés que Zaatcha, défendu par des gens déterminés, offrait des difficultés beaucoup plus grandes qu'ils ne l'avaient pensé d'abord.
        Ce même jour, 16 novembre, un convoi considérable de munitions et de vivres, parti de Batna pour Biskra, avait été vivement attaqué par les Ouled-Solthan et par des fractions d'autres tribus. L'escorte, composée de 400 hommes d'infanterie et de 2 escadrons de cavalerie, était commandée par le capitaine Bataille, de la légion étrangère, dont le sang-froid et le courage furent admirables; assailli de tous côtés, un peu avant d'arriver à El-Kantara, par environ 1,000 à 1,200 hommes, il sut les arrêter, et laissant toutes les voitures civiles sous la garde d'un fort détachement, il alla lui-même mettre ses mulets de transport en sûreté à El-Kantara; puis il revint chercher ces voitures lourdement chargées et se fit jour au milieu des Arabes, en profitant d'un moment opportun pour lancer ses deux escadrons sur les groupes ennemis, qui, n'ayant pas eu le temps d'éviter cette charge, perdirent une vingtaine des leurs.

        Dans cette mêlée, les Arabes ayant vu le sous-lieutenant Carrion, du 36 chasseurs, pris sous son cheval, se jetèrent sur lui pour lui couper la tête; il fut heureusement sauvé par des soldats de la légion étrangère et des spahis, qui l'arrachèrent de leurs mains, ainsi que le corps du maréchal des logis Guignonnet, tué près de cet officier. Au moment de cette lutte, un convoi de malades était arrivé à El-Kantara, venant de Biskra; le capitaine Souville, de la légion étrangère, qui le commandait, se hâta de se porter en avant pour appuyer son collègue. A la vue de ce renfort arrivant inopinément, l'ennemi se dispersa, et les deux convois continuèrent leur route sans être de nouveau inquiétés.

        L'attaque de ce convoi, qui ne dut son salut qu'à l'arrivée de celui venant de Biskra, et surtout aux bonnes dispositions prises par le capitaine Bataille, était d'autant plus fâcheuse, que le mouvement insurrectionnel qui s'était manifesté dans quelques parties du cercle de Batna, ayant pris de l'extension, on pouvait craindre que cette agression ne fût le prélude d'intentions bien arrêtées d'intercepter nos communications; car depuis l'assassinat du caïd Si-el-bey-ben-Krodja, les Ouled-Solthan, gens de montagne, qui avaient toujours été remuants, récalcitrants, s'étaient déclarés en guerre ouverte et avaient attiré dans leur rébellion les Beni-Férah, les Lakdar, les Ouled-Fedhala, les Ouled-Ali-ben-Sabors et les Saharis. Toutes ces tribus avaient envoyé des contingents à l'attaque du convoi. Il fallut donc empêcher, autant que possible, qu'une semblable attaque ne se renouvelât pas ; et comme la razzia faite sur les nomades rendait la cavalerie moins nécessaire, le général envoya 120 chevaux, chasseurs et spahis, à Biskra, plus les 500 hommes du 36ème bataillon d'Afrique, afin d'augmenter les forces destinées à maintenir la sécurité des routes.

        Cet envoi de troupes à Biskra et les pertes en hommes que nous avions faites dans les combats des jours précédents, diminuaient sensiblement l'effectif, dans un moment où le génie avait besoin, pour ses travaux, d'un plus grand nombre de travailleurs et d'hommes de garde à mesure que la ligne d'investissement s'étendait. Loin de permettre de satisfaire à ces exigences, la situation journalière des militaires disponibles suivait une progression inverse de l'agrandissement des travaux, et l'on ne pouvait plus compter sur de nouveaux renforts.

        En présence de ces obstacles, de ces difficultés croissantes, le général pensa que le projet d'investissement devait être modifié, et que profitant de l'effet produit sur les populations par la défaite des nomades, le moment était arrivé d'en finir avec Zaatcha.
        Le moyen qui parut d'abord le plus prompt pour terminer ce siège, fut de donner l'assaut par les deux brèches déjà faites. Mais celui du 20 octobre par ces mêmes brèches avait échoué, et quoiqu'elles fussent plus grandes et plus praticables, la résistance désespérée des défenseurs de ce bordj fit craindre que l'on ne rencontrât encore des difficultés imprévues, qui pourraient amener de grands désastres. Le général crut donc devoir prendre beaucoup de précautions pour assurer le succès, et comme les cheminements avancés sur les faces nord et sud de la place permettaient d'ouvrir en peu de jours de nouvelles brèches, qui faciliteraient incontestablement la prise de vive force de Zaatcha, il s'arrêta à cette idée, comme la plus sage, ayant d'ailleurs assez de vivres et de munitions pour attendre qu'elle fût réalisée.

        A partir du 17 novembre, les travaux du génie furent dirigés et poussés de manière à atteindre en quelques jours le but si ardemment désiré. Mais toutes les difficultés n'existaient pas seulement à l'extérieur de Zaatcha, il y avait encore celles qui provenaient de la construction des maisons et que, le 20 octobre, les hommes parvenus au haut des brèches n'avaient pu surmonter. Quelques officiers qui avaient parcouru les oasis, pouvaient s'en rendre compte ; quant aux autres, ils n'en avaient aucune idée. Désirant donc que tous les officiers supérieurs surtout, connussent quel était l'intérieur du massif qui offrait tant de résistance, le général les autorisa à profiter des corvées armées qu'il envoyait à Bouchagroun s'approvisionner de bois de chauffage, pour aller visiter les maisons, qui ne différaient en rien de celles de Zaatcha. Bouchagroun avait été entièrement abandonné depuis la razzia sur les nomades.

        Cette visite leur fit connaître les causes qui avaient empêché les troupes de pénétrer dans le village faute d'issue, et apprécier combien le bordj, même enlevé, pouvait encore présenter de moyens de défense. Chaque maison était un réduit, sans autre ouverture qu'une porte étroite et fort basse, qui donnait entrée dans un rez-de-chaussée, véritable cave où l'Arabe blotti, avait, sans être vu, la facilité de tirer de bas en haut sur l'assaillant. Le commandant du génie, après avoir examiné le tout avec la plus grande attention, fut convaincu des obstacles que nous avions encore à surmonter. Le colonel Canrobert, qui survint, dit: " Savez-vous, mon général, que ce diable de Zaatcha sera dur à emporter ? "

        CHAPITRE XI.
         Continuation des travaux du siège. - Construction de la batterie n°11. - Effets produits par l'explosion de deux fourneaux de mine. - Reconnaissance frite à l'attaque de droite. - Travaux de cheminement. - Comblement du fossé. - Explosion de nouveaux fourneaux de mine. - Leurs effets. - Ravages causés par le tir de l'artillerie. - Une députation des défenseurs de Zaatcha arrive au camp. - Leur départ. - Les Arabes font une sortie sur notre extrême droite. - Attaque de la batterie no 12. - Les Arabes se répandent sur le prolongement de nos lignes de droite. - Ils sont repoussés. - Préparatifs pour l'assaut. - Reconnaissance de l'état des brèches. - Dispositions pour l'attaque. - Formation de trois colonnes. - Dernières instructions données.

        Les travaux des deux attaques continuèrent à marcher simultanément. A celle de gauche, on construisit, dans le jardin n° 17, une deuxième batterie de brèche portant le n° 11, destinée à battre les maisons de l'extrémité sud du village. Le cheminement que l'on dut diriger vers la place pour arriver à l'établissement de cette nouvelle batterie, fut vivement inquiété par le feu des assiégés ; ce qui nécessita, pour couvrir la tête de sape, la construction d'un gros gabion en bois rempli de peaux de bœufs et de moutons. A la même attaque, il y avait encore une tour qui restait debout, et à laquelle aboutissait la galerie blindée, établie sur le passage du fossé. Deux fourneaux de mine ayant été placés sous cette tour, on y mit le feu, et les décombres qui résultèrent de l'éboulement formèrent un talus facile à franchir par la colonne d'assaut. Les Arabes, au bruit de l'explosion, jetèrent de grands cris et arrivèrent précipitamment sur la brèche, ayant à leur tête un cheik couvert d'un burnous rouge; ils furent reçus par le feu de nos tirailleurs ; le cheik tomba frappé par une balle, et tous disparurent.

        L'attaque de droite, quoique la moins avancée, était d'une très-grande importance, comme étant la plus rapprochée du pont et de l'entrée de Zaatcha, qui étaient situés sur la face ouest. Il fut donc jugé nécessaire de pousser le cheminement jusqu'à l'extrémité de la face nord, afin d'apercevoir celle de l'ouest. A cet effet, le capitaine Schemmagel, du génie, accompagné de trente zouaves, s'embusqua derrière les jardins, et, à minuit, il fit la reconnaissance du terrain à parcourir pour arriver au bord de la partie nord-ouest du fossé, où on ouvrait une troisième brèche. Le tracé ayant été déterminé, des troncs de palmiers, préparés d'avance, furent immédiatement passés à une brigade de sapeurs, qui les employa à la construction des parapets, auxquels on fut obligé de donner plus de deux mètres de hauteur, afin de se couvrir des feux des maisons et des jardins voisins, où l'ennemi se tenait caché. Au point du jour, on alla mesurer le fossé, dont la largeur, au fond, fut trouvée être de cinq mètres, et de neuf mètres à la partie supérieure : il avait deux mètres de profondeur, et la hauteur de l'eau n'était que de un mètre vingt centimètres. On transporta, pendant le jour, les pierres nécessaires pour combler cette partie du fossé; elles étaient prises auprès du camp et apportées par des prolonges jusqu'à l'entrée du cheminement ; puis, de là, passant de mains en mains, elles arrivaient en face de la brèche, d'où on les jetait dans l'eau par-dessus le gabion farci.

        On établit à la tête du cheminement une grande place d'armes pour y loger les troupes destinées à protéger les travaux; elle servit en même temps de dépôt aux matériaux apportés sur ce point, et elle fut utilisée, en outre, pour la construction d'une petite batterie de pièces de montagne, n° 10, dont le tir devait battre d'écharpe la quatrième face du village encore intacte. Ce fut de cette place d'armes que l'on déboucha pour arriver à la contrescarpe ; puis on pratiqua une petite rampe en galerie sous le gabion de tête, pour faciliter l'établissement du passage du fossé.

