N° 107
Juin

http://piednoir.net

Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Juin 2011
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
http://www.seybouse.info/
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Cet Ecusson de Bône a été généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
Les derniers Numéros : 99, 100, 101,102, 103,104, 105,106
  Orgue en Fa  
De Jean-Sébastien Bach
        EDITO

 VOIR ROUGE !     

    Chers Amis,

    Les fraises ont ouvert la danse, suivies de près par leurs cousines des bois, puis par les cerises juteuses que l'on dispute aux oiseaux, les groseilles translucides, les framboises charnues. Une délicieuse calvacade de fruits rouges que tout le monde adore, peut-être parce que, à leur façon ; ils annoncent l'arrivée de l'été, les déjeuners dans le jardin, les pique-nique avec les enfants et amis dans les prés.

    Pendant ce temps-là...
    L'assassinat d'une famille, la mort d'un célèbre terroriste, les affaires d'hommes politiques en vue, le futur bébé présidentiel... Ces dernières jours, l'actualité a été mouvementée. Une info chasse l'autre. Le tourbillon semble sans fin. Et pendant ce temps-là, le monde continue de tourner et nous, à voir rouge.

    Ces événements ont monopolisé, chacun à leur tour, les journaux télévisés et les conversations entre amis. Ils ont éclipsé le reste, selon le principe bien connu du " une info chasse l'autre ". Et pourtant, pendant ce temps-là, le monde continue de tourner : images ou pas images, reportages ou pas, commentaires ou pas, débats enflammés ou pas.
    Pendant ce temps-là en effet, les rejets de radioactivité se poursuivent à la centrale de Fukushima sans compter qu'à la suite du tsunami, plus de 100 000 personnes vivent encore dans des centres d'hébergement. Un nouveau volcan fait des siennes et nous envoie des nuages de fumées et de cendres. La sécheresse fait ses dégâts habituels et l'on nous concocte un nouvel impôt.
    Pendant ce temps-là, les guerres civiles et militaires continuent en Libye, en Tunisie, en Égypte, en Syrie, en Côte d'Ivoire, en Afghanistan, en Iran, en Afrique noire, les nouvelles démocraties font leurs premiers pas, des élections libres sont annoncées sans garanties qu'elles apportent vraiment les libertés réclamées car les pouvoirs sont implacables; l'angoisse des faillites économiques, qui touche même les pays de l'Europe, s'invite dans les débats politiques ; partout les gendarmes du monde cherchent les voies de la paix et de la réconciliation.

    Pendant ce temps-là, en France, on nous annonce que la croissance de l'économie reprend doucement alors que le pouvoir d'achat baisse de jour en jour ; le prix de l'immobilier augmente, avec un nombre de logements qui reste insuffisant, le prix des locations s'envole ; les prix des matières essentielles à la survie augmentent chaque jour ; des crimes de toutes sortes se produisent en France sans que les médias en traduisent les véritables causes ; le gouvernement, avec habileté et perversité, trait les mamelles des français en leur tirant toute la substance pour alimenter les bidons de l'Etat. Les prélèvements sur les automobilistes en sont la démonstration flagrante et essentielle sous couvert de sécurité routière avec les patrons vendeurs de panneaux et de radars….. Tout comme les gros actionnaires de l'économie de l'énergie qui sont " énergivores " de consommateurs obligés ou consentants parce que décervelés. La majorité des médias enfermés dans le politiquement correct se mettent à plat ventre devant le conformisme d'une fange de biens pensants qui se sont mis en tête de brider la liberté d'expression et la liberté de penser de ceux qui osent émettre des opinions contraires à leur nouveau totalitarisme. Leur nouveau jeu consiste à brûler des mots de la langue française qui expriment la réalité et les vérités afin de rentrer dans une logique d'inquisition institutionnelle et à " abattre les insoumis ".

    Pendant ce temps-là, pour atténuer le rouge et rosir l'épiderme exacerbé, on nous fait avaler aussi ces couleuvres qui nous font rire jaune : les prix d'interprétation de tel ou tel acteur à Cannes ; la fête dans les rues d'une ville pour le titre de champion de France d'un sport, la fête des voisins, etc… ; les préparatifs de la fête des Mères ou des prochaines vacances que peu de gens pourront se payer même à la manière d'un célèbre facteur ; les blablablas des futures campagnes électorales avec leurs lots habituels de promesses qui n'engagent que ceux qui y croient. Rien qu'à penser, le rouge y nous monte à la " fugure ".

    Dans le tourbillon de tous les événements, La Seybouse garde le cap pour entretenir la mémoire afin de garder les yeux ouverts sur un monde qui tourne à l'envers et qui a tendance à oublier les leçons du passé ; et sans broyer du noir, tenter de vivre la vie qui continue...
    Pendant ce temps-là les prunes rouges arrivent à maturité et c'est bientôt l'été.

Jean Pierre Bartolini          

        Diobône,
        A tchao.

P.S. Une nouvelle qui fait la fierté de notre journal, c'est la naissance d'un nouveau quotidien à Bône-Annaba. Je vous joins ci-dessous le message reçu d'un ami de Bône et fidèle lecteur de la Seybouse.
BONJOUR jean Pierre,
Merci pour tous les envois, c'est sympa, quel courage, quelle persévérance, quelle ponctualité, quel PERFECTIONNISME .... je m'arrête là car tu mérites tous les BONS et Beaux qualificatifs de la langue de Molière .
Aujourd'hui je t'écris pour t'annoncer une Bône/bonne nouvelle ( mais je suis sur et presque certain ) que tu es déjà au courant de cette nouvelle " naissance " à Annaba d'un quotidien qui vient donc renforcer et égayer l'ambiance bônoise. ce nouveau-né n'est autre qu'un de tes enfants dont tu es bien sur le père c'est SEYBOUSE times.
A découvrir et à lire :
A la 1ère page, il y a une bonne surprise " promenade guidée d'Annaba" alors "Bône" promenade dans ta chère ville.
Dr Kaddem Rhumato -Annaba

Amis Bônois, visitez ce site et donnez-nous votre avis.

RAPPEL La Saint-Couffin !
A UZES le 19 JUIN 2011
Communiqué de l'A.B.C.T
AMICALE des BÔNOIS, CONSTANTINOIS
& ANCIENS de TUNISIE, du GARD
ADRESSE POSTALE B.P. 16 - 30128 GARONS
RETENEZ BIEN CETTE DATE, 19 JUIN 2011
ET RESERVEZ-LA


Grand Rassemblement national des Bônois, Constantinois et anciens de Tunisie

     Chers(es) amis(es) et compatriotes,

     Cette année notre rassemblement aura lieu comme I'an demier le 3ème dimanche du mois de juin et coincide avec la Fête des pères, mais il sera le prolongement des festivités de la célébration du 45ème anniversaire de notre amicale qui se déroulera le 5 JUIN 2011 à GARONS(30).
     (pour plus amples renseignements nous contacter-Tél: 04.66. 70.00.75 ou 06.14.59.93.11)
     Le Conseil dAdministration et moi même nous vous espérons nombreux à effectuer le déplacement lors de ces deux joumées importantes afin de faire perdurer nos retrouvailles qui vous et nous apporterons joies et réconfort

Alors, retenez bien ces dates: IMPORTANTES:
Le 5 juin 2011 à GARONS
et le dimanche 19 juin à UZES

     C'est donc le Dimanche 19 Juin qu'aura lieu la traditionnelle journee champêtre, organisée par l'Amicale des Bônois du Gard (A.B.C.T.) et l'Association des Fidèles de Saint-Augustin.
     Comme précédemment, c'est dans le cadre verdoyant du camping Municipal d'UZES, gracieusement mis à notre disposition par la Mairie de la belle cité des Cévennes que nous vous accueillerons en famille, ainsi que vos amis.

En vous attendant voici l'organigramme de la journée :
8 h 30 - ouverture et accueil des participants (entrée gratuite)
     10 h 30 - Grande messe en plein air ( Statue de ST AUGUSTIN) recueillement et silence...
     11 h 30 - Accueil des personnalités Gardoises et des représentants des diverses amicales et associations régionales de Rapatriés
     12 h 00 - Repas tiré du sac
     15 h 00 - Animations diverses.
     17 h 00 - Tirage de la tombola (10 lots importants) votre participation sera très appréciée.
     Prix du billet - 2 €

Vous trouverez sur place : Vous trouverez sur place (café , jus de fruits etc.,..), merguez,, pizza, Chippolata....
FTAHÏR (beignets de chez nous) KEBAB pain et pâtisseries orientales

Bônois, Constantinois, anciens de Tunisie, Pieds Noirs de tous horizons, amis et sympathisants, venez nombreux participer à cette journée, afin de retrouver des visages connus, d'échanger des souvenirs impérissables et d'assurer dans la joie et la bonne humeur le succès complet de cette manifestation.
Qu'on se le dise ! ! ! de bouche à oreilles ou par Tam-Tam....


DITES LE A TOUS VOS AMIS ET AUTOUR DE VOUS ! ! ! A BIENTOT ...

Merci d'avance de votre participation
Le Président, J.P. ROZIER

Pour cette journée nationale, Campagnarde et conviviale,
qui se déroule au Camping Municipal d'UZES (dans le Gard).
Chacun apporte son "Couffin" ou sa "Cabassette",
sa petite table et ses chaises pliantes.
N'oubliez pas les verres pour notre éternel "Sirop de Cristal"
(se délecter avec modération entre copains)




LE MUTILE N° 192, 8 mai 1921

Une gaffe d'administrateur

        La scène se passe dans un petit village du Sud du département d'Alger. On attend le passage du Gouverneur général.
        Pour la circonstance, fonctionnaires et caïds sont rassemblés sur la place du village, groupés autour de l'Administrateur de la commune mixte. Celui-ci fait ranger ses caïds et, tel un général, procède à une " revue " minutieuse. Tout va bien ! Ah ! mais non... En voici un qui n'est pas à sa place. C'est le caïd X... de noble descendance, lieutenant de spahis pendant la guerre, fait chevalier de la Légion d'honneur sur le champ de bataille, croix de guerre avec 3 palmes.

        Voyons, X..., ordonne sévèrement l'Administrateur, mettez-vous donc à la place que je vous ai assignée. C'est pour, mieux exposer vos décorations que vous changez de rang !... "
        Le caïd, ainsi interpellé devant tout le village rassemblé, reste d'abord muet de dépit et d'humiliation puis, se ressaisissant il répond : " Si elles vous gênent, mes décorations, je puis les enlever, M. l'Administrateur ! "
        Que pensez-vous de l'incident, amis lecteurs ? Pour moi, j'y vois une maladresse incomparable de la part de l'Administrateur, vis-à-vis d'un ancien combattant qui avait le droit d'être fier de ses décorations et de les exposer. Son chef, jaloux sans doute de la belle poitrine de ce subordonné, aurait probablement voulu le voir dans la coulisse.

        Plus logique eut été l'ordre contraire, c'est-à-dire celui: de rappeler au caïd d'avoir à mettre ses décorations si celui-ci eut omis de le faire. Pour une gaffe, elle compte, n'est-ce pas ? d'autant plus qu'elle émane d'un ancien officier fait chevalier de la Légion d'honneur au titre militaire avant la guerre.
        A la place du modeste caïd, j'aurais flegmatiquement répondu " Mais oui, je suis fier d'exhiber mes décorations et j'en ai bien le droit, puisque je les ai gagnées devant les boches !.. "
        Sans commentaire.

VIDI.              
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CONTE EN SABIR
Par Kaddour

LA CHYAL Y L I CHACAIL
FABLE IMITEE DE LA FONTAINE!

             Plos di dix jours ji tombe di l'eau,
             Bar force ji riste à ta inison
             Ma quand y viendra ji fir beau,
             Ti marche la rote, ti a rison
             Un chacail y risti lontann dans son gourbi,
             Yana d' l'eau, ak-arbi ! !
             Pas moyann di sortir,
             Por sarcher por manger.
             Quand la pluie son finir
             Qui viendra di souleil,
             Y sourt' y dans son Bled y voir on zitranger,
             Qui son grosse ! qui son voir jami on zotr' pareil
             Y rigard' y coni qui cit on bil chval :
             Qu'on zarabe y mittra
             Dans l'hirbe por ji rigal.
             Cit chacail, mon zami, y son crivi la faim,
             Y pensi bor son tite, quand y voir cit chval
             Quand y tombra di l'eau, ji me fot pas mal !
             Ji crois j'en a du pain
             Biann plus que por dos ans,

             Quand ji toye cit chval ; ma bizoann bor avant
             Qui ji fir bonne manière
             Por qui trap' lo, to d'on coup par darrière.
             Bojor ya sidi tojor vos ites bon ?
             Si ti yana di mal, por ton tite, por vot pied,
             Moi ji souis grand toubib, y j'en a du papier
             Por provi qui to l'monde, quand y viendra chi moi,
             To di souite ji l'gari, même la primier fois. "
             La chval y coni qui cit on carottier,
             Y t lui dit: " - Mon zami j'ana mal por un pied
             Rigarde ! y son enfli, ji soffr' ji t'assoure. "
             Li chacail por ji voir, ji baissera son la tite
             Y la chval d'on coup d'pied y cassera son figoure.
             Li toubib son crivi, cit hastoire son finite

MORALE

             Quand ti trov bor la rote on' jouif, ou' carottier,
             Qui barli ji conni tot ispice di mitier ;
             Fi tençion mon zami, si ti yana di flouss
             Jami afic toi ti liss' lo fir bousbous.
             Por sor ji ti volra l'arjan, li porte-monnaie,
             Apri ji rigolera, toi vos ites coilloné.
             Millor qui ti fasir comme cit chval, ji t'assoure
             Afic on bon cop d'poing fi cass'ra son figour'

 

AVENIR DE L'EST
Extraits des chroniques
du Journal de Bône, Constantine, Guelma
Source BNF       12/01/1891
REVUE DE PRESSE
LE PAVAGE DES RUES DE LA VILLE.


           Par le mauvais temps que nous traversons, la plupart des rues de notre ville sont dans un état que la presse locale est unanime à déplorer ainsi que nous, depuis le commencement de l'automne dernier.
           M. Marchis, notre honorable premier adjoint, à insisté, dans une des dernières séances du Conseil municipal, sur la nécessité urgente de remédier à un pareil état de choses.
           Une ville, qui se respecte et qui veut bien méritée son surnom de coquette, ne peut persister plus longtemps dans une pareille incurie.
           Nous approuvons entièrement son idée.
           Le pavage en bois, en Algérie, peut-être plus économique, en effet, plus hygiénique même, que le pavage en pierres jusqu'ici employé.
           Plus économique, parce que nous avons à proximité d'immenses forêts, fécondes en traverses de toute essence, que l'on pourrait facilement débiter en briquettes.
           Plus hygiénique, parce que l'écoulement des eaux sera plus facile, l'entretien de la voie publique plus aisé.
           Si l'on joint à cela la foule d'avantage qui nous fait choisir ce type de pavage de préférence à tout autre par les grandes villes, parmi lesquelles nous pouvons citer Alger, on ne tardera pas à approuver l'excellente idée de notre premier adjoint.
           L'objection sérieuse - si c'en est une toutefois - résiderait tout entière dans le prix de la main d'œuvre. Mais il ne manque pas d'ouvriers sans travail qui ne demanderaient pas mieux que d'être employés. Et puis tous les vagabonds, tous les mendiants valides, auxquels le bureau de Bienfaisance ne marchande pas ses secours, pourraient aussi être utilisés avec tout bénéfice par la commune.

PAUVRE MÈRE ! PAUVRE PETIT !

           - Une personne de nos connaissances nous a rapporté un fait singulier, sur lequel nous appelons l'attention de nos concitoyennes charitables.
           Une mère de famille, sans soutien, ayant à nourrir un enfant en bas âge vient solliciter un secours à la Mairie. L'honorable secrétaire, M. Caussin, qui délivre quelques bons pour le fourneau économique et lui conseille de confier son entant à l'oeuvre de la Crèche, afin qu'elle ait le temps de travailler pour gagner son pain de chaque jour.
           Quelle n'est pas la stupéfaction de M. Caussin en apprenant, de la bouche même de la malheureuse, que les sœurs de la Crèche ont refusé d'accueillir l'enfant parce que c'était un fils naturel.
           On ne peut pas être plus cruel. Ainsi les sœurs semblent faire un crime à une mère infortunée d'avoir préféré élever son enfant plutôt que d'avoir fait comme Mme de la Jonquières à Toulon.
           Sont-ce là les préceptes de charité que Jésus-Christ a enseignés à ceux qui ont fait vœu d'être siennes ?
           Nous voulons bien espérer que les honorables dames faisant partie de l'oeuvre de la Crèche s'empresseront de remédier à une aussi fâcheuse situation en donnant des ordres en conséquence, pour justifier le bon emploi des subventions généreuses qui leur sont accordées par le Conseil général dans un tout autre but que celui de faire des distinctions aussi que l'on pourrait facilement débiter en peu équitables.
LA QUERELLE DES BRUNES ET DES BLONDES.

         Me Georgette, notre aimable et gracieuse correspondante, nous adresse les lignes suivantes comme suite à sa lettre de vendredi dernier :
           J'avais, je crois, quitté Pénélope. Je passerai brièvement et nous arriverons à la célèbre magicienne Circé qui, furieuse de voir que ni ses yeux noirs, ni ses cheveux d'ébène ne captivaient Ulysse, voulut le changer en pourceau ainsi que ses compagnons. Elle réussit pour ces derniers. Et voilà comme les brunes sont douces !
           Les sirènes, déesses de la mer, outre leurs voix délicieuses, captaient les regards des navigateurs, lorsque, sortant de l'onde, elles secouaient leurs blondes chevelures.
           Vulcain, lorsqu'il fit Pandore (pas le gendarme, mais la déesse) lui donna une chevelure tout enfumée par les fourneaux de l'Etna. Chacun connaît, pour son compte, les maux que cette brune beauté répandit sur la terre.
           La blonde Amphitrite, femme de Neptune, intercédait souvent auprès de son mari, peur qu'il calma les flots en courroux, tandis que la brune Némésis présidait à la vengeance et aux punitions divines.
           Lee Danaïdes qui tuèrent leurs époux, la première nuit de leurs noces, étaient brunes.
           Je me suis laissé dire que M. Weiss, l'empoisonneuse d'Aïn-Fezza, était une superbe brune.
           La blonde Europe sût captiver Jupiter et tous deux s'envolèrent d'Asie vers la terre qui porte aujourd'hui son nom.
           Les Parques, qui, dans les enfers, filaient la vie humaine, étaient, d'après la fable, noires et livides.
           Hercule, qui avait vaincu tant de monstres, ne pût vaincre l'amour que l'ondoyante chevelure blonde d'Omphale, reine de Lydie, avait fait naître en lui.
           Proserpine était, dit-on, blonde, mais elle demandait tellement de baisers à Pluton qu'elle en devint noire de félicité.
           Et puis, si nous voulions nous étendre, que d'autres choses ne pourrions-nous montrer ?
                                                                                                   Georgette
D'après Pétrarque
           Doux zéphyrs d'autrefois, c'est vous que je respire,
           Vous voilà, frais vallons, où s'ouvrirent ces yeux
           Dont le regard suave emplit mon cœur joyeux
           D'un trouble, après lequel aujourd'hui je soupire

           Adieu, rêve charmant ! C'en est donc fait, o cieux!
           Sur l'herbe plus d'azur, sur l'eau plus un sourire ;
           Il est vide et glacé le nid délicieux
           Où prés d'elle j'aurais calmé mon long délire.

           En lui donnant mon coeur il me semblait qu'un jour,
           Après m'avoir brûlé d'une ardeur aussi pure,
           Ses yeux accepteraient un si profond amour.

           En vain je me consume, en vain mon tourment dure,
           Car l'objet de mes feux ne m'a pas attendu....
           Et je pleure en cendre et mon bonheur perdu.
          
A. BLANC.

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  LA CAROUBE :                   
              LA SAINT MICHEL 

par M. Charles Ciantar
LA CAROUBE : LA SAINT MICHEL
Le 29 septembre


Chapelle de St Michel

        Saint Michel était le patron de la Caroube. Chaque année, sa fête marquait la fin des vacances et le retour à nos domiciles respectifs, et surtout la reprise de l’école pour les jeunes. Les parents faisaient la navette La caroube, Bône, la Caroube, deux fois par jour pour se rendre à leur travail, afin que leurs enfants puissent profiter pleinement de leurs vacances. Qu’ils trouvent ici toute notre gratitude.
          A passer trois mois pieds nus toute la journée nous avions quelques problèmes pour réintégrer nos chaussures de ville.
          Remarquez que nous étions en avance. En effet maintenant il est reconnu que, marcher pieds nus, sur le sable masse la voûte plantaire et est bénéfique pour l’équilibre du corps. Et si l’on ajoute la natation ……. Quel pied !
          Le comité de la Saint Michel qui comprenait des habitants bénévoles de la plage s’occupait de l’organisation des jeux et du bal qui se faisait sur une piste cimentée aménagée (par les membres du Comité) au fortin le soir de la fête patronale.


A gauche la piste de danse du fortin

C’est du cabanon Pompéani (libraire et imprimeur qui avait son magasin sous les arcades près de la mairie) que le comité organisait les festivités de la Saint Michel et y Installait la « sono » .
La journée commençait par le messe sous la tonnelle dite par le curé de Ste Thérèse.
Le matin c’était les courses à la nage qui comprenait plusieurs catégories en fonction de l’âge, la course en bateau (Chatine), les joutes et la course aux canards.

Photos de la dernière Saint Michel
fêtée à la CAROUBE

    
                                                                                 Photos Jean Claude Stella
           Arrivée du 1er de la course à la nage « Chatines » se préparant pour les joutes

La course aux canards

        Les canards venaient de la ferme Gamba de la caroube. On les amenait en barque à 100 mètres du rivage et on les lâchait en mer après leur avoir un peu coupé les ailes pour qu’il ne puissent pas voler…. et le nageur qui l’attrapait le gardait. Mais pour le saisir c’était une autre paire de manche . En effet le canard est aussi un redoutable nageur. Il est capable de plonger sous l’eau et de ressortir une dizaine de mètres plus loin. Il fallait voir les nageurs attendre que le volatile veuille bien émerger. C’était souvent à l’opposé du groupe.
Une année c’est un jeune cochon enduit de suif qui a été jeté à l’eau. L’essai n’a pas été concluant (trop difficile pour les nageurs). Il n’a pas été renouvelé les années suivantes.


Isabelle GAMBA

Fille des fermiers de la Caroube qui nous fournissaient les canards pour la fête et chez qui tous les gens de la caroube allait chercher le lait, les légumes et la volaille. Elle s’est mariée avec Augustin Bonici, fils de Charlot Bonici qui vendait les pois chiches rue Lemercier.
L’après midi, il y avait la course au trésor, le radio crochet, la course en sacs, le jet de tomates mûres sur quelqu’un qui passait la tête dans un trou d’une grande planche (on vérifiait que la tomate n’avait pas de queue ; ce qui pouvait blesser le volontaire), le mât de cocagne, le jeu des gargoulettes et le soir le bal sur la piste au Fortin avec tout autour des forains.

La Course en Sacs (Photos Jean Claude Stella)

Le départ était donné devant le cabanon de Mr Pompéani
Le retour se faisait au niveau du cabanon Zammit juste avant la Paillote.


course en sacs des filles remportée par Anne Marie Stella.

Les concurrentes étaient encouragées par Messieurs VERMEUIL ET PAPAGNO


Départ de la course des juniors.

les juniors après le demi-tour

Arrivée de la course des juniors remportée par Jean Claude STELLA entre une haie importante de spectateurs qui encourageaient les participants

A gauche en blanc Mr Vermeuil encourageant les participants

Le retour d’une autre course avec une haie de spectateurs qui
Venaient chaque fois très nombreux aux fêtes de la Saint Michel

Monsieur VERMEUIL essayant de faire un croche-pied à un concurrent
à la grande joie des spectateurs


Photo JC Stella

Gérard STELLA sur les épaules de son frère Jacques STELLA
En train de préparer le jeu des gargoulettes.

«Le joueur, les yeux bandés, devait casser une des gargoulettes suspendues à un fil, mais une seule contenait un prix. Si par malchance il en cassait une autre, il recevait sur lui de l’eau, de la suie, de la craie ou je ne sais plus quoi d’autre à la grande joie des spectateurs ? »
Le soir il y avait un bal sur la piste en ciment au fortin avec les marchants de merguez
Et les différents stands.
Cette fête sonnait la fin des vacances à la caroube et le retour à nos domiciles respectifs et à nos chères études.

Ciantar.charles@wanadoo.fr


SOIRÉES
                ALGERIENNES            N°6

CORSAIRES, ESCLAVES ET MARTYRS
DE BARBARIE   (1857)
PAR M. L'ABBE LÉON GODARD

ANCIEN CURE D'EL-AGHOUAT,
PROFESSEUR D'HISTOIRE
AU GRAND SÉMINAIRE DE LANGRES

Dominare in medio inimicorum tuorum.
Régnez, Seigneur, au milieu de vos ennemis.


SOIREES ALGERIENNES
SIXIÈME SOIRÉE
Les esclaves martyrs.

        Alfred monta de bonne heure sur la terrasse. Il avait l'âme pleine des souvenirs évoqués dans les conversations précédentes. Il portait un long regard sur la mer tranquille, et rêvait de gloire. Quelques voiles latines blanchissaient à l'horizon. Elles regagnaient, en glissant rapidement sur l'abîme, le port dont 1e phare à éclipse commençait, aux approches de la nuit, ses évolutions lumineuses.
        Il ne vit point Fatma lorsqu'elle vint s'asseoir silencieusement à sa place accoutumée, toujours l'une des premières au rendez-vous du soir. Le bon père Gervais avisa, en entrant, la négresse.
        " Ia Fatma, lui dit-il, est-ce que par hasard tu prendrais goût à nos récits ?
        - O père, que le salut soit sur vous ! Ma langue n'est pas encore déliée. Mais vos paroles sont belles ; elles ont trouvé le chemin, de mon âme. Oh ! Je voudrais les entendre ; celles qui m'arrivent m'apportent le parfum de l'ambre.
        - Que Lella Mariem te protége, ia Fatma ! "
        Et le vieillard, en achevant cette exclamation, saluait ses hôtes qui arrivaient au même instant.
        " Révérend père, si l'on peut compter des héros et même des martyrs parmi les renégats, nous devons espérer que l'Église et le monde civilisé ne trouveront pas moins de saints et d'âmes héroïques dans la foule des esclaves demeurés constamment fidèles à leur religion.
        - En effet, Madame, on pourrait recueillir une moisson de faits mémorables et très glorieux pour la foi et pour les nations de l'Europe catholique en fouillant les anciens bagnes de Barbarie.
        - Nous avons glané, Alfred et moi, des traits vraiment remarquables.
        - Si le révérend père veut bien y joindre ses propres souvenirs, dit Carlotta, nous aurons sans nul doute une gerbe merveilleuse.
        - Eh bien ! pour commencer dès la fondation de la puissance turque à Alger, je vous dirai la bravoure et la mort admirable du chevalier Martin de Vargas.

        Quelque temps avant que Bab-Aroudj fût proclamé roi d'Alger, les Espagnols s'étaient établis sur un des îlots qui font face à la ville. Elle a comme vous le savez, emprunté son nom à ces écueils aujourd'hui compris dans les constructions qui ferment le port : Al-Djezaïr, dont nous avons fait Alger, signifie petites îles. L'îlot fortifié par les Espagnols, et qu'ils nommaient le Pegnon d'Alger, avait quatre petits bastions, deux du côté de la ville et deux du côté de la mer. De là ils inquiétaient le port, si toutefois on peut appeler ainsi l'espace qui n'était point encore protégé par la jetée de Kheïr-ed-Din. Les Algériens étaient obligés de mouiller à la plage de Bab-el-Oued ou à celle de Bab-Azoun, et même de tirer à terre leurs navires, pour éviter les désastres des tempêtes.
        Ils avaient espéré que Bab-Aroudj, venu à leur secours, les délivrerait de cet importun voisinage. Mais le corsaire canonna vainement la forteresse pendant vingt jours. Les événements l'empêchèrent de renouveler cette infructueuse attaque, après qu'il eut été reconnu souverain d'Alger.

        Son frère et successeur, Kheïr-ed-Din, résolut de se rendre à tout prix maître du Pegnon. Le moyen de la trahison ne lui ayant pas réussi, il établit, le 6 mai 1530, une batterie là où est maintenant la porte de France ou de la Marine, et, durant quinze jours, elle fit feu nuit et jour sur les fortifications espagnoles. Les Maures et les Turcs tiraient aussi des flèches et des coups d'arquebuse.
        Une garnison de deux cents vaillants soldats défendait le Peñon, commandés par un noble et intrépide Castillan, don Martin de Vargas. Après des prodiges de valeur ils succombèrent à un assaut général, livré par plus de douze cents hommes portés dans l'île sur quatorze navires.
        Les chrétiens qui furent tués vendirent chèrement leur vie ; les autres, tous blessés, furent pris et distribués par Kheïr-ed-Din entre les principaux Turcs et les capitaines de navire les plus distingués. Il ne garda pour lui que deux ou trois prisonniers, et spécialement don Martin de Vargas. Il fit porter dans le lieu qui renfermait ses esclaves ce brave commandant couvert de blessures.

        Le prisonnier resta là environ trois mois, servi par de pauvres chrétiens captifs, qui l'aidèrent dans leur misère à se guérir et à soutenir son existence; car il ne reçut de son vainqueur aucune marque de respect. Pour toute preuve d'humanité, celui-ci lui faisait servir trois petits pains par jour, et rien de plus. Martin de Vargas supportait courageusement son sort, et faisait l'admiration des autres chrétiens, lorsque le pacha le manda en son palais.
        " Pourquoi, lui dit le corsaire, n'as-tu pas voulu désarmer cette forteresse, me la livrer en paix, évacuer mes terres, après tant de sommations de ma part ?
        - Pour tout homme de mon caractère et de mon rang, répondit le valeureux capitaine, il y a obligation de mourir avant d'abandonner une place dont on doit la garde à la confiance de son roi et de laquelle il faut répondre.
        - Par Allah ! dit le corsaire vomissant des injures, je suis prêt à te faire brûler vif.
        - L'usage de la guerre est que chacun fasse son devoir pour la défense et pour l'attaque.
        - Tuez ce chien à coups de bâton, cria le corsaire; là même, sous mes yeux et sur-le-champ.

        Quelques-uns des Turcs présents saisirent Martin de Vargas, l'étendirent à terre, s'assirent, un sur sa tête, un autre sur ses pieds, suivant leur manière de procéder à la bastonnade, et d'autres se fatiguèrent à décharger sur l'Espagnol des coups de fouet sans nombre. Ce fouet était formé de grossières cordes de chanvre. Les Turcs se succédèrent à la besogne jusqu'à ce que don Martin de Vargas, le corps broyé, le foie et les entrailles dénudés, expirât gisant sur le sol.
        Autant qu'on en pouvait juger, ce héros avait environ cinquante ans; il était de taille moyenne ; il avait la barbe noire et quelques cheveux blancs. Il ne laissa échapper aucune plainte durant le supplice ; mais il ne cessa de prier Jésus-Christ et sa divine Mère.
        Le pacha, témoin de cette exécution, ordonna d'ôter le cadavre de devant ses yeux. On jeta donc cette dépouille mortelle dans la cour, et on la porta ensuite à la mer, puisque les premiers pachas refusaient un lieu de sépulture aux chrétiens.
        - La conduite de Kheïr-ed-Din est infâme, s'écria le jeune marin.
        - On ne peut pas attendre d'un pirate des actes d'honneur et de loyauté, dit M. Morelli.
        - Quelque étrange que puisse paraître le récit d'Haedo, ajouta le père Gervais, il est croyable. Jamais corsaire de Barbarie n'eut un caractère chevaleresque; ce sont des brigands qui ont pour sceptre un cimeterre. Kheïr-ed-Din était sans doute ivre de vin autant que de colère et de jalousie, lorsqu'il fit tuer Martin de Vargas.

        L'année suivante (1531) fut marquée par d'autres sanglantes exécutions, Kheïr-ed-Din captura deux galères de Naples, près du cap Palinure en Calabre; elles sortaient du port de Messine chargées de soie. Leur équipage vint augmenter à Alger le nombre des esclaves. Jean de Portundo et six autres capitaines espagnols, faits prisonniers, se disaient, entre eux qu'il serait facile, si les chrétiens en avaient le courage, de se révolter contre Alger. Louis de Séville, qui commandait l'une des galères dont je viens de parler, partageait cet avis, et il contribua beaucoup à la formation d'un complot ou la plupart des chrétiens entrèrent.
        Ils convinrent qu'au jour fixé ils se tiendraient prêts avec les armes dont ils pourraient se munir. En conséquence, les sept capitaines mandèrent à don Alonzo de Peralta, père de don Louis, et qui commandait à Bougie lorsque les Turcs s'en emparèrent, de leur envoyer une boite remplie d'armes, avec les provisions qu'on leur permettait de recevoir pour célébrer la fête de Noël.
        Ils reçurent en effet cette caisse. De plus, un chrétien forgeron et captif du pacha leur fit volontiers des clefs pour ouvrir de nuit le bagne de Barberousse, où ils étaient enfermés ; et un autre chrétien, fondeur d'artillerie, leur fabriqua une massue de fer pour briser les verrous et les cadenas des portes.
        Tout se trouvait disposé lorsque arriva la fête de la Nativité de notre Seigneur (1531). Les chrétiens se récréaient au jeu de cartes dans le bagne de Barberousse, Francisco de Almaça, qui avait déjà été deux fois renégat et qui alors n'était pas connu des Turcs, jouait avec un autre chrétien.

