N° 97
Août

http://piednoir.net

Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Août 2010
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Cet Ecusson de Bône a été généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
Les dix derniers Numéros : 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96,
  7ème Symphonie   
Par : MOZARD
EDITO

Des troupes africaines au 14 juillet 2010 
" Regrets ou Hypocrisie "

         Le 14 Juillet est la fête nationale française, le symbole de la révolution pour la liberté, la fraternité et l'égalité. Mais c'est aussi l'occasion d'assister en famille et entre amis aux bals populaires, feux d'artifices et fêtes de village.
         Le 14 Juillet, c'était l'occasion de fleurir les balcons, fenêtres et frontons des bleus, blancs et rouges et de faire résonner la Marseillaise. Je dis bien, " c'était ", car la mode est à l'outrage et l'insulte de ces couleurs et du chant national. Des sportifs de " haut rang " (mais de bas étage) ne se privent pas d'en donner l'exemple devant " leurs supporters " ou dans la lucarne regardée par des millions de téléspectateurs blasés, effarés ou borgnes. On retrouve ces exemples parmi des élus, dans leurs actions politiques, mais qui s'en drapent le corps pour faire républicain lors de manifestations afin de rouler dans la farine des électeurs aveugles.
         Le 14 juillet, c'est surtout le célèbre défilé qui se déroule à Paris sur les Champs-Elysées, en présence des plus hautes autorités de l'état et de la scène politique française ou internationale.

         Nicolas Sarkozy avait annoncé que des unités des anciennes colonies d'Afrique noire qui ont mobilisé des troupes lors des deux guerres mondiales défileraient le 14 juillet prochain sur les Champs-Elysées. Ce défilé militaire a été marqué par la présence de détachements venus de 13 pays africains francophones pour fêter le 50e anniversaire de leur accession à l'indépendance et honorer leur participation, alors qu'ils étaient encore des colonies françaises, aux deux conflits mondiaux de 1914-1918 et 1939-1945. "Tous les chefs d'Etat des pays concernés seront invités. La France sait ce qu'elle doit à l'Afrique: elle lui exprimera sa gratitude", a-t-il dit lors d'un discours prononcé devant les ambassadeurs français. Le chef de l'Etat a souhaité que 2010, année du 50e anniversaire de l'indépendance de 14 anciennes colonies d'Afrique sub-saharienne, soit "dédiée à la fidélité dans l'amitié et la solidarité".

         Sarkozy dit : " La France sait ce qu'elle doit à l'Afrique ".
         Il ne faut pas oublier que c'est essentiellement l'Armée d'Afrique qui permit à la France de participer à sa propre Libération en 1945, et de figurer ainsi dans le camp des vainqueurs.
         Au risque de choquer du monde, je pense que lorsqu'il parle d'Afrique, il oublie que l'Afrique du Nord en fait partie. Il oublie que trois pays, le Maroc, l'Algérie et la Tunisie ont fait grandement partie de cette Armée d'Afrique qui s'est illustrée avec honneur sur les champs de batailles. Il aurait été logique et honorable qu'ils soient associés à cet hommage sans en faire un critère de discrimination de couleurs.
         Cette Armée d'Afrique faite d'environ 410.000 hommes était composée d'environ :
    - 234.000 " Indigènes " originaires des 17 pays africains du giron français dont environ 134.000 venaient des trois pays de l'Afrique du Nord.
    - Et d'environ 176.000 " Indigènes " d'origine européenne que l'on nomme plus généralement et avec dédain des " Pieds-Noirs ".
         Eh oui, ces Fiers Pieds-Noirs, ces 176.000 hommes représentaient environ 17% de leur communauté, soit la plus forte participation à cet effort de guerre en pourcentage d'hommes issus d'une même communauté ou d'un même pays. Sans parler des pertes qui sont de l'ordre de 50 % de perte totale de cette armée d'Afrique.
         Ce qui fait, quand même, environ 310.000 hommes issus de l'Afrique du Nord et oubliés pour cet hommage soit disant égalitaire.

Est-ce vraiment un oubli ? Est-ce du regret ou de l'Hypocrisie ?

         La France a peur qu'en associant l'Afrique du Nord, elle soit obligée de reconnaître que les 176.000 Pieds-Noirs n'étaient français que pour venir la défendre et chanter " C'est nous les Africains qui …….. ". C'est une dette indélébile que la France doit à ces hommes et c'est là le vrai critère de l'exclusion de l'Afrique du Nord.

         Ce n'est pas la première fois que des armées étrangères marchent sur les Champs-Elysées, un 14 juillet.
         Des dizaines de milliers de soldats des anciennes colonies, enrôlés, sont morts pour la France, dans des guerres qui n'étaient pas les leurs. Les survivants auront dû attendre seulement cette année pour pouvoir toucher des pensions équivalentes à leurs frères d'armes français.
         Je signale, que mon père est mort, comme tant d'autres, sans avoir jamais touché un seul centime de reconnaissance de la France. Et les enfants de ces combattants ne réclamant rien comme le font les enfants d'autres communautés ou pays.
         Pensez-vous que tous ces hommes de l'Armée d'Afrique sont venus combattre pour de l'argent ?
         Est-ce que 50 ans après toutes les guerres, l'argent est le principal motif d'honneur ?
         Si c'est le cas pour ceux qui s'en réclament, ils doivent être considérés comme des mercenaires ; qu'on leur donne leur du mais qu'on ne leur rende pas les honneurs que d'autres ont mérité plus dignement en combattant pour un idéal.

         On peut certes se réjouir de ce symbole d'égalité entre la France et ses anciennes colonies aux cultures francophones dont toutes ne sont pas issues de la colonisation. Ce défilé peut carillonner comme une chaleureuse fin de nuit au terme de laquelle la France reconnaît leur participation à des guerres qui n'étaient pas, en priorité, les leurs. La francophonie peut être tout à la fois une plaidoirie pour la défense d'un monde multiculturel et une promesse de fraternité entre les peuples qui ont la langue française pour bien commun. La France plus que tout autre pays en a le devoir et les moyens et pas seulement par souci de réparations même si la veille, en marge d'un déjeuner avec les chefs d'Etats africains, et autour d'un nouvel acquis pécuniaire : l'alignement des pensions des anciens combattants sur celles de leurs homologues français.

         C'est de la pure hypocrisie de nous dire que la France rend hommage à 50 ans d'indépendance. Ces pays n'en ont pas besoin, ils savent très bien le faire sur leur propre sol.
         La célébration a pourtant un goût très amer pour l'Afrique et les Africains. L'Afrique reste un continent blessé par les maux les plus mortels : guerres, maladies, malnutrition ; chômage, corruption et captation des richesses ; exploitation de ses ressources et de ses terres arables (de moins en moins…) ; Etats de droit encore rares et mouvements démocratiques en piteux état.
         A qui la faute ?

         Lors des deux guerres mondiales, des troupes Africaines ont participé aux combats sur les fronts français et internationaux, et servi la France " leur Mère-Patrie " contre des ennemis d'antan. C'est sans doute pour assurer une reconnaissance à ces anciens combattants, que Nicolas Sarkozy en cette année de cinquantenaire a voulu qu'ils défilent sur les Champs-Elysées français. A cet effet, des corps de treize armées, venues du Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Gabon, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, Sénégal, Tchad, Togo, Madagascar (sans représentant officiel) hormis la Côte d'Ivoire représentée seulement par un officiel

         "C'est le lien du sang que nous célébrons, le lien né de la contribution des troupes africaines à la défense et à la libération de la France", a écrit le président Sarkozy dans un message adressé aux participants. "Des milliers de soldats venus d'Afrique sont morts pour la France lors des deux guerres mondiales", a-t-il rappelé, alors que, la veille, il avait fermement rejeté toute "nostalgie coloniale". Cette rencontre a pour but "de célébrer la force des liens que l'Histoire a tissés entre nos peuples. Et la force de cette rencontre, c'est de construire ensemble notre avenir", a-t-il conclu.
         "C'est un honneur de faire défiler nos troupes, qui sont les héritières des troupes noires d'hier qui ont participé aux différentes grandes guerres en France", a pour sa part témoigné le président malien Amadou Toumani Touré, interrogé par France 2 à l'issue des festivités. Une parade fustigée par certaines organisations humanitaires, choquées que des troupes "ayant du sang sur les mains en ayant participé aux massacres de leurs propres peuples". Dans leur viseur, les défenseurs des droits de l'Homme fustigent l'accueil fait aux "dictateurs de pays comme le Tchad, le Togo, le Centrafrique, le Congo, le Gabon, le Burkina Faso, Djibouti ou le Cameroun". De son côté, l'Elysée avait certifié mardi que les autorités françaises "avaient vérifié qu'aucune personne intéressant la justice ne participe au défilé".

         "Ce ne serait pas le moindre des paradoxes qu'à l'occasion de la célébration des valeurs de la République, celles-ci soient bafouées par la présence de tortionnaires, dictateurs et autres prédateurs des droits de l'Homme, et qu'en lieu et place de les poursuivre, la France les honore." ET pourtant !!!!!

         L'association Survie, qui a organisé un "bal anti-colonial" le 13 juillet, écrit sur son trac : " D'autres dictateurs et putschistes, responsables pour certains du massacre d'une partie de leur population et du maintien de celle-ci dans la pauvreté, viendront s'assurer du soutien politique, économique et militaire et de leur enrichissement personnel auprès de leur ancienne puissance coloniale'".

         Certains journaux préfèrent voir dans la présence des dirigeants des anciennes colonies françaises un signe de la force des liens entre la France et l'Afrique et n'hésitent pas à écrire :
         " Chacun le sait, les indépendances africaines ont toujours été essentiellement fictives. Mieux encore, initialement et fondamentalement non désirées par la majorité des Africains, elles furent imposées par l'Etat gaullien pour des motifs sordides touchant à l'argent, à la civilisation, à la religion et à la race.
         On le voit, cette séparation franco-africaine officielle assortie d'une unité officieuse fut conçue pour permettre le néocolonialisme. Or le néocolonialisme détruit l'Afrique et abaisse la France depuis cinq décennies, engendrant des ravages dont l'Afrique sort dramatiquement abîmée et la France défigurée et neurasthénique, voire autodestructrice.
         Or tout au contraire, les " indépendances " sont sans cesse exaltées, et l'histoire officielle de la décolonisation, le prétendu soulèvement des peuples pour l'indépendance est perpétuellement raconté au mépris de la réalité historique. On préfère cacher que l'Afrique exigeait la fin du colonialisme par l'instauration de l'égalité politique… qui lui fut refusée par le pouvoir parisien. Mais cela, évidemment, chacun préfère le taire, comme il fait mine d'ignorer que l'unité franco-africaine est une réalité…
         Les mêmes fins appelant les mêmes moyens, on ne s'étonnera donc pas que l'histoire franco-africaine mensongère que répand la Vème République blanciste pour justifier et masquer les vraies causes du largage de l'Afrique en 1958-1962, continue de dominer les discours politiques aujourd'hui. On ne s'étonnera pas non plus que le général de Gaulle, stratège et auteur de cette imposture au niveau français, soit plus glorifié que jamais. "


Ce beau défilé, haut en couleurs, aurait pu être encore plus
beau et plus symbolique sans discrimination sélective, si la France pouvait
ou voulait simplement respecter ses trois principes républicains que sont :

La Liberté, La Fraternité et L'Egalité.
14 juillet 2010, REGRET ou HYPOCRISIE

Jean Pierre Bartolini          

        Diobône,
        A tchao.

N.B. : Par une réflexion personnelle après avoir vu le défilé à la télévision, et après avoir lu plusieurs journaux ou critiques, j'en ai tiré cet édito en reprenant certains extraits non dénués de bon ou mauvais sens.


LE MUTILE N° 189, 17 Avril 1921

La Part du Combattant

        M. Hubert Aubert, dans la " Voix du Combattant ", préconise pour nos héros " la retraite " plutôt que la part.
        Ils ne demandent pas une part de butin.
        Belle précaution oratoire !
        Ils veulent tout uniment qu'après avoir été des soldats vainqueurs, ils ne soient pas, au soir de leur vie, les vaincus de l'existence.
        La retraite serait constituée par toutes les recettes anormales et extraordinaires (récupération des bénéfices de guerre, amendes infligées aux mercantis, etc.), et, aussi par une loterie annuelle de 2 millions avec 500000 francs de lots, et cela pendant trente ans.
        Les combattants apporteront leur part; la générosité française fera le reste.
        Et les boches, rien ?` Voici :
        D'autant que rien n'interdit de prévoir le versement au dit fond, durant un quart de siècle, du revenu des mines de charbon de la Sarre ou des mines de potasse du Haut-Rhin.
        Ce dernier projet est le nôtre. Mais une objection se pose pourquoi attendre le soir de la vie ? Pourquoi ne pas mettre entre les mains du combattant un capital productif, à l'heure où il est en pleine mesure de le faire valoir ? Toujours le point de vue petit bourgeois où l'Etat est pris pour économe et dispensateur. Jamais le point de vue de l'activité et de la liberté !

©§©§©§©§©§©§©

Les vaincus ont la part du combattant
Les vainqueurs l'attendent !

        De l'Est-Europe !
        Le gouvernement hongrois vient de décider de distribuer des lots de terre considérables aux officiers et soldats de l'ancienne armée.
        Les soldats décorés pour bravoure personnelle obtiendront gratuitement 15 arpents. Les officiers décorés obtiendront, selon, leur grade des lots variant de 100 à 300 arpents. Des lots seront également accordés aux orphelins de guerre.
        Combien ces quelques lignes sont justes et comme il est navrant de constater que c'est toujours chez nos ennemis que les plus louables initiatives se révèlent, Et cependant, si les soldats hongrois, bien que vaincus, ont mérité une récompense de la part de leur gouvernement, il paraîtrait juste et rationnel que la France, le pays de la Justice et du Droit où le manque de respect à la parole donnée est une injure, tint un peu les promesses faites à nos poilus par son gouvernement de 1914, d'autant que ses poilus ont emporté la victoire de haute lutte.
        On objectera, que le Gouvernement actuel ne saurait tenir les promesses de celui d'il y a sept ans. C'est là un raisonnement absurde, car ces promesses ont été faites au nom de la France et si les Ministères se succèdent, la France demeure et ses obligations aussi.
        Ce qui subsiste malgré tout, c'est l'héroïsme méconnu de nos vaillants soldats avec beaucoup d'amertume pour une indifférence aussi désinvolte qu'injustifiée.
        Mais l'adage latin ne dit-il pas : " Verbu Volent ? "

JACQUES DE FRANCE              

ANECDOTE
Mutilé du 17 avril 1921 N°189
Le drapeau impérial allemand

           Un de nos amis, capitaine au long cours, qui était à Oran au début de ce mois, nous signale un fait significatif qui s'est passé dans ce port et qui mérite d'être connu.
           Un vapeur allemand, le Wühelm Otssner, peu après son arrivée, a hissé le drapeau du gouvernement impérial, noir, blanc, ronge, qu'il a substitué au drapeau du nouveau Gouvernement, dont les couleurs sont noir, blanc et or. Il a ainsi arboré jusqu'à son départ le pavillon de Guillaume II.
           Cet acte prouve, évidemment, la constante fidélité que les marins boches gardent à leur ancien empereur. Mais tous ceux qui en ont été témoins se demandent si un navire allemand a ainsi le droit de se livrer, dans un port français, à une manifestation de sympathie en faveur, du César déchu.

           Le fait qu'on nous signale n'a rien qui puisse nous étonner… Il faudrait être le dernier des naïfs pour supposer que les boches ont oublié que Guillaume Il est le petit-fils de Guillaume 1°' qui, avec son homme lige, le faussaire d'Ems, Bismarck, de sinistre mémoire, instaura la Confédération germanique, et, Ô honte, se fit couronner empereur d'Allemagne à Versailles, dans le château des anciens rois de France.
           Au fond de chaque coeur boche, l'image de l'Empereur rouge est fidèlement et profondément gravée.
           Puisque nous n'avons pas pu exécuter une des clauses du traité de Versailles, l'extradition de l'auteur cataclysme de 19760, puisque nous avons assisté, les bras croisés, à la Restauration, en Grèce de son beau-frère et acolyte Constantin, qu'y a-t-il d'étonnant à ce que Guillaume Il réintègre, un jour qui, n'est pas loin, Berlin où domine la caste militaire prussienne.

R. FRANCE           
Sources : BNF, Mutilé du 17 avril 1921                                 



Rideaux blancs et rideaux roses
Par Maurice Olivaint (Mutilé du 17 avril 1921 N°189)


          Des rideaux blancs, des rideaux roses,
          Des rideaux fiers et triomphants,
          Pour abriter ces frêles choses
          Que sont mes deux petits enfants !

          Des rideaux blancs, pour que ton âme,
          Ma fille, garde sa candeur
          Quand l'amour soufflera sa flamme
          Sur le beau lis de ta pudeur !

          Des rideaux roses, couleur douce,
          Mon fils, pour que ton coeur, plus tard,
          Soit tendre à celui qu'on repousse,
          A l'orphelin comme au vieillard !

          Des rideaux blancs, des rideaux roses,
          Dans vos berceaux, mes chers petits,
          Bouche ouverte et paupières closes,
          Dormez, innocemment blottis !

          Des rideaux blancs, pour que ta vie,
          Ma fille, soit un clair ruisseau
          Dont la pente heureuse est suivie
          Sans que l'orage en trouble l'eau !

          Des rideaux roses comme l'astre
          Qui resplendit au sein des cieux,
          O mon fils, pour que nul désastre
          N'obscurcisse jamais les yeux !

          Des rideaux blancs, des rideaux roses
          Pour abriter mes blonds espoirs !
          Loin d'eux, Seigneur, les jours moroses !
          Loin de nos fronts les voiles noirs !

          O Seigneur Dieu, je vous implore 1
          Ecartez le rideau d'azur
          Qui, du couchant jusqu'à l'aurore,
          Couvre votre firmament pur !

          Jetez un regard de clémence
          Sur ces deux êtres tout tremblants
          Qu'entourent mon amour immense
          Et des rideaux roses et blancs !

          Des rideaux blancs, des rideaux roses !
          0 Dieu si bon, toi qui défends
          Ici bas les plus humbles chose,
          Protège mes petits enfants !