        Aussitôt que la descente du fossé fut terminée, les sapeurs du génie le franchirent quoique ayant encore quatre-vingt-dix centimètres de hauteur d'eau, et allèrent établir un fourneau de mine dans le talus d'escarpe, pour faire sauter le mur du chemin de ronde qui régnait sur cette face. Afin de faciliter cette opération, on dirigea une vive fusillade sur l'ennemi, et on lança des grenades dans le chemin de ronde pour l'en éloigner. Les sapeurs, après avoir fait le logement des sacs de poudre, y mirent le feu. Le résultat de l'explosion fut considérable : le mur du chemin de ronde fut enlevé sur presque toute la largeur de la brèche ; le talus d'escarpe, que les projectiles ne pouvaient atteindre, s'éboula et livra une rampe praticable pour arriver aux maisons démolies par l'artillerie.
        Après l'explosion de ce fourneau de mine, on continua le comblement du fossé, et on entreprit un nouveau débouché sur la droite de la batterie n° 10, pour en établir une nouvelle batterie n°12, destinée aussi à battre la quatrième face, mais moins obliquement que la précédente. On s'avança ainsi jusqu'au mur de clôture du jardin n° 19, près d'un petit chemin dans lequel on s'établit, et que les défenseurs de Zaatcha, qui avaient reçu dans la soirée du 21 novembre plusieurs renforts, cherchèrent inutilement à reprendre ; ils nous blessèrent sept hommes.

        Le 23 novembre, le génie acheva de combler le fossé en face de la brèche, et, pour faire disparaître des pans de murs qui, en obstruant le passage, auraient pu gêner la marche des colonnes d'assaut, les sapeurs y allèrent établir quatre fourneaux de mine, dont l'explosion fit sauter une partie des ressauts qui existaient, et acheva de renverser tous les débris de planches et de poutres enchevêtrées les unes dans les autres

        L'artillerie, tout en protégeant les travaux du génie et en employant successivement des pièces de différents calibres pour fouiller les décombres afin d'empêcher les Arabes de s'y cacher, avait terminé et armé de pièces de 12 la batterie n° 9, dont le terre-plein fut élevé de 1 mètre 80 centimètres au-dessus du sol. Son feu, qui commença le 19 novembre, produisit immédiatement le plus grand effet en ouvrant la troisième brèche. Les gens de Lichana, Tolga, Farfar, Bouchagroun et même de Zaatcha, qui se trouvaient dans le village, en furent tellement effrayés, qu'ils envoyèrent plusieurs des leurs au camp pour entamer des pourparlers et demander que le feu cessât. Cette députation se présenta au général, qui, se fiant peu à sa démarche, exigea que des otages, pris parmi les premières familles, lui fussent envoyés, et il désigna entre autres le fils de Bouzian. La députation se retira et ne reparut plus.

        Le tir des batteries nos 10, 11 et 12 avait tu de grands résultats, surtout celle n° 9, des pièces de douze. Une partie du village n'était plus que ruines. Une nouvelle brèche avait été ouverte, les autres élargies, et le génie, en employant les fourneaux de mine, avait fait disparaître les obstacles qui les encombraient et les avaient rendues praticables. Le passage du fossé était aussi entièrement terminé. Il n'y avait donc, pour ne pas rester au dépourvu, qu'à se procurer des sacs à terre, dans la prévision que l'on pouvait en avoir besoin pour le couronnement des brèches et les autres travaux ultérieurs. Le seul moyen de s'en approvisionner étant d'enlever ceux des tranchées en arrière, et de les remplacer par des rondins de palmiers, on se mit immédiatement à l'œuvre, et, le 24 novembre, ce travail était en cours d'exécution, lorsque, vers onze heures du matin, pendant que l'on relevait les gardes, les assiégés, saisissant la préoccupation du moment, firent sur les lignes de l'attaque de droite une sortie audacieuse, qu'ils avaient habilement préméditée.

        En effet, pour pénétrer dans nos lignes, ils avaient jugé que le moyen le plus sûr de réussir était de diriger une attaque sur notre extrême droite, et de s'emparer du chemin étroit qui longeait le mur du jardin n° 19, pensant qu'une fois parvenus dans cette ruelle, ils pourraient détruire les batteries nos 12 et 10, et nous prendre à revers, en se glissant inaperçus dans les jardins que nous n'avions pu occuper.
        On avait construit à ce débouché, qui n'était qu'à 60 mètres du pont, un petit retranchement en bois de palmiers, lequel avait pour but de défiler le parcours du chemin, ainsi que le posté que l'on y avait établi et qui venait d'être relevé ; quand tout à coup, sans aucun indice d'attaque, les Arabes, en arrivant en masse, se précipitèrent sur ce retranchement, le firent crouler, enlevèrent le factionnaire qui était placé derrière, lui coupèrent la tête et les poignets ; puis, cet obstacle franchi, ils ouvrirent un feu très-vif sur la garde, qui, surprise par ce choc imprévu, au moment oùelle s'établissait dans la place d'armes, se retira dans les tranchées. Les assaillants se répandirent alors dans les enclos ; un groupe nombreux, escaladant les murs du jardin n° 19, parvint jusqu'au pied du parapet de la batterie n° 12, plusieurs même d'entre eux y pénétrèrent et s'y firent tuer. Le lieutenant d'artillerie Guérin et le maréchal des logis Lombard, qui, dans ce moment difficile, firent preuve de grande bravoure, tombèrent grièvement blessés.

        Les canonniers, dans cette attaque subite, Ne pouvant faire usage de leurs pièces, firent tous leurs efforts pour se défendre contre l'escalade ; assaillis de tous côtés, ils auraient infailliblement succombé, si le feu des obusiers de montagne de la batterie n° 10, chargés à balles, ne les eût débarrassés de ces bandes fanatiques. Le général était à l'extrémité des attaques de gauche : il se porta immédiatement à celle de droite, où il ordonna de suite au piquet de réserve et à la compagnie de garde, qui s'était réfugiée dans la tranchée, de se porter en avant. Ce mouvement offensif ayant été vigoureusement exécuté, les Arabes furent refoulés et franchirent lestement les murs du jardin n° 19. De là, ils se répandirent sur tout le développement de notre ligne de droite, en profitant du fourré épais des jardins, pour en approcher de très-près.

        Le bataillon des tirailleurs indigènes et trois compagnies du 8e bataillon de chasseurs, que le général avait envoyé chercher au camp, étant arrivés sous les ordres du commandant Bourbaki, cet officier supérieur divisa sa troupe, tourna la position des Arabes, et, après les avoir repoussés, les avoir débusqués de tous les points qu'ils occupaient, il les poursuivit de jardin en jardin jusqu'à la hauteur de la porte de Zaatcha, où ils firent encore quelque résistance. Enfin, cédant à la force, ils se retirèrent, et le feu ayant cessé de part et d'autre, les chasseurs et les tirailleurs indigènes rentrèrent au camp.

        Dans le premier moment qui suivit l'attaque soudaine que les Arabes venaient de faire sur nos lignes, l'impatience saisit les officiers et la troupe, et persuadés que le découragement qui devait régner parmi les assiégés faciliterait la prise de la place, ils demandèrent à y pénétrer ; l'heure était trop avancée pour que le général pût céder à leur désir; la nuit nous aurait surpris et le désordre en serait résulté ; il calma par quelques paroles l'ardeur de tous ; toutefois, il donna des ordres pour que les préparatifs fussent faits, l'assaut ne devant pas être différé au-delà du 26 novembre.

        Cette affaire, où les Arabes firent preuve d'un grand élan et d'un acharnement extraordinaire, nous coûta 11 tués, dont 1 officier, et 42 blessés, y compris 2 officiers, en tout 53 hommes hors de combat. La perte des Arabes nous fut cachée ; ils laissèrent seulement quelques morts sur le terrain : elle dut être considérable ; car le grand calme qui régna pendant la nuit dans Zaatcha, d'où il ne partit pas un coup de fusil, attesta l'inhumation des morts et l'évacuation des blessés, qui, comme par le passé, après chaque combat, devaient être remplacés par de nouveaux venus.
        L'assaut ayant été fixé pour le 26 novembre, le général, avant de clore son ordre d'attaque, voulut s'assurer de l'état des brèches et prendre lui-même une connaissance exacte des différents points qui pourraient offrir des difficultés. Il était, à cet effet, dans le dernier jardin de l'extrémité de l'attaque de droite, accompagné de son chef d'état-major, le colonel de Brétizel, de son aide de camp et de son officier d'ordonnance. Il se faisait rendre compte par un Arabe du pays de l'emplacement des maisons de Bouzian et du cheik Bou-Azouz. Ces deux maisons avaient des murs très-épais et l'aspect de réduits fortifiés. Il allait se retirer, lorsque le colonel Canrobert arriva suivi de plusieurs officiers, et lui demanda quelques renseignements sur ces deux maisons restées intactes et dont on n'apercevait qu'une partie. Le général lui dit : " que ce serait là où se réfugieraient les plus exaltés, et, par conséquent, la position la plus difficile à emporter." Le colonel le pria, si toutefois il n'avait encore rien décidé, de lui donner le commandement des troupes désignées pour monter à l'assaut de ce côté.

        Après la reconnaissance des différents points d'attaque, le général rentra au camp, où il trouva les troupes pleines d'ardeur, et comme les préparatifs pour l'assaut avaient été faits et que les précautions étaient prises pour en assurer, autant que possible, le succès, il arrêta ses dispositions.

        L'assaut devant avoir lieu par trois brèches, trois colonnes d'attaque furent formées ; elles se composèrent chacune de 7 à 800 hommes et d'un détachement du génie fort de 30 à 40 sapeurs, divisé en deux sections : l'une des sections avait pour mission d'aplanir les obstacles qui s'opposeraient à la marche des troupes; et l'autre, aidée par les travailleurs d'infanterie, devait établir un logement au sommet de chaque brèche, si la résistance de la place était trop opiniâtre. Des officiers du génie furent attachés à chacune des colonnes, dont le commandement fut donné aux colonels de Barrai et Canrobert, et au lieutenant-colonel de Lourmel. Cet officier supérieur fut désigné, le colonel Dumontet étant de tranchée.

        Le commandant Bourbaki, ayant sous ses ordres le bataillon indigène, fut chargé de l'investissement provisoire de la place; il devait se masser à la Zaouïa et en partir au signal qui lui serait donné.

        Le colonel de Mirbeck, prenant le commandement du camp, avait l'ordre de n'y laisser entrer et de n'en laisser sortir aucun Arabe, d'envoyer de forts détachements de cavalerie pour surveiller les oasis, et, dans le cas où il serait forcé de marcher de sa personne, il devait remettre ses fonctions au colonel Jolivet, du 16ème de ligne.
        Deux dépôts furent établis dans la tranchée pour les blessés, dont le transport au camp fut assuré par les soins de sous-intendant Bazire.
        Les ordres ayant été communiqués à tous les corps, le général donna ses dernières instructions aux colonels qui devaient conduire les colonnes d'assaut, en leur prescrivant de les diriger sur les maisons de Bouzian et de Bou-Azouz, où elles feraient leur jonction. Chacun se retira ensuite dans sa tente avec grande confiance et l'espoir de voir le lendemain tomber Zaatcha, orgueil du Zab-Dahari et centre de tous les mouvements insurrectionnels.

        CHAPITRE XII.
        