        Ils eurent une altercation, et les juges qu'ils choisirent donnèrent tort à Francisco de Almaça. Or ces juges étaient précisément les capitaines qui tramaient la grande affaire.
        Francisco, en colère, alla découvrir à Kheïr-ed-Din tout le complot.
        Celui-ci, étonné, et ne voulant à cet égard se fier à personne, alla lui-même à la forge, et trouva au lieu désigné les clefs et la massue de fer. Furieux, il résolut de livrer à une mort cruelle, sans aucun délai, tous les auteurs de la conjuration. Il sut par le même traître qu'il y en avait dix-sept, dont les plus coupables étaient Jean de Portundo et les six capitaines, Louis de Séville, le forgeron et le fondeur. Le jour de saint Jean apôtre, 27 décembre, il ordonna de retirer de leur bagne les dix-sept chrétiens et de les faire mourir.
        Aussitôt un grand nombre de Turcs et de renégats courent en armés au bagne, et, appelant tous ceux qui étaient condamnés à mort, ils commencèrent à les accabler de grosses injures, suivant leur coutume.
        " Chiens ! traîtres ! vous allez être payés de vos projets de révolte.
        Chaque chrétien fut pris par deux Turcs, et ils marchèrent à la plaine de Bab-el-Oued. Les prisonniers, les mains liées, étaient doux comme des agneaux. Les barbares les tailladèrent à grands coups de cimeterre, leur fendant la tête, leur coupant les bras, les jarrets et tous les membres.
        Barberousse défendit sous peine de la vie d'enterrer les cadavres, et il voulut qu'on les jetât dans un lieu d'immondices, en pâture aux chiens et aux oiseaux de proie.
        Six mois après, Francisco de Almaça fut arrêté alors qu'il s'enfuyait par terre à Oran, avec un autre chrétien. On l'amena devant le pacha, qui fit donner au chrétien deux cents coups de bâton et condamna Francisco à être jeté à la mer une pierre au cou. Ainsi finit le traître.
        - Dieu ait pitié de son âme ! dit Carlotta; mais il avait commis un grand crime.

        - La même année (1531), reprit le trinitaire, Kheïr-Ed-Din eut encore à réprimer une révolte à Cherchell. Cette ville, qui s'élève au milieu des ruines grandioses de l'antique Cæsarea, capitale de la Mauritanie césarienne, s'était rendue aux Barberousse, et Kheïr-ed-Din y faisait travailler sept cents chrétiens esclaves à la construction d'une place et à l'agrandissement du port. Au mois d'avril, ils se trouvèrent, quelque temps avec un petit nombre de gardiens et de Turcs. Accablés de barbares traitements, sans espoir de délivrance, ils ourdirent un projet de révolte : il s'agissait de recouvrer la liberté, et d'acquérir une gloire éclatante en s'emparant de la casbah, ou citadelle, et de tout le pays, pour les remettre au roi d'Espagne Charles-Quint.
        Le jour était fixé pour le massacre des Turcs et des Maures, lorsque deux galiotes du pacha reçurent ordre de se rendre à Alger. Deux chrétiens espagnols captifs à Cherchell voulurent profiter de l'occasion pour écrire à un de leurs amis, Sotomayor, esclave de Barberousse à Alger : ils lui révélaient tout le plan de l'affaire qui se préparait,
        Ils confièrent la lettre en grand secret à un de leurs amis captif sur un des navires en partance. Celui-ci la plaça dans son sein, pour la cacher ensuite dans son bagage. Mais, n'y pensant plus, il la laissa tomber sans s'en apercevoir. Un renégat espagnol qui se trouvait près de lui la ramassa à son insu, et fut fort surpris en en voyant le contenu. Il ne dit rien; seulement, arrivé à Alger, il remit la lettre à Barberousse, qu'elle jeta dans l'étonnement et la crainte. Il dépêcha aussitôt une de ses galiotes à Cherchell pour avertir les Turcs et leur prescrira d'être sur tours gardes. Il expédiait en même temps, pour plus de sûreté, un renfort d'hommes, des fusils et d'autres armes.

        Pensant que les chrétiens d'Alger pourraient un jour faire la même tentative, et dans la vue de les en détourner par la terreur, il fit torturer Sotomayor, à qui la lettre était adressée. Deux Turcs administrèrent à cet esclave deux cents coups de bâton sur les épaules, deux cents sur la plante des pieds, autant sur le ventre. Non content d'une bastonnade qui laissa le patient brisé, la peau enflée et les entrailles déchirées, le pacha la condamna au tourment du feu, pour lui arracher l'aveu de ce qu'il savait. Les Turcs lui oignirent de beurre la plante des pieds déjà toute gonflée, et les lui approchèrent d'un feu ardent. Puis ils questionnèrent pendant plusieurs heures le pauvre esclave au sujet du complot. Il était complètement innocent, ne savait rien et ne pouvait rien comprendre de tout ce qu'on lui demandait.
        Il affirmait au nom de Dieu qu'on le tuait sans qu'il eût commis aucune faute et sans aucun motif. Kheir-ed-Din, semblable à un animal furieux, ne voulait rien entendre aux raisons de l'Espagnol, et lui faisait brûler les pieds, les nerfs et les os. Chose admirable, dont furent émus tous les spectateurs, Sotomayor souffrit héroïquement la torture qui rôtit et consuma ses chairs ; les noms bénis de Jésus et de Marie, qui sont le secours et la consolation du chrétien mourant, s'échappèrent de ses lèvres jusqu'au moment où il resta comme mort. Les bourreaux, le voyant immobile, l'abandonnèrent. Le pacha donna l'ordre à un chrétien espagnol d'aller jeter ce cadavre à la mer ; mais l'esclave, découvrant un souffle de vie, porta le corps au bagne, où un des amis de Sotomayor, qui a tout raconté au père Haedo, s'efforça de le guérir. Ce fut impossible ; le feu avait pénétré jusqu'à la moelle des os ; et le héros mourut au bout de neuf jours de souffrances aiguës, le 16 avril 1531, à l'âge d'environ quarante-cinq ans. Il laissa dans une affliction profonde les chrétiens, qui l'aimaient tous à cause de ses vertus.

        - Révérend père, dit Mme Morelli, il est juste de reconnaître et de proclamer hautement que votre nation a montré de tout temps le courage et la dignité qui conviennent à un peuple catholique.
        - Il y a eu, Madame, beaucoup de renégats espagnols ; mais le sentiment de l'honneur et la force d'âme sont certainement l'apanage de nos gentilshommes, et l'on trouverait difficilement quelque noble espagnol qui eût forfait aux lois de la chevalerie.
        - Vos compatriotes, dit M. Morelli, donnaient au Maroc, comme en Algérie, des exemples dignes de figurer parmi les plus beaux de l'histoire. Quant à moi, je n'aurais pas assez d'éloges pour Alphonse Pérès de Sayavédra, fils du comte de la Gomère. Ce jeune homme, à la tête d'une troupe de gens des Canaries, faisait des incursions sur le territoire des Maures du Maroc. Le chérif fondateur de la dynastie qui règne encore en ce pays, violant le droit des gens à l'égard d'Alphonse, le fit arrêter un jour qu'il venait avec un sauf-conduit négocier un échange d'esclaves. Le prisonnier, après avoir essuyé ses outrages, fut chargé de chaînes qui pesaient plus de soixante-dix livres. Il se résigna courageusement à la volonté de Dieu, et mérita l'estime des Maures par ses grandes qualités. Il parlait si bien l'arabe et les dialectes berbères du pays, que le chérif seul le surpassait sous ce rapport : c'est le témoignage que ce dernier en rendit lui-même à don Diégo de Torrès.

        Sous le poids de ses fers il conservait sa vigueur, et, au bruit de chaînes qui accompagnait sa marche, on croyait entendre les pas de plusieurs esclaves. Il avait eu pour mère une Mauresque, et se trouvait ainsi parent du chérif. Celui?ci le respectait et le craignait également; il ne voulut jamais lui rendre la liberté, à aucun prix. Alphonse était obligé de gagner sa vie à fabriquer des franges et des bordures de vêtements. Il était si habile à ce métier, que les dames et les cavaliers du pays tenaient à en porter de sa façon, Le jeu d'échecs, si estimé des Maures, lui procurait aussi des ressources; car il y jouait à merveille.
        Rien n'égalait son attachement à la religion, Le chérif le pressait un jour de se faire musulman, lui promettant, s'il y consentait, la liberté, une de ses filles en mariage et le titre de premier gouverneur. Alphonse l'écouta patiemment, et répondit en véritable chevalier chrétien :
        " Vous m'avez accordé beaucoup de faveurs durant ma captivité, et les choses que vous me proposez sont considérables ; mais elles n'auront aucun pouvoir sur mon esprit, je souffrirais mille fois la mort plutôt que de quitter la foi de Jésus-Christ. "
        On le fit passer dans la suite de Maroc à Fez, où il mourut. Il avait été vingt-six ans esclave.

        - Comparez cette conduite avec celle des lâches renégats de nos jours, dit Alfred. Ils osent parler d'honneur. L'honneur ! c'est par lui que des hommes du jour prétendent remplacer la foi religieuse, ajouta M. Morelli.
        Mais ils le distinguent du devoir, et le réduisent à la bonne opinion de ceux qui les entourent. Quant à l'honneur véritable, qui consiste à mettre sa conscience à l'abri de tout reproche de crime ou d'indélicatesse, ils en font bon marché s'ils n'ont point à craindre l'opinion d'autrui.

        - Le fils de Barberousse, Hassan-Pacha, continua le père Gervais, retenait captif, en 1559, un fier Castillan, Jean Canète, fait prisonnier dès 1550. Canète montait autrefois un brigantin avec lequel il inquiétait les Maures sur toute la côte de Barbarie. Telle était son audace, qu'il débarqua plusieurs fois la nuit aux portes d'Alger, et enleva des Maures qui avaient coutume d'y dormir, comme on dit, à la belle étoile. Une nuit entre autres, il laissa son poignard planté dans la porte de Babel-Oued, et les Turcs, voyant cette arme le lendemain, ne doutèrent pas qu'elle ne fût de lui. Son nom seul inspirait la terreur, et, lorsque les Mauresques voulaient apaiser les cris de leurs enfants, elles leur disaient : " Tais-toi ! Canète vient. "

        Au printemps 1550, il apprit qu'il y avait dans le port d'Alger beaucoup de galiotes, de brigantins et d'autres bâtiments désarmés. Il conçut la pensée de faire un exploit conforme à son courage : c'était de pénétrer dans le port et de livrer tous ces navires aux flammes. Ses compagnons applaudirent à ce dessein.
        Le 20 mai, son brigantin bien armé se tenait au large à la hauteur d'Alger. La nuit est obscure ; il s'approche peu à peu du rivage. Il est minuit; tout est calme. La garde s'est endormie sur le môle et au bastion qui regarde le port. Le brigantin va y entrer sans être aperçu. Mais voici vers le couchant, derrière la pointe où brille le phare, deux galères ennemies. L'une est montée par un renégat napolitain, l'autre par un de ses esclaves, renégat comme lui. La pointe formée par l'entrée du port ne permit pas à Canète de reconnaître ni d'apercevoir les galiotes. Ils se rencontrèrent, pour ainsi dire, dans le port même. Les chrétiens découvrirent d'abord les Turcs, et, virant de bord, tirent force de rames. Les galères se mirent à leur poursuite ; la partie était trop inégale pour que la victoire fût douteuse.

        La prise de Canète, terreur de tous, fut un sujet de grande joie pour les Turcs, et en particulier pour le pacha. Hassan le fit enfermer dans le bagne de ses esclaves, où il demeura neuf ans attaché par la jambe avec une chaîne de fer. Charles-Quint offrit vainement sa rançon.
        Ce temps écoulé, deux vieilles épées furent trouvées dans le bagne par les gardiens, et ils propagèrent le bruit que les chrétiens voulaient se révolter. Les Turcs et les Maures y ajoutèrent foi. A vrai dire, il en avait été question, dans le secret, parmi les esclaves. On y comptait plus de huit mille Espagnols, faits prisonniers l'année précédente à la journée de Mostaganem, et il y en avait plus de huit mille autres appartenant à diverses nations chrétiennes.
        Un traître, un lâche, Morellon de Valence, dévoila tout au roi pour obtenir sa bienveillance, et il dénonça don Martin de Cordoue comme auteur de la trame. Hassan en fut troublé ; il fit enfermer Martin, sous bonne garde, dans une forteresse. Ce vaillant capitaine, fils du général comte d'Alcaudète, avait sauvé les Espagnols d'une complète déroute, en 1546, à la retraite de Tlemcen ; et, si l'on eût suivi ses conseils au siége de Mostaganem, en 1558, le désastre de la retraite sur Mazagran ne fut point arrivé. C'est là que son père trouva la mort, et qu'il fut lui-même obligé de se rendre avec toute l'armée. Les Arabes ne voulaient faire aucun quartier. Hassan leur livra huit cents Espagnols, qu'ils égorgèrent pour assouvir leur rage. Les autres prisonniers, parmi lesquels était don Martin de Cordoue, furent réduits en servitude. Ce brave chevalier fut racheté, deux ans après, vingt-trois mille écus.

        Hassan s'était contenté de le séquestrer, pour lui ôter le pouvoir de soulever les esclaves. Mais les Turcs et les renégats demandaient qu'on fit justice des chrétiens trouvés en possession des deux épées. Ils obtinrent enfin du pacha la permission d'agir comme ils l'entendraient. La tourbe se précipita aussitôt vers le bagne. Le gardien, qui était renégat, fit sortir Canète, et, le saisissant par le bras :
        " Chien ! s'écria-t-il, crois-tu bien faire en te révoltant avec tes pareils, dans ce bagne et contre la ville ? Comment ! tu pensais réussir ? Attends, tu vas voir comment on châtie les traîtres !
        - Je n'ai jamais eu la pensée qu'on me prête, répondit le captif. C'est une invention pour me tuer à défaut de raison. Vous êtes homme de mer ; souvenez-vous qu'un jour mon sort pourrait être le vôtre.
        - Assez de paroles ! "

        On lui lia les mains par derrière, et on le fit mettre à genoux sur le sol. Le chef des gardiens, se tournant vers les chrétiens témoins de cette scène cruelle, leur dit :
        " Regardez, chiens de chrétiens ! regardez, ouvrez les yeux ! Voilà ce qu'on fait aux traîtres et ce qui vous attend tous ! " Alors, dégainant un cimeterre, il frappa vigoureusement Canète sur le cou, à trois ou quatre reprises. La tête n'en fut pas tranchée ; Canète gisait respirant encore. Un janissaire saisit alors le même cimeterre, prit par la barbe la tête du patient, et lui coupa la gorge. Le chrétien avait manifesté jusqu'au dernier moment une foi invincible.
        Le chef des gardiens leva en l'air cette tête sanglante aux acclamations de la foule. On la porta ensuite au pacha.
        Lorsqu'il l'eut considérée, lui et ceux de sa maison, on revint an bagne et on l'exposa au-dessus de la porte, au bout d'une lance, pour que tous pussent la voir, Turcs, Maures, juifs et chrétiens. Durant deux jours les infidèles y affluèrent, au point qu'il n'y eut pas un enfant qui ne la vit. Les chrétiens eurent alors la permission de l'enterrer dans leur cimetière de Bab-el-Oued, où le corps avait déjà reçu la sépulture. Jean Canète mourut à soixante ans.
        - A la manière dont les pachas procèdent en tout ceci, remarqua Mme Morelli, nous voyons que vous n'exagériez pas, révérend père, lorsque vous nous donniez une si triste idée de la justice musulmane.

        - Un fait arrivé à Alger l'année suivante (1561) peut encore mettre en son jour le caractère des juges et celui de la nation.
        Un Maure, passant de nuit sous la forteresse de Hassan Pacha, fut tiré par des voleurs et jeté dans un puits voisin. Le lendemain, deux Maures regardèrent dans ce puits, aperçurent le cadavre et le retirèrent de l'eau. Ils virent à ce moment, non loin de là, un chrétien qui bêchait dans le jardin de son maître; et comme il est convenu que les chrétiens sont coupables de tous les crimes dont les auteurs sont inconnus, l'esclave fut déclaré l'assassin du Maure. Sans plus d'indices, on le lia et on l'amena devant Hassan, qui examina l'affaire avec soin. Le pauvre chrétien prenait Dieu à témoin qu'il ne savait rien de ce dont on l'accusait :
        " Si j'avais tué le Maure, je n'aurais pas eu la maladresse de le jeter dans un puits si rapproché du lieu où je travaille ; je l'aurais facilement enterré dans une fosse creusée avec ma bêche ; et d'ailleurs le crime s'est accompli la nuit, et je passe la nuit dans la maison de mon maître :
        Je ne me rends au jardin qu'au grand jour. "

        Hassan ne découvrit aucune preuve de la culpabilité de l'esclave ; il le condamna néanmoins à mort. Turcs et Maures, altérés du sang chrétien et toujours prêts pour l'office de bourreau, saisirent l'innocent et le conduisirent à Bab-el-Oued. Il l'y enterrèrent jusqu'à la ceinture, le battirent à coups de roseaux, tandis qu'il priait avec ferveur, et, fatigués de frapper son corps sanglant et meurtri, l'achevèrent en le lapidant.
        Un renégat, s'approchant alors, ouvrit froidement la poitrine du martyr avec un couteau, lui arracha le cœur et l'enveloppa dans un mouchoir. Fier de cet exploit, il porta plusieurs jours ce cœur sur sa poitrine ; à ses repas, il en mit un petit morceau dans le plat et le mangea, voulant se montrer sincère et digne renégat, implacable ennemi du nom chrétien. Le corps avait été brûlé par les Maures. Les chrétiens ne purent recueillir que des restes d'ossements ; ils les enterrèrent dans leur cimetière à Bab-el-Oued.
        - C'est incroyable ! révérend père, dit Carlotta, dont un léger soubresaut nerveux avait manifesté les impressions pénibles.
        - Ma fille, dit Mme Morelli, on ne sait pas jusqu'où peut aller dans le mal un chrétien qui se fait sans réserve l'esclave du démon : celui-ci le pousse loin.
        - Jusqu'à l'anthropophagie ; on en a vu des exemples dans nos modernes révolutions d'Europe, ajouta M. Morelli.
        - Je ne m'étonne pas qu'un renégat descende plus bas qu'un musulman de naissance, dit Alfred; cela est conforme au proverbe : Corruptio optimi pessima, la pire corruption est celle de ce qu'il y a de meilleur. "
        Ces réflexions entraînèrent les interlocuteurs assez loin du sujet qui avait servi de point de départ. L'horloge de la Djenina sonnait une heure avancée. Mais Carlotta obtint encore un récit du vieux trinitaire.

        " En 1563, dit-il, le même Hassan-Pacha, fils de Kheïr-ed-Din, forma le projet de se rendre maître d'Oran et de Mers-el-Kébir. Il voulait profiter de revers éprouvés depuis peu par les Espagnols : une tempête avait englouti vingt de leurs galères au détroit de Gibraltar, et la fortune les avait trahis à Mazagran et à Djerba. Outre quinze mille Turcs et renégats, il avait réuni vingt mille hommes d'infanterie et de cavalerie, Arabes et Kabyles des Beni-Abbès et des Zouaouas. Cette armée traînait avec elle de l'artillerie de campagne. Une flotte composée de plus de quarante navires la soutenait par mer.

        Les fils du comte d'Alcaudète, qui périt à Mazagran, attendaient l'ennemi. L'aîné, Alphonse de Cordoue, était gouverneur d'Oran, et son frère, don Martin, que nous avons rencontré au bagne d'Alger, défendait Mers-el-Kébir. Ce dernier fit des prodiges de valeur. Le château Saint-Michel, qui protégeait la place, et qui n'existe plus aujourd'hui, essuya sept assauts furieux avant d'être évacué. Les Turcs y établirent des batteries, et la brèche fut ouverte aux remparts de la forteresse où se trouvait don Martin. Il refusa de capituler, et força les assaillants à la retraite, après quatre heures d'un combat acharné. Il tua quinze cents hommes à l'ennemi dans un second assaut, et en subit un troisième, ou son héroïsme fut couronné d'un égal succès.
        - Hassan dut alors se repentir, interrompit Alfred, d'avoir vendu don Martin vingt-trois mille écus.
        - Le pacha désespérait ; mais il comprit qu'il était temps de battre en retraite, lorsqu'il vit sa flotte tourner la proue vers Alger ; on apercevait les mâts de la flotte d'Espagne qui s'avançait sous les ordres de don Francisco de Mendoza. Cet officier fit débarquer le régiment de Naples, commandé par Pedro de Padilla, et l'arrière-garde de Hassan pressa la marche, pour n'avoir point à se mesurer contre ces nouvelles troupes.
        Je vous laisse à penser la fureur des Algériens contre leurs esclaves, après le retour honteux du pacha.

        Juin s'écoulait avec la bonne saison des corsaires ; on avait compté que le pillage de Mers El-kébir et d'Oran suppléerait aux ressources de la piraterie : c'était une complète déception. Les raïs se hâtèrent de se remettre en course, afin de réparer autant que possible le temps perdu.
        Deux d'entre eux, montés sur une galère de dix-huit bancs et sur une autre de vingt, capturèrent dans les eaux des Baléares un brigantin commandé par le Majorcain Jacques Puxol, excellent marin, connaissant très-bien la mer et qui faisait beaucoup de mal aux infidèles, sur la côte de Barbarie. Les raïs, qui étaient tous deux renégats, résolurent de brûler vif ce redoutable adversaire en rentrant à Alger. Et ce qui les poussait encore à prendre cette décision, c'est qu'au moment de leur départ on assurait dans la ville qu'un renégat vénitien et des Turcs venaient d'être brûlés à Majorque. Le retour de ce renégat sain et sauf à Alger, détrompa ceux qui l'avaient cru mort. Les raïs cependant ne renoncèrent pas à leur résolution. Elle fut approuvée du pacha; mais ils en ajournèrent l'exécution, et livrèrent provisoirement leurs prisonniers aux gardiens du bagne de Hassan.

        Puxol y était enfermé depuis plusieurs mois et attaché à la chaîne, de sorte qu'il ne pouvait même pas venir respirer à la porte. Il devait croire que les raïs l'oubliaient ou se désistaient de leur dessein. Mais, au mois de mars 1564, quelqu'un leur en parla, et ils prirent le parti de ne pas surseoir davantage à l'exécution. L'autorisation ne fut pas difficile à obtenir du pacha; car il faisait peu de cas de la vie d'un chrétien, et d'ailleurs il n'eût pas osé mécontenter trop vivement ceux qui autrefois l'avaient enchaîné lui-même et envoyé comme traître à Constantinople. Non-seulement il les laissa libres d'agir à leur gré, mais il ajouta :
        " Si la mort de Puxol ne suffit point à votre vengeance, choisissez dans mon bagne quelque autre chrétien, que vous brûlerez avec lui. "
        Le pacha ne parla point à des sourds; ils baisèrent le bord de son vêtement, selon la coutume, et se retirèrent pour aller au bagne. Leur choix se fixa sur un vénérable religieux, courbé par l'âge, le père Garao, de la ville de Vich en Catalogne, et de l'ordre du Mont-Carmel. En passant sur une frégate de Barcelone à Majorque, où il allait remplir les fonctions de vicaire général, il avait été pris par les corsaires en même temps que ses compagnons, le frère carme Baptiste Ven, qui était son neveu, un autre frère du même ordre, Paul Barcelo, et quelques serviteurs de l'évêque de Majorque. Le pacha, qui prélève le cinquième sur toutes les prises, avait mis dans son lot le vieux moine.
        " Vous n'avez que faire de ce vieux bossu catalan, de ce baba des chrétiens, dirent les raïs à Hassan ; et, si vous le voulez, c'est lui que nous brûlerons avec Puxol, "

        Ils avaient compris que cette victime serait plus regrettable aux yeux des chrétiens, et leur propre vengeance plus complète.
        " Faites comme il vous plaira, " répondit Hassan.
        Les renégats firent alors conduire du bois sec à la Marine, lieu qu'ils désignèrent pour le supplice, et l'on fixa en terre, à l'extrémité du môle où est la tour du phare, deux ancres de galères, les pattes au crochets en haut : c'étaient des colonnes destinées aux serviteurs de Jésus-Christ, qui ignoraient ces préparatifs.
        Les raïs vinrent ensuite au bagne du roi, suivis d'une foule de Turcs et de Maures. L'un d'eux appela le père Garao, et on le conduisit, sans lui rien expliquer, à la demeure du pacha, qui ne l'avait pas encore vu. On présenta le moine en disant :
        " Voilà le baba des chrétiens. "
        Hassan renouvela la permission d'en disposer librement. Les renégats, joyeux, laissèrent le vieillard sous bonne garde dans la cour, et revinrent au bagne, où ils appelèrent Jacques Puxol, L'esclave mangeait alors avec d'autres de ses amis. Ne se doutant nullement de la grâce insigne que Dieu lui réservait, il sortit à l'instant, pensant que les Turcs le demandaient pour couper une voile ; car on savait qu'il était très habile à cet ouvrage. Il fut mené auprès du père Garao. La foule des renégats, des Turcs et des Maures, faisait cercle autour des serviteurs de Dieu. Elle les accablait d'apostrophes remplies de haine et de fureur.
        " Chiens ! savez-vous qu'on va vous brûler vifs ?
        - Ah ! vous croyez qu'on ne sait pas se venger !
        - Etes-vous contents d'avoir brûlé le renégat à Majorque ? " Les disciples de Jésus-Christ ne répondaient rien, si ce n'est qu'ils ignoraient ce qu'on voulait leur dire.

        Ils furent pendant deux heures soumis à ces outrages. Enfin on avertit que tout était disposé.
        Le moine et Puxol, délivré de la chaîne qu'il avait à la jambe, marchèrent lentement au môle de la Marine. La multitude venait en troupeau par derrière, et les enfants surtout hurlaient de joie de ce qu'on allait brûler deux chrétiens. Au milieu de ces vociférations, les confesseurs furent admirables de courage et de dignité. Ils ne donnèrent aucun signe de faiblesse ; ils priaient d'une voix claire et distincte. Le bon père, en particulier, récitait avec ferveur des oraisons en latin. Les Turcs et les renégats ne comprenant pas cette langue :
        " Que dis-tu, baba ? A qui parles-tu ? lui disaient-ils. Tu te recommandes à Dieu, et tu ne vois pas qu'il ne t'écoute point ! "
        Mais l'homme de Dieu ne suspendait pas sa prière, et continuait d'implorer le secours du Ciel.
        On arriva au môle. Les ancres étaient à la distance de douze pas l'une de l'autre ; on y attacha les deux chrétiens par la ceinture, avec des cordes de chanvre toutes neuves.

        Le bois était placé de manière à brûler lentement les victimes, à les rôtir sans les consumer.
        - Quel spectacle ! fit Mme Morelli.
        - Les renégats, non contents de regarder les martyrs desséchés par le feu, leur jetaient des cruches d'eau sur la tête, et cette eau, loin de leur procurer du soulagement, rendait les souffrances d'autant plus atroces que les bourreaux attisaient en même temps la flamme. On voyait sur le visage de quelques Turcs un masque de compassion ; mais les renégats, plus cruels que des tigres, ne manifestaient que du plaisir.
        Le père Garao, vieux et faible, ne pouvant plus résister aux tourments, baissa la tête, qu'il avait jusqu'alors tenue élevée vers le ciel. Et se recommanda à Dieu d'une voix ferme, que les chrétiens, spectateurs éloignés, entendirent, et il rendit l'âme. Le corps tomba de côté; les renégats rapprochèrent alors le bois, et activèrent le feu qui dévora les chairs.
        Puxol, moins âgé et plus robuste, ne mourut pas aussi promptement. Ses douleurs furent plus horribles. Les flammes lui rôtissaient les entrailles, et, comme la corde qui l'attachait à l'ancre lui laissait une certaine latitude, il se jetait d'un côté et d'un autre, agité, dans ce cercle de feu, par la crainte naturelle de la mort et la violence du supplice.
        Ces mouvements excitaient les cris et la risée des renégats. Enfin l'un d'eux, mû sans doute par la pitié, prit une pierre sans que les autres l'aperçussent, et la lui lança si juste à la tête, que le martyr tomba mort. Les renégats, à cette vue, saisirent aussi des cailloux, et lapidèrent le corps à l'envi, dans des transports de rage. Puis, le dégageant des pierres qui le couvraient, ils jetèrent dessus le reste du bois. Les deux corps des martyrs de Jésus-Christ brûlèrent toute la nuit, et il n'en resta guère le lendemain que la cendre. Les chrétiens n'osaient venir à la recherche des ossements. On répandit quelques jours après, dans tout ce lieu, les cendres, des os et des fragments mal consumés. Des fidèles en ramassèrent, dit-on, certains débris, et les enterrèrent au cimetière de Bab-el-Oued, on ne sait en quelle place.
        Le père Garao était âgé de soixante-quinze ans. On rapporte qu'au moment où il expira l'on vit une colombe monter au ciel de l'endroit de son glorieux martyre.

        Le récit navrant du père trinitaire fut le dernier de cette soirée. On se retira pénétré. La nature même semblait faire silence à ces graves souvenirs. Cependant la brise de la nuit apportait par instants les sons lointains et fugitifs d'une guitare et de castagnettes. Une voix mélancolique jetait au vent des strophes interrompues, et l'oreille attentive distinguait la cadence d'un boléro... Savez-vous, ô gais Castillans, danseuses andalouses, ce que vos ancêtres ont souffert en ces lieux ?
A SUIVRE

L'Helléparthie
Envoyé par Geneviève

Si un café t’empêche de dormir,
Si une bière t'envoie directement aux toilettes,
Si tout te paraît trop cher,
Si n'importe quelle bêtise te met en rogne,
Si un léger excès fait monter l'aiguille de ta balance,
Si tu arrives à l'âge des métaux; (cheveux d’argent, dents en or, pacemaker en titane)
Si la viande te fait mal à l’estomac, si le poivre t'irrite et l'ail te fait régurgiter,
Si le sel fait monter ta tension,
Si tu demandes au maître d'hôtel une table loin de la musique et des gens,
Si attacher tes lacets te fait mal au dos,
Si la télé t'endort,
Si tu dois te servir de plusieurs paires de lunettes (de près, de loin, de soleil)
Si tu as des douleurs d'origine inconnue,
Si tu as un ou plusieurs de ces symptômes,
ATTENTION!
C'est sûr, tu souffres d'Helléparthie !

Et oui ! Helléparthie ta jeunesse !


   LA BASILIQUE SAINT AUGUSTIN   
Envoyé par Nicolas Duchene


Bain de jouvence pour la basilique
Saint-Augustin d'Annaba

             La ville de Bône est et sera à jamais marquée du sceau humaniste du plus grand docteur de l'église africaine : Saint Augustin.
             Pour pérenniser son souvenir et lui témoigner sa reconnaissance, la communauté chrétienne d'Afrique fit édifier, sur une colline dominant les ruines de l’antique cité d’Hippone où l'on peut voir encore les contours de la basilique et la chaire d'où prêcha saint Augustin (354-430), et la rive méditerranéenne, une basilique qui, du haut de son promontoire, surplombe de son port majestueux la vaste plaine étendue à ses pieds et l'admirable baie de Bône limitée par la ligne des deux caps qui l'encadrent.
             Le choix de son emplacement est hautement symbolique, ce "Mamelon vert", surnommé «Lalla Bouna», fut, jusqu’au départ des Pieds-Noirs, un lieu de pieux pèlerinages tant il paraissait établi que Saint Augustin y avait vécu et officié. C’est le seul lieu chrétien visible du diocèse de Constantine et d'Hippone
             « C'est un lieu phare qui attire beaucoup de monde, souligne Mgr Paul Desfarges, l'actuel évêque du lieu. Les Algériens en sont fiers. Ils se sont réappropriés ces dernières années la figure de saint Augustin ».

