N° 235
Février

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Février 2023
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
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Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
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EDITO
REVOLTE OU CONTESTATION !

        S'il y a bien une chose dont on peut être sûr, c'est que cette année démarre plutôt fort. On a pas trop communiqué sur tout ce qui s'est passé durant le mois de janvier, je pense que vous en avez pas mal entendu parler dans les merdias.

         La bataille sociale menée depuis le mois de décembre contre le projet de réforme des retraites est d'une portée historique. Jamais dans la Vème République un conflit aussi long n'a été annoncé, entraînant avec lui l'ensemble des secteurs économiques du pays.

         Cette loi sur les retraites qui est en discussion a créé de larges protestations ayant eu lieu un peu partout, avec le soutien des syndicats, entre autres.

         Ces protestations s'amplifient chaque jour, avec également d'autres événements encore comme la hausse des prix et des énergies où l'on peut remercier les pastèques politiques pour leurs incompétences.

         Et il y en aura sûrement d'autres, tant que nos gouvernements iront à l'encontre de ce que le peuple souhaite. En plus d'essayer de faire passer un maximum de lois dans leur " seul intérêt " en douce. Comme cela a été fait avec le fichage de la quasi-totalité de la population française… et le Covid qui a paralysé le pays et endormi les consciences ce qui a permis la réélection d'un président.

         Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, comme les actes de terrorisme avec les crimes qui suivent une courbe ascendante, mais d'autres le feront mieux que moi avec beaucoup de virulence. Quoi qu'il en soit, citoyens du pays, prenez conscience de ce qui se passe. Ne laissez pas vos libertés s'envoler plus qu'elles s'en sont déjà allées ! Ne laissez plus s'effacer les acquis que vos ascendants ont gagné à la sueur de leurs batailles !

         Cette année va être mouvementée. Et j'espère que vous êtes rassurés avec ce qu'a dit le président. Hausse des prix, mais le pouvoir d'achat ne sera pas impacté. Evidemment, des primes seront distribuées mais qui seront avalées par cette hausse. Il faut payer l'intensification de la guerre en Ukraine…

         C'est la manifestation qui compte, car quand il n'y aura plus de manifestation, ce sera la révolte et la révolution avec tout ce que cela peut comporter.

         En attendant, bonne chandeleur.
        Bon mois de Février à tous et toutes

Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         
         A tchao.




JE SUIS UN MARQUE PAGE
Par M. Marc Donato

          R. était mon amie. Elle nous a quittés, après avoir tiré sa révérence le 25 décembre.
          Je fêtais Noël, elle aurait dû célébrer Hanoukka. Ses moyens cognitifs l'en ont empêchée, elle qui était déjà embarquée depuis longtemps dans le monde du rêve.
          Il y a quelques années, alors en pleine possession de son esprit, elle avait rédigé le texte qui suit et que je voudrais vous faire partager.

Je suis un marque-temps.
Si tu veux être à la page
Et peut-être à la une,
Feuillette ton livre de vie
Sans faire de cornes
Jusqu'à ce que tu trouves
La page " Tendresse "
Tout près de " Caresse ".
Toujours en haut
Mais à droite, regarde :
" Ivresse " et " Paresse "
Se donnent la main.
Au milieu, c'est facile,
" Lumières " et " Prières "
Se tiennent par les mots.
Si tu fermes les yeux,
Tu les apercevras,
Ceux que tu ne vois plus.
Entre les lignes.
Essuie les larmes,
L'Amitié est là
Avec sa chaleur
Et ses éclats de rire.

          Noël, Hanoukka, fêtes de la Lumière et de l'Espoir. C'est avec ce rayon de soleil chargé de positivité que R. a laissé que je veux vous souhaiter une année 2023 pleine de chaleur, d'éclats de rire et de lumière, après, si vous me permettez cet oxymore, une année 2022 éclatante d'obscurité.
          Bonne année à tous et à toutes.
Marc DONATO



Les Exploits héroïques de jadis
A la gloire de notre enfance Calloise.

           Les PHYSIQUES :

            Petite plage : sable - rivage - partie médiane ouest de la pointe - pointe Traversée : pointe - quais presqu'île / pointe -1° Scalette - 2° Scalette Prendre le fond 1° et 2° bouée Plongeoir quais presqu'île Plongeon du haut de la pointe Traversée 2° scalette - petits quais. Traversée pointe de la presqu'île - le canon. Traversée port - grande plage. Traversée port - plage de l'usine. Île maudite = étude du courant par gros temps.

            Les MORPHOLOGIQUES :

            Les caractères sexuels secondaires = "la pierre" - poils pubiens...
            Petite plage : sable - rivage - partie médiane ouest de la pointe - la pointe

            Comme tous les jeunes enfants de la rue des corailleurs et des quartiers environnants, j'ai fait mes premiers exploits nautiques juvéniles sur le sable et le rivage de la petite plage de l'avant-port, laquelle, faisait corps sur la droite avec la naissance de "la pointe" : un isthme qui la séparait du port. Cette plage n'était pas très importante mais agréable et bien pratique, puisqu'elle permettait rapidement son accès de par sa proximité des habitations riveraines et surtout, elle ne présentait aucun danger particulier. De plus, la surveillance vigilante par : les parents - voisins - amis... etc. des gamins que nous étions était particulièrement aisée et commençait toujours par une mise en garde, suivie d'un rappel à l'ordre en cas de désobéissance avec pour sanction suprême, la terrible menace d'une interdiction de baignade pour un certain temps, suivant bien-sûr la gravité de la faute commise.

            Mais, l'été venu, dés qu'un enfant encore sous la surveillance d'un adulte, commençait à se mettre à patauger sur les bords immédiats de la petite plage, il pouvait ce faisant apercevoir de très près ses aînés de tous âges, qui s'éloignaient courageusement du rivage et même pour certains d'entre-eux, entreprendre la traversée de l'avant-port dans toutes ses distances. Alors, il n'avait qu'une seule idée en tête et qu'un seul désir : faire comme les plus grands. C'était là, un défi qu'il se lançait à lui-même, mais, aussi et surtout, à tous les autres petits et grands de son entourage. Il avait bien compris que pour exister et être reconnu de ses semblables, il lui fallait affronter la mer et ses dangers pour progressivement "gagner du galon", en se soumettant héroïquement sur la scène de l'avant-port, à certaines épreuves obligatoires : d'abord, faire ses premiers pas dans cette longue aventure, en commençant à jouer sur la plage et faire des pâtés et châteaux de sable, puis, barboter prudemment au bord la petite plage.

            Il est certain que cet apprentissage de la mer via la plage, ne se faisait pas du jour au lendemain, comme ne se déroulait pas également le passage de la petite enfance à l'adolescence. Ce que l'on peut dire en vérité, c'est seulement à la puberté vers l'âge de 12 ans environ, que les garçons savaient tout où presque de la mer et qu'ils avaient le plus souvent honoré fièrement leur contrat, ce qui faisait d'eux des nageurs rompus à toutes les épreuves de la mer : des vrais Callaïouns en quelque sorte !

            L'apprentissage commençait en se fixant pour premier objectif, le désir d'atteindre progressivement l'extrémité de "la pointe", laquelle, se situait à une trentaine de mètres environ du rivage. Côté plage, cet isthme était bordé tout le long, par une bande de rochers protecteurs à fleur d'eau plus ou moins importants, faisant près de deux mètres de large environ et dont certains se situaient tout près du bord, ce qui permettait facilement leur accès à partir du chemin piétonnier, qui faisait le tour de "la pointe". Du rivage à l'extrémité de l'isthme, la profondeur de la mer passait de zéro sur le rivage, pour atteindre très progressivement les 4 à 5 mètres à l'extrémité de la pointe. Mais ce qui était très intéressant pour notre apprentissage, est que sur toute cette distance qui allait du rivage à extrémité de l'isthme, la bande de rochers offrait en certains points, des repères de 50 cm de profondeurs qui servaient de plongeoir mais aussi de refuge. En particulier celui que nous fréquentions habituellement et bien avant de savoir nager correctement, était situé à mi-chemin entre l'extrémité de l'isthme et le rivage. C'était un point de repère, qui nous indiquait l'endroit à ne pas franchir, mais, où, nous avions encore "pieds", ce qui permettait pour ceux qui commençaient à apprendre à nager de pouvoir ainsi s'ébattre et évoluer sans risques. Ces lieux, pour tous les gamins de La Calle, étaient la consécration de leur premier exploit, puisque, le temps passant, nous savions barboter suffisamment pour pouvoir envisager d'autres horizons et pour nous c'était d'atteindre l'extrémité de la pointe, qui devait généreusement nous ouvrir toutes grandes, les portes du vaste avant-port futur lieu de nos exploits.

            La traversée : pointe - quai presqu'île / pointe - 1° et 2° scalette :

            Pour atteindre les quais de la presqu'île situés juste en face et dans l'axe de la Pointe, il fallait prendre son courage à deux mains, pour se lancer dans cette première traversée à la nage et il était indispensable de s'assurer, de ne pas croiser en chemin des bateaux qui rentraient au port, mais, aussi et surtout, de ne pas tenter de partir seul et profiter d'accompagner les grands pour se sentir en sécurité. Ainsi, courageux mais pas téméraires, nous étions toujours quelques novices, qui prenaient la direction des quais de la Presqu'île, en suivant nos aînés rompus à ce genre de trajet nautique et tout se passait pour le mieux ce qui finissait par nous donner confiance en nous. Arrivés enfin à destination, des petits escaliers de fer permettaient de sortir de l'eau et de gravir les 2 à 3 mètres pour se retrouver sur les quais, tout heureux et fiers d'avoir accomplis ce troisième exploit... Pourquoi, étions-nous si attiré par les quais d'en face ? mis à part de gagner une petite gloire supplémentaire. Il faut savoir qu'un plongeoir était installé juste à cet l'endroit, ce qui permettait aussi d'apprendre à plonger de haut, en imitant les plus âgés que nous, ce qui constituait un troisième exploit bis, à notre grande satisfaction.

            Encouragés par nos exploits, il devenait dès lors indispensable de poursuivre nos efforts et fortifier notre courage, en entreprenant le trajet de la Pointe à la 1° scalette distante de 50 à 60 mètres... Ce qui fut fait assez rapidement et sans aucun problème, puisque, nous étions rassurés par nos premières performances et de plus je dois le dire, nous avions commencé à devenir d'assez bons nageurs. Puis le temps passa, mais, rapidement, nous nous mimes à entreprendre des trajets un peu plus longs, comme par exemple de la petite plage directement à la 1°scalette... Puis, ce fut des aller-retour de la 2° scalette aux petits quais... Plus rien ne pouvait alors nous arrêter et nous multiplions nos exploits en " prenant le fond " à la 1° et 2° bouée, qui étaient situées en face de chaque scalette et qui indiquaient aux navires le chenal à suivre pour rentrer au port. Pour ce faire, il nous fallait plonger en apnée pour atteindre le fond, puis, se saisir ensuite d'une poignée de sable ou d'un caillou, pour prouver que nous avions bien réussi à atteindre le fond situé à 4 / 5 mètres de la surface.

            La traversée de la 2° scalette au canon :

            Cette dernière épreuve faisait de nous des gamins confirmés aux choses de la mer et concluait toutes les expériences acquises au cours de quelques saisons d'été... Pour réaliser cet exploit, il était indispensable de nager sur au moins 200 mètres, pour atteindre un dangereux récif à fleur d'eau, sur lequel, trônait verticalement, un canon ancien qui marquait à droite l'entrée de l'avant-port. Cet ancien vestige datant de la colonisation au temps de Samson Napollon où, la presqu'île accueillait des garnisons coloniales et hébergeait les corailleurs de jadis. Plusieurs de ces canons anciens avaient été récupérés et servaient également de bittes d'amarrage pour les chalutiers... C'est souvent que nous entreprenions cette traversée, en partant de la pointe de la presqu'île, afin d'accéder plus rapidement sur le récif, pour aller ramasser les oursins qui abondaient et/ou pêcher au fusil harpon. Pour accomplir cet ultime exploit, il était indispensable de tenir compte de l'état de la mer le jour venu, car, nous ne faisions jamais d'imprudence, sachant prendre toujours très au sérieux, ce que nous disaient nos parents : " attention ! prenez garde - la mer est traître."

            Mais au fond nous étions des gamins courageux mais jamais téméraires, c'est sûrement pour cela que les accidents par noyade étaient rarissime à La Calle et lorsque parfois, hélas ! Un drame arrivait, c'était pratiquement toujours, un étranger de la cité qui succombait souvent par imprudence... Je me souviens d'un été où, la mer était pourtant très peu agitée où, ce jour-là, nous étions toute une bande de copains bien installés sur le sable de la plage de l'Usine. Un groupe de jeunes militaires du contingent, qui venait d'arriver le jour même à La Calle, était venu profiter de la fraîcheur d'un bon bain de mer. Soudain ! notre attention fut attirée par l'un d'eux, qui était entraîné par le courant vers l'île maudite et qui se débattait désespérément pour tenter de rester en surface. Nous nous sommes tous précipités pour lui porter secours alors qu'il avait coulé... Lorsque nous l'avons repêché et étendu sur le sable de la plage, malgré l'intervention rapide du docteur Candau, le pauvre garçon était déjà décédé. Cette triste évocation pour dire, que notre qualité commune en regard de la mer a toujours été la prudence doublée de méfiance.

            La traversée du port vers la grande plage et la plage de l'usine :

            Deux exploits qui venaient conclure et couronner nos compétences aux choses de la mer. Cependant, bien que nous en étions parfaitement capables de les réaliser, il est vrai que peu de jeunes callois, se sont attachés à s'embarquer dans de telles aventures lointaines, non pas par crainte d'effectuer un tel trajet hors de la protection du port, mais, en vérité, c'est parce que ces exploits ne nous ont jamais bien intéressé. A cette époque quelques rares adultes, ont parfois entrepris la traversée port - grande plage, sans que cette expérience puisse vraiment passer dans les mœurs, quant à entreprendre la traversée port-plage de l'usine, à ma connaissance, je ne pense pas que certains ce soient engagés à la faire.

            Ainsi nos exploits héroïques prenaient fin lorsque nous avions passé toutes les épreuves de la mer dans l'enceinte du port et qui se terminaient au canon. A ce moment-là, nous pouvions alors nous targuer d'être de bons nageurs, doublés d'une compétence particulière de plongeurs d'oursins et pêche sous-marine...Il nous arrivait aussi pour jouer au coq de basse-cour et étonner la galerie, de nous élancer du haut de la pointe pour majestueusement plonger de sa hauteur, à la grande admiration de tous les baigneurs présents : nous étions alors regardés comme les stars du jour et je dois dire que nous étions peu fiers de nous.

            Nageurs compétents, il nous arrivait toujours de le montrer, surtout, lors de la fête paroissiale de Saint-Cyprien de Carthage, qui avait lieu tous les mois de septembre où, des jeux nautiques, étaient organisés par le comité des fêtes à notre grande joie : course aux canards - au petit cochon - mat glissant...

            Exploit exceptionnel qui aurait pu être dangereux :

            Courageux mais pas téméraires ! avais-je dit au cours de cette narration, mais, cependant, en prenant de l'âge et devenant des adolescents de près de 18 printemps, une chose nous effrayait parfois et nous faisait poser de nombreuses questions : la mauvaise réputation de la mystérieuse île maudite ? Qui fut le théâtre de bien des drames de la mer, dont on s'en souvient encore de nos jours. Autant dire que nous étions particulièrement méfiants, lorsqu'il nous arrivait d'aller nous baigner à la plage de l'usine, surtout, si la mer était houleuse ce jour-là. Dans la croyance populaire calloise, un tourbillon mortel était la cause des noyades, en entraînant les imprudents baigneurs vers le fond et la mort. Cette hypothèse a été de partagée et acceptée par tous, sans aucune critique de qui que ce fut et cela depuis des lustres... Mais, dans notre insouciante jeunesse et forts de notre bonne connaissance de la mer, il est arrivé un jour que poussé par la curiosité, nous décidions d'aller voir de plus près la véracité de ce tourbillon mortel... Ce matin-là, la mer était peu agitée et c'est ainsi qu'en compagnie des deux frères Vincent et Jean-Pierre Defilippi, nous nous sommes lancés d'un commun accord, le défi de nous rendre juste devant l'île maudite, afin de voir de plus près le phénomène fatal, qui, depuis toujours, engloutissait sans aucun espoir de survie les malheureux baigneurs....

            Une seule condition acceptée par tous était de rigueur : ne pas contrarier le tourbillon et se laisser emporter en restant passif et calme la tête hors de l'eau. C'est ce qui fut fait strictement par la bande des trois ... C'est à ce moment que nous avions commencé à comprendre les raisons des noyades, même, chez des nageurs avertis : il n'y avait pas de tourbillon devant l'île maudite, mais, un fort courant, qui entraînait les imprudents vers le large, ce qui déclenchait chez-eux une réaction de défense pour lutter contre le courant, afin de tenter de regagner désespérément la plage, d'où, il devait s'ensuivre un épuisement fatal qui aboutissait à la noyade... C'est pourquoi, dés le début de cette expérience, nous nous sommes laissés entraînés vers le large, puis, à notre grande surprise, le courant devait tourner pour nous diriger jusqu'au pied du Boulif, là où prends fin la plage de l'usine.

            Lorsque je songe à ces temps anciens, qui ont vu défier un jour la sinistre île maudite pour tenter de percer son mystère, je me demande si nous avions alors ? bien pris conscience du danger que nous affrontions, ni, de l'importance de ce que nous venions de découvrir : il aurait été nécessaire à tout baigneur entraîné par le courant, de se laisser porter sans résistance vers le large, pour se voir ensuite déposé sain et sauf au pieds du Boulif …
            Mais, considérant notre expérience comme toute naturelle et sans éclat, je ne pense pas que nous en avions parlé et commenté nos observations ce qui est bien dommage, car, le mythe du tourbillon devait se pérenniser et aujourd'hui encore alors que La Calle est devenue El Kala, c'est toujours et encore le pseudo tourbillon qui est cause d'accidents.

            A l'automne de ma vie, cette évocation a été pour moi un véritable filtre de jouvence et m'a fait revivre ces merveilleux instants de mon enfance et adolescence où, la mer devait nous marquer, en nous offrant sans compter plein de joies toutes simples, qui, ont fait de nous, les petits Callaïouns - des hommes avec un grand H.
Envoyé par Jean-Claude PUGLISI.
de La Calle de France
Paroisse de Saint-Cyprien de Carthage. ( Hyères 83 = un 13 décembre 2016 )


Épiphanie.
           Donc Balthazar, Melchior et Gaspar, les Rois Mages,
            Chargés de nefs d'argent, de vermeil et d'émaux
            Et suivis d'un très long cortège de chameaux,
            S'avancent, tels qu'ils sont dans les vieilles images.
            De l'Orient lointain, ils portent leurs hommages
            Aux pieds du fils de Dieu né pour guérir les maux
            Que souffrent ici-bas l'homme et les animaux;
            Un page noir soutient leurs robes à ramages.
            Sur le seuil de l'étable où veille Saint Joseph,
            Ils ôtent humblement la couronne du chef
            Pour saluer l'Enfant qui rit et les admire.
            C'est ainsi qu'autrefois, sous Augustus Cæsar,
            Sont venus, présentant l'or, l'encens et la myrrhe,
            Les Rois Mages Gaspar, Melchior et Balthazar.
JM de Heredia - Les Trophées


LA MALADIE DU SOMMEIL
Envoyé par M. Georges Barbara

            - " Dis , rogards là O Tchitche, t'le'ois comm'oi le Zizou ? Agas le que tu dirais qu'c'est un Pourpre dessur un rocher du lever d'l'aurore qui te prends le soleil ! Eh ben crois moi, comme y l'est parti, même pas qu'y te sonne la sirène des pompiers, celle qui nous les gonfle tous les dimanches à midi, pour qu'y se réveille ! Te peux t'l'appler cent fois, avant qu'y te repond, Äï'man c'est pas demain la veille crois moi…. Et si te passes dans l'aprés-midi te vas t'le trouver comme tu t' l'as laissé ! Y t'aura pas bougé d'un centimètre ! Il est sans arrêt, comme y te dit l'autre, en hiver-nation. Pour les jeux olympiques du plus grand dormeur, te cherches pas c'est lui qu'y l'enleve la médaille,,,, Champion du monde le mec ! Tout ça j't'le dis ça commence à bien faire !

            - " Y doit t'être un peu fatigué Fred c'est p'têtre ça ! Ou alors c'est qu'y l'est en pleine formation te sais c'est comme ces Chardonnerets quand y commencent à te mettre les plumes ! Les docteur y z'appellent ça la formation. Alors lui laisse le qu'y se forme !

            - " Un peu fatigué ? En pleine formation, aller va va de la, toi 'ac tous tes grands mots techniques te te prends pas pour un docteur non ? Te sais pas une chose toi, c'est qu'à la fin sa mère, elle en a mare la pauvre tous les matins pour t'le sortir du lit quand y faut qu'y va à l'école, et elle a dit à ma mère l'autre jour qu'elle va faire des pieds et des mains pour que le curé de Sainte Thérèse y lui met l'eau bénite t'sur la tête !

            - " Te crois toi qu'en lui lavant la tête le curé y va t'le lui enlever ses parties de dormade ?

            - " Pas pour lui laver la tête, te rigoles ou quoi toi mai'nan ? Non mais comme a dit cette pauvre Augustine sa mère, a pense que c'est la vieille Mouquère Aïcha qu'elle habite dans sa cour qu'elle lui a jeté une Fatoure dessur.
            Parc'que pa Madone y te dort sans arret ! Te dis pas ça qu'elle prend la pauvre.
            A chaque fois, c'est pire que si elle doit te réveiller le Mozabite du Palais Loucheur quand y fait la sieste pour le carême dans le p'Tit jardin d'la Colonne ! Et comme tu le 'ois là et ben j'te jure que j'te monte jusqu'au cinquième t'sur Bugeaud si c'est pas vrai, que ce Stroundze comme tu le 'ois et ben là adebon, y l'est parti pour te faire un tour de piste complet t'sur le velodromme du stade Pantaloni.

            -" Dis Ô Nano, pour t'embrouiller les palangottes toi t'y'es bon ? Mais qu'à même pour l'âme de tes morts n'en fais pas plusque c'est, je crois moi qu'y l'est un peu fatigué c'est juste une chute de l'enttention qui doit avoir, c'est tout !

            - " Moi j'te dis , que comme t'le 'ois là y te plane cet arapède, y te plane. Et pis tu vas 'oir quand y va s'réveiller, si y s' reveille main'nan ? y va te passer devant raide raide que tu croirais que c'est une merguez qu'elle te sort du grill de chez Raidzin à la Grounouillère !

            - " Te crois pas o Frade qu'il a attrapé peut-être ...comment qu'ça s'appelle dejà, ah oui….la maladie du sommeil !

            - " Je va te dire une chose moi ô Vivi, que si quand te dors c'est mai'nan une maladie, et ben lui y doit être à l'article de la mort crois moi, et ya intérêt de lui donner vite vite les saints escréments !

Georges Barbara, août 2022


LES ITALIENS EN ALGERIE

ACEP-ENSEMBLE N° 303-mars 2017

                  
               Les Italiens débarquent très tôt sur le littoral algérien. Déjà, avant 1830, le royaume de Naples en 1824, et le royaume de Sardaigne en 1827 avaient nommé à ALGER des représentants chargés de négocier avec la Régence des traités de commerce et de protéger les intérêts de leurs ressortissants.

                C'étaient essentiellement des pêcheurs sardes et napolitains mais aussi siciliens, toscans et romains. La conquête ne changea en rien leurs habitudes, si ce n'est leur nombre qui s'accrut, la présence française garantissant leur sécurité.

                Ces pêcheurs étaient relativement mal vus par l'administration qui les accusait de prendre sans rien apporter ".

                Certes, ils venaient pendant la saison favorable, s'installaient temporairement sur le littoral, transportaient avec eux le matériel de pêche mais aussi ce qui était indispensable à leur alimentation ; la saison terminée ils rentraient en Italie avec le produit intégral de la pêche. D'autre part ces pêcheurs étaient soupçonnés de transporter une population douteuse qui se serait livrée à de petits trafics de contrebande. Autant d'éléments qui contribuèrent à ce que les autorités françaises ne désirent pas leur présence. Pourtant, force est de constater que les Italiens drainent une population entreprenante qui participe activement à la remise en valeur de LA CALLE dès 1831, et de COLLO.

                Les pêcheurs ne sont pas seuls à débarquer dans les premiers temps de la conquête puisqu'ils côtoient des maçons et des ouvriers de bâtiment. Ceux-ci contribuent, selon la volonté des autorités françaises, à atténuer les caractéristiques architecturales arabes d'ALGER : les noms de CITATI. PARODI, MARTINELLI, GAMBINI donnés à des passages de la ville dès 1840 rappellent ce fait ".