        Mouvements exécutés pour l'assaut. - Des groupes d'Arabes quittent Zaatcha. - Investissement. - Signal donné pour l'assaut, - Colonel Canrobert. -Colonel de Barrai. - Le lieutenant-colonel de Lourmel. - Les Arabes se réfugient dans les maisons. - Siége de chacune d'elles.-Emploi des sacs de poudre. - Destruction des maisons. - Siège de la maison de Bouzian. - Défense opiniâtre des Arabes qui y sont enfermés. - Brèche faite à la maison. - Les zouaves s'y précipitent. - Les défenseurs passés au fil de l'épée. - Mort de Bouzian. - Attaque des gens de Lichana. - Destruction entière de Zaatcha. - Perte de l'ennemi.- La tête du fils de Bouzian est apportée au général. - Les grands des oasis voisines font leur soumission. - Nos pertes. - Départ de la colonne. - Arrivée à Biskra.

        Le 26 novembre, avant que le jour parût, les officiers du génie disposèrent les têtes de sape pour le passage des troupes, en remplaçant par des caisses à biscuit vides, faciles à renverser, les masques, et, à sept heures et demie du matin, les trois colonnes furent rendues dans les tranchées et les places d'armes où elles avaient ordre de se réunir.

        Au point du jour, l'artillerie avait ouvert un feu très vif sur les brèches, et le commandant Bourbaki s'était porté vers la face ouest du village, pour prendre position dans les jardins entre les extrémités de droite et de gauche des deux attaques. Ce mouvement, ainsi que celui opéré dans le camp, ayant été remarqué des assiégés, ils ne purent douter d'une attaque sérieuse; aussi, plusieurs groupes sortirent de Zaatcha, les uns pour s'en éloigner au plus vite, les autres pour aller chercher des renforts à Lichana et à Tolga, où ils ne purent parvenir, étant tombés au milieu des tirailleurs indigènes; ils furent tués.
        Le général s'était placé au cavalier de tranchée, près de la batterie Besse, au centre des attaques, où il attendait que l'investissement fût achevé pour donner le signal de l'assaut. A huit heures du matin, trois notes de clairon vivement répétées lui étant parvenues, il fit sonner la charge. Aussitôt les sapeurs du génie dégagent les passages du fossé, et les trois colonnes, précédées par leurs chefs, s'élancent avec le plus grand enthousiasme sur les brèches au bruit de tous les tambours et clairons de la colonne expéditionnaire.

        A droite, le colonel Canrobert gravit audacieusement les pentes de la brèche. Quatre officiers et quinze zouaves de bonne volonté l'accompagnent en tête de la colonne ; foudroyés par un feu violent, deux officiers et treize hommes sont tués ; ceux qui restent debout sont touchés ; les zouaves qui marchent sur leurs traces se portent en avant, et, gagnant les terrasses, culbutent et tuent les Arabes qui s'y trouvent. Bientôt après, le drapeau français flotte sur un des points les plus élevés de Zaatcha.
        Le colonel de Barral, au centre, après avoir rencontré quelques obstacles, pénètre dans les rues, d'où il refoule les Arabes qui se sauvent cherchant un abri.

        A la gauche, le lieutenant-colonel de Lourmel, ayant son Képi au bout de son épée, précède ses troupes, qui, animées par son exemple, franchissent à la course les premiers obstacles, et poursuivent de terrasse en terrasse les assiégés, qui, ne pouvant résister à une telle impétuosité, cherchent, par une fuite précipitée, à se soustraire aux coups de nos baïonnettes. De Lourmel, les suivant de près et s'élançant dans la rue, se trouve suspendu un instant à une poutre, à quatre mètres au-dessus du sol ; là, il est blessé par une balle tirée presque à bout portant; mais, s'étant dégagé, il parvient à descendre, continue sa course, et, peu après, il rallie les deux autres colonnes à la maison de Bouzian.

        A neuf heures, les rues, les places et les terrasses sont occupées par la troupe; et les défenseurs, poursuivis à la baïonnette, débusqués des décombres, se réfugient dans les maisons d'où ils font un feu meurtrier sur les assaillants. Pour les en déloger, il faut faire le siège de chacune d'elles. Les sapeurs du génie essaient de percer avec la pioche le mur épais et solide du rez-de-chaussée, afin de pouvoir y pénétrer; mais, à peine un trou est-il fait que des canons de fusil en sortent et tuent ceux qui sont en face. Les obusiers, que l'on ne peut transporter partout, n'ont point une action assez rapide; d'ailleurs, les canonniers sont mis immédiatement hors de combat.

        Il est donc difficile de chasser les Arabes de leur retraite, surtout du rez-de-chaussée, salle vaste et sombre, n'ayant d'entrée qu'une porte fort étroite et basse ; encore est-elle en partie murée. Cependant il faut en finir avec un ennemi aussi opiniâtre. C'est alors que l'on sent vivement l'utilité des sacs de poudre, que les sapeurs avaient déposés tout préparés à côté des brèches. En un instant, ils sont apportés et mis en œuvre. On n'entend alors que des détonations de mine ; on ne voit de tous côtés que des maisons qui sautent ou s'écroulent et ensevelissent les malheureux qui s'y étaient retirés.

        Enfin, il n'y a plus qu'une seule maison, celle de Bouzian, qui reste debout sur l'emplacement de Zaatcha. Cette demeure du chef de l'insurrection est solidement construite ; ce dernier est entouré de sa famille et des fanatiques les plus exaltés qui font un feu nourri sur tous ceux qu'ils, aperçoivent. Les zouaves, sous les ordres du commandant Lavarande, s'élancent pour pénétrer dans ce repaire si opiniâtrement défendu ; trente des leurs tombent sous les balles de cet ennemi invisible, ainsi que les servants d'un obusier de montagne que l'on met en batterie. Le général, témoin de cette résistance, ordonne de placer des sacs de poudre contre-buttés par des sacs à terre: deux fois les sapeurs du génie, bravant tout danger, exécutent cet ordre ; les deux premières explosions ne produisent aucun effet, et ce n'est qu'à la troisième qu'un pan de mur, en s'écroulant, fait une large brèche.

        Les zouaves, qui trépignent d'impatience, n'attendent pas que l'éboulement soit complet ; ils se précipitent avec élan au milieu du nuage de poussière causé par l'explosion ; reçus par un feu à bout portant, dix de ces braves paient de leur vie cette attaque vigoureuse ; ceux qui les suivent, plus ardents que jamais, passent par-dessus les corps de leurs camarades, franchissent le peu d'espace qui les sépare de l'ennemi, et se heurtent dans l'obscurité contre une masse compacte, résolue à vendre chèrement sa vie; quelques coups de fusil sont encore tirés; mais les zouaves, se servant de leurs baïonnettes, ne font aucun quartier, et tous les Arabes retirés dans ce sombre réduit tombent en un instant pour ne plus se relever, à l'exception cependant de Bouzian, qui profite de l'obscurité et de la connaissance des lieux pour chercher à s'esquiver. Un zouave, nommé Causse, court sur lui, le saisit par le burnous et l'entraîne malgré sa résistance. Pris les armes à la main, ce fanatique subit la conséquence de son rôle ; il est passé par les armes.

        Pendant cette lutte sanglante, le commandant Bourbaki avait eu un engagement avec les gens de Lichana qui, au bruit sourd des mines et de celui retentissant du canon, étaient sortis de leur village pour venir au secours de leurs frères de Zaatcha. Mais, arrêtés sur tous les points par les tirailleurs indigènes, ils s'étaient retirés après la perte de quelques-uns des leurs. Quant aux habitants de Farfar et de Tolga, intimidés par les nombreuses patrouilles de la cavalerie et des goums, ils n'avaient pas osé s'éloigner de la lisière de leurs oasis, où ils s'étaient rassemblés.

        A midi, Zaatcha n'était plus qu'un Monceau de ruines, et cependant, jusqu'à trois heures, des Arabes, cachés dans des trous, blessèrent Encore quelques hommes qui traversaient les décombres. Enfin, le plus profond silence finit par régner là, où pendant cinquante et un jours on n'avait entendu, jour et nuit, que le bruit de combats continuels. A cinq heures du soir, les troupes rentrent au camp, et le colonel Dumontet vient, avec le 43ème de ligne, s'établir sur les ruines encore fumantes de Zaatcha.

        Dans ce siège de maisons, un grand nombre de victimes furent ensevelies sous les décombres ; elles leur servirent de tombeaux. On trouva parmi les cadavres le corps de Sidi-Moussa, marabout vagabond, qui était connu par son exaltation et sa persévérance à prêcher la guerre sainte ; il était venu de l'ouest avec une soixantaine de fanatiques qui avaient été frappés à côté de leur maître. Ce ne furent pas les seuls étrangers qui succombèrent. Dans la perte de huit cents hommes que les Arabes firent dans cette journée, il n'y eut que trente habitants du village ; les autres appartenaient à des contingents de vingt tribus différentes, plus ou moins éloignées; des gens de Tunis, du Maroc, de la Mecque même furent trouvés parmi les morts. Tous ces hommes, pour la plupart vigoureusement constitués, avaient été des défenseurs déterminés. Un vieillard et cinq femmes furent seuls épargnés ; le général les renvoya dans leurs familles : ces cinq femmes furent les seules qu'on trouva dans Zaatcha.

        Le fils de Bouzian, jeune homme de vingt ans, qui avait été mêlé à toutes les intrigues de son père avait été envoyé à Alger, et ce n'est qu'à son retour que son père forma le projet de se poser en chérif mais qui était auprès de lui au moment de l'assaut, avait disparu. Le général donnait l'ordre de le chercher partout, lorsque Mohamed Skrir, caïd de Biskra, en lui jetant une tête aux pieds, lui dit : "Général, le louveteau ne deviendra pas loup. " Ce jeune Arabe, en fuyant, était tombé au milieu des goums du cheik El-Arab, qui l'avait fait décapiter. Cependant les habitants des oasis voisines ne pouvaient croire à l'anéantissement de ce bordj, réputé parmi eux imprenable. Ils étaient, en outre, persuadés que Bouzian et son fils s'étaient sauvés à Tolga. Cette conviction, de leur part, pouvant encore prolonger la lutte, le général crut que le moyen le plus infaillible pour la terminer, était d'exposer à la vue de tous les têtes de Bouzian, de son fils et de Sidi-Moussa. Ce qu'il avait prévu, arriva : car, aussitôt qu'elles furent exposées et que le bruit s'en répandit, tous les grands du Zab-Dahari et des oasis voisines s'empressèrent de se rendre au camp, et de fournir des otages, en faisant de grandes démonstrations de regrets de s'être laissés entraîner au point de méconnaître notre autorité.