MŒURS ET COUTUMES DE L'ALGÉRIE
  1853                     Par LE GÉNÉRAL DAUMAS                            N° 21 
Conseiller d'Etat, Directeur des affaires de l'Algérie
TELL - KABYLIE-SAHARA

AVANT-PROPOS.
  
Appeler l'intérêt sur un pays auquel la France est attachée par les plus nobles et les plus précieux liens, faire connaître un peuple dont les moeurs disparaîtront, peut-être un jour, au milieu des nôtres, mais en laissant, dans notre mémoire, de vifs et profonds souvenirs, voilà ce que j'ai entrepris. Je ne me flatte pas d'avoir les forces nécessaires pour accomplir cette tâche, à laquelle ne suffirait pas d'ailleurs la vie d'un seul homme; je souhaite seulement que des documents réunis, avec peine, par des interrogations patientes, dans le courant d'une existence active et laborieuse, deviennent, entre des mains plus habiles que les miennes, les matériaux d'un édifice élevé à notre grandeur nationale.
Général E. Daumas

LE SAHARA.
VI.
Les Touareug.

          Il est difficile de circonscrire exactement le territoire habité par les Touareug. La vie exceptionnelle que mènent ces pillards nomades échappe à toute appréciation géographique un peu certaine; nous les retrouvons partout dans cet immense périmètre, cerclé par une ligne qui, du Tidikelt dans le Touat, descend à Timbektou, longe le Niger de l'ouest à l'est, et remonte par le Fezzan jusqu'à Rdamés, le point extrême de la province de Tripoli. C'est là le véritable désert, l'océan de sables, dont les Touareug se sont faits les pirates.
         Un grand archipel montagneux égaré dans le centre à peu près de cette immensité, et qu'on appelle le Djebel Hoggar, est le nid, le refuge habituel des véritables Touareug, des Touareug-Harar, ou de race, comme on les appelle. Cependant, quelques fractions de leur grande tribu ont fiait élection de domicile plus près de notre Sahara.
         D'autres sont campés en avant et dans la proximité de Timbektou, qu'ils tiennent en état de blocus perpétuel.
         Beaucoup sans doute nous sont inconnus.
         Jalonnés dans le désert, les uns au nord, les autres au centre, d'autres au sud, ils gardent les portes du Sahara et celles du Soudan, prélevant sur les caravanes un droit de sortie, un droit de voyage, un droit d'entrée, et si quelqu'une passe en contrebande, elle est impitoyablement pillée.

         Quelle est l'origine de ce peuple singulier morcelé ainsi en tant de bandes, si distantes les unes des autres, et qui toutes, dans le nord au moins, révèlent par leurs traits, par leurs moeurs, par leur langage, une race commune? Nous renonçons, quant à nous, à résoudre cette question, et nous nous bornerons à résumer les notes éparses que nous ont fournies cent Arabes, qui tous avaient vu les Touareug, avaient commercé avec eux, ou voyagé sous leur sauvegarde.
         Les Touareug prétendent descendre des Turcs; nous croyons inutile de discuter cette opinion accréditée sans doute par leur amour-propre, car ils affectent de mépriser les Arabes qu'ils traitent en peuple vaincu. Quoi qu'il en soit, ils sont grands, forts, minces et (le couleur blanche, mémé ceux qui campent sous Timbektou. Cependant les factions que l'on retrouve autour des autres villes du Soudan sont de sang mêlé ; leurs yeux sont généralement très beaux, leurs dents très belles; ils portent de grandes moustaches à la manière des Turcs, et, sur le sommet de la tète, une touffe de cheveux qu'ils ne coupent jamais, et qui, chez certains d'entre eux, devient si longue, qu'ils sont obligés de la tresser. Le tour de leur tète est rasé ; tous ont des boucles d'oreilles. Leur costume consiste en une grande robe qui ressemble à la djellaba ou Habaïa des Kabyles, et qu'ils appellent djeba; elle est très large, très ample, et faite de bandes réunies de cette étoffe noire étroite appelée saïe, qui vient du Soudan, et dont nous avons déjà parlé. Sous la djeba, ils portent un pantalon qui a quelques rapports avec celui des Européens, mais qui se soutient sur les hanches à l'aide d'un cordon passé dans une coulisse; une ceinture en laine leur presse la taille. Pour coiffure, ils ont une chaichia très élevée, fixée à leur tête par une pièce d'étoffe roulée en façon de turban, et dont un des bouts passé dans toute sa largeur sur leur figure n'en laisse voir que les Veux; " car, disent-ils, des gens nobles ne doivent pas se montrer. " Les chefs seuls portent des burnous.

         Presque tous, riches on pauvres, ont les pieds nus; si on leur en demande la raison : " C'est que, répondent-ils, nous n'allons jamais à pied. " Ceux d'entre eux pourtant qui, faute d'un chameau, sont obligés de marcher dans les sables, portent des espèces d'espadrilles liées à la jambe par des cordons.
         Leurs armes sont : une lance très longue, dont le large fer est taillé en losange, un sabre large et long, à deux tranchants, un couteau fourré dans une gaine en cuir appliquée sous l'avant-bras où elle est fixée par un cordon, de manière à ce que le manche de l'instrument qui vient s'arrêter au creux de la main, soit toujours facile à saisir et ne gène en rien les mouvements ; un grand bouclier en morceaux de peau d'éléphant, consolidés par des clous, et dont ils se servent avec beaucoup d'adresse, complète cet arsenal portatif. Les chefs, et les plus riches seulement, ont des fusils dont quelques-uns sont à deux coups.
         Très sobres au besoin, ils resteront deux ou trois jours sans boire ni manger, plutôt que de manquer un coup de main; mais très gloutons à l'occasion, ils se dédommagent largement après la razzia.
         Leur nourriture habituelle est le lait, les dattes, la viande de mouton et de chameau, et, par exception, des galettes de farine ou du kouskouçou ; car ils n'ont que peu ou point de blé, et celui seulement qu'ils pillent.
         Ils sont riches en troupeaux de chameaux et de celte espèce de moutons qui n'ont point de laine, mais un poil très court, et qui se distinguent par une queue énorme.

         Les Touareug parlent le targuïa. Cette langue semble avoir certain rapport avec le zenatïa ; car, si nous en croyons les habitants du Touat, ils comprennent les Touareug et s'en font comprendre.
         Leurs femmes vont la figure découverte ; elles sont très belles et très blanches : " Blanches comme une chrétienne. " Quelques-unes ont les veux bleus, et c'est dans la tribu un genre de beauté fort admiré ; toutes sont très sensuelles et très faciles. Leur costume consiste en un pantalon en saïe noire, une robe large de même étoffe et de même couleur, et une espèce de coiffe dont nous n'avons pu saisir la description. Les plus riches se chargent de bijoux; les autres n'ont pour tout ornement que des bracelets en corne aux avant-bras. Hommes et femmes portent au cou des colliers de talismans.

         Leur religion est la musulmane ; mais ils prient peu, ne jeûnent point, ne font point les ablutions ordonnées. Ils ne saignent point les animaux comme le veut la loi; ils leur coupent tout bonnement la tète d'un coup de sabre. Aux jours de grandes fêtes de l'islamisme, au lieu de faire des prières, ils se réjouissent par des combats simulés, par des essais de petite guerre, qu'ils mettent en pratique à la première occasion. Ils n'ont, en un mot, de musulmans que le titre, et il serait difficile qu'il en fit autrement au milieu de la vie sans cesse agitée qu'ils mènent. Ce mépris du Koran et la terreur qu'ils inspirent aux Arabes n'ont pas peu contribué sans doute à exagérer leur détestable réputation. Sous les tentes du Tell, on parle des Touareug comme autrefois, chez nous, on parlait des Turcs.
         Il n'y a, au reste, qu'une voix sur leur compte : " Quels sont leurs ennemis, demandions-nous à un Touati? -Ils n'ont pas d'amis, nous répondit-il. " Un autre nous disait : " Je n'ai rien vu de bon chez eux que leur beauté et leurs chameaux. Braves, rusés, patients, comme tous les animaux de proie, ne vous liez jamais à eux; ils sont de mauvaise parole. Si vous recevez l'hospitalité chez l'un d'eux, vous n'avez rien à craindre de lui, sous sa tente, ni quand vous serez parti ; mais il préviendra ses amis qui vous tueront, et ils partageront vos dépouilles. "
         Si nous nous dégageons de tous ces préjugés, nous trouvons chez ces peuplades des vertus de famille qui révèlent de grandes qualités instinctives. Ainsi la polygamie y est très rare et tout à fait exceptionnelle. La dignité de la race s'y perpétue sans mélange d'alliances étrangères, même avec les Arabes, que les Touareug méprisent, et dont ils se disent les seigneurs. Le deuil des morts aimés ou vénérés se porte religieusement et longtemps, et, pendant ce temps de douleur, les amis et les parents du mort laissent croître leur barbe, et ne peuvent pas se marier.
         Concluons-en que, là, comme partout, le bien est à côté du mal, et que la nécessité seule, peut-être, a compromis une nature sûrement meilleure que ne le disent les Arabes.

         L'immense montagne appelée Djebel Hoggar, le refuge principal des Touareug du nord, forme une espèce de quadrilatère. Presque tous ses pics sont boisés de grands arbres; ses ravins tourmentés et rocailleux sont autant de torrents à la saison des pluies; il y fait alors un froid humide contre lequel ces frileux habitants du désert luttent de précautions en s'enveloppant de vêtements de laine, espèce de burnous doublés eu peaux de chèvre. Ils vivent alors en famille sous leurs tentes circulaires, faites en peaux tannées qui leur viennent du pays des nègres. Leur seule distraction est la pipe dont abusent les hommes et dont usent largement les femmes.
         Au printemps, ils reprennent le désert.
         C'est également au printemps que les caravanes se mettent en mouvement. Elles savent d'avance que les Touareug les guetteront au passage; aussi le chef des plus prudentes s'entendra-t-il avec le chef le plus voisin des bandes errantes, qui lui donnera quelques cavaliers sous la sauvegarde desquels la caravane continuera sa route, changeant de protecteur: d'espaces eu espaces, et payant à tous jusqu'à destination, et selon l'importance de ses marchandises, un impôt forcé que l'amour-propre des Arabes déguise sous le nom de cadeau en échange d'une protection. Nous avons dit ailleurs ce qui arrive aux caravanes qui cherchent à s'en affranchir. Les plus grandes cependant passent hardiment, fortes de leur nombre; mais alors, de douanier, le Targui se fait brigand ou voleur, et la met encore à contribution.
         Dès que les espions ont éventé l'immense convoi, ils le suivent à la piste, de loin, prudemment, en se cachant dans les plis des vagues de sable, pendant que d'autres sont allés donner l'éveil à leur bande commune. Elle arrive sur ses rapides mahara, ses chameaux de course, se disperse dans l'espace, et quand la nuit sera venue, quand la caravane se reposera, sur la foi de ses sentinelles, des fatigues de la journée, les voleurs s'en rapprocheront; chacun laissant son chameau à la garde d'un complice et à quelque distance. Les plus adroits s'avanceront en rampant, lentement, sans bruit ; et le lendemain, dix, quinze, vingt chameaux, plus ou moins, mais toujours les plus chargés, manqueront au départ de la caravane. Ces tentatives hardies sont fréquentes, non seulement dans le désert, mais dans nos camps à nous. Les Arabes, comme les Touareug, sont venus bien souvent voler les chevaux de nos officiers et des faisceaux entiers de fusils, jusque sous les yeux des sentinelles.

         Les grandes expéditions, soit sur le pays des nègres, soit sur le Tidikelt ou sur les Châmba, ou sur une caravane qu'on sait être en marche, sont décidées dans un conseil tenu par les chefs.
         Tous ceux qui doivent partager les dangers et les bénéfices de l'entreprise partent, quelquefois au nombre de quinze cents ou deux mille hommes, montés sur leurs meilleurs mahara. La selle d'expédition est placée entre la bosse de l'animal et son garrot ; la palette de derrière en est large et très élevée, beaucoup plus que le pommeau de devant, et souvent ornée de franges en soie de diverses couleurs. Le cavalier y est comme dans un fauteuil, les jambes croisées, armé de sa lance, de son sabre et de son bouclier ; il guide son chameau avec une seule rêne attachée sur le nez de l'animal par une espèce de caveçon, et parcourt ainsi des distances effrayantes, vingt-cinq à trente lieues par jour, sans se fatiguer,
         Chacun ayant sa provision d'eau et de dattes, la bande entière se met en marche à jour convenu, plutôt à nuit convenue; car, pour éviter les chaleurs du soleil et l'éclat des sables, elle ne voyage que de nuit en se guidant sur les étoiles. A quatre ou cinq lieues du coup à faire, tous mettent pied à terre, font coucher leurs chanteaux qu'ils laissent à la garde des plus fatigués d'entre eux et des malades. Si c'est une caravane qu'ils veulent attaquer et qu'elle ne soit pas trop forte, ils se jettent sur elle en hurlant un effroyable cri de guerre ; ils entrent dedans à coups de sabres et de lances, non point qu'ils frappent au hasard cependant; l'expérience leur a appris à frapper leurs ennemis aux jambes : chaque coup de leur large sabre met un homme à bas. Quand le carnage est fini le pillage commence : à chacun sa part désignée par les chefs. Les vaincus, morts ou blessés, ils les laissent là sans les mutiler, sans leur couper la tète, mais dans l'agonie du désespoir, au milieu du désert!

         Si la caravane est trop forte, ils la suivent à quelques lieues, s'arrêtant quand elle s'arrête, et faisant épier ses mouvements par des espions que les Arabes appellent chouafs : quand la discipline s'y relâchera, quand, sur le point d'arriver à destination, elle se croira quitte de tout danger, de toute surprise et se gardera moins bien, ils tomberont sur elle.
         Ce qui semble incroyable, c'est que ces brigands redoutés et si généralement détestés dans le Sahara, fréquentent ouvertement et souvent isolément les marchés du Tidikelt, de Agabli, de A'oulef, de Rdamès, où ils apportent du pays des nègres des esclaves, de la poudre d'or, des défenses d'éléphants, des peaux tannées pour faire des tentes, des espadrilles dont les semelles sont inusables, des saïes, du poivre rouge, des dépouilles d'autruches, une espèce de fruit que l'on appelle daoudaoua, produit par un arbre du même nom, que l'on pétrit en galette, et qui, séché au soleil, a, dit-on, goût de viande.
         Les Touareug du sud font, sur la lisière du pays des nègres; le même métier à peu près que leurs germains du nord sur la lisière du Sahara. On les appelle Sergou à Timbektou et Kilouan dans le Bernou et à H'aouça.

         La faction principale de ces Touareug du sud sont les Soukmaren. De sang très mêlé, ils sont tenus, pour cette raison, en grande infériorité par les Djouad du Djebel Hoggar Pour tout costume ils ont la chachia, une espèce de caban en peau de chèvre, et de misérables kaïks. Quelques chameaux, des ânes et des chèvres sont tout ce qu'ils possèdent ; grands chasseurs, ils passent des mois entiers dans la montagne à courir la gazelle, le begueur el ouache et le lerouy, dont la chair, fraîche ou séchée, fait leur constante nourriture avec le lait de leurs maigres troupeaux, un peu de grains et des dattes qu'ils rapportent du Tidikeult, où ils vont vendre les dépouilles d'autruche et les autres produits de leur chasse. Cependant leurs seigneurs du Djebel Hoggar leur prêtent quelquefois des mahara pour aller en ghrazia, niais à la condition de prélever la meilleure part du butin.
         Cependant les chefs du pays, bien que soumis aux chefs du Djebel Hoggar, sont beaucoup moins misérables que leurs serviteurs ; quelques-uns ont des troupeaux, et leur commerce d'échange avec les caravanes de passage, ou sur les marchés du Tidikeult, leur fait la vie moins rigoureuse que ne l'est celle du bas peuple.

         Les Soukemaren sont en état d'hostilité permanente avec les Berbères des montagnes de l'ouest ; si le hasard les conduit au même puits dans leurs chasses vagabondes, il est rare que les armes ne soient pas tirées, et les combats antérieurs ont alors d'atroces représailles.
         Un chef nommé Chikh-Badda et sept ou huit de ses amis, montés sur leurs meilleurs chameaux, et suivis de leurs sloughis (1), étaient à la chasse. Sortis pour une course du fedjer au moghreb (2) seulement, ils s'étaient laissés entraîner par d'heureuses rencontres, et, depuis six jours, ils battaient les ravins et les plaines de l'ouest, se désaltérant, aux puits communs et vivant de leur gibier. Un matin qu'ils avaient levé douze ou quinze gazelles, chacun s'en choisit une, lança sur elle son sloughi, et la courut où Dieu voulait qu'elle allât. En un instant, tous disparurent dans l'espace, imprudemment éparpillés et séparés les uns des autres par les sinuosités du terrain.

         Vingt cavaliers des Aït-Dezdegue chassaient eux-mêmes dans les dernières ramifications du Djebel-Mouydir, et le malheur emporta Chïkh-Badda sur leur passage. En un instant il fut entouré.
         " Où sont tes troupeaux ? Lui demanda le chef des Berbères.
         - Mes troupeaux sont autour de ma tente, à deux journées d'ici, dans la montagne.
         - Et tes compagnons?
         - Je suis seul avec ma tête.
         - Tu mens, chien ; mais le bâton fera parler ta langue; descends de ton chameau.
         - Je ne suis point un menteur, je suis seul avec ma tète, " reprit le généreux Chïkh; car il ne voulait point livrer ses amis aux dangers. Et sans que son calme visage trahît son âme, il fit accroupir son chameau et en descendit. Me connais-tu? demanda-t-il ensuite au Berbère.
         - Tu es un chien des Soukemaren et notre ennemi; c'est tout ce que je veux savoir.
         - Ce que tu ne sais pas, c'est que je ne suis point de ceux que l'on bâtonne. As-tu entendu parler du Chïkh-Badda ? Tue-le, car il est dans ta main, mais ne le traite pas comme un esclave.