Petit rappel sur la basilique
Saint-augustin d'Hippone

             L'histoire de la basilique Saint-Augustin à Annaba remonte à 1839 lorsque Monseigneur Dupuch, adepte et grand amoureux du saint homme arriva dans cette ville numide avec dans ses bagages l'idée de rendre à Hippone son aura et son rayonnement d'antan avec un projet grandiose comprenant la construction d'un grand complexe avec une basilique, une bibliothèque, un monastère et une maison d'accueil. Mais ce projet, malgré l'insistance et la persévérance de l'homme, ne put voir le jour et on dut adopter une vision plus modeste de cette initiative en retenant uniquement la construction de la basilique.
             Monseigneur Dupuch, premier évêque d'Alger, fit ériger, à mi-coteau, un petit autel de marbre blanc surmonté d'une imposante statue de saint Augustin coulée dans le bronze des canons turcs et posée à coteau sur un autel de marbre blanc à quelques mètres de l'entrée de la basilique qui avait longtemps été considérée comme le mausolée abritant le tombeau du saint homme. Ce qui avait amené sur les lieux des milliers de pèlerins venus des quatre coins du monde pour s'y recueillir. En réalité, la dépouille de saint Augustin l'illustre évêque qui était mort en 430, dans l'Hippone assiégée par les hordes vandales, fut transportée en Sardaigne puis à Pavie au VIIIème siècle. Mais cela n'empêcha pas les touristes qui affluaient de faire le voyage même depuis la lointaine Amérique pour marcher sur les traces du saint homme.

             C'est seulement quarante ans après sa conception que le projet prit réellement forme. L'abbé Pougnet du diocèse d'Avignon avait été désigné pour en dresser les plans et la première pierre de la basilique en chantier fut bénie le 9 octobre 1881 par Monseigneur Combes, évêque de Constantine et d'Hippone. L'église devait avoir une forme architecturale prenant en compte l'histoire et la culture de la ville avec un style arabo-mauresque bien intégré.
             Dans sa conception de la basilique, l'abbé Pougnet avait voulu «que la lumière fût», il s'en servit et servit tout l'édifice depuis l'abside au porche en passant par les transepts, le maître-autel et la nef centrale en veillant à ce que cette lumière soit harmonieuse et sans violence pour se répandre avec douceur partout dans ce lieu de culte chrétien.

             Cinq années plus tard, la première messe y est dite. C'est seulement que le 29 mars 1909 que la basilique fut consacrée en grande pompe devant une foule de prêtres et de fidèles de toute la région.

             En 1933, l'évêque de Constantine et d'Hippone en confia la garde à l'Ordre de Saint-Augustin représenté par la province augustinienne de Malte. Construit sur un promontoire surplombant les ruines de l'antique Hippone, cet édifice religieux dédié à la mémoire de l'un des plus grands docteurs de l'Eglise chrétienne se veut un espace d'échange entre les différentes cultures et civilisations. Il se dresse là pour prouver au monde la coexistence pacifique de deux religions monothéistes qui, par le passé, se sont longtemps opposées et combattues. La basilique, qui allie les styles arabo-mauresque mais aussi byzantin et romain, se présente comme un ensemble harmonieux où, pour qui sait observer, on retrouve les touches artistiques des civilisations qui ont investi les lieux et que l'architecte a voulu intégrer dans son œuvre pour présenter et offrir au public la dimension universelle de saint Augustin, grand humaniste et homme de dialogue.
             Parl'inspiration, la matière et l'exécution, cette Basilique est un pur produit africain. Avec son style arabo-byzantin, elle s'apparente à celle de Carthage qui en fut l'inspiratrice. Tous les matériaux qui ont servi à la construction ont été tirés du sol algérien. Les marbres, et tout particulièrement ceux du maître-autel et de la chaire ont été extraits de carrières de l'Est constantinois : marbre de Guelma, marbre blanc du Filfila, onyx translucide d'Aïn-Smara. Tous sont d'une rare finesse de grain et d'une étonnante richesse de tons et de nuances.

             Du haut de la terrasse qui précède le porche de la Basilique Saint Augustin, le visiteur est payé de sa courte ascension par le panorama qui s'offre à lui. On aperçoit "la large baie en courbes molles et suaves comme celle de Naples" et l'on ne peut s'empêcher d'évoquer le grand évêque berbère, venant là sur cette colline inspirée, contempler ce paysage agreste enveloppé d'une profonde quiétude et demandant à Dieu "la grâce de demeurer sous ces ombrages depaix, en attendant ceux de son Paradis".

Restauration de la basilique Saint Augustin

Le diocèse a entrepris les travaux de restauration de la basilique, qui ont démarré en février, avec le soutien des autorités locales. Pour mettre en valeur ce patrimoine, les prêtres de l'ordre de Saint-Augustin, installés sur la colline depuis 1933, sont en train de constituer une bibliothèque dotée d'un riche fonds consacré à saint Augustin et destinée à accueillir étudiants et chercheurs.
             Initiative de l’association diocésaine d’Algérie, ce projet de restauration ambitionne de maintenir la valeur symbolique et interculturelle de cet édifice religieux du patrimoine algérien, qui se trouve au cœur de la Méditerranée,

             Ce coeur d’un patrimoine méditerranéen commun, cet édifice de grande qualité architecturale, mémoire de la ville d’Augustin l’Algérien, le penseur universel, était dans un état déplorable et se dégradait irrémédiablement, d’où l’urgence d’une opération pour sa restauration qui a commencé au début de 2011. Il faut dire que depuis sa construction, l'édifice n'a pas connu de véritable restauration ou réhabilitation, on se contentait de petits travaux ponctuels sans plus.

             Ainsi, la restauration de la basilique s’est avérée indispensable et urgente pour également préserver le côté esthétique de l’édifice. Les structures essentielles n’ont fort heureusement pas été atteintes. Les images révélaient l’ampleur de cette dégradation : vitraux cassés, état des plafonds et voûtes en bois de la basilique qui font craindre le pire pour la sécurité du public, protections des baies du tambour du grand dôme cassées et l’eau entre largement à chaque pluie, rouille par endroits, étanchéité à l’air et à l’eau du vaisseau basilical… Les éventuels décrochements de rosaces se détachant du plafond de la nef principale de l’édifice ou la chute éventuelle, impossible à maîtriser en l’état, d’un pan ou d’un éclat de vitrail ont incité les responsables de cet établissement à prendre le taureau par les cornes pour assurer la sécurité des 20000 visiteurs annuels du lieu, composés dans leur majorité d’écoliers, d’étudiants et de participants à des colloques, ainsi que de très nombreux Pieds-Noirs de retour au pays.

  


             Les travaux engagés ont pour objectif de préserver ce monument, actuellement en voie de dégradation tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. L’importante valeur et les qualités architecturales de ce patrimoine bâti de l’Algérie, ont été l’opportunité pour mettre en oeuvre le partenariat exceptionnel engagé entre l’Algérie et la France, sans oublier de rappeler les innombrables opérations menées depuis plus de vingt ans pour préserver ce lieu de culte et de pèlerinage pour de nombreux visiteurs.

             D’un coût de près de 420 millions de dinars (4,2 millions d’Euros), ces travaux de restauration devraient s’achever vers le début de 2013. Cette opération est rendue possible grâce à la contribution de plusieurs partenaires, à savoir la wilaya et l’APC d’Annaba (90 millions de dinars, 900 000 Euros), la région Rhône- Alpes (450 000 Euros) et la ville de Saint Etienne (45 000 Euros). Cela sans oublier l’aide de l’Etat français qui s’ajoute à ces concours publics, ainsi que les donateurs privés ou institutionnels sans lesquels le projet ne pourrait aboutir.

             Ce projet, est mené par l’association Diocésaine, maître de l’ouvrage.

             L’étude et mise en place des travaux, ont été confié à l’architecte Xavier David qui a été déjà maître d’œuvre de la restauration de Notre Dame d’Afrique à Alger.
             Les travaux techniques ont été confiés à l’entreprise A. Gérard, dont le siège se trouve à Avignon, et qui pourra sous-traiter certaines prestations en faisant appel à des entreprises algériennes locales. Concernant cette entreprise retenue pour la restauration du site et le lancement effectif des travaux, l'évêque a informé qu'il s'agit de la même entreprise française qui a réalisé les travaux de restauration de Notre-Dame d'Afrique à Alger qui a été rouverte le 13 décembre 2010. «Les travaux réalisés nous ont pleinement satisfaits et nous en sommes très contents, c'est ce qui nous a fait choisir cette entreprise qui a aussi réalisé la restauration de Notre-Dame de la Garde à Marseille, c'est une société spécialisée qui a fait ses preuves et du moment qu'elle est sur place, on a préféré s'adresser à elle pour aller plus vite», dira-t-il. L'évêque précisera que ce sera aussi un chantier-école à partir de février 2011 qui permettra à 40 jeunes architectes algériens de se former aux techniques de restauration et qui seront plus tard spécialistes dans le domaine qu’ils utiliseront pour d’autres monuments historiques. Devant s’étaler sur environ 30 mois, les travaux seront exécutés en trois étapes: la première concerne les couvertures et les parties hautes de l’édifice, la seconde le traitement de ses parties basses, et la troisième l’intérieur de l’édifice avec la restauration du plafond et la reprise des décors. Un intérêt particulier sera accordé à la rénovation des vitraux qui illuminent la basilique, parce qu’ils constituent «une oeuvre exceptionnelle » tant par son étendue que par la qualité des verrières réalisées.

La basilique d’Hippone est l’un de ces hauts lieux où l’appartenance de chacun à son propre univers culturel ne fait pas obstacle à la rencontre avec la culture d’autrui, l’une et l’autre s’enracinant dans un universalisme manifesté et célébré à travers des valeurs partagées.
             La population Annabie et tous les Bônois s’impatientent de découvrir le nouveau visage de l’imposant trésor cultuel et culturel de leur ville : la basilique Saint-Augustin.

Article réalisé avec des morceaux d’autres articles envoyés par divers internautes et les photos des travaux par M. Duchéne N..


QUELQUES MOTS SUR
LE MAÏS GEANT CARAGUA.

                 Après les nombreuses expériences qui ont été faites, il a été reconnu que le maïs Cuzco, qui nous est venu du Pérou, ne mûrissait pas son grain sous notre climat. Sa culture a dû être dès lors abandonnée.
                 Il n'en est pas de même du maïs géant Caragua dont les récents essais, qui ont eu lieu dans un grand nombre de départements, ont partout complètement réussi. Semé eu temps opportun, ce maïs mûrit parfaitement, et, à cause de l'élévation de l'épi, quiet quelquefois à 5 mètres du sol, il est moins exposé à geler que celui du pays.
                 Les semailles doivent être faites du 10 au 20 avril. Les graines sont enterrées à une profondeur moyenne de 3 à 5 centimètres et espacées de 80 centimètres à 1 mètre dans tous les sens. Ce maïs se recommande surtout comme plante fourragère. Lorsqu'il est semé épais, la plante croit en hauteur ; la tige est plus fine et perd beaucoup de sa rigidité, ce qui permet aux animaux de la broyer facilement. Coupé au moment où l'épi est formé, c'est un fourrage de premier ordre, pouvant être consommé vert ou sec et donner de 80,000 à 100,000 kilogrammes par hectare dans le premier cas, soit 20,000 environ après dessiccation.
                 Naturellement, plus le terrain est fertile et mieux il est préparé, plus la plante est prospère et le produit abondant ; mais dans un sol de moyenne et même de médiocre qualité, il donne encore une belle récolte, alors que les autres variétés ne donnent qu'une récolte chétive, un produit sans valeur. C'est ce qui résulte de mes expériences personnelles et de celles des autres expérimentateurs.
                 Ainsi, huit ares ensemencés en maïs Caragua ont donné à un cultivateur de la Haute-Saône autant de fourrage que 22 ares ensemencés en maïs commun du pays (maïs d'Auxonne). Sur un champ du même maïs, cultivé pour récolter les épis, le rendement en grain a été de 75 hectolitres par hectare ; le rendement du maïs d'Auxonne, cultivé dans les mêmes conditions, n'a pas dépassé 40 hectolitres par hectare. Les terres consacrées à cette culture expérimentale ne sont que de seconde qualité ; elles occupent le sommet d'un coteau dune nature argilo-calcaire ; la culture, quant aux labours et à la fumure, a été conduite exactement comme celle du maïs ordinaire.
                 Voici maintenant l'appréciation d'un agriculteur distingué de la Charente-Inférieure :
                 " Je ne peux trop louer, dit-il, l'entreprise de M. Vidal. Le maïs géant Caragua rapporte, en effet, comme grain, plus de 60 % et, comme fourrage, de 90 à 200 %, en sus du maïs généralement cultivé. J'ai semé cette année (1867) dix litres de ce maïs ; j'en ai semé une partie pour fourrage, à la dose de 80 centilitres à l'are, à côté et en même terrain d'autant de mais ordinaire, et je puis assurer que le produit du maïs Caragua a été double de celui du maïs ordinaire et a été mangé avec plus d'avidité par les animaux. J'ai semé l'autre partie pour grain et j'ai obtenu 95 litres à l'are de maïs parfaitement mûri, plus de 64 % en sus du maïs ordinaire que j'avais semé dans le même champ, et qui n'a fourni que 57 litres à l'are. "
                 Ces rendements sont parfaitement en rapport avec celui que j'ai moi-même obtenu jusqu'ici. Les tiges de mes ensemencements mesurent généralement 4 mètres de haut : on dirait de petites forêts.
                 Frappés, enfin, d'une telle vigueur de végétation, tous mes voisins et mes connaissances ont voulu essayer cette précieuse variété de maïs, dont on apprécie maintenant tous les avantages : comme chez moi, l'expérience a parfaitement réussi et la récolte a été partout admirable.
                 On met ordinairement 45 kilogrammes de semence par hectare pour grain, en lignes, et 73 à 80 kilogrammes pour fourrage. Quand il s'agit de fourrage, on peut semer à toute époque.

                 Si quelques-uns de mes lecteurs désiraient expérimenter cette plante, je me ferais un plaisir de leur faire parvenir la quantité de grain que j'aurai à ma disposition, aux conditions indiquées dans un catalogue spécial qui sera adressé franco à ceux qui en feront la demande, en joignant à celle-ci un timbre-poste de 20 centimes pour tous frais.
P. VIDAL..                 

SÉCHOIR DE FIGUES, SYSTÈME DELEUIL,
BREVETÉ, S. G. D. G.

                 Depuis longtemps, nous avions recours à l'antique cannisse pour sécher les ligues : ce procédé avait de nombreux inconvénients, parmi lesquels les principaux étaient
                 L'obligation de tourner les figues tous les deux jours au plus tard, et dans le cas de pluie forçait à les enfermer dans des locaux très spacieux. Faute de prendre ces précautions, les figues de première qualité devenaient de troisième, heureux encore quand on n'était pas obligé de les jeter.
                 Quelques personnes les enfilaient dans des épines, d'autres dans des fils suspendus à des cadres, mais tous ces procédés avaient des inconvénients graves, et quoique ce soit le principe du procédé Deleuil, ce dernier leur est de beaucoup préférable.
                 Un cadre est suspendu à deux pieds mobiles, pouvant se renfermer dans l'espace compris entre l'épaisseur du cadre, lesquels une fois ouvert, servent de support pour maintenir ce cadre droit.
                 Plusieurs rangées de fils de fer supportant des crocs en fer galvanisés sont disposés de telle façon qu'on peut y pendre les figues, sans quelles se touchent dans aucune direction. L'air et la lumière passent dans tous les sens. Parce moyen l'on obtient, sans peine, une dessiccation rapide et peu de 2ème qualité, surtout si l'on a le soin de les pendre par la partie supérieure de la queue. Chaque cadre contient assez de figues fraîches pour donner trois kilogrammes de figues sèches.
                 Cet appareil coûte 8 francs rendu à Marseille, plus 1 franc d'emballage pour quatre appareils.
                 En pliant ce sèche-figue dans les cas de pluie, on peut empiler, sans crainte de moisissure, une grande quantité d'appareils, là ou l'on pouvait à peine placer quelques cannisses.
                 Nous pensons que l'expérience donnera un grand débit à l'inventeur, qui, par ce moyen, pourra diminuer le prix de ses appareils.
Dr A . SICARD.                 
                 (Revue horticole du Bouches-du-Rhône.) .
                 NOTA. - Le séchoir se vend au prix de 6 fr. chez M. Deleuil, Vitrolles (Bouches-du-Rhône).

CULTURE DES CHOUX POUR FOURRAGE.

                 Les choux, tels que ceux qui se cultivent aux environs de Cholet et dans le nord du département, pour la nourriture du bétail, se sèment à la fin de mars ou dans les premiers jours d'avril, soit dans un carré de jardin, soit plutôt en plein champ, à l'abri d'une haie, sur un terrain bien préparé et fumé.
                 A leur sortie de terre, les plantes peuvent être attaquées par l'attise ou puce de terre. Aussitôt que l'on s'en aperçoit, on les saupoudre de chaux vive, de cendres de foyer, on les arrose encore de jus de fumier étendu d'eau.
                 Vers la fin de juin ou le commencement de juillet, les choux sont bons à repiquer, et sont mis en place. La plantation a lieu au moyen d'un plantoir, à la distance de 0m 70 ou de deux pieds en tous sens. On choisit, pour cette opération, un temps frais et humide, autant que possible, et les plants ne sont mis en terre qu'après avoir été habillés, c'est-à-dire après avoir rogné l'extrémité de la racine et les plus grandes feuilles. La terre sur laquelle ils sont repiqués doit avoir été bien préparée comme pour les autres plantes sarclées, et fumée préalablement de fumier frais et pailleux sortant de l'étable c'est le meilleur engrais pour les choux. Une fois repiqués, on ne leur donne plus aucun soin. Cependant, le mieux est de les biner à la houe à cheval, une ou deux fois, avant qu'ils couvrent la terre, si celle-ci vient à se tasser et à s'infester d'herbes.

                 Vers les premiers jours de septembre, ils sont assez développés pour couvrir le terrain. On commence à les effeuiller, et il en est temps lorsqu'on voit les plus basses jaunir et tomber. L'effeuillement continue jusqu'au fortes gelées, pendant lesquelles on suspend ; il est repris dès le mois de mars et se continue en avril. Mais alors on ne se contente plus d'effeuiller ; on coupe le choux rezterre et on le fait consommer en entier, après avoir fendu le tronc. Il ne faut pas croire que le chou ne réussisse que dans les terres fraîches et profondes ; il prospère très bien dans les terres sèches et minces de plaine, et aux environs de Thouars, on lui réserve même les terres les plus minces, celles qui ne peuvent pas porter d'autre récolte.

                 Les rendements de choux sont véritablement considérables et s'élèvent jusqu'à 100.000 kilos par hectare.
R. GUILLEMOT                 
                 Professeur d'agriculture du département des Deux-Sèvres.

BLÉS DE SEMENCE.
Blé de Smyrne. - Blé rouge du Razés.

                 Parmi les diverses variétés de blés cultivées dans ma contrée, il y en a deux, d'introduction assez récente, qui, par la supériorité de leurs qualités respectives, me paraissent tout à fait dignes d'attirer l'attention des agriculteurs : ce sont le blé de Smyrne et le blé rouge du Razès, appartenant tous les deux à la classe des blés barbus d'automne.
                 Le blé de Smyrne talle peu, et, pour cette raison, il doit être semé un peu plus épais que ses congénères, mais il est remarquable par son excessive vigueur de végétation et par la hauteur qu'il acquiert. Le blé rouge, au contraire, talle beaucoup et devient aussi bien haut. Tous les deux se recommandent par l'importance de leur rendement en grain comme en paille, et ne sont pas sujets à la verse.
                 Encouragés par les succès des premiers expérimentateurs, quelques autres propriétaires du voisinage ont voulu essayer ces excellentes variétés de froment; leur récolte de cette année a été admirable et le produit très supérieur à celui des autres espèces. Il y en a qui déclarent n'avoir jamais obtenu rien de semblable, et ils regrettent aujourd'hui que tous leurs ensemencements n'aient pas pu être faits avec les blés dont il s'agit. Il est possible que dans les mêmes conditions de culture et de fumure, ils donneraient un produit aussi important que les Galland et les Maubach, dont je me propose bien, d'ailleurs, si je puis, de faire l'essai.
                 Il serait à désirer que tous les propriétaires fissent l'essai de ces variétés de froment, pendant la campagne prochaine, afin de comparer avec les autres espèces cultivées ; je suis persuadé qu'ils seraient satisfaits du résultat de cette comparaison.
                 Pourquoi ne pas faire des expériences aussi faciles, aussi intéressantes et surtout aussi utiles, quand elles ne peuvent d'ailleurs dans aucun cas, porter préjudice sérieux ?
                 Des paquets d'essai de 2 à 300 grammes seront adressés franco, par la poste, à ceux qui en feront immédiatement la demande, en joignant à celle-ci un franc en timbres ou en un mandat-poste pour tous frais.
                 Il sera fait aussi, si on le désire, par le chemin de fer, des envois d'un décalitre et au-dessus, à raison de 75 centimes le litre, emballage compris, et port à la charge du destinataire.
P. VIDAL,                 
                 Instituteur à Montbel, par Larroque d'Olmes (Ariège.)

HISTOIRE DES VILLES
DE LA PROVINCE DE CONSTANTINE    N°4
PAR CHARLES FÉRAUD
Interprète principal de l'Armée auprès du Gouverneur général de l'Algérie.

LA CALLE

ET DOCUMENTS POUR SERVIR A L'HISTOIRE
DES ANCIENNES CONCESSIONS
FRANÇAISES D'AFRIQUE.
Au GÉNÉRAL FORGEMOL

Ancien Capitaine Commandant supérieur,
du Cercle de La Calle

Comptoir du Cap Nègre en 1520

           
           Déjà, vers 1520, un Parisien, un Normand et un Breton, dont on ignore les noms, s'étaient fixés au Cap Nègre, pour commercer avec les Arabes et faire la Pêche du corail. Le Siège de leur Compagnie était au Havre. Nous n'avions fait jusqu'alors, sur la Pêche du corail, que quelques tentatives individuelles : telle était celle de cette Nef Marseillaise qu'une trentaine d'années plus tard Nicolas de Nicolaï rencontra vis-à-vis Bône, parmi les corailleurs Génois qui, eux aussi, se livraient à la Pêche du corail depuis longtemps.

Fondation du Bastion de France, en 1524

                       Les premiers Français qui l'entreprirent sérieusement furent deux négociants de Marseille, Thomas Linches et Carlin Didier, qui s'associèrent en 1524. Autorisés d'abord par les Capitulations de Constantinople, ils acquirent des Populations Arabes le droit de s'établir, sur environ dix lieues de côtes, pour y taire la Pêche du corail et le Commerce du blé, des laines, des cuirs et cires et d'autres produits du Pays, à la charge de quelques redevances. Ils eurent le choix des emplacements et y érigèrent des Établissements qu'on désigna, dès-lors, sous le nom de Concessions d'Afrique ou de Mazoule, comme nous l'avons déjà expliqué.
           Ce territoire était compris entre le cap Roux à l'Est et la rivière Seybas (l'Oued et Kebir des Seba), à l'Ouest.
           Ils fondèrent d'abord dans une anse du rivage, que les Indigènes nomment Bou Malek, à quelques lieues à l'Est de Bône, un Comptoir de commerce et une Station pour la Pêche du corail, connue depuis sous le nom de Bastion de France. Les Marseillais avaient d'abord appelé cet Établissement lou Bastidoun, c'est-à-dire, en Provençal, la petite Bastide, devenu ensuite en Français Bastion.
           " Ce Bastion, dit du reste De Brèves, dans une de ses Lettres, n'était ni château ni forteresse, comme aucuns abusés du vocable pourraient croire ; mais seulement maison plate, édifiée pour retraite des Français pêchant le corail en Barbarie, sous couleur de laquelle Pêche ils enlevaient toute sorte de marchandises (blés et autres grains), et d'autant plus librement et à meilleur prix qu'à Tabarque. Il ne s'y tenait aucuns Turcs qui l'empêchassent. "
           Le petit Port de La Calle ou pour mieux dire de Marsa El-Kharaz, car on ne le connaissait encore que sous ce dernier nom, fut également occupé par eux, afin que les navires pussent, au besoin, y trouver un abri(1).
           L'ancienne ville de Marsa El-Kharaz, détruite par Roger de Loria, en 1286, n'avait pas été relevée depuis.
           Le Père Dan rapporte qu'il ne restait aux environs qu'un Douar de Maures, habitant sous la tente. Il y avait encore, cependant, une Mosquée où les Indigènes allaient faire leurs prières, et comme cet Oratoire passait pour un des plus anciens de la côte de Barbarie, l'on y portait, pour les enterrer, des Maures de plus de quarante lieues de loin.

(1) Marsa El-Kharaz, ils l'appelèrent La Calle, parce qu'elle servit de cale à leurs bateaux qu'ils tiraient à terre pour les mettre à l'abri et les radouber.

Sa première destruction, en 1551

                       Le nouvel Établissement eût à lutter, dans les premiers temps, contre de grandes difficultés. D'abord l'apparition des Turcs sur ces côtes avait troublé la tranquillité des établissements français. Le Bastion tut une première fois détruit, en 1551, par Salah Raïs, successeur de Barberousse. Cette agression obligea la Compagnie à traiter avec les puissances organisées, puisque les conventions avec les tribus de la Mazoule ne pourraient leur suffire. Elle en vint en raison de la pêche du corail, à payer aux deux Régences limitrophes des redevances annuelles ; les frontières, du reste, étaient indéterminées entre Tunis et Alger. Autorisés à se réinstaller, Linches et Didier n'y firent pas de bonnes affaires, s'y ruinèrent même, leur commerce ayant à soutenir de nombreuses concurrences de la part des Génois et des Français du Cap Nègre, au point qu'ils durent le céder à un sieur de Moissac.
           La cause majeure du peu de succès de nos Négociants provenait donc du mauvais vouloir des Corsaires Algériens et du peu de cas qu'ils faisaient de nos Traités avec la Porte, n'observant dans leurs clauses que ce qui leur plaisait et leur convenait.
           La suzeraineté Ottomane, créée par Kheir-ed-Dine, fut reconnue durant un certain temps ; mais après la bataille de Lépante, le 7 Octobre 1571, cette grande défaite, dont Constantinople ne se releva jamais, l'autorité des Sultans perdit son prestige et sa force ; leur marine, épuisée, cessa de paraître dans les Ports Barbaresques; l'Empire de la Méditerranée leur échappait, tandis qu'Alger, la guerrière, grandissant de jour en jour, entrait en révolte contre les Gouverneurs qui lui venaient du Sérail. La Milice Turque d'Alger, tourbe indisciplinée d'aventuriers Levantins, dont les rangs s'ouvraient aux Renégats de tous Pays, s'empara, en réalité, du Pouvoir et n'en laissa plus à ses Chefs Étrangers que les stériles honneurs. Les Corsaires n'eurent plus de loi que leur cupidité.
           Cependant, le Gouvernement Français ne perdait point de vue les intérêts de ses Nationaux, et un Mémoire de l'Ambassadeur De Noailles, en date du mois de Mars 1572, le rappelle en ces termes au Roi de France, Charles IX :
           " Sire, les Rois, vos prédécesseurs, ont recherché et entretenu l'intelligence du Levant... pour établir et conserver le trafic que vos Sujets, et singulièrement que ceux de Provence et Languedoc ont, de tout temps, par deçà, lequel s'est tellement augmenté sous le règne du feu Roi Henri et le vôtre qu'il y a aujourd'hui peu d'endroits en vôtre Royaume qui ne profite à la commodité et profit qui en revient; tant pour le regard des drogueries, épiceries, soies, laines, galles, cires, tapis et cuirs, que pour les camelots, cotons, mastic, alun, porcelaine et corail, pour lesquelles denrées vos Sujets portent en communication draps, carisets, toiles, canevas, étain, brésil, verdet et tartre pour les orfèvres.
           " Ce commerce fut premièrement dressé sous les Soudans d'Égypte devant et durant le temps du Roi Saint?Louis... "

           Les Corsaires d'Alger continuaient néanmoins à traiter nos marins et nos marchands en ennemis, les pillant et les gardant comme Esclaves. D'un autre côté, d'autres Nations jalouses des préférences dont nous étions l'objet voulaient nous supplanter en obtenant des privilèges égaux aux nôtres. Cette situation motiva, de la part du Roi, Henri III, l'envoi de la lettre suivante au Sultan Mourad :

           " Du 25 Avril 1579,
           " Au demeurant, lui dit-il, nous avons été avertis que plusieurs Princes et Potentats d'Italie ont envoyé à la Porte de Votre Hautesse pour négocier et obtenir accès et trafic libre pour eux, leurs amis et sujets ès-terres de votre Empire, contre les droits et autorité de la Bannière de France et l'ancienne coutume inviolablement observée en faveur d'icelle.
           " Ce que nous assurons que Votre digne Hautesse, ne voudra aucunement accorder pour être si contraire et éloigné de notre commune amitié, attendu les témoignages que nous avons rendu partout, de bons et grands offices de la vouloir étendre encore davantage. De quoi nous avons donné charge expresse au sieur de Germigny de faire instance à Votre Hautesse, par vos Officiers et Ministres en la côte de Barbarie, ou par la tolération d'iceux dont nous avons reçu un extrême déplaisir. Ayant bien voulu vous en avertir et prier, comme nous faisons très affectueusement, d'y pourvoir de telle sorte que nous puissions connaître telles choses n'être moins à contre cœur à Votre dite Hautesse, indignes de Votre Grandeur, afin que suivant la bonne et louable coutume des Empereurs vos prédécesseurs, telles voies et manière de faire, qui produisent beaucoup de mauvais fruits, soient réprimées et notre commune bonne amitié de tant plus confirmée. ".

Henri III obtient de la Porte
le renouvellement des traités, en 1580

                       Le sieur de Germigny, Ambassadeur à Constantinople où il jouissait d'un grand crédit, obtint pleine et entière satisfaction du Sultan qui en informa Henri III par une lettre du 15 Juillet 1580, dans laquelle nous remarquons les passages suivants :

           Au glorieux entre les Grands Seigneurs de la religion de Jésus, Henri, Empereur de France.

           " Est venu avec vos lettres, Jacques de Germigny, votre Ambassadeur renommé. Et au contenu des susdites, avec l'effet de la congratulation et la corroboration de l'amitié qui est entre nous, dès nos aïeux et pères, et que aux territoires de Barbarie et autres lieux, aucuns de vos vassaux ont été contre justice, meurtris et faits esclaves, et leurs vaisseaux, marchandises et deniers dévalisés et volés, s'étant à vous faites doléances de semblables injustices et torts, à ce qu'elles soient avec très bel ordre vues et restituées de nouveau à qui elles appartiennent, et que les Français pris esclaves contre la paix et amitié, soient mis en liberté ; et avec les causes des autorités concédées par notre heureuse Porte à la bannière de France, ce qu'aucuns Rois et Seigneurs d'Italie et autres de Franquie ont traité par la paix…
           " Et pour la rénovation des Capitulations faites anciennement est apparu notre noble Commandement... Il n'y a chose aucune qui apporte pensement à votre esprit, en la Barbarie et autres lieux pour la liberté de vos Esclaves, lesquels contre la sûreté promise, ont été pris et les marchandises saccagées, à ce que le tout de nouveau soit restitué à qui il appartient, nos réitérés nobles Commandements se sont écrits à nos Beyler-Bey, Sand jak-Bey et autres Gouverneurs qui sont en ces parties. Et afin que les délinquants soient convenablement châtiés, en ayant iceux réitéré vivement a été avec protestation ordonné. "(1).
           Deux mois après l'envoi de cette lettre par le Sultan, l'Ambassadeur de Germigny annonce à son Souverain les diverses questions qu'il a traitées, parmi lesquelles nous remarquons le XXIIe article conçu en ces termes :
           " Que pour la pratique que les Génois ont à cette Porte, où ils ont tenu depuis deux ans un homme nommé Ambrosio Canetto, pour composer avec le nouveau Vice-roi d'Alger de la Pêche du corail et faire avoir l'appalte d'icelui en la Cale de Mascarez, de laquelle jouissent à présent les Sujets du Roi, de la Compagnie ancienne du Corail, le dit Ambassadeur eût un Commandement du Grand-Seigneur, en faveur de la dite ancienne Compagnie, seulement pour conserver les Sujets de Sa Majesté en la possession de la susdite Cale et empêcher qu'elle ne retournât en mains étrangères et jusqu'à ce qu'il ait plu à Sa Majesté établir sur icelle, par Arrêt de son Conseil, un Règlement entre les dux Compagnies anciennes et nouvelles, ainsi qu'icelle mande qu'elle fera par ses Lettres(2).

           De Germigny ajoute que, d'après les Commandements du Sultan, le Capitaine Maurice Sauron sera mis en possession du Consulat d'Alger, et exercera ses droits sur la vieille et la nouvelle Compagnie du Corail, tant pour la Pêche que pour autres trafics qu'elles font à Bône et ailleurs, en empêchant les Génois de s'établir à La Calle de Mascarez. De vives réprimandes furent, en outre, adressées au Marseillais De Guiran, pour s'être permis de traiter des affaires commerciales avec le Pacha d'Alger, à l'insu et sans le consentement de notre Ambassadeur(3).