        Cette journée, où les officiers et soldats firent preuve de la plus grande intrépidité, nous a coûté 43 tués, dont 3 officiers, et 195 blessés, y compris 4 officiers, presque toutes blessures fort graves, reçues à bout portant. La plus grande partie de cette perte fut supportée par les zouaves qui, à l'attaque seule de la maison de Bouzian, eurent 40 hommes hors de combat. Le Chef de bataillon Lavarande, qui les commandait, fut dans cette occasion, comme dans toutes, admirable d'entrain et de bravoure. Le chef de bataillon de Lorencey, des zouaves, fut blessé. Le commandant Le Bretevillois, du génie, s'est distingué dans ce siège de maisons, par son calme, et son sang-froid au milieu du danger et par la précision de ses ordres.

        Le général ne quitta le camp de Condiat-el-Meïda, comme il en avait pris la ferme résolution, qu'après la destruction entière de Zaatcha ; il en partit le 28 novembre, suivi d'un convoi de blessés et de malades, au nombre desquels il y avait encore beaucoup de cholériques; il emmenait avec lui les otages du Zab-Dahari, des Ouled-Djellal et de Sidi-Kraled.
        A son arrivée à Biskra, le 29 novembre, il y trouva les députations du Zab-Chergui, qui s'étaient empressées de venir demander l'aman, et qui s'en retournèrent très heureuses de ne payer que des amendes pour leur participation aux hostilités commises. Elles annoncèrent qu'aussitôt la chute de Zaatcha, l'ex-khalifat Hamed-bel-Hadji avait quitté les environs de Sidi-Okba pour retourner à l'Oued-Souf, et qu'une grande partie des gens de l'Aurès se disposaient à se présenter pour obtenir le pardon de leur conduite déloyale. Biskra était encore envahi par le choléra ; des tentes y avaient été dressées au milieu de l'oasis, pour mettre les blessés à l'abri des influences cholériques, et, dès le lendemain, le général fit évacuer sur Batna et sur Constantine tous ceux qui avaient été reconnus susceptibles de supporter les fatigues du voyage, et, le 1er décembre, il quitta cette oasis.

        Dans le trajet de Biskra à K'Sour, les grands de presque toutes les tribus du Bélezma et de l'Aurès vinrent à sa rencontre se soumettre aux conditions qu'il voudrait leur imposer. Il les renvoya en leur disant qu'une colonne irait s'établir dans leur pays et qu'ils seraient traités selon la conduite qu'ils tiendraient. En arrivant a K'Sour, il reçut encore de nouvelles députations, avec lesquelles il traita selon l'importance des tribus et leur participation à la révolte.
        De ce camp, selon les ordres de M. le gouverneur général, le colonel de Barral fut dirigé sur Bouçada, où il devait s'entendre avec le colonel Daumas, afin de terminer les affaires de cette partie de la subdivision de Sétif, dont il avait le commandement. Il partit avec les troupes qu'il avait amenées à Zaatcha.

        La conduite des Ouled-Solthan, qui avaient assassiné le caïd des Bou-Aoun, et celle de leurs voisins, ainsi que des tribus de l'Aurès, exigeaient que l'on y envoyât une colonne. Le colonel Canrobert, qui venait de remplacer le colonel Carbuccia dans le commandement de la subdivision de Batna, se rendit d'abord chez les Ouled-Solthan et de là chez les Ouled-Abdi, dans l'Aurès, pour réprimer surtout la révolte de Narah, village situé au milieu de montagnes abruptes.
        La colonne expéditionnaire des Ziban étant dissoute par le départ des troupes mises sous les ordres des colonels de Barrai et Canrobert, le général se rendit à Constantine, siège de son commandement, où, avant son rappel en France, il eut le bonheur de voir la province entièrement pacifiée et celui plus grand encore de pouvoir distribuer à ses frères d'armes les récompenses qu'il avait demandées pour eux, et qui étaient si bien méritées.

        Tel est le récit exact et purement militaire de la chute de Zaatcha et des événements survenus avant et pendant les opérations de ce siège. Pour s'en rendre compte, ainsi qu'on l'a déjà fait remarquer, il faut se reporter en 1849, époque à laquelle la province était dépourvue de troupes, au moment même où les Kabyles des montagnes du Zouagha et de Collo, qui n'avaient jamais été bien soumises, pillaient les Azels, menaçaient la route de Philippeville à Constantine et les colonies agricoles, dont l'établissement avait jeté la plus grande inquiétude dans l'esprit des indigènes.
        A la fin de 1848. deux régiments avaient été retirés de province de Constantine.

        Il faut savoir que les Chaouïas du sud de l'Aurès, ainsi que tous ceux qui habitent les autres montagnes limitrophes du Sahara, tels que les Ouled-Solthan, les Ihaïa-ben-Zékri, les Ali-ben-Sabors, etc., étaient récalcitrants, évitaient toutes relations avec nous et n'attendaient qu'une occasion favorable pour faire cause commune et marcher contre un pouvoir qu'ils détestaient. Enfin, cette province de Constantine, réputée si tranquille, n'était alors qu'un volcan prêt à faire éruption. Aussi, lorsque après avoir forcé les Kabyles du nord à une soumission plus solide que par le passé, le général se rendit dans le sud pour réprimer la révolte des oasis du Zab-Dahari, il se trouva entouré de nombreuses populations hostiles.

        Quant à la longueur du siège, elle s'explique par la grande difficulté d'exécuter des travaux de tranchée au milieu d'une forêt de palmiers, de jardins couverts de taillis épais et coupés de canaux d'irrigation, avec un personnel du génie insuffisant, dépourvu de matériel, et avec un effectif de troupes très-restreint, qui cependant était obligé de faire face à toutes les exigences du siège et aux attaques du dehors.

        Cependant, cette colonne expéditionnaire, malgré le choléra et des combats journaliers, se maintint au milieu de tous ses ennemis; et, grâce à sa bravoure, à son dévouement et à sa persistance à surmonter tous les obstacles, elle parvint à vaincre la plus énergique résistance et à faire tomber Zaatcha, qui, déjà sous les Turcs, était un refuge pour les rebelles et avait résisté aux forces des beys de Constantine.
        Quoi qu'il en soit du jugement qui a été porté sur cette expédition lointaine, il est certain que la destruction de ce bordj a produit un effet terrible sur l'esprit des habitants du Sahara, a consolidé l'autorité française dans tout le sud de la province de Constantine, et a favorisé, sans nul doute, les opérations qui ont eu lieu par la suite à Touggourt et à l'Oued-Souf.
FIN


UN SINGULIER PLURIEL
Envoyé Par Hugues Jolivet

image M. H. Jolivet

          Fruit du Dieu Créateur, l'Homme, être singulier,
          Façonné à l'image de Yahwé Tout Puissant,
          Reçoit en héritage un pouvoir agissant,
          Des dons exceptionnels, un art particulier.

          Son ouverture au monde, alors jeune écolier
          De classe maternelle, bambin attendrissant,
          S'exprime par des actes drôles, divertissants,
          Promesses pour le futur d'un art festivalier.

          Par la plume, le pinceau, le ciseau du sculpteur,
          L'artiste dévoile, alors, que la pluralité
          Est oeuvre de création, son divin héritage.

          Loin d'être un demi-dieu, l'homme est un créateur
          Lorsqu'il revêt l'habit de théâtralité,
          Sa vie est multiface, sur scène, il la partage.        

Hugues JOLIVET
15 Février 2018

 


ANNONCES DIVERSES
Par M. José Castano



Tariq Ramadan… ou Docteur Jekyll et M. Hyde
Par M.José CASTANO,

« Ce Hyde était un démon. Il n'y avait rien d'humain en lui, rien de vivant, sauf la terreur et la haine ! » (Le cas étrange du Dr Jekyll et de Mr Hyde – Robert Louis Stevenson)


       Mercredi 31 janvier 2018, l'islamologue suisse Tariq Ramadan, accusé de viol par deux femmes en France et d'abus sexuel sur des mineures en Suisse, a été placé en garde à vue par les enquêteurs de la police judiciaire parisienne dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte à Paris des chefs de « viol, agression sexuelle, violences et menaces de mort » à l’endroit de deux femmes qui l’accusent de les avoir violées en 2009 et en 2012. Parmi ces deux femmes, Henda Ayari, ancienne salafiste devenue militante féministe et laïque.

       Tariq Ramadan, dont le père fut une figure emblématique des « Frères musulmans » et le grand-père, fondateur de cette organisation islamique sunnite, est né en 1962 en Suisse. Considéré comme une « superstar de l'islam européen moderne », il donne, depuis 1992, des conférences en France sous l’égide de l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF) dont il est le prédicateur attitré. Son frère, Hani Ramadan, dirige le Centre islamique de Genève. Il s'est fait connaître après avoir publié dans Le Monde un article sur la charia où il dit de la lapidation qu'« elle constitue une punition, mais aussi une forme de purification ».

       Pour la bonne compréhension, rappelons que l’UOIF est classée comme organisation terroriste par plusieurs pays et qu’elle est associée aux Frères Musulmans dont les liens avec les Salafistes sont avérés.

       En France, elle sévit en toute quiétude et invite régulièrement dans ses mosquées ou lors de ses rassemblements des imams ou des prédicateurs haineux, alternant pour certains entre complotisme, antisémitisme et propos ambigus sur le djihad… ce qui fit dire à Al-Deeb, palestinien suisse, professeur des universités : « Il faut combattre l’idéologie mortifère de l’islam non pas en Syrie et en Irak, mais ici, en Occident, et exiger une refonte en profondeur de cette religion. La formation des imans doit se conformer aux Droits de l’Homme ».

       Le 7 février 2016 eut lieu à Lille la neuvième Rencontre annuelle des musulmans du Nord (RAMN) organisée par l'UOIF. A cette occasion, devant un public de 3000 personnes -dont de nombreuses femmes voilées et une poignée de barbus portant le qamis (tenue du prophète)- le théologien musulman, Tariq Ramadan, harangua ses fidèles en ces termes :

       « Ceux qui pensent que ce qui a trait à notre citoyenneté est uniquement lié à ce qui se passe à l'intérieur des frontières nationales se trompent. Il y a une relation très claire entre la question nationale et la question internationale»… avant d’asséner : « La France est une culture maintenant musulmane. L'islam est une religion française. La langue française est une langue de l'islam. Vous avez la capacité culturelle de faire que la culture française soit considérée comme une culture musulmane parmi les cultures musulmanes ».

       Il rejoignait en cela la vision planétaire du « Frère Musulman », Mohamed Louizi, qui avait déclaré au FigaroVox :

       « De l'individu, il faut former le foyer musulman, puis le peuple musulman, puis atteindre le gouvernement islamiste, puis établir le califat, puis reconquérir l'Occident puis atteindre le Tamkine planétaire.»… (Le Tamkine est le nom d'un projet de conquête du monde par l’organisation dite des Frères Musulmans).

       Tarik Ramadan –prisé par les intellectuels islamo gauchisants- est également membre de l’Union mondiale des savants musulmans (UMSM), une organisation mentionnée –comme l’UOIF- sur la liste des organisations terroristes.