         - C'est toi, maudit! Qui, l'été dernier, nous as fait tuer cinq hommes à Bir-el-Arib (3); que leur sang retombe sur ta tête !
         - Un instant, seigneur, dit un des cavaliers en relevant précipitamment l'arme de son chef appuyée déjà sur la poitrine du vieux Touareug, ne vaudrait-il pas mieux retenir cet homme avec nous et imposer sa tête, plutôt que d'émouvoir par sa mort la vengeance de sa tribu? "
         Cet avis, approuvé par les uns, débattu par les autres, fit hésiter un moment le chef de la bande. " Les Aït-Dezdegue sont assez forts pour ne point craindre les Soukemaren! " s'écria-t-il enfin. Et, d'un coup de fusil, il étendit Chikh-Badda sur le sable.

         Les amis du malheureux Chïkh le cherchèrent et l'appelèrent vainement ce jour-là et le lendemain; quand ils revinrent à sa tente, son sloughi, depuis longtemps déjà, y avait apporté l'inquiétude.
         Le dernier espoir était que le chien aurait perdu son maître, et que le maître se serait égaré.
         Toute la jeunesse en armes, guidée par les six chasseurs, se mit en quête dans la plaine et dans les broussailles, et le corps du Chïkh-Badda fut enfin trouvé où il avait été tué. Les hyènes et les chacals l'avaient à moitié rongé, mais on le reconnut à sa barbe blanche; car les Berbères ne coupent point la tète aux morts. Les traces des chameaux et la direction vers l'ouest indiquaient assez quels étaient les meurtriers.

         Un mois après, à force de recherches, le fils de Chikh-Badda connut tous les détails de celle scène et quel était celui qui avait tué son père.
         " Tu as trouvé dans la plaine, lui écrivit-il, un Chïkh à barbe blanche, qui ne songeait qu'à la chasse et qui n'était pas armé en guerre; pourquoi l'as-tu tué? Celui qui chez nous n'est pas trouvé l'arme à la main ne doit point mourir; mais, puisque tu as oublié tous les usages de nos ancêtres, je serai plus noble que toi : je t'en préviens, si grand que soit ton ventre (4), toi vivant, je le remplirai de pierres. Je l'ai juré par le péché de ma femme. "
         Le courrier qui porta cette lettre au chef des Aïl-Desdegue pût donner une indication précise du lieu de campement de la tribu, et le fils de Badda partit aussitôt avec trente cavaliers, vêtus comme les femmes des Berbères et montés sur leurs meilleurs chameaux. Arrivés à une certaine distance du douar, ils firent coucher leurs mahara dans un ravin, se dispersèrent sur un petit espace, et, courbés à terre, connue des femmes qui ramassent de l'herbe et du bois, ils s'avancèrent lentement vers la tente isolée de l'assassin ; leur déguisement était si fidèle, qu'il leur cria lui-même plusieurs fois : " Hé ! Les femmes, ne coupez donc pas d'herbe si près de mes chameaux! "
         Peu à peu les fausses travailleuses l'entourèrent, et, à un signal donné, se jetèrent sur lui. L'heure était bonne; presque tous les hommes du douar étaient à leurs travaux, et avant que les cris de guerre les eussent rappelés, leur chef était bâillonné, attaché comme un sac sur un mahari, derrière un Soukemaren, et emporté dans la direction du Djebel-Mouydir.

         La nuit venue, on fit une halte de quelques heures; et, quand la lune se leva, on reprit la route pour ne plus s'arrêter qu'à l'endroit où Chïkh-Badda était enterré. Le prisonnier fut alors mis à terre, couché sur le dos, les jambes et les bras attachés à quatre piquets; on lui fit avaler ensuite une eau dans laquelle avait bouilli du sihkrane, et cette boisson l'endormit si profondément, qu'on pût, sans l'éveiller, lui fendre le ventre avec un couteau, le remplir de cailloux, et recoudre la blessure avec une aiguille à raccommoder les outres.
         La douleur enfin l'éveilla, il se tordait sur le sable comme un serpent à qui l'on a cassé les reins.
         Je t'ai rempli le ventre, ainsi que je le l'avais promis, lui dit le fils de Chïkh-Badda, va-t'en maintenant si tu veux. - Mes serviteurs, détachez-le.

         Le malheureux, m'a-t-on assuré, eut la force de s'en aller assez loin pour qu'on le perdit de vue ; mais on le retrouva, le lendemain, mort auprès d'un buisson. II avait été assez courageux pour couper la lanière de cuir dont on avait cousu sou ventre, ainsi que l'attestaient son couteau sanglant, ses mains ensanglantées et ses entrailles répandues sur les deux lèvres de sa plaie béante.
         Il suffit de ce trait pour donner une juste idée des passions farouches qui distinguent les Soukemaren et tous leurs frères les Touareug.
         Les Touareug blancs, les Touareug de race, ont des moeurs qui leur sont particulières. Ils se rasent la figure et les moustaches, et portent les cheveux si longs qu'ils sont quelquefois forcés de les tresser. Le peuple, lui, porte une forte moustache, relevée à la façon des Turcs, et la barbe; mais tous indistinctement ont le voile. Des hommes comme nous, disent-ils, ne doivent pas se laisser voir.
         Tel est le respect du khreddim pour le djieud, du serviteur pour le seigneur, que pour manger en présence de gens notables, un targui se cache derrière son bouclier. Dans les ghrazia, les chameaux sont pour les chefs, les moutons pour les simples cavaliers, et les autres prises, étoffes et marchandises, sont partagées dans la même proportion.

         Leurs armes sont : une longue lance à large fer, des javelots de six à sept pieds de long, dont la pointe est dentelée de crocs recourbés (taghreda), qu'ils portent attachés en faisceau sur le devant du mahari ; le bouclier rond ( darega ), maintenu au bras gauche par des lanières de cuir; il est fait de peau de buffle ou d'éléphant du Soudan, fixée avec des clous sur une planche ; le poignard (deraya (5)), qu'ils portent dans une gaine, appliquée sous l'avant-bras gauche, où elle est attachée par un cordon, de manière que le manche de l'instrument, qui vient se fixer au creux de la main, soit toujours facile à saisir et ne gène en rien le mouvement ; ils ne le quittent ni le jour ni la nuit. Quelques chefs seuls, et les plus riches, ont des fusils à pierres, que leur vendent les caravanes du Maroc.
         Il ne faut pas demander si le Targui aime son genre de vie.
         Ecoutons-le parler de ses armes et de son pays :
         Toutes les armes sont à craindre; mais la meilleure c'est le sabre, le large sabre de Ghredames ou du Maroc.
         Les balles et le fusil trompent souvent ;
         La lance est la soeur du cavalier; mais elle peut trahir ;
         Le bouclier, c'est autour de lui que se groupent les malheurs ;
         Le sabre ! Le sabre ! C'est l'arme du Targui, quand le coeur est aussi fort que le bras.

         Qui jamais voudrait quitter le Djebel Hoggar? La vie y est bonne et libre, et c'est un beau pays ! L'eau, Dieu en a mis dans toutes les vallées; les montagnes y sont couvertes d'arbres ; les vignes et les figuiers y donnent assez de fruits pour l'été et pour l'hiver ; le gibier y fourmille, la chasse y est facile, les chèvres, les brebis et les chamelles y sont des sources de lait, et ces moutons (ademan (6) ) qui n'ont point de laine et dont l'énorme queue traîne à terre, sont bien plus gras et bien meilleurs que les autres. - Beau pays, aimé de Dieu et loin des sultans !
         Des chevaux? Les Touareug en auraient s'ils voulaient, mais qu'en ont-ils besoin? Ils ont les vaisseaux de la terre, gouareb el beurr, ces infatigables mahara qui viennent d'Aouraouan et de Bou-Djebeaà. C'est avec le mahari qu'ils font ces immenses ghrazia jusque chez les Chambas, à cent cinquante ou deux cents lieues du Djebel Hoggar ; qu'ils surveillent la marche des caravanes, qu'ils vont sur les marchés du Sahara, en regard de leurs montagnes, les uns à Ghredames et à Souf, les autres à Touggourt, à Ouargla et dans le Touat, échanger contre des dattes, du blé et des vêtements, des peaux tannées du Soudan, des dépouilles d'autruche, de la poudre d'or, des défenses d'éléphants, etc., etc.

         Ce que leur laissent les caravanes, soit qu'elles aillent à Beurr-el-Adjem, soit qu'elles en reviennent, de la farine, de la rouyna, du kouskouçou, de l'huile, du tabac et autres denrées, présents appelés aàdet-el-kefoul (l'habitude des caravanes), complètent leurs provisions.
         Car ils sont trop fiers pour cultiver la terre comme des esclaves, et trop divisés pour avoir chez eux des marchés.
         Les richesses des gens du Teule, ce sont les grains ;
         Les richesses des Sahariens, ce sont les moutons;
         Les richesses des Touareug, ce sont les mahara.
         C'est une ghrazia qui a donné le commandement du Djebel Hoggar au chef actuel Mohammed-ould-Biska. Un parti des Chambas d'Ouargla surprit, il y a quelques années, aux environs du Djebel-Baten, une vingtaine de Touareug qui s'étaient séparés de leurs frères en course pour venir abreuver leurs mahara dans l'Oued-Mia. Il y eut beaucoup de mal des deux côtés; car c'était Khreddache, chikh du Djebel Hoggar, qui commandait les Touareug, et Ben-Mansour, chïkh d'Ouargla, qui commandait les Chambas.
         Dans la mêlée, le mahari de Khreddache s'abattit blessé, au pied d'un mamelon de sables; ce fut là le foyer du combat. Dix Touareug y furent tués, et, malgré l'acharnement des dix autres, leur chïkh fut enlevé.
         Quelques jours après, ils retrouvèrent son corps dans l'Oued-Mia, et l'on apprit que Ben-Mansour l'avait fait exposer sur les sept portes d'Ouargla, un jour sur l'une, un jour sur l'autre alternativement.
         A cette nouvelle, il y eut deuil dans le Djebel Hoggar Les mariages en projets furent suspendus, les lieux de réunions publiques désertés; chaque maître de la tente prit ses repas isolément, et les Djouad, ainsi qu'ils font quand ils pleurent un parent ou un ami, laissèrent croître leur barbe, se firent veufs de leurs femmes, et jurèrent ce serment en assemblée générale :
         Que ma tente soit détruite si Kreddache n'est pas vengé !

         Kreddache laissait au monde une femme, nommée Fetoum, et un petit enfant. Fetoum était grande et belle; sa figure se distinguait par des yeux bleus, beauté de race chez les Touareug, et son caractère était noble. Souvent, montée sur un mahari, elle avait suivi le chïkh en ghrazia, animant du geste et de la voix les combattants, souffrant comme un homme la faim, la fatigue et la soif.
         Selon la loi, elle devait commander avec le conseil des Djouad, en attendant que son fils eût l'age du pouvoir. Deux villes du Sahara de l'est, Touggourt et Tmacin, étaient à la même époque, suivant la même loi, gouvernées par deux femmes.
         La beauté de Fetoum et le rang que devait prendre celui qui l'épouserait la faisaient rechercher par tous les Djouad.
         Un jour qu'ils étaient assemblés dans sa tente, car des chouafa (espions) chargés de surveiller les Chambas venaient d'annoncer un mouvement de la tribu. Mes frères, leur dit-elle, celui de vous qui me rapportera la tête de Ben-Mansour m'aura pour femme. "
         Le soir même, toute la jeunesse de la montagne, armée en guerre, vint la saluer en lui disant : "Demain, nous partons avec nos serviteurs pour aller chercher ton présent de noces. "
         " Et je pars avec vous, " répondit-elle.

         Ce jour et le jour suivant furent employés en préparatifs; au fedjer du troisième, trois cents Touareug suivaient avec Fetoum la route d'Ouargla.
         On était au mois de mai, c'est-à-dire à l'époque où les caravanes se mettent en voyage, où les tribus sahariennes se dispersent pour aller faire paître leurs troupeaux, où les Touareug reprennent le désert. Les sables étaient tapissés d'herbes; tous les oueds avaient de l'eau.
         La petite armée, commandée par Ould-Biska, cousin de Kreddache, s'avança rapidement vers le nord-est, campa le huitième jour sur l'Oued-Mia; à quinze ou vingt lieues d'Ouargla, on envoya ses chouafa à la découverte. Le lendemain au soir ils étaient de retour ; ils avaient appris qu'une forte fraction de Chambas se dirigeait vers l'Oued-Nessa avec des troupeaux considérables.
         De leur côté, les Chambas étaient avertis qu'on avait vu rôder quelques Touareug, et que sans doute un parti nombreux était caché dans les environs. Un Targui à leur solde, la forêt n'est jamais brûlée que par son propre bois, était d'ailleurs parti du Djebel Hoggar par le droit chemin en même temps que la caravane et leur avait dit :
         Veillez, car le danger s'approche !
         Ben-Mansour avait alors dirigé l'émigration de sa tribu vers les pâturages du nord. " Les Touareug, pensait-il, n'oseront jamais se hasarder au centre de notre pays, et si loin du leur. "

         Mais son heure était venue, c'était écrit; et Dieu permit qu'au lieu de camper en force et de faire paître leurs troupeaux en commun, les diverses fractions des Chambas se fissent chacune un douar isolé.
         Par une marche forcée d'un jour et d'une nuit, les Touareug arrivèrent sur l'Oued - Mezab, à dix lieues seulement de l'Oued-Nessa, et s'y cachèrent, du soleil levant au soleil couchant, dans les broussailles et dans les ravins. - La nuit suivante, ils reprirent la plaine au trot allongé de leurs chameaux ; à minuit, ils entendirent devant eux les aboiements des chiens; un moment après, enfin, à la clarté des étoiles, quinze ou vingt tentes leur apparurent au pied d'un mamelon.
         Voici le douar de Ben-Mansour, dit au chef de la bande, le chouaf qui l'avait guidé.
         OuId-Biska jette alors le cri du signal, et tous les Touareug, en criant comme lui, s'élancent avec lui.
         Le sabre but du sang pendant une heure.
         De tous les Chambas, cinq ou six seulement, les plus heureux et les plus agiles, s'échappèrent; encore Ould-Biska, d'un coup de lance, arrêta-t-il un des fuyards.
         Au jour levé, Fetoum fit fouiller les tentes bouleversées; sous chacune il y avait des cadavres; hommes, femmes, enfants, vieillards, elle en compte soixante-six ; par la grâce de Dieu, un pauvre enfant de huit ou dix ans n'avait pas été massacré. Un Targui l'avait trouvé sous une tente abattue, blotti entre deux outres en peaux de chèvre ; il n'était point blessé, mais il était couvert de sang.
         Connais-tu Ben-Mansour? lui demanda Biska.
         - C'était mon père.
         - Où est-il?
         - S'il est mort, il est là, derrière ce buisson ; il m'emportait en fuyant; un de vous l'a frappé, nous sommes tombés ensemble. Tout ce sang est de lui, ajouta-t-il en pleurant; et sa main soulevait son burnous ensanglanté.
         - " Fetoum, c'est moi qui l'ai tué! s'écria Biska. Mes frères, ajouta-t-il ensuite en s'adressant aux Touareug qui se pressaient autour de Fetoum, cette nuit nous a fait de grands ennemis; épargnons cet enfant; une générosité en appelle une autre. "
         Au même instant, deux Soukemaren arrivèrent, portant le corps de Ben-Mansour, l'un par les pieds , l'autre par la tète ; la foule s'ouvrit devant eux pour leur donner passage, et se resserra bientôt plus pressée pour voir le cadavre qu'ils avaient déposé sur le sable, devant Fetoum.
         C'était un homme de race, tout à fait blanc ; la lance d'Ould-Biska l'avait frappé dans le dos, et était sortie par la poitrine.
         Fetoum, immobile, mais les lèvres contractées, le regardait avidement.
         " Ould Biska, dit-elle, je suis à toi, comme je l'ai promis; mais prends ton poignard, finis d'ouvrir le corps du maudit, arraches-en le coeur, et jette-le à nos sloughis. " - Et il en fut fait comme elle avait ordonné. Les chiens des Touareug ont mangé le coeur du chef des Chambas !

         Depuis ce jour, les gens d'Ouargla ont remplacé la corde en poil de chameaux dont ils ceignaient leur tête, par une corde en alfa (herbe); ils ont juré de ne reprendre la première qu'après la vengeance, et ils ont écrit à leurs frères de Metlily et de Gueléa de se tenir prêts à les suivre; car, bien que dispersés à de grandes distances, les trois factions des Chambas n'ont pas cessé d'être en alliance. Si l'une d'elles est insultée et n'est pas assez forte pour se venger, toutes se réunissent en un lieu désigné, et là, devant Dieu et les marabouts, elles jurent, par le livre de Sidi-Abd-Allah, ce serment consacré :
         " Nous mourrons ta mort, nous perdrons tes pertes, nous ne renoncerons à ta vengeance que si nos enfants et nos biens sont perdus et nos têtes frappées. "


1.- Lévriers.
2.- Du point du jour au coucher du soleil.
3.- Le puits des Aribs. La tribu des Aribs campe à l'extrémité sud du désert marocain. Le puits dont il est parlé doit être situé assez loin de leur territoire en revenant vers l'est.
4.- On dit proverbialement des voleurs qu'ils ont le ventre large, pour désigner leur insatiabilité.
5.- Littéralement le brassier.
6.- On en voit plusieurs individus au Jardin des Plantes.

A SUIVRE

3 CIGOGNES
Envoyé Par Marie


          3 cigognes se rencontrent dans le ciel et se demandent les unes aux autres
          - Tu vas où ?
          - Hooo, je vais chez un couple qui essaye d'avoir un enfant depuis 10 ans...
          Je leur apporte une petite fille.
          - C'est cool !
          - Et toi ?
          - Je vais chez une dame qui n'a jamais eu d'enfants. Je lui apporte un petit garçon !
          - C'est bien, je suis sûre qu'elle va être vraiment heureuse.
          - Et toi ? demandent les deux à la troisième cigogne.
          - Moi ? Je vais juste là à côté, au couvent. Je ne leur apporte jamais rien mais j'adore leur foutre la trouille..