                Ces mêmes ouvriers montrent une certaine ardeur à reconstruire BLIDA dans les années 1840, ils en repartiront lorsque la spéculation immobilière et foncière gagne tout l'Algérois en 1847. Ils suivent également l'armée de BUGEAUD puisqu'on les recense à ORLEANSVILLE dès 1846, secondant les militaires dans l'élaboration des fortifications et l'aménagement des routes.

                Ils se répartissent dans toute l'Algérie sous contrôle français, ils privilégient certes le littoral, COLLO et LA CALLE déjà cités, BONE, PHILIPPEVILLE, ALGER qui abrite déjà la plus forte colonie italienne de l'Algérie, mais aussi l'ouest, où ORAN, MERS-EL-KEBIR et NEMOURS accueillent de nombreux Italiens.

                Une frange de cette population se disperse déjà dans l'intérieur à TLEMCEM, SIDI BEL ABBES, ORLEANSVILLE, BLIDA, GUELMA et CONSTANTINE.

                Cette première migration s'interrompt brutalement avec les années 1848-50 sous la conjonction de deux faits : la crise économique et l'épidémie de choléra qui ravage l'Algérie. Ou bien les Italiens sont décimés, ou ils rentrent au pays ; leur effectif, à l'image de celui des autres communautés européennes subit une baisse sensible entre 1847 et 1853.

La phase euphorique
1860-1914

                Il faut attendre les années 1860 pour que le courant migratoire connaisse une véritable relance qui ne cessera qu'avec la première guerre mondiale.

                C'est la grande époque de la mise en valeur de l'Algérie. Le projet de construction de voies ferrées est lancé, le réseau routier est amélioré, les bases de l'aménagement hydraulique sont jetées, les mines de l'est sont ouvertes.

                Parallèlement, l'Italie bien qu'unifiée dès 1861, hérite dès sa création d'une situation économique désastreuse aggravée en 1866 par une guerre contre l'Autriche afin de libérer la Vénétie.

                Dans le sud, encore sous l'influence des grands féodaux, le paysan recevait un salaire de misère oscillant entre 0,75 et 1 franc par jour pour au maximum 150 journées de travail annuel, alors que le mineur du Constantinois le moins bien payé touchait 2,5 francs par jour pour plus de 200 journées de travail par an.

                A partir des années 1860, les Italiens débarquent donc en masse en Algérie. Ils arrivent de Campanie, de Calabre, de Sicile et de Sardaigne, c'est à dire du Mezzogiorno misérable. Mais le Nord fournit aussi son contingent d'émigrants originaires prioritairement du Piémont, d'Emilie-Romagne et de Toscane.

                Dans le détail des localités, nous relevons des Italiens du Golfe de Tarente à BONE et à PHILIPPEVILLE, des rescapés du cataclysme de MESSINE, des habitants de PROCIDA proche de NAPLES dans les marines d'ALGER et d'ORAN, des ressortissants de l'île d'ISCHIA et de TORRE DEL GRECO à BOUGIE et PHILIPPEVILLE, des immigrants de CEFALU proche de PALERME qui s'installent à CASTIGLIONE dans l'Algérois, des Sardes dans l'Oranie, FORMI, JERZU se fixant le long de la frontière algéro-tunisienne.

                L'émigration livournaise et génoise, célèbre dans le commerce du corail avant 1850, semble avoir laissé la place à des Siciliens vers 1860, enfin des Turinois et des habitants du Tessin s'installent là où leurs qualités de maçons sont appréciées.

                Ces italiens se répartissent sur le sol algérien dans quatre grands secteurs d'activité : la pêche, les mines, le bâtiment et les grands travaux.

                La pêche : entre 1832 et 1863, les Italiens sont très présents dans la pêche au corail. A titre d'exemple en 1859 on compte 176 bateaux corailleurs sur tout le littoral algérien, 154 sont italiens !

                LA CALLE, COLLO, les eaux du Cap Rose proche de BONE sont les lieux de pêche privilégiés. Les succès italiens suscitent l'intérêt des Français qui, à partir de 1861 arment de nombreux bateaux.

                1864 est la première année où le nombre de bateaux français supplante celui des Italiens. En réalité outre la concurrence, la désaffection des Italiens a deux causes majeures : des bancs de coraux sont découverts sur les côtes siciliennes, et surtout les prix du corail chutent en Italie, ce produit s'avérant moins prisé.

                La prédominance française est de courte durée puisqu'en 1867, 60 bateaux sont désarmés faute de rentabilité suffisante.

                Mais alors que les pêcheurs de corail disparaissent progressivement, " I pescatori di pesca " prennent le relais.

                Ils viennent de GIGLIO, de SESTRI LEVANTE, de MESSINE, de TARENTE, de NAPLES, pêcher la bonite, le maquereau, l'allache, l'anchois, la sardine, le poulpe.

                Les sardes se font une spécialité de la pêche au thon. Dans un premier temps, LA CALLE profite de cette migration : en 1866 on y compte 4 balancelles, 20 en 1868, 30 en 1869, 60 en 1870, 70 en 1871 montées par 900 hommes qui y stationnent de mars à octobre.

                Au cours de cette même période, les Italiens fondent à BONE la société d'exploitation du lac FETZARA, dont les directeurs PARTALUPPI et DE TRUMELLO se chargent d'exporter vers PARIS une partie des 3000 poissons pêchés quotidiennement.

                Dans les années 1870, LA CALLE est concurrencée par STORA qui voit arriver tous les ans, en avril, une centaine de barques italiennes. Enfin, c'est surtout PHILIPPEVILLE qui se développe progressivement pour devenir le plus grand port de pêche de l'est algérien sous l'impulsion des Italiens qui se répandent également sur tout le littoral, ainsi qu'à ALGER où le quartier de la Marine accueille des pêcheurs mais aussi des ouvriers des salaisons, des friteries, des conserveries.

                En 1880, ils s'installent à BOU HAROUN proche de CASTIGLIONE dans des conditions effroyables pas d'eau potable, pas de route qui les relie aux localités voisines.

                Les immigrants s'accrochent, donnent le nom de CHIFFALO à leur lieu-dit, référence à CEFALU d'où ils sont originaires, prospèrent. Ils sont 120 en 1896, 200 en 1900, 330 en 1905.

                Au-delà de cet aspect qui peut paraître artisanal, les Italiens montent de véritables centres d'industrie de la pêche de la CALLE, dans le Constantinois, à NEMOURS en Oranie, et occupent les fonctions les plus diverses relatives à l'activité maritime: chefs canotiers, acconiers, capitaines de port, vendeurs d'agrès, courtiers maritimes. Certaines de ces fonctions à responsabilité les conduisent à être des élus municipaux à BONE, PHILIPPEVILLE, ALGER.
                En 1930, L. LACOSTE leur rend un vibrant hommage :
                " Il ne faut pas oublier qu'ils furent les ouvriers de la première heure et ne point méconnaître, que l'intérêt personnel qui les anima fut un levier puissant, unique peut être en matière d'effort véritable de la colonisation ...

                L'anecdote retiendra qu'en 1859, les pêcheurs napolitains ayant déserté les rivages de l'Algérois pour se rendre à un pèlerinage, ALGER se trouva privé de poissons.


                L'autre grand secteur d'activité dominant dans lequel excellèrent les Italiens fut les mines. Très tôt, des mines de fer, d'hématite et de plomb furent exploitées dans l'est à proximité de GUELMA dès les années 1840 sur le territoire des Beni Addoun. En 1856 c'est la mine de plomb argentifère de KIF OUM-TEBOUL qui est ouverte près de LA CALLE.

                Dans le dernier quart du XIXème siècle sont mis en valeur les gisements de fer et de phosphate proches de SOUK AHRAS et de TEBESSA, puis ceux d'AIN MOKRA voisins de BONE et les mines et les carrières de TABABORT TAKINOUT près de BOUGIE. Juste avant la première guerre mondiale sont découverts les gisements de l'OUENZA.

                L'exploitation du sous-sol Constantinois attire une main d'œuvre italienne importante. Les sardes arrivent dans les mines d'AIN MOKRA vers 1860 et en relation avec cette activité, de nombreux Italiens participent à la construction de la voie ferrée AIN MOKRA - BONE, d'où le fer est exporté vers l'Europe.

                Les bourgs proches des mines du Constantinois voient leur population augmenter. En 1900, on recense à TEBESSA 240 Italiens, à SOUK AHRAS ils sont un millier, 447 à GUELMA, 877 à MORSOTT.

                Ces chiffres seront en augmentation au recensement de 1921. Il existait une tradition minière en Piémont et en Sardaigne. Les Piémontais étaient déjà connus en France pour leur travail rude dans les mines d'ardoise de Savoie.

                La Sardaigne du XIXème siècle était riche en mines, mais la récession que file traversa dans le dernier quart du siècle contraignit nombre de ses citoyens à l'émigration. Il semble que dans les mines d'Algérie il y ait eu une répartition des tâches. Au Piémontais on confiait les travaux les plus durs, d'extraction du minerai : au Sarde le triage. Certaines mines fermaient entre juin et septembre à cause des chaleurs excessives ; alors, les Sardes rentraient chez eux pour revenir en Octobre. Les Piémontais s'en allaient louer leurs bras sur d'autres chantiers, ne revenant pas forcément à la même mine à l'automne, préférant souvent changer d'employeur.

                Le troisième secteur attractif pour les Italiens est celui du bâtiment et le quatrième, celui des grands travaux. Dans le bâtiment, nous avons déjà cité ALGER et BLIDA en partie reconstruite par les Italiens, mais on les remarque à BOUGIE où en 1866 sur 18 maçons, 15 sont Italiens qui feront souche. A PHILIPPEVILLE, à la même époque, 3 entrepreneurs de travaux publics sur 4 sont italiens. Autour de cette activité gravitent d'autres professions dans lesquelles excellent les Italiens : plâtriers, briquetiers, marbriers, carreleurs qui font venir la faïence et la pouzzolane par TRIESTE. Un marbrier de CARRARE découvre les gisements de FILFILA près de PHILIPPEVILLE et exploite également le gisement d'AIN TOMBALEK sur la route de TLEMCEM à ORAN. Le marbre noir de SIDI YAHIA près de BOUGIE était également exploité par des Italiens.

                Mais entre 1860 et 1900, l'Algérie est un gigantesque chantier avide de main d'œuvre. En 1879, le vice-consul d'Italie en poste à Bône délivre à ses concitoyens 1082 livrets d'ouvriers ; en 1880, il en octroie 1215 ! BONE devient alors la ville italienne de l'est algérien. Le consul d'Italie à ALGER en 1892 affirmait que les immigrants italiens avaient construit en Algérie sous la direction d'ingénieurs français 2000 Kms de routes nationales, 1700 Kms de routes départementales, 800 Kms de voies ferrées. Sans la collaboration des Italiens, le gouvernement français n'aurait pu exécuter le vaste programme des travaux publics affirme Gaston LOTH.

                Outre ces quatre grands secteurs où leur contribution s'est avérée indispensable, les Italiens occupent les métiers du commerce et de l'artisanat. Les cordonniers palermitains sont connus pour leur habileté, les Toscans célèbres tresseurs de paille se révèlent pour leur dextérité à fabriquer des figurines de plâtre. Et si le monde agricole semble être réservé aux Espagnols, les Italiens y montrent un certain savoir-faire à GUYOTVILLE dans les vergers et primeurs, autour de BONE comme ouvriers viticulteurs, et autour de PHILIPPEVILLE où ils sont démascleurs dans les forêts de chêne-liège.

                Auxiliaires indispensables de la colonisation selon le mot de Maurice WAHL, ils contribuent donc au développement de l'Algérie coloniale.

                Au début du siècle, un député à la chambre remarquait " que l'afflux des migrants (Italiens et Espagnols) ne diminuera pas d'intensité tant qu'il répond à une nécessité économique "

                Après 1918, le courant migratoire se tarit. Un million d'Italiens se dirigent vers la France entre 1920 et 1930, 190000 vers l'Afrique Orientale; 120000 en Libye conséquences des conquêtes mussoliniennes et de la fondation de 1'impéro.

                En Algérie, l'absorption de la colonie italienne se fait lentement. En 1936, on recense très exactement 21009 Italiens, au début des années 50, moins de 10000. Toutefois si leur nombre diminue progressivement, les Italiens offrent une certaine visibilité, car ils sont regroupés en micro communautés à BONE, ALGER, PHILIPPEVILLE pour les plus importantes localités, mais aussi dans l'ouest algérien dans de petits ports de pêche comme MERS-EL-KEBIR, où sont sauvegardées la langue, les traditions.

                Entre 1928 et 1939, sous l'impulsion de MUSSOLINI et de la section des Fascistes à l'étranger paraît un journal, le " MESSAGERO D'ALGERI " qui à ses débuts sortira en langue française et en langue italienne, puis dans les années trente exclusivement en italien. A travers la lecture de cet hebdomadaire, on découvre une vie associative intense, la célébration des fêtes religieuses importantes comme la Befana (L'Epiphanie) ou plus modestes comme Saint-Joseph de la croix (à GUYOTVILLE) ou encore San Ciro d'Alessandria.

                Des sociétés de bienfaisance italiennes s'activent pour venir en aide à leurs compatriotes déshérités, des associations d'anciens combattants se créent, une messe en italien est célébrée un dimanche par mois dans la cathédrale d'ALGER. Même s'il faut y déceler une volonté de propagande fasciste, il semble bien que les Italiens apprécient au-delà de cet aspect politique, de se retrouver entre eux à des moments privilégiés. Gabriel ESQUER note la piété des pêcheurs italiens qui sont regroupés en confréries et rappelle l'importance de la célébration de Sainte Lucie de PHILIPPEVILLE. René LESPES, dans l'entre-deux guerres aime se promener dans les " vicoli " qui rappellent ceux de NAPLES où flotte l'odeur de la raviolade. Autant de signes qui montrent le caractère vivace des particularismes italiens, particularismes encore relevés par Pierre BOYER en 1954 dans un article de l'Encyclopédie mensuelle d'Outre-mer.
D'après une étude de Hubert Zakine


    


PHOTOS de BÔNE
VOYAGE 2018 du groupe Bartolini

VUE D'AVION



LYCEE MERCIER





LA POSTE


LES SANTONS




CHAPUIS


LA CAROUBE


MUTILE N° 167, 14 novembre 1920

LA PREFECTURE D'ALGER
ET LES ŒUFS

               Ceci n'est pas une fable imitée de La Fontaine, mais une histoire vraie, à propos des licences d'exportation d'œufs.

               On se souvient qu'au cours d'une séance du Conseil municipal d'Alger, on apprit officiellement ce qui se murmurait depuis déjà pas mal de temps en ville. Certains mutilés, parmi ceux à qui l'on avait accordé des licences d'exportation pour les oeufs, les vendaient, paraît-il, à des commerçants de la ville, qui se livraient au commerce sous ce pavillon fallacieux..

               Les uns s'indignèrent de ce procédé qui tournait ouvertement, les règlements établis, d'autres, par contre, firent valoir que, quel que fut l'exportateur véritable, la quantité des oeufs expédiés restait la même et que la consommation locale n'était nullement lésée. On affirma même, que le trafic des licences avait été sollicité puis dévoilé par certains grossistes dans le but de provoquer ainsi la suppression, de concurrents qui les gênaient.
               Quoi qu'il en soit, l'Administration se résolut à procéder à une révision générale des licences accordées aux inutiles et à en supprimer un certain nombre. Ce, qui fut fait par les soins de la Préfecture.

               Pour procéder à cette révision d'une manière équitable, un de nos confrères algérois proposa une méthode extrêmement simple et logique.
               L'ordre de préférence suivant lequel on pourrait se prononcer existait déjà nettement établi par le degré d'invalidité, des divers mutilés ou cause. Le pourcentage d'invalidé permettrait d'établir un classement contre lequel personne ne pourrait objecter le moindre reproche de partialité. On respecterait, ainsi le principe de la mesure qui avait, fait octroyer les licences aux mutilés, en les maintenant à ceux qui, plus "amochés " que les autres, étaient moins aptes à gagner leur vie.

               Ces considérations ne prévalurent, point. La Préfecture préféra adopter un système d'enquêtes sur les moyens d'existence de chaque titulaire, enquêtes dont, les conclusions donneront lieu souvent à des récriminations qui se prétendaient justifiées. Les mutilés auxquels on retira leur licence ne manquèrent pas de prétendre que cette mesure n'était nullement fondée ; certains s'offrent même à en faire la preuve. Ceux à qui on la maintint furent suspectés d'avoir fait agir des influences occultes. Et personne ne fut d'accord.

               Voilà donc un nouvel élément de zizanie parmi les mutilés créé par la Préfecture d'Alger ; ces frères douloureux, qu'en leurs infortunes devraient lier d'une manière indéfectible, il est profondément regrettable que l'administration préfectorale en soit la cause. Mais ce n'est pas là le seul fort, de cette administration vis-à-vis de ces victimes de la guerre.
               On peut, lui reprocher, en effet, une négligence générale des intérêts des mutilés. Si l'on a quelque démarche à faire auprès des services de la Préfecture, on devient le jouet de multiples personnages qui se renvoient le postulant, ou même le renvoient tout simplement, sans le recevoir.

               Les diverses mesures prises par la législation métropolitaine en faveur des inutiles ne sont pas, pour la plupart, appliquées en Algérie. Tout dernièrement encore, en séance, du Conseil général, M. Boniface s'indignait de ce qu'un mutilé algérien ne peut pas être, admis dans un sanatorium de France, parce qu'il était algérien.
               Nous avons d'autres motifs de mécontentement, à faire valoir. Nous ne manquerons pas de les exposer prochainement avec des documents à l'appui.

JEAN DE LAGUERRE,
Mutilé de guerre, ancien officier.

LA FILLE A DOLORES
ECHO D'ORANIE - N° 226
La chronique anachronique de Gilbert Espinal

        La nièce à Angustias, la fille à Dolorès, la cousine de Tafaraoui, Conception, elle divorce. En voyage de noces elle était à Boukanifis, chez le fils du fils au premier mari à Dolorès

        Angustias elle s'est reçue une carte postale qu'elle représentait une vue d'ensemble, qu'elle l'y annonçait qu'y se séparaient.
        Comme elle s'est mis la Angustias ! Surtout que y avait une surtaxe, pasque la carte postale elle était timbrée pour cinq mots et que un roman écrit derrière y avait ;
        Conception elle lui racontait tous ses malheurs. Dix francs y fallait qu'elle donne de plus. Elle a mis le facteur plus bas que le parterre en lui demandant pourquoi une carte postale avec cinq mots c'était vingt francs et avec six, trente ; si ça pesait plus lourd. Elle se l'est fait comme un chiffon.

        A la fin, à la fin, le facteur il a mis dix francs de sa poche et il est parti. Angustias elle l'y a couru derrière pour lui donner les dix francs, soi-disant que elle, elle voulait rien devoir à personne. Le facteur il a pas voulu les prend' pasqu'il était vexé.
        Angustias, elle l'y a fait un hijo matcho pasqu'y voulait pas les prend'! J'qu'à cent francs de plus elle lui donnait pour qu'y prenne les dix francs. Le facteur il a tenu bon. Angustias elle est rentrée comme une furie pour écrire une lett' anonyme au Directeur de la P. et T. cont' le facteur où elle l'y aurait tout raconté.

        Elle a lu la cart' postale. Comme Conception elle divorçait, ça l'y a fait une rébolique dans le sang et elle a pas écrit.
        Sur une chaise elle est tombée. Moins cinq elle a une attaque.
        - Pourquoi tu te mets comme çà ? Elle I'y a demandé Consuelo.
        A peine si Angustias elle arrivait à parler, de la chose que ça l'y avait fait.
        - Je le disais que ça pouvait pas durer moi, elle a commencé à crier, quand je l'y ai vu la jeta à ce type ! Quelle fugure de peu d'amis il avait !
        - Et pourquoi t'y I'y as pas dit toi à Dolorès, qu'elle marie pas sa fi' elle l'y a fait Consuelo.
        - Dolorès elle était plus tchalée que sa fi' ! Elle a répondu Angustias. Y avait que lui qu'y comptait !
        Dolorès elle faisait que dire qu'il était gracieux, qu'il était travailleur...
        - Qu'est-ce y faisait ? Elle a demandé Consuelo.
        - Chômeur il était depuis cinq ans, elle a fait Angustias.
        - Baya quel travail ! Elle a ricané Amparo.
        - Et Conception, elle a interrogé Consuelo, elle a pas senti que c'était pas çui-là qu'y lui fallait ?
        - Pos amoureux, l'un de I'aut', y z'étaient, elle a soupiré Angustias, que là où y s'asseyaient la température elle montait. Conception, bova elle était devenue. Et lui y faisait que dire qu'y voulait conserver sa Conception à perpétuité.
        - Qu'il était galant ! Ça veut dire que, même au cimetière y l'aimerait, elle a fait cette bourrique d'Amparo.
        - Temprano ça l'y a passé, elle déclaré Consuelo. C'est que c'est même pas correct !
        - Ça je l'y ai dit moi à Dolorès, elle a repris Angustias, un jour que le type il était en train de prend' son café, les pieds sur la tab' : "Mais il est pas correct !" Et Dolorès elle m'a répondu : "Comment tu veux toi qu'y soit pas correct ? Si y sort d'une maison de correction!" En tout cas, correction ou pas correction, le jour du mariage, l'hôtelier où c'est qu'on a fait le repas y devenait fou. Douze fourchettes y lui manquaient, quat' salières et, moins cinq, la soupière y s'embarque. Dans le bouquet de la mariée, on les a retrouvées à force à force de chercher : y avait que lui qu'il avait pu les met'.

        Regarde si je voyais clair que le soir, quand on est rentré avec Bigoté je l'y ai dit : "Si jamais y viennent manger chez nous, rien que des sandwiches je leur sers". Pasqu'y devaient passer par ici à la fin de leur voyage de noces.
        - De le recevoir tu t'ahores, elle a fait Consuelo. Tout c'est économie. J'qu'à la carte postale que t'y as pas payée.
        - Y manq'rait plus que ça, elle a sauté Angustias, que je paye la carte postale !
        Payer et pleurer.



LES TOURTES
par Jean Claude PUGLISI, année 2000
Tourte Calloise aux petits-pois.
( Recette de Mme Marie-Louise Balzano née Manzi )

        Ingrédients :
        Pâte feuilletée.

        1 boite 4/4 de petits-pois extra fins au naturel.
        500 g de chair à saucisse.
        100 à 150 g de petit-salé fumé en dés.
        2 oignons moyens.
        6 oeufs frais + 1 oeuf pour dorer la tourte.
        Parmesan râpé.
        Sel et poivre.

        Préparation :
        Dans un faitout faire dorer à l'huile d'olive : 2 oignons ciselés + 500 g de chair à saucisse + le petit-salé fumé en dés + sel et poivre.
        Rajoutez 1 boite 4/4 de petits pois extra fins au naturel bien égouttés.
        Mélanger délicatement et cuire un moment à feu doux.
        Dans un saladier cassez et battre en omelette les 6 oeufs frais.
        Ajoutez une bonne quantité de Parmesan râpé.
        Salez et poivrez.
        Versez les oeufs battus et le Parmesan dans le faitout et mélangez soigneusement la préparation.
        Cuire un petit moment à feu très doux et dés que les oeufs battus commencent à se coaguler - retirez du feu.
        Garnir une tourtière beurrée avec la pâte feuilletée et piquez le fond avec une fourchette.
        Versez la préparation refroidie dans la tourtière.
        Recouvrir de pâte feuilletée et soudez les bords.
        Dorez à l'œuf la surface de la tourte.
        Cuire 35 à 45mn - th. 7/8.

        Conseils culinaires :

        - La pâte feuilletée surgelée peut-être utilisée, mais, essayez plutôt la pâte feuilletée façon Marie-Louise ( pour 2 Tourtes ) :
        500 g de farine + 3 oeufs frais + 250 g de crème fraîche + 1/2 verre d'huile d'arachide + 1 pincée de sel.

        Mélangez le tout et pétrir la pâte.

        Puis, rajoutez 500 g de farine et pétrir de nouveau pour obtenir une pâte souple et lisse.
        Sur un plan fariné bien étaler la pâte au rouleau et répartir sur toute sa surface une couche de margarine Astra bien ramollie.
        Rabattre les extrémités de la pâte en recouvrant la margarine : c'est ce qu'on appelle donner 1 tour à la pâte.
        Recommencez l'opération plusieurs fois de suite ( 500 g de margarine Astra sont nécessaires ).
        Donnez à la pâte autant de tours, jusqu'à complet épuisement de la margarine.

        - Cette pâte feuilletée Marie-Louise faite maison est délicieuse et se conserve facilement au congélateur.
        - Cette tourte 100% Calloise peut sans complexe, se mesurer à la célèbre tourte aux petits pois de nos voisins les Bônois !
        - 1 tourte calloise aux petits pois + 1 pizza calloise + quelques sardines au gril + melons et pastèques = festin garanti sous le soleil de l'été !

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Tourte aux Petits-Pois.
( Recette MALTAISE.)