(1) Documents sur l'histoire de France-Levant. Le Sultan envoya à Alger, un sieur Paule, gentilhomme Marseillais, avec un firman pour la restitution d'un bâtiment pris par les corsaires.
(2) Il s'agit évidemment ici de l'ancienne Compagnie du Cap Nègre du Havre et de la nouvelle du Bastion et La Calle de Marseille.
(3) Traités de la Porte Ottomane. Instructions de Germigny, du 5 Septembre 1580, et Réponse de Henri III à ce sujet, dit 6 Janvier 1581. .

Les Algériens refusent de recevoir un Consul de France

            .            Le Capitaine Maurice Sauron n'obtînt aucun succès auprès des Algériens, et la Lettre suivante que le Pacha adressa, à son sujet, aux notables de Marseille, le 28 Avril 1579, montre combien l'idée d'admettre parmi eux un Fonctionnaire Chrétien était généralement repoussée :

           " Magnifiques Seigneurs,
           " Il est venu ici un nommé François Guigigotto, porteur d'une Expédition de Consul en faveur du Capitaine Maurice Sauron dont il serait le Substitut. Mais nous qui voulons rester d'accord avec les anciennes considérations et avec l'affection que nous portons à la Majesté de Henri III, notre cher ami et votre Roi, nous ne trouvons aucun moyen pour le mettre en place, la chose répugnant à l'esprit des marchands, du peuple et de tous ; ils ne veulent point admettre la nouvelle Autorité que vous leur imposeriez et qui ferait du tort à l'Échelle d'Alger, si elle venait à s'y établir de force ; nous serions bien surpris que vous l'ayez permis, vos prédécesseurs n'ayant jamais eu la hardiesse de le faire et la chose étant à votre préjudice et à notre dommage.
           " Lorsque vous nous demanderez des choses qui seront dans nos habitudes et conformes à nos devoirs, nous ne manquerons pas de vous montrer la bonne volonté que nous avons de vous faire plaisir. Que Dieu vous accorde toute satisfaction. Salut. "

Les consuls Boinneau et Vias, en 1581 et 1595

                       Les Algériens devinrent cependant plus traitables, puisque deux ans après, en 1581, ils toléraient, chez eux, l'Établissement d'un Consulat. Il est vrai de dire que la gérance de ce Consulat était confiée au Père Boinneau, l'un des Religieux de la Trinité de Marseille, qui s'employait au rachat des Captifs. Témoins oculaires des événements et le plus souvent victimes et martyrs de la brutalité et de la barbarie des Algériens, ces dignes Religieux nous ont laissé des Mémoires d'une haute importance pour l'histoire du Pays. Nous y lisons qu'en 1595, M. Boinneau fut mis en prison par ordre du Pacha, et ce n'est qu'en 1597 que les Algériens consentirent à son remplacement par M. De Vias, Maître des Requêtes de Catherine de Médicis.

           Dans les Archives de Marseille, M. Octave Teissier a retrouvé quelques lettres de Vias qu'il a bien voulu me communiquer.
           C'est d'abord une pièce datée d'Alger, le 17 Juin 1603, où Vias annonce aux Consuls de Marseille qu'il est arrivé dans cette ville au mois de Mai de l'année précédente et que la santé publique y était bonne alors ; mais qu'au mois d'Août une maladie contagieuse sévissait à Constantine, au dire des marins venus du Bastion, de Bône et de Collo.
           Le Juin 1604, Vias écrit encore que la contagion règne à Gigelli et que les habitants l'ont abandonnée.
           Le 10 Mai 1617, il signale qu'un vaisseau Français est allé charger 42 chevaux à Stora, malgré les ordres qui prohibent le négoce sur cette côte. Le Pacha a menacé de faire mourir les Officiers des vaisseaux qui seraient surpris, à l'avenir, sur ce point, les matelots réduits en esclavages et les marchandises confisquées. Un vaisseau Anglais, capitaine Paige, a été pris ainsi par les Algériens qui ont vendu, à l'encan, équipage et marchandises.
           Le bruit ayant couru, à Marseille, que les Français avaient perdu le Commerce de Collo, Vias écrit encore le 7 Juillet 1617, qu'en effet, un Anglais, qui réside à Alger depuis neuf ou dix ans, facteur de la grande Compagnie de Londres, détient le Commerce de Collo. Les Chefs du Beylik ont nié le fait. Néanmoins Vias, voulant s'en assurer, a demandé à envoyer un bâtiment à Collo pour y faire des achats.
           Cette autorisation lui a été refusée et on a été forcé de lui avouer, alors, que l'Anglais avait en effet loué ledit commerce pour un temps limité. Vias fait des observations aux Algériens qui ont disposé en faveur d'autrui d'un Port de commerce appartenant aux Français exclusivement, d'après les anciens Traités.

Henri IV obtient des lettres patentes du Sultan, pour
le commerce et la pêche du corail, en 1604

                       Henri IV s'occupa de continuer la politique Orientale inaugurée par François Ier Comme Roi de Navarre, il avait déjà eu des rapports avec Mourad IV. Monté sur le trône de France, il resserra les liens existant avec la Porte, et son Ambassadeur, M. de Brèves, obtint du Sultan, le 20 Mai 1604, des Lettres-patentes, dans lesquelles nous remarquons des Articles concernant le sujet qui nous occupe(1) :
           " Art. 8. - Permettons aux Marchands Français, en considération de la parfaite amitié que leur Prince conserve avec notre Porte, d'enlever des cuirs, cordouans, cire, cotons, sauf que ce soit des marchandises prohibées et défendues d'enlever. Ratifions la permission que notre bisaïeul Sultan Selim et notre défunt père Sultan Mohammed en ont donné.
           " Art. 19. - Les Corsaires de Barbarie allant par les Ports et Havres de France, y sont reçus, secourus et aidés à leurs besoins, voire même de poudre et de plomb et autres choses nécessaires à leur navigation ; néanmoins, sans avoir égard à nos promesses, rencontrant les vaisseaux Français en mer à leur avantage, les prennent et déprèdent, font esclaves les marchands et mariniers qu'ils trouvent sur iceux, contre notre vouloir et celui du défunt Empereur Mohammed, notre père, lequel pour faire cesser leurs violences et déprédations, avait diverses fois envoyé ses puissants Ordres et Commandements et enjoindre à iceux de mettre en liberté les Français détenus esclaves et leur restituer leurs facultés, sans que pour cela ils aient discontinué leurs actes d'hostilité.
           " Nous, pour y remédier, commandons par cette notre Capitulation Impériale qu'ils soient remis en liberté et leurs facultés restituées, déclarons qu'en cas que les dits Corsaires continuent leurs brigandages, à la première plainte qui nous en sera faite par l'Empereur de France, les Vice-rois et Gouverneurs des pays de l'obéissance desquels, iceux Corsaires font leur demeure, seront tenus des dommages et pertes qu'iceux Français auront faites et seront privés de leurs charges : que ne sera besoin d'autre preuve du mal fait que la plainte qui nous en sera faite de la part dudit Empereur de France avec ses Lettres royales.
           " Article 20. - Nous consentons aussi et aurons agréable, si les Corsaires d'Alger et Tunis n'observent ce qui est porté par cette notre Capitulation, que l'Empereur de France leur fasse courir sus, les châtie et les prive de ses Ports, et protestons de n'abandonner pour cela l'amitié qui est entre nos Majestés Impériales, approuvons et confirmons les Commandements qui ont été donnés de notre défunt père pour ce sujet.
           " Article 21. - Nous permettons aussi que les Français nommés et avoués de leurs Princes, puissent venir pêcher du poisson et corail au golfe de Stora-Courcouri, lieu dépendant de notre Royaume d'Alger et en tous autres lieux de nos côtes de Barbarie et en particulier aux lieux de la juridiction de nos dits royaumes d'Alger et de Tunis sans qu'il leur soit donné aucun trouble ni empêchement.
           " Confirmons toutes les Permissions qui ont été données par nos aïeux et singulièrement par notre défunt père touchant cette pêche, sans qu'elles soient sujettes à autre confirmation qu'il celle qui en a été faite d'ancienneté. "

           Dans un mémoire explicatif sur les Lettres patentes ci-dessus, M. l'Ambassadeur de Brèves ajoutait :
           " Les Corsaires de Barbarie n'observent les Traités et Capitulations qu'en tant qu'il leur plait. C'est pour cela que j'ai fait consentir le Grand Seigneur qu'il sera licite au Roi de leur faire courir sus comme contre des perturbateurs du repos public.
           Les Sujets du Roi font un notable profit à la pêche du corail en la côte de Barbarie. Je leur ai fait mettre par la dite Capitulation qu'ils puissent continuer la dite pêche, mêmement dans un golfe nommé Stora Courcouri. "(2)
           Ce dernier paragraphe démontre clairement que, la Compagnie du Bastion, ayant étendu son exploitation, poussa ses barques de pêche beaucoup plus à l'Ouest devant Stora et sans doute jusqu'auprès de Bougie où existent également des bancs de corail.
           Si le Sultan consentit en outre à autoriser les Français à se faire justice eux-mêmes pour châtier les Corsaires qui violeraient les Conventions, c'est qu'il ne se sentait plus assez fort pour imposer sa volonté aux Algériens. La précaution prise par de Brèves, s'explique d'autant plus qu'il fallut bientôt recourir à cette extrémité.
           Le Grand Seigneur, sur la demande de l'Ambassadeur, avait fait partir pour l'Afrique un de ses Chaouchs, chargé de signifier sa volonté aux Algériens. Ceux-ci accueillirent avec de grands honneurs l'envoyé du Sultan, mais ils refusèrent de se conformer à ses Commandements qu'ils prétendaient extorqués au Sultan par les intrigues des Chrétiens.

(1) Lettres-patentes du 20 Mai 1604 (20 dou l'Hidja, 1012 de l'Hégire). Documents sur l'Histoire de France et Recueil des Traités.
(2) Le port de Stora près duquel nous avons bâti notre ville de Philippeville.

A SUIVRE

ALGER, TYP. DE L'ASSOCIATION OUVRIÈRE V. AILLAUD ET Cie
Rue des Trois-Couleurs, 1877
Livre numérisé en mode texte par M. Alain Spenatto.

THÉORIE DE LA RELATIVITÉ ...
Envoyé Par Geneviève


          Sur une route de montagne, 3 voitures se suivent: une Lada suivie d'une Ferrari, elle même suivie par une Porsche.

          Soudain, à la sortie d'un virage sans visibilité, un camion !
         La Lada se plante dans le camion, la Ferrari se plante dans la Lada et la Porsche se plante dans la Ferrari.
         ... Les trois voitures sont détruites.
         ANELKA sort de sa Porsche en s'exclamant: - Ho la la ! 15 jours de salaire !
         RIBERY sort de sa Ferrari en criant aussi : - Ça fait chier! 3 semaines de salaire !
         Et enfin, en pleurant le conducteur de la Lada: - Ouinnn … 3 ans de salaire !
         Et les deux autres de lui répondre: - Faut vraiment être con pour acheter une voiture aussi chère !!! …


LES ANNALES ALGERIENNES
De E. Pellissier de Reynaud (octobre 1854)
Envoyé par Robert
LIVRE IV

Marche sur le cap Matifou. - Evacuation de Sidi-Féruch et des redoutes. - Concentration de l'armée autour d'Alger. - Dévastations qui en sont la suite. -Départ d'Hussein-pacha.- M. de Bourmont est nommé maréchal de France. - Relations avec les Arabes. - Hamdan-ben-Amin-el-Secca est nommé agha des Arabes. - Ben-Zamoun. - Expédition de Blida. - Expédition de Bône. - Expédition d'Oran. - Massacre de Murad à Bougie. - Révolte du bey de Titteri. - Révolution de 1830. - Départ de M. de Bourmont.

          Nous avons vu, dans le livre précédent, qu'à l'exception de quelques bataillons logés dans la ville, les troupes qui avaient pris part au siége s'établirent à l'extérieur de la place. Elles occupèrent tout le territoire qui s'étend depuis le Bouzaréa jusqu'à la plaine de Mustapha-Pacha, en avant du fort Bab-Azoun.
          Le lendemain de la prise d'Alger, la brigade Montlivault reçut ordre de se porter sur la Maison carrée et sur la Rassauta, pour s'emparer des haras et des troupeaux du Gouvernement qui s'y trouvaient. Mais le bey de Constantine, qui avait repris, avec son contingent, la route de sa province, avait tout enlevé. Cette brigade poussa jusqu'au cap Matifou, qui ferme à l'Est la rade d'Alger. Elle reconnut sur la côte plusieurs batteries armées de 120 pièces de canon, qu'elle n'avait ni les moyens ni la mission d'enlever. Quelque temps après, des canots furent envoyés pour désarmer les batteries du cap Matifou ; mais la vue de quelques Arabes armés les empêcha de le faire. Les batteries situées depuis le fort Bab-Azoun jusqu'à l'Arach ne furent désarmées que le 2 août. Celles qui se trouvaient au-delà conservèrent longtemps leur artillerie, quoique nos troupes ne les occupassent pas.

          Dès le 7 juillet, des ordres furent donnés pour le désarmement et l'abandon de Sidi-Féruch, dont l'occupation ne parut plus nécessaire. Le 9e bataillon du 48e de ligne fut envoyé à ce camp pour s'y réunir au 1er bataillon du même régiment, et y rester jusqu'à ce que la marine eût enlevé tout le matériel. Le 10, la garnison des redoutes construites sur la route de Sidi-Féruch fut réduite à une compagnie par redoute. Le 23, la brigade Poret de Morvan abandonna Staouéli et vint s'établir dans les environs d'Alger. Elle laissa cependant une compagnie dans la redoute qui servait de réduit à ce camp. Le 29, Sidi-Féruch étant désarmé, le 48e rentra à Alger, et toutes les redoutes furent abandonnées.
          Par suite de ce mouvement, toute l'armée se trouva réunie autour d'Alger. La coupable négligence des chefs de corps laissa dévaster les belles et fraîches maisons de campagne qui entourent cette ville. Au lieu d'employer des moyens réguliers pour avoir du bois, on coupait les haies et les arbres fruitiers, on brûlait les portes, les fenêtres et même les poutres des maisons : le soldat détruisait aussi pour le plaisir de détruire. Les marbres, les bassins, les ornements de sculpture, tout était brisé, sans but et sans profit pour qui que ce fût. Les aqueducs ayant été rompus en plusieurs endroits, presque toutes les fontaines tarirent, et l'armée fut sur le point de manquer d'eau. Dés le mois d'août, les environs d'Alger offrirent l'aspect de la plus complète désolation. Cependant, un ordre du jour, antérieur au débarquement, avait prescrit aux chefs de corps de se mettre en garde contre ces désordres. Les recommandations furent plusieurs fois renouvelées, mais ces officiers n'en tinrent aucun compte, et le général en chef, qui ne sortait pas de son palais, ne sut pas se faire obéir. C'était un triste spectacle de voir ainsi le peuple le plus civilisé de la terre donner aux Algériens l'exemple du vandalisme.

          Hussein pacha, quelques jours après la prise d'Alger, alla faire une visite à M. de Bourmont, et en fut reçu avec de grands honneurs. Ce prince, ayant choisi Naples pour retraite, partit, le 10 juillet, pour cette ville, avec une suite nombreuse. Il envoya un mouchoir rempli de sequins à l'officier qui avait été chargé de présider à son embarquement, et parut surpris du refus que fit celui-ci de le recevoir.
          Les membres non mariés de la milice turque furent embarqués en même temps pour l'Asie mineure. En quittant une ville qui était devenue leur patrie, ils ne firent pas entendre une seule plainte. On leur donna à chacun un secours de deux mois de solde; ils le reçurent comme un bienfait auquel ils croyaient n'avoir aucun droit. Cette froide résignation aux arrêts de la fortune a quelque chose de noble et de touchant.
          On s'est repenti plus d'une fois, depuis 1830, d'avoir expulsé tous les Turcs, et l'on a reconnu, mais trop tard, que ces hommes auraient pu nous rendre de très grands services militaires. Ils désiraient presque tous se mettre à notre solde. Je tiens de plusieurs indigènes, qu'après l'explosion du château de l'Empereur, ils disaient publiquement que sans doute le roi de France avait un trésorier, comme le dey d'Alger, et que son argent en valait bien un autre.

          La nouvelle de la prise d'Alger fut accueillie avec transport de l'Europe entière. En France, quelques hommes, égarés par l'esprit de parti ou épouvantés de l'audace que ce triomphe allait donner à la faction Polignac, en parurent désagréablement affectés; mais, même parmi Ies libéraux, ceux qui désiraient plus qu'ils ne craignaient une lutte avec le gouvernement de la Restauration ne considérèrent que la gloire de nos armes. Charles X éleva M. de Bourmont à la dignité de maréchal de France. Cette distinction lui était due, je ne le considère ici que comme général en chef de l'armée d'Afrique. Quelques fautes lui ont été reprochées, mais, en masse, ses opérations furent bien conçues, et, ce qui est tout à la guerre, le succès les couronna. Après la victoire, il se hâta de demander au Gouvernement les récompenses que l'armée avait si bien méritées ; il demanda aussi qu'une partie du trésor algérien lui fût partagée; mais, chose étrange de la part d'un Gouvernement qui voulait appuyer sur la force des armes des projets insensés et coupables! Ses propositions furent repoussées. Avec moins de circonspection, ou, pour mieux dire, de timidité, M. de Bourmont aurait fait lui-même pour l'armée ce dont elle lui paraissait digne.
          Le commandant de l'armée navale, M. Duperré, fut nommé pair de France. Cet officier général qui, comme nous l'avons dit, jouissait d'une assez belle réputation chez les marins, croyait ou voulait faire croire qu'il avait fait beaucoup de mal aux fortifications algériennes, et contribué puissamment à la reddition de la ville, de sorte qu'il ne se regarda pas comme suffisamment récompensé. On sait aujourd'hui que le dégât causé aux fortifications d'Alger par la marine a été évalué à 7 fr. 50 c. Les prétentions de M. Duperré n'étaient donc qu'une faiblesse affligeante dans un aussi éminent personnage.

          Maître d'Alger, le maréchal de Bourmont se trouva subitement remplacer le Dey aux yeux des tribus arabes. Ce qu'il allait faire dans cette nouvelle position devait avoir du retentissement, car il était appelé à régler nos premiers rapports avec ces populations intelligentes, qui ne laissent échapper aucune conséquence d'une fausse démarche. Partant du principe peu contestable qu'il faut se servir des indigènes pour avoir action sur les indigènes, il crut faire merveille en choisissant un Maure pour agha des Arabes, et ne considéra pas que ces mêmes Arabes professent le plus grand mépris pour les citadins. A cette première faute, il ajouta celle de prendre cet agha dans la classe des négociants, que les Arabes dédaignent au-dessus de toute expression : car il n'y a pas de peuple chez qui les antipathies aristocratiques soient mieux prononcées. Le général en chef se laissa conduire, dans cette circonstance, par les conseils d'Ahmed-Bouderbah. Une de nos erreurs a longtemps été de croire que nous pouvions tirer parti des Maures pour étendre notre influence dans un pays où ils n'ont eux-mêmes ni influence ni considération. Un Arabe se soumettra à un Français, parce qu'il reconnaîtra au moins en lui le droit du plus fort ; mais vouloir qu'il obéisse à un citadin, à un marchand, c'est lui imposer une humiliation qu'il repoussera de toute la force de son âme.
          Le nouvel agha, Hamdan-ben-Amin-el-Secca, n'avait rien qui pût faire oublier aux Arabes la double tache de son origine et de sa profession. Il était d'une avidité révoltante, d'une bravoure plus que suspecte et d'une improbité non équivoque. Ensuite, il ne connaissait pas le pays: car les Maures d'Alger sortent rarement de la banlieue de cette ville.
          Le lendemain de la prise d'Alger, le bey de Titteri envoya son fils à M. de Bourmont, pour faire sa soumission et demander un sauf-conduit afin de pouvoir se rendre lui-même à Alger. Ce sauf-conduit ayant été accordé avec empressement, le bey se présenta en personne. Il prêta serment de fidélité à la France et fut maintenu dans son gouvernement. La cérémonie dans laquelle on le reconnut pour bey de Titteri eut lieu le 15 juillet. Il est d'usage, dans ces circonstances, que le récipiendaire reçoive, pour marque de sa dignité, un sabre d'honneur. Celui que l'on destinait à Mustapha fut volé dans la Casbah même, peu de temps avant la cérémonie, et l'on ne trouva pas à le remplacer, quoique les nouveaux hôtes de ce palais se fussent emparés de plusieurs armes précieuses. Mustapha ne reçut donc point de sabre ; il en conserva un profond ressentiment. Cependant il partit pour Médéa, capitale de la province de Titteri, en protestant de son dévouement à la France.

          Peu de jours après l'élévation d'Hamdan à la charge d'agha, Ben-Zamoun , homme habile et influent de la tribu de Fiissa, se mit en relation avec le général en chef. Sa correspondance prouve qu'il avait formé le projet, assez largement conçu, de se créer une position politique élevée, en se constituant intermédiaire entre nous et ses compatriotes. Les offres qu'il nous fit étaient de nature à être mieux accueillies qu'elles ne le furent; il venait de convoquer une grande assemblée où il devait proposer aux Arabes de reconnaître l'autorité de la France, moyennant certaines conditions, qui devaient assurer leur bien-être et leur liberté, lorsqu'il apprit que M. de Bourmont se disposait à marcher sur Blida; il lui écrivit sur-le-champ pour l'en dissuader et l'engager à s'abstenir de s'avancer dans le pays, jusqu'à ce qu'un traité en bonne forme eût réglé la nature de nos relations avec les Arabes.
          M. de Bourmont ne se rendit pas à ses remontrances ; il partit pour Blida, le 25 juillet, avec 1,000 à 1,200 hommes d'infanterie, une centaine de chevaux et deux pièces de canon. Cette excursion n'avait d'autre motif qu'un sentiment de curiosité: car aucune pensée politique ne s'y rattachait. La petite colonne passa par le pont d'Oued-el-Kerma, fit une longue halte à Boufarik, et arriva sur le soir à Blida, où elle fut très bien reçue par les habitants. Le lendemain on ne tarda pas à s'apercevoir que les Arabes et les Kbaïles se préparaient à nous combattre. Dans la matinée, quelques coups de fusil furent tirés sur une reconnaissance qui avait été envoyée sur la route de Médéa. Si l'ennemi avait mieux caché ses desseins, il aurait pu égorger toute la colonne, car c'était à peine si elle se gardait. Campés aux portes d'une ville qui devait exciter leur curiosité, les officiers et les soldats avaient, presque tous, abandonné leur poste, pour aller la visiter, tant la confiance était grande. Mais, avertis par des démonstrations hostiles partielles, ils coururent à leurs faisceaux. Vers le milieu du jour, un chef d'escadron d'état-major fut tué d'un coup de feu, derrière une haie, où un besoin naturel l'avait conduit. A une heure, l'ordre de départ fut donné. A peine la colonne fut-elle en marche, qu'elle fut assaillie par une nuée d'Arabes et de Kbaïles, dont le feu bien nourri nous mit beaucoup de monde hors de combat. Heureusement, le général Hurel, qui la dirigeait, se rappela que le chemin, suivi la veille, était creux et encaissé dans une assez grande distance : il en prit un autre qui nous jeta, sur-le-champ, dans la plaine. Sans cette heureuse inspiration, nous aurions été compromis. En plaine, les Kbaïles, n'étant couverts par rien, n'osèrent pas trop s'aventurer. Cependant nous fûmes poursuivis jusqu'à Sidi-Haïd, à une lieue en deçà de Boufarik Notre cavalerie fournit quelques charges heureuses: l'ordre le plus parfait ne cessa d'exister dans la colonne. Néanmoins, comme on ne fit pas une seule halte depuis Blida jusqu'à Sidi-Haïd, la rapidité de notre marche donna à notre retraite l'apparence d'une fuite.

          La colonne coucha à Bir-Touta; ce fut là que M. de Bourmont reçut son bâton et son brevet de maréchal de France, qu'un officier d'état-major lui apporta, et qui étaient arrivés à Alger pendant son absence. Sa nomination était connue depuis plusieurs jours. La joie du triomphe, après la prise d'Alger, avait été empoisonnée pour lui par la mort d'un de ses fils. Ici, la mort de M. de Trélan, ce chef d'escadron dont nous avons parlé plus haut, et qu'il aimait à l'égal d'un fils, vint couvrir de deuil les insignes de sa dignité : ainsi ce malheureux général n'a pu éprouver un seul instant de satisfaction pure dans tout le cours d'une campagne si glorieuse pour lui.
          M. de Bourmont dut, en outre, être assez péniblement affecté du désagrément qu'il avait éprouvé à Blida Son amour-propre blessé lui en fit naturellement chercher les causes ailleurs que dans son imprudence. Les Maures de la municipalité d'Alger lui firent entendre que les Turcs qui étaient restés dans cette ville pouvaient bien y avoir contribué par leurs intrigues. II parait même que, pour le tromper plus facilement, on mit sous ses yeux des lettres supposées, par lesquelles les Turcs auraient engagé les Arabes à prendre les armes. Le général en chef, à qui il fallait des coupables, prit ceux qu'on lui offrit, et il prononça l'expulsion de tous les Turcs, avec une brutalité qui n'était pas dans son caractère : il ne fit d'exception qu'en faveur des vieillards et des aveugles. Il voulut d'abord frapper les proscrits d'une contribution de 2,000,000 de francs, mais il y renonça bientôt, craignant d'être obligé, pour la faire rentrer, d'employer des moyens qui lui répugnaient. Les Turcs, malgré ce retour à la modération n'en furent pas moins pressurés par des hommes avides qui exploitèrent leurs malheurs. Plusieurs Maures de la municipalité algérienne leur arrachèrent des sommes considérables pour prix de services qu'ils ne leur avaient pas rendus, et comme rançon d'une existence qui n'était pas menacée. Le nom du général en chef fut plus d'une fois compromis dans ces sortes de négociations par des hommes sans pudeur, qu'il avait eu le tort d'appeler aux affaires, mais dont il était bien loin de connaître et encore moins de sanctionner les actes.

          Les Turcs exilés furent encore soumis à des extorsions d'une autre nature; le peu de temps qu'on leur laissait pour mettre ordre à leurs affaires leur rendait excessivement précieuse l'acquisition de lettres de change sur le Levant ou sur l'Italie. Ils ne purent en obtenir qu'à des taux exorbitants. Quelques agents consulaires étrangers souillèrent leur caractère dans ces marchés usuraires.
          Avant l'expédition de Blida, M. de Bourmont s'était occupé d'étendre nos relations jusqu'aux provinces de Constantine et d'Oran. Il avait reçu une communication du Gouvernement, qui lui faisait connaître que le projet de céder à la Porte-Ottomane Alger et l'intérieur de la Régence, et de garder seulement le littoral depuis l'Arach jusqu'à Tabarka, était celui auquel le cabinet paraissait devoir s'arrêter. Comme l'occupation de Bône entrait dans l'exécution de ce projet, elle fut résolue. D'un autre côté, le bey d'Oran avant fait des offres de soumission, qui ne pouvaient être repoussées, quelles que fussent les vues ultérieures du Gouvernement sur cette province, on résolut de lui envoyer un capitaine d'état-major pour recevoir son serment. Cette mission fut confiée au capitaine de Bourmont, fils du maréchal.
          Le corps d'expédition de Bône, composé de la 1ère brigade de la 1ère division, d'une batterie de campagne et d'une compagnie de sapeurs, s'embarqua, le 25 juillet, sur une escadre formée d'un vaisseau, de deux frégates et d'un brick; ce bâtiment, après avoir déposé les troupes à Bône, devait se rendre à Tripoli, pour exiger du pacha de cette régence la réparation de quelques griefs. Ce corps était commandé par le général Damrémont, qui dans le cours de la campagne avait donné des preuves de talent et de bravoure. L'escadre était sous les ordres du contre-amiral Rosamel. Contrariée par le temps, elle n'arriva que le 2 août devant le port de Bône. Elle avait été devancée par un bâtiment qui portait M. de Rimbert, ancien agent des concessions françaises en Afrique. Celui-ci, qui avait conservé des intelligences dans la ville, persuada, sans beaucoup de peine, aux habitants, d'y recevoir les Français. Le débarquement s'opéra donc sans obstacle.

          Ce serait peut-être ici le lieu de faire connaître avec quelques détails la province de Constantine, comme je l'ai fait pour celle d'Alger. Mais, comme cette première occupation de Bône ne fut que de courte durée, et que nous restâmes ensuite pendant un an sans relations avec cette partie de l'Algérie, j'ai pensé qu'il est mieux d'en renvoyer la description à un autre livre. J'en agirai de même pour Oran.
          Le général Damrémont, aussitôt après son débarquement, s'occupa de se mettre en défense contre les Arabes, dont les dispositions étaient loin d'être aussi pacifiques que celles des habitants de la ville. Les négociations qu'il voulut entamer avec les tribus voisines furent sans résultat, soit que ces tribus craignissent, en traitant avec les Français, de s'attirer le ressentiment du bey de Constantine, soit que leur haine contre les chrétiens l'emportât sur toute autre considération.
          A 400 mètres de l'enceinte de Bône s'élève une citadelle qui, comme à Alger, est appelée Casbah. Un bataillon y fut établi; le reste des troupes occupa la ville, et deux redoutes qui furent construites à droite et à gauche de la route de Constantine. L'ennemi ne tarda pas à venir harceler nos avant-postes par un feu de tirailleurs importun. Le 6 août, M. de Damrémont, voulant lui apprendre à qui il avait affaire, ordonna un mouvement offensif; les Arabes ne soutinrent pas notre choc, et se dispersèrent. Le lendemain, le cheikh de la Galle leur ayant amené du renfort , ils reprirent courage, et dans la nuit du 7 au 8 août les lignes françaises furent attaquées. Les Arabes s'avancèrent jusqu'au bord des fossés des redoutes qu'un feu bien nourri les empêcha de franchir. Le 10, dans la matinée, une nouvelle attaque eut lieu, mais elle fut languissante.

          Le 11, le général de Damrémont s'aperçut, au grand mouvement qui régnait parmi les Arabes, dont le nombre était beaucoup plus considérable qu'à l'ordinaire, qu'une attaque sérieuse se préparait. Il se porta de sa personne dans la redoute qui, par sa position, paraissait la plus menacée, et se disposa à une vigoureuse défense. L'attaque prévue eut lieu à onze heures du soir. Les Arabes se précipitèrent sur nos ouvrages avec une admirable intrépidité : nos soldats étaient tout joyeux d'avoir rencontré des ennemis dignes de leur valeur. Repoussés, non sans peine, ils revinrent à la charge à une heure du matin. Plusieurs d'entre eux franchirent les fossés, escaladèrent les parapets et combattirent à l'arme blanche dans l'intérieur des redoutes, où ils périrent glorieusement. Après un combat acharné, le courage aidé de la discipline triompha du courage seul. Les Arabes furent encore repoussés: 65 cadavres, qu'ils laissèrent dans Ies fossés et sur les parapets des redoutes, dénotent avec quelle fureur ils combattirent. J'ai entendu dire à bien des officiers que, sans aucun doute, nos succès eussent été beaucoup moins prompts dans les plaines de Staouéli, et surtout beaucoup plus meurtriers, si nous y avions trouvé des ennemis aussi acharnés qu'à Bône.
          Cette chaude attaque fut la dernière que tentèrent les Arabes : convaincus de l'inutilité de leurs efforts, ils retournèrent pour la plupart dans leurs tribus. Quelques rares tirailleurs continuèrent cependant à se présenter devant nos postes. La brigade de Damrémont était sur le point de jouir paisiblement de sa conquête, lorsqu'elle reçut subitement l'ordre de retourner à Alger. Nous verrons bientôt quelle fut la cause de ce rappel précipité.

          Pendant que ces braves troupes combattaient à Bône, le contre-amiral Rosamel obtenait, à Tripoli, la satisfaction qu'il était allé demander. A son retour il prit la brigade Damrémont, qui rentra à Alger le 25 août, après une absence d'un mois. Cette courte expédition fit le plus grand honneur au général Damrémont : ses dispositions militaires répondirent à la bonne opinion qu'il avait déjà donnée de lui, et sa conduite envers les habitants de Bône le fit connaître sous d'autres rapports non moins avantageux. Son premier soin fut de confirmer dans leurs fonctions le kaïd et le cadi; il constitua ensuite un conseil de notables pour servir d'intermédiaire entre les indigènes et l'autorité française. Lorsqu'il avait à prendre quelque mesure qui pouvait contrarier les habitudes de la population, il faisait d'abord entendre raison aux notables; ceux-ci expliquaient ensuite aux habitants les intentions du général. Il traita de cette manière du loyer des maisons nécessaires au casernement, et dans peu de jours sa troupe se trouva passablement logée. Son exactitude à remplir ses promesses, ses manières douces et bienveillantes, ne tardèrent pas à lui acquérir l'estime d'une population reconnaissante qui, jusqu'au dernier moment, lui prodigua les preuves les moins équivoques d'affection. Sa réputation de justice et de modération allait se répandre au dehors, et lui attirer la soumission des tribus qui connaissaient déjà sa valeur, lorsque l'ordre d'évacuer Bône fit avorter une entreprise si heureusement commencée. En partant, il laissa des munitions aux habitants de Bône, que leur conduite loyale envers nous exposait à la vengeance du bey de Constantine ; il leur fit espérer qu'ils ne seraient pas toujours privés de l'appui de la France.