CONTE EN SABIR
Par Kaddour

LI CHACAIL Y LA CIGOGNE
[FABLE IMITÉE DE LA FONTAINE]

                On jor Sidi Chacail y lir l'anvitation,
             Por qui ji viann mangi quiqu' soge dans son mison,
             A madam' Cigogne, qui cit on mazimazile
             Oui mange pas beaucoup, ma qui son difficile,
             Li couscous son pas bon ; y son migre, akarbi
             Barc' qui Sidi Chacail y son plous qui youdi.
             Y l'mittra sor la table, dans on pitit assiette,
             Por qui la Cigogne y ni prendra pas miette.
             Li Chacail, gran volor, boulotra tot d'ou coup
             Y lisse Io l'anvité, qui mang'ra riais di tout.
             La Cigogne y maroun', y dit : - " Cit grand salti,
             Y si fotra di moi ! ma j'ti fir carroti
             A mon tour. "
             Y son bassi quiqu' jours

             Y trouvi cit Chacail : y loui dit : - Camarade,
             Fir blisir, ti viendra, por mangi afic moi :
             Mon mison son to pri ; cit oil promenade,
             Y ti mang'ra on pol surin, ixpri por toi. "
             Li Chacail y l'accepte y loui dit : - Mon zamie
             Afic vous ji fir pas jami cérimonie "
             Quand arrivi li jor, por ji mangi eil, pol.
             Li Chacail y viendra, il iti comme on fol.
             Y fir salamalek : Y senti li bollion,
             Y pensi qui cit pol, por sur il it tri bon.
             La Cigogne y l'copra en tot pitit morceau :
             Apri y loui mitra en didans d'on boutille.
             Por mangi, li Chacail, ji souis bian difficile.

             Jami afic son boche, Y po prendre cit fricot.
             La Cigogne mang'ra tout. Li Chacail, coilloné.
             Y torne à son mison, sans qui ji rian mangé.
             Y train'ra son la queue, y baiss'ra son zoreille.
             Plous coillon comme loui, ti trov' pas sou bareil,
             Y son, por ma parol, comme si ji souis frapi,
             La mime soge si citte pol, por lui ji son trapi

                          MORALE

             Carottier cit por toi qui ji fir Cit fable
             Ti voir por caroti, comme toi ji souis capable.

 

PHOTOS DE VIE BÔNOISE
Envoyé par M. divers donateurs

La Rue Louis-Philippe à Bône en 1962
Photo appartenant à Mme Claudine Di-Costanzo et envoyée par Mme Mateu.



Le 14 Juillet 1958 à Paris
Photos appartenant à M. Yves JAN et envoyées par lui-même.
Et oui le 14 juillet 1958 nos anciens, aussi, avaient été à l'honneur sur les Champs Elysées sous la haute présidence de M René COTY, président de la république française ! Inoubliable pour ceux qui y ont participé !
N'oublions pas de tels moments de fraternité .


BULLETIN        N°12
DE L'ACADÉMIE D'HIPPONE

SOCIÉTÉ DE RECHERCHES SCIENTIFIQUES
ET D'ACCLIMATATION


TAKOUCH
SES ROCHES ET SES PIERRES FINES
Par M. A. GOUJON.

          Il n'y certainement pas en Algérie de village plus pauvre que le village d'Herbillon. Il n'y en a guère non plus dont le site soit plus charmant ; l'aspect verdoyant et accidenté des montagnes s'y trouve réuni à l'horizon sans fin de la mer.

          Malgré leurs travaux incessants, les habitants n' y sont riches que d'espérances. Quelques-uns croient à l'existence du trésor de la grotte de Takouch, basée sur une curieuse tradition des Maures de Bône, et qui a déjà donné lieu à des recherches assez coûteuses, restées naturellement sans autre résultat que de laisser subsister l'espérance de sa découverte. Les autres, et c'est la grande majorité, sont persuadés que leur sol de rocher renferme des mines, dont, il faut en convenir, il n'a jusqu'à présent été rencontré aucune trace, car on ne peut prendre pour mine métallique le dépôt, assez considérable, à qu'il paraît, de sulfure de fer, sperkise, que la mer vient battre à deux ou trois kilomètres an sud-est des ruines de l'ancienne Takatua. Ce serait plutôt une mine de souffre qu'une mine de fer.
          Cette localité est surtout riche de la diversité des roches volcaniques qui s'y rencontrent. Le basalte dur, ou quelquefois altéré, en couches concentriques autour d'un noyau rond, y forme le Ras-Takouch qui s'élargit dans la mer et point au sud un mamelon de trachyte renfermant des calcédoines et de l'opale sous diverses formes.
          La dolomie brune s'y rencontre sur le bord de la mer, non loin d'une roche qu'on a appelée porphyre vert, mais qui est en réalité une diorite, granitoïde à la partie inférieure, et porphyroïde à la partie supérieure. Cette diorite, dont on fait les bordures de trottoirs à Bône, constitue le massif le plus élevé de la localité et s'étend fort loin.
          Entre ce massif et la dolomie il existe une argile grise qui contient encore les débris du schiste aux dépens duquel elle a été formée. Ces débris sont apparents dans la partie inférieure, au bord de la mer, Cette argile, dans laquelle on a trouvé des sulfures de fer en forme d'amande, devient rougeâtre auprès du village. Elle .est mobile, glissante, et ferme un embarras pour les constructeurs obligés de s'y établir.
          Au-dessus des trachytes, et parfois mêlés avec eux, on trouve une roche à cassure conchoïde et lisse, paraissant se rapprocher de la serpentine, et qui est entourée d'une argile siliceuse jaune assez tendre, accompagnant souvent la serpentine, et contenant, dans certaines localités, des silex colorés, tels que des cornalines et des sardoines qui se trouvent ici avec de l'opale.

          Sous le trachyte est un banc de quartzite très compacte et très fin, de couleur gris verdâtre foncé, aussi dur que le silex, dans lequel j'ai trouvé de belles opales du genre dit du. Mexique. S'il y avait des mines dans ces contrées, c'est peut-être sous ou dans ce quartzite qu'on les rencontrerait.
          J'ai trouvé dans cette roche une veine dans laquelle le spath calcaire est mêlé à la calcédoine et l'opale et qui contient un filon très mince de sulfure de fer. Cette disposition du calcaire parait très rare dans cette localité, et pourrait bien être l'indice de quelque minerai.
          L'élément calcaire n'est représenté dans ces roches volcaniques que par cette veine ; s'il y en a d'autres, elles sont encore inconnues, tandis que la calcédoine, plus ou moins mêlée à l'opale, s'y trouve en grande quantité.
          Le pays n'est pas pour cela privé de chaux car des travertins, ou tufs calcaires, reposent en grande masse sur le basalte, au bord de mer et au fond des deux baies que forme le cap. Ils sont de formation bien plus récente que le terrain volcanique.
          Celui-ci parait se prolonger, sur une largeur de deux à six kilomètres, jusqu'au cap de Fer qui est à sept ou huit lieu de là, du côté du couchant.
          Ce district est riche de ses forêts de chêne-liège et d'oliviers, de sa proximité de la mer, et de la sûreté de sa rade. {
          La meilleure preuve que l'on en puisse donner, c'est l'établissement important créé là par les Romains, et dont on voit les mines assez étendues, mais dont on ne saurait peut-être pas le non, si la carte de Peutinger ne venait l'indiquer d'une manière à peu prés certaine. Le village d'Herbillon est établi en partie sur les ruines de l'ancienne Takatua, et le nom arabe de Takouch, qui désigne le massif montagneux et le cap qui en est le prolongement dans la mer, est bien certainement un dérivé du nom romain Takatua.

          Les ruines des bâtiments publics de cette ancienne ville gisent au-dessous de la source très abondante et très vive qui alimente le village.
          Les anciens habitants devaient vivre surtout des produits des forêts, de ceux de la mer, et des transports qu'elle facilite. La rade est un port naturel aussi sûr et peut-être plus facilement abordable et plus profond que celui de Bône. Elle n'est ouverte qu'aux vents d'est.
          Les forêts voisines devaient fournir des bois de construction pour les navires. Les travertins, que les Romains ont toujours employés en grande quantité dans leurs bâtiments, ne leur manquaient pas ici, et le vide immense qu'ils ont pratiqué dans cette roche indique qu'ils ont dû en amener dans les villes voisines et en faire un commerce étendu. Nul doute aussi qu'ils n'aient exploité les pierres fines que les roches volcaniques contiennent en abondance, et que celles de couleur que l'on trouve encore à présent à la surface du sol ne soient des restes négligés par eux.
          Peut-être y a t'il de la témérité à supposer que le nom de Takatua vient par harmonie imitative du bruit du travail de la pierre et des coups de marteau qui troublaient alors le silence de cette localité, soit pour I'extraction des matériaux de construction, soit pour la recherche et l'ébauchage des pierres fines très estimées par les anciens Romains, et dont le commerce se centralisait à Carthage, qui en recevait non seulement des îles et des rivages de la Méditerranée, mais encore des Indes Orientales.

          On ne trouve pas souvent une aussi grande variété de roches réunies dans un si petit espace. Si on étend les recherches quelques kilomètres du côté de l'Èdough, quatre ou cinq au plus, on rencontre toujours sur le bord de la mer des calcaires propre à la fabrication de la chaux hydraulique et du ciment, accompagnés du bois nécessaire la cuisson. Il ne manque là que le savoir et les capitaux. Ce qu'il y a de singulier, c'est que le savoir parait manquer là où il a le plus la prétention d'exister. On fait fabriquer à grands frais des pavés avec de gros cailloux roulés, en granite de Takouch, qui n'est autre que cette diorite dont j'ai parlé plus haut. En employant au même usage le basalte prismatique qui est sur le bord de la mer, on aurait des pavés au moins aussi durs, de forme irrégulière, il est vrai, mais sans autre travail que celui de l'extraction, et par conséquent à meilleur marché ; mais il faudrait s'en occuper, c'est là seulement que gît la difficulté.

          Ce basalte est pour les constructions une richesse délaissée jusqu'à présent. Les parties altérées en couches concentriques forment une sorte de wacke, sable assez facile à désagréger avec la pioche, et qui donne avec la chaux un meilleur mortier que le sable de mer. Je ne doute pas qu'on ne rencontre la pouzzolane dans ces terrains volcaniques dont l'altération en certaines parties a rendu les roches les plus dures, basalte ou diorite, très friables.

          C'est dans une veine de basalte désagrégée, vidée par les effort continus de la mer, sur laquelle elle est ouverte, que la grotte de Takouch parait avoir été pratiquée.
          Le travail de la mer a. peut-être été aidé par les eaux douces d'une source actuellement assez faible, mais qui a dû être bien plus forte et a déposé des stalactites dont il .ne reste que quelques rares vestiges sur le sol et qui ne peuvent guère s'expliquer autrement, car tout est basalte dur ou wacke autour de ce gouffre remarquable.
          Le visiteur qui ose se hasarder est surpris par une musique inattendue qu'il trouverait charmante .si les baisers possibles des musiciennes ne venaient le préoccuper désagréablement. Les virtuoses sont des chauves souris qui, effrayées par les lumières dont les visiteurs doivent se pourvoir, produisent par leurs cris un gazouillement sans fin, et viennent parfois, dans leur vol désordonné, effleurer de leurs ailes le visage des importuns.

          Au reste, ces charmantes bestioles ont bon caractère et vivent en bonne relation de voisinage avec les pigeons qui habitent l'entrée de la grotte, et avec les aigles .et les vautours qui nichent sur les prismes de basalte, à l'extérieur. Chacun vit et se reproduit à son aise. Les chauves-souris tapissent le plafond de la grotte et y sont en nombre incalculable. Les pigeons ont moins de place à leur service. Il n'y en a que quelques centaines, et il ne parait pas que l'on puisse compter les aigles et les vautours autrement que par dizaine de paires.
          Cette grotte dans laquelle on a très gratuitement supposé un trésor caché, et que les Arabes appellent Grotte de l'Aigle, est assez étendue. Elle peut avoir cent et quelques mètres de longueur sur de trois à mètres de largeur.
          Elle a été, certainement, le théâtre d'événements tragiques qui ont peut-être laissé leurs traces sur ses parois
          Vers le milieu de la longueur, au point où l'on débarque, les parois et le sol ont leurs surfaces vitrifiées à tel point qu'il faut de la précaution pour ne pas glisser, en débarquant, sur la surface polie et arrondie de la roche, et tomber à la mer. Cette vitrification, qui a peut-être été aidée par la présence du calcaire, ne parait pas due à une action volcanique, mais bien un foyer qui a été restreint dans son effet. Aurait-il été allumé par la main d'hommes attaquant et voulant réduire par le feu leurs ennemis qui s'étaient réfugiés dans cet antre obscur? Toutes les suppositions sont permises.
          On ne peut y pénétrer que par une mer très calme, surtout à cause d'un écueil fleur d'eau, très pointu, qui se trouve à I'entrée, et qu'il faut éviter, ce qui est difficile avec une mer agitée même légèrement.
          En pratiquant une galerie, qui ne serait pas très difficile à faire dans la roche sableuse qui est derrière la montagne, on pourrait pénétrer par la terre dans cette grotte. Ce travail ne se fera sans doute jamais. II enlèverait d'ailleurs le mérite de cette visite difficile qu'une seule dame ait osé faire jusqu'à présent.
          Les basaltes ont la cassure grenue, de couleur grise plus ou moins foncée. Si on les expose à une chaleur suffisante pour les fondre, ils donnent un verre noir, opaque, très brillant. L'essai en a été fait par hasard dans un four chaux. On n'a pas encore trouvé de péridot. Il n'est pas dit qu'on n'en rencontrera pas.
          En revanche, les pierres fines du genre siliceux existent en abondance, soit dans les trachytes, soit dans les terres jaunes qui accompagnent .les roches serpentineuses.

          On voit, dans les premiers, les calcédoines en plaques ou en rognons, dont beaucoup affectent la forme d'un culot, ou plutôt d'une larme qui aurait été déposé sur un plan incliné quand la matière avait la consistance dé sirop épais, ce qui lui a permis de prendre l'empreinte des graviers sur lesquels les larmes se posaient. Ces rognons varient en grosseur depuis celle d'une tête d'épingle jusqu'à celle d'un œuf de poule. Beaucoup d'entre eux sont creux et finement cristallisés à l'intérieur. Ils sont souvent entourés d'opale, et généralement de couleurs claires, blanches, tirant légèrement sur le bleu, le violet ou le vert, ce qui dans l'origine de nos recherches, a fait dire à notre ami et vice-président, dans son Essai de catalogue minéralogique, au sujet de la rareté des agates algériennes, " qu'on ne trouverait pas d'agates très colorées en Algérie. " Ceci est devenu une erreur, car j'ai rencontré depuis longtemps des agates et des onyx rouges, roses, jaunes, violets et verts, de couleurs très vives.
          N'ayant pas fait de fouilles jusqu'à présent, par suite de l'opposition inexplicable de la préfecture de Constantine je n'ai pu en récolter de grandes quantités. Plusieurs des échantillons que j'ai ramassés sont uniques. Les pierres de couleurs vives sont toutes dans le même terrain jaune, près de ce que je prends pour des serpentines. Elles ont, dans ce gisement, une apparence de dureté de et de finesse qui leur donne une qualité bien supérieure à celles trouvées dans le trachyte. On pourra y rencontrer des opales dures, dites orientales, puisque dans les pierres que j'ai fait tailler, il en a quelques-unes qui présentent des parties irisées.

          Les Romains ont exploité toutes ces pierres, et ont enlevé ce qu'il y avait de mieux. La mer, avant eux, ayant englouti presque tous les conglomérats basaltiques et trachytiques, en a emporté plus encore qui sont réservés pour les âges futurs.
          Les terrains volcaniques qu'on peut observer de Takouch au cap de Fer ont, sans doute, une surface bien restreinte en comparaison de celle qui est immergée. II n'est resté hors de la mer que des rochers trop solides. Les débris sont rares à la surface accessible aux recherches. Tout porte à penser que le foyer principal de ces terrains volcaniques est sous les eaux, et on ne trouve quelques débris que dans les cailloux roulés que présentent certaines plages très peu étendues.
          Les espèces siliceuses anhydres rencontrées par moi comprennent les calcédoines, les cornalines, les sardoines, les .onyx de diverses couleurs, enfin, un grand nombre de variétés d'agates. Cependant, l'héliotrope, ou le rouge mêlé au vert, n'y a pas été vu. Mais chacune de ces couleurs s'y trouve isolée.

          Le genre siliceux hydraté, appelé opale, est assez abondamment représenté, surtout en tenant compte des surfaces assez restreintes de terrain où il se rencontre.
          On sait que l'opale, plus ou moins translucide, à la cassure résineuse, c'est à dire conchoïde, très brillante, et d'un poli que le poli artificiel n'égale pas toujours. Ces cassures présentent souvent des esquilles formant un angle très aigu, qui restent attachées à la pierre par le coté le plus épais. Ces esquilles, regardées au soleil avec une loupe, et tournées du côté convenable, présentent toutes les couleurs de l'arc en ciel disposées par bandes assez régulières. II faut que l'opale soit bien opaque pour ne pas posséder ce caractère. J'ai ramassé au moins une quinzaine de variétés de ces pierres, de couleurs diverses. Un seul morceau, un peu moins gros que le poing, contenait cinq ou six colorations différentes : le blanc, le bleu, le nankin, le rose et le bleu foncé s'y voyaient avec des dégradations de teintes d'une couleur à l'autre. Je dois dire que je n'ai trouvé que cinq ou six variétés en quantité assez: grande. Dans ce genre, comme dans celui d'agate, beaucoup d'échantillons sont uniques.

          Je crois être sur la trace de l'opale irisée, qui seule a de la valeur; .mais je ne l'ai pas encore vue. J'ai étudié ces pierres avec l'attrait que leur donnait pour moi la nouveauté, et je suis arrivé à en iriser, il est vrai faiblement, une certaine variété.
          Il m'a semblé que les opales gisant dans les roches volcaniques de Takouch pouvaient comporter un classement en quatre genres que je distinguerai par la dureté de la roche dans laquelle elles se rencontrent, et qui, certainement, sont différentes par la quantité d'eau qu'elles contiennent et que la chaleur à laquelle elles ont été exposées après leur formation leur a permis de conserver.
          Le premier genre existe dans un quartzite fin et très dur gisant sous les trachytes. Il se rapproche beaucoup de l'opale dite du Mexique et varie en couleurs, du bleu presque transparent au jaune plus ou moins foncé ou translucide, et au blanc opaque.
          Je n'en ai encore trouvé qu'une pierre dans laquelle l'opale est empâtée et en petites veines très fendues. Cette variété, après sa formation, a du être soumise à une grande chaleur que le quartzite a subie. La pâte en est compacte, très fine, et la cassure très brillante. Elle donne des feux rouges et jaunes.
          Le second genre accompagne les roches que j'ai prises pour des serpentines, et qui sont assez tendres. Les échantillons trouvés sont en morceaux plus grands que les précédents, à cassure très polie et douce au toucher, souvent d'un blanc tout fait opaque, avec de petites parties presque transparentes, pâte très fine, donnant des feux comme le précédent.
          Le troisième gît dans les trachytes avec les calcédoines, auxquelles l'opale est souvent adhérente. Elle existe en assez grande quantité. Elle parait avoir été déposée, formée avec la calcédoine et le trachyte lui-même, dans des eaux qui subissaient les effets d'une chaleur et d'une pression considérables. Elle est souvent recouverte d'une pellicule verte qui couvre également aussi la calcédoine. Sa couleur est le blanc plus ou moins bleuâtre.