Ingrédients
Ricotta = 2 x 250 gr
4 Oeufs
Petits-Pois = 600 gr
Gruyère râpé = 1 gros paquet
Pâte feuilletée = 2

Préparation
Mélanger
500 gr de Ricotta
3 Oeufs
Le Fromage de Gruyère râpé
Les Petits-Pois

Etaler une Pâte Feuilletée dans un plat
Verser le mélange précédent
Couvrir avec la 2° Pâte Feuilletée
Border le Plat
Dorer au jaune d'œuf.
Cuire 30 à 35mn à 180°

Docteur Jean-Claude PUGLISI, Octobre 2022
de La Calle de France
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage.


A HIPPONE
Bibliothéque Gallica

Les fêtes annuelles en l'honneur de Saint Augustin se sont déroulées, avec un éclat particulier, sous la présidence de S. E. Mgr Gonzi, évêque de Gozzo (Malte)
L'Algérie Catholique reçoit la Bénédiction de S. E. Mgr Gonzi, Evêque de Gozzo (Malte)

       
       Cette année, et sans doute du fait que S. S. Pie XI vient de proclamer officiellement Saint Augustin patron du diocèse de Constantine, ces solennités ont connu un succès accru. Beaucoup de monde, une grande piété, tout contribua à rehausser l'éclat du culte rendu deux jours durant, les 28 et 30 août, au grand Evêque africain.
       Dès le 27, au soir, Mgr l'Evêque de Malte faisait son entrée solennelle dans la basilique et présidait les vêpres qui furent suivies de la bénédiction du Saint Sacrement.

       Le lendemain, c'était la fête liturgique. En raison du nombreux clergé accouru de la ville, de la banlieue et du diocèse tout entier, les messes se succédèrent en grand nombre, auxquelles les fidèles communièrent dans un profond esprit de foi et à 9 heures ce fut l'office principal que présida au trône Mgr Gonzi, et au cours duquel S. E. Mgr Thiénard donna lecture en latin puis en français du bref pontifical décrétant Saint Augustin patron du diocèse de Constantine. Les chants furent assurés d'une manière impeccable par les grands et petits Séminaristes en vacances à Bône.

       L'après-midi, à l'issue des vêpres, le R. P. Delorme, S. J. prononça avec l'éloquence qu'on lui connaît le panégyrique du Saint, et la traditionnelle procession s'organisa à travers la colline et au milieu d'un grand concours de peuple vénérant l'insigne relique (bras droit rapporté de Vérone à Bône en 1842, par Mgr Dupuch, premier évêque d'Alger). Puis Mgr l'Evêque de Constantine remercia en quelques mots du cœur, tous les organisateurs de ces journées et notamment les RR. PP. Merlin, Recteur de la Basilique, et Mizzi, si unanimement apprécié par la Colonie Maltaise, et Son Excellence donna à tous les fidèles présents la bénédiction pontificale.

       Le dimanche se déroula selon le même cérémonial, devant une foule encore plus dense que le vendredi et les chants furent exécutés magistralement par la schola de la jeunesse catholique de Bône.
       En somme, grandes et belles cérémonies celles-là, qu'on revit chaque année avec une ferveur renouvelée et dont on emporte toujours le plus réconfortant souvenir.
       Saint Augustin, nouveau et grand patron de notre diocèse, priez pour nous !

L'ACTUALITE DE SAINT AUGUSTIN

       L'Afrique chrétienne paraît ne pas faire assez de cas du privilège qui est sien d'avoir donné le jour à cette "lumière des Nations " qu'est Saint Augustin. Sans doute, chaque année, le jour anniversaire de sa mort est-il l'occasion d'un culte solennel et public rendu à l'Evêque d'Hippone, mais ce n'est pas suffisant. Ainsi, interrogez un chrétien d'ici ou là, et demandez lui ce qu'il sait de la vie ou ce qu'il a lu des écrits du grand docteur de notre religion ; l'embarras de la plupart trahira leur ignorance, et pourtant Augustin est d'aujourd'hui autant sinon plus que d'hier, étant de ces génies dont la gloire ne passe pas et que le monde entier nous envie. Mettons-nous donc résolument à son école, et nous comprendrons mieux notre temps.

       On me citait récemment des catholiques américains qui ne débarquaient en Algérie que pour y retrouver les traces de celui dont il avait médité et relu bien des fois la Cité de Dieu ou les Confessions.
       Quelle leçon pour nous, d'autant que l'époque troublée que nous vivons rappelle par plus d'un trait ce cinquième siècle qui vit l'effondrement sous les coups des barbares de cette orgueilleuse civilisation romaine, laquelle paraissait défier les siècles.

       L'Empire craquait de toutes parts, partout l'envahisseur s'infiltrait, semant devant lui, la panique et ne laissant sur ses pas que ruines et cendres. En 410, Rome elle-même succombe entre les mains d'Alaric, et en 429, c'est au nombre de 80.000 que les Vandales passent par Gibraltar d'Espagne en Afrique. Toutefois Augustin qui aimait tant sa patrie ne devait pas voir leur œuvre de mort ; au moment même où ils mettaient le siège devant sa ville épiscopale, il rendait sa belle âme à Dieu.

       Celui qui s'en allait n'avait cessé de prêcher le patriotisme, et l'on cite de lui ce fragment de lettre : " La Patrie doit être placée au-dessus de votre père et vous devez regarder comme non avenu ce qu'il vous commanderait de contraire à ses intérêts."


       Aujourd'hui, comme de son temps, nous voyons s'affronter les deux cités : la cité terrestre fondée sur l'amour de soi-même poussé jusqu'au mépris de Dieu, et la cité céleste, fondée sur l'amour de Dieu poussé jusqu'au mépris de soi. Relisons donc ces pages encore toutes vibrantes et qui n'ont rien perdu de leur actualité, tant leur génial auteur, avec cette perspicacité qui lui était propre, sut distinguer les étapes et les progrès "de la société humaine partagée entre deux amours ".

       Saint Grégoire le Grand, pape aux environs de l'an 600, dans un sentiment d'humilité qui l'honore, écrivait à Vincent, Préfet d'Afrique : " Si vous désirez vous rassasier d'un mets délicieux, lisez les ouvrages d'Augustin, votre compatriote, et après avoir savouré cette fleur de froment, ne cherchez plus notre son. "

       Notons, enfin, avec quelle vigueur l'évêque d'Hippone défendit pied à pied l'orthodoxie chrétienne, s'en prenant à toutes les hérésies qui ravageaient alors la jeune chrétienté d'Afrique.
       Aujourd'hui aussi l'erreur doctrinale, concrétisée par le communisme, nous entoure, prête à nous submerger si nous n'y prenons garde. Veillons donc et ne craignons pas d'emprunter à Augustin ces arguments frappants et cette vigueur de langage par quoi il assura le triomphe de la vérité.

       Dans un de ses sermons ne s'écriait-il pas "La victoire appartient toujours à la vérité, et la victoire de la vérité, c'est la charité."

       Aussi, le bref pontifical qui l'établit gardien du diocèse de Constantine vient-il tout à fait à son heure et nous ne pouvons mieux faire de le reproduire ici, en manière de conclusion :


BREF PONTIFICAL PROCLAMANT OFFICIELLEMENT SAINT AUGUSTIN PATRON DU DIOCESE DE CONSTANTINE ET D'HIPPONE.
Pour en perpétuer la mémoire

       Notre vénérable frère, l'évêque de Constantine et d'Hippone, nous a humblement adressé une supplique afin que, déférant aux vœux du clergé et des fidèles de son diocèse, nous daignions déclarer Patron céleste auprès de Dieu, pour le diocèse de Constantine et d'Hippone - qui jusque-là, en était dépourvu -, Saint Augustin, Evêque, Confesseur et Docteur de l'Eglise.

       Il est très notoire, en effet, que ce Saint Docteur est né à Tagaste, dans le territoire de ce même diocèse. Après sa conversion à Milan et son retour en Afrique, il a exercé ses fonctions épiscopales à Hippone Royale, avec un très grand zèle, depuis l'an trois cent quatre-vingt-seize jusqu'à sa mort (430). Et maintenant, sur la colline d'Hippone, pour honorer ce Saint éminent, s'élève un superbe temple, édifié par le soin des Evêques de Constantine vers la fin du dix-neuvième siècle et déjà solennellement consacré depuis l'an mil neuf cent. La noble structure de cet édifice, ses clochers, sa haute coupole, ses autels et son riche mobilier en font une œuvre remarquable. Là est conservé avec piété et dévotion, dans une châsse artistement travaillée, un bras de Saint Augustin, objet de la vénération continuelle des fidèles de ce diocèse, surtout depuis que des Frères de l'Ordre des Ermites, venus de la Province de Malte, entretiennent ce sanctuaire d'Hippone avec un soin diligent.

       Aussi, il nous a été très agréable d'écouter les supplications qui nous ont été adressées par Notre Vénérable Frère. C'est pourquoi, après en avoir conféré avec le Cardinal de la Sainte Eglise Romaine, Préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, ce dessein mûrement examiné, dans le but de procurer la plus grande gloire de Dieu et de favoriser le culte de ce Saint Evêque d'Hippone, nous constituons et déclarons, de Notre Autorité Apostolique, par la teneur de ses présentes Lettres, et d'une manière perpétuelle, Saint Augustin, Evêque, Confesseur et Docteur de l'Eglise, Patron céleste du diocèse de Constantine et d'Hippone, avec tous les droits et privilèges qui sont le propre d'un pareil Patronage céleste auprès de Dieu.

       Nonobstant toutes choses contraires, nous décrétons que nos présentes Lettres sont et seront toujours fermes, valables et efficaces, qu'elles sortiront et obtiendront leurs effets pleins et entiers et que leur autorité est absolue pour le présent et l'avenir, dans ce même diocèse de Constantine et d'Hippone. Ainsi devront juger et définir tous les juges ordinaires ou délégués, et si quelqu'un, quelque autorité qu'il ait, essaie de s'y opposer sciemment ou par ignorance, que sa tentative soit tenue pour vaine et de nul effet.

       Donné à Rome, près Saint Pierre, sous l'anneau du Pêcheur, le 14 février 1936, de Notre Pontifical la quinzième année.
       J.C.

LES FOUILLES D'HIPPONE

       On sait que la ville de Bône, en Algérie, est bâtie tout près de l'emplacement de l'ancienne ville romaine, Hippone. Son nom rappelle d'ailleurs la cité de Numidie : Bône en effet n'est que l'abréviation de Hippone.

       On sait que cette ville fut prise et saccagée par les Vandales, en 430, l'année même de la mort de son illustre évêque, Saint Augustin. Les Vandales qui étaient ariens et haïssaient les chrétiens en union avec le Pontife de Rome, persécutèrent les catholiques dans tout le Nord de l'Afrique, le Maroc, l'Algérie et la Tunisie actuels, où l'on comptait à l'époque des centaines d'évêchés.

       Notre belle colonie nord-africaine est parsemée de ruines imposantes qui attestent, en même temps l'éclat de la domination romaine, l'expansion de la religion catholique. Les ruines de Carthage en Tunisie et celles de Timgad dans le département de Constantine, à la lisière du Sahara, donnent une idée de la brillante civilisation qui régnait en ces pays, aux premiers siècles de l'Eglise.
       Bône, comme d'autres villes moins importantes, subit le sort de Carthage. Les Vandales commencèrent et les Musulmans achevèrent l'œuvre de mort et tout disparut sous la terre des éboulis ou le sable du désert.
       Or, une information parue dans "Le Temps" et recueillie par Bastia-Journal" nous apprend qu'on est en train de faire pour les ruines d'Hippone ce que l'on a fait pour Carthage.

       Sur l'initiative de M. Leschi, professeur à la Faculté des Lettres d'Alger et directeur du service des antiquités en Algérie, des fouilles ont commencé à Hippone et elles ont donné déjà d'excellents résultats.
       Dernièrement, l'Association Guillaume Budé, qui s'est donné pour but, avec l'Académie d'Hippone, la résurrection de l'antique cité, a visité, sous la direction de M. Leschi les fouilles amorcées et a été émerveillée des résultats déjà obtenus.
       L'érudit professeur, qui est le neveu de notre ami, M. le chanoine Leschi, curé-doyen de Notre-Dame de Lourdes de Bastia, " a magistralement expliqué sur place - ce sont les termes de l'article du " Temps " - l'histoire des antiquités algériennes ".

       Au retour de l'excursion archéologique, les membres de l'Association Budé ont assisté à une brillante réception, donnée en leur honneur par l'Académie d'Hippone et M. Leschi " a retracé dans une conférence le voyage accompli par l'Association et esquissé l'Histoire d'Hippone".

       Voilà une information qui nous a beaucoup intéressé et qui fera plaisir aussi, croyons-nous, à nos lecteurs. Si l'on arrive à déblayer les ruines d'Hippone on trouvera des monuments et des inscriptions qui apporteront une précieuse contribution à l'histoire des anciennes populations de la Mauritanie et aux manifestations de la foi catholique chez ces populations converties, sur le paganisme romain, par les apôtres et leurs successeurs immédiats.

       Que de choses intéressantes on apprendra sur la vie de ces chrétiens et sur les travaux apostoliques du grand génie que fut Saint Augustin !... Que d'énigmes historiques pourront être déchiffrées !...
       Et tout cela la France et le Monde - car ces sortes de travaux intéressent le monde entier - le devront aux efforts intelligents et persévérants de notre éminent concitoyen !
       Ce sera une preuve de plus que dans tous les domaines de l'activité humaine, les Corses savent s'imposer à l'attention de leurs contemporains...
       (La Corse Catholique.)
ALGERIE CATHOLIQUE N° 5, septembre 1936


LA DRAGUE
Envoyé par M. Georges Barbara

            A La kermesse de l'ASB BASKET au p'titjardin d'la colonne !
            On se drague aussi !
            Ci-après un plagiat bon ou mauvais de la DRAGUE DE BEDOS en bônois


            B : Bebert, dit...Costume trois pièces
            D : Denise, dit Miss la Colonne


            D- " Aïe 'man, comme y se plaque contre moi ce Strounze. T'sur la tête de ma mère j'te reflechis à deux fois pour pas t'le planter là en plein milieu du bal.
            Parc'qu'alors comme pot de Glue te peux chercher toi pour que te trouves mieux. A debon ça qu'j'e pense c'est qu'y doit déjà se jouer la chanson dans sa tête çui la. A moi on m'la fait pas j'le 'ois venir. Et moi comme une Gougoutse si je t'ai accepter de danser avec lui, c'est à cause de ses cancaneuses des copines qu'elle prient le bon dieu chaque fois pour que j'te fasse tapisserie. Mais là alors métenan, je 'ois que pour le plaisir je vais te passer un mauvais quart d'heure c'est sur !

            B- " Je crois que là j'vais a'oir le ticket Nano. Et dire que sans te faire exprés, aga la chance que j'ai moi ….Diocane que j'suis tombé t'sur l'affaire d'la soirée. Aller Nano toutes les voiles dehors O frade ! On s'accroche Nano, on s'accroche. Ce soir y peut te tomber de l'eau à bidon, tout y l'est à nous.

            D " Jésus Marie Joseph je t'en vois pas le bout. Et moi qu'y t'a fallut que j'te lui dise oui quand y z'ont attaqué cette série de slows et en plusque cet emplumé de mes deux y t'a pris surement la douche a'c d'l' eau d'colonne. Mais à savoir ça que c'est cette eau qu'y s'est mis c'uila t'sur la tête, qu'elle sent la vase d'la la Seybouze ? Ca doit t'etre surement celle qu'y te vend le Mozabite qu'y l'est dans le passage Sens ? Et ouais c'est ça te vas 'oir, a va me donner des faiblesses pour sur !
            B- "Pour debon qu'elle est canon ma p'tite pastèque ce soir, areusement que je m'suis pas tiré la plus Broutte. Bien sur que Paris Soir y te dirait que c'est pas une artisse du cinéma d'Holivoude, mais qu'a même, te vas pas faire le difficile Nano parcequ'alors c'est la promière fois que tu tombes t'sur une madone de Galinette.
            Au moins celle-la elle est à ma taille, pas comme la dernière fois à la kermesse de l'ASB, où diokiks j'en avais lever une, j'te dis pas, un vrai double mètres que moins cinq j'avais le nez dans son nombril quand je dansais !

            D- " Et pis on peut pas dire que nous on est le couple de la soirée bien sur, parcequ'alors moi que je t'aime que les grands alors là pour le coup te repasseras. Avec ce Gouaille que je crois qu'y vient de Duzerville, te peux pas tomber plus bas. Y doit t'etre surement un espagnol qu'y l'est venu pour faire les vendanges aux Fermes Françaises. Dieu Préserve ma fi ! Et pis alors à force qu'y me colle sans arret comme ça y l'a fini de me donner chaud. Et que j'te plaque et vas y que j'te plaque ! Te crois qu'y se gène ce Oualio, y m'a collé le contrariage pour la soirée !

            B- " Mais aga ça on dirait qu'elle a les mains mouillées ? Elle mouille Nano elle mouille. Ca doit t'être que le courant y te passe entre nous deux, C'est ça qui z'appelent en medecine l'esquitation. Attends un peu je va m'en aller lui mordre son lobe de l'oreille ? Si a reste accolée contre moi c'est qu'je suis t'sur la bonne affaire……..Ouais, elle a rien dit c'est qu'on a le ticket Nano on a le ticket ! C'est pas déjà enveloppé mais accroche toi o frade accroche toi !

            D- " Atso tu vois pas qu'y m'a mordu le lobe de mon oreille cette choumarelle ?
            Mais il est j'Bingue ou quoi. Et pis ça continue avec ce madone de parfum. Si c'est pas pour ces Poutanelles des copines qu'elles me rogardent sans arret j'te jure que j'te le plaquerais là ! Mais à la Arlette et Josiane tu peux crever que je j'te va leur donner ce plaisir, elles peuvent courir ! Déja que j't'les vois quelles sont comme des courgettes …..vertes de jalousie. Alors que St Augustin y me fasse la ferveur que je vais au bout de ce madonne de slow. Mais alors j't'aurais payé l'addition bonbon moi ! Hein !:

            B- " Elle en peut plus cette poulette que j'ai dans les bras, et encore j'tai pas sorti le grand jeu comme je fais d'habitude. Attends un peu attends que je'te prenne la descente de Bugeaud, et laàte vas 'oir !. Comme je m'appelle Nano, j'te jure que j't'e l'envoi en haut du clocher de St Anne !

            D- " C'est que moi main'nan adebon y me vient l'envie d'vomir ! Et ben, tu peux te faire la croix que c'est la dernière fois que j'te viens danser. Et pis tanpis si les deux strounzes y m'appelent la vieille FIlle d'la colonne, parcequ'a debon avec des chikeurs comme çui la…. Merci bien.

            B- " Attends tu vas 'oir, main'nan je vais t'lui passer doucement ma bague en or t't'sur le dos, que justement elle a la robe decoltée., j'te partirais d'en bas jusqusqu'a son cou. J'l'ai lu t'sur le magazine des jeunes " LA NOUVELLE VAGUE D'LA COLONNE" Y z'ont dit que ça marche à tous les coups dans les attaques, pour enl'ver une affaire !!

            D- "O ma sœur, mais il est niqué d'la tête ce mec, aousqu'y va aller ? Y vient de m'ecorcher tout le dos a'c sa bague, alors la je vais sur'ment te prendre du plaisir, que moi de toute petite j'arrive pasàa cicatriser. Ce soir il a fallut que j'te tombe t'sur le seul obsédé textuel de toute la kermesse. J'te jure y faut qu'ça s'arrete leur con de chanson de" ONLI IOU " aussinon j'va me manger le sang c'est sur !

            B- " Champion du monde Nano là elle est cuite comme une brochette de chez Redzin, faut passer à table vas y Nano, vas y papa aller le but y l'est à ta portée !
            D- " BERK !... BERK !... BERK !...

            B- "Et 'oila l'travail, a debon te veux que j'te dise une chose que c'est vrai ; La drague c'est l'affaire des Bônois, mais des Bonois d'la Colonne et pas plusque. Une fois que te sais faire, et ben c'est pas plus compliqué qu'ça !

Georges Barbara, Août 2022


M. Jérome BERTAGNA
Envoyé par M. Henri Lunardelli
CONSEIL GENÊRAL DU DEPARTEMENT
DE CONSTANTINE
Session d'Octobre 1893.
DISCOURS Prononcé par
Monsieur J. BERTAGNA, Président CONSEIL GENÊRAL

Séance du 4 Octobre 1893.

              La séance est ouverte à deux heures et demie, sous la présidence de M. J. Bertagna. M. Lehoult, secrétaire, donne lecture du procès-verbal qui est adopté sans modifications. Aussitôt après cette lecture, M, le Président du Conseil Général prononce le discours qui suit :

               MESSIEURS ET CHERS COLLÈGUES,

               C'est la sixième fois que vos suffrages m'appellent au grand honneur de présider le Conseil Général de Constantine.
               Je suis à la fois profondément touché et un peu confus de votre confiance. Ne pouvant l'attribuer à mes mérites personnels, je suis heureux d'y voir une preuve de la cordiale sympathie qui m'unit à mes collègues, sympathie qui résulte, non seulement de l'accord des caractères, mais aussi de notre sentiment commun sur le rôle de cette Assemblée, sur la conception de sa grande tâche et des moyens de s'en acquitter pour le bien public.

               Depuis votre dernière session un événement politique considérable s'est accompli, donnant à la France une force nouvelle qui a singulièrement accru le prestige de notre chère Patrie.
               Le pays, par une de ces manifestations souveraines qui font à la fois l'éloge de son patriotisme et de son bon sens, a déclaré qu'il voulait, non seulement conserver la République, mais la consolider, en éliminant les politiciens qui se servent d'elle au lieu de la servir; il a tenu à constituer une majorité de gouvernement résolue à lui procurer la paix intérieure par le travail et à montrer au monde ce qu'est un grand peuple, arrivé à la maturité politique, assagi par de cruelles épreuves dont il saura conjurer le retour, parce qu'il a pleine conscience de sa force.

               Les partis extrêmes ont, une fois de plus, pratiqué sur le terrain électoral leur alliance plus monstrueuse en apparence qu'en réalité, mais leur coalition parlementaire n'est plus à redouter, car elle serait inoffensive ; la Chambre compte plus de trois cents républicains progressistes, déterminés à aborder toutes les réformes utiles, tous les problèmes sociaux dont la solution s'impose pour le bien-être des travailleurs, pour l'amélioration des conditions d'existence des petits et des faibles, et je suis persuadé que cette législature réalisera les espérances des partisans de la politique des résultats.

               Votre assemblée, Messieurs, donne depuis longtemps dans cet ordre d'idées un salutaire exemple, et je ne me lasse pas de rendre hommage à son patriotisme Quelles que soient les nuances de vos opinions politiques, vous savez les confondre dans un même amour de l'Algérie, dans un même dévouement aux intérêts départementaux dont vous avez la garde ; toutes les questions qui touchent à la prospérité de ce pays trouvent en vous à la fois des hommes d'étude et des hommes d'action, recherchant en dehors des discussions stériles et des rivalités personnelles, les voies et moyens pratiques des progrès à réaliser.
               Parmi ces questions il en est une qui me préoccupe depuis longtemps parce qu'elle se présente à l'état d'un problème insoluble, je veux parler de la question indigène, qui a fait couler des Ilots d'encre, sans avancer d'un pas, nous devons le reconnaître avec contrition.

               Et cependant, Messieurs, nous ne sommes pas, nous Algériens, les principaux coupables dans cette erreur persistante, clans ce piétinement chronique dont la responsabilité incombe aux solutionnistes de France qui veulent, du fond de leur cabinet, régenter ou assimiler l'Islam d'un trait de plume.
               Le problème indigène ne peut être résolu ainsi.
               Il doit être traité de même que tous les problèmes scientifiques, comme un phénomène objectif dont il faut rechercher les lois naturelles par l'observation, source de la vraie science.
               Celui qui vous parle est né en Algérie, où il compte déjà un demi-siècle d'existence, et il voudrait aujourd'hui soumettre à votre sagesse le résultat de ses études sur ce sujet de premier ordre pour le colon français.
               Les solutionnistes d'outre - Méditerranée nous offrent l'option entre deux partis : refoulement ou assimilation des Arabes. L'un et l'autre sont déraisonnables et nous conduiraient à la plus profonde des déceptions.

               Nous ne pouvons songer à refouler les Arabes ; ce procédé barbare peut être digne de la race anglo-saxonne mais il répugne à notre caractère national, et d'autre part, sur le terrain pratique, nous ne refoulerons jamais les Arabes, parce que nous avons besoin de leurs bras.
               Ils sont les auxiliaires naturels de la colonisation. C'est principalement leur production qui entretient l'activité de nos travailleurs, alimente le trafic de nos lignes de chemins do foret fournit le fret de nos transports maritimes.
               Les indigènes sont les collaborateurs, tout indiqués de l'œuvre d'expansion nationale entreprise par la France sur cette terre d'Afrique. Il est inutile d'insister outre mesure sur cette vérité.