       L’UMSM est dirigée par le sulfureux théologien des Frères Musulmans : Youssef Al Qaradawi, recherché par Interpol. C’est un « savant » antisémite, homophobe, auteur d’une fatwa encourageant à mener des attentats suicide.

       Fidèle à la stratégie frériste qui consiste à s'appuyer sur la jeunesse, Tariq Ramadan s'est, lors de cette neuvième rencontre annuelle des musulmans du Nord, adressé prioritairement à cette jeunesse. Surfant sur le sentiment victimaire des jeunes de banlieue, il a défini l'Islam comme la religion de « tous les opprimés », aussi bien ceux des « cités française » que ceux de « l'Afrique ou de la Palestine ». Pour conclure, il a exhorté les Musulmans à prendre leurs responsabilités. « Tout ce que j'ai dit est dangereux pour ceux qui aimeraient qu'on continue à se penser comme bénis-oui-oui minoritaires… la France a un grand besoin de renouveau de sa classe politique ».

       Une nouvelle fois, nous le constatons lors de cette réunion, l’argument sensible de la « misère arabe » exploité par ce genre de faux prophète est privilégié… L’Orient-Le Jour note que « Tariq Ramadan s'est mué en monstre médiatique capable de salves verbales mémorables à la télévision face à ses nombreux détracteurs, brandissant son joker fétiche, celui de victime, lorsqu'il se trouve à court d'argument. […] Quiconque s'attaque à sa personne est en pratique automatiquement taxé d'être islamophobe »… ce que confirme l’archevêque hongrois, Gyula Márfi, qui, dans sa conférence de presse sur le thème « Problème démographique du bassin méditerranéen aux 19e et 20e siècles », du 28 avril 2016, rejetait cette argumentation fallacieuse et par trop simpliste voulant faire de l’islam la religion de « tous les opprimés »…

José CASTANO
Courriel : joseph.castano0508@orange.fr

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Juifs Pieds-Noirs et Holocauste
Par ©AFP, AFP publié le lundi 05 février 2018
Envoyé par Mme Annie Bouhier

Shoah: les juifs d'Algérie éligibles à des indemnités allemandes

              L'Allemagne va verser pour la première fois des indemnités à des juifs originaires d'Algérie victimes de mesures antisémites de la France de Vichy, alliée du régime nazi durant la Seconde Guerre mondiale, a annoncé lundi une ONG.

               Les juifs qui vivaient en Algérie entre juillet 1940 et novembre 1942 seront éligibles à une indemnité unique de 2.556,46 euros, indique sur son site internet la Conference on Jewish Material Claims Against Germany (Claims Conference), une organisation composée de différentes associations juives dont le but est de réclamer des dédommagements pour les victimes du nazisme.

               Le nombre d'Algériens survivants juifs de l'Holocauste est chiffré à environ 25.000 à travers le monde, dit l'organisation.

               Le mois de juillet de 1940 se situe peu après l'invasion de la France par les Allemands. Novembre 1942 est marqué par le débarquement des Américains en Afrique du Nord, en particulier en Algérie, qui faisait à l'époque partie de la France et n'a acquis son indépendance qu'en 1962.

               "Cette reconnaissance n'avait que trop attendu pour un important groupe de juifs d'Algérie qui ont souffert de mesures antijuives prises par des alliés des nazis comme le régime de Vichy", ajoute le communiqué.

               "Le gouvernement de Vichy a restreint l'accès de ces gens à l'éducation, à la vie politique, à la société civile, à l'emploi, leur a retiré la nationalité française et les a exclus uniquement parce qu'ils étaient juifs", dit l'organisation.

               Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), ombrelle politique de la première communauté juive d'Europe, s'est dit auprès de l'AFP "très satisfait" à l'idée qu'"une injustice" prenne fin.

               "Ce qui est important, c'est la reconnaissance de la souffrance, qui passe aussi par une réparation matérielle. Jusqu'alors, cette reconnaissance n'allait pas jusqu'aux juifs d'Algérie, ce qui posait problème", a relevé Francis Kalifat, lui-même né à Oran (Algérie).

               Soixante-treize ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, "nous arrivons aux derniers dossiers de demande d'indemnisation. Il faut se hâter de les régler, car il reste bien peu de survivants", a-t-il fait valoir.

               La Claims Conference va ouvrir début février et jusqu'en avril 2018 un centre d'enregistrement et d'aide à Paris, où la plus grande partie des survivants algériens résident. D'autres centres seront ouverts à Marseille, Lyon et Toulouse. Les paiements devraient débuter en juillet 2018.

               Des mails vont être envoyés aux survivants algériens installés dans d'autres pays.

               La Claims Conference, créée en 1951, a son siège à New York et des antennes à Francfort, Vienne et Tel Aviv.

               Selon cet organisme, depuis le premier accord signé avec l'Allemagne de l'ouest en 1952, plus de 70 milliards de dollars (56 milliards d'euros) ont été payés à plus de 800.000 victimes de l'Holocauste.
                             

        


Lettre de maman
Envoyé Par M. Hugues

            Mon grand,

            Je t'écris quelques mots pour que tu saches que je t'écris.
            Donc, si tu reçois cette lettre, cela voudra dire qu'elle est bien arrivée.
            Sinon, préviens-moi, que je te l'envoie une seconde fois.
            Je t'écris lentement, car je sais que tu ne lis pas rapidement.
            Dernièrement, ton père a lu une enquête disant que la plupart des accidents se produisent à quelques kilomètres de la maison, c'est pour cela que nous avons décidé de déménager un peu plus loin
            Au sujet du manteau que tu désirais, ton oncle Pierre a dit que si je l'expédiais avec les boutons, qui sont lourds, cela coûterait très cher, alors je les ai arrachés et te les ai mis dans une des poches.
            Une bonne nouvelle, ton père a trouvé du travail, il a sous lui environ 500 personnes : il fauche les herbes du cimetière.
            Ta sœur Julie, qui vient de se marier, attend un heureux événement.
            Nous ignorons le sexe, c'est pourquoi je ne peux te dire si tu seras oncle ou tante.
            Si c'est une fille, elle a l'intention de l'appeler comme moi. Cela me fait tout drôle de savoir qu'elle va appeler sa fille 'Maman'.
            Ton frère Jean a eu un gros problème, il a fermé sa voiture avec les clés à l'intérieur. Il a du retourner à la maison, 10 kilomètres aller retour à pied pour récupérer le second jeu de clés et enfin nous sortir du véhicule.
            Si tu as l'occasion de rencontrer ta cousine Monique donne-lui le bonjour de ma part. Si tu ne la vois pas, ne lui dis rien c'est plus simple.
            Ta Maman,


            PS : je voulais te mettre un peu d'argent dans l'enveloppe, mais je l'ai déjà collée.



Éveiller les consciences,
une obligation autant qu’une nécessité

Envoyé par M. Rémy Lafranque

Posté le vendredi 12 janvier 2018


            Dans sa tribune « Oser écrire pour renouveler la pensée sur l’action militaire » publiée le 18 janvier 2018 dans le quotidien Le Figaro, le chef d’état-major des armées, le général François Lecointre, invite civils et militaires à prendre la plume et à débattre, car il considère qu’un éveil des consciences est rendu nécessaire par le nouvel environnement géostratégique.

            On ne peut que souscrire pleinement à son souhait, et même à mener la réflexion au-delà de la seule action militaire qui s’inscrit dans un schéma plus global, dans la mesure où la vocation des armées est d’assurer la continuité historique de la patrie liée à la protection et à la sécurité de son peuple. L’écriture est, en effet, pour qui est engagé activement dans la vie de la Cité, une obligation autant qu’une nécessité. On peut même affirmer que, lorsqu’on porte ou a porté l’uniforme, lorsqu’on exerce des responsabilités, lorsqu’on possède une expérience des relations internationales et de la géopolitique, l’écriture est un moyen d’expression essentiel. Elle porte, en effet, en elle une faculté et un potentiel d’influence d’autant plus fort qu’elle émane de personnes reconnues pour leur compétence, leur sens du devoir et des responsabilités et leur désintéressement.

            L’écriture n’est, cependant, qu’un des deux piliers de l’expression, le second étant la parole qui doit suivre. Et la parole et l’écriture sont devenues, aujourd’hui, une obligation autant qu’une nécessité en raison des menaces qui pèsent sur la nation et son unité à cause du manque de clairvoyance des élites politiques. Mais l’exercice, par des militaires, de cette expression par l’écriture et la parole peut déranger – et dérange, en fait – le politique. Ils sont, cependant, les sentinelles qui doivent sonner l’alarme lorsque cela est nécessaire. C’est leur devoir. Et cette pensée d’Alfred de Vigny formulée dans Servitude et grandeur militaires résonne aujourd’hui comme une évidence : « Leur couronne est une couronne d’épines, et parmi ses pointes je ne pense pas qu’il en soit de plus douloureuse que celle de l’obéissance passive. »

            La démission récente du général Pierre de Villiers a, précisément, signifié le refus de cette obéissance passive qui serait finalement le renoncement aux principes du devoir, de l’honneur et de la loyauté qui caractérisent l’institution militaire. Mais au-delà, n’a-t-elle pas traduit le fossé qui s’est installé entre le politique et le militaire sur la véritable fonction des armées, qui consiste avant tout à protéger la nation et son territoire et à défendre les intérêts de la France ? La loyauté du général Pierre de Villiers n’a-t-elle pas dû céder face à son devoir, et l’obéissance capituler face à l’honneur ?

            Il faut bien reconnaître que, depuis trop longtemps, non seulement l’État a négligé la première de ses missions régaliennes, mais il malmène, voire trahit depuis de nombreuses années l’âme de la France et de la nation aujourd’hui sérieusement menacée. Le démantèlement de nos forces armées depuis la fin de la guerre froide a réduit de façon irresponsable et coupable les capacités et l’autonomie de notre outil de défense. De 3 % du PIB, l’effort consacré à la défense de la nation est passé à 1,5 % ! Et avec les deux derniers quinquennats, entre 2007 et 2017, nos armées ont vu disparaître plus de 70.000 hommes, qui s’ajoutaient aux réductions successives effectuées depuis la fin de la guerre froide, puis à la suite de la professionnalisation de nos forces ! Elles ont ainsi perdu, dans le silence et la dénégation, leur statut d’institution régalienne majeure. Et on exigerait du soldat, « ravalé à la fonction d’homme de peine de la République », qu’il verse son sang ? Et qu’il le fasse dans le silence et l’indifférence en se soumettant aux règles strictes d’un devoir d’État pourtant – il faut le dire haut et fort – largement ignoré par les responsables politiques censés le faire mettre en œuvre et le faire respecter ? Ce désastre consommé ne peut plus être étouffé par un devoir de réserve dévoyé de la grande muette qui la cantonnerait à une simple société de services opérant avec une conception passive de l’obéissance.