          Nous avons vu, plus haut, que le capitaine de Bourmont avait été envoyé à Oran pour recevoir la soumission du bey. Ce fonctionnaire, nommé Hassan, était un homme fort âgé et dégoûté du pouvoir; il ne cherchait plus qu'à vivre tranquille au sein des richesses qu'il avait acquises. Les Arabes de sa province, voulant profiter de la chute du gouvernement algérien pour reconquérir leur indépendance, le bloquaient dans sa capitale, lorsque le capitaine de Bourmont y arriva. Quoique ses Turcs lui fussent restés fidèles, il manifesta de vives craintes sur sa position, et demanda avec instance qu'on envoyât des troupes françaises à Oran, promettant de leur livrer la ville et les forts. Pour ce qui le concernait personnellement, il exprima le désir de se démettre de ses fonctions et d'aller finir ses jours en Asie.
          Pendant qu'il était en pourparler avec le capitaine de Bourmont, le capitaine Le Blanc, qui commandait le brick le Dragon, et accidentellement deux autres bâtiments stationnés en rade d'Oran, prit sur lui de mettre à terre une centaine de marins; ceux-ci s'emparèrent du fort de Mers-el-Kébir, sans que les Turcs, qui en formaient la garnison, leur opposassent la moindre résistance. Cette manière un peu brusque de procéder ne changea rien aux dispositions du bey. Le capitaine de Bourmont retourna à Alger sur le brick le Dragon, pour les faire connaître à son père, et les marins restèrent dans le fort de Mers-El-kébir, soutenus par la présence en rade des deux autres bâtiments.
          Le maréchal de Bourmont, sur le rapport de son fils, fit partir pour Oran le 21e de ligne, commandé par le colonel Goutfrey, à qui on donna 50 sapeurs du génie et deux obusiers de montagne. L'expédition mit à la voile le 6 août; mais à peine était-elle mouillée en rade d'Oran qu'elle fut rappelée comme celle de Bône. Quelques compagnies étaient déjà à terre ; on les rembarqua sur-le-champ, et l'on abandonna le fort de Mers-el-Kébir en faisant sauter le front du côté de la mer. On offrit au bey de le conduire en Asie, ainsi qu'il en avait manifesté le désir, mais il répondit qu'il espérait pouvoir s'arranger avec les Arabes et se maintenir à Oran; que, du reste, il se regardait toujours comme vassal du roi de France.

          Pendant que ces événements se passaient, une tentative avait eu lieu pour faire reconnaître la domination française à Bougie. Le 5 août, un individu de cette ville se présenta à M. de Bourmont; il se nommait Mourad, et dit être envoyé par ses compatriotes qui désiraient se soumettre à la France. Il demandait pour lui-même l'emploi de kaïd, assurant qu'il suffirait de la présence d'un bâtiment de guerre pour que l'on reconnût son autorité à Bougie, et pour qu'on y arborât le pavillon français. Le maréchal lui accorda, sans trop d'examen, ce qu'il demandait. Il fut donc nommé kaïd, et reçut un diplôme, des présents et un cachet; un brick de l'État reçut ordre de le conduire à Bougie ; on fit partir avec lui un officier d'état-major pour reconnaître le pays, et un agent civil pour y nouer, s'il était possible, des relations commerciales. En arrivant en rade de Bougie, Mourad et un autre Maure qui devait être capitaine du port se dirigèrent à terre sur une embarcation qui leur appartenait, et qui avait suivi le brick, mais à peine furent-ils débarqués, que les habitants se jetèrent sur eux et les massacrèrent. Le brick, sur lequel quelques coups de canon furent tirés, rentra à Alger après cette sanglante scène.

          Il parait que ce malheureux Mourad, qui était jeune et présomptueux, avait cependant un parti dans la ville, mais que, pendant sa courte absence, la chance avait tourné contre lui. Quoi qu'il en soit, ce massacre, sous nos yeux, d'un homme que nous avions revêtu, un peu légèrement, il est vrai, de fonctions éminentes, et l'évacuation de Bône et d'Oran, dont les Arabes ne pouvaient se rendre compte, portèrent un coup funeste à notre considération déjà affaiblie par la retraite de Blida Presque tout l'effet moral produit sur l'esprit des Arabes par la prise d'Alger fut perdu; leur insolence fut surtout augmentée par l'inaction à laquelle se réduisit M. de Bourmont à Alger même, lorsqu'il eut connu les événements de Juillet.

          Ce fut le 11 août, qu'un bâtiment marchand, venu de Marseille, apporta à Alger la nouvelle de la chute de Charles X. Tant que l'on put conserver quelque doute, M. de Bourmont parut accessible à des projets qui avaient pour but de conserver l'Afrique à la légitimité; mais lorsque des communications officielles eurent donné aux événements dont la France avait été le théâtre le caractère d'un fait accompli, il se résigna à suivre la fortune, et, après quelques jours d'une hésitation bien concevable dans sa position, il fit arborer le pavillon aux trois couleurs.
          M. de Bourmont ne pouvait et ne devait communiquer à ses troupes que les avis officiels qu'il recevait du Gouvernement. Celui-ci, ayant jugé à propos de réduire la révolution de Juillet aux dimensions d'une abdication de roi, le maréchal mit à l'ordre cette abdication et l'élévation de M. le duc d'Orléans à la lieutenance générale du royaume. Les communications du Gouvernement s'étant arrêtées là, M. de Bourmont ne put pas faire connaître à l'armée que ce prince avait été appelé au trône. Elle n'en fut instruite que par les journaux et par la proclamation d'arrivée du général Clauzel, successeur de M. de Bourmont, qui lui apprit, de plus, que le nouveau roi avait eu pour lui la légitimité du droit, celle du choix, et celle enfin de la nécessité. L'armée, convaincue alors qu'on avait tout fait pour le mieux en France, ne s'occupa plus de cette affaire.

          Aussitôt que M. de Bourmont eut appris les événements de Juillet, il sentit la nécessité de réunir toutes ses forces pour être prêt à tout au besoin. Il se hâta donc de rappeler à Alger la brigade Damrémont et le régiment du colonel Goutfrey; ce qui amena l'évacuation de Bône et l'abandon d'Oran, que nous venons de raconter. Cette mesure, justifiée par l'imminence d'une guerre européenne, avait peut-être encore un autre motif, mais il est inutile de le rechercher.
          M. de Bourmont, qui, selon toute apparence, espérait que le service qu'il venait de rendre à toute la chrétienté lui vaudrait au moins la conservation de sa position, dut être vivement affecté quand il vit que le nouveau Gouvernement rompait toute communication politique avec lui : il tomba dans un découragement dont les affaires se ressentirent. Le bey de Titteri, prenant pour prétexte l'expulsion des Turcs, lui déclara la guerre, et fit plusieurs bravades qu'aucun effet ne suivit; mais l'armée tout entière, resserrée autour d'Alger, était bloquée dans ses lignes par les Arabes de la Mitidja : tout ce qui s'aventurait au-delà était égorgé. Le colonel du premier régiment de marche et un de ses officiers furent massacrés en avant de la plaine de Mustapha-Pacha, à moins d'une demi-lieue du fort Bab-Azoun. Ainsi , les vainqueurs d'Alger, ayant à peine de la place pour se mouvoir, étaient assiégés par quelques pâtres mal armés, tandis que leur général, rongé d'inquiétudes, attendait que le Gouvernement eût prononcé sur son sort.

          Enfin, le 2 septembre, le vaisseau qui portait le général Clauzel, successeur de M. de Bourmont, parut en rade d'Alger. Le même jour, le général fit son entrée dans la capitale de la Régence. M. de Bourmont, qui, jusque-là, avait manifesté l'intention de se rendre en France, changea brusquement de résolution, sans qu'on ait bien pu connaître à quelle nature d'influence il céda. II se détermina, après quelques tergiversations, à se retirer provisoirement à Mahon; il demanda qu'un bâtiment de l'État l'y conduisit, mais il fut durement refusé; il se rendit alors sur le port avec quelques personnes de sa suite, et là il chercha longtemps un navire marchand qui voulût le recevoir. Il ne put trouver qu'un petit brick autrichien, sur lequel il s'embarqua le lendemain avec deux de ses fils. L'aîné était allé porter en France les drapeaux pris sur l'ennemi; le quatrième avait péri dans la campagne.
          Ainsi, ce fut en proscrit que M. de Bourmont quitta Alger. De tous ceux qui l'avaient adulé au temps de sa puissance, nul ne lui donna le salut d'adieu; cependant, au moment de son départ, une batterie de la marine lui jeta, comme une aumône, une salve de quelques coups de canon.


A SUIVRE


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Diverses de BÔNE et de MOKTA
Source Gallica


Source Gallica
Darse de Bône
Source Gallica
Plan du port de bône
Source Gallica
Plan du port de bône
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Gare de Mokta el Hadjid
Source Gallica
Voie Mokta-Bône
Source Gallica
Cité ouvriere de Mokta

Les soeurs de charité
Arthur RIMBAUD (1854-1891)

          Le jeune homme dont l'oeil est brillant, la peau brune,
          Le beau corps de vingt ans qui devrait aller nu,
          Et qu'eût, le front cerclé de cuivre, sous la lune
          Adoré, dans la Perse, un Génie inconnu,

          Impétueux avec des douceurs virginales
          Et noires, fier de ses premiers entêtements,
          Pareil aux jeunes mers, pleurs de nuits estivales,
          Qui se retournent sur des lits de diamants ;

          Le jeune homme, devant les laideurs de ce monde,
          Tressaille dans son coeur largement irrité,
          Et plein de la blessure éternelle et profonde,
          Se prend à désirer sa soeur de charité.

          Mais, ô Femme, monceau d'entrailles, pitié douce,
          Tu n'es jamais la Soeur de charité, jamais,
          Ni regard noir, ni ventre où dort une ombre rousse,
          Ni doigts légers, ni seins splendidement formés.

          Aveugle irréveillée aux immenses prunelles,
          Tout notre embrassement n'est qu'une question :
          C'est toi qui pends à nous, porteuse de mamelles,
          Nous te berçons, charmante et grave Passion.

          Tes haines, tes torpeurs fixes, tes défaillances,
          Et les brutalités souffertes autrefois,
          Tu nous rends tout, ô Nuit pourtant sans malveillances,
          Comme un excès de sang épanché tous les mois.

          - Quand la femme, portée un instant, l'épouvante,
          Amour, appel de vie et chanson d'action,
          Viennent la Muse verte et la Justice ardente
          Le déchirer de leur auguste obsession.

          Ah ! sans cesse altéré des splendeurs et des calmes,
          Délaissé des deux Soeurs implacables, geignant
          Avec tendresse après la science aux bras almes,
          Il porte à la nature en fleur son front saignant.

          Mais la noire alchimie et les saintes études
          Répugnent au blessé, sombre savant d'orgueil ;
          Il sent marcher sur lui d'atroces solitudes.
          Alors, et toujours beau, sans dégoût du cercueil,

          Qu'il croie aux vastes fins, Rêves ou Promenades
          Immenses, à travers les nuits de Vérité,
          Et t'appelle en son âme et ses membres malades,
          Ô Mort mystérieuse, ô soeur de charité.



BULLETIN        N°14
DE L'ACADÉMIE D'HIPPONE

SOCIÉTÉ DE RECHERCHES SCIENTIFIQUES
ET D'ACCLIMATATION


RECHERCHE SUR LA
GEOGRAPHIE DE LA TUNISIE ANCIENNE
1ère Partie
Par M. SAINTE-MARIE


          La Tunisie moderne représente, à peu prés, l'étendue sur laquelle Carthage a le plus immédiatement établi sa domination en Afrique.
          Les indigènes, selon les premiers voyageurs grecs sur la côte occidentale de l'Afrique, se donnaient à eux-mêmes le nom de Louba. Ne seraient-ce pas les Loubins de la Bible ? De Louba, les Grecs ont, sans doute, fait Libyes et appliqué également ce nom au pays habité par les Libyes, puis à toute l'Afrique, qu'ils nommèrent Libye.
          Plus tard, les Romains ont appelé Africa propria le territoire de Carthage, et conservé le nom grec de Libye au reste du continent africain.
          Africa serait-il un mot emprunté par les Romains aux Carthaginois? C'est sur la fin de la deuxième guerre punique que ceux-là connurent le nom d'Afrique. L'historien Joseph dit que l'Afrique fut appelée anciennement Phuth et qu'elle doit son nom actuel à Ophar ou Aphar, descendant d'Abraham, qui aurait conquis la Mauritanie tingitane. Lorsque les Romains entendirent prononcer le mot d'Afrique, ce mot était déjà ancien; ce n'est pas eux qui l'ont donné à ce continent. Phuth, selon la Genèse (r, 1.0) est le troisième fils de Cham.

          Le territoire africain de Carthage était situé par 33° 37' de latitude nord et 5° 33; - 8° 54' de longitude est.
          Autrefois, la petite Syrte et le golfe Triton étant en communication, la Tunisie ancienne formait une presqu'île.
          Les limites extrêmes de Carthage, pendant la période de la splendeur punique, étaient, au sud-est, marquées par les Autels des frères Philènes : Tripolitaine actuelle, à l'est et au nord, par la Méditerranée; la frontière, ouest pourrait être indiquée par une ligne fictive tracée, au nord, entre l'île de Tabarque et au sud entre le lac Triton, en passant par Capsa (Gafsa).
          Les Phéniciens établirent de bonne heure de nombreux comptoirs (emporia) sur les côtes septentrionales de l'Afrique. Le nord de la Libye semble avoir été colonisé par eux environ douze siècles avant J.-C. Autour de ces marchés ouverts aux transactions commerciales avec les indigènes, les nouveaux venus ne possédèrent d'abord aucun territoire ; peu à peu, leur négoce s'étendant et les enrichissant, ils achetèrent des terres et soumirent à leur domination les habitants qui les avaient précédés dans l'Afrique septentrionale.
          Les premiers, ils explorèrent les rivages septentrionaux de la Libye jusqu'aux Colonnes d'hercule (détroit de Gibraltar). Hannon, amiral carthaginois, sept ou huit siècles avant J.-C. selon Gosselin, au moment de la première guerre punique (264 selon Mannert, poussa ses explorations maritimes jusqu'au cap Bojador (Atlas major, latitude nord 26° 10', longitude ouest 16° 49' 20"). Pline donne à cette entreprise le nom de circumnavigation , et dit qu'Hannon fit le tour de l'Afrique jusqu'à l'Arabie : les auteurs grecs l'appellent périple.
          Ce voyage mémorable, entrepris avec soixante navires et trente mille colons, renouvelé seulement en 1462 par Vasco de Gama, aurait été consacré par une inscription déposée dans le temple de Carthage. Une autre version prétend que le périple aurait été écrit par Hannon lui-même en langue punique, et le manuscrit en aurait été suspendu dans le temple de Thanit, à Carthage. Il nous est parvenu deux traductions grecques de ce monument littéraire, dont l'original a disparu.
          En octobre 1874, M. le capitaine Tauxier a lu à Académie des Inscriptions et Belles-Lettres un mémoire sur les deux éditions grecques du Périple d'Hannon. Ce voyage serait, d'après lui, une fable, et le texte, écrit soi-disant à l'origine en phénicien, serait l'œuvre d'un faussaire grec du premier siècle avant J.-C. M. Tauxier a émis là une opinion nouvelle ; la critique devra en tenir compte.
          Hérodote confirme cependant que les Phéniciens ont fait le tour de l'Afrique ; il serait bien difficile de s'inscrire en faux contre ses assertions ; les recherches modernes ont prouvé, au contraire, l'exactitude et la véracité de ses récits.

          A une époque postérieure, Néchao, roi d'Egypte (617-691 av. J.-C.), aurait chargé des navigateurs phéniciens de faire le tour de l'Afrique d'Orient en Occident. Hérodote a conservé le récit abrégé de cette expédition :
          " La Libye est évidemment entourée d'eau, sauf l'espace qui forme la frontière du côté de l'Asie ;
          Néchao, roi d'Egypte, est le premier, à notre avis, qui l'ait démontré. Lorsqu'il eut renoncé à creuser le canal entre le Nil et le Golfe Arabique, il envoya sur des vaisseaux des Phéniciens à qui il ordonna de revenir dans la mer du Nord par les Colonnes d'hercule et de rentrer ainsi en Egypte. Les Phéniciens partirent de la mer Rouge, naviguèrent au sud. Quand vint l'automne, ils firent halte et ensemencèrent le lieu de la Libye ou ils se trouvaient, car ils ne la perdaient jamais de vue. Là, ils attendirent la moisson et se rembarquèrent après avoir recueilli le blé. Deux années s'écoulèrent; la troisième, ils traversèrent les Colonnes d'hercule et arrivèrent en Egypte. " (Livre IV , 42 traduction Giguet.)

          Le capitaine Tauxier refuse également d'ajouter foi à ce second périple, lequel porte le nom d'Eudoxe, de Cyzique mais il ne donne aucune preuve à l'appui de ses doutes.
          Lorsque les Phéniciens abordèrent sur les côtes de l'Afrique propre, ils y trouvèrent des aborigènes. Ces indigènes se rattachaient très-probablement à la grande race indo-européenne et à des invasions sabéennes, tandis que les navigateurs syriens étaient d'origine sémitique. Cette différence de race a créé, dès le commencement, entre les peuples de l'Afrique septentrionale une séparation aussi tranchée que la division existant aujourd'hui entre les Berbères et les Arabes.
          Hérodote dit que " l'Afrique était occupée par les Libyens et par un grand nombre de peuples libyens " et aussi par des colonies grecques et romaines. "

          Aujourd'hui, les côtes de l'Algérie sont, par exemple, occupées par les Français et par les Arabes, tandis que les Berbères restent confinés dans l'intérieur.
          Parmi les peuples des Syrtes, c'est-à-dire du sud-est de la Tunisie, le père de l'histoire nomme :
          1° Les Nasamons, " nation nombreuse, qui, pendant l'été , laisse ses brebis sur la côte et monte dans le pays d'Angila (Djerid?) pour récolter les fruits du palmier. Ces arbres y croissent nombreux et touffus ; tous portent des dattes. Ils recueillent aussi des sauterelles, les font sécher au soleil; en font une sorte de farine et en saupoudrent le lait qu'ils boivent. (Livre XV, §172.)
          Les habitudes des Arabes habitant la contrée sise entre Gabès et le Djerid sont les mêmes que celles des Nasamons. Hérodote semble avoir écrit ce qui précède pour les Arabes de la petite Syrte. Les dattes sont la principale nourriture des tribus arabes du sud de la Tunisie : tassées et pressées dans un sac de poils de chameau (tellis), elles servent de provisions de route ; les sauterelles sont séchées au soleil et salées ou passées au feu et conservées dans des outres. Ce mets, peu agréable, rappelle les pommes de terre coupées très-minces et trop frites ;
          2° Les Psylles " étaient limitrophes des Nasamons ;
          3° Les Garamantes venaient ensuite. Ils vivaient dans la région des bêtes fauves (le désert et ses oasis ?) ;
          4° Les Maces demeuraient au-dessus des Nasamons, sur la côte, c'est-à-dire en face de l'île de Meninx (Gerba) ;
          5° Puis venaient les Gindanes ;
          6° Les Lothophages, situés également en face de l'île de Gerba, se nourrissaient du fruit du lothus. " Ce fruit est de la grosseur d'une lentisque et aussi doux que la datte du palmier. Les Lothophages en font " aussi du vin. "
          Polybe nous a laissé une description du lothus (livre XII § 2) : Le lothus est un arbre peu élevé, mais d'une écorce dure et épineuse. Les feuilles en sont vertes et ressemblent à celles de la ronce ; elles sont seulement un peu plus larges et d'une nuance plus foncée. Le fruit, dans le principe , rappelle couleur et le volume les baies blanches du myrte déjà mûres ; en se développant, il devient écarlate et aussi gros que les olives rondes le noyau en est très petit. Dès qu'il a suffisamment mûri, on le cueille, on le broie dans une espèce de bière de froment et, ainsi broyé, on le fait coaguler pour l'usage des esclaves quelquefois aussi, on le prépare de même, en ayant soin de retirer le noyau ; il sert alors de nourriture aux hommes libres. C'est un mets qui, par sa saveur, ressemble aux figues sauvages et aux dattes; mais il est préférable par son parfum. On fait encore du barns, après l'avoir broyé et fait infuser dans l'eau, un vin dont le bouquet est fort agréable et qui a beaucoup de rapport avec du bon hydromel. On le boit pur; ce vin ne se conserve pas plus de dix jours ; de là, les Africains n'en font qu'en petite provision et suivant leurs besoins. Du lothus, on tire même du vinaigre. " Telle est la description de ce fruit, qui enivrait les étrangers au point de leur faire oublier leur patrie. Ne serait-ce pas le jujubier sauvage ou seedra des Arabes, dont les fruits globuleux et rouges â leur maturité sont de la grosseur d'une petite olive ?
          7° Après les Lothophages, " on trouve les Machlyes ; ils usent aussi du lothus; ils s'étendent jusqu'au fleuve Triton;
          8° Les Auses, comme les précédents, " sont riverains du lac Triton ; le fleuve Triton les sépare. "

          Les Machlyes vivaient, côte à côte, avec les Zaouèkes et les Ghizantes, au nord du lac Triton, sur la côte du golfe de Gabès, en remontant jusqu'à Sfax et dans les îles de Circina (Kerkena). île de Gerba était occupée par les Lotophages ; enfin, Scylax appelle île de Meninx, Brachion, et Hérodote, île des Lothophages. Ce dernier mentionne les Atlantes, vers l'Atlas, et il termine en disant : " Quatre races habitent la Libye, et pas davantage. Deux sont autochtones et deux ne le sont pas. Les Ethiopiens et les Libyens sont autochtones ; les Phéniciens et les Grecs sont des nouveaux venus. Ces Libyens seraient, au dire de divers auteurs anciens, les descendants de Lehabim, fils de Cham.
          Le rameau indo-germanique aurait été représenté, de bonne heure, en Libye, par des fractions de la famille japhétique (Indiens, Arméniens et Mèdes). Ainsi, les Numides seraient, selon M. Letourneux, les descendants des Mèdes. Nu ou na voudrait dire nation, et maides, Mèdes (nation mède). D'autre part, les Grecs auraient donné aux populations de cette partie de la Libye le nom de Numides (synonyme de nomades), à cause de leur vie errante. (V. Polybe, XXXVN, 3.)

          Dès le commencement, il y eut, comme je l'ai dit, des différences très-tranchées entre les diverses populations de l'Afrique septentrionale ; cela tenait, comme aujourd'hui, à l'origine multiple des colonies.
          Les Libyens semblent être restés fidèles au littoral et être venus après les Gétules, peuple plus ancien en Afrique, habitant l'intérieur. Selon Procope, les Gétules seraient les descendants des Kananéens expulsés de la Palestine par Josué, et ils seraient les ancêtres des Berbères. Hérodote n'a pas eu connaissance des Gétules. Léon l'Africain veut que ces derniers soient d'origine sabéenne et qu'ils aient eu pour berceau le Yémen, en Arabie. C'est aussi l'opinion d'Ibn Khaldoun.

          D'autre part, Salluste affirme que les Libyens sont la population primitive du littoral méditerranéen de l'Afrique. " Sur les hommes qui occupèrent d'abord l'Afrique, sur ceux qui vinrent ensuite et sur la manière dont ils se mêlèrent, je rapporterai le plus brièvement possible, sauf à contrarier l'opinion généralement reçue, les explications qui m'ont été données par les livres puniques venus, dit-on, du roi Hiempsal; je rapporterai aussi ce que les habitants de cette contrée pensent à ce sujet. Au reste, les auteurs de ces traditions en supporteront la responsabilité. D'abord, l'Afrique fut occupée par les Gétules et les Libyens, peuples saut ages et farouches. " Des Mèdes, des Perses et des Arméniens, passés en Afrique sur des vaisseaux, occupèrent les lieux voisins de notre mer…. Peu à peu, les Perses s'incorporèrent avec les Gétules par des mariages, et comme, à force d'essayer successivement des diverses terres, ils avaient été de pays en pays, ils se donnèrent le nom de Numides….. Aux Mèdes et aux Arméniens, s'unirent les Libyens (ces derniers, en effet, demeuraient plus près de la mer d'Afrique, tandis que les Gétules étaient plus sous le soleil).
          Les Libyens altérèrent, peu à peu, leur nom, les appelant, en langue barbare, Maures au lieu de Mèdes. Cependant, l'état des Perses grandit rapidement et, par la suite, les plus jeunes ayant quitté leurs parents, à cause de l'excès de la population, occupèrent, sous le nom de Numides, ces terres qui, limitrophes de Carthage, sont appelées Numidie…
          Tous les vaincus se fondirent dans la nation dominante et en prirent le nom. Dans les âges suivants, des Phéniciens entraînèrent le bas peuple et les gens avides de choses nouvelles, et bâtirent, sur le bord de la mer, Hippone, Adrumète, Leptis et autres villes, "

          Sous le nom d'Afrique, Salluste comprend la Mauritanie, la Numidie, l'Afrique propre (province de Carthage) et la Libye d'Hérodote. Salluste est le seul auteur ancien qui donne aux Numides pour ancêtres les Perses, les Mèdes et les Arméniens. Les livres du roi Hiempsal, auxquels il dit avoir puisé, sont, du reste, assez d'accord avec les recherches récentes sur les aborigènes de l'Afrique. Quoiqu'il en soit, l'influence de la civilisation phénicienne s'est étendue, en Afrique, à tous les autochtones, dont la langue ne devait pas être très éloignée de celle des derniers venus. Les noms des principales villes de l'Afrique septentrionale sont restés phéniciens. Le président de Brosses explique, à l'aide de la langue punique, les étymologies des diverses cités de la Tunisie ancienne :
          Capsa, ville serrée entre rochers ;
          Tabraca, la feuillée ; à cause, sans doute, des grandes forêts situées dans le voisinage ;
          Sicca, les tentes
          Zama, la fontaine du chant ;
          Bagrada, la rivière lente ;
          Utique est un mot phénicien dont on retrouve la racine atik (ancien) en arabe.

          Les Gétules, les Maures et les Berbères ont été souvent confondus et pris pour un seul peuple. Selon Venture de Paradis, les Berbères modernes seraient les débris des Carthaginois, des Grecs et des Vandales; avant l'islamisme, les Berbères auraient été gouvernés par des rois de la postérité d'Oureb , fils de Jounos.
          Ces renseignements sont bien insuffisants, si l'on songe que les Berbères, refoulés peu à peu dans les montagnes de l'Afrique par les conquérants qui se sont succédé depuis le XIIème siècle avant J.-C., sont très-probablement aborigènes du nord de l'Afrique. Leur nom a, du reste, servi plus tard à désigner les côtes s'étendant entre l'Égypte et la Mauritanie tingitane.
          Des traditions très-anciennes font venir les Berbères de la Syrie, sous la conduite d'un chef appelé Berr. C'est, selon moi, un rameau des peuples indo-européens. Autour de ce noyau primitif, sont venus se grouper, en Afrique, d'autres invasions de race indo-européenne et sémitique.

          Les Berbères qui ont eu pour chefs Massinissa et Jugurtha, etc., sont appelés, tour à tour, par les auteurs romains, Maures et Gétules. A une certaine époque, ce dernier nom a prévalu dans les récits anciens.
          Gétules et Maures sont des noms donnés par les étrangers; Berbères est le nom que les indigènes situés dans l'intérieur se donnaient et se donnent encore, par opposition aux Louba ou Libyens, habitants du littoral.
          Les Phéniciens avaient été précédés, en Afrique, par d'autres invasions sémitiques ; en abordant en Afrique , ils trouvèrent, à Utique et à Carthage , des peuplades avec lesquelles ils parlaient une. même langue.

          Saint Augustin et saint Jérôme rapportent que le punique et l'hébreu ne différaient pas beaucoup , celui-ci ajoute que lorsqu'on interrogeait les habitants de Carthage sur leur origine , ils répondaient qu'ils étaient Cananéens. Le président de Brosses rapporte aussi cette tradition. Procope et Suidas disent, en outre, qu'on avait trouvé, en Numidie,-un monument avec cette inscription en langue phénicienne : " Nous " sommes des Cananéens chassés de leur patrie par " le brigand Josué, fils de Nun.
          Dans l'antiquité, les Phéniciens ont été l'avant-dernier peuple conquérant de l'Afrique septentrionale; ils n'y ont, d'abord, pris pied que par tolérance et pour trafiquer sur la côte ; ils n'ont jamais pu, même à l'époque de leur plus grande splendeur, modifier à leur avantage, ou plutôt rendre homogènes, les populations si hétérogènes de cette contrée. Ils se sont contentés, pendant longtemps, de se maintenir sur les côtes, d'y créer des ports et des villes, et d'attirer à eux, par voie d'échange, le commerce de leurs voisins: A aucune époque, Carthage a été maîtresse absolue de l'intérieur de l'Afrique elle a simplement imposé un vasselage aux Berbères (Maures Gétules) et aux Libyens (Lothophages machlyes). Aussi, chaque conquérant venu en Afrique a promptement détaché les liens qui retenaient à Carthage les populations du littoral septentrional.

          Agathocle, roi de Sicile, en soulevant contre les Carthaginois les Maures et les Gétules, a peut-être donné naissance aux royaumes de Numidie et de Mauritanie. Les Romains, en s'appuyant sur la défection de ces mêmes peuples, ont battu Annibal et détruit Carthage. Régulus lui-même, pendant la première guerre punique, n'est resté si longtemps inactif à Tunis que parce qu'il espérait détourner de Carthage les peuples tributaires. Il faut chercher là le secret de la temporisation et de la défaite de général romain.
          Les premières colonies phéniciennes abordèrent en Tunisie sur la côte est, où elles fondèrent des emporia, tels que Thapsus, Leptis, Hadrumète, etc.; les emporia d'Utique et d'Hippo-Zaritos ne furent fondés que plus tard.
          Carthage fut des derniers emporia phéniciens sur la côte de l'Afrique septentrionale. Elle a créé, à son tour, en Afrique plus de trois cents établissements; en Tunisie seulement, il y en avait au moins cent cinquante. " D'ailleurs, Carthage seule atteignit un haut degré de puissance et dé grandeur. " (Mannert, p. 259, Géographie ancienne des Etats barbaresques.)

          Scylax et Polybe rapportent que domination carthaginoise s'étendait depuis les Autels des Philènes jusqu'aux Colonnes d'hercule, sur un espace de seize mille stades de long (quatre cents milles géographiques).
          Après la seconde guerre punique, Carthage semble n'avoir conservé que le littoral et la partie comprise entre Tabarca et Thenae ; Massinissa, au contraire, étendit son royaume de Cirta à la Cyrénaïque et eut, en partage Zama, Tugga, Suffetula, Maçades,,Minores, Tacape, Gerba et les territoires sis à l'ouest de cette ligne nouvelle. Plus tard, il s'empara de la région dés emporia et de celle des grandes plaines (district de Tusca), ne laissant aux Carthaginois qu'un territoire exigu, celui de la Zeugitane; limité par Tabraca ; Vaga, Bissica Lucana, Zeugitana civitas et Pudput. Carthage détruite (186 av. J.-C.), Scipion réduisit son territoire en province romaine. Rome laissa aux rois indigènes, jusqu'en 104 avant J.-C., les provinces occupées par eux dans l'ouest de la Tunisie. Après la chute de Jugurtha, l'Afrique romaine s'agrandit jusqu'à Sicca Veneria ; en 46 avant J.-C., la Numidie de Juba forma une seconde province romaine appelée nouvelle ;,son siége était à Zama et Utique fut celui de l'ancienne Numidie. En 42 après J.-C., le royaume de Mauritanie forma deux provinces romaines. Enfin, Auguste divisa en quatre diocèses l'ancien territoire carthaginois : diocèse de Carthage, diocèse d'Hippone (Hippo-Zaritos), diocèse d'Hadrumète, diocèse de Numidie ; beaucoup plus tard, l'Afrique septentrionale fut ainsi divisée par Dioclétien :
          1° Mauritanie tingitane ;
          2° Mauritanie césarienne ;
          3° Mauritanie sitifienne
          4° Gétulie
          5° Numidie
          6° Libye intérieure
          7° Région syrtique (Byzacène)
          8° Afrique propre (Zeugitane).