               Quant à l'assimilation, elle ne peut avoir été imaginée que par ceux qui parlent des musulmans comme un aveugle des couleurs et qui no connaissent rien do leur religion On peut assimiler un peuple ayant un organisme politique, par une pénétration réciproque de deux civilisations, mais il est impossible d'assimiler une race émiettée, sans cohésion politique, sans nationalité, sans idée de patrie, n'ayant d'autre sentiment collectif que la foi religieuse, fanatique, irréductible.
               Ne voulant et ne pouvant ni refouler ni assimiler les Arabes, comment résoudrez-vous le problème, va-t-on me dire ?
               D'une façon bien simple, en le supprimant, comme une difficulté purement factice, que les Français se sont créée à plaisir en arrivant en Algérie.

               C'est en effet, Messieurs, le travers du peuple français, quand il plante son drapeau dans une région nouvelle, de vouloir en transformer la population sur son propre patron : il s'impose, je ne sais quelle tâche bizarre de palingénésie, et joue au créateur. Il en est cependant des races comme des faunes et des flores : elles se trouvent à leur place là, elles sont établies, selon une statique rationnelle, saisissable comme les lois de la nature.
               Quand je parle de races, je ne les sépare pas des civilisations qui leur sont propres et qui peuvent être très rudimentaires à nos yeux, très différentes de la nôtre.
               Depuis longtemps Taine a démontré la genèse physiologique de la civilisation anglaise, si bien adaptée au sol où elle s'est formée qu'elle peut en être regardée comme un produit naturel.

               Il en est de même de la civilisation arabe, de cet ensemble de mœurs et de croyances que nous n'entamerons jamais parce que vouloir le modifier serait commettre une véritable hérésie, un non-sens économique et social, qui est d'ailleurs au-delà de nos forces.
               Lorsque Mahomet, ce grand pasteur de peuples qui était un homme de génie, a lancé la masse de ses adeptes sur les terres qu'il leur a montrées du doigt comme un patrimoine à occuper, il savait bien qu'il ne les installait ni en Touraine ni en Normandie. C'était le pays de la soif qu'il leur donnait, n'en ayant pas de meilleur à sa disposition, un sol où la lutte pour la vie est plus âpre, plus décevante que sur les borda de la Loire, et force lui était de façonner ses hommes pour l'existence à laquelle ils étaient voués.

               Elle ne leur permettait en Afrique ni les paisibles méditations d'un Sénèque, ni les ambitions de haut vol d'un Constantin, elle leur interdisait les longs espoirs et les vastes pensées. Il fallait disputer sa vie aux fauves et au siroco, ne bâtir nulle part parce qu'on pouvait être chassé de partout par les bêtes ou par la sécheresse, ne pas morceler le sol par la propriété individuelle, mais organiser l'exploitation pastorale en commun et la transhumance, n'avoir en matière de confort que des exigences minima, mépriser la mort, subir sans une plainte ses coups de faux et combler avec sérénité les vides qu'elle creuse.

               Mahomet interdit alors à ses fidèles les angoissantes recherches de l'esprit, et il saisit toute cette population par les entrailles :
               " Grattez la terre ici et là, leur dit-il, partout où vous trouverez de l'eau, le sol ne vous manquera jamais. Campez, mais ne bâtissez pas, car d'un moment à l'autre il vous faudra transporter ailleurs vos troupeaux ; soyez sobres, car le vin ne vaut rien sous le soleil ; multipliez-vous par la polygamie, car la mort vous visitera souvent ; tous les accidents dont d'autres moins forts que vous se lamenteraient vous trouveront indifférents, t muets devant la volonté de Dieu, et vous quitterez la vie avec bonheur, car je vous attends dans les " délices de mon Paradis. "

               La religion de l'Islam fut ainsi fondée, supprimant tous les problèmes troublants du libre arbitre et soumettant ses adeptes, à la doctrine du fatalisme, singulièrement commode dans la pratique de la vie, Ce n'est pas ici le lieu de mettre l'Islamisme en parallèle avec la religion chrétienne qui maintient notre conscience aux prises avec elle-même et lui impose des devoirs toujours nouveaux, avec des élans constants vers le vrai, le beau et le bien, vers la perfection.

               Bornons-nous à constater que les hommes façonnés dans le moule du fatalisme ne sont jamais vaincus dans la lutte de l'existence, parce qu'ils n'ont jamais conscience de leur défaite et que, serviteurs passifs de la volonté divine, ils ne cherchent rien en dehors des manifestations de cette volonté : Mektoub !
               N'essayez pas de comprimer l'Islam, c'est une force incoercible, une doctrine qui devait séduire par sa simplicité même les populations qu'elle a asservies. N'essayez pas d'avantage d'imposer aux Arabes vos coutumes, vos mœurs judiciaires, votre mur mitoyen, vos licitations et tous les rouages de votre procédure aussi compliquée que ruineuse.

               Ils n'ont que faire de cet arsenal et de votre papier timbré ; ce qu'ils veulent, ce qu'ils aiment, ce qui leur convient, c'est la justice sommaire, expéditive, serait-elle boiteuse. Ne soyez pas plus royalistes que le roi, et ne prétendez pas faire leur bonheur malgré eux.
               Il faut donc, messieurs, accepter la race arabe comme une vérité ethnologique qui a droit de cité sur terre, à côté des races chrétiennes et de la nôtre en Algérie.
               Gardons-nous de mêler des querelles théologiques, des préoccupations confessionnelles à notre politique algérienne.
               Cette politique est tout indiquée par la raison.

               Nous sommes destinés à vivre avec les Arabes, à utiliser leur capacité spéciale pour l'exploitation de ce pays, et notre premier devoir est de respecter sans arrière-pensée leurs moeurs et leur religion, en bannissant de notre esprit et de notre programme toute idée d'assimilation.
               Agir autrement serait plus qu'une faute, ce serait une maladresse.
               Notre gouverneur général, M. Cambon, ne cesse de le répéter avec la hauteur de vues qui lui est habituelle, la France est en Afrique, une grande puissance musulmane et elle ne doit jamais l'oublier.

               Montrer notre force aux populations indigènes ne suffit pas, il faut aussi leur inspirer confiance, les pénétrer de cette idée qu'elle n'ont rien à craindre avec nous pour leur moeurs, leurs coutumes, dont nous reconnaissons, non seulement la raison d'être, mais la légitimité régionale.
               Pour en finir avec cet ordre d'idées et démontrer aux yeux de nos détracteurs combien peu nous sommes arabophobes, je dirai que si l'arabe n'existait pas dans le désert, sur les Hauts-Plateaux, dans les plaines brûlantes du Tell, que l'on regarde trop en France comme un jardin, il faudrait l'inventer.

               Est-ce à dire qu'il faille abdiquer devant les indigènes et ne pas leur faire sentir constamment le poids de l'autorité souveraine de la France ? Vous connaissez trop, messieurs, mes principes à ce sujet pour ne pas me dispenser de répondre. Les récents attentats dont nos colons ont été victimes, ont soulevé mon horreur comme la vôtre, en confirmant à mon sens la nécessité d'appliquer en matière de crimes commis par les Arabes le système de responsabilité collective que tous, sans exception, vous avez voté à plusieurs reprises. Il consisterait, en territoire de commune mixte, à s'assurer de la personne ou des biens des chefs indigènes tant qu'ils n'auraient pas livré le coupable ; ils le connaissent toujours, mais souvent lui assurent l'impunité au lieu de le remettre à la justice.
               L'Arabe ne doit pas voir dans le Français un ennemi, mais il doit trouver en lui un gendarme vigilant, qui ne se paie pas de mots ou de faux-fuyants, qui ne veut pas être joué, et la crainte du gendarme est le commencement de la sagesse.

               Ne nous le dissimulons pas, Messieurs, nous avons à faire avec les criminels indigènes à des individus d'un tempérament particulier Cette race habituée aux châtiments impitoyables des Turcs, se rit de nos peines qu'elle regarde presque comme des titres de noblesse. Vous voyez les condamner Arabes, retour de Cayenne, accueillis dans les douars comme de valeureux soldats soi tant de campagne, choyés, félicités. Naguère, un de nos collègues musulmans, dont le fils, l'honorable M. Ben Badis, siège aujourd'hui au milieu de nous, justement indigné d'un pareil état de choses, proposait de rétablir la pénalité turque qui coupait aux voleurs la main gauche, et en cas de récidive la main droite... De tels châtiments répugnent à notre civilisation, mais à une situation exceptionnelle, il faut évidemment des mesures exceptionnelles, si l'on veut qu'elles soient efficaces, et je suis convaincu qu'on n'arrivera que par la responsabilité collective, sous telle ou telle forme, à établir en Algérie pour nos colons la sécurité relative qu'ils sont en droit d'exiger, sans toutefois pouvoir prétendre supprimer dans ce pays les attentats contre les biens ou les personnes qui se commettent partout.
               Sur cette question de la sécurité nous ne cesserons à chacune de nos sessions d'élever la voix et de faire entendre nos pressantes et légitimes réclamations.

               J'ai hâte maintenant, mes chers collègues, de vous convier à reprendre le cours de vos fructueux travaux dont le département attend avec impatience les résultats.
               Parmi ceux qui vous tiennent le plus à cœur, vient en première ligne, la constitution de notre réseau départemental de voies ferrées. C'est la grande oeuvre du conseil qui, grâce à votre persévérance, à votre ténacité, est entrée enfin dans la phase pratique.

               Vous le savez depuis longtemps, les dépenses nécessitées par la création de voies ferrées, ne font plus reculer un économiste. Les routes constituent un moyen de transport à la fois insuffisant et onéreux, puisque, en dehors du capital de construction elles demandent un entretien continuel ; elles ne peuvent servir que de chemins d'accès à la voie ferrée, seule capable de faire arriver nos produits sur les marchés et dans les ports à un prix voisin du coût de production. Les crédits que vous avez votés et voterez encore pour compléter et perfectionner l'outillage d'exploitation nécessaire aux producteurs seront des dépenses de père de famille qui ne tarderont pas à être profitables.

               Vous le savez, Messieurs, c'est toujours pour la fin de son discours que le président d'une assemblée réserve ce qui tient le plus au coeur à ses collègues. Vous me saurez donc gré de ne pas avoir encore adressé à l'administrateur éminent qui vient de nous quitter vos adieux d'affectueuse estime.
               Joignant à un esprit délié et pratique, d'une finesse de bon aloi, les qualités du caractère le plus aimable qui en faisaient un véritable charmeur, Monsieur Mengarduque n'avait au conseil que des amis, qui sont heureux du légitime avancement dû à son mérite, s'ils regrettent pour le département le départ d'un fonctionnaire profondément dévoué à nos intérêts régionaux.

               Je ne saurais faire un plus bel éloge de son honorable successeur qu'en disant que sa réputation l'a précédé à Constantine et qu'il remplacera dignement Monsieur Mengarduque. Au nom du conseil général, je souhaite à Monsieur le préfet Ducos la plus cordiale bienvenue.
               Nous devons aussi un adieu sympathique à Messieurs Cassiau et Louis Lavie que des motifs de santé ont éloignés du conseil : ils ont laissé au sein de cette Assemblée le souvenir d'hommes d'un commerce agréable et dont les lumières étaient précieuses.

               Je suis heureux de saluer en votre nom nos nouveaux collègues, leurs successeurs, l'honorable Monsieur Renier, directeur du Syndicat des viticulteurs, et l'honorable Monsieur Dukers, président de la Chambre de Commerce de Constantine, qui viennent apporter au département le Concours de leur longue expérience des affaires agricoles et commerciales et de leur patriotisme éclairé. Leur éloge n'est plus à faire.

               J'ai la douleur, en terminant, de déplorer la mort de notre vénéré collègue, Si Ahmed ben Sliman, dont nous avons tous apprécié les nobles qualités : c'était un vaillant et fidèle serviteur de la France, dont le zèle et le dévouement pour les intérêts algériens ne se sont jamais démentis. Je termine,
               Messieurs. Il ne me reste qu'à vous remercier encore de l'insigne honneur que vous m'avez fait en m'appelant à présider à vos délibérations.
               Continuons à travailler ensemble pour le grand bien de notre département et la prospérité de l'Algérie !
DISCOURS DE M. JEROME BERTAGNA.          
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56010512/f15.item#

              

LA PLUME ET LE SILENCE
Envoyé par M. Joachim Sardella


Avec quelques amis, amis de soirs de fête,
J'ai poursuivi la rime en m'essayant poète,
Empreint d'humilité, marchant dans les sillons,
De Charles Baudelaire et de François Villon. 

   A de vaines amoures mon âme s'est osée,
J'ai beaucoup oublié et surtout pardonné,
Car j'ai aimé la vie malgré ses aléas
En profitant des hauts et en gommant les bas.

Pour un pays volé, pour un destin brisé,
A ressasser en vain les bribes du passé,
L'Histoire et ses rapines ont ombragé mon ciel,
En perdant mes racines, j'ai déployé mes ailes.

Etonné et heureux d'être un Encore Vivant,
Je prendrai chaque jour, et même les suivants,
Et quand de l'ici bas je n'attendrai plus rien,
Je voudrais m'en aller en caressant mon chien,

Retrouver le sourire en sortant du sommeil,
Dissiper les nuages à grands coups de soleil,
M'abreuver de fraîcheurs dans quatre gouttes d'eau,
Et ne rien regretter en fermant le rideau,

Il reste quelques pages au livre de ma vie,
Tout comme bon Chrétien, certain de Paradis,
Certes ne suis pressé, et laisse en attendant
La plume et le silence… Faire le reste du temps

SARDELLA Joachim - 11/11/1961-11/11/2022.



LA CALLE HISTORIQUE
Par M. Robert Costanzo
La Calle Academy : La revue des Story
Contributeurs :
Tous les membres de groupe " Les Anciens de La Calle Généalogie "
Les scrutateurs de La Calle Academy " du Groupe MSN
L'Amicale des Callois et Amis
Superviseur de La Calle Academy : Georges Barbara
Pilotage et Rédaction : robert.costanzo@wanadoo.fr

              Source
              Les différents éléments historiques suivants ont été rassemblés par l'Amicale des Callois et notamment par Christian Costa qui a fait un travail de recherche et de synthèse grâce aux différentes publications dont les extraits du Mémoire Vive n°49

               Situation géographique

              Située sur la côte algérienne, à une vingtaine de kilomètres de la frontière tunisienne, La Calle occupe l'emplacement de l'ancienne cité romaine Tuniza (du Berbère " Tounès " signifiant bivouac), (ou Tuniha), figurant sur les cartes de l'Empire romain dressées au 3ème siècle.

              Vers le 10ème siècle
              Ce petit port s'appelle Mers-El-Kharez (signifiant le port aux breloques ou Massacarès en transcription européenne). Ce nom s'explique par le fait que les fonds marins recelaient des coraux, très recherchés à l'époque, qui étaient transformés en bijoux de toutes sortes. C'est une petite ville entourée d'une forte enceinte et munie d'une citadelle. Les environs sont peuplés de nomades arabes. La prospérité des habitants repose sur la pêche au corail qui s'y trouve en grande quantité, et qui est supérieur en qualité à celui du reste du monde… Le banc y est exploité tous les ans. On y emploie en tout temps cinquante barques plus ou moins… ".

              1524
              Thomas Lenche et Monet Deidier, négociants à Marseille, entreprennent sur la côte de Barbarie l'exploitation du corail et le négoce.
              Les Deidier, père et fils, sont à l'origine de l'établissement de Bastion de France, avec les Lenche sur les côtes de la province de Bône, au cap Rouge, appelé aussi cap des Roses. Ils ont l'autorisation de Soliman 1er (1520-1566). L'établissement est situé entre La Calle et le cap Stora.

              En 1534
              En raison du traité de paix conclu avec Charles-Quint, Moulay Hassan, sultan de Tunis, offre aux Chrétiens le monopole de la pêche du corail. De Tabarka à Bône, toute la côte est mise sous contrôle chrétien, en échange d'une redevance de 5%, sur le trafic commercial, versé au Trésor Public tunisien.
              Mais l'acte signé est difficile à exécuter car les tribus algériennes sont réfractaires aux ordres de Tunis, d'autant que la présence étrangère (espagnole et italienne surtout) est perçue comme une occupation militaire.

              En 1540
              La Sublime Porte, du temps de Soliman 1er, confirme ce privilège à son allié François 1er, moyennant une redevance très importante. A la suite de ce contrat, des campagnes de pêche sont organisées avec des bateaux à rames et à voiles latines, de modestes dimensions, armées par des équipages du Cap Corse, et souvent la proie des navires barbaresques.

              En 1553
              La famille Linci (ou Lincio), armateurs entreprenants, originaire de Morsiglia dans le Cap Corse, va normaliser ces campagnes. Thomaso Linci, dit Thomas Lenches, né aussi à Morsiglia mais établi à Marseille, avec l'aide du Marseillais
              Carlin Didier, va être l'artisan d'un traité entre le roi de France Henri II et le Dey d'Alger, par lequel il obtient la concession de la pêche du corail sur le site de La Calle du Massacarès.

              En 1560
              Ce traité étant confirmé par le roi Charles IX et le Sultan Soliman III, Thomas Lenches commence par édifier un établissement non fortifié, dans une baie à 10 km à l'Ouest de Massacarès : c'est le Bastion de France. Tout d'abord constitué d'un bâtiment servant d'abri et d'entrepôt, il va s'étendre et s'enrichir d'une église (Ste Catherine), d'un fortin, d'une tour et d'autres entrepôts. Dans le même temps, le havre de Massacarès est aussi occupé par la Compagnie française afin que ses navires puissent y trouver un abri. A cette époque, il ne reste dans cette ancienne ville, qu'un douar de Maures habitant sous la tente, et une mosquée où les Indigènes viennent faire leurs prières.
              Cet établissement français, ainsi composé du Bastion de France et de Massacarès, concentre autour de lui toute la communauté européenne qui, avec le temps, s'étale sur toute la côte jusqu'à Bône. L'opulence de la région se manifeste très vite grâce au corail et aux redevances payées d'avance par les Chrétiens.

              En 1568

              Les rivalités et les craintes ressenties par les Arabes qui voyaient d'un mauvais œil l'installation de la Compagnie Lenches, conduisirent à la destruction du Bastion de France. Ce dernier fut pourtant reconstruit l'année suivante, grâce à la ténacité de la famille Lenci.

              En 1582
              Cette famille obtient le monopole de la concession, grâce au contrat signé entre le Dey d'Alger et le neveu de Thomaso Lenci, le comte de Moissac. Dès lors, le Bastion de France va jouer un rôle prépondérant et la famille Lenci étend son privilège à la côte tunisienne. La Compagnie du Corail regroupe alors de 200 à 300 pêcheurs, tous originaires du Cap Corse. Cette compagnie monopolise le commerce français avec la Barbarie et se livre au commerce des épices avec l'Orient. Elle se range parmi les plus importantes entreprises commerciales françaises. Outre le corail, le Bastion fournit aussi de la laine, du blé, du cuir, de la cire, du raisin sec, des figues etc. Sa renommée est telle que le Bastion de France attire toutes sortes de nationalités : Anglais, Français, Espagnols, Hollandais, Antillais, Livournais, Pisans, Génois, Mahonnais et Juifs.
              Les successeurs de Thomas Lenches furent : Antoine Lencio (1568-1582), Visconte Lencio (1582-1592), Jean Porrata (1592-1597), Thomas Lencio Sieur de Moissac (1597-1608)

              En 1604
              Les relations avec Alger se détériorent. Le Dey, qui voit d'un mauvais œil l'extension et la consolidation des comptoirs français, fait raser de fond en comble l'ensemble des installations portuaires et des locaux commerciaux par l'amiral Mourad Raïs, et réduit le personnel du Bastion de France en esclavage. Il fallut toute l'habileté du roi Henri IV pour rétablir la famille Lenci dans ses droits. Le Bastion est reconstruit avec grande difficulté.

              En 1617
              Une nouvelle destruction du Bastion intervient à la suite d'une expédition d'intimidation organisée par la flotte française devant Alger.
              En ce début du 17ème siècle, la piraterie barbaresque sévit partout en Méditerranée, au point que le roi de France Louis XIII décide d'intervenir. Il charge un Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, Sanson Napolloni (dit Sanson Napollon, ou le Sieur Sanson des Linci et, de plus, ayant été consul à Alep, il maîtrise parfaitement la langue turque.), d'origine corse mais habitant Marseille, de négocier une paix avec les Turcs. Ce nouvel ambassadeur est apparenté et héritier de la famille.

              En 1628
              Après 2 ans de négociations laborieuses mais très habiles, un nouveau traité est conclu entre la France et le Sultan, par lequel le Bastion est rendu à la France, et les 2 000 esclaves libérés. Cette paix perpétuelle permet au Bastion de France d'être érigé en Gouvernement, et à Sanson Napollon d'être nommé Gouverneur avec l'accréditation de Richelieu. Le Bastion est alors reconstruit et fortifié, et les corailleurs se réinstallent avec une majorité de personnel originaire du Cap Corse. Le commerce prend soudain un essor fulgurant et se diversifie.
              A son apogée, on ne comptait pas moins de 400 bateaux corailleurs (coralines). Rien n'est entrepris sans en référer à Richelieu et Louis XIII. Mais ce succès suscite des jalousies de la part des Anglais, et surtout des Génois qui créent d'importants préjudices au commerce des Français, à tel point que Sanson Napollon se déclare en " état de belligérance " avec la république de Gènes. Il assiège à deux reprises le fort de Tabarka tenu par une famille génoise depuis 1543, les Lomellini. A la troisième tentative, le 16 mai 1633, par suite d'une trahison, la garnison du fort écrase l'assaut donné par les Français. Sanson Napollon est abattu et sa tête clouée sur le portail de la forteresse génoise.

              C'est donc sous l'impulsion de Sanson Napollon que le Bastion de France a connu une telle prospérité et on peut dire qu'il en a été le véritable créateur.
              Toujours chargés de jalousies, les Génois fomentent une révolte des arabes contre le Bastion de France qui est détruit, le 13 décembre 1637, par la flotte barbaresque commandée par le corsaire Ali Bitchimi (ex-Italien nommé Bienini).
              Les successeurs de Sanson Napollon furent : Sanson Lepage (1633-1637), Coquel (1640-1643), Piquet (1643-1658), J. Arnaud (1666-1674), de La Font (1674-1678), Dussaut (1678-1687) et Pierre Hély (1691-1706).

              En 1679
              C'est donc Dussaut qui décide d'abandonner l'emplacement initial pour cause d'insalubrité. En effet, la proximité des nombreux lacs, foyers de miasmes et de malaria, nuisait aux corailleurs que les fièvres décimaient à 90% ! Le Bastion de France s'installe sur l'Îlot de France, face à Massacarès situé à environ 10 km à l'Est de l'ancien bastion. Cette petite ville naissante est fortifiée, pourvue de quais, de magasins, d'un lazaret, d'un hôpital, d'une église - la première construite en Afrique du Nord -, de postes militaires, enfin de tout ce qui était indispensable à la vie et à la défense de ses 2 000 habitants. Cet embryon de ville donnera naissance au site actuel de La Calle (ou La Cale). Le nom de La Cale figure d'ailleurs au côté du Bastion de France sur les cartes du début du 17ème siècle. Ce nom lui avait été attribué en raison des facilités pour " caler " les bateaux qui venaient, depuis bien longtemps, se réfugier dans les deux anses, selon la direction du vent. Toutes les maisons de la Presqu'île, ainsi que l'église, datent ainsi de la fin du 17ème siècle.

              A la fin de ce 17ème siècle
              Suite à des malversations d'un certain Picquart, responsable de la Compagnie Lyonnaise - seul exploitant de la pêche du corail - la concession est accordée aux Anglais pendant une dizaine d'années.

              Durant tout le 18ème siècle
              On assiste à des tribulations commerciales, tantôt favorables, tantôt néfastes, avec de nombreux changements de concessionnaires. Ainsi, du milieu du 17ème à la fin du 18ème siècle, se sont succédées : la Compagnie Lyonnaise, la Compagnie Dussaut, la Compagnie Hély, la Compagnie d'Occident, la Compagnie des Indes, la Compagnie Royale d'Afrique.

              En 1788

Plan de la colonie avec l'Îlot de France

Vue de la colonie La Calle Academy : La revue des Story


               En 1798
              En représailles de la campagne d'Égypte engagée par Napoléon, La Calle est de nouveau détruite et pillée. La concession est de nouveau remise aux Anglais durant dix années, puis restituée aux Français le 17 mars 1817.

              En 1827
              En relation directe avec les faits relatifs à l'affaire du blé algérien acheté par la France, et en riposte au blocus des côtes algériennes qui s'est ensuivi, La Calle et l'Ilot de France sont une dernière fois incendiés par les Turcs. Ces événements conduiront, trois ans plus tard, à la conquête de l'Algérie.