            Par sa démission, le général de Villiers a su briser le silence car non seulement la vie de nos soldats engagés sur les théâtres extérieurs est menacée, mais la vie des citoyens est elle-même en danger sur leur propre sol. Et ce qui a pu être considéré pendant des années comme du laxisme ou un manque de clairvoyance de la classe politique est devenu, aujourd’hui, un refus suicidaire de sa part d’admettre la réalité. En effet, ne nous y trompons pas : la crise ouverte par cette démission et qui révèle un profond désaccord sur le niveau de l’effort que l’État devrait consentir pour la défense et la sécurité des Français ne constitue qu’une partie d’un même péril beaucoup plus vaste qui pèse sur le pays. Et ce péril, dont la classe politique manifestement inculte en matière de géopolitique n’a pas pu ne pas prendre conscience, est constitué par cette immigration de culture islamique que le pays reçoit depuis quarante ans, sans que le peuple ait son mot à dire.

            Il s’agit d’une immigration de peuplement subie, injustifiée – qui coûte des dizaines de milliards chaque année – et qui, pour une grande partie, non seulement est hostile à notre culture mais le fait savoir. Elle le démontre chaque jour un peu plus. Et cette immigration, modelée par un islam conquérant incompatible avec la démocratie, est complétée aujourd’hui par une invasion migratoire tout autant marquée par cet islam violent et prédateur. L’Union européenne et les responsables politiques européens, à l’exception de ceux du groupe de Visegrád, ont d’ailleurs été incapables d’y reconnaître une attaque sans précédent des nations européennes visant, à court terme, à les déstabiliser et, à moyen et long terme, à les déstructurer de l’intérieur par la submersion démographique. Car la première étape consiste à envahir avec des hommes seuls. La seconde conduira à réclamer le regroupement familial. Au lieu de protéger les frontières extérieures de l’Europe, les dirigeants européens ont fermé les yeux sur l’action des ONG « humanitaires » complices des passeurs et qui embarquent et rapatrient illégalement les migrants en Italie – qui n’est, d’ailleurs, pas la destination finale de tous ces clandestins. Des centaines d’entre eux franchissent, chaque jour, nos frontières du sud, du nord et de l’est. Et l’État, au lieu de les expulser, les répartit sur l’ensemble du territoire.

            En agissant ainsi, les responsables politiques, non seulement sont de facto hors la loi (l’article V de la Constitution stipule que le président de la République est le garant de l’intégrité du territoire national), mais ils mettent en danger l’avenir de la nation et de ses citoyens. Car une nation est une communauté humaine ayant conscience d’être unie par une identité historique, spirituelle, culturelle et linguistique conduisant à vouloir « faire ensemble » des choses, ce qui permet de « vivre ensemble » naturellement sans même se poser la question. Aujourd’hui, le « vivre ensemble » est devenu impossible du fait même du refus affiché par les adeptes de l’islam. M. Hollande ne l’a-t-il pas confirmé, en 2016, en confiant, toute honte bue, à deux journalistes son inquiétude sur la partition en cours du territoire ? Cette simple « confession » aurait dû le conduire devant la Haute Cour de justice de la République pour ne s’être jamais opposé à cette dérive pendant les cinq années de son mandat.

            Alors, si en démocratie il ne viendrait à l’esprit de personne de remettre en cause la primauté du politique sur le militaire et si l’obéissance du second au premier reste un devoir, la gravité de la situation, qui ne cesse de se dégrader depuis de nombreuses années, nécessite aujourd’hui de marquer les esprits d’une classe politique, au mieux imprévoyante et imprudente, au pire déloyale et infidèle à l’égard de sa nation. Il devient, en effet, urgent et légitime, lorsque ceux à qui la nation a confié sa destinée refusent de voir la tempête qui approche, de briser le silence, l’alerte ayant été ignorée. Il s’agit, en effet, d’un devoir de salut public ou de salut national apporté à notre pays et à notre peuple dorénavant en danger. Car les forces armées, issues de la nation, exercent un sacerdoce au service avant tout du peuple. Et si certains continuent de prôner le droit à la différence, il convient d’affirmer que ce droit doit dorénavant s’appliquer aux peuples européens et qu’il nous faut défendre le droit de notre peuple à la différence. La France, comme l’Europe, ce n’est pas le Maghreb, ce n’est pas l’Afrique ! C’est ce qui a précisément fait la richesse de l’humanité jusqu’ici.

            Or, la France est aujourd’hui défigurée et martyrisée. Depuis juin 2014, une vingtaine d’attentats ont frappé le pays, provoquant des centaines de morts et de blessés. Chacun connaît la situation inacceptable, notamment dans les centaines de Molenbeek, territoires perdus de la République, où règne la loi de l’islam. L’état d’urgence levé récemment n’aura servi à rien puisque les mesures radicales et nécessaires qui auraient dû être appliquées ne l’ont pas été. En l’absence de mesures fortes, les émeutes urbaines connues récemment changeront bientôt de nature pour se transformer en véritable guérilla, voire guerre urbaine. Et nos armées devront être engagées dans ces opérations de guerre sur notre propre sol car les forces de police et de gendarmerie seront submergées et incapables de rétablir l’ordre.

            N’en doutons pas, notre société évolue progressivement à l’image de nos prisons islamisées, autres territoires perdus de la République, où l’État devient incapable de s’opposer à la violence dont le signal a été donné par les fous d’Allah. Alors, devant l’évidence de la menace que représente cette culture de la haine incompatible avec nos valeurs et des drames qui se préparent, ceux à qui la France a confié son épée doivent, à présent, sonner l’alarme. Devant l’évidence du chaos vers lequel s’achemine notre pays, en raison de la persistance des élites politiques à refuser la réalité de cette menace pourtant affichée par cette idéologie mortelle, un principe de précaution doit rapidement être appliqué : stopper l’islamisation criminelle de la France contraire à la défense de la continuité historique de notre patrie et en inverser le cours sur le long terme. Lorsque la situation l’exige, ce devoir d’expression indispensable au débat doit primer. C’est tout l’objet de l’ouvrage publié récemment par les Éditions Apopsix, Quand la grande muette prendra la parole, préfacé par Ivan Rioufol, et qui participe finalement à ce débat préconisé par le chef d’état-major des armées, même s’il s’inscrit dans une réflexion plus globale qui dépasse la seule pensée sur l’action militaire. Mais il participe au réveil nécessaire des consciences.

Général Antoine Martinez



Aux Urgences...
Envoyé par Mme Eliane.


         Un homme est transporté aux urgences à l'hôpital avec les deux oreilles sérieusement brûlées.

         - Comment est-ce arrivé ? Lui demande le médecin de service.
         - Figurez-vous que j'étais en train de repasser une chemise, et voilà que le téléphone a sonné.
         - D'accord pour l'oreille droite, je comprends, mais l'autre ?
         - L'autre, c'est quand j'ai voulu appeler l'ambulance.



Une vision particulière,
à chacun la sienne ...
Envoyé Par M. Remy Lafranque

Un Corse nous fait partager sa vision ... inquiétant. Alors que sur le continent
nous vivons déjà à genoux !

            Les relations entre l’Islam et la Corse sont très anciennes et remontent à plus de mille ans. Ces relations n’ont jamais été fraternelles et pacifiques mais durant des siècles, belliqueuses et emplies de haine. Il faut rappeler que plus de 30 000 Corses, hommes, femmes et enfants ont été « razziés » durant plus de trois siècles sur les côtes corses par les barbaresques musulmans à la solde de l’Empire Ottoman basé en Algérie et au Maroc.

             En proportion c’est comme si 4 millions de Français avaient été capturés et mis en esclavage durant cette période.
            Les nombreuses tours Pisanes et Génoises construites sur le littoral corse témoignent de la persistance et de l’importance du danger au cours des siècles. Ces sentinelles de pierre assuraient la surveillance permanente du littoral avertissant les populations de l’arrivée des sarrasins pour qu’ils puissent fuir dans les montagnes.
            C’est l’intercession de l’Impératrice du Maroc, Davia Franceschini, devenue l’épouse du Sultan qui a fait arrêter ces incursions vers la Corse avec l’aide de son compatriote Napoléon
            L’Islam a commencé à s’installer durablement en Corse durant plus d’une décennie il n’y avait que des hommes.
            A partir de 1976 ces travailleurs, pratiquement tous originaires des mêmes provinces marocaines, ont pu faire venir leurs familles. Le développement économique de la Corse a pu aussi offrir de nombreux postes subalternes aux ressortissants marocains venus s’installer dans toutes les zones agricoles de Corse mais aussi dans les cités urbaines en plein essor démographique.