          Sous Constantin (314), ces diverses provinces, précédemment morcelées par Maximin Hercule (291), furent partagées entre les préfectures des Gaules et de l'Afrique, la Tunisie actuelle relevant de cette dernière.
          La Tunisie comprenait, sous la domination romaine
          1° La Zeugitane, appelée Proconsulaire ,
          2° La Byzacène, ou région des emporia;
          3° La partie est de la Numidie, ayant Sicca Veneria (le Kef) pour confins à l'ouest.
          Ces trois divisions administratives firent partie du diocèse d'Afrique.
          Byzacène (1) et Zeugitane (2) sont des mots grécisés. Zeugis et " Byzacios ", employés par tous les auteurs anciens, ont été latinisés sous les formes " Zeugitana et Byzacena " , sous-entendu provincia Zeugis a été appliqué particulièrement au territoire de Carthage, a l'Afrique propre des latins, la Zeugitane était à peu près comprise entre 7° 50' et 8° 75' de longitude et 35° 75' et 36° de latitude.

          Le Byzacium s'étendait du 36° au 33° de latitude et de la mer au 70° de longitude.
          Au nord de la Tunisie, les géographes latins plaçaient les caps suivants :.Promontorium candidum (cap Blanc), Promontorium Apollonium (cap Sidi Ali El-Mekki.) ; à l'est, promontorium Hermeum (cap Bon), et au sud-est le Caput Vada (Ras Capudia).
          Sept îles principales bordaient les côtes : 10 Au nord, Tabraca (Tabarque) ;
          1° au nord, Tabarca (Tabarque) ;
          2° Id, île Pillan ;
          3° Id, île Plane ;
          4° Id, Oegimurus (île Zembra)
          5° Au nord-est, Cossyra (Pantelleria) ;
          6° Au sud-est, Circina (Kerkena);
          7° Id., Meninx (Gerba), l'île des Lothophages d'Hérodote. Cette dernière était de beaucoup la plus grande.

          Citerai-je, parmi les îles de la Byzacène, l'île de Phla, autrefois baignée par la mer intérieure et aujourd'hui représentée par le pays de Nefzaoua?
          Le fleuve le plus remarquable était le Bagradas ou Bagrada (Medjerda), appelé Macar par Polybe. Il pénétrait dans la Tunisie ancienne par Ammedera ou Ad-Medera (Henchir-Haïdra) et il allait verser le tribut de ses eaux dans la Méditerranée, à la hauteur d'Utique. Parallèlement au Bagrada et en face de Tabarque, il y avait le fleuve Chulcul (oued Chila). Je citerai aussi le Katada (oued Melian) , lequel prenait sa source au-dessus de Tugga Terebentina, et se jetait dans le lac de Carthage (aujourd'hui lac de Tunis), à la hauteur de Maxula Colonia.

          La régence de Tunis est assez dépourvue de grands cours d'eau. Le Bagrada, dont la largeur à Toubourba est d'environ 150 mètres, se sèche en été ; en hiver, il roule des eaux torrentueuses, lesquelles inondent le pays sans utilité. A Toubourba (Tuburba Minus), située à quatre heures au sud-ouest de Tunis, les Romains avaient construit un barrage sur le Bagrada ; cet ouvrage semble avoir été réparé pendant l'occupation espagnole {9.526-1535) ; les Arabes l'ont restauré, il y a un ou deux siècles.
          La montagne la plus élevée de l'Afrique propre est le Zeugitanus Mons, lequel mesure 1,375 mètres. Toute la contrée était autrefois, comme aujourd'hui, fertile en oliviers et en céréales.
          Le système orographique de la Tunisie ancienne se rattache à celui de l'Atlas ; il. se divise en deux ramifications principales, dont l'une va mourir à la pointe du cap Bon et dont l'autre sort de la Tunisie par le Djerid actuel, c'est-à-dire en dessous du lac Triton.
          Pendant la domination romaine, la Zeugitane, la Byzacène et la Numidie furent couvertes de cités florissantes. Je citerai :

1° Dans la Zeugitane.
Adis (Sive maxula Prates),
Clypea (Sive Aspis),
Curubis,
Castra Cornelia,
Hyppo Zaritos,
Tuinisa,
Memblone,
Utica,
Ruseinona,
Gallum Gallinatium,
Misua,
Maxula Colonia,
Carpi,
Neapolis,
Pudput,
Vina Vicus,
Uthma,
Theudates
Oppidum Matarense,
Zuccara Civitas,
Zeugitana Civitas,
Thunethum,
Tubourbo Minus,
Membresa,
Siugul,
Tubourbo Majus,
Cotuza,
Ad Aquas,
Ad Mercurium,
Aujourd'hui Rhadès.
Kelibia.
Korbès.
Henchir-bou-Farés (Kalaàt-el-Oued),
Bizerte.
?
?
Sidi-bou-Chateur.
Porto-Farina.
?
Sidi-Daoud.
Hammam-el-Lif.
?
Neubel.
Hamamat.
?
Oudna..,
Menzel-Djemil
Mateur.
Djougar.
Zughouan.
Tunis.
Tebourba.
Medjez-el-Bab.
?
?
?
?
?

2° Dans la Byzacène.
Tacape Colonia,
Aquæ Tacapiriæ,
Botrianense Oppidum
Hadrumetum,
Leptis parva,
Macomades Minores,
Meninx Insula,

Ruspina,
Scyllectum sine Tunis Hannibalis,
Thapsus,
Taphrura,
Thysdrus,
Tuzuros,
Horrea Cœli (Hercla),
Vicus Augusti,
Rusafa,
Mascliana,
Aquaa Regiæ,
Hadrito (selon Peutinger),
Lamniana,
Acholla,
Usilla,
Thenæ,
Lacene,
Insula Circina
Fulgurita,
Gigtis,
Gergis,
Sabrata,
Orbita,
aujourd'hui Gabès.
El-Kassr, près Gabès
Henchir Botica.
Soussa.
Lemta.
Henchir Oungha.
île de Gerba, contenant Naribus, Tipaza, Gerba, Uchium (d'après Peutinger).
Monastir.

H. Selecta.
près de la Méhédia
Sfax
El-Djem.
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H. Aurouan
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3° Dans la partie de la Numidie renfermée
dans la Tunisie actuelle.
Aggar Selnepte,
Assuras,
Bissica Lucana,
Bulla regia,
Capsa,
Ad Gemellas,
Lares,
Mussi,
Cillium,
Sicca Veneria,
Altiburos,
Suffetula,
Suffibus,
Tabraca,
Thala,
Tucca Terebentina,
Thugga,
Thusuros,
Vaga,
Ad Casas,
Cilma,
Thelepte,
Ad Medera,
Obba,
Zama,
Tugga,
Cluacaria,
Sinuta,
Ad Aquas,
aujourd'hui Nefta.
Henchir-Zaorfour.
Testour.
?
Gafsa.
Sidi-Aïd.
H. Larbes.
H. Mest.
Ksour.
Le Kef.
M'deïna.
Sbitla.
Sbiba.
Tabarque.
Thala.
H. Dougga.
Dougga.
Touzeur.
Beja.
?
?
?
?
?
?
?
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à l'ouest de Bulla regia.
à l'ouest de Bulla regia

          Jusqu'aux Autels des frères Philènes, c'est-à-dire jusqu'à la frontière sud-est de Carthage, Peutinger indique encore bon nombre d'autres stations.

(1) Selon Bochart, Byzacène vient du substantif chaldéen Lira, mamelle ou tétine, appliqué par métaphore la fertilité du pays.
(2) La Zeugitane doit peut-être son nom aux Zigantes, peuple cité par Hérodote et habitant entre le Bagrada et le promontoire de Mercure.


PHOTOS Anciennes
De BÔNE
Envoi de M. Charlet Januzzi


Photo Januzzi
RUE DE PROVENCE
Photo Januzzi
VUE SUR LA GARE
Photo Januzzi
VUE SUR LA GARE
Photo Januzzi
FRESQUE DE LA GARE
Photo Januzzi
FRESQUE DE LA GARE
Photo Januzzi
FRESQUE DE LA GARE
Photo Januzzi
GRAVURE DE LA GARE

FILM « LE RAVIN ROUGE »
Tiré du livre d’ANNE CAZAL

Ravin rouge le film



COMMUNIQUE STRICTEMENT PERSONNEL D’ANNE CAZAL
Transmis par M. Jean Paul Selles.

.

Chers compatriotes, chers amis,

        Ce message s'adresse principalement à tous mes compatriotes et amis qui ont répondu à l'appel de trois d'entre nous, Michel Ximénès, Michèle Fischhoff et Jean-Paul Sellès, lesquels, indignés et outrés par les films fallacieux de pure propagande pro-FLN, subventionnés par l'Etat français, fictions mensongères diffusées sur les écrans français pour égarer davantage nos compatriotes métropolitains, et contribuer, un peu plus, à la décadence de la France, souhaitaient promouvoir, à travers un film romanesque, notre

        Nos trois amis ont choisi, en réplique, l'adaptation audiovisuelle d'un roman historique dont je suis l'auteur : " LE RAVIN ROUGE " car tous ceux qui l'ont lu y ont retrouvé la réalité des épreuves vécues par notre communauté. Lorsque, trente ans après la tragédie dont nous avons tous souffert, j'ai pu, enfin, écrire ce livre, les mots sont venus du fond d'une souffrance qui nous appartient à tous et ils ont sonné juste puisque vous les avez tous approuvés. J'en remercie le Ciel, mais je ne suis pas seule récipiendaire de ce don là, vous l'êtes aussi

        Les trois initiateurs de ce grand projet ont lancé une collecte hébergée, dans l'attente d'un producteur, par l'association Droit de Mémoire, et je remercie tous les généreux donateurs qui, en participant, lui ont donné vie ! Puis, mon éditeur et moi-même avons signé un contrat de cession des droits d'adaptation audiovisuelle en faveur de Nicole Ruellé, exceptionnelle productrice et directrice de She's Back, ayant travaillé avec les meilleurs réalisateurs et produit de nombreux et excellents films à grand succès. C'est à elle que vont être transmis vos dons, mais elle s'est déjà attachée au projet et a commencé le long travail de production.

        Juste quelques mots sur notre productrice : c'est également le ciel qui nous a envoyé cette professionnelle hors pair, ayant participé à la réalisation de grands films, tels " Mourir d'aimer ", " Le Baron rouge", " Le maître d'école ", " Tess " et tant d'autres, ayant travaillé avec de grands réalisateurs, restés ses amis, tels Roman Polanski, André Cayatte, Claude Berri, Georges Lautner… Nicole Ruellé est aussi une femme de cœur, bouleversée par la révélation de nos épreuves… Et elle va les défendre à travers le scénario qu'elle est en train de forger pour nous, et qui frappera, comme un boomerang, tous les incrédules et tous les indécis.

        Pour soutenir ce beau projet, votre projet, jusqu'à son achèvement, les trois protagonistes ont constitué une association ad hoc " RAVIN ROUGE LE FILM " à laquelle ils m'ont prié d'apporter la garantie de mes droits d'auteur, ce à quoi j'ai consenti de grand cœur, pensant ainsi satisfaire les vœux de mes compatriotes et ceux du Général Jouhaud, notre Général, qui m'avait écrit, après avoir lu LE RAVIN ROUGE : " Si un jour cette saga était portée à l'écran, peut-être serons-nous enfin compris ! ". Elle va l'être, mon Général, selon vos vœux et grâce à toute notre communauté !

        Car, qu'on ne s'y trompe pas, Margaret Mitchell et le réalisateur Victor Fleming ont fait plus, pour rendre aux sudistes américains l'estime de leurs concitoyens, que ne l'avaient fait 75 ans d'Histoire ! LE RAVIN ROUGE sera notre " Autant en emporte le vent " à nous. Nicole Ruellé, nos trois protagonistes, toute l'équipe et moi-même, allons tout faire pour cela !

                                                                                                                          Anne CAZAL

Dans peu de temps sera ouvert un site Internet par lequel l'association RAVIN ROUGE LE FILM vous donnera toutes précisions sur les avancées du projet qui est désormais entre bonnes mains, mais d'ores et déjà, pour tous renseignements complémentaires, ou participation à la collecte en cours, vous pouvez contacter l'association :

Ravin rouge le film !

Siège social : Résidence Le Grand Large Caravelle 1
7 de la plage
06800 CAGNES SUR MER

CEUX QUI N’ONT PAS ENCORE LU,
OU QUI SOUHAITERAIENT RELIRE LE RAVIN ROUGE,
Peuvent le commander à Anne CAZAL – B.P. 28 – 31620 FRONTON
Dédicacé sur demande, au prix de 26 € port compris

 

Chaîne alimentaire !
Envoyé Par Chantal

          Ne manges pas de porc ...
          grippe porcine ...

          Ne manges pas de volaille ...
          grippe aviaire ...

          Ne manges pas de boeuf ...
          vache folle ...

          Ne manges pas d'oeufs ...
          Salmonellose ...

          Ne manges pas de poissons ...
          présence de métaux lourds dans l'eau ...

          Ne manges pas de fruits et de légumes ...
          présence de pesticides et d'herbicides ...

          Hmmmmmmmmm !!!!!!!!!!!!!
          M
          M
          M
          M
          M

          Je pense qu'il reste le chocolat et les glaces !!!!!!!!
          Rappelles-toi ... Stressé (STRESSED)

          épelé à l'envers se dit : "DESSERTS"


HISTOIRE DES ÉTABLISSEMENTS
ET DU COMMERCE FRANÇAIS
DANS L'AFRIQUE BARBARESQUE
                                 (1560-1793)                              (N°8)

(Algérie, Tunisie, Tripolitaine, Maroc)
PAR Paul MASSON (1903)
Professeur d'Histoire et de Géographie économique
à l'université D'Aix-Marseille.

DEUXIÈME PARTIE
(1635-1690) LE COMMERCE FRANÇAIS ET
LES GUERRES CONTRE LES BARBARESQUES

CHAPITRE VI
LES ÉCHELLES DE BARBARIE (1633-90)

I. - ALGER, TUNIS, TRIPOLI

           Les Échelles de Barbarie et le commerce des particuliers furent soumis aux mêmes influences que les compagnies. Celles-ci, qui payaient aux divans d'Alger et de Tunis des redevances très appréciées, avaient cependant ressenti profondément le contre-coup des guerres de la France avec les régences, malgré les clauses formelles des contrats qu'elles avaient passés avec elles : à plus forte raison, ces guerres furent-elles ruineuses pour les résidents français d'Alger et de Tunis, exposés immédiatement aux représailles et aux avanies des Barbaresques. Ce qui étonne même c'est, qu'à aucun moment, malgré les risques de ruine, de mauvais traitements, d'esclavage, et même de mort, ces Échelles n'aient été abandonnées.

           Les résidents d'Alger, surtout, eurent à traverser de terribles vicissitudes ; leur situation et celle des consuls fut pire encore que dans la période précédente. Un moment, la prise de Djidjelli, par Beaufort, avait fait naître l'espoir que les Français pourraient dorénavant résider et commercer tranquilles dans une place appartenant au roi. Le 11 septembre 1664, le baron d'Oppède vint présider une assemblée extraordinaire de la Chambre de Commerce de Marseille, à laquelle assistaient une " multitude " de négociants, et leur annonça en ces termes les volontés du roi :
           " S. M. ayant toujours à cœur de bonifier le commerce... veut établir un juge consul, au lieu de Gigery, en Afrique, qu'il a nouvellement soumis à sa domination, pour donner lieu à tous les négociants de pouvoir y établir un commerce avec toute assurance, faisant, pour cet effet, fortifier cette place avec toute sorte de diligence, pour l'entière sûreté dudit commerce, voulant néanmoins, S. M., par une bonté extraordinaire, remettre, au choix de l'assemblée et à la pluralité des suffrages, la nomination de la personne pour cet emploi..."

           Un marchand fut, en effet, désigné pour aller remplir l'office de consul à Gigery ; il put s'embarquer sur les vaisseaux du marquis de Martel qui conduisit des renforts à l'expédition de Beaufort, en octobre 1664, mais, s'il fit le voyage, ce fut pour être témoin de l'expulsion des Français obligés, peu après, d'abandonner leur fugitive conquête.

           La charge de consul d'Alger appartenait alors à l'ordre des Lazaristes. La duchesse d'Aiguillon l'avait achetée en 1646 à son propriétaire, le Marseillais Balthazar de Vias, et l'avait offerte avec la permission du roi à saint Vincent de Paul, fondateur de la Congrégation de la Mission. Deux ans après, la duchesse avait acquis de même, pour le compte de son protégé, le consulat de Tunis. Monsieur Vincent avait songé d'abord à faire gérer ses deux consulats par des religieux de son ordre ; mais il s'était heurté à la résistance de la Cour de Rome qui apprécia sainement les dangers de sa combinaison et opposa des refus formels aux nombreuses démarches qu'il tenta auprès d'elle. Saint Vincent, qui avait été désigné pour le poste d'Alger le P. Lambertaux Cousteaux et obtenu pour lui des lettres de provision, dut lui substituer le F. Barreau, membre laïc de la congrégation, qui faisait alors ses études cléricales à Saint-Lazare.
           Trois consuls Lazaristes, Barreau, Dubourdieu, Jean Le Vacher se succédèrent à Alger jusqu'en 1683.

           Saint Vincent ne tarda pas à regretter le cadeau qu'on lui avait fait. Dès le 16 avril 1655, il écrivait à M. Gel, supérieur de la mission à Marseille, pour le charger de s'informer secrètement si on ne pourrait pas trouver quelque marchand de Marseille qui consentit à payer une rente pour les consulats d'Alger et de Tunis. Il reçut, en effet, des offres; nais, en cédant la charge, il entendait conserver l'autorité morale qu'elle donnait, en entretenant un prêtre de la mission auprès du consul ; personne ne voulut accepter une pareille dépendance.

           De Grammont, dans son Histoire d'Alger, trouve que les Lazaristes rendirent, peut-être, de grands services aux esclaves des bagnes d'Alger, mais qu'ils ne furent pas d'assez fermes défenseurs du commerce.
           " Cette pensée charitable, dit-il, qui donnait une certaine satisfaction aux besoins physiques et moraux de 20.000 infortunés qui gémissaient dans les bagnes d'Alger, était un des plus malencontreux essais politiques qu'on ait jamais fait et la suite de cette histoire ne nous le démontrera que trop. Ces hommes pieux, dévoués et bienfaisants, ces chrétiens résignés, qui acceptaient comme une faveur divine les incarcérations, les bastonnades et la mort, méritent à un haut degré le respect dû au courage et à la vertu ; ils arrachèrent l'admiration à leurs bourreaux eux-mêmes; mais, comme agents de l'État, ils furent les plus mauvais consuls qu'on puisse rêver. "

           Cette appréciation du rôle des Lazaristes est assez juste. Cependant, il faut attribuer aux circonstances et à l'humeur peu traitable des Algériens, autant qu'à la résignation des consuls, les mauvais traitements qu'ils subirent ; l'accueil fait à d'Arvieux, en 1675, et le supplice de Piolle, en 1688, montrent que les consuls laïcs ne pouvaient pas se faire mieux respecter que les religieux. De Grammont lui-même porte sur l'un de ceux-ci ce jugement tant soit peu contradictoire : " Somme toute, M. Dubourdieu, par sa patience, sa fermeté et l'influence personnelle que lui donnait la dignité de sa vie avait obtenu de bons résultats(1). "

           Un des principaux inconvénients des consuls Lazaristes, d'après de Grammont, est qu'ils ne pouvaient pas tolérer, comme les consuls laïcs, le trafic des agrès, cordages, voiles, rames, canons, et autres fournitures pour les corsaires. L'article 7 de la bulle In coena domini frappait d'excommunication tous ceux qui en vendraient aux musulmans. Mais nos consuls avaient toujours fermé les yeux sur ce commerce, le seul, à vrai dire, qui fût possible avec Alger. Les Turcs en considérèrent la cessation comme un acte d'hostilité, les marchands se plaignirent et la ville de Marseille ne cacha pas son mécontentement(2).

           Quoi qu'il en soit des aptitudes des Lazaristes aux fonctions consulaires, leur existence, pendant cette période troublée, ne fut jamais tranquille à Alger. Dès 1647, Barreau fut mis aux fers et ne fut délivré que grâce à la distribution de présents. Remis aux fers en 1650, il y resta jusqu'en 1652. Il fut emprisonné de nouveau, en 1656, à la suite de la faillite d'un négociant marseillais, Fabre, qui s'enfuit en France, laissant un passif de 12.000 écus. A peine avait-il eu le temps de respirer qu'il fut arrêté derechef, au sujet de la faillite d'un autre négociant, Rappiot.

           Cette fois il fut traité avec horrible barbarie. On le bâtonna presque jusqu'à la mort et on lui enfonça des pointes sous les ongles. Il souscrivit un engagement de 2.500 piastres dont il ne possédait pas le premier sou. Une souscription des captifs les procura ; il n'en fut pas moins déclaré solidaire de Rappiot. Celui-ci s'était sauvé à Livourne sur un navire chargé de marchandises non payées. Saint Vincent de Paul mit tout en oeuvre, envoya le P. Le Vacher à Livourne, pour mettre arrêt sur le navire, et Louis XIV écrivit à ce sujet au G. duc de Toscane. Mais, malgré les efforts de saint Vincent, aucune réparation ne fut exigée à Alger. A peine sorti des tribulations de la faillite Rappiot, Barreau fut pris à partie pour les dettes d'un marchand grec et peu après pour l'abandon du Bastion par Picquet en 1658. Barreau pouvait lui écrire l'année suivante " Alger est le lieu où les avanies sont le plus fréquentes qu'en aucun lieu du monde... Je n'en ai que trop d'expérience vu que, depuis 15 ans que je suis en cette ville, j'en ai souffert pour plus de 10.000 écus; celle qui m'a été causée à l'occasion de la fuite de Rappiot ne m'est encore que trop ressentie, aussi bien que les coups de bâton que j'ai soufferts. " La paix de 1666 améliora la situation des marchands et du consul; pourtant, en 1673, le chef d'escadre, d'Almeras, croyait devoir ramener Dubourdieu sur ses vaisseaux pour mettre sa vie en sûreté. Puis, les bombardements de 1683 et de 1688 poussèrent les Algériens à des extrémités : le 20 juillet 1683 une bande de furieux alla saccager le consulat de France et le P. Le Vacher, entraîné sur le môle, malgré son grand âge et le respect qu'il inspirait, fut attaché à la gueule d'un canon ; vingt autres Français subirent ensuite le même sort. Cette exécution fut renouvelée en 1688, malgré la menace de d'Estrées, qu'il exécuta, de faire pendre autant de Turcs, aux vergues de ses bâtiments, qu'il y aurait de Français mis au canon ; le consul Piolle, le vicaire apostolique Montmasson et 41 autres Français souffrirent ce supplice.
           Aussi, malgré le rétablissement de la paix en 1689, on n'avait guère confiance, à Marseille, dans les dispositions pacifiques des Algériens et dans l'avenir de l'échelle d'Alger. Quand l'intendant Lebret vint exposer à la Chambre de Commerce due Seignelay avait l'intention d'envoyer un consul capable d'entretenir la paix, la Chambre lui remontra le peu d'apparence qu'il y avait que les Algériens, c'est-à-dire des pirates, eussent des égaras pour un consul. Ainsi n'y eut-il jamais dans le fondouk, où ils vivaient avec le consul, qu'un petit nombre de marchands marseillais et le commerce qu'ils faisaient n'avait aucune importance(3). Nous manquons malheureusement de renseignements précis, mais le silence des documents au sujet du commerce d'Alger est, par lui-même, assez significatif. La correspondance consulaire, celle des nombreux officiers ou commissaires royaux envoyés en mission à Alger, abonde en détails sur nos querelles avec les Algériens ; il n'y est presque jamais question du commerce, ou bien c'est de celui du Bastion qu'il est question. On petit, avec les archives de la Chambre de Commerce de Marseille, faire une histoire de toutes les échelles du Levant pour celle d'Alger, on n'y trouve presque rien. D'après les registres de perception du cottimo, cette taxe ne fut perçue à Marseille, jusqu'en 1690, que sur un, deux, trois et, deux fois seulement, sur quatre bâtiments revenant d'Alger(4). Savary de Brusions, dans son Dictionnaire du commerce, reproduit un document précieux, ouvrage posthume du célèbre Gaspard Carfueil, négociant de Marseille, mort en 1723. C'est un état général de toutes les marchandises dont on faisait commerce à Marseille, avec l'indication de leur provenance, dressé en 1688(5). On n'y voit presque pas figurer le nom d'Alger. Marseille en recevait un peu de cire, de suif, de laine, 1500 à 2000 peaux, tandis que le Bastion en fournissait 18 à 20.000. On voyait cependant, à Alger, des navires français en assez grand nombre : quand les Algériens rompirent de nouveau avec la France, en 1687, le dey fit saisir dans le port 11 bâtiments français qui furent vendus avec leurs cargaisons et leurs équipages. Mais ces bâtiments n'étaient sans doute pas là pour le compte de négociants français ; ils étaient affrétés par des étrangers, par des juifs, sans doute, qui continuaient à accaparer la plus grande partie du commerce de la régence et maintenaient leurs vieilles relations avec leurs coreligionnaires de Livourne. Chaque année, il partait d'Alger pour ce port plus de bâtiments français que pour Marseille.
           Les juifs avaient soin d'intéresser à leurs opérations commerciales des personnages influents, quelquefois le dey lui-même ; ils avaient l'appui des Puissances et il était difficile de leur faire concurrence(6).

           A cette époque où la course était plus active et le butin des reïs plus riche que jamais, le commerce des prises était l'un des plus importants peut-être, celui qui, à coup sûr, procurait ordinairement le plus de bénéfices.
           " Ce n'est pas aussi un des moindres commerces, écrivait Savary à la fin du XVIIe siècle, et c'est certainement celui sur lequel les marchands chrétiens font les plus grands profits, y gagnant quelquefois 400 pour 100, que l'achat du butin que les corsaires rapportent au retour de leurs courses, ayant coutume de mettre en vente tout ce qui ne convient pas au pays ou à leur religion et ne trouvant que des chrétiens pour enchérisseurs, sont obligés de leur délivrer à très bon compte. Ces marchandises sont des vins, des eaux-de-vie, des bières, des huiles, des chairs et des poissons salés et plusieurs autres semblables, dont on fait ordinairement des cargaisons pour des îles Antilles(7) ".

           Cette dernière remarque concerne sans doute les Français, car il leur aurait été interdit de rapporter de pareilles marchandises dans le royaume. Mais, quels que fussent les bénéfices qu'ils pouvaient réaliser à l'occasion, l'existence et les ressources des marchands français d'Alger, pendant cette période, devaient être bien précaires et restent même pour nous un problème difficile à expliquer. Quant au consul, qui n'avait toujours pour vivre que son droit de consulat de 2 %, il tirait sa principale subsistance des navires français, nolisés pour le compte des juifs ou des bâtiments étrangers, qui venaient à Alger sous la protection de la France. Le consul Lemaire, en 1690, accusait ses prédécesseurs de n'avoir pas travaillé au développement du commerce français, parce qu'ils ne s'occupaient que de percevoir leur droit de consulat.

           Les Anglais et les Hollandais avaient continué à acheter les bonnes grâces des Algériens, en leur vendant des munitions et des armes, trafic toujours sévèrement interdit aux Français par les ordonnances royales. Même leurs gouvernements ne rougissaient pas de laisser inscrire dans leurs traités l'obligation de procurer au dey, chaque année, des fournitures de guerre ; le traité des Hollandais, du 1er mai 1680, les obligeait de livrer annuellement une quantité déterminée de câbles, mâts, poudre, projectiles et canons ; les Anglais, par le traité du 12 avril 1682, avaient pris des engagements analogues. Les traités signés par la France n'avaient jamais contenu des clauses aussi déshonorantes. Il est vrai que nos rivaux allaient beaucoup plus loin, puisqu'ils n'hésitaient pas, à l'occasion, à offrir des secours et même des navires aux Algériens, pour les faire rompre avec nous.

           Malgré leurs complaisances, malgré la libéralité avec laquelle ils distribuaient les présents, que la Chambre de Commerce de Marseille ne dépensait qu'avec parcimonie(8), les Anglais et les Hollandais ne furent pas mieux traités que nous. Souvent en guerre ouverte avec les Algériens, ils parvinrent encore moins à faire respecter les traités de paix qu'ils signaient. Le dey Chaban écrivait fièrement à Pontchartrain en 1691 :
           " Les Anglais nous font de grandes amitiés et la raison pour laquelle nous les traitons bien, ce n'est pas pour l'amour de leur argent, ni par motif de crainte. Il est vrai que, sous le règne de Baba Hassan, les Anglais, par ruse et par surprise, brûlèrent 11 vaisseaux d'Alger, mais, par la grâce de Dieu, pour ces onze vaisseaux, l'on trouve écrit dans les registres du Divan que les Algériens leur ont pris en revanche 400 bâtiments, entre navires et barques, grands et petits, qu'ils ont amenés à Alger, et ont fait esclaves 5.000 Anglais. Enfin, le général de la flotte anglaise amena à l'improviste, à Alger, tous les Turcs qu'il avait pris et en fit présent au Divan. Il demanda quartier et la paix et, à force de prières et de présents, on le lui accorda… Il reste encore ici environ 2000 de ces Anglais, faits esclaves de ce temps-là, qui n'ont point été rachetés… Depuis ce temps-là jusqu'à présent, tout autant de Turcs qu'ils prennent et qui ne sont pas Algériens, de quelque nation qu'ils soient, ils les traitent honnêtement et les renvoient en ce pays. Même, l'année passée, cinq de nos Algériens, s'étant sauvés des galères de Rouen, abordèrent en Angleterre. Le prince d'Orange les fit habiller de pied en cap et leur donna 200 écus pour faire le voyage.... Voilà, mon cher ami, un exemple de la manière dont les amis doivent agir avec leurs amis. "

           La France n'avait jamais souffert autant de la guerre, ni acheté la paix par tant d'humilité. Les bombardements n'avaient pas eu le succès qu'en attendait Colbert, mais ils avaient inspiré néanmoins aux Algériens une salutaire terreur dont les effets devaient longtemps être ressentis. La prééminence du consul français sur les autres, reconnue solennellement par le traité de paix de 1666, fut toujours reconnue dans la suite et, de même que l'influence française resta bien établie, en dépit de l'affaiblissement de notre marine à la fin du règne de Louis XIV, de même le commerce et les pavillon français devaient garder toujours leur prééminence.

           Grâce à d'habiles ménagements, les Marseillais avaient réussi, depuis 1617, à maintenir la paix avec les Tunisiens. Elle avait été confirmée en 1665 par Beaufort, de la façon la plus avantageuse. En effet, le texte du traité de 1665 reproduit est grande partie celui des traités précédents, mais en diffère essentiellement par soit article 17.
           Celui-ci stipulait que le consul de France devait être considéré comme le représentant naturel de toutes les nations qui faisaient le commerce dans l'étendue de la Régence, à l'exception des Anglais et des Hollandais, qui venaient récemment d'instituer un consul à Tunis(9). Mais, par suite de l'attitude moins conciliante de Colbert, le dey s'était montré moins bien disposé à notre égard : en 1672, le marquis de Martel avait dû bloquer pendant 27 mois les ports de la Régence, canonner la Goulette, Bizerte, Porto-Farina, pour obtenir une nouvelle confirmation des traités. En 1678, les Français et tous les Européens de Tunis furent sérieusement menacés de perdre la vie. Le consul Charles de Gratien fut, ainsi que son collègue d'Angleterre, violemment traîné devant le bey Mohammed et tous deux furent obligés, sous la menace de subir le dernier supplice, de s'engager à lui payer une, somme considérable(10). La Chambre de Commerce de Marseille remboursa, en 1680, les négociants français des pertes qu'ils avaient subies. Mais c'était là un épisode des guerres civiles qui troublaient la Régence. En effet, à partir de ce moment, Tunis fut affaiblie par de longues dissensions et, de plus, menacée sans cesse par les Algériens dont la puissance militaire était beaucoup plus forte. Dans cette situation, le dey ne pouvait songer à rompre avec la France ; il n'osa même pas s'y risquer pendant notre guerre avec Alger : la paix fut renouvelée pour cent ans en 1685 et les Tunisiens risquèrent même de s'attirer la vengeance des Algériens en donnant asile aux Français du Bastion en 1688.