              Ainsi, en l'espace de trois siècles, une suite ininterrompue de destructions se sont succédé 1286, …, 1551, 1568, 1586, 1604, 1617, 1637, 1658, 1683, 1744, 1798, 1807, 1827.

              En 1836
              Le 14 juillet, à la tête de quarante cavaliers, Berthier de Sauvigny entre à La Calle, où les autochtones l'accueillent chaleureusement. Les immeubles sont restaurés, et bientôt des corailleurs reviennent, de Corse, de Sicile et de Naples. En même temps, des colons européens s'installent dans les environs, et la population ne cesse de grandir : vers 1900, la ville compte environ 6 000 habitants. La plupart des italiens se font naturaliser Français.

              A partir de 1850
              La cité va s'étendre progressivement sur la terre ferme, en face de l'Îlot et, le 22 novembre 1887, le projet de construction du port est approuvé, après 10 années de tergiversations et tentatives malheureuses.

              1930
              Le Bastion de France a été classé monument historique le 9 septembre 1930.
La Calle vers 1960



SATISFACTION
BONJOUR N°37 du 18 juin 1933, journal satyrique bônois.
Tennis

               Décidément, Bône dans presque toutes les branches des sports veut se placer non seulement à la tête du département mais encore devant l'Algérie tout entière.
               Les membres du Tennis-Club, de Bône viennent de remporter d'éclatantes victoires à Alger.

               En simple, Dalaise a battu nettement Antoni, l'espoir Algérois.
               En double mixte, Mlle Pincemaille-Gassiot gagnèrent sur Mme Armand-Vigna.
               En double hommes, Dalaise et Gassiot battirent Rouland-Chauveau, Algérois.
               La finale du championnat d'Algérie de double-hommes se joua devant une foule considérable, l'équipe Algéroise avait la réputation d'être la meilleure.
               Et en voici le résultat technique 5-7, 8-6, et 10-8, ce qui indique l'acharnement de la partie. Toutes nos très vives félicitations aux joueurs Bônois.

Succès Bônois

               M. Norbert Rapidi qui vient d'obtenir une citation au palmarès avec mention honorable au Concours de l'Académie des Jeux Floraux de Constantine, nous envoie le texte du poème primé "Cauchemar " et nous demande de l'insérer. Nous avons le regret de ne pouvoir donner satisfaction à notre jeune concitoyen.
               Son poème est beaucoup trop long pour notre cadre. Il est impossible de le fragmenter sans le dénaturer.
               Nous adressons à M. Norbert Rapidi nos plus vives félicitations.
 


ALGERIE INCONNUE
LOUIS DE SAINT QUENTIN
ACEP-ENSEMBLE N° 303-mars 2017

CE QUE TOUS LES FRANÇAIS
DOIVENT SAVOIR DE
L'ALGERIE FRANÇAISE
                  
               Il faut savoir :
                Que l'Algérie n'est pas, comme certains le croient, une terre de richesses fabuleuses où quelques gros colons, vautrés dans leur or, tiennent en esclavage une population d'indigènes faméliques.

                Il faut savoir :
                Que sur 1 200 000 Français européens qui habitent l'Algérie, on compte à peine 21 000 colons,
                21 000 colons dont 120 seulement ont des propriétés qui excèdent deux cents hectares,
                Dont 7 000 ne possèdent pas chacun dix hectares ;
                Qu'il y a donc en Algérie 1180 000 Français européens qui ne sont pas des colons. Que sont-ils ? Des artisans, des employés, des ouvriers, des fonctionnaires, des commerçants, des avocats, des médecins, des ingénieurs... exactement comme on en voit à Draguignan, à Nevers et à Evreux ;

                Qu'en dehors d'une classe aisée qui comprend à peine 15000 personnes, le revenu moyen de ces Français d'Algérie est inférieur de 20% à celui des Français de la métropole.
                Mais que ces Algériens, tout en restant profondément français, sont aussi attachés au pays qu'ils habitent que les Français de France le sont à leur province.
                Car leurs grands-parents ou arrière-grands-parents, lorsqu'ils se sont établis en Algérie, n'y sont pas venus pour s'y enrichir et retourner ensuite chez eux ; ils y sont venus pour y vivre, pour s'y fixer définitivement, pour que leurs enfants y demeurent. Ils sont devenus des autochtones.

                Il faut savoir :
                Que l'Algérie n'a que 11 millions d'hectares de terres cultivées (1)
                Et que sur ces 11 millions d'hectares, 9 millions, c'est-à-dire plus des trois quarts appartiennent à la population musulmane, 2 millions d'hectares seulement à des Européens.

                II faut savoir :
                Que la plus grande partie des terres européennes a été gagnée sur des steppes jadis incultes ou sur des marais jadis inhabités parce que mortellement insalubres (2) ;
                Que le vignoble algérien, qui occupe 372 000 hectares, a été, dans sa presque totalité, créé de toute pièce par des Européens, et qu'il distribue, chaque année, prés de vingt milliards de francs de salaires,

                IL FAUT SAVOIR AUSSI...
                Il faut savoir :
                Que le pays qui se nomme aujourd'hui l'Algérie n'était pas en 1810, à l'arrivée des Français, un pays comme l'étaient le Maroc et la Tunisie ;
                Que ce pays se composait alors d'un ensemble de tribus sans aucun lien entre elles ;
                Que ces tribus étaient même animées les unes envers les autres d'une hostilité que l'occupant turc avait pris bien soin d'entretenir, de crainte qu'une même haine pût les unir contre lui ;
                Que le sentiment de patrie était., chez ces populations, totalement ignoré
                Que ce pays n'avait même pas de nom. (4)

                (1) Parce que, si étrange que cela paraisse, l'Algérie n'a que 11 millions d'hectares de terres cultivables. 11 millions d'hectares sur 220 millions, Une proportion de 5 %.
                (2) A Boufarik, en quatre ans, de 1837 à 1840, on compte 331 colons décédés sur 450.
                (3) C'est une erreur de croire qu'une conversion de ce vignoble en cultures de céréales améliorerait la situation alimentaire. Ces terres seraient-elles même distribuées gratuitement à de petits exploitants, que leur production en céréales serait loin d'atteindre chaque année la valeur de vingt milliards de francs qu'elles assurent actuellement sous forme de salaires.
                (4) Le nom d'Algérie date d'une ordonnance de 1842.


                II faut savoir :
                Qu'en ce pays régnait, à l'état endémique, la peste, la variole, le typhus, et que le chiffre de la population était en diminution constante depuis l'époque romaine ;
                Que ce chiffre de la population musulmane, qui était, en 1830, tombé à moins de deux millions, est aujourd'hui de huit millions trois cent mille ;
                Que la population musulmane s'accroît actuellement de 225 000 âmes chaque année - ce qui pose un grave problème sur le plan alimentaire (1) ;
                Qu'un des effets de cette progression démographique (2) est que la moitié de la population musulmane est âgée de moins de vingt ans.

                Il faut savoir :
                Qu'avant l'arrivée des Français, les plaines étaient inhabitées, les cultivateurs ne pouvant se mettre à l'abri des pillards (3) qu'en demeurant dans les montagnes ;
                Que 700 centres ruraux furent alors créés et aménagés par l'Administration française, lesquels sont devenus des villages qu'habitent aujourd'hui les deux éléments de la population - et certains même des villes (comme Sidi-bel-Abbès, Boufarik, Tizi-Ouzou, Bordj-Bou-Arréridj...) ;
                Qu'en raison de leurs méthodes archaïques, les agriculteurs musulmans n'obtenaient, jusqu'à ces dernières années, dans la culture des céréales, que des rendements très inférieurs à ceux qu'enregistrent les agriculteurs européens (4)

                (1) Problème qui, évidemment, ne se poserait pas si, l'exemple de certaines nations, la France avait anéanti ou même simplement laissé s'éteindre la population autochtone mais ce n'est pas ainsi qu'opère le " colonialisme " français.
                (2) Une des plus fortes existant dans le monde.
                (3) Les nomades, éternels ennemis des sédentaires.
                (4) Quatre quintaux et demi à l'hectare au lieu de neuf, (A noter que ce dernier chiffre est, à cause de la pauvreté du sol, très inférieur, lui-même, aux rendements de la métropole qui atteignent vingt-trois à vingt-cinq quintaux à l'hectare.)

                Que l'éducation technique des agriculteurs musulmans a été dés lors organisée et une grande échelle par la création d'organismes nommés Secteurs d'Amélioration Rurale établis en grand nombre dans le bled, ont pour mission de mettre à la disposition du fellah du matériel moderne et de lui enseigner Ies méthodes rationnelles de travail. On calcule que si l'on réussissait à élever de cinq quintaux à l'hectare le rendement de la culture musulmane, il en résulterait une augmentation de la production annuelle qui résoudrait le problème alimentaire.
                Qu'outre les nombreux forages de puits qui ont été pratiqués dans les régions dépourvues d'eau, onze grands barrages ont été construits, qui permettent d'irriguer 140 0.00 hectares.

                Il FAUT SAVOIR ENCORE...
                Il faut savoir :
                Que la nationalité a été donnée à tous les Musulmans algériens par un senatus-consulte de 1865 ;
                Qu'une loi du 20 septembre 1947 a proclamé l'égalité absolue des droits entre Français d'origine métropolitaine et Français?musulmans
                Que cette, loi de 1947 déclare notamment toutes les fonctions dans les administrations, les services publics ou concédés, dans les armées de terre, de mer ou de l'air et dans la magistrature, également accessibles aux deux éléments ethniques ;
                Qu'un décret de mars 1916 tenant compte de ce que les jeunes Musulmans éprouvent souvent, du fait de certaines coutumes familiales, un retard dans leurs études a reculé, pour ceux-ci, la limite d'âge dans tous les examens et concours.

                Il faut savoir :
                Que l'enseignement primaire en Algérie.. 12 000 classes fréquentées par 523000 enfants musulmans ;
                Que l'enseignement secondaire est donné, dans 51 lycées et collèges à 35000 élèves, tant européens que musulmans ;
                Que l'université d'Alger, la troisième de France, compte 5200 étudiants, dont 550 musulmans ;
                Que la formation professionnelle est donnée à plus de 12 élèves des deux groupes ethniques

                Il faut savoir :
                Que dans toutes ces écoles, les enfants musulmans et européens sont reçus sans aucune distinction, comme ils le sont, du reste, partout. Il n'y a pas en Algérie, de discriminations raciales, comme celles qui, dans certains pays, réglementent l'entrée dans les hôtes ou les tramways, selon la couleur de la peau.
                Coude à coude sur les bancs de l'école, les Français des deux origines se retrouvent coude à coude dans les rangs de l'armée où se forgent entre eux les liens d'une indestructible amitié. L'armée de la Libération (Tunisie, Italie, Corse, Provence, Rhin et Danube) constituée en Afrique du Nord et formée pour la plus grande part, de volontaires, se composait de 250000 français d'Algérie et de 240000 musulmans.

                FAUT SAVOIR ENFIN…
                Il faut savoir enfin, nous le disons un peu en désordre :
                Que l'équipement sanitaire de l'Algérie comprend:
                - 150 hôpitaux, avec 30 000 lits. Dans les hôpitaux d'Algérie neuf musulmans pour un européen
                - un Institut Pasteur,
                - 2 000 médecins,
                - des colonnes médicales mobiles qui luttent sans répit contre le paludisme, la tuberculose, le trachome. Dans les seuls Territoires du Sud, plus de 3 millions de consultations ont été données en 1956 aux populations musulmanes. Ila été pratiqué 3300 opérations des yeux.
                - sans parler d'innombrables oeuvres privées ;

                Que l'Algérie a :
                - un réseau routier de 80000 kilomètres sur lequel circulent 130000 véhicules automobiles (voitures et cars),
                - un réseau ferroviaire de 4350 kilomètres, transportant chaque année 15 millions de voyageurs,
                - 32 aérodromes, sur lesquels atterrissent annuellement 10000 avions,
                - 14 ports modernes,
                - 16 000 kilomètres de lignes téléphoniques,
                - une production électrique de 950 millions de kilowatts-heure.

                Que l'Algérie est tout ensemble le principal client et le principal fournisseur de la métropole. L'Algérie a, en 1954, vendu à la France pour 102 milliards de marchandises, et lui en a acheté pour 172 milliards. ;
                Que les Français européens paient, à eux seuls, 80 des impôts directs - lesquels sont consacrés, pour les neuf dixièmes, à l'amélioration des conditions de vie des populations musulmanes ;
                Que les Musulmans algériens qui travaillent en France envoient, chaque année, 40 milliards de francs à leurs familles ;
                Que les salaires agricoles sont les mêmes pour les européens (Il y a en Algérie, 5 000 ouvriers agricoles européens.) et pour les Musulmans, et que ces salaires, bien que considérés pat la France comme trop bas, sont à égalité avec ceux d'Espagne et d'Italie, et quatre à cinq fois supérieurs à ceux des fellahs des bords du Nil ;
                Que, pour faire face à l'accroissement de la population - lequel nécessite la création de 60 000 emplois nouveaux chaque année - il est fait actuellement un intense effort d'industrialisation de l'Algérie, notamment dans la zone de Colomb-Béchar où l'on trouve, en importants gisements, charbon, fer, manganèse, cuivre, et où a surgi, en quelques semaines, au milieu des dunes de sable, une véritable ville-champignon qui s'étend tous les jours ;
                Que cette industrialisation du Sud-algérien peut être puissamment aidée par la découverte faite récemment au Sahara de poches de gaz naturel dont l'une, celle de Djebel-Berga, près d'In-Salah, est d'une exceptionnelle importance ;
                Que les prospections minières faites au Sahara ont révélé l'existence d'importants gisements de fer, de cuivre, de plomb, de potasse, de tungstène, de nickel, d'étain, de chrome, d'uranium ;
                Que le seul gisement de fer de Tindouf pourra fournir quelque dix millions de tonnes annuellement. Ce qui dépasse largement la capacité d'absorption de l'industrie française ;

                Et disons, pour finir :
                Que les prospections pétrolières depuis 1952, sont confiées à quatre sociétés dans lesquelles les trois quarts des capitaux sont français ;
                Qu'en cinq points déjà les sondages se sont révélés productifs ;
                Que les réserves en pétrole du Sahara sont, d'après les estimations les plus modérées, de même importance que celle du Venezuela - dont la production annuelle représente actuellement le cinquième de la production mondiale ;
                Et qu'avant dix ans, a déclaré le président du Conseil Guy Mollet. ", le Sahara pourra satisfaire au moins la moitié des besoins de l'Europe."

                Mais n'oublions pas
                Que le sous-sol saharien a d'autres richesses : ses nappes d'eau artésienne ;
                Que l'une d'elles, dite de l'Albien, d'une capacité de dix mille milliards de mètres cubes, s'étend, dans le Sud-Algérois, à une profondeur d'environ quatorze cents mètres, sur une superficie supérieure à celle de la France ;
                Que les moyens actuels de forage permettent de faire jaillir l'eau, en trois semaines ou un mois, en un point quelconque de cette vaste région et donc d'y créer autant de centres de culture qu'on le désirera ;
                Que, pour commencer, des cités verdoyantes ne tarderont pas à apparaître à côté des puits de pétrole ;
                Et que, la vie se répandant de proche en proche sur toute l'étendue des régions aujourd'hui désertiques, le Sahara " peut devenir demain, comme le déclarait récemment M. M.-E. Naegelen devant l'Académie des sciences morales et politiques, une prodigieuse oasis qui étonnera le monde ".

                Terminons sur cette réconfortante perspective qu'a développée en détail l'ancien Gouverneur général de l'Algérie, faisant sienne la formule du président du Conseil : " LE MIRACLE SAHARIEN SERA LA GRANDE TACHE DE NOTRE GENERATION ".
                Et associons-nous à sa conclusion, lorsque insistant sur la nécessité de vocations sahariennes, il citait ce mot de M. Louis Armand, président du Bureau industriel africain : Le Sahara devra être non seulement un réservoir de ressources minières et pétrolières, mais une école d'énergie et d'initiative pour les Français."
Alger, avril 1957. Discours d'Arras, le 24 mars 1957.

    


Bône
Envoyé par M. Christian Graille

                 Ubo en syriaque, ubbo en phénicien, ubbon en arabe signifie baie ; le nom d'Hippone est une corruption du mot syriaque primitif ; il désigne une ville assise au fond d'une baie, et telle est en effet la position de d'Hippone. le b remplace le p dans la langue arabe et les modernes dominateurs de ces rivages ont appelé du nom de Bône la cité bâtie à la fin du onzième siècle avec les matériaux tirés des ruines de l'antique ville épiscopale de Saint Augustin.
                 Le voyageur Shaw et quelques autres ont pensé que Bône occupe l'emplacement d'Aphrodisium, mais il est guère vraisemblable qu'Hippone et Aphrodisium se sont trouvées ainsi à un quart de lieue l'une de l'autre. Bône est tout simplement l'héritière d'Hippone, et son nom est une corruption du nom de l'antique cité.

                 Bône avait été un des premiers points occupés après la prise d'Alger, mais on l'évacua au bruit de la Révolution de juillet.
                 La ville, un moment délivré d'Ahmed bey, chef de la province de Constantine, demeura abandonnée à ses propres forces.
                 Cependant Ahmed avait besoin d'un port par où pussent s'écouler les produits de sa province ; il ne perdit pas Bône de vue, dont les habitants lui fermaient les portes, et fit investir la ville du côté de la terre. Vers la fin de 1831, un secours fut envoyé aux Bônois : le chef de bataillon Houder, par ordre du général Berthezène, parut à la tête de cent vingt-cinq zouaves indigènes.
                 Une intrigue dont les fils étaient conduits par Ibrahim, ancien bey de Constantine, trompa les habitants sur le caractère de la mission du brave officier français. Il fut tué lorsqu'il cherchait à s'en aller, après de longs et inutiles efforts pour accompagner son œuvre.
                 La position de Bône devenait fâcheuse ; il importait de ne pas laisser Ahmed reprendre ce poste important, et de ne pas livrer à ses cruelles vengeances une population qui avait fait acte d'hostilité contre lui au profit de notre domination. Le duc de Rovigo résolut l'occupation de Bône par une garnison française. Il envoya le capitaine d'artillerie d'Armandy et le capitaine de chasseurs algériens Youssouf pour encourager et conseiller les habitants en attendant les forces promises. Détermination tardive !

                 Le 5 mars 1832, Bône, ayant épuisé ses derniers efforts de résistance, avait ouvert ses portes aux troupes d'Ahmed, et le malheur était rentré dans la ville avec les soldats du bey de Constantine. Nulle horreur ne fut épargnée aux malheureux habitants. La cité fut remplie de scènes du plus hideux brigandage : Pillage, meurtre, dévastation.
                 La ville où s'agitait la veille tout un peuple n'offrit plus que : des flots de sang, des débris et la solitude.

                 Ibrahim, l'ancien bey qui s'était saisi de la Casbah de Bône à l'époque du voyage du chef de bataillon Houder s'y était maintenu jusqu'à l'arrivée des capitaines d'Armandy et Youssouf ; il y avait vingt jours que les troupes d'Ahmed étaient maîtresses de Bône, et Ibrahim restait dans la Kasbah, il songeait à partir, quand tout à coup les deux hardis capitaines, par un merveilleux coup de main, pénétrèrent la nuit dans la citadelle avec une trentaine de marins et y plantèrent le drapeau français, qui depuis n'est plus descendu de ses murs.
                 Un épisode héroïque se mêle aux souvenirs de cette prise de la Kasbah de Bône. Youssouf avait été informé que les Turcs avec lesquels il était entré dans la Kasbah projetaient de l'égorger pendant la nuit, lui et tous les Français qui se trouvaient là ; il fait part du complot au capitaine d'Armandy lui révèle l'étendue du péril et lui annonce qu'il ne connaît d'autre moyen de salut que de sortir de la Kasbah avec ses Turcs.

                 " Mais ils te tueront, lui dit l'officier français. - Que m'importe, répond Youssouf ; j'aurai le temps d'enclouer les pièces qui sont à la Marine ; je succomberai, je le prévois, mais tu seras sauvé, et le drapeau français ne cessera pas de flotter sur Bône. "
                 Il dit et franchit avec ses Turcs la porte de la Kasbah, qui se referme. Parvenu au bas de la ville, Youssouf s'arrête, et, d'une haute et sévère voix, il fait entendre à sa troupe qu'il connaît le complot infâme, et dénonce les traîtres qui ont résolu de l'assassiner durant la nuit. Puis se tournant vers l'un d'eux : " Toi tu es du nombre, " lui dit-il. Et à ces mots il le tue.
                 Ce coup hardi et terrible cette courageuse attitude épouvantent la troupe qui tombe à ses pieds, et lui jure une inébranlable fidélité.

                 Youssouf, l'enfant inconnu de l'île d'Elbe, l'aventureux amant de la belle Kabourra, l'intrépide et loyal jeune homme qui, sur la plage de Sidi-Ferruch vint associer sa fortune à la fortune de la France, préluda noblement à Bône à des succès par lesquels son nom devait monter plus tard au rang des noms glorieux de notre Afrique.
                 L'arrivée d'un bataillon d'infanterie suivit d'assez près l'occupation de la Kasbah de Bône par les capitaines d'Armandy et Youssouf.
                 Trois mille hommes partis de Toulon sous les ordres du général Monck-d'Uzer débarquèrent à Bône dans les premiers jours de mai, déblayèrent la ville abandonnée, s'établirent sur ses ruines et lui donnèrent en peu de temps un aspect tout nouveau. Le général d'Uzer eut à repousser l'agression de quelques tribus voisines et les derniers efforts d'Ibrahim bey, mais la masse des tribus d'alentour se résigna en présence du déploiement des forces françaises. Ainsi commença l'établissement de notre domination dans cette province de l'Est qui s'était toujours montrée la plus tranquille de nos trois provinces d'Algérie.

                 Bône environnée d'un mur arabe dominée par la Kasbah, près de laquelle nous avons bâti une caserne renferme en ce moment (ceci a été écrit au mois d'avril 1846) une population d'environ huit mille cinq cents habitants ; depuis un an la population a augmenté d'un sixième.
                 Au 1er février 1846, elle se composait de la manière suivante ; ce relevé donne une idée de la physionomie si variée de la ville :
                 Français : 1.969 ; Maltais : 2.155 ; Italiens : 1.107
                 Maures : 1.308 ; Arabes : 133 ; Kabyles : 128 ; Marocains : 85
                 Nègres : 607 ; Turcs : 345 ; Kolouglis : 255 ; Biskris 16
                 Allemands : 247 ; Espagnols : 132 ; Portugais : 65
                 Anglais 16 ; Irlandais 13
                 Polonais 8 ; Russes 5
                 Grecs 11 ; Suisse 8.

                 Plusieurs mosquées s'élevaient à Bône ; il n'est resté qu'une grande mosquée appelée Djemma-el-Bey, et deux zaouïas ou petites mosquées dont l'une se nomme Djemma-Sidi- Krelif et l'autre Djemma-Sidi-Abderahman.
                 La plus importante mosquée a été transformée en hôpital militaire.
                 L'église, dont la construction est en projet, s'élèvera en dehors de l'enceinte actuelle, qui doit être agrandie ; elle coûtera cent soixante mille francs ; cinquante mille francs ont été accordés.
                 L'administration des bâtiments civils, qui exécute en ce moment un très bel hôtel pour le sous-directeur de l'intérieur, devrait enfin se mettre à l'œuvre pour loger Jésus-Christ, car Jésus-Christ à Bône n'a pas où reposer sa tête.

                 Divers canaux de dessèchement ; sept casernes ; un quartier de cavalerie
                 Un grand hôpital militaire ; un hôtel pour le général commandant la division
                 Un haras ; un établissement pour la manutention
                 Un arsenal pour l'artillerie ; les ateliers du génie militaire
                 Un établissement considérable pour les fourrages telles sont les œuvres exécutées par l'administration militaire depuis 1832 ;
                 On doit ajouter à ces œuvres le chemin de l'Edough qui permet aux voitures d'atteindre les régions les plus élevées de cette montagne.

                 Grâce à ce chemin l'Edough est constamment visité par les Européens et les Kabyles arrivent chaque jour au marché de Bone.
                 L'aqueduc, le château d'eau, la distribution des eaux dans les divers quartiers de la ville au moyen de fontaines et de bornes fontaines ;
                 le débarcadère, les égouts de la ville, le pavage des principales rues, cinq kilomètres de la route de Bône à Larouch, deux kilomètres de la route des Karésas, cinq kilomètres de la route du fort Génois, cinq kilomètres de chemins vicinaux autour de Bône, sont l'ouvrage de l'administration des ponts et chaussées.

                 Elle est en train de faire jeter un joli pont sur le ruisseau d'Or.
                 Quant à la construction d'un pont sur la Seybouse, elle n'est encore qu'en projet.
                 Le pont sera construit non pas à l'endroit où se trouve maintenant le bac, mis à cinq kilomètres de Bône.
                 La ville a un jardin des plantes ou plutôt une pépinière du gouvernement.
                 La garnison de Bône ne s'élève guère au-delà de deux mille cinq cents hommes.
                 Les condamnés militaires, occupés à divers travaux, y sont au nombre de deux cent quatre-vingt.
                 Il n'est pas de plus riche territoire que celui de Bône. Un admirable succès y serait promis à toutes les cultures à toutes les plantations du midi de la France. L'olivier s'y développe avec une vigoureuse promptitude.
                 Avec le bas prix actuel des grains, la culture la plus profitable est celle du tabac.