          La pâte ne parait pas aussi fine que celle des genres précédents. La translucidité est la même. La cassure est moins brillante; elle n'est pas lisse ni douce au toucher.
          Ce genre n'a probablement pas subi de modification depuis sa formation et ne donne que peu ou pas de feux.
          La quatrième variété contient toute l'eau que l'opale peut contenir en sortant du sol. Elle ne paraît avoir subi aucune modification depuis sa formation. Elle est finement arborescente dans quelques parties. Elle se trouve dans une roche siliceuse, tendre jusqu'à être terreuse, et de couleur jaune. Quand on l'extrait, elle est d'un jaune verdâtre qui ne présente rien d'agréable. Elle a des parties opaques et plus ou moins translucides, jusqu'à la transparence ; par couches qui se fondent entre elles. Les parties translucides, séparées des autres, prennent une couleur opaline, agréable à l'oeil par une longue exposition à l'air, et donnent alors des feux rouges tirant sur le jaune, mais bien moins forts que dans les deux premières variétés.
          En séchant, elle perd de sa transparence par l'exposition à une douce chaleur. Elle blanchit et devient opaque; mais en la mettant dans l'eau pendant quelques jours, elle reprend sa translucidité. Elle est donc hydrophane, mais cette propriété ne se manifeste pas rapidement. Ce sont des pierres de cette variété que j'ai pu iriser artificiellement. Elles contiennent du sulfure de fer dont la décomposition a souvent coloré les fentes en rouge, et a produit les arborisations qu'on y voit. J'ai trouvé une veine de ce genre ; la pâte en est fine, à cassure lisse ou ondulée, plus ou moins brillante.

          À la vue d'une pierre brute, chacun de ces quatre genres d'opale pourra être facilement reconnu par les caractères que j'ai indiqués. Mais le travail peut tellement modifier ces pierres, qu'il sera souvent difficile de les reconnaître après la taille.
          On sait qu'en Allemagne on teint les agates et qu'on leur fait prendre diverses couleurs en les trempant dans l'huile et dans diverses matières colorantes auxquelles on peut faire subir des réactions chimiques qui leur donnent une coloration très .vive et très solide. On a traité certains genres d'opale de la même manière, ce qui a fait dire à quelques auteurs que l'opale brûlée ou traitée par l'acide sulfurique devient noire. Cela n'est vrai que pour celles qui ont été trempées dans un liquide contenant du carbone qui les a pénétrées.
          Les opales naturelles, brûlées par le feu ou l'acide sulfurique, deviennent blanches opaques, et si les plus belles trouvent dans des roches dures qui ont été soumises à une chaleur énorme, dans lesquelles certaines parties ont conservé leur transparence, c'est que cette chaleur a été accompagnée d'une pression tellement forte que nous pouvons à peine nous en rendre compte, et que cette pression a retenu dans l'opale qui s'y trouvait exposée l'eau d'interposition. J'ai assez étudié ce genre de pierre pour pouvoir dire que l'irisation des opales, ou du moins un certain genre d'irisation, est due à la position relative de trois surfaces polies et brillantes, dont deux sont juxtaposées, et la troisième, celle par laquelle la lumière parait pénétrer, et surtout être transmise à l'oeil, est légèrement inclinée sur les deux autres. C'est l'effet du prisme de glace qui serait traversé en retour par la lumière décomposée qu'il produit et qui serait réfléchie par une surface polie placée derrière et contre lui.
          Les quartz hyalins, fendus de la même manière, produisent le même effet. Autrefois, sous Louis XV, on les désignait sous le nom d'iris et on les montait en bijoux qui faisaient presque autant d'effet que le diamant. La mode en est tombée, parce qu'on peut les produire artificiellement avec facilité. On trouve de très beaux iris naturels dans l'Édough.
          L'irisation des opales des joailliers, qui a un caractère particulier, pourrait bien être produite par une très fine texture sphérique au polyédrique de certaines variétés de ces pierres.

1876        

Anse du cap Takouch

A SUIVRE

PHOTOS D'ECOLE
Envoyé par Mme Michèle Rochas née Dilettato

ECOLE BEAUSEJOUR
Cours Préparatoire en 1950/1951

___________________
Cours Elémentaire 1ère année en 1951/1952

___________________
Cours Elémentaire 2ème année en 1952/1953

___________________
Cours Moyen 1ère année en 1954/1955

Est-ce que d'autres amies se reconnaîtront-elles ?
Merci Michèle

L'ŒUVRE DE F.-C. MAILLOT
                                                                                                          N° 5

ANCIEN PRÉSIDENT
DU CONSEIL DE SANTÉ DES ARMÉES

Deuxième Edition
PARIS 1894
OCTAVE DOIN, ÉDITEUR
8, PLACE DE L'ODEON

MAILLOT François-Clément, né à BRIEY (Moselle) le 13 Février1804. Ancien Président du Conseil de Santé des Armées, Commandeur de la Légion d’Honneur, récompense nationale attribuée par la loi du 25 juillet 1888. Ancien médecin en chef de l’hôpital militaire de Bône 1834-1836.

TRIBUT DE RECONNAISSANCE DU COMITÉ
D'ÉTUDES MÉDICALES DE L'ALGERIE

IV. - NOSOLOGIE

LETTRE
SUR LE TRAITEMENT DES FIÈVRES INTERMITTENTES DE L'ALGÉRIE,
ADRESSÉE A M. LE Dr GOURAUD,
ANCIEN MÉDECIN DES INVALIDES A AVIGNON.

Lille, 19 octobre 1846.       


       MONSIEUR,

       Vous avez écrit de si belles pages sur les fièvres intermittentes, vous avez si généreusement, si loyalement applaudi aux efforts de vos contemporains que du fond de votre retraite vous devez, je n'en doute pas, porter le plus vif intérêt aux travaux des médecins qui nous ont succédé en Algérie. Ces sentiments, je les partage, et je suis heureux toutes les fois que de nouvelles recherches viennent élucider les questions si difficiles et si importantes de la pathologie de ce pays, où nous avons eu l'honneur de militer en même temps.

       Que votre coeur, Monsieur, a dû cruellement souffrir en lisant le mémoire que M. Casimir Broussais vient de publier sur ce sujet et dans lequel il apporte, en 1846, l'autorité de sa parole à ce que j'ai avancé en 1834 sur le traitement des fièvres intermittentes et rémittentes, parmi lesquelles, à tort ou à raison, il range sans distinction aucune les affections auxquelles j'ai donné le nom de fièvres pseudo-continues; comme moi, " il a une grande confiance dans les saignées associées au sulfate de quinine... Elles enlèvent le mal en quelques heures pour ainsi dire. "
       Que j'aie, moi, en 1834, avancé de semblables propositions, c'était tout simple : nous n'avions pas encore été éclairés par le flambeau de votre génie, puisque vous ne nous avez fait voir la lumière qu'en 1842. Mais aujourd'hui, en l'an de grâce 1846 et de votre ère la quatrième, c'est faire preuve d'un entêtement inconcevable. Aussi j'espère bien que vous allez tancer d'importance ce jeune récalcitrant! Terrassez-le sans pitié, je vous en conjure ! Jetez-le sur ce lit d'épines où vous nous avez tous cloués : et ce pauvre Bailly, de Blois, qui ne peut vous répondre de l'autre monde ; et ce pauvre Worms, cet esprit si incisif et si subtil ; et ce pauvre Boudin, mon excellent et si savant ami. Je ne parle que de ceux que vous avez mis au pilori et que vous avez " condamnés " à la géhenne. Vous en écorchez beaucoup d'autres encore et des meilleurs ; mais cependant pour ceux-là, j'en conviens, vous avez été assez bon prince.

       Vraiment, Monsieur, vous avez fait une œuvre fort drolatique. J'aime les excentricités, c'est dans ma nature ; à ce titre donc, votre livre a beaucoup de droits à me plaire, et il serait infiniment de mon goût si vous ne m'aviez pas si maltraité. Soit dit entre nous, vous m'avez rudoyé ; et je ne sais en vérité à quoi l'attribuer, car, la main sur la conscience, je ne méritais " ni cet excès d'honneur, ni cette indignité " ! Mon pauvre nom reparaît à chaque instant dans votre livre ; dès la préface, je me suis heurté à une phrase aigre-douce, qui ne me présageait rien de bon pour l'avenir, et je ne m'étais pas trompé. Entre autres aménités à mon adresse, je trouve celle-ci à la page 126 : " Un des travers de l'époque est le mépris que les jeunes hommes affectent pour les anciens et les modernes. "
       Il est heureux pour moi, Monsieur, que vous disiez dans une note (page 13 i) que " vous ne me connaissiez pas personnellement ". Il est heureux aussi que, pour faire cette incroyable sortie, " vous ne me parliez pas par la fenêtre " (page 312), ainsi que vous le dites si gentiment pour votre collègue Boudin, à l'occasion des préparations arsenicales, car, si vous n'aviez pas eu cette réserve, si vous aviez placé tout le monde dans votre confidence, vous sentez bien que je n'oserais plus mettre le nez à la porte.

       Mais il me semble, Monsieur, que, puisque vous ne me connaissez pas, il y avait encore mieux à faire : il fallait ou vous taire sur ce sujet, ou prendre des renseignements sur mon compte ; et alors vous auriez su que j'ai toujours professé une profonde vénération pour les vieillards. Elève, professeur, j'ai toujours aimé à les écouter, à profiter de leurs conseils ; j'ai constamment suivi leurs avis, et, aujourd'hui premier professeur, médecin en chef de l'un des hôpitaux militaires d'instruction, je n'ai pas changé. Plusieurs de mes premiers maîtres vivent encore ; j'ai pour eux une piété filiale comme quelques-uns ont pour moi une affection de père.
       Vous vous vantez beaucoup, Monsieur, de connaître les Anciens ; je ne vous crois pas ; et ma raison la voici : Notre esprit se ressent des lectures qui nous sont familières, de même que notre société habituelle modifie notre caractère et nos moeurs. Eh bien! Monsieur, dans les Anciens, vous ne trouverez rien qui ressemble à vos allures. Certes, ce n'est ni dans Hippocrate, ni dans Sydenham, ni dans Baillou, ni dans Baglivi, que vous avez pris vos modèles. A l'école de ces grands maîtres, on apprend à respecter soi et les autres, et c'est ce que vous ne faites pas. Recevez, en passant, cette leçon d'un homme que vous voulez bien appeler jeune et qui serait fort disposé, je vous assure, à vous croire sur parole, si sa barbe grisonnante ne le prémunissait contre vos flagorneries !

       Je ne vous connais pas personnellement non plus, moi, Monsieur ; tout ce que je sais de vous se réduit à ceci, et je n'y trouve pas l'éloge de votre coeur : Vous êtes entré dans notre corps contrairement aux lois et ordonnances qui nous régissent ; mais vous n'aviez pas de pain et nos rangs se sont ouverts pour vous recevoir. Vous étiez dès lors obligé, ce me semble, à quelque reconnaissance. Loin de là, vous n'avez eu que des paroles outrageantes pour ceux d'entre nous qui, malgré les fatigues de la guerre, recueillaient péniblement des matériaux pour la science. Si nous nous trompions, vous pouviez le dire et le prouver, c'était votre droit. Mais, tout en nous réfutant, vous deviez nous tenir compte de nos efforts pour faire le bien, et vous ne deviez pas nous combattre avec des armes dont ne se servent jamais les gens bien élevés.
       Je reviens, Monsieur, à votre charmante note de la page 134 ; elle me semble trop jolie pour que je résiste plus longtemps à la tentation de la transcrire ; la voici donc : " Nous ne connaissons pas le Dr Maillot personnellement et nous lui croyons les meilleures intentions ; mais, quand nous le voyons professeur à l'hôpital d'instruction de Metz, à son retour d'Algérie, où sa méthode a dû coûter la vie à tant de nos soldats, nous ne pouvons nous contenir et nous crions au feu! "

       C'est très beau, fort beau, et il ne me serait pas possible de faire mieux. Je ne vous crois pas, cependant, aussi méchant que vous vous efforcez de le paraître. Je ne pense pas, par exemple, que votre désir soit de me voir rôtir sur des charbons ardents. Je soupçonne que vous avez tout simplement voulu pousser un cri d'alarme pour engager les jeunes gens à fuir mon enseignement. Notez bien cependant, Monsieur, que, si l'Administration vous avait pris au sérieux, elle m'eût enlevé une position que je ne devais qu'à mon travail ; et, quoique ce soit moins grave que d'être grillé tout vif, c'est encore plus de mal, je pense, que vous ne m'en souhaitez.
       Quant à l'influence sur la mortalité en Algérie de ce que vous voulez bien appeler ma méthode, bien que ce ne soit qu'un retour aux idées des Anciens, vous tenez décidément à ce qu'elle ait été désastreuse.
       Voilà qui est étrange, Monsieur, après les événements si connus de Bône, après la consécration que le temps a donnée à la doctrine que j'ai formulée et que, pour me servir des expressions de M. C. Broussais, j'ai scientifiquement établie en signalant franchement les faits tels qu'ils s'étaient présentés à mon esprit étonné... en faisant connaître, par des preuves authentiques et suffisamment accumulées, un genre de maladie tout nouveau pour la plupart des médecins français.

       Vous voyez donc, Monsieur, que, malgré vos mirifiques travaux, mes idées thérapeutiques sont devenues celles de la plupart des médecins de l'Algérie, ainsi que le dit encore M. C. Broussais, dont les recherches, toutes récentes, viennent pleinement, sur ce point, confirmer les miennes. Aussi, malgré vos assertions, je continuerai à croire que j'ai rendu de grands services à l'armée d'Afrique, que j'ai largement contribué à diminuer la mortalité dans ses rangs, et que chaque année plusieurs centaines de malades me doivent la conservation de leur existence. C'est, du reste, une opinion consacrée dans le corps des Officiers de santé militaire.
       " Voulez-vous plus, Monsieur? Désirez-vous le témoignage d'un médecin qui a été acteur bien dévoué, bien zélé, bien consciencieux, dans les épidémies de Bône en 1833, 35 et 36? Voici ce que m'écrivait de cette ville, à la date du 24 juin 1836, M. Hutin, aujourd'hui chirurgien en chef de l'Hôtel royal des Invalides " Les succès, mon cher Maillot, c'est à vous que nous les devons. C'est vous qui nous avez démontré la nature intermittente des gastro-céphalites de Bône ; c'est vous qui avez fixé notre attention sur les fièvres pernicieuses qui nous environnent et qui nous en avez indiqué le traitement. Avant votre arrivée ici, en 1833, j'ai été le témoin de la crise d'été, pendant laquelle nous avons perdu plus de 1,100 malades, et j'ai vu, avec douleur, échouer tous nos traitements. Nous reconnaissions tous des gastro-céphalites, et presque jamais le traitement applicable à ces maladies ne nous réussissait! Aussi, est-ce avec enthousiasme que nous avons adopté votre médication et, à votre exemple, le sulfate de quinine à la dose de 20, 30 et 80 grains a remplacé dans nos mains avec un avantage immense les déplétions sanguines. C'est donc à vous, mon ami, que nous devons de voir clair dans les maladies de Bône ; je me plais à vous le répéter, parce que c'est ma conviction et que j'ai besoin de vous payer cette dette. Placé dans une position indépendante, à l'abri de tout esprit de ridicule et jalouse rivalité, je suis heureux de pouvoir rendre à César ce qui appartient à César. Mon témoignage ne saurait être suspect. "

       Je ne vous suivrai pas, Monsieur, dans toutes vos attaques personnelles ; j'en fais bon marché.
       J'arrive à un point très essentiel, à la partie pratique de mes travaux; je transcris vos paroles : " Le Dr Maillot, un disciple de Broussais, se borne, pour toute modification de doctrine médicale, à placer le siège de la fièvre dans le centre cérébro-spinal. A cette différence près, la fièvre intermittente d'Afrique est la même que celle du Val de Grâce et comporte le même traitement. Ce n'est plus le quinquina qui guérit l'intermittente, c'est la saignée; ainsi, il faut, à l'inverse de la tradition, commencer par combattre les lésions viscérales. "
       Oui, Monsieur, je suis élève de Broussais et je serai toujours fier d'avoir eu un tel maître que je vous plains de n'avoir pas compris. Oui, Monsieur, je suis élève du Val de Grâce, de cette école qui a tant fait progresser la science, et dont l'influence, malgré ses erreurs, se perpétuera de siècle en siècle.
       Oui, Monsieur, enchaîné par le respect et par ma foi en la parole du Maître, je croyais, à mon arrivée en Corse, à la fièvre intermittente telle qu'on l'entendait au Val de Grâce, et je l'ai écrit; c'était au moins prouver que je ne suis pas du nombre de ceux de ces jeunes hommes qui n'ont que du mépris pour les anciens et les modernes.