            L'influence française était donc solidement établie à Tunis. Mais la clause des traités de 1665 et 1672, qui reconnaissaient explicitement au consul de France le protectorat des marchands étrangers, ne fut plis reproduite dans le traité de 1685, cependant plus favorable qu'aucun des précédents. L'article 18 affirmait seulement la prééminence du consul de France sur tous les autres. Une curieuse lettre du consul Michel, écrite l'année suivante, nous apprend que les Anglais ne négligeaient aucune occasion de nous disputer le premier rang :

           Le jour de leur Pâques, qui fut le 28 octobre, la coutume est que toute la musique du dey, du pacha et du divan vienne, ce jour-là, aux maisons consulaires pour avoir la manche, et, comme nous avons le pas sur toutes les autres nations, on vient au consul français le premier Le consul anglais avait, à force de présents, obtenu de ces gens-là d'aller chez lui le premier, comme en effet ils y allèrent ; et, dans le même temps, je fus au dey pour lui demander justice sur le cas arrivé. Il entra dans un excès de colère et sur-le-champ envoya deux chaouchs pour chercher le maître de musique, mais, par bonheur, on ne le trouva pas, car s'il y fût venu dans cette promptitude, il l'aurait fait étrangler et j'eus besoin de rappeler toutes mes forces pour obtenir sa grâce. Il me demanda donc ce que je voulais pour réparation, qu'il m'accorderait tout. Je lui demandai qu'on vint jouer pendant les trois jours consécutifs des fêtes, ce qui fut exécuté et qu'on vint toujours en premier lieu chez nous... Je vous assure. Messieurs, que le consul anglais a été beaucoup mortifié en cette affaire.

           A Tunis, le consul et les marchands français vécurent donc assez tranquilles, non pas à l'abri des avanies pécuniaires, accidents ordinaires dans toutes les échelles du Levant, mais sans avoir à redouter l'emprisonnement ni la mort(11). Comme dans les échelles du Levant, une seule habitation solide et bien close abritait le consul et les marchands et renfermait les magasins ; en Syrie, on appelait khans ces sortes de caravansérails ; à Alger et à Tunis, ils avaient gardé le nom de fondouks, employé il l'époque des croisades pour tous les comptoirs des marchands occidentaux dans le Levant. D'Arvieux nous a laissé du fondouk de Tunis, bâti en 169, une description dont on peut vérifier l'exactitude, car cette vieille demeure existe encore dans la rue de l'Ancienne Douane, et, même, était, il y a quelques années, la propriété d'un Français(12).

           Il n'y a, dit d'Arvieux, que trois fondouks ou fondiques dans la ville…
           L'un sert de logement aux marchands anglais et hollandais. Le second est loué aux juifs, ils y serrent leurs marchandises, mais ils ont des maisons particulières où ils demeurent avec leurs familles.
           " Le troisième, qui est le plus grand et le plus beau, est occupé par les Français. Il est bâti comme les camps ou caravansérails de tout l'Orient : c'est un grand corps de logis qui a une grande cour carrée au milieu, des magasins au rez-de-chaussée, et des chambres au-dessus, qui se communiquent les unes aux autres par une galerie qui donne sur la cour et qui conduit aux appartements du consul. Ils sont autour d'une cour carrée ; un des côtés est occupé par la porte avec une terrasse au-dessus ; un autre est occupé par la chapelle et la chambre du conseil ; le troisième, par une grande salle à manger ; et le quatrième, par la cuisine et l'office. Tout le rez-de-chaussée est partagé en différents magasins, et tous les autres appartements au premier étage, qui sont voûtés, sont couverts d'une terrasse, sur laquelle on monte par une échelle pour prendre le frais le soir et le matin. On amasse des eaux de pluie qui tombent sur ces terrasses dans des citernes, et on les conserve avec soin, parce que les eaux de puits sont saumâtres et d'un si mauvais goût, qu'il n'y a que ceux qui y sont accoutumés de longue main qui s'en puissent accommoder. "

           Comme dans toutes les échelles, les rivalités d'intérêt, l'esprit turbulent des Provençaux, la communauté étroite d'existence, suscitaient des querelles continuelles entre les marchands ou les faisaient cabaler contre leur consol(13). A Tunis, le fondouk fut, à diverses reprises, un sujet de discorde parce que, contrairement à l'usage commun dans le Levant, les marchands payaient au consul une certaine somme pour y être logés ; en retour, celui-ci prenait " le fondouk à son risque, péril et fortune ", c'est-à-dire se chargeait de toutes les dépenses d'entretien et payait les redevances au divan, qui s'élevaient à 600 piastres par an.
           D'après un contrat de 1670, les marchands devaient donner au consul 55 piastres par an pour leur habitation et magasin ; les bâtiments étrangers, qui venaient à Tunis sous la protection de la France, acquittaient 30 piastres s'ils déchargeaient et rechargeaient, 15 seulement s'ils ne faisaient que l'une ou l'autre opération. Moyennant ce droit de fondouk, le consul était obligé de fournir aux patrons de ces navires une chambre pour se loger et des magasins pour mettre leurs marchandises.

           Les consuls et les marchands interprétèrent ce contrat chacun à leur façon : les premiers prétendirent lever le droit de fondouk sur tous les bâtiments, même français, qui venaient à Tunis ; les marchands l'exigèrent à leur profit de tous les bâtiments, français ou autres, qui leur étaient adressés, sous prétexte qu'ils logeaient le capitaine dans leur appartement et les marchandises dans leur magasin, dont ils payaient la location au consul. " Il s'ensuit, écrivait l'un des consuls, que les marchands, exigeant le droit, sont non seulement logés pour rien, mais encore gagnent considérablement au-dessus de leur loyer pendant que le consul, lui est le fermier Principal du fondouk, eux n'étant que les locataires, est la dupe, ce qu'il retire d'eux pour loyer de leurs appartements et magasin ne suffisant pas pour le rembourser du tiers de sa rente(14). "

           Le consul affirmait dans sa lettre qu'il n'y avait que trois marchands français établis à Tunis; c'était vrai, car on venait d'appliquer à Tunis l'organisation en vigueur dans les autres échelles et les députés de la nation, élus pour la première fois en 1688, étaient restés trois ans en fonctions, faute d'autres négociants pour les remplacer, mais le nombre des résidents était alors réduit d'une manière tout exceptionnelle. En 1670, cinq marchands avaient conclu le contrat avec le consul ; ils étaient davantage en 1683 ; une délibération de la nation est signée, en 1693, des noms de neuf marchands.
           La nation française de Tunis était donc assez nombreuse et le commerce qu'elle faisait plus important que celui des résidents d'Alger, sans avoir cependant une grande activité. On aurait pu charger à Tunis des blés, mais l'exportation n'en était permise qu'au cap Nègre, à la Compagnie. Il en était de même des légumes, pois chiches, fèves, lentilles, vesces. Les consuls firent de vains efforts pour obtenir aux marchands la liberté de ce négoce.

           Les cuirs verts étaient l'article d'achat principal pour les Français, mais ce commerce était bien tombé vers 1680, parce que les cuirs du Levant affluaient de plus en plus à Marseille, tandis que la misère de la Tunisie, à cette époque, avait rendu ceux de la Régence rares et chers. D'ailleurs, les renseignements fournis par les documents ne permettent guère de se faire une idée précise de l'importance de ce trafic. " Les cuirs verts ou en poil, de taureaux et de vaches, dit d'Arvieux, ne vont qu'à 5 ou 6000 par an. On en pourrait tirer davantage, mais le peu de profit qu'il y a à faire sur cette marchandise est cause que les marchands ne cherchent pas à s'en charger. "
           D'après un mémoire du Consul, de 1686, le négoce des cuirs n'était plus ce qu'il avait été ; il se faisait par communes années autrefois de 50 à 60.000 cuirs et présentement cela ne pouvait aller qu'environ à la moitié. Le mémoire du négociant Carfueil, publié par Savary de Bruslons, indique comme exportation ordinaire, de Tunis à Marseille, 10 à 12.000 cuirs, gros ou petits.

           La Tunisie produisait beaucoup de laines, mais une grande quantité était consommée par l'industrie locale, si bien que la vente en France était faible ; d'Arvieux l'évalue à 5 ou 600 balles les années ordinaires et, exceptionnellement, 1000 balles de 400 livres pesant.
           On achetait, communément aussi, des cires, 100 à 150 quintaux quand la récolte était bonne, des suifs. Toute la côte tunisienne, même les parages du cap Nègre, fournissaient des éponges. La caravane ordinaire du Djerid apportait des dattes et des plumes d'autruches.
           La Tunisie était à peu près seule à fournir les premières à Marseille, qui en recevait 7 à 800 quintaux : leur prix s'élevait à 11 et 15 livres, pendant le carême, pour retomber à 9 ou 10 après. Quant aux secondes, elles étaient moins estimées que celles des autres provenances : les nègres et les Maures des environs du Niger ou Sénégal, dit d'Arvieux, les savent mieux conserver que ceux de Barbarie. Dans le mémoire de 1888, on voit encore figurer parmi les exportations de Tunis à Marseille 1.000 à 1.200 quintaux d'escayolles, graine à nourrir les oiseaux, 40 à 50 quintaux d'alcanette, racine pour la teinture, réexpédiée en Hollande, et 30 à 40 quintaux de pirettes (pyrèthre), racine pour la médecine et la teinture.

           Il y avait une industrie très active en Tunisie : c'était celle de la fabrication des bonnets de laine, que nous désignons sous le nom de fez.
           " Ils en fabriquent, dit d'Arvieux, une quantité prodigieuse qui sont très beaux et d'une qualité excellente ; ils les teignent la plupart en rouge, soit avec la cochenille ou avec le vermillon ; on ne saurait croire la consommation prodigieuse qui se fait de ces bonnets dans la Barbarie et dans tout le Levant. Les Turcs environnent leurs bonnets d'une pièce de mousseline qui fait leur turban.
           Les Grecs ne portent point de turban dans la Barbarie ni dans le Levant, non plus que les Maures, ils se contentent d'un simple bonnet. Les juifs portent des bonnets noirs, ils s'exposeraient à des bastonnades et à une amende s'ils en portaient de rouges. "

           Il ne venait pas de ces bonnets à Marseille, car cette industrie, empruntée aux Tunisiens, y était très prospère et le débit des fez marseillais très considérable dans les échelles.
           " Quant aux marchandises que l'on apporte à Tunis, écrit le consul Michel, celles qui sont le plus ordinaires et dont le débit est le plus assuré sont les laines d'Espagne, la graine de vermillon, l'alun, le tartre, le poivre, le clou de girofle, la cannelle, la muscade, la cassonade, le benjoin et le papier, mais, quant à présent, il s'en consomme fort peu. Il se vend véritablement de toutes autres sortes de drogues, mais en très petite quantité et avec beaucoup plus de difficulté que les ci-dessus et même, pour y faire quelque profit, il faut se résoudre à les prêter. Pour les draperies, les draps de Venise sont ceux qui sont les premiers demandés ; ceux d'Angleterre et de Hollande sont encore estimés. Pour ceux de France on n'en fait pas cas et la consommation n'en pourrait dire que très petite, à la réserve des draperies. Les Français font une grande partie des autres affaires; les Anglais et les juifs font le reste. "

           D'après d'Arvieux (1666), les Français auraient porté ordinairement à Tunis des laines de Ségovie et d'Albarasin pour la fabrication des bonnets, car les laines indigènes étaient trop grossières pour cet usage, du vin et de l'eau-de-vie pour l'usage des esclaves, des draps et cadis du Languedoc, des toiles de batiste et des mousselines, quantité de fruits qui ne croissaient pas en Tunisie, tels que noix, noisettes, amandes, châtaignes, pommes, poires ; enfin, malgré les défenses royales, des armes, du plomb et de la poudre(15).

           En somme, tout ce commerce de Tunis était assez peu de chose.
           " Le négoce est très mal disposé en ce pays, écrit le consul à Colbert, en 1675 ; je n'y ai vu depuis que j'y suis (plus de 6 mois), que deux bâtiments à la charge pour Marseille et quelqu'un pour Messine, de peu de valeur. Cependant, les états de recettes du cottimo indiquent que, chaque année, entre 1670 et 1690, six à dix bâtiments, rarement moins, revenant de Tunis, acquittèrent la taxe à Marseille(16). C'était deux ou trois fois plus qu'à Alger, mais c'était bien peu. Le consul Michel écrivait à la Chambre de Commerce, en 1687: " Vous me demandez les comptes des députés du corps de la nation ; à cela je vous réponds que, jusqu'à présent, dans cette échelle, il n'y a pas eu de députés, attendu qu'elle a été longtemps comme déserte et le commerce fort stérile, comme vous savez(17). Il est vrai que, depuis 1690 environ, le commerce à Tunis n'avait fait que décliner : la régence déchirée par les guerres civiles, entre le dey et deux frères revêtus de la dignité de beys, puis par la rivalité de ceux-ci, était tombée dans une profonde décadence(18).

           Les juifs de Tunis avaient conservé en grande partie la prépondérance commerciale dont ils jouissaient au début du XVIIe siècle ; non seulement ils faisaient par leurs correspondants de Livourne tout le commerce entre la Tunisie et l'Italie, mais les résidents français étaient souvent réduits à leur prêter leur nom pour faire quelques affaires avec Marseille. D'un autre côté, les compagnie du Cap Nègre, quand elles fonctionnaient, trafiquaient autant à Tunis que dans leur comptoir ; fortes de l'appui du gouvernement, de l'amitié des Puissances, gagnée par leurs redevances, elles faisaient aux simples marchands une concurrence victorieuse(19). Enfin, la caravane de la Mecque emportait et rapportait les marchandises qui s'échangeaient en assez grande quantité entre Tunis et le Levant. " Celle qui partait emportait quantité de bonnets, de corail en rame, en grain et quelques draps de Venise, d'Angleterre, de Hollande et quantité de brocarts qu'on apportait d'Italie, et celle qui en venait apportait quantité de toiles fines de coton comme sont turbans, bourses de soie, mouchoirs de soie, d'indienne et outres étoffes à fleurs, quantité de musc en vessie, de la civette et quantité de bagatelles. "

           Ainsi, le pays était misérable, la majeure partie de son trafic était accaparée par d'autres ; la part des résidents français était bien maigre. Encore devaient-ils partager ce qui restait du négoce avec les Anglais et les Hollandais, à qui ils n'en laissaient que la plus faible part(20). L'un de leurs principaux bénéfices c'était, comme à Alger, l'affrètement de bâtiment français aux juifs, ou aux Tunisiens eux-mêmes, pour les transports qu'ils avaient à effectuer en Italie ou dans le Levant : la sécurité plus grande assurée au pavillon français le faisait préférer à tous les autres. Les services rendus ainsi au commerce indigène valaient en outre aux résident français une estime particulière ; mais l'honneur était dangereux, car la perte des bâtiments ainsi affrétés les exposait au ressentiment de la population. Il est arrivé ici, écrit en 1686, le consul à Seignelay, une affaire qui y trouble extrêmement le commerce des sujets de S. M. et qui demande un prompt remède. Il y a environ six semaines que le patron Pierre Rambaud, de Marseille, nolisa sa barque à des marchands de cette ville pour faire le voyage de Gerby (Djerba), sur laquelle s'embarquèrent environ 90 passagers, parmi lesquels il y avait des femmes et des enfants. L'on a su qu'elle a été prise par un Majorquin, qui l'a menée à Cagliari, et l'on soupçonne la même chose d'une tartane partie depuis et nolisée de même... Il est à craindre, si cette affaire ne se répare pas, de voir bientôt détruire ici tout le commerce des Français ; l'on n'aura plus en nous de confiance et, ce qui nous faisait le plus estimer ne subsistant plus, nous tomberons dans le mépris et ne pourrons éviter d'être exposés aux insultes de la canaille. " Ce n'était guère que par des affrètements de ce genre, faits pour éviter les corsaires espagnols ou les Maltais, que les autres ports de la régence recevaient la visite des bâtiments français. Tout le commerce était concentré à Tunis(21) ; cependant, il y avait un trafic assez régulier entre Sousse et Marseille : de temps en temps, un navire allait y charger des huiles et, lors des négociations du traité de 1685, un des associés de la nouvelle compagnie du cap Nègre y était établi.

           Jusqu'après 1680, il n'y avait pas eu d'échelle organisée à Tripoli. Pendant la série de croisières et de démonstrations navales dirigées contre les Barbaresques sous Louis XIV, les vaisseaux du roi durent paraître souvent devant Tripoli comme devant Alger et Tunis ; il parait même qu'un traité de paix, le premier depuis 1617, fut signé avec eux, en juillet 1662(22). Cependant, il n'y eut encore ni consul, ni marchands établis d'une manière suivie. On avait même oublié qu'il n'y eût jamais eu autrefois des consuls, car un mémoire présente comme une nouveauté la tentative infructueuse d'établissement qui fut faite en 1647.
           A la suite de la croisière de la magnifique escadre de l'amiral Blake, en 1654, qui se fi t voir successivement à Alger, Tunis et Tripoli, les Anglais avaient réussi, avant nous, à faire accepter un consul à Tripoli ; suais l'établissement de celui-ci resta d'abord précaire.
           D'après l'auteur, contemporain, d'une Histoire de Tripoli, quand ils eurent conclu la paix avec le pacha, en 1658, " l'amiral Stookes établit un consul dans cette ville, Samuel Toker. Quatre ans après, Charles II confirma Toker. Ce consul ménagea toujours les intérêts du roi son maître avec beaucoup de vigueur et de zèle. Il quitta Tripoli, en 1667, sans ordre du roi parce que ses appointements ne lui étaient pas payés et qu'il avait fait des pertes considérables. Au bout de quatre ans le roi d'Angleterre sur les pressantes sollicitations d'Osman Bassa, envoya un consul, Nathaniel Bradley, gentilhomme de Londres, personnage fort prudent et judicieux ". Arrivé à Tripoli en octobre 1671, il fut reçu par le pacha avec tous les honneurs possibles et reçut l'un des plus beaux palais de la ville pour son logement.
           Le roi son maître, voyant que les profits de cet emploi n'étaient pas suffisants pour l'entretenir, lui assigna une pension de 1000 écus tous les ans. Heureux dans toutes ses négociations, " il était, dit notre auteur, le protecteur des marchands de toutes les nations chrétiennes et il ne se lassait jamais à leur rendre de bons offices... Quand il était question des intérêts de sa nation, il parlait avec tant d'intrépidité que les Turcs en étaient charmés. Enfin, après avoir demeuré trois ans et demi dans Tripoli, il déclara publiquement la guerre au dey et au divan de la part de son roi et, après, Il s'embarqua sur la flotte anglaise avec l'admiration de toute la ville. Le chevalier Narbrough, aussitôt que la paix de 1676 fut conclue, établit un vice-consul à Tripoli en attendant la volonté de son maître et il choisit un homme de peu qui ne mérite pas qu'on en parle(23). " C'est peu de temps après que le consulat français finit par être établi après de grosses difficultés.

           Une révolution opérée dans le gouvernement, en 1672, avait rendu tout à fait nominal le pouvoir du pacha, représentant du sultan, et rendu les Tripolitains encore plus turbulents(24).
           Renforcés par des reïs d'Alger et de Tunis, ils étaient devenus redoutables et semaient la terreur dans l'Archipel et les mers de Syrie.
           Aussitôt la guerre de Hollande terminée, Colbert chargea le commandeur de Valbelle d'aller leur imposer un traité ; l'un des députés de la Chambre de Commerce de Marseille, le sieur de Saint-Jacques, lui fut adjoint pour la négociation(25). Celle-ci fut poussée assez loin puisque de Saint-Jacques rapporta une déclaration du dey et du divan qui débutait ainsi : " à tous ceux qui désireront le commerce de cette échelle nous lui faisons entendre comme nous la lui déclarons libre avec toute sorte de franchise et sûreté, mieux qu'elle n'a été pendant le temps qu'a régné Agi Mémet day. " Cependant, la paix ne fut pas conclue et c'est alors que Duquesne reçut l'ordre d'aller pour chasser les Tripolitains jusque dans les ports de l'archipel. Le fameux bombardement de Chio, de 1681, eut pour résultat la signature d'un traité entre l'amiral et les corsaires tripolitains, sous la médiation du capitan pacha, le 27 novembre 1681.

           Pour la première fois, depuis longtemps, un consul, le sieur de la Magdeleine, fut envoyé à Tripoli. Il fut d'abord bien accueilli et, malgré les plaintes du consul anglais, qui menaçait de s'embarquer et de faire déclarer la guerre, le dey reconnut immédiatement à la Magdeleine la prééminence sur ce consul et le droit de protection des marchands étrangers sans consuls de leur nation. Mais la situation changea bientôt. Sous prétexte qu'il ne venait point de vaisseau du roi pour apporter la confirmation du traité et qu'ils avaient rencontré des bâtiments français faisant la course, sous pavillon portugais, les Tripolitains rompirent la paix et mirent le consul à la chaîne, en novembre 1682. Ils disaient encore et c'était là la vraie raison, qu'ils avaient besoin de la guerre pour subsister : le consul avait fait tous ses efforts pour les faire rompre avec les Anglais, mais ceux-ci l'avaient emporté ; d'ailleurs, la France était déjà en guerre avec les Algériens. Seignelay s'était décidé trop tard à leur donner satisfaction : le fils du premier échevin de Marseille, le sieur de Bonnecorse avait été chargé, par la Chambre de commerce, de porter au pacha une lettre du roi(26). Mais la rupture était déjà consommée : pour comble de malheur, la barque qui portait Bonnecorse échoua sur les écueils devant Tripoli ; il fut pris et fait esclave avec tous ses compagnons(27). Les Tripolitains furent châtiés comme il convenait; deux bombardements opérés par Duquesne et d'Estrées, en 1683 et en 1685, firent de grands ravages dans leur ville et les décidèrent à traiter de nouveau(28). Le traité en 30 articles, conclu par d'Estrées, le 29 juin 1685(29), était le plus avantageux qu'on eût encore signé avec des Barbaresques ; les Tripolitains y acceptaient des conditions qu'on n'avait jamais pu imposer à Alger, ni à Tunis. Des garanties spéciales y étaient stipulées pour les marchands :

           " Tous les marchands qui aborderont aux ports ou côtes du royaume de Tripoli ne seront obligés de porter à terre ni leurs voiles, ni leur gouvernail, et pourront y mettre leurs marchandises, vendre et acheter librement, sans payer autre chose que ce qu'ont accoutumé de payer les habitants dudit royaume, à condition qu'il n'excède point 3 % et il en sera usé de même dans les ports de la domination de l'empereur de France, et, en cas que lesdits marchands ne missent leurs marchandises à terre que par entrepôt, ils pourront les rembarquer sans payer aucun droit (art. 15). - Les Français ne pourront être contraints, pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce puisse être, à charger sur les vaisseaux aucune chose contre leur volonté, ni faire aucun voyage aux lieux où ils n'auront pas dessein d'aller " (art. 17). Les Français devaient pouvoir exporter en France toutes sortes de marchandises, entres autres le sené (art. 19).

           Le consul de France aurait la prééminence sur tous les autres (art. 18). " Et pour faciliter l'établissement du commerce et le rendre ferme et stable, disait l'article 25, les très illustres dey, bey, divan et milice de Tripoli, enverront, quand ils l'estimeront à propos, une personne de qualité d'entre eux, résider à Marseille, pour entendre sur les lieux les plaintes qui pourraient arriver sur les contraventions au présent traité, auquel sera fait toute sorte de bon traitement ".
           Cette dernière clause, insérée dans d'autres traités avec les Barbaresques, ne devait jamais être exécutée. Enfin, le traité stipulait que les Tripolitains " demandaient pardon à l'empereur de France d'avoir rompu la paix, qu'ils avaient banni les auteurs de la rupture et que pour le dédommager des prises et des frais de la guerre, ils paieraient 500.000 livres à S. M. Et, ce qui est de remarquable, c'est qu'ils nous rendirent tous les esclaves français et étrangers pris sous notre pavillon, au nombre de 1200, sans que nous leurs ayons rendu un seul des leurs, ni promis d'en rendre par le traité(30). "

           L'année suivante, le duc de Mortemrart parut encore devant Tripoli avec une escadre et signa une nouvelle convention. En 1687, deux envoyés de Tripoli, accompagnés de 6 Turcs, vinrent présenter leur soumission au roi ; ils lui apportèrent en présent huit chevaux, deux dromadaires et trois lévriers(31).
           Le nouveau consul, Claude Lemaire(32), se félicitait de l'accueil que lui avaient fait les Tripolitains, mais, ajoutait-il, " ces gens ici sont pleins d'inconstance, il faut pour maintenir l'autorité du roi qu'un consul fasse de la dépense ". Le commandant du vaisseau du roi qui l'avait amené écrivait, de son côté, que le consul de Tripoli avait besoin de bons appointements avec lesquels il pût tenir une bonne table pour faire manger la canaille et lui donner lieu aussi de faire des présents aux puissances. Les Anglais et les Hollandais avaient 12 à 1500 piastres d'appointements et quelques gratifications pour les indemniser des présents qu'ils faisaient ; il fallait au moins que notre consul pût faire aussi bonne figure(33).

           En effet, la situation à Tripoli était la même qu'à Alger et Tunis ; la paix était difficile à maintenir, non seulement à cause de l'humeur des Barbaresques, mais parce que les Français, les Anglais, les Hollandais ne cessaient de les exciter à rompre les traités. En 1692, ceux-ci l'emportèrent : ils avaient promis aux Tripolitains 30,000 piastres, tous les agrès qui leur seraient nécessaires, et devaient les secourir en cas d'attaque de l'escadre française. Les Tripolitains avaient sur le coeur les dures conditions de la paix de 1685, et disaient que les Algériens avaient fait avec nous tout ce qu'ils avaient voulu en signant la paix de 1688. Ils commencèrent par piller une barque française qui était dans le port et par mettre au bagne le consul qui essayait de s'y opposer.

           " Plus de 200 satellites, le couteau à la main, écrivait celui-ci, me vinrent saisir au collet et m'amener dans ce triste lieu et me chargèrent de chaînes tout comme si j'avais été un grand malfaiteur, mirent en même temps notre maison au pillage, notre chapelle, le calice et le saint ciboire profané et traîné partout, 31 chevaux d'une extrême beauté que j'avais achetés avec tant d'assiduité pour le roi. Nous n'attendons que l'heure d'une émotion populaire dont plus de 3/4 ne sont pas consentants de cette rupture. Ceux qui négocient ont offert 20,000 piastres au beylique s'ils voulaient raccommoder les affaires avec nous, on leur a répondu que si je voulais m'obliger à leur faire restituer 200,000 piastres que le roi leur avait usurpées injustement, ils me remettraient en possession comme auparavant. "

           Mais, comme le disait le consul, " il y avait de la différence des Tripolitains aux Algériens, tout comme de l'eau au vin "; ils étaient misérables, sans argent, sans navires, troublés par des discordes, menacés par le bey de Tunis. Ils avaient envoyé Lemaire au dey d'Alger avec un officier chargé d'exécuter ce que celui-ci commanderait et le dey Chaban avait prescrit au consul de retourner à Tripoli pour rétablir la paix.
           Après avoir subi un nouveau bombardement, en août 1692, voyant qu'ils prenaient peu de bâtiments français, ils consentirent à négocier avec Dusault appuyé par un officier, porteur des ordres du Grand Seigneur, et la paix fut rétablie le 27 mai 1693. C'est alors seulement que l'échelle de Tripoli fut définitivement établie(34).
           Dusault eut à Tripoli un curieux conflit avec le consul Lemaire qu'il tint à l'écart de sa négociation et qu'il renvoya ensuite comme insuffisant. De son côté, Lemaire l'accusait d'avoir songé avant tout à ses intérêts personnels, d'avoir tiré profit de sa mission et négligé les intérêts de la nation. Dusault se proposait " d'établir de grands négoces à Zoire pour les salines, à Derne et Bengazy pour les laines, mantaigues et autres marchandises, à Libida et Selmi (Selini ?) pour les autres " et il voulait, dans ce but, un homme à lui pour consul. Il employait les esclaves restitués à " travailler à son négoce, à emballer les laines, les transporter de magasin à autre, à faire embarquer et débarquer les marchandises qu'il envoyait et recevait... ce qui était incompatible aux Turcs même du pays en voyant un envoyé du roi manier lui-même des fromages, tabacs et autres marchandises qu'il vendait dans ses magasins, en disputant sol par sol comme le plus simple des roturiers ". Une barque de Cassis ayant touché à Tripoli, allant à l'armée vénitienne, Dusault lui avait acheté son chargement de vin au prix coûtant, l'avait chargée de marchandises à lui, pour Marseille, en lui remettant des paquets pour le roi et disant qu'il la ferait payer par la Chambre de Commerce. Enfin, Lemaire accusait Dusault de l'avoir sacrifié dans sa négociation, d'avoir toléré de la part des Tripolitains des propos injurieux à la nation et d'avoir traité d'une manière à laquelle eux-mêmes ne s'attendaient nullement(35). Il semble que les accusations du consul ne manquaient pas de fondement ; ce qu'il y a de certain, c'est que son successeur, Delalande, fut présenté aux Puissances et proposé au ministre par Dusault, son cousin, qu'il eut des démêlés avec la Chambre de Commerce, et qu'il fut remplacé par Lemaire lui-même, bientôt récompensé par ses services et de ses déboires par le consulat d'Alep(36).

           Quoi qu'il en soit, les grandes vues de Dusault sur le commerce de Tripoli n'étaient pas près de se réaliser. " Vous savez, messieurs, écrivait Lemaire à la Chambre de Commerce en 1688, que cette ville n'est d'aucun commerce. " On retrouve cette constatation dans une série d'autres lettres postérieures. Ce consul donnait au directeur général du commerce, en 1686, les détails suivants :
           " Le commerce de France en cette ville consiste en 4 ou 5 barques qui viennent chargées de vin, de quelques balles de drap de Saint- Pons fort grossiers, un peu de poivre, girolle, farta et autres bagatelles. Tout le fonds d'une barque au plus est de 2.000 piastres. Après que les patrons ont vendu leurs chargements, ils se frètent aux juifs à qui ils donnent leurs fonds à change. Ils chargent pour Ligourne du sené, quelque peu de laine, quelquefois du riz; quand il y a des marchandises de prises, ils les achètent et envoient audit Ligourne ; voilà, Monsieur, le seul commerce qui se fait en ce royaume à l'égard des Français; Il n'y en a aucun qui s'y établisse pour le commerce ou autrement. "

           D'après les états conservés à la Chambre de Commerce, les bâtiments de Marseille venaient charger quelques cuirs, des laines, des plumes d'autruche, du sené(37). Malgré la modicité des ressources du pays, un vice-consul avait été établi à Derne, le second port de la régence, après le traité de 1683, plus, il est vrai, pour intervenir auprès du bey de cette ville, et faire respecter les traités par les forbans qui s'y retiraient, que pour y protéger un commerce qui n'existait pas. On voyait aussi, en 1692, un autre vice-consul à Bengazi.
           A Tripoli même, le consul avait surtout à s'occuper des intérêts des caravaneurs, capitaines provençaux qui faisaient le cabotage entre les différentes parties des États du Grand Seigneur. Tripoli faisait surtout des échanges avec l'Égypte et le Levant ; presque tous les transports étaient effectués par ces caravaneurs français, préférés, comme à Alger, et à Tunis aux bâtiments des autres puissances, à cause de la sûreté de leur pavillon.

           Le consul Lemaire avait fait tous ses efforts pour développer notre commerce avec la Régence. Il avait parcouru le littoral (38), exploré les ruines des villes anciennes et envoyé de Lebda, ou Libida, l'ancienne Leptis magna, " quantité de colonnes et autres anciennes pièces de marbre. " Le gouvernement attachait un grand prix à l'acquisition de ces marbres antiques et avait fait insérer, dans le traité signé par Dusault, en 1693, un article spécial qui lui permettait d'en acheter à volonté. L'intendant de la marine, de Vauvré, écrivait de Toulon à Seignelay, le 31 mars 1689 :
           " Voici une proposition que je viens de recevoir, du commandant des Maures des environs de Leptis ou Libida, qui me parait très avantageuse ; rien n'étant égal à la beauté de ces marbres et ces colonnes devant être encore plus entières que celles que j'ai reçues jusqu'ici.... Le caïd s'oblige à taire dessabler 60 colonnes de marbre, vertes et blanches, et les faire conduire au bord de la mer, prêtes à embarquer dans le chaland, celles de 28 pieds pour 600 livres, celles de 18 pieds et de 26 et 28 pouces de diamètre pour 350 livres(39) ".
           C'est alors que furent envoyées à Paris les belles colonnes de marbre qui ornent le maître-autel de Saint-Germain-des-Prés.