                 La colonisation agricole a commencé et se poursuit avec des travailleurs arabes plutôt qu'avec des travailleurs européens pour un raison simple, c'est que l'Arabe se paye beaucoup moins cher que l'Européen.
                 De plus, les Arabes qui étaient fort embarrassés de leurs produits avant la domination française, vendent maintenant tout ce qu'ils apportent, et les vendent à des prix bien plus élevés qu'autrefois.
                 L'exploitation des terres n'en devient que plus active et plus étendue.
                 Telle grande propriété, qui avait à peine six charrues arabes il y a six ans, en a maintenant soixante.

                 L'Algérie n'a pas de marché plus important que celui de Bône. Cette année (1846), depuis la récolte jusqu'aux semailles, il s'y est vendu pour 2.500,00 francs de grains.
                 Le port de Bône est le seul port d'Afrique qui voit arriver des navires en lest pour y recevoir des chargements.
                 La richesse de Bône n'a rien d'artificiel et de passager ; elle est réelle elle est solide parce qu'elle est fondée sur le sol. Quand les mines de fer des lieux environnants seront exploitées, il en sortira un grand mouvement industriel.
                 Il n'y a pas de village encore autour de Bône, et l'on s'étonne que de petits centres de population ne se soient pas établis dans une contrée où règne une si parfaite sécurité.
                 On trouve dans le voisinage quelques fermes et plusieurs petites maisons de campagne ou bastides.

                 La plus considérable de ces habitations champêtres est celle de M. Aillaud : on l'appelle le château. M. Aillaud, l'un des plus honorables et des principaux colons de Bône m'a donné des soins hospitaliers dont j'ai gardé le souvenir ; c'est lui qui a offert la portion de terrain d'Hippone où s'élève le monument de Saint Augustin, et, pour prix de son zèle religieux, il a reçu du Saint-Siège une flatteuse distinction.
                 La salubrité est une grande question dans nos possessions africaines. Le pays de Bône est très sain et j'ai même ouï dire qu'il n'y avait pas en Algérie de contrée moins visitée par les maladies. On m'écrit que le concierge di cimetière de Bône commence à se plaindre de l'insuffisance de son traitement et qu'il craint de mourir de faim au milieu de la santé universelle.
                 Un grand avenir est réservé à la colonisation agricole du pays de Bône. On a le projet de bâtir un caravansérail pour les Arabes. Des tribus sont campées sous des gourbis, à la porte appelée porte de Constantine ; une tribu est établie sur le coteau auprès de l'aqueduc de la fontaine.

                 Arabes, vivant là sous notre protection, m'ont rappelé les tribus qui, en 1832, après notre occupation de Bône étaient venues se placer sous le canon de la place pour échapper aux vengeances d'Ahmed bey. Un géographe africain du douzième siècle, Edrisi, parle des beaux marchés de Bône.
                 Le célèbre Aboulfeda : Prince, historien et géographe du treizième siècle dit que Bône est une jolie et ravissante cité.

                 Bône au seizième siècle avait trois cents feux.
                 Voici ce que dit des habitants de Bône Léon l'Africain. Nous citons la vieille tradition française : " Les hommes, dit-il, sont fort plaisants, dont les uns exercent le train de marchandises les autres sont artisans et tisseurs de toile, lesquels ils vendent en grande quantité aux cités de Numidie.
                 Mais ils sont tant outrecuidés et brutaux, qu'outre ils massacrent leurs gouverneurs, ils prennent encore cette présomption d'user de menaces envers le roi de Thunes (Tunis), et de rendre la cité entre les mains des chrétiens, s'il ne donne ordre qu'ils soient pourvus de bons et suffisants gouverneurs.
                 Et combien qu'ils soient superbes, ils ont néanmoins une simplicité grande qui accompagne leur outrecuidance.
                 La plaine de Bône est habitée par un peuple arabe appelé Merdez qui la cultive, nourrissant : plusieurs bœufs, vaches et brebis, le lait desquels rend tant de beurre à Bône, qu'on saurait à peine recevoir l'argent, et des grains semblablement.
                 Le géographe arabe ajoute qu'on venait de Gênes et de Tunis prendre du beurre et des grains à Bône.
                 Le marché de Bône se tenait le vendredi.

                 La course au fort Génois et au cap de Garde vaut la peine qu'on lui consacre une journée. Le fort Génois se montre sur une hauteur, à deux lieues de Bône. Nous l'avons trouvé par des condamnées militaires et des soldats libres.
                 Il fut bâti par les Génois, afin de protéger contre les corsaires la pêche du corail, que leur avait affermé sur cette plage le bey de Tunis.
                 Le trajet, depuis la ville jusqu'à ce fort, offre une belle végétation sauvage, mais pas une trace de culture. Les genêts magnifiques, les églantiers et les myrtes fleuris, les chèvrefeuilles et les bruyères roses sur leur tige élancée, ne suffisent pas à consoler de l'absence de l'homme.

                 La rencontre de quelques Arabes qui labouraient un petit espace de coteau défriché par leurs mains est devenue pour nous un intéressant spectacle.
                 Leurs charrues étaient légères ; ils piquaient les bœufs avec l'aiguillon pour les exciter à la marche, et accompagnaient les coups d'un bruyant langage qui semblait produire sur les bêtes le plus merveilleux effet.
                 A une lieue du fort Génois, à l'Est, nous avons visité de curieuses grottes situées aux bords de pentes escarpées qui font face à la mer du côté de Stora. La première grotte qu'on rencontre semble taillée dans le roc ; elle sert tour à tour d'abri et de demeure aux troupeaux et à leurs gardiens. Les deux autres grottes, appelées grottes des Saints, présentent d'étranges bizarreries : cavités découpures rocs suspendues formes étranges qui rappellent les effets fantastiques de certains nuages errant dans le ciel ou immobiles à l'horizon du soir.

                 L'imagination arabe doit se trouver à l'aise en face de ces jeux capricieux de la nature. Plus loin, on voit une profonde carrière de marbre rose et gris, ancienne carrière remise en exploitation par les Français, et d'où les Romains ont tiré beaucoup de monuments pour Hippone.
                 Nous avons reconnu la trace des instruments de fer à l'aide desquels les anciens maîtres du monde détachaient et enlevaient le marbre.
                 Il est probable que nul peuple n'avait touché à cette carrière depuis les Romains, car les dominateurs qui leur ont succédé n'ont pas bâti de monuments.
                 Après dix-huit siècles, la main française reprend la main romaine.
                 Dans les fentes et les interstices des marbres de la carrière croissent : le caroubier, la vigne, le figuier et le nopal (plante produisant la figue de Barbarie) ; cette végétation, qui se montre sur les flancs de ces masses à pic, est une surprise pour le voyageur.

                 Possidius, le pieux biographe de Saint Augustin, nous dit que les catholiques d'Afrique, poursuivis par les Vandales exterminateurs, cherchaient un refuge dans les grottes et les carrières.
                 Il est permis de penser que des souvenirs de proscription chrétienne se rattachent aux lieux dont nous venons de parler et la profondeur de cette carrière ont donc abrité des chrétiens fugitifs ; et ces retraites qui maintenant ne sont connues que du pâtre arabe, prennent à nos yeux un caractère vénérable.
                 Ce nom de grottes des Saints, resté à ces creux de rochers, ne serait-il pas un souvenir d quatorze siècles, qui rappelleraient les fidèles recueillis, au jour du malheur, dans le secret de ces asiles ?

                 Du haut des sommets du cap de Garde, j'ai contemplé de grands spectacles. En me tournant vers l'Ouest j'avais devant moi la Kasbah de Bône puis près le fort Génois puis les montagnes de l'Edough, que mon œil parcourait jusqu'à ses dernières cimes.
                 A droite, au Nord, la mer la côte escarpée déchirée bouleversée jusqu'au cap de Fer et aux rivages de Stora ; à gauche, au midi, la mer encore le golfe de Bône, le petit Atlas les dunes jaunes reluisant au soleil sur la route de la Calle et la plage jusqu'au cap Rosa.

                 Ainsi donc, la mer à droite et à gauche, avec de vastes tableaux tout différents. Le plateau où nous étions formait une presqu'île ; les deux mers semblaient se chercher et n'étaient séparées que par un court espace.
                 Au bout du cap de Garde, sur un amas énorme de rochers battus par les flots, s'élève un phare français qu'on aperçoit à dix lieues au large.
                 Les côtes d'Afrique sont mauvaises et ce n'est guère que du mois de mai au mois de septembre qu'on les aborde avec sécurité.
                 Mais de Stora au cap de Garde, la mer paraît livrée à une agitation éternelle ; la côte sans abri et sans plage, demeure fermée à l'espérance, et la poésie pourrait y placer le noir génie des tempêtes et l'empire de la destruction.
                 La physionomie générale de l'Afrique est sévère, les paysages gracieux y sont des exceptions. La nature s'y montre presque toujours avec des traits graves et durs.

                 Théocrite ( poète), Moschus (philosophe) et Bion (philosophe) n'auraient pas pu y naître : il n'y aurait point eu de place pour l'idylle et les pastorales.
                 Le génie des Africains est embrasé comme leur ciel indomptable comme leurs monts abrupte et violent comme la plupart des mouvements de leur sol agité comme leur mer. Tertullien (écrivain) est le type de ce génie.
                 Saint Augustin échappe magnifiquement à la loi africaine, de même que les pays de Tagaste et d'Hippone sont des exceptions à l'âpre caractère de ces contrées.

                 La contemplation de la nature occupe assez de place dans mes récits de voyageur. Chaque fois que j'exprime mon amour pour les beautés de l'univers, je crains un peu qu'on ne me confonde avec ceux qui, dans leur admiration de la nature, suppriment souvent Dieu et le remplacent par ses œuvres.
                 La croix prêche le détachement de ce monde, mais elle n'ordonne pas qu'on ferme les yeux devant tant d'admirables choses dont le globe est semé.
                 Je n'adore rien de ce qui est sur la terre, mais j'adore Dieu dans tout ce qui est.

                 Comme nulle beauté ne s'est faite elle-même, excepté la beauté éternelle le courant d'eau vive et le brin d'herbe qui s'y baigne, l'éclat le parfum le tissu des fleurs qui demeurent au-dessus de toute puissance descriptive ; la merveilleuse dentelure de la fougère et la soyeuse mousse des bois ou des vieux murs, le travail de la semence jetée dans le sillon et de la plante qui grandit par des progrès imperceptibles à tout autre d'œil qu'à œil de Dieu, la grâce du lis et la majesté du grand chêne, le vigoureux feuillage de l'aloès qui s'élance comme un large glaive et le palmier au noble front dont l'Arabe bénit le fruit et l'ombre les belles lignes des monts dont les sommets inégaux percent les profondeurs d'or ou d'opale des horizons du soir, les douces ondulations des collines qui découpent si mollement l'étendue : l'infini variété de tout ce qui nous environne le bruit lointain des fleuves et des mers ; la grave et lente mélodie des pins de la colline sous le souffle des brises passagères, toute cette sève ; tous ces parfums ; toutes ces beautés ; toutes ces harmonies ne sont pas des liens qui me garrottent ici-bas, mais plutôt des ailes toujours déployées qui emporte mon intelligence au sein de Dieu.

                 Un grand homme d'Afrique, Saint Cyprien, évêque de Carthage ne trouvait digne des regards d'un chrétien que le spectacle des beautés de l'univers.
                 Le lever du soleil et son coucher, la succession des jours et des nuits, la lune et ses changeants aspects qui marquent le cours des temps, les chœurs des étoiles étincelantes, la terre, les fleuves, la mer, la vie qu'on respire avec l'air l'inexprimable variété des merveilles de la création, voilà ce que Saint Cyprien voulait faire admirer.

                 Il est une pensée dont peuvent s'affliger les hommes qui se plaisent à échapper aux cités pour vivre au milieu de la nature.
                 L'on s'attache : au site où l'on a rêvé à l'arbre dont le feuillage s'est balancé sur notre tête, et, quand vient le jour du malheur, cette nature qu'on aimait reste indifférente ; rien ne change, ne s'émeut ; le ruisseau coule comme auparavant, le sentier fleuri garde ses sourires, l'arbre sa verdure et son même bruit.
                 Que l'homme meure, l'homme qui se proclame le roi de la création, et pas un brin d'herbe ne gémit dans cet univers qu'il appelait son empire. L'homme associe involontairement à sa vie morale les objets extérieurs, et lorsque tout à coup il leur demande un sympathique témoignage, il s'étonne qu'ils demeurent insensibles et muets. Ce qui parfois vous surprend douloureusement encore, c'est de voir une pauvre petite source une plante un arbre survivre à l'homme qui en était le possesseur. Ainsi l'homme dure moins longtemps que le rosier ou l'arbrisseau planté de ses mains et les gouttes d'eau qui s'écoulent devant sa chaumière.

                 A mon passage à Philippeville, j'avais appris la nouvelle d'une fâcheuse surprise essuyée par nos troupes au Sud de la province de Constantine ; cette nouvelle m'avait été répétée à Bône ; on ajoutait que cet échec produisait de l'émotion parmi les Arabes, et quelques amis m'engageaient à ne pas m'aventurer du côté de Constantine.
                 Le 6 mai, à une heure de l'après-midi nous quittions Bône.

Voyage en Algérie : Etudes africaines par M. Poujoulat (1868)


14 juillet à Bel-Abbès
Envoyé par M. Christian Graille

L'aspect général

                 Bel-Abbès, comme toutes les villes de l'Algérie, avait tenu à fêter dignement, et dans la mesure de ses moyens, l'anniversaire du 14 juillet.
                 Dès la veille la municipalité faisait décorer les principales artères de la ville de drapeaux et d'oriflammes fixés aux arbres de nos avenues, et la Place des Quinconces offrait le plus charmant coup d'œil.
                 La verdure y avait été disposée avec un goût parfait et le tout présentait un cachet pittoresque qui fait honneur à M. Collet, chargé d'une lourde besogne et dans un délai aussi restreint. Il s'est acquitté de sa tâche avec dévouement et conscience.

                 Nous avons malheureusement constaté le peu d'empressement d'une partie de la population à contribuer, par son initiative, à rehausser l'éclat de cette fête patriotique ; beaucoup trop de maisons brillaient par leur absence presque totale de drapeaux.
                 C'est un fait que nous enregistrons avec peine ; il est vrai que nous traversons à l'heure actuelle une crise générale difficile et que des préoccupations d'un autre genre absorbent peut-être ceux qui suivent la politique dans laquelle la France se trouve en ce moment engagée.
                 C'est là, croyons-nous, pour bon nombre de nos concitoyens, le motif de cette sorte d'indifférence qui nous a surpris.

                 Le Concours, nous le savons, a fait une large saignée à la caisse municipale, mais pas à un tel point cependant qu'il n'eût pas été possible de remplacer certains drapeaux fripés, vieillis qui, placés à côté d'autres aux fraîches couleurs, présentaient un contraste des plus désagréables.

La revue

                 Dès le jour, les paisibles habitants de notre coquette cité étaient brusquement réveillés par une salve d'artillerie. La ville offrait bientôt une animation inaccoutumée les rues les places s'emplissaient de monde et la foule se portait en masse aux abords de la caserne pour assister à la revue, le gréât attraction de la matinée.
                 M. le commandant d'armes, le lieutenant-colonel Gaillard, du 2éme spahis, commença par remettre à M. le Major de la légion, M. Piadana, et à M. Brémond, capitaine au 2éme spahis, la croix de la Légion d'Honneur que vient de leur décerner M. le Président de la République.
                 Cette cérémonie a lieu selon l'usage, et les tambours ayant fermé le ban, la musique se fait aussitôt entendre.

                 A 8 heures, le défilé des troupes commence et s'exécute dans un ordre parfait.
                 Une revue est chose connue de tous et bien peu cependant s'abstiennent d'y aller, tant il est vrai que la fibre patriotique n'a pas cessé de vibrer dans les cœurs français, comme cherche à l'insinuer les ennemis de nos institutions, et que l'on a toujours un plaisir nouveau à constater les progrès accomplis par notre vaillante armée.

A midi nouvelle salve d'artillerie.
Les jeux

                 A trois heures après-midi commencent les jeux divers organisés par la Commission ; le jeu du baquet, notamment, bien que fort ancien, obtint néanmoins un grand succès.
                 L'hilarité est poussée à son comble quand les yaouled montrent au public leur tête enduite du mélange contenu dans le baquet ; ils sont méconnaissables. Certains d'entre eux n'ont pu encore se débarrasser entièrement de leur nouvelle peau : ils attendent, paraît-il, qu'un obligeant ami veuille bien consentir à les lessiver.
                 Le repas des aveugles a été également très suivi ; un des concurrents, impatienté de la persistance de son adversaire à vouloir lui faire avaler ce mets d'un nouveau genre, des gatchas, par l'oreille ou par le nez, s'est vengé en le coiffant du plat et de son contenu. Tête de l'individu se débarbouillant dans son omelette.
                 Certains chapeliers, frappés de l'élégance de cette coiffure à laquelle aucun d'eux n'avait encore songé, pensent sérieusement, à la vulgariser.
                 Nous sommes persuadés qu'elle obtiendra un succès fou ; la mode excuse toutes les excentricités.

                 Mais arrivons à la course aux ânes. Là est le vrai clou de la journée.
                 Se peut-il imaginer, en effet, rien de plus désopilant qu'une course d'obstacles pour ces quadrupèdes montés par des jockeys français ; Espagnols ; arabes, tous coiffés d'un bonnet de coton ?
                 Force a été au jury de former trois pelotons, pour éviter les accidents.
                 Les vainqueurs ont été acclamés chaleureusement.
                 Cette dernière réjouissance terminait le programme de la journée.

La musique ; Retraite aux flambeaux ; Le Bal

                 De huit à neuf heures du soir, une foule compacte se pressait sur la place des Quinconces où la musique de la Légion faisait entendre cinq morceaux variés de son répertoire.
                 Puis à neuf heures, la retraite aux flambeaux parcourt les rues de la ville. Commissaires de la fête en tête, précédés par des porteurs de fusées, lançant des gerbes multicolores.
                 La musique joue alternativement la retraite en fanfare et la Marseillaise, qu'entonne, à l'unisson, la foule qui suit, composée, en majeure partie, des soldats de la garnison.

                 A 9 heures 1/2 la retraite est terminée ; la musique prend place dans le kiosque qui lui est réservée sur la place des Quinconces.
                 Dès 8 heures tous les bancs toutes les places libres ont été prises d'assaut ; l'emplacement réservé aux danses est envahi et il est à craindre que, comme les années précédentes, danseuses et danseurs ne soient obligés de céder le pas aux curieux venus pour juger du coup d'œil.
                 Mais la Commission a pris de sages mesures, et grâce à l'intervention des officiers qui ont bien voulu en faire partie, le bal est bientôt libre et les danses peuvent commencer au milieu d'une gaieté et d'une joie que rien ne semblait devoir venir contrarier.

Les troubles

                 Malheureusement, cette charmante soirée, qui promettait d'être des plus agréables, ne tardait pas à être troublée.
                 Vers 10 heures 1/2 la partie de la place qui avoisine le théâtre est tout à coup envahie par des groupes de légionnaires qui stationnent là en chantant et en faisant entendre les cris de " vive la légion ! "
                 Tout d'abord on ne prête pas grande attention à leurs faits et gestes et les officiers, commissaires de la fête, parviennent facilement à obtenir le calme. Mais l'ordre ne devait pas régner longtemps.
                 Bientôt des cris plus violents se font entendre ; ils partent de la rue Sultan-Mohamed, une des voies qui touche la place.
                 Les légionnaires massés sur ce point, arrachent des arbres, les drapeaux français en hurlant en vociférant et en bousculant tous ceux qui ne portent pas l'uniforme militaire.
                 Ces soldats sont, pour la plupart, des sujets prussiens et italiens et il est certain qu'ils obéissent entre eux à un mot d'ordre.

                 Quelques querelles s'engagent entre légionnaires et espagnols surtout : l'estaminet de la Concorde, qui fait l'angle de la rue, devient le théâtre d'une lutte sérieuse ; dans une rixe un soldat a été frappé par les espagnols de plusieurs coups de matraque et ces faits mettent les agitateurs hors d'eux-mêmes.
                 Les groupes deviennent plus menaçants et les légionnaires manifestent hautement leur résolution de faire un mauvais parti aux espagnols ; tous les péninsulaires qui leur tombent sous la main sont immédiatement renversés et rossés d'importance.

                 A ce moment, toujours dans la rue Sultan-Mohamed, en face du Café de la Paix, une quinzaine de légionnaires tombaient sur un brave gendarme, accouru pour arracher de leurs mains un espagnol a qui ils faisaient passer un rude quart d'heure. Victime du devoir, l'agent de la force publique fut renversé et foulé aux pieds, mais il pût, heureusement se relever et faire usage de son sabre pour tenir tête à ces forcenés ; l'un de ces derniers eût le poignet gravement endommagé.
                 Seul, le lieutenant Goery, de la Légion, parvint à maîtriser ces têtes brûlées ; il se jeta au milieu de ces égarés en leur adressant des paroles de paix ; ceux-ci le portèrent en triomphe aux cris de : " Vive le lieutenant ! A bas les Espagnols ! "

La panique

                 Il était alors onze heures et demie et l'on espérait faire renaître la tranquillité, quand, tout-à-coup s'éleva de la foule une grande clameur ; les légionnaires envahirent le bal et une panique indescriptible s'en suivit : les bancs furent aussitôt désertés par les familles se réfugiant, sans réflexion, partout où elles se croyaient en lieu sûr.
                 C'est au milieu de cet effroi général qu'apparaît en plein bal, monté sur son cheval, le lieutenant-colonel du 2ème spahis, commandant d'armes, suivi d'un spahi indigène ; l'officier supérieur interpelle aussitôt les légionnaires d'une façon violente, et, joignant le geste à la parole, chercha à les disperser à coups de canne.
                 A un moment donné, il fut entouré et salué par les cris " enlevez-le ".
                 Quelques instants après arrivait un piquet d'une quarantaine d'hommes, baïonnette au canon, qui, aidés des officiers de la gendarmerie et de la police parvenait à faire évacuer les lieux. Ici se place un incident grotesque : dans le défilé de toutes ces cervelles échauffées, l'un était revêtu de son uniforme et d'un sombrero espagnol ; l'autre portait une blouse, tous enfin étaient accoutrés d'une telle façon qu'elle provoquait naturellement le rire.

                 Là ne s'arrêtèrent pas les exploits des légionnaires : traqués poussés vers la caserne, ils jugèrent indispensable, avant de rentrer, d'assommer à moitié, sur leur passage, un garde de nuit et de culbuter les chaises du Café du Commerce.

                 Dix minutes après, le calme était rétabli en ville ; de nombreuses patrouilles circulaient, mais ... le charme était rompu : les danseuses apeurées, avaient fui le bal, force était à leurs infortunés cavaliers de regagner tristement leur demeures qu'ils ne comptaient revoir qu'au petit jour.

                 A la caserne le tumulte continuait et la nuit s'achevait au milieu de cris et de chants de tous genres, chacun des héros fêtant ses exploits dans sa langue nationale.

Le lendemain

                 Le lendemain la tranquillité la plus parfaite succédait aux troubles de la veille.
                 Le matin les légionnaires se promenaient paisiblement en ville ; on apercevait bien sur quelques visages les traces des horions reçus dans la bagarre, mais toute pensée de dissentiment semblait s'être évanouie. Néanmoins, dans la crainte d'un retour à des scènes de violence, dès deux heures après-midi, le quartier était consigné, officiers et soldats obligés de rester à la caserne.

                 Quelques légionnaires manifestent leur mécontentement, et se livrent même à des actes d'indiscipline quand on les fait descendre dans la cour, en tenue de campagne, pour leur apprendre qu'ils aient à se tenir prêts à aller éteindre un incendie qui venait d'éclater au K'car, à 16 kilomètres de Bel-Abbès.
                 Pour eux, ils se refusaient à y croire, et ne voyaient, dans cet ordre, qu'une mesure de rigueur à leur endroit.

                 A cinq heures, le capitaine adjudant-major s'étant rendu à la caserne, cet officier fut sifflé et hué par les soldats.
                 On comprend, d'après ce détail, à que point étaient surexcités toutes ces têtes, qui ne raisonnaient plus.
                 Enfin, à huit heures, à la nuit, 800 hommes se mettaient en route sans qu'il y eût à signaler aucun nouvel incident fâcheux ; les 8 à 900 restants demeurèrent au quartier soit pour des patrouilles, soit pour des piquets de manière à parer à toute éventualité.
                 Ceux qui étaient partis pour El-K'car rentraient lundi matin, à huit heures, après une course de 32 kilomètres.
                 Quant à l'incendie il était éteint à l'arrivée des troupes ; mais une soixantaine d'hectares étaient devenus la proie des flammes.