             Des communes comme Ghisonaccia ou Porto Vecchio sont peuplées en 2016 par plus de 35% d’habitants d’origine maghrébine. Les pratiques religieuses se sont cantonnées à l’origine dans de toutes petites salles mais l’accroissement rapide de la population musulmane a suscité l’arrivée d’Imams pratiquement tous originaires du Maroc.
            La Corse n’a pas de mosquées mais certaines salles de prières dépassent maintenant les deux cent pratiquants le vendredi. A partir de la fin des années 80, le hijab qui n’était porté surtout que par des vieilles femmes musulmanes plus par tradition que par conviction a commencé à se propager chez les jeunes filles et les jeunes femmes. Puis dans les années 2000 sont apparues les premières tenues intégrales et les premières revendications pour les repas de substitution dans certaines écoles. Le phénomène était bien moins visible que sur le continent mais les interdits alimentaires de l’Islam commençaient à « irriter » la population corse pour laquelle la consommation du porc et du vin a été la base historique de son alimentation.
            Refuser de consommer du porc en Corse et de boire du vin dans une région qui en a fait par sa qualité un des points forts de son économie est considéré comme un refus de la tradition et du mode vie insulaire. Comment intégrer des populations qui refusent par dogme religieux de consommer des aliments qui ont permis durant des siècles aux corses de pouvoir survivre dans les montagnes ?
            A partir du milieu des années 2000 a commencé à émerger un véritable rejet de ce genre de comportement qui a engendré de nombreux actes délibérément racistes envers des musulmans.
            Aujourd’hui la population d’origine maghrébine est estimée à 50 000 personnes sur une population insulaire de 320 000 habitants, ce qui en fait la deuxième région de France en proportion après l’Île de France. Contrairement à ce que les médias nationaux laissent transparaître il y a proportionnellement très peu d’actes réellement racistes en Corse, mais depuis deux ans les manifestations de l’Islam radical commencent à s’affirmer dans la société insulaire. Des jeunes corses (4 ou 5) se sont convertis et fortement radicalisés. Certains sont partis en Syrie ou ont tenté de le faire depuis 2014 mais il y a eu surtout une tentative de mainmise des salafistes sur la jeunesse d’origine musulmane dans les quartiers à forte densité maghrébine (Pifano, L’Empereur, Les Cannes, Lupino).
            On conseille « fortement » aux jeunes filles de ne plus se rendre en ville prendre un verre ou bien on leur demande porter le voile.
            Il y a 9 personnes fichées S en Corse dont l’Imam aumônier de la prison de Borgo !
            Celui-ci n’est pas nommé directement dans le communiqué du FLNC mais il est bien désigné en tant qu’indicateur de police.
            En fait le nombre d’individus pouvant être considérés comme potentiellement dangereux avoisine 50 et il en suffit d’un seul qui passe à l’acte pour déclencher quelque chose de bien plus grave que l’attentat qu’il pourrait commettre.
            L’enchaînement des incidents qui frappent la Corse depuis décembre 2015 ne sont peut-être pas le fruit du hasard. Les incidents de l’Empereur, de Sisco, de Carbuccia et de Porto Vecchio dénotent des comportements nouveaux de certains maghrébins et décembre 2015 c’est aussi l’arrivée des nationalistes à la tête de l’exécutif corse !
            L’apparition dans cette série d’incidents de l’émirat du Qatar à la suite des révélations d’un ex sous-directeur de la DGSE pose question. On sait que depuis l’incident de l’année dernière durant le match PSG-Bastia où l’on a pu voir une grande banderole sur laquelle était inscrit « Le Qatar finance le PSG et le terrorisme » les proches de l’émir ne doivent pas porter la population « mécréante » de l’île dans leur cœur.
            Il est certain qu’une action djihadiste sur l’île déclencherait immédiatement une réaction ultra violente des corses.
            Les corses possèdent des armes en grand nombre et l’impact émotionnel des événements de Paris, de Nice et de Saint Étienne du Rouvray suscite la plus grande méfiance de la part des insulaires. Beaucoup s’attendent à une réaction suite aux incidents ultra médiatisés de l’Empereur et de Sisco et beaucoup s’y préparent.
            La Corse a été le premier département à se libérer du joug fasciste en septembre 1943. Les résistants corses ont libéré l’île en un mois de sanglants combats. Une fois qu’elle était pratiquement intégralement libre, un détachement de goumiers marocains a combattu courageusement les restes de l’armée de Rommel qui battait en retraite à Bastia. Si des marocains ont effectivement participé à la libération de la Corse c’est d’abord le sacrifice des résistants corses qui a chassé d’abord les troupes italiennes (80 000 hommes) puis allemandes (20 000 hommes) de l’île.
            Le port du hijab, de la burqa ou du burkini est perçu ici comme un drapeau de l’Islam intégriste, une allégeance à la vision wahhabite de DAECH, du Qatar ou de l’Arabie Saoudite. Alors, la revendication du droit à la liberté de se vêtir est perçue d’abord comme une belle hypocrisie. Si un touriste avait l’idée de porter un T-Shirt orné d’une grande croix gammée pourrait-on n’y voir qu’un simple bout de tissu ?
            Une inscription du genre « Je suis Menguélé» passerait-elle bien sur une plage de Tel Aviv ?
            Avec ce mélange d’inquiétude légitime, d’impression de provocation, d’orgueilleuse arrogance de la part des salafistes et surtout de la vision d’impuissance désespérante du pouvoir régalien, la tension atteint un paroxysme en Corse. Nous sommes au bord d’une conflagration dont l’onde de choc se propagera bien au-delà du territoire insulaire.
            Les élus tentent de la contenir mais ils savent bien que le détonateur est au point et que la moindre étincelle mettra le feu au baril de poudre sur lequel nous sommes tous assis. Ils ne peuvent se résoudre à dénoncer une réalité qui finira par les obliger à prendre parti et ils ne peuvent que soutenir les propos des Cassandre tels que ceux tenus par Eric Zemmour.
            Zemmour, ce juif berbère qui possède ce don inné des juifs : sentir les dangers qui nous menacent avant tout le monde. Le sage montre la Lune, le singe regarde le doigt et comme le chantait Guy Béart « le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté ».

             Il est facile d’imaginer la réaction des corses à un attentat de style Daechien sur le territoire de l’île.
            Ce sera une répétition de la Saint Barthélémy à coup sûr et une disparition ultra rapide de la visibilité de l’Islam dans l’espace public. La conséquence en sera d’abord l’état de siège et la disparition de facto du pouvoir nationaliste mais l’onde de choc sera considérable sur le continent.
            Beaucoup de musulmans quitteront la Corse mais 90% préfèreront rester en abandonnant la visibilité de leur religion. En bref : la guerre civile et à terme rapide l’intervention de l’armée sur tout le territoire français.
            Le manque de courage des élites politiques et leur état de compromission électoraliste dans de nombreux endroits du territoire français se paiera au prix du sang.
            Ce qui est lamentable c’est que les avertissements multiples des intellectuels français de gauche n’auront jamais été entendus au nom d’une pseudo laïcité bien lâche et d’une république incapable de sortir de ses atermoiements droit-de-l’hommistes.
            La collaboration factuelle des mouvements d’extrême gauche et des verts avec une idéologie profondément totalitariste sera à mettre au débit de la disparition de la gauche. La plupart des « musulmans » seront ravis qu’on les débarrasse de ces barbus bien gênants et l’Islam disparaîtra en France de l’espace public.

             Le problème résidera dans le nombre d’innocents qui paieront pour les autres.
            J’espère que nous n’en arriverons pas là mais l’accélération de l’histoire ces temps-ci fait craindre le pire.
            Nous ne regardons plus l’abîme, nous sommes dedans.
Didier Martin à Bastia,             





LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.

             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens d'ajouter Petit, Clauzel, Guelât Bou Sba, Héliopolis, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.

             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Duvivier, Duzerville, Herbillon, Kellermann, Milesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Penthièvre, Randon, Kellermann et Millesimo, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :

CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net
             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 


NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers

Immigration clandestine à Annaba

Envoyé par Roland

Par Est Républicain 03/02/ 2018   l Par M. B. Salah-Eddine

272 nigériens rapatriés

             Au total, 272 ressortissants nigériens, dont 30 femmes et 86 mineurs, en situation irrégulière, ont été reconduits avant-hier d’Annaba vers le centre de transit de la wilaya Tamanrasset dans le cadre d’une opération, coordonnée entre les autorités algériennes et nigériennes, apprend-on du président de la section locale du Croissant rouge algérien (CRA), Abdelhamid Bouzid.
             Dix autocars et quatre camions dont un transportant des produits alimentaires et sanitaires ont été mobilisés pour l’opération, selon le même responsable qui a souligné que la caravane de rapatriement a démarré du centre d’accueil temporaire aménagé dans d’anciens locaux de la société de transformation de bois de la localité de Jouanou, commune d’Annaba.
             Les ressortissants concernés par le rapatriement ont été soumis à un examen médical de routine et se sont vus recevoir des vêtements, des couvertures et des jouets pour enfants au cours d’un concert organisé à leur intention au centre d’accueil de Jouanou. Un comité de wilaya composé de représentants des services de la santé, du transport, de l’action sociale, du CRA, de la protection civile et de la sûreté nationale a supervisé l’opération qui s’est déroulée dans ‘’de bonnes conditions’’, a-t-on noté.

           Ce rapatriement a été mené en vertu d’un accord entre l’Algérie et le Niger de lutte contre la migration clandestine. En effet, comme nous l’avions annoncé dans l’édition de mercredi 9 janvier dernier, une vaste opération de « rassemblement » des Subsahariens en situation irrégulière, a été lancée tôt dans la matinée de jeudi passé par les différents corps constitués (gendarmerie, police, protection civile) et les directions des transports, de l’action sociale (DAS) et de la santé (DSP).
             Cette action, qui a ciblé les sites où se regroupaient des familles principalement subsahariennes, à savoir l’ex-pont « Y » et les ruines romaines d’Annaba jouxtant la cathédrale Saint Augustin (Lalla Bouna), a été suivie par celle d’identification, ainsi que des visites médicales assurées par des médecins de la protection civile, apprend-on de source sécuritaire.
             Une fois les formalités d’usage accomplies, vis-à-vis de quelques 272 émigrants clandestins, pour lesquels 7 bus ont été mobilisés, l’opération de rapatriement, vers leurs pays respectifs, a débuté dans la soirée de jeudi à hier, plus précisément vers 22 heures, dans des conditions les meilleures sous une haute escorte. L’expédition comprenait également un camion gros tonnage plein de denrées alimentaires.
             Même les enfants des migrants subsahariens ont eu droit à un long spectacle animé par un clown sur l’un des sites à savoir celui de l’ex SNLB où ils étaient regroupés. Cependant, pour beaucoup d’officiers, le chiffre de 400 est loin de refléter le chiffre exact des subsahariens en situation irrégulière à Annaba. Le chiffre réel dépasse le millier, d’après notre source.
             Nous apprenons à ce sujet que la majorité des migrants a pu quitter les lieux et se sont disperses dans les wilayas limitrophes peu de temps avant l’opération de rassemblement, car ils étaient informés de l’action de rapatriement décidée par les autorités algériennes en commun accord avec le celles du Niger. Il y a lieu de rappeler qu’en fin d’année de 2017, l’arrivée des subsahariens à Annaba, a pris une dimension inédite. En effet, des dizaines de familles d’immigrants clandestins, se sont installées dans les sites cités plus haut dans des tentes et autres abris de fortune faits d’objets hétéroclites.
             L’absence de réactions des pouvoirs publics face à cette situation et de toute condition d’hygiène, a fait de ces sites des « no man’s land ».. Échappant ainsi à tous contrôles, aussi bien médical, que sanitaire voire même sécuritaire, ces immigrants clandestins, principalement des Subsahariens, représentent, estiment des sociologues, une menace certaine en matière, aussi bien de santé publique que de sécurité. On signale aujourd’hui au sein des ces populations la prolifération de maux sociaux tels, la prostitution, le trafic de monnaie et de psychotropes et de batailles rangées avec les riverains.
B. Salah-Eddine           


La Banque d’Algérie met un terme à la rumeur

Envoyé par Sauveur
http://www.lestrepublicain.com/index.php/component/k2/item/9006271-pas-de-changement-de-monnaie