       Mais, lorsque j'ai publié en 1834, 35 et 36, mes divers travaux sur les fièvres de l'Algérie, j'étais en dissidence complète avec l'école qui m'avait élevé ; MM. Casimir Broussais et Hutin viennent de vous le dire. C'est même là, vous le savez très bien, le point de départ des écrits importants qui se sont succédé sur les maladies d'Afrique. Mais, altérant la portée des faits, vous donnez comme exprimant ma pensée dernière les observations que je cite, au contraire, pour montrer les tâtonnements par lesquels nous avons dû passer pour arriver à la véritable médication des affections paludéennes. Ces faits, je les signalais précisément pour éviter à nos successeurs les épreuves douloureuses que nous avions traversées. C'est donc, de votre part, un procédé qui n'est loyal ni adroit.
       C'est avec la même déloyauté et la même maladresse que vous appliquez aux fièvres des pays chauds et marécageux ce que je dis des mêmes fièvres dans les pays tempérés. Vous avez cependant dû voir qu'à la page 347 je parle du traitement de ces dernières, et que c'est à la page 369 que se trouvent exposés les principes de la thérapeutique propre aux premières. Relisez donc ces passages, Monsieur, et vous verrez que personne, plus que moi peut-être, n'a insisté sur la nécessité, dans les pays chauds et marécageux :
       1° de donner le sulfate de quinine, immédiatement;
       2° de l'administrer à des doses très élevées.

       Il nous reste un mot à dire des saignées combinées avec l'emploi du sulfate de quinine. C'est aujourd'hui, comme vous l'apprend M. Casimir Broussais, la médication de la plupart des médecins de l'Algérie ; c'est la médication qui a paru la plus rationnelle, et c'est ce qui me procure l'occasion de vous adresser ces quelques lignes. Parmi les Anciens, il en est très peu qui n'aient pas saigné plus ou moins. Sénac, par exemple, que vous invoquez avec tant d'effusion, était, dans ces cas, un saigneur bien autrement hardi que les médecins de notre époque. Ou vous ne l'avez pas lu, ou vous avez oublié ce qu'il dit, car vous y trouvez ce qui suit.: " Mihi quidem quoties initio pertinax occurrit febris quaecumque intermittens, vel intenditur ejus vis, ad venaî sectionem, licet antea celebrata sit, confugere semper mos est, nec me unquam eam tentasse poenituit. " Vous y voyez encore que, ainsi que moi, il sait que, dans plusieurs circonstances, les évacuations sanguines ont paru augmenter la gravité des accidents ; et cela précisément quand les saignées n'ont pas été assez larges : " Cum parcius, dit-il, adhibita esset vense sectio, (graviora esse solebant symptomata. " Il veut surtout que l'on insiste, comme moi, sur les saignées, quand les fièvres intermittentes ont de la tendance à devenir continues ; et il parle à ce sujet d'une constitution médicale dans laquelle on était obligé de faire trois ou quatre saignées et même jusqu'à cinq ou six. Votre exemple, Monsieur, comme vous voyez, est bien mal choisi ; et je n'aurais pas pu trouver une autorité plus forte, en faveur de mes idées sur l'emploi des saignées dans les fièvres intermittentes, si ces idées ne se défendaient d'elles-mêmes. Ici donc encore, vous n'avez pas été mieux avisé que dans vos autres objections ; vous jouez vraiment de malheur.
       Ainsi, Monsieur, que je consulte les Anciens, ou que je demande ce que font aujourd'hui les médecins qui pratiquent dans les pays marécageux, je vois que, pour presque tous, la médication des fièvres intermittentes repose sur les principes que j'ai établis pour celles de l'Algérie; je vois que mes opinions étendues, élargies, développées, fécondées par des travaux sérieux et surtout par ceux de M. Boudin, servent maintenant de règles à la généralité des médecins de l'armée; je vois qu'aucun de ces médecins ne s'est laissé ébranler par vos attaques et ne s'est rangé sous votre bannière.

       Mais ce que je ne distingue pas aussi nettement, ce que même je ne comprends pas du tout, c'est la cause de votre acrimonie; c'est son but; c'est votre constance à dénaturer les faits, à les tronquer, à les citer dans un sens tout opposé à celui dans lequel ils ont été compris par tout le monde ; c'est, en un mot, de me supposer des opinions toutes contraires à celles que j'ai publiées.
       Je sens très bien, Monsieur, que mes reproches sont sévères ; mais ne les méritez-vous pas? Surtout si vous avez bien pesé la portée de vos accusations? Car, il ne faut pas se le dissimuler, vos accusations ne retombent pas seulement sur moi ; elles doivent frapper encore et nos collègues qui persistent dans cette voie, et les chefs qui les laissent agir, et l'administration qui serait bien coupable d'abandonner ainsi le sort de nos soldats à des théories si erronées et si fatales dans leur application.

       Voilà cependant, Monsieur, où vous ont entraîné vos paroles irréfléchies. J'aime à croire que c'est à votre insu, car je ne puis admettre une malveillance qui irait aussi loin. Aussi, Monsieur, je vous quitte sans haine et sans rancune; vivez heureux, vivez longtemps. Mais à l'avenir soyez plus circonspect; ayez plus de mesure dans vos attaques contre des hommes dont le dévouement ne peut être mis en doute et contre des idées médicales qui ont aujourd'hui force de loi. Tenez pour certain aussi que, malgré leur amour de la paix et de la retraite, ces mêmes hommes ne souffriront jamais sans y répondre, dans la limite de leurs droits, les attaques qui sortiront des convenances. Si, pour mon compte, je ne l'ai pas fait plutôt, c'est que précisément, par la nature de votre travail, j'étais condamné au silence ; en effet, je n'avais à vous opposer que des faits ou des raisonnements dont vous ne vouliez pas.
       Il me fallait donc attendre patiemment qu'une voix connue dans la science vînt prononcer entre vous et moi, et j'ai su attendre. Permettez-moi, Monsieur, de m'en applaudir, car je ne pouvais désirer une solution plus heureuse à ce grand procès ; et il est évident que ma cause est à tout jamais gagnée sans appel.


A SUIVRE

TRIBUNAL DE BÔNE
Lettre de M. GAVENET
JUGE DE PAIX A BÔNE

                              Bône (Algérie) le 20 septembre 1849

                 A M. Caradec Président
                                                      Du Tribunal Civil de Vannes
                                                      Morbihan

Monsieur le Président

Je vous ai quitté le 7 août dernier, et suis arrivé le 17 à Alger. Je suis installé dans mes fonctions de Juge de Paix. J’ai beaucoup à faire, je suis logé dans ma justice de paix où il me vient quelquefois 20 justiciables en un jour.

         Le voyage, de 600 lieues que je viens de faire ne m’a point fatigué. Je n’ai pas eu le mal de mer. J’ai cependant fait par mer 270 lieues dont 170 de Marseille à Alger et 100 lieues d’Alger à Bône.

         Je supporte bien les grandes chaleurs d’Afrique. Cependant, pendant plusieurs jours, depuis mon arrivée, elles se sont élevées à 40 degrés à l’ombre. Avec cette température, le Siroco règne. C’est un vent venant du désert du sud qui comme un nuage de souffre brûlant, descend à l’horizon et donne à la campagne une couleur blanchâtre. Heureusement pour moi, les grandes chaleurs cessent actuellement pour ne revenir avec intensité qu’au mois de juin.

         Je suis enchanté de ma résidence, Bône est une fort jolie ville, merveilleusement bâtie. En grande partie, elle est située au fond d’un golfe ou anse qu’en forme le port ; c’est un des points les plus riches de l’Algérie, tant par la fertilité de son sol ; que par son commerce et notamment par la pêche du corail qui se trouve à 2 kilomètres d’ici et plus loin sur un littoral de 400 lieues. Toutes les denrées abondent à Bône et la vie n’y est pas plus chère qu’à Vannes ; Bône a plus de dix mille habitants dont un tiers se compose d’indigènes. Ces derniers ne sont mes justiciables qu’autant qu’ils ont à faire avec des européens.

         La sécurité est complète dans la ville et les environs. J’ai commencé à visiter la campagne voisine, le dimanche 2 de ce mois. Je suis allé à deux lieues de la ville, à Hypone, ancienne résidence de Saint Augustin. J’y ai entendu la messe, c’était une cérémonie touchante.

         Bône a aussi sa garde nationale dite milice. Elle vient de prendre le service de la ville parce que, presque tous les soldats sont partis pour une expédition à 50 lieues d’ici pour châtier des tribus révoltées et qui ont tué  50 soldats de la légion étrangère à son passage dans un ravin.

         A Bône comme à Alger, j’ai été bien accueilli par les magistrats et notamment par Monsieur le Procureur Général à qui Mr Du Bogan avait eu la bonté de me recommander par la lettre du 7 août ; a Alger, j’ai revu avec plaisir un compatriote Mr Camper qui jouit d’une grande considération parmi les collègues.

         Les juges du Tribunal de Bône ont beaucoup à faire entre les affaires civiles et correctionnelles qui sont fort nombreuses. Ils jugent les affaires criminelles sans Jurés ; Les arrêtés des gouverneurs et les ordonnances spéciales à la Colonie modifient en plusieurs points la législation de la France, ainsi la contrainte par corps peut-être prononcée en matière civile ou commerciale par tous juges pour raison d’une journée quelconque, ce qui, dit-on, est nécessaire parmi cette population flottante de toutes les nations dont le plus grand nombre paraît être de mauvaise foi.

         La magistrature de l’Algérie n’est point inamovible, mais l’avancement y est rapide, aussi je vais faire tous mes efforts pour bien remplir mes fonctions de juge de paix afin d’être nommé juge de la première création d’un tribunal, ce que pense t-on, doit avoir lieu avant deux ans dans la province d’Oran ; mais il faut aussi que je puisse m’acclimater car ici la fièvre et la dysenterie sont des maladies funestes.

         L’Algérie est un pays très fertile mais pour le rendre profitable à la métropole, il y faut beaucoup plus de colons agricoles, non des parisiens mais des paysans, des agriculteurs proprement dits.

         J’aurai voulu vous donner des détails plus circonstanciés sur l’Algérie mais déjà ma lettre est bien longue, en vous l’écrivant, monsieur le président, je rempli un devoir, c’est celui de vous prouver que je suis fidèle au pouvoir et que vous n’avez pas eu à faire à un ingrat en vous intéressant à moi.

         Je vous prie de présenter mes respects à madame Caradec et de me rappeler au bon souvenir de votre fils Amboise et de Mr Theyser.
         J’appendrai avec intérêt que votre fils, qui était au collège de Redon, a été reçu bachelier.
         Agréez, Monsieur le Président, l’assurance de mon respect.

De Gavenet     




LE PREMIER REGRET
par Lamartine
Envoyé par Bartolini


         Sur la plage sonore où la mer de Sorrente
Déroule ses flots bleus aux pieds de l'oranger,
Il est, près du sentier, sous la haie odorante,
Une pierre petite, étroite, indifférente
Aux pieds distraits de l'étranger!

La giroflée y cache un seul nom sous ses gerbes,
Un nom que nul écho n'a jamais répété!
Quelquefois seulement le passant arrêté,
Lisant l'âge et la date en écartant les herbes,
Et sentant dans ses yeux quelques larmes courir,
Dit : " Elle avait seize ans : c'est bien tôt pour mourir! "

Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées?
Laissons le vent gémir et le flot murmurer;
Revenez, revenez, ô mes tristes pensées !
Je veux rêver et non pleurer!

Dit : " Elle avait seize ans ! Oui, seize ans! Et cet âge
N'avait jamais brillé sur un front plus charmant!
Et jamais tout l'éclat de ce brûlant rivage
Ne s'était réfléchi dans un oeil plus aimant!
Moi seul je la revois, telle que la pensée
Dans l'âme, où rien ne meurt, vivante l'a laissée;
Vivante! Comme à l'heure où, les yeux sur les miens,
Prolongeant sur la mer nos premiers entretiens,
Ses cheveux noirs livrés au vent qui les dénoue,
Et l'ombre de la voile errante sur sa joue,
Elle écoutait le chant du nocturne pêcheur,
De la brise embaumée aspirait la fraîcheur,
Me montrait dans le ciel la lune épanouie
Comme une fleur des nuits dont l'aube est réjouie,
Et l'écume argentée, et me disait : " Pourquoi
Tout brille-t-il ainsi dans les airs et dans moi ?
Jamais ces champs d'azur semés de tant de flammes,
Jamais ces sables d'or où vont mourir les lames,
Ces monts dont les sommets tremblent au fond des cieux,
Ces golfes couronnés de bois silencieux,
Ces lueurs sur la côte, et ces champs sur les vagues
N'avaient ému mes sens de voluptés si vagues!
Pourquoi comme ce soir n'ai-je jamais rêvé?
Un astre dans mon coeur s'est-il aussi levé?
Et toi, fils du matin ! Dis, à ces nuits si belles
Les nuits de ton pays, sans moi, ressemblaient-elles? "
Puis, regardant sa mère assise auprès de nous,
Posait pour s'endormir son front sur ses genoux.

Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées?
Laissons le vent gémir et le flot murmurer;
Revenez, revenez, ô mes tristes pensées!
Je veux rêver et non pleurer!

Que son oeil était pur et sa lèvre candide!
Que son ciel inondait son âme de clarté!
Le beau lac de Nemi, qu'aucun souffle ne ride,
A moins de transparence et de limpidité!
Dans cette âme, avant elle, on voyait ses pensées;
Ses paupières, jamais sur ses beaux yeux baissées,
Ne voilaient son regard d'innocence rempli;
Nul souci sur son front n'avait laissé son pli;
Tout folâtrait en elle : et ce jeune sourire,
Qui plus tard sur la bouche avec tristesse expire,
Sur sa lèvre entr'ouverte était toujours flottant,
Comme un pur arc-en-ciel sur un jour éclatant!
Nulle ombre ne voilait ce ravissant visage,
Ce rayon n'avait pas traversé de nuage!
Son pas insouciant, indécis, balancé,
Flottait comme un flot libre où le jour est bercé,
Ou courait pour courir; et sa voix argentine,
Écho limpide et pur de son âme enfantine,
Musique de cette âme où tout semblait chanter,
Égayait jusqu'à l'air qui l'entendait monter!

Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées?
Laissez le vent gémir et le flot murmurer :
Revenez, revenez, ô mes tristes pensées!
Je veux rêver et non pleurer!

Mon image en son coeur se grava la première,
Comme dans l'oeil qui s'ouvre, au matin, la lumière;
Elle ne regarda plus rien après ce jour :
De l'heure qu'elle aima, l'univers fut amour!
Elle me confondait avec sa propre vie,
Voyait tout dans mon âme; et je faisais partie
De ce monde enchanté qui flottait sous ses yeux,
Du bonheur de la terre et de l'espoir des cieux.
Elle ne pensait plus au temps, à la distance,
L'heure seule absorbait toute son existence;
Avant moi cette vie était sans souvenir,
Un soir de ces beaux jours était tout l'avenir!
Elle se confiait à la douce nature
Qui souriait sur nous; à la prière pure
Qu'elle allait, le coeur plein de joie, et non de pleurs,
A l'autel qu'elle aimait répandre avec ses fleurs;
Et sa main m'entraînait aux marches de son temple,
Et, comme un humble enfant, je suivais son exemple,
Et sa voix me disait tout bas : " Prie avec moi !
Car je ne comprends pas le ciel même sans toi!

Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées?
Laissez le vent gémir et le flot murmurer;
Revenez, revenez, ô mes tristes pensées !
Je veux rêver et non pleurer!

Voyez, dans son bassin, l'eau d'une source vive
S'arrondir comme un lac sous son étroite rive,
Bleue et claire, à l'abri du vent qui va courir
Et du rayon brûlant qui pourrait la tarir!
Un cygne blanc nageant sur la nappe limpide,
En y plongeant son cou qu'enveloppe la ride,
Orne sans le ternir le liquide miroir,
Et s'y berce au milieu des étoiles du soir;
Mais si, prenant son vol vers des sources nouvelles,
Il bat le flot tremblant de ses humides ailes,
Le ciel s'efface au sein de l'onde qui brunit,
La plume à grands flocons y tombe et la ternit,
Comme si le vautour, ennemi de sa race,
De sa mort sur les flots avait semé la trace;
Et l'azur éclatant de ce lac enchanté
N'est plus qu'une onde obscure où le sable a monté!
Ainsi, quand je partis, tout trembla dans cette âme;
Le rayon s'éteignit, et sa mourante flamme
Remonta dans le ciel pour n'en plus revenir;
Elle n'attendit pas un second avenir,
Elle ne languit pas de doute en espérance,
Et ne disputa pas sa vie à la souffrance;
Elle but d'un seul trait le vase de douleur,
Dans sa première larme elle noya sou coeur!
Et, semblable à l'oiseau, moins pur et moins beau qu'elle,
Qui le soir pour dormir met son cou sous son aile,
Elle s'enveloppa d'un muet désespoir,
Et s'endormit aussi; mais, hélas! Loin du soir.

Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées?
Laissons le vent gémir et le flot murmurer;
Revenez, revenez, ô mes tristes pensées!
Je veux rêver et non pleurer!

Elle a dormi quinze ans dans sa couche d'argile,
Et rien ne pleure plus sur son dernier asile;
Et le rapide oubli, second linceul des morts,
A couvert le sentier qui menait vers ces bords;
Nul ne visite plus cette pierre effacée,
Nul n'y songe et n'y prie!. . excepté ma pensée,
Quand, remontant le flot de mes jours révolus,
Je demande à mon coeur tous ceux qui n'y sont plus,
Et que, les yeux flottants sur de chères empreintes,
Je pleure dans mon ciel tant d'étoiles éteintes!
Elle fut la première, et sa douce lueur
D'un jour pieux et tendre éclaire encor mon coeur!

Mais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées?
Laissez le vent gémir et le flot murmurer;
Revenez, revenez, ô mes tristes pensées!
Je veux rêver et non pleurer!

Un arbuste épineux, à la pâle verdure,
Est le seul monument que lui fit la nature
; Battu des vents de mer, du soleil calciné,
Comme un regret funèbre au coeur enraciné,
Il vit dans le rocher sans lui donner d'ombrage
La poudre du chemin y blanchit son feuillage;
Il rampe près de terre, où ses rameaux penchés
Par la dent des chevreaux sont toujours retranchés.
Une fleur, au printemps, comme un flocon de neige
Y flotte un jour ou deux; mais le vent qui l'assiège
L'effeuille avant qu'elle ait répandu son odeur,
Comme la vie, avant qu'elle ait charmé le coeur!
Un oiseau de tendresse et de mélancolie
S'y pose pour chanter sur le rameau qui plie!
Oh! Dis, fleur que la vie a fait sitôt flétrir,
N'est-il pas une terre où tout doit refleurir?...

Remontez, remontez à ces heures passées!
Vos tristes souvenirs m'aident à soupirer,
Allez où va mon âme ! Allez, ô mes pensées,
Mon coeur est plein, je veux pleurer!