Le bal du Quinze

                 Les organisateurs de la fête disposant d'un crédit suffisant avaient eu l'excellente idée d'organiser deux bals : le samedi et le dimanche.
                 Si la première soirée a été troublée par les scènes que nous venons de mettre sous les yeux de nos lecteurs, nous avons pu constater que la seconde n'a été nullement inquiétée et que le bal n'a cessé qu'à deux heures du matin.
                 La panique s'était dissipée et danseuses et danseurs ont tenu à se rattraper des déceptions de la veille.
                 Qui trouverait à y redire ?

Les causes des troubles

                 Il nous faut maintenant, les faits exposés avec la plus grande impartialité, essayer de connaître les causes qui les ont amenées : des divers renseignements que nous avons pu nous procurer, il résulte que le motif principal de cette insubordination de quelques légionnaires serait celui-ci : ces militaires ont été profondément affectés du rapport du commandant d'armes, le lieutenant-colonel Gaillard, du 2ème spahis, interdisant aux légionnaires seuls le port du sabre dans la soirée du 14, alors que cette mesure n'atteignait pas les autres soldats de la garnison.

                 D'autre part, on nous assure que des rixes entre légionnaires et Espagnols auraient eu lieu dans la journée du samedi, dans lesquelles les premiers auraient eu le dessous et que ceux-ci auraient voulu, dans la soirée, venger leurs frères d'armes. On prétend aussi que l'autorisation de danser leur aurait été refusée et que cette sorte d'exclusion du bal leur aurait monté la tête. Il est bien difficile de savoir au juste à quoi s'en tenir au milieu de ces racontars ; aussi attendrons-nous, avant de nous prononcer, les résultats de l'enquête qui ne peut manquer d'avoir lieu. Il est un point, cependant, qui ressort au milieu de tous ces faits : c'est le manque de prévoyance de la part de l'autorité civile qui, en pareille circonstance, devrait toujours de concert avec l'autorité militaire, prendre des mesures rendant impossibles de telles scènes. On éviterait ainsi bien des scandales et l'on n'aurait pas à redouter les conséquences qui résultent souvent des incidents du genre de ceux qui nous occupent aujourd'hui.
                 Qui peut prévoir quelles seront les suites du 14 ?

                 Le colonel de Négrier a été mis au courant télégraphiquement ; on nous annonce son arrivée à Bel-Abbès pour demain.

                 Des patrouilles parcourent toujours la ville rentrée dans sa tranquillité habituelle.
                 Espérons que de nouveaux troubles seront évités.
P. Perrier, l'Avenir de Bel-Abbès (18-07-1883)


Découragement
Envoyé par M. Christian Graille

                 Le découragement commence à s'emparer des esprits ; à Paris, en France, on ne s'aborde plus qu'en disant : " Nos affaires vont bien mal en Algérie. "
                 Les partisans de l'abandon relèvent la tête - les partisans de l'occupation restreinte en reviennent à leurs plans suivant eux, la domination s'est étendue outre mesure et dépasse nos moyens d'action.
                 On se rappelle avec douleur cette parole solennelle jetée à la France par M. le maréchal Bugeaud, lors de son retour, au commencement de l'année dernière : " La conquête par les armes est achevée."
                 Depuis lors que de troubles ; que de désordres ; que de déceptions sanglantes ! ; que de démentis à cette éclatante affirmation !

                 Hélas ! il fallait à cette époque faire dresser des arcs de triomphe depuis Marseille jusqu'à Paris, il fallait des acclamations et comme bouquet de ce feu d'artifice, on voulait se faire décerner par le commerce de Paris un banquet triomphal. Tout était au mieux.
                 Aujourd'hui la brillante médaille montre son revers ; les guirlandes ruissellent de sang et de larmes.
                 Les arcs de triomphe se changent en fourches caudines, la conquête par les armes recommence et au lieu de confesser une imprévoyance et une habilité devenues manifestes, on veut arracher au pays de nouveaux sacrifices.
                 Après avoir épuisé dix corps d'armée, on veut en obtenir d'autres pour les épuiser encore. Tout est au plus mal.

                 Cette époque que l'on disait achevée au commencement de 1845, est si peu avancée au commencement de 1846, qu'on se dit réduit pour garder la Métidja, ce Palladium de la domination à convoquer la milice et les condamnés.
                 Faut-il donc prendre au sérieux ce cri de détresse qui ouvre sous de si lugubres auspices l'année dans laquelle nous entrons. Eh ! mon Dieu non ; pas plus qu'il ne fallait prendre au sérieux le cri de victoire de l'année dernière.
                 Le salut de l'Algérie n'est pas plus compromis aujourd'hui que la conquête des armes n'était achevée il y a un an.

                 Les glorifications de 1845 sont autant de pièges cruels tendus à la crédulité nationale. Autour de M. le maréchal Bugeaud nous devons le reconnaître, tout va mal, et M. le maréchal Bugeaud a, comme on le sait, le malheur de ne pas voir ce qui l'entoure.
                 Mais à droite et à gauche il reste encore, Dieu merci des éléments de confiance.

                 Les dispositions prises par M. le général de Lamoricière ont peu à peu calmé l'agitation de la province d'Oran.
                 M. le général Cavaignac a obtenu le retour sur les terres de l'Algérie de 800 tentes qui avaient émigré au Maroc. Bientôt il sera en mesure de tenter sur la daïra de l'émir, un coup de main couronné de succès.

                 La province de Constantine peut être comparée pour la tranquillité qui règne sur la plus grande partie de son territoire à l'un quelconque de nos départements.
                 Il existe dans les cartons du ministère de la guerre, pour cette province, des demandes de concession représentant une somme de 25 millions ; et aucun des solliciteurs ne témoigne la moindre inquiétude ; aucun ne songe à retirer sa demande.

                 Le désastre de Bou-Aleb n'a pas occasionné la moindre agitation dans les tribus voisines. Reconnaissons à ces signes que la destinée de l'Algérie n'est pas compromise, et qu'en déclarant aujourd'hui par la mobilisation de la milice et l'arment des condamnés, la patrie en danger, on commet une erreur aussi grande qu'en déclarant, lors des semailles de 1844, la patrie sauvée.
                 Non, tout n'était pas achevé alors ; Tout n'est pas remis en question aujourd'hui ; et cependant, il ne faut pas se le dissimuler, la situation est grave.

                 Il règne dans toute l'administration algérienne un désordre dont on n'a pas d'exemple. Les accusations les plus graves s'élèvent contre un grand nombre de fonctionnaires, et atteignent tous les rangs de la hiérarchie.
                 La mésintelligence entre les chefs des différents services coloniaux et M. le gouverneur général ; entre M. le gouverneur général et le gouvernement de la métropole éclate et se manifeste tous les jours par des conflits qu'il est impossible de tenir secret et qui répandent en France une douloureuse inquiétude.
                 Les actes du pouvoir royal, qui constituent la législation particulière de l'Algérie, vont se briser contre une résistance opiniâtre et ne reçoivent point leur exécution.

                 Les évènements militaires, qui devraient au moins donner à ce désordre administratif quelques glorieuses compensations se présentent sous un jour plus funeste encore.
                 Au Bou-Taleb, c'est un corps d'armée enseveli sous la neige ; à Alger, c'est une division toute entière, ruinée par des fatigues et des privations sans nombre à la poursuite d'un ennemi qui n'a pas d'autre intérêt que de se faire poursuivre.
                 Trois batailles rangées auraient moins coûté à la France que ces quatre mois de campagne stérile, pendant lesquels hommes en chevaux ont plusieurs fois manqué de vivres. Et cependant pas un combat sérieux n'a été livré.

                 Le nombre des hommes tués par le plomb ennemi est insignifiant.
                 C'est la faim ; c'est la fatigue ; c'est la misère qui ont soumis nos troupes à d'aussi rudes épreuves, qui nous ont fait ressentir leurs cruelles razzia.

                 Et maintenant, pour combler les vides on demande des renforts ; mais si ces renforts doivent être soumis au même régime s'ils doivent être lancés comme les autres à la poursuite vaine d'un ennemi, dont, la plupart du temps, on ne connaît même pas la place, ces renforts, quelque nombreux qu'ils soient, y succomberont eux-mêmes. ; le nombre des hommes ne diminuera pas la fatigue de chacun d'eux.
                 Au métier accablant et stérile qu'il fait faire à ses troupes, M. le maréchal Bugeaud verrait, dans l'espace de quatre autres mois, cent autres mille hommes tués sous lui.

                 N'accusons pas l'Algérie des désastres et des mécomptes que nous y rencontrons : ces mécomptes et ces désastres sont notre ouvrage.

                 Est-ce la faute de l'Algérie si les prévarications les plus odieuses se révèlent dans le corps administratif ?
                 Est-ce la faute de l'Algérie si M. le gouverneur général ne peut vivre en paix avec personne ?
                 Est-ce la faute de l'Algérie si des lois conçues dans l'intérêt de sa prospérité, tombent devant le bon plaisir d'un autocrate subalterne ?
                 Est-ce la faute de l'Algérie s'il nous plait, contre toutes les lois de la prudence et par une sorte de suicide, d'aller chercher un tombeau sous la neige de ses montagnes ?
                 Est-ce la faute de l'Algérie si des troupes que l'on a fait courir pendant quatre mois d'hiver à la poursuite d'un ennemi plus mobile qu'elles, succombent enfin accablées d'épuisement et de misère ?
                 Est-ce la faute de l'Algérie si nous ne savons ni achever la conquête par les armes, ni commencer une autre conquête et si elle se voit abandonnée par la faiblesse du ministère aux mains d'un gouverneur général, qui n'est, au bout du compte, ni général, ni gouverneur.
L'Algérie courrier d'Afrique, d'Orient et de la Méditerranée
(17-02-1846)


Lettre à notre fils manifestant écolo...
Envoyé par Jean

         Mon chéri,

         Vendredi, plutôt que d’aller au lycée, tu as participé à la manifestation pour la défense du climat et le sauvetage de la planète.
         Tu n’imagines pas combien nous avons été fiers de te voir engagé dans une cause aussi essentielle
         Profondément émus par tant de maturité et de noblesse d’âme, nous avons été totalement conquis par la pertinence de ton combat.
         Aussi, je t’informe que ta mère et moi avons décidé d'être indéfectiblement solidaires et, dès aujourd’hui, de tout faire pour réduire l’empreinte carbone de la famille.

         Alors, pour commencer, nous nous débarrassons de tous les Smartphones de la maison.
         Et puis aussi de la télévision.
         Tu ne verras aucune objection, naturellement, à ce que ta console subisse le même sort : on dit que cela génère des déchets électroniques polluants qui empoisonnent les rivières du sud-est asiatique.
         Évidemment, nous avons entrepris de résilier aussi tous les abonnements téléphoniques et la box d’accès à l'internet.

         Nous pensons également qu’il est nécessaire de corriger nos modes de vie : nous cesserons donc de partir en vacances au ski ou à l'étranger.
         Ni même sur la côte d'Azur avec le camping-car que, d'ailleurs, nous avons la ferme intention de revendre.
         Et, bien sûr, fini l’avion ! Pour l'été prochain, ta mère et moi avons programmé de remonter le canal du Midi par les berges, à vélo.
         Comme tu vas aller désormais au collège avec ton VTT, cela te fera un excellent entraînement
         Oui, parce que la batterie de ta trottinette électrique n’étant pas recyclable, il te faudra oublier ce mode de locomotion. Mais c’est déjà fait, j’imagine

         Ah ! Pour tes vêtements, nous avons décidé de ne plus acheter de marques (fabriquées par des mains d'enfants dans les pays du tiers-monde comme tu le sais).
         Tu nous approuveras, nous en sommes persuadés.
         Nous envisageons par conséquent de t'acheter des vêtements en matières éco-responsables, comme le lin ou la laine, que nous choisirons de préférence écrus (les teintures sont parmi les plus grands polluants).
         Dans la foulée, nous nous mettrons à l’alimentation bio et privilégierons les circuits courts.
         Et pour aller au plus court, nous songeons même à acheter des poules afin d’avoir des œufs frais à portée de main : tu vas adorer ! Ta mère a même pensé à un mouton pour tondre le gazon.
         Et puis, j’ai adressé une candidature en bonne et due forme à la mairie pour obtenir l’affectation d’une parcelle dans les jardins familiaux partagés.
         Nous comptons sur toi pour nous aider à cultiver nos légumes.

         Il va sans dire que, dans cette démarche, nous bannirons les aliments industriels.
         Désolé pour le Coca et le Nutella dont tu faisais grande consommation et dont tu devras te priver à présent.
         Mais nous ne doutons pas un instant de ton approbation.

         Enfin, pour palier le manque de distractions par écran interposés, le soir, nous nous remettrons à la lecture (dans des livres en papier recyclé, cela va de soi) ou nous jouerons aux échecs et pourquoi pas aux petits chevaux : il y a une éternité que nous n’avons pas fait une partie de ce jeu désopilant.
         Nous achèterons un plateau et des pièces en bois du Jura, comme il se doit.
         Et nous veillerons à nous coucher plus tôt pour économiser la lumière.
         Voilà, nous sommes certains que tu adhéreras pleinement à ce sympathique programme qui s’inscrit en ligne directe dans ton combat pour sauver la planète.
         Et nous te remercions encore de nous avoir ouvert les yeux.
         Tes parents qui t’admirent et qui t'aiment

Auteur inconnu




Hier et aujourd'hui
Envoyé par M. Christian Graille

                 Monsieur le Directeur de l'Impartial,

                  Il m'a semblé intéressant de vous adresser le récit de mon odyssée qui est celle de milliers de colons, comme moi attirés en Algérie par les promesses du gouvernement.
                  Si vous déduisez du chiffre de la population française, l'armée, les fonctionnaires, les anciens soldats qui se sont fixés dans ce pays, vous reconnaîtrez que les colons de la première heure, venus pour cultiver la terre, les vrais colons enfin sont très clairsemés.
                  Ceci pour expliquer les difficultés du début et le sort qui leur était réservé.
                  Mais n'anticipons pas et veuillez bien me suivre dans le dédale de mes pérégrinations. Nous en tirerons ensuite les déductions et les enseignements que nous jugerons à propos.

                  En 1848, j'avais neuf ans, mon père et ma mère séduits par les offres du gouvernement d'alors, furent placés dans un village que l'on voulait créer dans les environs de Guelma.
                  En commençant, on n'avait pas trop à se plaindre et que quoique n'ayant pas d'argent on ne manquait pas du strict nécessaire, car l'administration : bâtissait des baraques, fournissait des vivres des instruments aratoires et même des bestiaux pour les labours.
                  Ce système de colonisation devait échouer misérablement, car la politique n'y était pas étrangère et la colonisation était le moindre des soucis des promoteurs de ce système.
                  En effet, on ne choisissait colons que des ouvriers des villes qui exerçaient toutes sortes de professions, excepté celle de cultivateur.
                  Il était certain qu'on ne réussirait pas à coloniser.

                  Mais il s'agissait bien de cela ! Ce que les ennemis de la République et de l'Algérie voulaient, c'est de purger les villes : de leur élément révolutionnaire des têtes chaudes, des braillards comme on les appelait.
                  Il fallait se débarrasser de tous ceux qui ne pouvaient comprendre que la proclamation du gouvernement de tous pour tous eût eu pour premier résultat de fermer la plupart des ateliers, en même temps que toutes les bourses, et qui demandaient inutilement du travail.
                  Toute cette population emmenée en Algérie sous les plus fallacieux prétextes, peu habituée à travailler la terre ne tarda pas, sous un climat auquel elle n'était pas habituée, à être la proie des fièvres.

                  Le découragement s'en suivit ; ceux qui ne moururent pas et qui obtinrent leur rapatriement furent les mieux partagés.
                  Les autres s'éparpillèrent dans la colonie et cherchèrent du travail dans les villes, les hommes pour y exercer leurs professions et les femmes pour s'y placer comme servantes. Quant aux enfants ; ils furent recueillis à droite et à gauche.
                  Certains entrèrent dans des orphelinats de jésuites où on les initia à la morale que l'on sait.
                  Enfin, de cet essai coupable de la colonisation, rien ne resta, sinon des ruines de baraques qui disparurent bientôt de la surface du sol.
                  Mon père subit le sort commun et mourut d'un accès pernicieux.
                  Ma sœur, qui avait dix-sept ans, fut enlevée par un spahi et ma mère désolée, sans aucune ressource, retourna au pays après m'avoir placé chez un propriétaire qui me confia la garde de ses cochons.
                  Cette condition ne me plaisait que médiocrement, je m'enfuis à Bône où je trouvais une place de garçon de baquet chez un débitant.
                  C'est là que je fis mon éducation.
                  Comme je ne m'amusais tout juste à balayer le devant du magasin ou à rincer des verres dans l'arrière-boutique, attendu que j'ai toujours aimé le grand air de la liberté, on n'eût pas de peine à me faire quitter cette situation sociale peu enviable.

                  Les ouvriers de Mokta-El-Hadid, qui fréquentaient l'établissement, ne tarissaient pas de récits sur la vie plantureuse et indépendante qu'ils menaient sous la tente (on faisait alors la recherche des mines de fer), au milieu des intempéries vivant au jour le jour, c'est vrai, mais vivant largement.
                  Je m'embauchais dans une brigade, et dès lors mon sort fut fixé. A vrai dire ce fut le meilleur temps de mon existence.

                  Il fallait voir les jours de quinzaine ! Des noces à tout casser et tout ce qui s'ensuit. De l'argent plein ses poches, chacun de nous achetait un bourriquot, et nous faisions notre entrée triomphale à Bône en chantant à tue-tête sur l'air de la rifla :
                  Y en n'a pas comme nous !
                  Y en n'a pas comme nous !
                  Ou bien encore :
                  Du pain, du vin, du gigot, de l'ail
                  Et plus d' travail.

                  Trois ou quatre jours après, et à force de boire, nous étions tous à sec.
                  On rentrait au chantier, et souvent on avait oublié d'acheter des souliers et un pantalon ... Mais bast ! Le climat d'Afrique est généreux, il nous fera bien crédit d'une quinzaine ! ... et on se remettait à bûcher comme des sourds.
                  Ce fut ainsi plusieurs années.
                  De temps à autre je me prenais à réfléchir et je me promettais de me ranger, mais c'était difficile ; ce travail épuisant, auquel je me livrais : dans la poussière, dans l'eau, dans la boue, sous les rayons d'un soleil incandescent, exigeait des réparations inutiles aux professions ordinaires.

                  J'y serais cependant peut être parvenu ; il ne m'aurait fallu que quelques centaines de francs, mais l'homme propose et la fièvre dispose, et me voilà à l'hôpital. Pendant plusieurs années je ne faisais qu'en sortir et y entrer ; ensuite, de longs chômages vinrent achever de m'accabler.
                  Je connus ainsi les trois provinces, de : Saint-Denis-du-Sig à la Bou K'Kika, de Mouzaïa au Chabet, du port de Philippeville aux mines de La Calle, des forêts de chênes-lièges de Jemmapes aux charbonnières du Taya menant ainsi une existence de Juif Errant, moins les cinq sous légendaires : " Pierre qui roule n'amasse pas mousse ".

                  Je m'en aperçus bien à mes dépends. Enfin, tant bien que mal, avec une bonne dose de philosophie, on vivait encore.
                  Mais voilà qu'il y eut en Algérie une invasion d'entrepreneurs venus des quatre points cardinaux. Lorsque la colonie ne possédait qu'un petit nombre d'entrepreneurs, les prix se soutenaient, les adjudicataires faisaient facilement fortune et les ouvriers étaient convenablement payés.
                  Mais les nouveaux venus : qui d'Italie, qui du Piémont, qui de la Savoie, qui des pays basques, on ne sait d'où, voulurent des travaux à tout prix. 15, 20, 25, 30% et il y eut des sous-entrepreneurs, des tâcherons pour prendre ces travaux avec un autre rabais de 12 ou 15% au-dessous du premier.

                  Dès lors tout fut perdu pour nous et il était impossible de se tirer du pétrin dans lequel on s'était plongé.
                  La plupart de ces entrepreneurs de malheur (sans jeux de maux) : tombèrent en faillite, frustrant leurs bailleurs de fonds, leurs cautions, leurs fournisseurs souvent même leurs ouvriers de ce qui leur était dû et l'on ne voyait pas qu'on pût descendre plus bas dans ce cercle digne de l'enfer de Dante.
                  Pourtant des malins survinrent, qui en découvrirent le moyen ; c'était de tenir cantine et de spéculer deux fois sur ceux qu'ils employaient ; d'abord sur le prix de la journée, ensuite sur la dépense qu'ils ne pouvaient faire ailleurs.

                  On vit alors ce fait scandaleux que des travaux furent sciemment entrepris à perte, ce qui n'empêcha pas les adjudicataires, grâce à l'adjudication des cantines obligatoires et laïques, de réaliser de forts jolis bénéfices.
                  Dès lors la quinzaine fut facile à régler : Tant de journées ...
                  A déduire : jours de pluie ...
                  Dépenses à la cantine ...
                  Balance : zéro.
                  Quand je dis zéro, c'est pour faire image, car la plupart de temps c'est l'ouvrier qui devait au patron ; or plus d'argent, jamais ... Payez donc vos dettes avec cela ?
                  Relevez-vous donc dans l'opinion publique ?

                  Vous le voyez Monsieur le Directeur, sans vouloir innocenter la classe ouvrière de son imprévoyance, tous les torts ne sont pas toujours de son côté ; elle est victime d'une organisation vicieuse, car, sous une bonne administration il ne saurait être permis d'entreprendre des travaux à perte.
                  C'est pourtant ce que l'on obtiendra jamais tant que des certificats de capacité seront délivrés à des entrepreneurs incapables et insolvables et tant qu'un minimum de rabais ne sera pas fixé par qui de droit.

                  Une dernière considération et je termine.
                  En ce moment la Chambre des députés et le sénat, tenant compte du renchérissement de tout ce qui est nécessaire à la vie, rivalisent de zèle pour améliorer le sort des fonctionnaires et des employés de l'État ; les journaux sont remplis de projets d'augmentations de traitements, d'émoluments, etc.
                  L'armée française n'a pas oublié non plus, et la commission du budget demande une solde et des pensions de retraites plus élevées pour les officiers et soldats ....
                  Ne serait-il pas temps de songer à l'amélioration de la paie de la classe si intéressante des travailleurs ?

                  Ceci termine l'époque hier, dans votre prochain numéro je finirai cette étude en reconnaissant qu'il a été beaucoup fait pour les ouvriers et les colons qui ont fait de notre colonie ce qu'elle est aujourd'hui et nous étudierons quels sont les moyens les plus pratiques pour donner satisfaction à celui qui tient : le manche de la charrue, la barre à mine, le burin, la pioche, la plume, et tous les outils qui peuvent donner à notre colonie la prospérité qu'un de ses plus déshérités lui souhaite.

Claude Guigne. L'Impartial (19-12-1890)


Es Sfandji
Envoyé par M. Christian Graille

                 Vous avez souvent aperçu le marchand de beignets arabe qui, dans chaque ville algérienne, circule portant un plateau sur lequel se trouvent quelques beignets grossiers frits à l'huile.
                 C'est le sfandji, l'industriel le plus populaire parmi la population enfantine musulmane, auprès de laquelle il remplace, pas avantageusement, notre marchand d'oublis.
                 Son costume est d'ordinaire celui du beldi (citadin) : haïck enroulé autour de la chéchia, petite veste et culotte à la turque.
                 Ce dernier vêtement est le plus souvent protégé des taches d'huile par une fouta (bout de tissu) rayée de bleu et attachée à ses reins en manière de tablier, mais que malgré cette précaution, le sfandji est d'une propreté toute relative.

                 Il ne lui faut pas grand matériel et nos confortables pâtisseries ne donnent nullement l'idée de l'établissement du département de Constantine ou du sfandji, de celui d'Alger.
                 C'est en effet dans un petit magasin : Noir, Sale et enfumé qu'il exerce son métier.
                 A terre, scellé dans un fourneau primitif, chauffé au bois, se trouve un chaudron, dans lequel chante l'huile kabyle bouillante, dont l'odeur vous étreint la gorge ! La fumée qui s'échappe du fourneau forme une couche d'au moins un mètre et sort lentement par le haut de la porte.
                 Le plafond et les murs en sont tellement imprégnés qu'il serait bien difficile de déterminer leur couleur primitive !

                 Devant le fourneau une petite terrine en terre qui contient la pâte devant être projetée dans l'huile chaude, complète le matériel du sfandji.
                 Ces détails peuvent s'appliquer à tous les fétaïris, à tous les sfandjis d'Algérie, leur installation est partout la même.
                 La pâte faite simplement avec : de la farine, de l'eau et un peu de sel, est additionnée de levain pour la faire gonfler.