Est Républicain   l Par M.M. - 21/02/ 2018

Pas de changement de monnaie

         La parité dinar-euro a baissé de 16% en moyenne annuelle durant 2017. C’est ce qu’a affirmé hier, sur les ondes de la radio nationale, Djamel Benbelkacem, le vice-gouverneur de la Banque d’Algérie.
         Selon lui, il s’agit d’une évolution qui n’est pas directement imputable au ministère des Finances, mais qui constitue le résultat d’une appréciation de la monnaie européenne sur les marchés de change internationaux Le même responsable a fait savoir que cette situation ne concerne pas uniquement l’Algérie, mais d’autres pays comme la Chine, l’Indonésie, la Turquie ou encore le Brésil dont la monnaie a été dépréciée à hauteur de 15%.
         « Si l’Algérie n’avait pas suivi, elle aurait accordé une prime aux importations en provenance de ces pays, a-t-il souligné, avant de refuser que l’on fasse de la question de flexibilité du dinar, le seul instrument de rétablissement des équilibres commerciaux extérieurs. Bien qu’il admette que cet instrument « a joué le rôle de premier amortisseur entre 2014 et 2016 », le vice-gouverneur de la Banque d’Algérie a estimé que « le montant des importations de l’Algérie soulève un problème structurel de notre économie et ne peut pas être traité exclusivement par l’ajustement de la valeur du dinar ».
         Abordant le financement non conventionnel, il a tenu à préciser que « la valeur du dinar ne sera pas impactée en raison des limites dans le temps de cette démarche ainsi que l’encadrement quantitatif imposé à sa mise en œuvre ». Commentant les bruits qui ont fait fureur à propos d’un éventuel changement de la monnaie, il a assuré qu’il s’agit de rumeurs fantaisistes qui « n’ont aucun sens dans la situation actuelle de notre économie ». Il a estimé, par contre, qu’il s’agit plutôt d’une confusion entre le changement d’unité monétaire et le rafraichissement des billets de banque en circulation. Il a rappelé dans ce sens que cette opération se fait en moyenne tous les dix ans dans la plupart des pays du monde. « Les coupures de 1000 DA existent depuis plus de 30 ans », a-t-il rappelé, avant de révéler qu’au cours des prochaines années, « de nouvelles coupures vont être mis en circulation pour remplacer progressivement les anciens billets ». Concernant, l’allocation touristique, il a affirmé que son augmentation n’est pas d’actualité. Pour ce qui de l’ouverture éventuelle de bureaux de change, il a souligné qu’ « ils sont réservés uniquement aux non résidents », en rappelant que les 88 bureaux agréés ont cessé toute activité, vu le nombre très réduits de touristes étrangers.
M.M                      


Ould Abbès aux militants du FLN

Envoyé par Leon
http://www.lestrepublicain.com/index.php/component/k2/item/9005584-il-est-interdit-de-parler-du-5eme-mandat

Est Républicain  Par Imane B - 04/02/ 2018

«Il est interdit de parler du 5ème mandat !»

           Le secrétaire général du parti FLN ne serait plus sûr d’un cinquième mandat pour le président Abdelaziz Bouteflika. C’est du moins ce qu’on pourrait décrypter de ses messages envoyés hier aux militants de son parti et par extension à l’opinion publique. En effet et à l’occasion d’une conférence de presse, il a catégoriquement écarté toute discussion prochaine autour de ce thème qui brûlait ses lèvres il n y a pas si longtemps.
           «Nous avons instruit à nos militants de ne jamais évoquer le cinquième mandat(…) il leur est catégoriquement interdit d’en parler», a déclaré, tranchant Ould Abbès à la surprise générale. A la place, le SG du FLN invite la base de son parti à «travailler sérieusement» dans l’opération de recensement de ce qui a été fait. «Nous allons présenter le bilan des réalisations du président vers le mois de décembre 2018», a-t-il promis. Cela pourrait sous entendre que ce «bilan» devrait servir de carburant pour la campagne en faveur d’un 5ème mandat.
           Mais Djamel Ould Abbès semblait quelque peu dans le vague par rapport à cette perspective qui ne serait plus acquise du fait de la santé chancelante du président. Et quand il a été interrogé, le secrétaire général du FLN a préféré botter en touche pour éviter de se prendre les pieds dans le tapis. «La candidature à un 5ème mandat revient au seul président de la République», a-t-il glissé. Djamel Ould Abbès défonce certes une porte ouverte en ce sens qu’on ne pourra pas obliger Bouteflika à briguer un autre mandat si lui-même n’en voulait pas. Mais le message subliminal s’adresse peut être à ces acteurs politiques zélés et autres partis ayant profité des années Bouteflika qui s’agitent à coups de déclarations et autres exhortations à postuler pour un autre mandat les invitant à se taire. Ou alors que Djamel Ould Abbès a-t-il reçu un ordre «d’en haut» de ne plus parler de ce fameux 5ème mandat pour ne pas susciter le rejet de l’opinion ? Quoi qu’il en soit, la sortie médiatique du Secrétaire général du parti FLN hier est loin d’être fortuite. Elle renseigne sur le début des manœuvres au sommet en prévision de la présidentielle de 2019. Le fait est que Djamel Ould Abbès n’affiche plus la même assurance d’il y a quelques mois. Il semble même douter un peu au point de juger nécessaire de faire la paix avec Ahmed Ouyahia.

           Vive Ouyahia !
           En effet alors qu’il s’est plusieurs fois payé la tête du chef du RND lors de ses nombreuses prises de paroles, Ould Abbès s’est montré hier curieusement très cordial avec lui. «Ceux qui veulent allumer le feu de la fitna entre Djamel Ould Abbès et Ouyahia ont échoué», assènera –t-il. Et d’enfoncer le clou : «Je dis à ceux là que le RND est un allié ! ». Pour qui suit ses déclarations, il est aisé de saisir que Djamel Ould Abbès a fait un virage à 180°.
           Il y a un mois, il avait même réuni une tripartite bis pour contrer celle du Premier ministre Ahmed Ouyahia qu’il avait accusé implicitement de vouloir privatiser les entreprises publiques. Il avait ainsi convié Ali Haddad sa qualité de patron des patrons et Sidi Said en tant que S.G de l’UGTA, pour une «explication» couronnée par une conférence de presse. Ce jour là, tout le monde avait compris qu’Ouyahia était lâché du fait que le FLN est le parti majoritaire.
           Ceci d’autant plus que le président avait instruit le gouvernement quelques jours plus tard de stopper le processus d’ouverture du capital des EPE. Mais une semaine après, le Premier ministre a été réconforté par une «source autorisée» (de la présidence). Que s’est –il passé entre temps ? Mystère. C’est dans ce cadre qu’il faudrait inscrire ces «mots gentils» prononcés hier par Ould Abbès à l’égard d’Ouyahia et son parti. En insistant sur le fait qu’il n’y a pas le feu entre lui et Ouyahia et que le RND est l’allié de son parti, Ould Abbès a sûrement été invité à le faire. Ce changement de ton vise soit à faire taire les échanges empoisonnés entre les deux partis pour préparer sereinement le 5ème mandat, ou qu’alors qu’Ahmed Ouyahia qui a retrouvé grâce aux yeux d’Ould Abbès serait un recours au cas où. Et ce dernier ne veut point insulter l’avenir qui pourrait s’écrire avec l’actuel Premier ministre. Les voies du système étant impénétrables.
          
Imane B           


Marchandise suspendue à l’importation

Envoyé par Alain
https://www.liberte-algerie.com/est/saisie-de-1-751-colis-contenant-des-lustres-importes-de-chine-287300


Liberté Algérie   Par B. Badis -18/02/ 2018

Saisie de 1 751 colis contenant des lustres importés de Chine

           Un conteneur renfermant 1 751 colis de lustres à l’état démonté avec accessoires a été saisi au port marchand de Annaba.
           Les lustres font partie des marchandises suspendues à l’importation, selon le chef d’inspection divisionnaire des Douanes à Annaba, Réda Mehafdi. Importée de Chine, cette marchandise est d’une valeur sur le marché intérieur estimée à 5 297 887,74 DA, précise le directeur des Douanes de la wilaya de Annaba.
           La saisie en question a été opérée à l’occasion du traitement d’une déclaration souscrite par un transitaire au profit de l’importateur, dont le siège se trouve à El-Eulma (Sétif), suivant laquelle il a été déclaré l’importation de pièces pour lustre (pour fonctionnement). Cependant, la visite physique de la marchandise a révélé qu’il s’agit de lustres à l’état démonté avec leurs accessoires.
           Pour les douaniers, il s’agit là d’une manœuvre qui vise à contourner les nouvelles mesures de suspension d’importation de certains produits prises par les autorités du pays. Et pour la circonstance, une procédure contentieuse a été établie infligeant à l’importateur, en plus de la saisie de la marchandise, une amende égale à 21 191 550,96 DA.
B. BADIS                      


MESSAGES
S.V.P., Lorsqu'une réponse aux messages ci-dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la Seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,

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sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura


De M. Michel Meignant

         Bonjour
         En surfant sur le net, pour rechercher des photos souvenirs d'Annaba, je suis tombé sur votre site et des photos de Ch Camillieri
         Connaissez vous ce monsieur ? J'avais un ami de classe de ce nom, j'aurai aimé le retrouver, j'habitais le quai sud à Annaba, entre 1958 et 1966.
         je suis actuellement à Montélimar, France
         Merci pour votre réponse et merci pour vos photos
         Michel Meignant
         Mon adresse est, (cliquez sur) : michel.meignant@wanadoo.fr



De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
    Diaporama 110                                          Lieutenant Bleuberet 11
    Diaporama 111                                          Diaporama 112
    Diaporama 113                                          Aéro-club-algerie
    Diaporama 114                                          Diaporama 115
    Diaporama 116                                          Diaporama 117
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Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : jarrige31@orange.fr



DIVERS LIENS VERS LES SITES

M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site au 1er Mars 2018
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
http://piednoir.fr/guelma



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 Le Train de Vie
Envoyé par Annie

       A la naissance, on monte dans le train et on commence par rencontrer nos Parents.
       On croit qu'ils voyageront toujours avec nous....

       Pourtant, à une station, nos Parents descendront du train, nous laissant seuls continuer le voyage.
       Au fur et à mesure que le temps passe, d'autres personnes montent dans le train.
       Et ils seront importants : notre famille , amis, enfants, même l'amour de notre vie.

       Beaucoup quittent le train et laissent un vide plus ou moins grand. (des proches et des moins proches)
       D'autres seront si discrets qu'on ne réalisera pas qu'ils ont quitté leurs sièges.
       Ce voyage en train sera plein de joies, de peines, d'attentes, de bonjours, d'au-revoir et d'adieux...
       Le succès est d'avoir de bonnes relations avec tous les passagers pourvu qu'on donne le meilleur de nous-mêmes.

       On ne sait pas à quelle station nous descendrons.
       Donc vivons heureux, aimons et pardonnons.
       Il est important de le faire car lorsque, à notre tour, nous descendrons du train, nous ne devrons laisser que des beaux souvenirs à ceux qui continueront leur voyage.
       Soyons heureux avec ce que nous avons et remercions le ciel de ce voyage fantastique.

       Et aussi, MERCI d'être un(e) des passagers(ères) de mon train et de partager un bout de route avec moi ( de près ou de loin mais toujours présent (e) dans mon cœur et mes pensées )
       Et si je dois descendre à la prochaine station, je suis content(e) d'avoir fait un bout de chemin avec toi.
       Je veux dire à chaque personne qui lira ce texte que je vous remercie d’être dans ma vie et de voyager dans mon train
       Avec l'espoir que notre voyage dans ce train continuera encore un certain temps...!




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Notre liberté de penser, de diffuser et d’informer est grandement menacée, et c’est pourquoi je suis obligé de suivre l’exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d’information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d’expression, tel qu’il est reconnu par la Résolution 59 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d’expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».


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