Lamartine - 1830      



NOS BUVARDS D'ANTAN
Envoyé par M. Jean Pierre PEYRAT


Source : collection personnelle de M. J.P. PEYRAT



NOTES
Bulletin de l'Algérie
N° 3, janvier 1856

INSTRUMENTS AGRICOLES POUVANT
ÊTRE UTILEMENT EMPLOYÉS EN ALGÉRIE.

MOISSONNEUSES

      Parmi les instruments agricoles qui ont figuré à l'Exposition universelle, quelques-uns ont paru susceptibles d'être utilement et économiquement employés en Algérie, particulièrement dans les terres appartenant à la Compagnie générale des colonies suisses de Sétif. M. le comte Sautter de Beauregard, l'un des administrateurs de cette Compagnie, s'est livré, pendant un séjour assez long à Paris, lors de l'Exposition, à un examen attentif et approfondi de ceux de ces instruments agricoles qui pouvaient être recommandés et introduits dans cette localité.

      La question de remplacer les bras de l'homme par des machines agricoles touche de trop près aux intérêts des colons et des propriétaires de nos départements algériens, pour que nous laissions échapper l'occasion de leur être agréable en insérant dans notre Bulletin quelques extraits d'un travail de M. de Beauregard, choisissant de préférence ce qui a rapport aux machines les plus applicables à notre colonie. Quoique ce mémoire ait spécialement en vue la Compagnie de Sétif, laquelle ne possède pas moins, toutefois, de 20,000 hectares de terrain, il intéresse aussi d'une manière générale tous les colons propriétaires qui habitent les trois provinces de l'Algérie et ceux qui se proposent de venir s'y fixer un jour.
      Ce premier extrait est consacré aux machines dites moissonneuses; il sera suivi de plusieurs autres, car nous avons à coeur de donner au travail de M. de Beauregard le plus de publicité possible. Laissons parler l'auteur. J. R. F.

      Propriétaires d'immenses superficies, dans un pays où la culture des céréales est presque la seule, je crois que, de tous ceux qui étudiaient les moissonneuses, nous étions les plus directement intéressés dans une question qui n'est pas seulement pour nous, comme pour tant d'autres, une économie de main-d'oeuvre, mais qui, en outre de cette importante considération, peut nous permettre de récolter des moissons que trop souvent la pénurie de bras oblige à laisser sur place et à perdre, ainsi que cela a été le cas en 1853 pour un grand nombre de propriétaires algériens.

      Une autre considération lui rend très important en Algérie da s'assurer des moyens rapides et économiques de moissonner, c'est que l'équilibre qui existe dans nos pays entre la durée des semailles et celle des moissons est rompu en Algérie ; là, la durée des semailles est tout autre que celle sur laquelle on peut compter en Suisse; très variable suivant les années, on peut dire cependant en thèse générale qu'elle est très longue, et que, commençant en octobre, elle ne finit quelquefois qu'en février; un seul homme peut donc mettre en valeur une grande surface de sol, surtout par la culture extensive et les labours légers; mais, lorsqu'il s'agit de la récolte, cet homme devient impuissant pour moissonner ; la dessiccation est plus prompte qu'en Europe ; le grain se perd s'il n'est pas de suite enlevé ; la moisson ne peut durer en général plus de dix à quinze jours, et si, pour les ensemencements, l'Algérie est privilégiée sur la France et la Suisse, elle est, quant à l'enlèvement des récoltes, placée dans une position très défavorable

      Je crois que nous devons renoncer à la machine de Bell, mais cela ne veut pas dire que l'essai que nous en avons fait soit regrettable. Il nous a fait entrer dans une voie qui est à mes yeux d'une importance incalculable, celle de l'économie de la main-d'oeuvre, du remplacement de l'homme par la machine ; il nous a permis d'être les premiers à introduire des instruments de ce genre en Algérie, et de répondre ainsi par de nouveaux faits aux témoignages d'intérêt et de bienveillance que nous ne cessons de recevoir du gouvernement français. Je le répète, nous ne devons pas regretter notre essai qui était déjà un progrès très sensible sur l'état précédent, puisque la machine de Bell, en faisant 3 hectares par jour, nous procurait avec 2 chevaux, 2 hommes et 2 enfants l'ouvrage de 20 personnes, soit 10 hommes et 10 femmes; mais, lorsque la comparaison nous fait connaître qu'à prix inférieur nous pouvons avoir une machine plus simple, moins sujette à se déranger et faisant avec le même personnel un travail plus que double, il me semble que, sans regretter notre premier pas dont l'utilité a été évidente, nous ne devons pas hésiter à en faire un second.

      Alors, nous avons mis en présence :
      3 machines américaines. - Mac-Cormick, Manny, Wright (système Atkins).
      1 machine française. - Cournier.
      2 machines anglaises. - Dray, Burgess et Key.
      Remarquons que ces deux dernières n'étaient en réalité que des modifications de machines américaines, la moissonneuse Bray étant faite sur le modèle américain de Hussey, auquel Bray n'a fait que quelques adjonctions, et la moissonneuse Burgess et Key n'étant qu'une modification ou adjonction à celle américaine de Mac-Cormick.
      Chacune des 6 moissonneuses était appelée, au dernier concours, à moissonner une surface délimitée de 12 ares sur un terrain plat, en blé beau et assez serré ; à côté des machines, une surface semblable de 12 ares était consacrée à 6 faucheurs suivis de 6 femmes pour faire les javelles.

      La machine Mac-Cormick, des États-Unis, a fauché ses 12 ares en 12 minutes, en employant 2 hommes dont l'un conduit, et l'autre, placé sur la machine, tire sans cesse à lui, au moyen d'un râteau, le blé coupé et le fait basculer en dehors de la machine. Les chevaux paraissaient peu fatigués ; la moissonneuse est fort simple, facile à réparer, peu exposée aux avaries, et, dans tous les essais faits, soit en Angleterre, soit en France, elle a eu, sur toutes les autres machines du même genre, une supériorité incontestable. Elle a, de plus, l'immense avantage de pouvoir être maniée facilement par des personnes peu expérimentées; elle me semble donc essentiellement propre à une culture rapide et à un pays neuf.
      L'homme qui dirigeait cette machine affirmait que, s'il voulait presser le mouvement, il pourrait moissonner jusqu'à 10 hectares par journée de 10 heures; je doute du fait, mais j'ai entendu dire à plusieurs personnes compétentes que cette machine pourrait couper d'une manière régulière 6 à 7 hectares par jour.
      Cette moissonneuse est attelée latéralement par devant; elle a 2 chevaux ; elle tranche la paille au moyen de scies.
      Comme moissonneuse, sa supériorité est évidente; nous la retrouverons plus loin comme faucheuse.

      La moissonneuse de Manny de l'Illinois ( Etats-Unis ), a coupé ses 12 ares en 15 minutes ; c'est, sous le rapport de la rapidité, celle qui s'est le plus rapprochée de la précédente : comme elle, elle emploie 2 hommes, l'un pour conduire, l'autre pour rejeter le blé ; seulement, ce dernier, au lieu de l'attirer à lui au moyen d'un râteau, le repousse avec une fourche, mouvement plus fatigant et par lequel l'homme est plus vite épuisé.
      Cette moissonneuse est attelée de 2 chevaux par devant et latéralement; elle tranche la paille par un mouvement de scie.
      Tout en se rapprochant beaucoup de la machine précédente, elle lui est inférieure, soit parce qu'avec le même nombre d'hommes et de chevaux, elle fait un peu moins d'ouvrage, soit surtout parce qu'elle est d'une construction un peu plus compliquée, plus sujette à dérangement et moins facile à réparer par des ouvriers inexpérimentés.

      La machine Wright (Etats-Unis) a coupé ses 12 ares en 18 minutes, en n'employant qu'un homme, le 2ème homme étant remplacé par un bras mécanique qui, au moyen d'un râteau et en suivant le mouvement de la machine, rejette le blé et remplace l'homme appelé dans les deux machines précédentes à faire le même office.
      Cette machine, établie d'après le système Atkins, emploie 2 chevaux et fonctionne par un mouvement de scie.
      Comme mécanisme, c'est un chef-d'œuvre, mais elle a besoin d'un sol nivelé; elle se dérange facilement et les réparations sont bien difficiles pour des ouvriers ordinaires ; elle emploie d'ailleurs 1/3 de temps de plus que la machine Mac-Cormick ; c'est plutôt une curiosité qu'un instrument pratique.

      La machine Cournier, de Saint-Romans (Isère), a coupé ses 12 ares en 19 minutes; elle a un mécanisme très simple, et, après la machine Mac-Cormick, c'est celle qui m'a paru produire le plus d'effet sur les assistants, ce qui tient peut-être à ce qu'elle n'emploie qu'un cheval.
      Elle n'a qu'un homme pour la conduire ; un mouvement ingénieux de bascule rejette le blé de côté et remplace le râteau mécanique de la machine de Wright ou l'homme placé sur les machines Mac-Cormick et Manny.
      Cette moissonneuse coupe au moyen de cisailles qui opèrent très bien sur du blé mûr, comme c'était le cas dans l'essai de Trappes, mais qui, dit-on, risquent de s'engorger si le blé est un peu vert.
      Très simple, elle me paraît propre à l'exploitation de domaines de moyennes dimensions, comme le seraient ceux de la France, de la Suisse et de la Savoie, parce que, dans ce cas, il peut être important de n'atteler qu'un cheval; mais, en Algérie, où les chevaux coûtent peu d'achat et d'entretien, où, par contre, la journée des ouvriers revient très cher, il ne conviendrait pas d'appliquer, pour des exploitations aussi vastes que les nôtres, un homme à un seul cheval, et on doit trouver économie à employer des machines à deux chevaux opérant plus vite. Je craindrais aussi que la machine dont il s'agit ne fût un peu faible pour être menée rudement par des ouvriers novices.
      Cependant, c'était évidemment, après celle de Mac-Cormick, celle qui paraissait la plus pratique et annonçait le plus d'avenir; mais elle n'est que moissonneuse ; elle n'est pas destinée à faucher; on a voulu l'expérimenter à ce dernier point de vue; elle n'a pas réussi ; elle coupa trop haut, perd une partie du fourrage, et, en outre, les cisailles s'engorgent.

      La machine de Drag, qui, ainsi que je l'ai déjà dit, n'est qu'une modification de la moissonneuse américaine de Hussey, avait passablement marché à une première expérience; elle n'a pas du tout réussi à la seconde, son mécanisme trop compliqué la forçant de s'arrêter à chaque pas pour remettre en place une pièce ou une autre. Elle n'a pas même pu terminer ses 12 ares. Elle a, en outre, l'inconvénient de nécessiter un personnel très nombreux, suivant la machine, pour ramasser au fur et à mesure les blés coupés par elle, qui, sans cette précaution, seraient piétinés par les chevaux à leur retour.
      Elle emploie 2 chevaux attelés par devant et latéralement, coupe par mouvement de scies et nécessite 2 hommes.

      La machine de Burgess et Key est désignée souvent aussi sous le nom de machine Mac-Cormick, perfectionnée par Burgess et Key, parce qu'au fond elle n'est que la moissonneuse américaine de Mac-Cormick, à laquelle MM. Burgess et Key ont apporté une modification qui consiste en 3 rangées de cylindres à vis d'Archimède, d'inégale longueur, par lesquels le blé coupé doit être conduit hors de la machine et étendu en sillons réguliers. Ce perfectionnement devrait économiser l'homme placé sur la machine Mac-Cormick originelle, pour rejeter le blé avec un râteau ; par conséquent, la machine modifiée dont nous parlons n'aurait besoin que d'un seul homme.
      Cette modification complique assez la machine si simple de Mac-Cormick et occasionne un tirage beaucoup plus considérable par suite de la transmission de mouvement aux 3 cylindres. En outre, les dérangements sont très fréquents et font perdre un temps qui compense au moins l'économie d'un homme et la plus grande régularité obtenue dans le renversement de l'épi.
      Elle a bien fonctionné dans l'essai de Carlisle en Angleterre, mais elle n'a réussi dans aucune des 2 expériences françaises, et, dans la dernière, elle n'a pas même pu achever ses 12 ares. J'ai entendu attribuer sa réussite à Carlisle à ce qu'elle opérait sur des blés non mûrs, glissant moins facilement entre les cylindres que les blés mûrs sur lesquels elle a opéré à Trappes, et par conséquent les engorgeant moins.
      Elle emploie 2 chevaux attelés latéralement par devant et coupe par un mouvement de scie.
      Comme faucheuse, elle n'a pas marché; elle ne pourrait probablement le faire qu'en ôtant ses vis d'Archimède, c'est-à-dire en redevenant simplement machine de Mac-Cormick.

      Les 6 faucheurs et les 6 femmes ont achevé leurs 12 ares en 25 minutes.
      Une moissonneuse faucheuse à un cheval, du prix de 700 fr., fabriquée par Roret de Langres (Haute-Marne), et qui, suivant son auteur, faucherait 4 hectares par journée de dix heures, n'a pas été essayée et paraît peu digne d'attention ; son système est tout différent de celui des autres machines ; elle opère par 3 faux fixées à un pivot perpendiculaire mis en mouvement par deux roues; on la croit peu pratique et vite hors de service : elle est attelée par derrière.
      Le résultat du travail des machines Mac-Cormick, Manny, Wright et Cournier est semblable, en ce que, chez tous, les blés sont coupés assez également et assez près de terre, mais ils sont assez inégalement et assez mal couchés sur le sol.
      En terminant ce petit relevé, je dois répéter que les moissonneuses qui précèdent les chevaux ne sont pas ici examinées en détail, parce qu'elles ont été trop positivement condamnées par les expériences de Carlisle et de Trappes. Les praticiens déclarent y renoncer, et je crois que nous serons appelés à faire de même pour notre machine de Bell.

      La moissonneuse qui a sur toutes les autres une supériorité incontestable, établie par les essais de France et d'Angleterre, et dont il s'est fait dans ces deux pays d'énormes commandes, est celle de Mac-Cormick. Simple, facile à conduire et à réparer, peu sujette aux accidents, s'occupant plus de la quantité du travail que de sa perfection, elle me paraît éminemment propre à une exploitation comme la nôtre.
      Je propose à la Compagnie d'acheter 5 de ces machines. Ce nombre est bien insuffisant si on le compare aux surfaces que nous avons à cultiver; mais, en faisant une proposition aussi modeste, j'ai été mu par le désir de marcher très prudemment, jusqu'au moment où la Compagnie aura acquis une certitude quant à l'emploi de ces instruments.

      Je crois nécessaire d'appuyer cette proposition par quelques chiffres.
      L'expérience nous a fait connaître qu'on paie habituellement dans les environs de Sétif 35 fr. par hectare, à des ouvriers européens pour moissonner, râteler, lier et mettre en gerbes, et qu'on calcule qu'à ce prix chaque ouvrier gagne environ 6 fr. par jour.
      Le rapport que nous avons adressé au ministre de la guerre, le 30 juillet dernier, et qui a été publié dans les Annales de la colonisation algérienne, établit qu'au moyen de la machine de Bell, fabriquée par Crosskill, qui fait 3 hectares par, jour, le prix de revient de l'hectare est de 29 fr. 60 ct.
      Pour établir le prix de revient du travail de la machine de Mac-Cormick, je prendrai précisément les mêmes bases que celles dont nous sommes partis en dressant le compte de la machine de Bell, c'est-à-dire même prix de journée, même frais de liage des gerbes, mêmes dépenses de montage, démontage, graissage et réparations, même amortissement de la machine en 5 ans, enfin, même intérêt à 10 p. 100 sur le capital de la machine.
      Je ne connais pas exactement le prix de la machine de Mac-Cormick., mais je crois qu'il doit varier entre 750 et 800 fr., et je supposerai dans mon calcul de 1,500 fr. rendu à Sétif, chiffre forcé, évidemment au-dessus de la réalité, surtout si, ainsi qu'ils le sollicitent en ce moment, les colons algériens obtiennent la suppression des droits de douane que les instruments agricoles venant de l'étranger paient en entrant en Algérie.
      La machine Mac-Cormick pouvant, d'après ce que l'expérience a constaté jusqu'à présent et d'après le dire des connaisseurs, faire d'une manière régulière 6 à 7 hectares par jour, je prendrai le plus faible de ces chiffres pour base de mes calculs :

Voici donc le prix de revient de la journée :
1 cheval revenant, avec l'amortissement, à environ 2 fr.
2 chevaux par jour ........................................................................... 4 fr.
1 homme revenant à environ 5 fr.
2 hommes par jour ........................................................................10 fr.
Total ...............................................................................................14 fr.

6 hectares, ce qui donne par hectare environ ………….2 fr. 35 ct.
Le liage des gerbes coûte par hectare …………………6 fr.
Total ……………………………………………………………………………..8 fr. 35ct.

Auxquels il faut ajouter :
Intérêt de 1,500 fr., prix de re­vient de la machine,
À 10 p. 100, taux légal algérien : soit …………………150 fr.
Moulage, démontage, graissage et réparations
de la machine, chaque année …………………………100 fr.
Amortissement de la machine en 5 ans,
au bout desquels on la suppose usée,
ce qui représente par année une somme de…………300 fr.
Total des frais annuels…………………………………. 550 fr.

La moisson des blés, seigles, orge et avoine durant un peu plus de 15 jours, on peut calculer qu'à raison de 6 hectares par jour, la machine moissonnera chaque année environ 90 hectares ; c'est donc sur 90 hectares que doit se répartir cette somme annuelle de 550 fr.

Ce qui fait par hectare environ.................................................................... 6 fr.
Le prix de revient de l'hectare moissonné est ainsi de ………………....14 fr. 35 c.

      Ce qui correspond à moins de la moitié du prix de revient du travail effectué par la machine de Bell, et aux 2 cinquièmes environ du prix de revient du travail fait à la main.

      Il faut encore remarquer que la somme considérable portée pour frais de montage, démontage, graissage et réparations, n'est aussi forte que parce que les frais de notre forge et de notre mécanicien sont actuellement supportés par un petit nombre d'instruments. A mesure que le nombre de nos machines agricoles s'accroîtra, les frais de mécanicien diminueront, puisque, tout en restant stationnaires, ils se répartiront sur un chiffre plus considérable.