           Lemaire fut aussi le premier Français qui pénétra dans l'intérieur du pays et il envoya, sur ces régions fort mal connues, des mémoires intéressants. C'est d'après ses renseignements, que Petis de la Croix écrivait en 1692 :
           " Du côté du Midi, il y a une grande étendue de pays jusqu'en Numidie comme les provinces de Torrega, Benolet, Garyan, Seczem et Oudgela, éloignée de Tripoly de 17 journées vers le Sud-Est. M. Lemaire y a été depuis deux ans et en a vu les arbres, hommes, oiseaux et bestiaux pétrifiés, dont il a apporté en France plusieurs pièces. Benolet est un bon bourg et le château de Garyan est garni de 4 pièces de canon de fer. Seczem est une ville considérable auprès du mont Atlas qu'ils appellent Ghibet.... Il se fait à Seczem un grand trafic entre les Tripolitains et les marchands de Bornéo, les Agades et autres Numides qui y apportent de la poudre d'or, du sené et des nègres à vendre. Ils les échangent contre des lames de laiton, du fil d'archal, du fer, épingles, aiguilles, couteaux et épiceries que les Tripolitains leur portent. "

           Lemaire donnait des détails plus précis sur le commerce saharien et soudanais dans un mémoire adressé à M. de Lagny, en 1686 :
           " Le dey envoya au Fessant, deux fois l'an, une caravane d'environ 100 chameaux chargés la plupart de contarie, autrement de bracelets et colliers de grains de verres de diverses couleurs, de papier grossier, de quelques balles de drap de Saint-Pons, de laton en vergue et en feuille (laiton), de quelque étoffe de jour qui viennent de Xio, à bon marché. Il change ces marchandises contre de la terre d'or, du sené et des esclaves nègres que les sujets du roi de Bournoux leur amènent, tous les ans 5 ou 600. Les marchandises que le dey y envoie viennent la plupart de Venise. Il sera bon de vous dire que le Fessant est une ville habitée la plupart par des nègres à quarante jours de cette ville, lesquels sont mahométans, et leur commerce consiste en terre d'or, laquelle est apportée par les commerçants du roi de Bournoux, roi très puissant. Il est nègre et mahométan, mais grand liberté de conscience dans son royaume, en sorte qu'une bonne partie de ses sujets sont chrétiens. Il a toujours plus de 300.000 hommes à sa solde, tous nègres, ayant presque toujours fait la guerre avec ses voisins. Ceux qui y ont fait plusieurs voyages assurent qu'il a autant de terrain que le G. S.; Il y a trois mois de chemin d'ici où il fait sa demeure ordinaire. "
           L'exemple de Lemaire fut suivi par plusieurs de ses successeurs ; les mémoires sur les relations de Tripoli avec le Fezzan et le pays des nègres se succédèrent au XVIIIe siècle. Il est intéressant de comparer aux renseignements fournis par Lemaire, en 1686, ceux qu'envoyait au ministre le consul Delalande en 1698 :

           Le commerce le plus considérable de ce pays est celui qu'on fait avec le royaume de Faisan, qui est distant de cette ville, droit au midi d'environ vingt-cinq journées. Ce royaume, qui paie depuis très longtemps tribut aux Tripolitains, se voulut soustraire de ce joug il y a 10 à 12 ans, ce qui les obligea d'envoyer 12 à 1.500 spahis ou cavaliers, commandés par le bey, lesquels se rendirent maîtres de la principale place où le roi fait sa résidence, prirent même le roi, ensuite soumirent 103 ou 104 bourgs ou villages dont est composé ledit royaume ; ils en emportèrent des richesses considérables et tirent souffrir de cruels tourments au roi pour qu'il leur découvrit où il avait caché ses trésors, et comme ils ne purent rien savoir, ils l'amenèrent en cette ville, où il a été tourmenté inutilement durant deux ans pour le même sujet. Enfin, lassés de sa constance, ils composèrent avec lui et le remirent en liberté moyennant un nombre de marcs de poudre d'or qu'il promit de leur donner et un tribut annuel de 100 marcs et 20 jeunes nègres ou négresses, avec cette condition encore que les Tripolitains tiendraient un bey dans la principale place dudit royaume, qui y serait considéré comme un gouverneur de province et qui y servirait de protecteur aux marchands qui vont trafiquer de delà. Ce roi, qui est nègre, a ponctuellement exécuté tout ce qu'il n promis et le commerce s'y fait d'assez bonne foi....
           On porte dans ces pays-là des étoffes d'or et argent qui viennent de Venise ; du papier, de la contarie ou marguerittes ; des feuilles et petites barres de leton jaune, qui viennent aussi de Venise ; des bonnets rouges, draps de Saint-Pons qui viennent de Marseille, et un peu de tabac, girofle et muscade qui vient de Livourne.
           Pour les retours, on rapporte des nègres, de la poudre d'or, des dents d'éléphants et quantité de sené. Les noirs se rendent ici pour les porter en Levant et cela donne lieu au nolisement de sept à huit barques françaises par an.
           Le sené et dents d'éléphants s'envoient la plupart à Livourne, un peu à Venise et Marseille. Pour ce qui est de la poudre d'or, on en fait ici des sultanins, qui sont la meilleure monnaie du monde à cause que l'or est extrêmement raffiné.
           La débite de toutes les marchandises qu'on porte au Faisan n'est pas seulement pour lu consommation dudit royaume ; il y a des foires dans la principale place, où il s'y trouve des marchands du Congo, de la Guinée et de plusieurs autres lieux plus avant dans le midi ; ce sont eux qui portent la poudre d'or et les dents d'éléphants; ils sont mahométans et passent du Faisan à la Mecque et, au retour, ils prennent leurs marchandises. Ces mêmes marchands portent aussi des noirs du pays du prêtre Jean, qui sont originairement chrétiens et qu'on distingue des autres par certaines marques qu'ils ont au visage; Ils les font faire d'abord mahométans. Pour retour des nègres qu'on porte au Levant, on rapporte ici des marchandises pour la consommation du pays, comme toiles, soies crues, tapis de Turquie, fer, tabac et plusieurs sortes de bois pour la fabrique des maisons. "
           Le même mémoire renferme de curieux détails sur d'importantes salines, de la côte occidentale de Tripoli, qui restèrent affermées aux Vénitiens jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.

           " Il y a dans ce royaume des salines, que la nature a faites, où il ne s'y fait d'autre travail que celui qu'il faut pour en retirer le sel. Elles sont dans un lieu nommé Zoare, distant de cette ville vers le Ponant d'environ 80 milles. Ce sont les Vénitiens qui en sont les fermiers. Le sel de ces salines est comme une mine dont on ne trouve jamais le fond. Mais on n'en peut pas tirer en hiver, parce qu'elles se remplissent d'eau de la pluie qui se convertit en sel dès que le soleil l'a un peu chauffée, et une chose bien remarquable est que le sel qui ne se fait que de l'eau de la pluie est le plus fort qui se trouve. Les Vénitiens le transportent à Gênes et Venise, où ils ont des prix faits avec les Milanais qui le font transporter à leur duché, pour le semer sur leurs terres qui sont si grasses que les bestiaux crèveraient sans ce sel qui fait mourir en partie les herbes.... Vous remarquerez, Monseigneur, qu'il n'y a que les barques françaises qui fassent le commerce de ce pays, à la réserve de celui du sel que les Vénitiens font ; ils ont pour cela de grosses flûtes qui naviguent avec peu de monde; ce qui fait qu'ils font un profit considérable. "

           Ainsi, le commerce de Tripoli avec les pays chrétiens, même alimenté par les échanges avec les pays de l'intérieur de l'Afrique, était insignifiant à la fin du XVIIe siècle. Quant aux caravanes du Soudan et du Sahara, qui entretenaient un courant commercial entre Tripoli, l'Égypte et le Levant, elles n'avaient déjà plus, si elles l'avaient jamais eue, l'importance qu'on leur a souvent attribuée.
           Les esclaves noirs amenés par les traitants, du Bornou au Fezzan, où les marchands de Tripoli venaient les acheter, étaient le principal article de trafic de ces caravanes. Enfin, si les caravaneurs provençaux bénéficiaient presque seuls du mouvement de navigation produit à Tripoli par le trafic des caravanes, c'était Venise surtout qui fournissait les verroteries et autres articles d'échange avec les nègres, dont elle avait la spécialité depuis le moyen-âge.

(1) Page 222. - A l'appui de l'opinion de De Grammont, on peut rappeler qu'en 1666 l'envoyé du roi, Dumolin, chargé de négocier à Tunis, eut aussi pour mission de destituer le P. Le Vacher, consul. On lit dans ses instructions : " Le principal avantage consiste dans l'établissement d'un bon consul et le sieur Le Vacher, quoique très propre pour les besoins spirituels des esclaves, n'a pas de talent pour le commerce. "
(2) De Grammont, les Consuls Lazaristes, p. 4. - Saint Vincent défendit à ses représentants de faire du commerce. Il écrivait à Barreau, le 27 juin 1659 : Outre le commerce où vous êtes entré ci-devant pour des diamants ou autres choses, j'ai vu que depuis peu vous vous êtes chargé de faire venir des perles de France... Tout cela est hors de propos et contre la volonté de Dieu qui ne vous a appelé de delà que pour l'office et non pour le trafic. " (Mém. de la congrég. de la mission, t. II, chap. 5). Mais il s'agissait là, sans doute, de commissions dont les Puissances d'Alger chargeaient les consuls et cette défense dut contribuer à indisposer les Algériens contre les Lazaristes.
(3) Un mémoire de 1661 nous apprend qu'Alger et son voisinage avaient été dépeuplés par la peste, eu 1663 : " La ville d'Alger est composée d'environ 4000 feux et de 25 à 30.000 habitants au plus, pour le présent, la peste en ayant fait mourir, l'année passée, plus de 60.000 et beaucoup davantage aux environs de ladite ville, en telle sorte que le pays en est demeuré comme désert. " Arch. des Aff. étrang. Mém. et doc. Alger. t. XII. fol. 146. - D'après un dénombrement fait en 1621, Alger aurait eu près de 160.000 habitants : 30.000 Turcs. 97.000 Maures. 10.000 juifs. 18 ou 20.000 esclaves : de plus, la peste venait d'enlever 50.000 ou 60.000 personnes. Lettre de M. de Guillermy à Peyrese, citée par de Grammont Sanson Napollon. p. 21.
(4) D'après l'État des bâtiments partis de Marseille pour les quatre années 1680-83 (Arch. de la Chambre, II, 2). 2 bâtiments allèrent charger à Alger en 1680 et 1681; pendant les deux années de bombardements (1682-83), il n'y alla aucun navire.
(5) État général de toutes les marchandises dont on fait commerce à Marseille, avec l'explication de leurs qualités, à quoi elles servent, d'où elles viennent.... quelle est leur valeur en la présente année 1688. - Ce document n'a été publié que dans la 2e édition (1741) du Dictionnaire, p. 137-212. - Dans l'État des bâtiments partis de Marseille (II, 2) on trouve le détail des marchandises qu'ils portaient à Alger. En relevant le chargement de trois navires partis, on trouve que sur les trois Il y avait des draps ; sur deux, du papier, du vin, des peignes, du tartat (tartre) ; sur un seulement, des châtaignes, de l'eau-de-vie, des cordes, du miel, des cardes, de la gomme arabique, de la mercerie, du noyer (?).
(6) V. Mémoire du Royaume d'Alger, par le consul Piolle, 5 novembre 1680. Il se plaint que son consulat ne lui rapporte rien. En un an il n'est venu à Alger qu'une tartane de Marseille, " encore a-t-elle eu toutes les peines du monde à pouvoir trouver son retour Le plus fort du commerce se fait au Bastion et dépendances. D'autres bâtiments français vont d'Alger sur la côte du Ponant à " Cercellé, Tenez, Mostagan, et Gordanea, port de Tremizen, au-delà d'Oran où l'on ne va guère à cause de la garnison qui fait ses courses jusqu'à Tremizen... ".
    " Ceux qui font tout le commerce de ce pays ce sont les Anglais et les Hollandais, quand ils ont la paix. Ils fournissent généralement toutes les marchandises de contrebande qui se consomment dans le pays, où elles sont à meilleur marché qu'en France, elles ne paient aucun droit de douane ; les autres marchandises paient 12 et 15 %, tant pour les gens du pays que les étrangers. La plupart de ces contrebandes sont payées en blés qu'ils vont charger le long de la côte de Ponant, avec permission du pacha et dey qui leur coule encore 5 à 600 piastres par bâtiment. Avec leurs marchandises de contrebande ils apportent des drogueries d'Angleterre et Hollande, épiceries, cochenille, vermillon, indigo, laines d'Espagne fines et autres denrées qu'ils donnent à très bon marché. Ceux qui composent le plus grand commerce de ce pays ce sont les juifs de toute sorte de pays qui sont établis en cette ville où il y en a environ de 9 à 10,000 sans ceux de la campagne.
    C'est eux qui font toute sorte de métiers, les Turcs et les flores du pays très peu et le peu qu'ils font est par l'organe des juifs qui achètent toutes les marchandises qui viennent en ce pays et les revendent au détail, frètent des bâtiments pour le Levant, Italie, Angleterre. Hollande. Il se fabrique en cette ville quantité de bonnets qu'ils envoient en Levant et quelques ceintures de soie qu'ils accompagnent les trois quarts d'argent… Voilà tout le commerce de ce pays ; il n y a que cette ville seule ; tous les autres lieux ne font rien que le travail de la terre ". Aff. étrang. Mém. et doc. Alger, t. XII, fol. 230-44.
(7) 1ère édition, col. 1033-34 et 2ème édition, p. 365 - Cf. le passage suivant de d'Arvieux : " Ce sont pour l'ordinaire des juifs et des autres marchands qui les achètent et qui les font passer à Gènes, Livourne et autres lieux pour les y vendre avec profit, en quoi ils se trompent assez souvent à cause de l'empressement qu'ont les Algériens pour acquérir cette prétendue bénédiction en les achetant, qui les fait souvent pousser à un prix beaucoup plus haut que leur valeur. " (T. V, p. 269-70).
(8) De Grammont et, après lui, Plantet (suivi par M. Boutin, p. 251-54), ont reproché vivement à la Chambre de Commerce au ladrerie maladroite, qu'ils ont opposée à l'habileté des Anglais et des Hollandais. Ils se sont trop laissé influencer par la correspondance des consuls qui se plaignaient sans cesse de manquer d'argent, d'être désarmés quand leurs collègues étrangers distribuaient les présents à pleines mains. Sans doute, le rôle des consuls français était ainsi rendu plus difficile. Mais Il ne faut pas oublier deux choses: la Chambre de Commerce de Marseille avait à supporter de lourdes charges : de plus elle n'était pas maîtresse de ses deniers, ses dépenses étaient minutieusement contrôlées par l'intendant de Provence, inspecteur du commerce. D'un autre côté, plus on donnait aux Algériens plus ils étaient exigeants : rivaliser de générosité avec nos rivaux c'eût étés s'engager imprudemment dans des dépenses de plus en plus fortes. Les événements prouvèrent que la politique française, outre qui elle était plus digne, n'était pas mauvaise, car, après 1690, l'influence française resta prépondérante à Alger.
(9) Rousseau. Ann. Tunisiennes, p. 52. On trouve dans Rousseau le texte des traités et conventions conclus avec Tunis au XVIIe siècle. - On possède aux archives de la chambre de commerce de M. (CC, 155), le traité conclu entre les Anglais et les Tunisiens en 1658, à la suite des croisières de l'amiral Blake. V. Rev. Afric. 1658, p. 305-320. art. du lieutenant-colonel Playfair.
(10) Rousseau. Ibid, p. 61-62, d'après un procès-verbal des Archives consulaires de Tunis, du 6 févr. 1678.
(11) Cependant, le consul Ambrozin est mis un instant en prison, en 1670, au sujet d'une avanie qu'il ne veut pas payer. En 1678, le bey menace le consul de " le mettre pièce à pièce " s'il ne trouve pas de l'argent ; en 1678, il le menace du pal ; mais c'était là des paroles en l'air. V. Plantet, Tunis. M. Spont a tort de conclure (p. 102) : " La France est somme toute, fort peu considérée à Tunis. La vérité est que les relations entre Tunis et la France étaient très tendues vers 1680.
(12) Plantet, Tunis, p. 254, note 3. - Voir, en tête de l'ouvrage, une gravure représentant l'entrée du Fondouk. - Les Français habitaient auparavant des maisons isolées, comme le constata Thévenot, de passage à Tunis est 1659 ; le fondouk était alors en construction. Cf. Spont, p. 96. La chapelle Saint-Louis fut aussi construite vers la même époque. - D'Arvieux (t. V, p. 230) ne donne que quelques indications au sujet titi fondouk d'Alger : " Les fondouks sont de grands bâtiments quarrés où logent les marchands étrangers. Quoiqu'il y en ait plusieurs, on n'y est jamais à son aise, à cause du grand nombre de gens qui s'y retirent et de la quantité de marchandises que l'on y apporte continuellement. La maison consulaire de France est une des plus grandes. Il y a une chapelle où l'oit fait le service divin avec toute la solennité et la liberté dont on jouit dans les villes chrétiennes. "
(13) Cf. Hist. du comm. du Levant, p. 92 et suiv. - Longues querelles du consul Lange Martin avec les marchands. Accusé de malversations, il fut condamné aux galères à perpétuité par le tribunal de l'amirauté de Marseille est 1635. (V. diverses pièces de procédure, Aff. étr. Mém. et docum. Afrique, t. VIII, fol. 26-51) ; sa charge fut vendue aux enchères et le Marseillais J.-B. Maure, qui la lui avait auparavant affermée et l'avait sans doute acquise, reçut les provisions de consul avec mission de faite embarquer Martin pour lui faire subir sa peine (nov. 1637. Plantet, Tunis, n° 142). Mais Lange Martin ne quitta pas son poste, puisque les archives de la Chambre de Commerce ont des lettres de lui de 1638, 1639 et 1640 (AA, 514) ; le jugement de son procès fut révisé par l'amirauté le 12 juillet 1640, et des lettres patentes d'août 1641 lui rendirent sa charge. (Plantet. Tunis. p. 122, note 2). - V. la correspondance consulaire aux arch. de la Chambre de Commerce. AA, 509 et suiv. passim. La pièce n° 337, publiée par Plantet (Tunis) est un exemple des plaintes fréquentes adressées par les marchands contre leurs consuls.
(14) Sorhainde à l'intendant Lebret, 9 mai 1691. Arch. de la Chambre. - CC. 154 publiée par Plantet, n° 468. - La réforme des consulats 1691 (v. mon Hist. du Commerce du Levant. p. 262-65) allait mettre un terme à des contestations en remplaçant tous les droits perçus par les consuls par des appointements fixes. Sorhainde essaya en vain de protester. V. Plantet, Tunis, n° 481, 485. 488. La gestion du fondouk passa entre les mains des députés de la nation.
(15) Cf. Mémoire pour l'établissement d'une compagnie à Tunis (1666) : Prix courant des marchandises qu'on peut tirer de Tunis, qu'on peut porter de France à Tunis. Plantet, Tunis, n° 243. - On trouve d'autres détails sur le commerce de Tunis dans un mémoire adressé par le consul Ambrozin, le 20 juin 1670: " Le nombre des navires étrangers qui abordent aux ports de ce royaume ne sont pas considérables. Il viendra quelques bâtiments du Levant qui apportent de la soie... et autres marchandises, lesquelles se consomment dans ce royaume. Il chargera au port de Sousse sept à huit navires d'huile toutes les années, savons, bonnets fins et barracans de laine pour Alexandrie d'Egypte.
      La caravane pour la Mecque part toutes les années environ le mois d'octobre à laquelle se vient joindre celles des royaumes de Maroc, Fez et d'Alger, qui sera de dix à douze mille hommes, autant et plus de chameaux et autres bêtes de charge... Les pèlerins et voyageurs ne portent que de la monnaie d'or qu'ils appellent soltanins et réales d'Espagne de poids avec quelques caisses de corail sans être travaillé. A leur retour de ce pénible voyage qui sera au mois d'octobre suivant par caravane, et autres qui s'embarquent à Alexandrie, ils apportent quantité de marchandises des Indes d'Orient dont la ville de Mecque en est un des magasins, toiles de coton indiennes, musc, civette, ambre gris, benjoin et autres aromates, sené, perles, barocos, sucres et autres.
      Ils ont encore quelque commerce du côté du Midi par des petites caravanes de marchands mores, qui traversent les déserts sablonneux d'environ 60 journées avec des chameaux, qui vont négocier au pays des noirs et confins des royaumes du grand négus ou prestejan dont ils y portent du corail travaillé, quincailleries de France, rocailles, bonnets, satins de Florence, draps, sel et autres bagatelles qu'ils troquent avec les habitants de ces pays-là contre de terre d'or fin et net qu'ils ont en abondance dont ils en tirent un grand profit... ce certifié qu'ils troquent du méchant corail et sel contre de l'or poids pour poids... Aff. étrang. Mém. et doc. Afrique, t. VIII, fol. 162-166.
(16) L'État des bâtiments partis de Marseille donne, pour les années 1680-83 six, un, six, neuf bâtiments chargés pour Tunis. En 1681. Il y avait eu interruption du commerce à cause des menaces de guerre. - En relevant sur le même État le chargement de dix navires, on voit que 7 portaient du tartat (tartre), 5 du vin, du papier, de la mercerie, 4 des amandes, 3 de l'eau-de-vie, du miel, des draps, 2 de l'alun, du tabac, de la verrerie, des peignes, 1 des châtaignes, des pommes, des prunes, des sardines, du soufre, des cartes, du campêche, du poivre, des girolles, du poisson salé, de l'aspic, des cardes, du sucre, des chapeaux, du fustet, du reversin (tissu). Il. 2.
(17) 4 juin 1687. - Cf. lettre du 6 septembre 1688 : " Je sais que le peu de commerce qui se fait ici se ferait plus avantageusement en ne payant qu'au comptant ". Arch. de la Chambre, AA, 518.
(18) Lettre du consul, Ducoudray-Plastrier à la Chambre, du 15 novembre 1683 : " En l'état misérable où est le royaume... y ayant dix ans qu'ils ont guerre civile entre les deux frères, pour avoir le commandement absolu, ce qui a ruiné et ruine ledit royaume. " AA. 516.
(19) " De cette manière la Compagnie du cap Nègre et les juifs ont presque tout ce négoce (les cuirs) entre les mains. " Mémoire du consul Michel, 1686. Plantet, Tunis, N° 400. - Cf. ci-dessus, p. 149.
(20) Cependant, un mémoire de septembre 1683, signale les avantages dont jouissaient alors les Anglais : " Ils ne paient que 23 écus d'ancrage par chaque vaisseau et une barque française en paie près de 100 ; Ils ne paient que 9 %, pour les droits d'entrée de leurs marchandises et nous en payons 11 ; il leur est permis de les rembarquer sans payer de droits, lorsqu'ils ne les peuvent pas vendre et on nous oblige à les payer ". Spont, p. 102.
(21) Plantet, Tunis, n) 400, - Cf. Arch. de la Chambre. États de recette du cottimo. CC, 23 et suiv. Exceptionnellement on y voit figurer des navires ayant chargé à Bizerte. En 1672, un navire marseillais alla à Hammamet, un autre à Portofarina, en 1677.
(22) Signalé par La Primaudaie. Littoral de la Tripolitaine, p. 289 (d'après Recueil de Moëtjens, t. IV). Cependant, après la signature de la paix d'Alger (1666), six vaisseaux algériens se retirent à Tripoli pour continuer la course. Lettre de la Chambre de Commerce, 21 décembre 1666. BB, 26. - Cf. État des esclaves détenus en Tripoli de la ville de Marseille, depuis l'infraction du dernier traité, remis à M. le marquis de Martel (106 noms), 16 novembre 1669, CC, 156.
(23) Mss. fr. 12219 et 12220. - Cf. Playfair, Bibliog. Tripoli, n° 60 et 64.
(24) V. Mémoire du 22 janv. 1692 par Petis de la Croix: " On fait au pacha tous les honneurs imaginables mais on le confine dans un beau palais sans vouloir lui permettre de s'ingérer d'aucune affaire d'État… L'ordre des commandants de Tripoli est tel qu'il s'ensuit : le pacha, premier en dignité, mais sans pouvoir ; le dey, chef de la milice, distributeur de la paix ; le klaya, ministre d'État et capitaine des gardes qui commande après le dey ; le bey, général de cavalerie ; l'aga du divan, général des janissaires à pied : l'amiral… " Le consul Lemaire écrivait, en 1686 : " A l'égard du gouvernement de ce royaume, les soldats ou Levantis s'assemblent quand il leur plait et font un dey pour gouverner la ville et un bey pour gouverner la campagne et pour faire payer le carache aux Maures. Ils font aussi, quand il leur plait, un général des vaisseaux. " Aff. étrang. 164298.
    - Petis de la Croix dit qu'il y a à Tripoli 3.500 Turcs ou Levantis, 12.000 Cologlis, 35.000 Maures, 16.000 juifs, 2.150 chrétiens esclaves.
(25) V. aux Arch. de la Chambre. CC. 136: Instruction donnée au sieur de Saint-Jacques au voyage qu'il va faire à Tripoli avec les vaisseaux du roi commandés par M. le commandeur de Valbelle, novembre 1679. C'est un projet de traite en douze articles. Pour éviter de compromettre le prestige du roi, Saint- Jacques ne devait pas traiter en son nom.
(26) Délibération de la Chambre du 25 janv. 1683. La lettre du roi du 30 décembre 1682 est annexée au procès-verbal. BB, 3. - Aff. étrang. Tripoli. 1642-98 : Instruction donnée par M. Morant pour le sieur Bonnecorse, 26 janv. 1889.
(27) Lettre du consul à la Chambre, du 25 mars 1683. AA, 547. - Cf. Aff. étrang. Tripoli. Lettres de Bonnecorse : " Dix jours après avoir demeuré à l'endroit où on loge les esclaves, ils mont remis entre les mains du consul français, prisonnier aussi dans sa propre maison " (12 avril 1683). " Les corsaires sont dans un étrange embarras appréhendant d'être punis. Le bey, chef de la milice, a fait périr le dey et autres officiers grands ennemis des Français " (25 juin).
(28) Pour tous ces faits, voir mon Hist. glu commerce du Levant, p. 225-27, 22930. Pour le bombardement, voir La Primaudaie. Le littoral de la Tripoli., p. 299-308.
(29) Ce traité est aux Archives de la Chambre de Commerce, CC, 156. - Cf le projet de traité, en 28 articles, rédigé à Versailles, par Seignelay, le 8 avril. Aff. étrang. Mém. et doc. Afrique, T. II, fol. 80-84. Le traité se trouve dans le même volume, fol. 29-35.
(30) Relation de Tripoly de Barbarie, par Petis de la Croix, 22 janvier 1692. Arff. étrang. Tripoli. 1642-93. Petis de la Croix ajoute : " Ils commencèrent le paiement entre les mains dudit sieur maréchal d'Estrées et ils en doivent encore 60.000.
(31) Aff. étrang. Tripoli, 1642-93. " Il serait à souhaiter que les vaisseaux fussent aussi soumis que les puissances et les habitants de la ville le sont autrement le commerce de France ne jouira jamais d'une paix tranquille. " (Lemaire, 13 août 1686).
(32) V. sur ce consul la notice qui lui est consacrée dans les Consulats du Levant, fasc. II, p. 16.
(33) Lettre de Lemaire à la Chambre, 7 févr. 1686; du capitaine de vaisseau Dedons, 11 févr 1686. Archiv. de la Chambre. AA. 517 et 555. - Le Consul de France n'avait pour vivre que ses droits de consulat et le marseillais Fabre, auquel Seignelay avait affermé la propriété de tous les consulats du Levant et de Barbarie, avait voulu exiger de Lemaire le paiement annuel de 600 livres. " Si c'est l'intention de V. G., écrivait Lemaire à Seignelay, j'y obéirai... Je la supplie d'avoir égard qu'il est impossible de soutenir son caractère attendu le peu de commerce qu'il y a en ce pays. Les consuls d'Angleterre et de Hollande ont 4500 livres d'appointements chacun, sans le commerce qu'ils font qui est considérable. Quelle figure y puis-je faire si je suis obligé de donner de l'argent pour remplir cette charge ". Aff. étrang. Tripoli, 1642-98.
(34) V. mon Hist. du comm. du Levant, p. 290-291. - Aff. étrang., Tripoli 1642-98. Lettre du chaoux ou capigi de la Porte au roi, 6 octobre 1692 ; série de lettres de Dusault 1693-94. (Voir surtout celle du 10 juin 1693). - Cf. Mémoire pour servir d'instruction au sieur Dusault, 24 décembre 1692. Aff. étrang. Alger, 1689-92.
    - Dans une curieuse lettre du 17 janvier 1693, Dusault se plaint qu'on n'est pas assez généreux à son égard ; on lui promet 3000 liv. de gratification, mais Marcel pour avoir fait, en 1689, un traité qui n'a pas été exécuté a été fait commissaire de la marine à 2.400 liv. d'appointements et a eu 6.000 liv. de gratification. M. de Saint-Olon à 1.500 liv. par mois pour aller au Maroc ; il n'a jamais été en Barbarie. " J'ai fait 8 voyages à Alger pour le service du roi et deux abandonnements du Bastion sans aucune nécessité que pour obéir, ce qui m'a ruiné. S. M. m'a donné 30.000 liv. de gratification en 1684 pour avoir été à Alger faire la paix, 17.000 en 1688 pour me rendre à Alger auprès de M. le maréchal d'Estrées. " Ibid. Alger 1693-99. - Arch. colon.
    Compagnie du Bastion de France, 1639-1741 : Mémoire concernant le royaume, république, divan et milices de Tripoly. Dans ce mémoire, composé d'extraits des pièces des archives de la marine, on trouve un résumé, année par année, de nos relations avec Tripoli, de 1660 à 1720. Il y a les traités de 1685 et 1693.
(35) Mémoire de la conduite que M. Dusault a tenue à Tripoli avant et après avoir traité la paix, 1er août 1693. Arch. de la Chambre, CC, 156 et Aff. étrang. Tripoli, 1642-98.
(36) Dusault avait voulu d'abord établir son cousin comme consul à Alger ; il avait eu la même année un conflit avec le consul d'Alger, René Lemaire, frère de celui de Tripoli; il l'avait accusé auprès de Pontchartrain de mal remplir sa charge et Lemaire, à son tour, lui reprochait d'avoir fait des bénéfices avec les fonds destinés au rachat des captifs. (Plantet, Alger, p. 402, note 3). Dusault se vengea de Lemaire en 1697. Envoyé par Pontchartrain pour rétablir les bonnes relations entre le dey et le consul, il fit embarquer celui-ci, malgré lui, sur un vaisseau du roi. Il voulait alors le consulat d'Alger pour son frère. Pensant que le chancelier du consul, Nicolas Fiche, pouvait nuire à ses projets, il le fit aussi embarquer pour la France. V. pour ces faits, Aff. étrang. Alger, 1692-99). Protestation de Nicolas Fiche contre les agissements de Dusault, 8 juin 1697. - Aff. étrang. Tripoli, 1642-98 : Lettre du sieur Charpuis à Pontchartrain, 1696. Plaintes contre Dusault, qui, au moment où le commerce est interdit aux négociants, à cause de la guerre, trouve des voies obliques pour obtenir des passeports à des navires.
(37) États de recettes du cottimo (CC, 23 et suiv.) ; Cf. État général de toutes les marchandises dont on fait le commerce à Marseille (1688) dans le dictionnaire de Savary. Ed. de 1741. p. 137-212.
(38) Arch. nat. marine. B7. 224 : Mémoire des observations que le sieur Claude Lemaire.... a fait eu voyagent le long de la coste de Derne et du golfe de la Sidre en 1703 et 1705 et sur diverses relations qu'il a eu du Soudan qui signifie pais de nègre (27 pages). - P. Lucas. qui vit Lemaire en 1707, a inséré dans sa relation (Deuxième voyage, t. II, p. 104) un mémoire que ce consul lui communiqua sur un voyage dans les montagnes de Derne.
(39) Arch. nat. marine, B7, 213. - Pendant longtemps, nos consuls de Tripoli s'occupèrent de fouilles à Libida. V. lettre au ministre du 12 décembre 1732, sur plusieurs bas-reliefs en marbre blanc et sur une inscription. Ibid

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Test des Trois Passoires :
Envoyé par Marc

       Socrate avait, dans la Grèce antique, une haute réputation de sagesse.
       Quelqu'un vint, un jour, trouver le grand philosophe et lui dit :
       - Sais-tu ce que je viens d'apprendre sur ton ami ?
       - Un instant, répondit Socrate. Avant que tu me racontes, j'aimerais te faire passer un test, celui des trois passoires.

       - Les trois passoires?
       - Mais oui, reprit Socrate. Avant de raconter toutes sortes de choses sur les autres, il est bon de prendre le temps de filtrer ce que l'on aimerait dire. C'est ce que j'appelle le test des trois passoires. La première passoire est, celle de la vérité.
       - As-tu vérifié si ce que tu veux me dire est vrai?
       - Non.. J'en ai seulement entendu parler...

       - Très bien. Tu ne sais donc pas si c'est la vérité. Essayons de filtrer autrement en utilisant: une deuxième passoire, celle de la bonté.
       - Ce que tu veux m'apprendre sur mon ami, est-ce quelque chose de bien ?
       - Ah! non. Au contraire.
       - Donc, continua Socrate, tu veux me raconter de mauvaises choses sur lui et tu n'es même pas certain qu'elles soient vraies. Tu peux peut-être encore passer le test, car il reste une passoire, celle de l'utilité:

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