      M. Rilliet nous a envoyé dernièrement de Saint-Louis (Etats-Unis) une moissonneuse - faucheuse américaine, dont le système ne nous est pas indiqué; le nombre de ces machines étant très grand en Amérique, il sera intéressant de connaître quelle est celle que nous avons reçue.

      La Compagnie pourrait peut-être trouver avantage à tenter un essai de la moissonneuse à un cheval de Courrier. Je ne fais, je le répète, à ce sujet, aucune proposition; mais si le personnel agricole de Sétif y voit convenance, il pourrait en adresser la demande.

Comte SAUTTER DE BEAUREGARD          


LES LARMES DU DRAPEAU
Lieutenant-colonel Michel BRAULT
Envoyé Par M. Lafranque


          J'ai longuement flotté sur les champs de bataille,
          Résistant bravement aux coups de la mitraille ;
          Maintes fois ma voilure épongea dans le vent
          Le sang des soldats morts, les pleurs des survivants.

          Au sommet du pays je dressais mes couleurs,
          Témoignage vibrant de la Foi, de l'Honneur.
          Les anciens devant moi soulevaient leur chapeau,
          Qu'y a-t-il de plus beau que l'amour du drapeau ?

          Mais la honte survint par un soir gris d'hiver :
          Ma hampe fut brisée par des mains étrangères.
          Lacérés, mes beaux plis sanglotaient en silence
          En voyant que ces doigts s'attaquaient à la France.

          Devant la foule haineuse, on me jeta à terre.
          Un instant je pensais : " nous sommes donc en guerre ! "
          Mais en guerre, un étendard a ses défenseurs,
          Ici nul n'accourut pour calmer ma douleur !

          Les uniformes bleus trépignaient de colère,
          Mais leur chef, tout là-haut, préservant sa carrière,
          Me laissa sans mot dire aux mains de mes bourreaux :
          Je mourus sans qu'une arme ne quitta son fourreau.

          Ce soir, je regrettais de porter ces couleurs,
          Car une part de la France est morte dans mes pleurs.
          Quand mon pays me laisse ainsi, succomber, seul,
          Je ne suis plus drapeau, mais je deviens linceul.



"la Coloniale"
Envoyé par M. Georges

2 guerres mondiales pour la "Coloniale"

par Christian Navis (son site) mercredi 7 juillet 2010


Le devoir de mémoire, je suis pour. A condition qu’on ne raconte pas n’importe quoi. En maquillant la vérité et en instrumentalisant l’histoire à des fins politiciennes.
Afin de renforcer le complexe de culpabilité des "méchants Français" aujourd’hui.
C’est pourquoi, tout en rendant un hommage mérité aux troupes coloniales, j’ai tenu à rétablir certains faits oubliés ou occultés.
Et volontairement dénaturés par un certain cinéma de propagande.

Première guerre mondiale, les mythes s’effondrent !

Au cours de cette grande boucherie, 8 millions de soldats sont mobilisés sous le drapeau tricolore. 1,6 million est tué ou disparu au combat. Soit 20% de pertes.
Parmi ces 8 millions, on dénombre 565.000 "coloniaux" dont 97.100 tués ou disparus. Soit 17,18%.

Les troupes coloniales n’étaient donc pas systématiquement sacrifiées dans des opérations militaires hasardeuses.

D’autant que ce chiffre devrait être pondéré par le fait que la "coloniale" comptait dans ses rangs un nombre non négligeable d’hommes d’origine européenne comme chez les Spahis. Tandis que les Zouaves étaient tous Français depuis longtemps...

175.000 Algériens, 40.000 Marocains et 80.000 Tunisiens ont payé un lourd tribut. Ils étaient considérés par leurs officiers comme d’excellents soldats et respectés à juste titre.>

Leurs pertes furent de 65.000 morts ou disparus soit un ratio de 22 % certes un peu supérieur à la moyenne générale de 20%. Mais ces troupes comptaient elles mêmes plus de 20% de "Pieds Noirs" et autres coloniaux d’Afrique, aussi bien simples soldats que sous-officiers, dont le taux de pertes était comparable à celui des "indigènes".

Ceux-ci n’étaient donc pas de la "chair à canon" sacrifiée sans états d’âme, comme on l’affirme aujourd’hui. Ni de simples exécutants sans espoir de promotion.
Rare mais pas unique, le cas du colonel Hadj Si Chérif Cadi, "serviteur de l’islam et de la France" comme il se définissait lui même, qui en 1916 après son pèlerinage à La Mecque (lors de la campagne d’Orient) parlait de "cet islam arriéré et barbare qui semble ne pas avoir évolué depuis des siècles" et dont il ne voulait surtout pas au Maghreb.

Victoire commune et sympathies franco-arabes

Il serait vain de chercher du racisme à l’encontre de ces Maghrébins combattant pour la France. Pas plus que de l’animosité de leur part contre les Français. Bien au contraire. Et pour une raison simple : à part quelques "fortes têtes" qui préféraient l’engagement à la prison (mais cela valait aussi pour les métropolitains !) la plupart de ces soldats étaient des volontaires. Ils y trouvaient des avantages immédiats au plan matériel.
Et une promesse, qui ne fut pas toujours tenue, d’être mieux considérés par la suite.

Quoi qu’il en soit, lors des parades militaires, la population française exprime sa sympathie pour les troupes coloniales. Elles sont parmi les plus applaudies lors des défilés de la victoire, avec la légion étrangère.

Ces hommes arborent fièrement leurs décorations gagnées au combat, ceux qui rempilent prennent du galon, leurs enfants bénéficient de bourses scolaires, et ceux qui retournent à la vie civile deviennent des notables dans leur village.

Devenus francophiles par solidarité avec leurs frères d’armes, ils transmettront l’amour de la France à leurs enfants. Et seront, eux et leur descendance, considérés comme des traîtres payant plus tard le plus lourd tribut aux "libérateurs" dont les chefs bien planqués au Caire ou à Moscou ne prenaient pas beaucoup de risques.
C’est pourquoi je trouve particulièrement abject le fait que des gens qui sont toujours très proches de l’idéologie des égorgeurs viennent aujourd’hui essayer de nous donner mauvaise conscience avec le sort injuste que nous aurions réservé à ces soldats coloniaux.

Reconnaissance officielle des mérites, en contournant la Loi !

En 1920, afin de renforcer l’hommage public rendu à ces troupes d’Afrique du Nord, le gouvernement décide d’ériger une grande mosquée au coeur de Paris. Par une dérogation spéciale à la loi de 1905 (séparation absolue de l’état et des cultes) le gouvernement d’Aristide Briand fait voter des crédits à cet effet.
Le bâtiment sera inauguré 6 ans plus tard en grande pompe par les plus hautes autorités de l’Etat et une belle brochette de diplomates.

En ce temps là, les Français voient les soldats musulmans avec sympathie, et un regain d’intérêt se manifeste tant à l’université que dans la presse pour la civilisation arabo-musulmane dont on redécouvre le prestigieux passé. Cette sympathie est réciproque. Une culture enrichissant l’autre.
De Gaulle en jouera plus tard pour sa politique arabe.

Il ne faut pas oublier pour autant les Africains au nombre de 180.000 dont 25.000 tués ou disparus soit 13,8%, les 41.000 Malgaches dont 2.500 tués ou disparus soit 6%, et les 49.000 Indochinois dont les pertes d’élèvent à 1.600 soit 3,5%.


Leur faible taux de perte s’explique par le fait que les premiers ne supportaient pas le froid et ont dû être retirés du front, tandis que les Asiatiques étaient surtout affectés à des forces de police.

Néanmoins, après la victoire, sachant les Allemands particulièrement racistes, Clémenceau enverra des troupes noires occuper l’Allemagne afin d’humilier les vaincus... N’imaginant pas que, de la sorte, il préparait le lit de Hitler.

Débuts de la seconde guerre mondiale, des vérités qui fâchent :

En 1939/1940, 500.000 hommes dont 1/4 d’Européens sont mobilisés aux colonies.
Les tirailleurs sénégalais ont une conduite héroïque. Ils couvrent la retraite honteuse des Blancs, subissant de très lourdes pertes. Et s’ils sont faits prisonniers, les nazis fusillent ces "singes" sur le champ. N’en conservant que quelques uns de vivants pour les exhiber comme "échantillons de sous-hommes français" pour leur propagande.

Au même titre d’ailleurs que les Maghrébins, affamés, roués de coups, torturés et envoyés finir leur vie dans les mines, des usines de produits chimiques, ou des ateliers aux émanations toxiques.
Le chef gestapiste Rudolf Diels, cousin de Goering, protestera auprès de Hitler sur ces abus contraires aux conventions de Genève sur les prisonniers de guerre, et tombera en disgrâce.
Un acte courageux qui lui vaudra la clémence des juges de Nuremberg.

Mais en 1940, Adolf qui n’a pas encore fait d’Amine Al Husseini un "Aryen d’honneur" considère que ces "sauvages" doivent recevoir le même traitement que les Juifs.

Par la suite, il fera retirer de "mein kampf" le chapitre consacré aux Arabes, ses nouveaux alliés, qu’il vaut mieux désormais éviter de vexer.

Pourtant, je n’ai jamais entendu les islamistes qui maudissent tant la France, compissent sa culture et conchient ses institutions, demander des comptes à l’Allemagne.

Peut-être le rappel de l’amitié qui liait certains de leurs plus éminents émirs et muftis aux nazis ferait-il mauvais effet ?

Participation à la victoire sur la barbarie

Début 1943, après le débarquement américain en Afrique du Nord, le général Giraud mobilise 330.000 hommes dont 176.000 Européens "Pieds Noirs" soit 54% des troupes dites coloniales. A ces soldats, il convient d’ajouter un contingent d’environ 100.000 Noirs.

Ces troupes joueront un rôle important, avec les autres armées alliées, dans l’effondrement de l’Axe.
Ainsi, en juillet 1943, des tabors marocains associés à des Français participent au débarquement en Sicile avec les Américains de Patton. Ils sont renforcés par un corps expéditionnaire allié sous les ordres du général Juin, où combattent côte à côte Européens, Algériens et Marocains.

Ces soldats s’illustrent en mai 1944 dans l’attaque des fortifications allemandes de la ligne Gustav, lors de la fameuse bataille de Monte Cassino.
Le 5 juin 1944, ils défilent dans Rome avec les Américains et sont acclamés par la population enfin débarrassée de Benito Mussolini et de Carla Petacci.

De leur côté, les tirailleurs sénégalais se joignent au débarquement de Provence, le 16 août 1944.

Le 25 août 1944, des fusiliers marocains et des tirailleurs africains participent à la libération de Paris et défilent sous les acclamations de la foule avec les soldats de la IIème DB du général Leclerc. Des engagés volontaires coloniaux, blancs pour la plupart.

Toutes ces troupes participeront ensuite courant 1945 à la défaite du Reich, menant des opérations stratégiques coordonnées dans le plan des Alliés, assorties d’intrépides missions de commandos.
IL est à noter que, malgré leur bravoure et leurs succès militaires, le taux de perte de ces troupes dites "coloniales" (en fait mixtes) sera de l’ordre de 4 à 5%, Européens et "indigènes"confondus, soldats et sous-officiers de toutes origines.
La guerre mécanique de mouvement est finalement moins meurtrière que les tranchées.
Dommage pour les cinéastes subventionnés, propagandistes et donneurs de leçons...

christian.navis@free.fr

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/2-guerres-mondiales-pour-la-78044


 L'arc-en-ciel
Envoyé par Jocelyne MAS

              C'est la fin de l'été. Sur la plage de La Sirène, à Fort-de-l'Eau, nous sommes réunis comme tous les après-midi, depuis le début des vacances. C'est notre plage, notre lieu de rendez-vous.
              Il y a Christian, Serge, Jean-Pierre, Francis, Lydie, Jean-Marc, Mourad, Jean-Yves, Jean-Charles, Martial, Pierre, Baby, Rhania, Hassiba, Andrée, Vianney, Mireille, Maryse, Colette.
              Nous sommes silencieux, moroses, tristes, l'enthousiasme des vacances a disparu.
              Bientôt, il nous faudra quitter nos bancs de sable et regagner nos bancs de classe.

              Au loin, il tonne, il fait lourd, le temps est à l'orage. Le chant des cigales est assourdissant. Chacun est plongé dans sa rêverie qui n'est pas loin de devenir mélancolie. On se promet de s'écrire, de se revoir, de ne pas s'oublier jusqu'à l'été prochain.
              Des éclairs zèbrent le ciel à l'horizon. Les grondements du tonnerre se rapprochent. Il va pleuvoir mais aucun d'entre nous n'a envie de rentrer. Les amoureux de l'été se tiennent la main et jurent de s'aimer toujours.
              La mer prend une teinte violette, les vagues se brisent avec fracas sur les rochers ; de temps en temps, une très grosse vague, comme un rouleau en colère, soulève une écume blanche qui vient lécher nos pieds. Les gravillons crissent et roulent emportés par la houle.
              Le ciel devient de plus en plus sombre, le vent se lève. De grosses gouttes de pluie tombent et s'écrasent sur nos peaux nues. La pluie est fraîche et douce. Assis en cercle, entortillés dans nos serviettes de bain, on attend, on ne sait quoi.

              Soudain, un cri " Regardez un arc-en-ciel ! " Tous les regards se lèvent ; à l'horizon, là où la mer semble se fondre avec le ciel, surgit un arc lumineux, magnifique, resplendissant de couleurs. " Vite ! Faîtes un vœu ! "
              Le petit village de Fort-de-l'Eau semble éclairé de toutes ces couleurs ; quelle merveille ! Les maisons paraissent roses, le ciel a une teinte indéfinissable, bleu-violet. C'est une féerie de couleurs, la lumière solaire se disperse et se reflète dans les gouttelettes d'eau en suspension.
              Notre moral est remonté en flèche. C'est un signe du ciel : on se retrouvera tous.

              Hélas, l'été suivant ne ressemblera, en rien, à nos étés insouciants et joyeux.
                            C'est l'exil.

              Nous voilà tous partis sur les routes, dans toutes les directions, emmenant avec nous, notre colère, notre chagrin, notre désespoir, pleurant la perte de notre merveilleux pays.
              Oui c'était un signe du ciel, on se retrouvera tous ou presque quelque quarante ans plus tard !!!

Jocelyne MAS                 

Extrait du livre " De la Côte turquoise à la Côte d'Azur "

Prix Littéraire : Médaille d'Argent du Mérite Culturel.
Site Internet : http://www.jocelynemas.com

ŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒ

              J'ai le plaisir de vous annoncer la parution de deux nouveaux livres.
              Voici les couvertures de ces deux livres parus ce mois.
              "Au gré des flots" est un recueil de poèmes, illustré. Il vient d'obtenir la Médaille d'Argent du Mérite Culturel, avec Mention d'Excellence.
              " Mon Maître et moi, une histoire d'amour" est un petit livre vendu au profit de nos refuges régionaux. Il a obtenu dans la Catégorie " Nouvelles " le 2° Prix des Arts et Lettres de France.
              Vous y découvrirez la fidélité à toute épreuve de nos amis à quatre pattes.
              Pour plus d'informations rendez-vous sur mon Site Internet et lire la sublime préface de Madame Geneviève de TERNANT.
http://www.jocelynemas.com
Attention : nouvelle adresse : jocelyne.mas@gmail.com



MESSAGES
S.V.P., Lorsqu'une réponse aux messages ci dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,
cliquez ICI pour d'autres messages.
sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura

--------------------

De M. Ghodbane Chafik

Bonjour,
Pendant mon séjour à Annaba ce mois de Juillet, j'ai promis à mon père de faire une petite recherche dans le but de le mettre en contact avec quelques uns de ses camarades de classe et d'avoir de leurs nouvelles.
Mon père s'appelle Ghodbane Toumi, il est né en 1942. Il a fait l'école primaire de Zerizer (village situé à environ 25 km d'Annaba) et le collège d'Alzon d'Annaba.
Parmi les noms qui ont étudié avec lui à Zérizer/Annaba) il y avait :
Ode Richard ; Marchetti Marc ; Giuliano Max (dit Maxou) ; Chaix André ; Marie Ghislaine ; Marie Christiane
Mon père a toujours vécu à Annaba et il est inspecteur de Francais(PHD à l'université de Montpellier.
Alors je suis tombé sur ce site et j'ai décidé de vous écrire. J'espère que vous pouvez me dire comment faire afin d'avoir des contacts avec les pieds-noirs de Zérizer.
J'espère que je ne vous dérange pas trop.
Cordialement, Ghodbane Chafik
Mon adresse : cghodbane@yahoo.co.uk

De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.                                           Diaporama 21
Diaporama 22                                           Diaporama 23
Diaporama 24                                           Diaporama 25
Diaporama 26                                           Diaporama 27
Diaporama 28                                           Diaporama 29
Diaporama 30                                           Diaporama 31
Diaporama 32
Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : pjarrige@orange.fr

DIVERS LIENS VERS LES SITES

M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site au 1er Juillet 2010.
Son adresse: http://www.piednoir.net/guelma
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Guelmois

Bonjour
Je vous invite à découvrir des photos exceptionnelles de nos villes d'Algérie.
Le site 'Couleurs d'Algérie' est disponible désormais en trois langues:
          arabe :          http://www.labbize.net/Arabic
          française :          http://www.labbize.net/French
          et anglaise :          http://www.labbize.net/English
Ne pas hésiter à transmettre tous les commentaires, suggestions et corrections.
Bonne balade.
Abdelkhalek LABBIZE

cliquez ICI pour d'autres messages.

Qui c'est le plus fort ?
Envoyé par Thérèse-Marie

      Un ours, un lion et un cochon se rencontrent:
      L'ours dit: Si je grogne dans la forêt, tous les autres animaux tremblent de peur.

      Le lion dit: Si je rugis dans la jungle, tous les animaux s'enfuient de peur.

      Le cochon dit: Moi, je tousse une seule fois et la planète entière se fait vacciner.



Vous venez de parcourir cette petite gazette, qu'en pensez-vous ?
Avez-vous des suggestions ? si oui, lesquelles ?
En cliquant sur le nom des auteurs en tête de rubrique, vous pouvez leur écrire directement,
c'est une façon de les remercier de leur travail.

D'avance, merci pour vos réponses. ===> ICI


Numéro Précédent RETOUR Numéro Suivant