                 Lorsque l'huile est chaude, l'opérateur qui a un vase d'eau devant lui y trempe les mains afin d'empêcher la pâte de lui coller les doigts, et après avoir pris comme une noix de cette pâte il l'étend toujours avec les mains et la jette dans l'huile.
                 Un instant suffit pour donner au beignet cette teinte dorée qui fait tressaillir d'aise tous les gamins arabes de la ville.
                 Nous doutons que cette description du local, et de la fabrication du beignet soit du goût de nos charmantes élégantes qui, chaque dimanche, au sortir de la messe ou même quotidiennement aux " petits cinq heures " vont grignoter les friandises exquises de l'excellent Fille ou du pâtissier en renom d'une autre localité, et nous ne craignons pas que le confiseur de la rue Bab-Azoun ou d'ailleurs nous reproche d'avoir fait de la réclame au pauvre sfandji !

                 Il est modeste, lui, le fabricant de beignets arabes, et si sa clientèle n'est pas aussi select, elle est tout aussi nombreuse ; ce sont les Ouled-el-Blaça : petits cireurs, porteurs, commissionnaires qui la composent et qui croqueront avec bonheur le sfandji, tout ruisselant d'huile.
                 Il y a bien aussi quelques pauvres diables d'européens qui se payent le luxe d'un beignet arabe et nous ne devons pas oublier, non plus, les petites et même grandelettes clientes, du fetaïri de la rue Vieux de Constantine qui ne peuvent résister en se rendant au collège des jeunes filles, au désir de goûter au fetaïra.

                 Lorsque le sfandji a terminé la confection de ses beignets il parcourt la localité en criant : Chaud il fume, il recherche les flouss (monnaie).
                 Nous avons connu un sfandji dans la petite ville de Berrouaguia, qui était originaire de Médéa, s'appelait Ben-Si-Ali et ne manquait pas d'originalité ; car il avait créé d'autres cris afin de mieux attirer l'attention et d'encourager les consommateurs. Ceux qu'il débitait, chaque matin, en déambulant dans les quartiers arabes, vantaient naturellement sa marchandise. Il fallait entendre avec quelle conviction il criait d'une voix de stentor :
                 Fait avec du sucre mange et souviens-toi.
                 Fait avec de l'huile tunisienne
                 Mange, tu seras gai si tu cesses tu t'endormiras.
                 Comme les fleurs dans les douars et le carmin dans les maisons.
                 Beignet pur et mesure comble.
                 Prenez garde à la cupidité et crainte de devenir cupide.
                 Aux muses et aux parfums Ben-Si-Ali s'en va.


                 Ces mots débités à chaque coin de rue par Ben-Si-Ali avaient le don de dérider les figures musulmanes les plus graves et il était toujours sûr de récolter, sinon une pluie de flouss, du moins une ample moisson de rires et d'applaudissements.
                 Malgré la fatigue que lui occasionnaient ses pérégrinations, ses cris Ben-Si-Ali, sa journée finie, ne se dispensait pas, le vendredi soir, d'aller se livrer à toutes sortes de danses et contorsions religieuses dans la cour de la maison du mokadden des Aïssaouas, secte à laquelle il était très fier d'appartenir.
Achille Robert.
Les clochettes algériennes et tunisiennes (30-05-1903)


Forme de colonisation
Envoyé par M. Christian Graille

                 Il est un point en Algérie où les diverses formes sous lesquelles la colonisation civile se présente sont en ce moment à l'essai. C'est Philippeville et son territoire.
                 Pour installer une population européenne, divers moyens se présentaient, qui tous ont eu leurs partisans et qui sont tous destinés à concourir au succès de l'œuvre commune. On pouvait :
                 1° laisser les colons s'établir un à un dans les conditions qui leur semblaient favorables
                 2° former une commune de toute pièce, en précisant l'emplacement et la forme des habitations, et déterminant avec une rigueur mathématique la division des cultures
                 3° Enfin, aujourd'hui commence à se produire une forme nouvelle de colonisation ; c'est le capitalisme qui se charge, sous la surveillance de l'Etat, d'installer la population et de pourvoir au défrichement du sol ; en un mot, la petite propriété, soit individuelle soit collective et la grande propriété se trouvent en présence dans le voisinage de Philippeville, cette petite cité européenne, fondée en quelques années seulement sur les débris fastueux d'une colonie romaine.

                 Durant les premières années, le régime de la petite propriété individuelle fut le seul qui trouva crédit. Ce qui caractérise cette période, c'est l'ignorance où l'on a été des lois qui régissent la propriété arabe, de l'état légal du sol.
                 Aussi les transactions qui mirent en possession les propriétaires européens, furent-ils souvent entachés de mauvaise foi.
                 D'un autre côté les acquéreurs plus soigneux de réaliser un bénéfice immédiat que de l'obtenir par une transformation du sol, se hâtaient de jouer sur les titres et laissaient le sol en friche.

                 Pour mettre fin à ces abus scandaleux de la spéculation, l'administration, poussée par l'opinion publique, dût intervenir.
                 Cela donna lieu au second système : celui des communes fondées par l'Etat. L'intervention de l'administration, si éclairée qu'on la suppose, présente toujours un danger ; elle est exclusive dans sa forme et n'en veut pas d'autres.
                 Par suite : empêche ; elle entrave tout ce qui n'entre pas directement dans ce système ; elle paralyse bien des efforts fructueux ; elle ferme sans retour bien des voies utiles.

                 L'administration quand elle se charge de faire, au lieu ; de surveiller, d'aider ; de garantir ne peut pas être libérale ni donner accès à toutes les idées ; elle soumet toutes les imaginations à la même discipline et toutes les facultés au même niveau.
                 C'est là ce qui a imprimé un caractère de monotonie et de langueur aux villages automates fondés soit dans le Sahel d'Alger soit dans la campagne de Philippeville, où le village Valée offre un type du genre.
                 Dans la fondation de ces villages, il s'agissait de juxtaposer un certain nombre de propriétaires légaux.
                 A chacun, l'administration a attribué 8 hectares avec promesse de compléter à 12 quand il aurait construit sa maison et commencé sa culture.
                 Pour faciliter la construction : elle a donné à chaque colon des matériaux pour une valeur de 7 à 800 francs ; elle a pratiqué des routes ; elle a entouré chaque village d'une enceinte fortifiée de manière à garantir aux colons la sécurité.
                 Dans l'impossibilité où l'administration se trouvait de faire venir de France des cultivateurs dont il aurait fallu sans doute payer le voyage, elle prit sur les lieux ce qu'elle trouva.

                 Comme la première condition est de bâtir une maison, les premiers colons qui se présentèrent furent des maçons des menuisiers etc.
                 La plupart étaient déjà à Philippeville et ne virent dans leur concession qu'un placement facile ; de sorte que les vrais colons, les cultivateurs sérieux arriveront comme fermiers et les propriétaires actuels retourneront à leur industrie.
                 Ce système a donc présenté les inconvénients du régime des capitalistes sans en avoir les avantages.
                 C'est le spectacle des inconvénients inhérents aux deux premiers systèmes de colonisation, l'un fondé sur la petite propriété individuelle libre, l'autre sur la petite propriété constituée par l'Etat, sans autre lien entre les colons que celui de la tutelle administrative, qui a conduit les habitants de Philippeville eux-mêmes à l'idée des grandes concessions.

                 Ils ont calculé de chaque côté les profits et pertes ils ont observé les pertes de force et de temps, qui résultent toujours de l'intervention du gouvernement, et ils sont arrivés à cette conclusion, qu'un capitaliste placé dans les mêmes conditions que l'Etat, c'est-à-dire d'installer sur le même sol, avec la même quantité de terres le même nombre de familles, pourraient réussir là où l'administration échouera nécessairement ; et la raison bien simple de cette différence, c'est que le capitaliste est un homme, tandis que l'Etat est une machine.
                 C'est par suite de ces considérations que le système des larges concessions, sous sa forme nouvelle, est parti de Philippeville à l'état d'idée, et y est retournée à l'état de fait.
                 Aujourd'hui l'exemple est donné, le germe est jeté, l'idée se vulgarise et le fait se multiplie.
L'Algérie courrier d'Afrique, d'Orient
et de la Méditerranée (02-02-1846)


Loi piéton passage cloutés
De Hugues Jolivet


       Nous avons tous pris connaissance de cette nouvelle disposition du Code de la Route qui prévoit un retrait de 6 points du permis de conduire et une amende de 135 euros en cas de non priorité laissée à un piéton engagé sur un passage clouté.

         C'est valable partout sauf en Corse !

         Pourquoi cette exception ?

         Le Gouvernement vient de faire savoir que cette mesure était sans utilité vu que sur l’île,
         Plus personne ne traversait la rue depuis que le Président de la République a annoncé qu'il y avait du travail de l’autre côté !
Hugues Jolivet         
Le 21 Décembre 2022          





Les Maures, les Coulourgis les Nègres
Envoyé par M. Christian Graille

                 Les Maures ou Hadars sont les indigènes qui habitent la ville. Grands et bien faits quand l'embonpoint ne les alourdit pas, le teint blanc ou brun clair, les yeux et les cheveux noirs, les traits réguliers ils ne reproduisent ni le type arabe ni le type berbère ; ils ressembleraient plutôt aux populations du Midi de l'Europe.
                 Prenez un Languedocien ou un Napolitain, habillez-le de la veste collante, du seroual bouffant, qu'il mette à ses pieds les sebabath, roule autour de sa tête le large turban, qu'il imite s'il peut la gravité de la démarche et la lenteur des allures, rien ne le distinguera d'avec un véritable Hadar.
                 Les Maures ne sont pas une race mais un résidu de toutes les races ; le sang : Phénicien, berbère, romain, arabe turc se mêle dans leurs veines ; L'Europe a fourni son contingent surtout au temps de la piraterie, quand les renégats et les captifs se comptaient par milliers. Cette population n'a jamais joué un grand rôle en Algérie ; les Turcs la méprise, la conquête française n'a trouvé chez elle ni résistance ni concours. Ces hommes gras et lymphatiques ne sont pas de ceux qui créent les évènements, ils le subissent avec une passivité indifférente.

                 Ils sont paisibles et assez doux ; mais c'est à leur indolence qu'on doit savoir gré de leur tranquillité. Les professions qu'ils affectionnent sont celles qui exigent le moins d'effort, la plupart sont boutiquiers ; pas à la manière européenne.
                 Point d'étalage ni de réclame ; le marchand gravement assis fume sa pipe ou boit du café ; il ne fait rien pour attirer l'acheteur ; c'est à peine s'il ouvre la bouche pour dire le prix qu'il demande ; vendre ou ne pas vendre paraît lui être tout à fait indifférent.
                 Ceux qui se croient de bonne naissance aspirent : aux magistratures indigènes, aux fonctions religieuses, aux emplois administratifs. Cadis, Imams, commis, ils n'ont pas à s'ingénier ni à se fatiguer l'esprit : Ils sont les rétribués du gouvernement.
                 D'autres, d'ambition plus humble se font Khodjas, garçons de bureau, agents de police et portent partout la même docilité molle.
                 Quelques Maures ont fait preuve d'une réelle valeur, mais ils sont l'exception ; en général, cette même paresse qui empâte les chairs alourdit les intelligences.

                 Depuis longtemps mêlés aux Européens, ils n'ont modifié ni leur costume ni leur manière d'être ; quant aux idées, ils ne prennent guère la peine d'en avoir ; dans un monde où tout se transforme, ils ne changent pas, ils gardent leur lenteur apathique au milieu de notre société affairée.
                 Cette immobilité leur sera fatale ; les grandes familles par l'émigration, la ruine ou la mort ont presque toutes disparu ; les autres végètent et s'éteignent lentement.

                 On appelait Coulourgis les enfants nés de l'union des Turcs avec les femmes du pays ; en 1830 il était en assez grand nombre.
                 La constitution de l'odjak les excluait des hauts emplois et des grades supérieurs, à peine si on les acceptait dans les rangs de la milice ; ils supportaient avec impatience la condition subalterne qui leur était faite ; une fois, ils faillirent mettre la main sur Alger. C'était une population énergique, avec toute la bravoure et toute la fierté des Turcs.
                 Assez maltraités par ceux-ci, ils les préféraient cependant aux indigènes et les servaient bien, quitte à se révolter contre eux de temps en temps.

                 Après la chute du Dey, menacés comme les Turcs eux-mêmes par les tribus arabes ou kabyles, ils devinrent les auxiliaires de la France ; beaucoup s'enrôlèrent dans les zouaves et les corps indigènes ; on connaît la vigoureuse résistance que ceux de Tlemcen opposèrent à Abd-el-Kader.
                 Aujourd'hui ils ont cessé de former un groupe distinct, ils se sont confondus avec les Hadars, dont ils avaient déjà le costume et les usages.
                 On ne voit plus guère de Coulourgis ; néanmoins dans quelles villes, à Tlemcen par exemple on retrouve : des visages aux traits accentués à l'expression plus mâle et on entend des noms de consonance turque.
                 Autrefois, l'Algérie faisait avec le Soudan un commerce actif que la traite des noirs alimentait ; les caravanes qui traversaient le Sahara du Sud au Nord amenait vers le Tell cette marchandise humaine qui : se transportait toute seule coûtait peu et se vendait cher.

                 Les esclaves une fois arrivés à destination : étaient traités avec une certaine douceur, on les convertissait à l'islamisme quand ce n'était pas déjà fait, on les affranchissait volontiers les négresses devenaient les femmes de leurs maîtres et les enfants qu'elles en avaient naissaient libres et héritaient comme les autres. Le décret du 27 avril 1848 ne trouva pas un grand nombre d'esclaves à libérer en Algérie.

                 Les nègres exercent actuellement les diverses professions manuelles qui demandent peu d'activité intellectuelle et beaucoup de force musculaire. Ils sont : Maçons, portefaix, manœuvres.
                 On les emplois pour les travaux de routes et de chemins de fer, les femmes sont masseuses dans les bains maures, serveuses, devineresses ou bien, accroupies au coin des rues, elles vendent quelques fruits et des pains de leur façon.
                 Cette race a conservé : sa gaieté enfantine, sa facilité d'humeur et aussi ses vieilles superstitions ; que se soit fête française ou musulmane la musique des "négros " promène par les villes son tapage assourdissant.
                 Les indigènes, surtout les femmes, consultent les sorcières négresses et comptent beaucoup pour éloigner le mauvais sort et guérir les maladies sur l'effet de leurs sacrifices et de leurs incantations.

                 Dans les oasis du Sud, la population arabe ou berbère est fortement teintée de sang noir ; les nègres et les métis supportent mieux que les autres les chaleurs sahariennes et les miasmes des bas-fonds.
                 Il serait à désirer que cette race de travailleurs solides et dociles, acclimatable partout, comptât en Algérie un plus grand nombre de représentants.

L'Algérie par Maurice Wahl
Ancien élève de l'école normale supérieure
Professeur agrégé d'histoire au lycée d'Alger. 1882


La concurrence des pénitenciers
Envoyé par M. Christian Graille

                 La municipalité de Mascara a communiqué aux journaux une lettre de M. le capitaine Klepper offrant des ouvriers militaires au prix de 1 franc 25 par jour.
                 Cette lettre réveille une question bien ancienne, souvent agitée dans la presse et dans les réunions ouvrières ; une question qui touche de très près au problème social : la main-d'œuvre des détenus.
                 Beaucoup de grandes exploitations agricoles occupent des prisonniers dont le travail régulier est assuré et dont le prix de revient, très minime, donne de beaux bénéfices aux propriétaires.

                 Je ne sais pas s'il faut blâmer ceux qui usent du travail des prisonniers. Evidemment ils recherchent leur intérêt, prennent leur gain où ils le trouvent : c'est leur droit. On ne saurait parler de théories humanitaires et sociales à des individus qui répondent simplement, en vertu du principe primordial de l'égoïsme : " je m'occupe d'abord de mes intérêts, je penserai aux autres ensuite ! " Mais il n'en est pas moins vrai que, tandis que les millionnaires emploient cent cinquante à deux cents prisonniers et réalisent par tête d'hommes un bénéfice important, il y a dans le village voisin, cinquante pères de famille qui cherchent vraiment du travail. Je ne veux pas citer de noms : j'en ai dix sous la plume, tous sont des noms de propriétaires très riches du département.

                 Il faut bien remarquer que le nombre minimum de prisonniers à engager étant de vingt-cinq et, la durée de l'engagement assez long, il n'y a que les gros propriétaires qui puissent en profiter.
                 Pendant que ceux qui : luttent, suent, et peinent pour élever leur famille et payer l'impôt, ont mille difficultés à trouver un peu d'ouvrage, il y a, à la grande ferme voisine, cent prisonniers qui travaillent sous la surveillance de gardiens.

                 Un père de famille pourra-t-il s'offrir pour le même prix ? Il n'y gagnerait pas de quoi donner du pain sec à ses marmots.
                 Peut-être, s'il consentait à se soumettre à un salaire aussi bas, l'emploierait-on de préférence aux malfaiteurs ! Je dis : peut-être ! Car je n'en suis pas sûr.

                 L'Etat à qui la question a été mainte fois soumise répond : " Nous ne pouvons pas laisser les détenus inoccupés. Le travail est moralisateur ; le condamné a besoin d'un dérivatif à ses pensées malsaines.
                 Il faut qu'il prenne l'habitude du labeur, qu'il s'éloigne du vice et qu'à sa sortie de prison il soit en état de gagner sa vie !
                 D'ailleurs, les prisonniers nous coûtent fort cher, il est absolument nécessaire, dans un intérêt budgétaire de leur faire gagner une partie des frais de leur entretien.
                 Ces raisonnements ont certainement leur valeur, mais n'empêche et c'est le fait dominant et brutal qui subsiste, que chaque fois que, vous, administration envoyez cinquante ouvriers dans une ferme, vous enlevez du travail à vingt pères de famille.

                 Ces vingt citoyens sont, pour le moins, aussi intéressants que vos prisonniers.
                 De plus, alors que d'une façon indirecte vous leur enlevez leur gagne-pain, vous n'oubliez pas de leur présenter la note des contributions et d'appuyer cette note par des commandements et des saisies.
                 N'y aurait-il pas un moyen terme ?
                 Je vais en indiquer un qui me paraît, tout au moins rationnel :
                 " Nous avons dans le département des routes impraticables, les charrettes versent dans les ornières, les diligences cahotent leurs voyageurs, quant aux voitures particulières elles y laissent leurs ressorts.

                 De village en village pas de communication, sinon des pistes à travers champs qu'on a somptueusement décorées de chemins vicinaux.
                 Dans tous les centres, les rues et les places sont généralement dans un état déplorable. Lorsque l'on s'adresse à la voirie pour lui demander, tout au moins d'employer les pierres de prestations qui longent les ornières, elle répond " impossible nous n'avons pas de fonds ! "

                 Ne seraient pas possible d'employer les prisonniers sur ces routes ?
                 De les mettre à la disposition des communes qui assureraient ainsi l'état de viabilité de leurs chemins intérieurs ?
                 Les prisonniers travailleraient : voilà pour le résultat moral !
                 Ils rapporteraient tout autant : voilà pour le résultat pécuniaire !
                 Et nos routes seraient entretenues, elles en ont tant besoin ! ! !
                 Les communes dont l'état budgétaire est peu florissant pourraient entreprendre à bon compte quelques travaux urgents. Et les grandes fermes privées de leur main-d'œuvre pénitentiaire seraient forcés d'employer les pères de famille.
                 Messieurs les gros propriétaires y perdraient quelques sous, mais l'ouvrier gagnerait son pain.
                 Je trouve cela non seulement équitable mais moral !
Auguste de Samie. Le progrès de Mascara (16-06-1894)


Réponse à une lettre...
Envoyé par M. Christian Graille

                 Encore une ! ... La série est complète ! ... Vous me dîtes, sous le couvert de l'anonymat, que j'écris autrement qu'une femme doit écrire ! ...
                 Tiens ! Mais il y a donc plusieurs genres de s'exprimer ? ... Un style mâle et un style femelle ? ...
                 Des locutions pour les messieurs et d'autres pour les dames ? ? ... comme il y a sur toutes les lignes ferrées qui se respectent, des compartiments réservés au beau sexe et des wagons pour les fumeurs ! ...

                 L'Académie qui borne désespérément sa sphère, aurait donc établi bien en deçà de ses limites des barrières infranchissables de la femme ? ...
                 Et voilà que le nez dans les astres, inconsciente de cette empiètement criminel, fascinée par l'étendue l'immensité d'un idéal que j'avais cru sans bornes et qui m'attire comme la vitrine d'un bijoutier attire les regards des jolies femmes et des voleurs, j'ai éperdument et imprudemment couru par les sentiers inexpugnables, sans lire l'affiche particulière aux " buen-retiro " des gares : Hommes seuls ! ...
                 ... Je me vois ici appréhendée au collet par les gendarmes et ramenée de force à la frontière !

                 Pyramides de la bêtise humaine, des milliards de siècles vous contemplent ! ... ...
                 Ah ! Vraiment nous n'avons droit qu'à une certaine ration d'ambroisie... ?
                 ... Les muses parcimonieuses nous mesurent le nectar comme une cantinière mesure aux enfants de la troupe sa liqueur vitriolée ? ... et j'ai du boire à la coupe du voisin.
                 Savez-vous bien que vous me feriez éclater d'orgueil, ô homme ! ..." animal raisonnable comme le dit Darwin ".
                 Si je n'avais constamment devant les yeux : le style, le vrai, le pur, le sincère, l'unique, l'inaccessible, hélas ! ... puisque Goëthe lui-même écrivait : " J'eusse été peut-être un grand poète si la langue se fut montrée plus expressive "... et c'était Goëthe ! ! ...

                 .... Hé oui,... je sens en effet : plus de chaleur, plus d'ardeur, plus de feu, plus d'amour, plus de virilité dans le bec de ma plume qu'il n'en dépassera jamais de votre gilet de flanelle, ... mais, à qui la faute ? ..
                 Dans ma prochaine, je vous le dirai.
Math. Les Clochettes algériennes et tunisiennes (25-01-1903)



La Mort et le Bônois
Source Gallica

ALGER ETUDIANT
N°174, 9 mars 1934

FABLE, A mon maître Auguste BEUSCHER..

      Deux habitants d'Hippone un jour se querellèrent.
      C'est dans la cité d'Augustin
      Un jeu maint fois séculaire.
      Mais le fils de Monique exprimoit en latin
      Ce qu'au plus fort de leur colère
      Mes Bônois se disoient. Irai-je vous plaire

      Remettre en latin le débat ?
      J'aime mieux vous livrer le thème :

      - Ho ! grand lâche ! Ho ! péteux ! Descends à voir en bas !
      Tu te tiens la peur ou la flemme ?
      Va ! mieux pour toi tu sors dehors,
      Aussinon moi je monte en haut

      Et - Diocane ! - avec les os
      De tous tes morts,
      Je me fais des machins qu'on se prend les oiseaux,
      Comment qu'on les dit ? - Des baguettes ?
      - Va de là I C'est des reglinglettes.
      - Si je descends en bas, coulaud, si je descends,

      Un coup en haut les yeux en premier je te sonne.
      Un coup ? Quoi je dis ? Au moins cent !
      Et chaque coup, trois bosses, Dio bone !
      Et chaque bosse i'sort le sang
      Et le sang, c'est la mort. C'est vrai ou non, cavé ?
      - Entends-moi cet enfant de pute !

      Qui c'est premier qu'il a cherché dispute ?
      Petit, porte-moi trois pavés !
      Je l'étends roide à sa fenêtre,
      Encor sans le prendre en retraître !
      - Tu m'as dit ça, tu m'as tué !
      La mort des coqs ! Et où nous sommes ?

      Tout le lait qui m'a remué !
      Arrégardez çui-là qui se croit d'être un homme
      Et vient tout gonfle et tout vilain.
      Au plus s'il est un petit nain
      Qu'il est pas haut comme trois pommes !
      - Un homme comme toi, Madone ! le Bon Dieu

      Qui me lève la vue des yeux
      Si j'y bouffe pas, ma parole,
      La boumarolle !
      - Allez va ! petit fout-la-faim !
      - Petit je suis, c'est vrai, j'en conviens, je l'avoue,
      Mais si je l'aurois dans les mains,

      La mort de lui, je le secoue
      Et j'y tords les claouis jusqu'à tant qu'i' vient blancs.
      D'un grand vous avez peur ? Ah ! ouatt ! I' fait semblant.
      Laissez qui souffle un peu du vent,
      Force à force i' se déracine
      Çui-là de qui la tête au ciel était voisine

      Et dont les pieds touchoient l'empire de ses morts !
      - Si c'est pas malheureux qu'on s'entend la racaille
      Insulter à le monde ! Allez va, bon ! je sors.
      A voir de moi ou toi qui va lever la paille
      Ou cracher sur les morts. Trouve un morceau du bois
      Et surtout, n'a pas peur. Comme i' dit les Bônois :

      " Le cimitière de Bo-one,
      Le goût de mourir i' te donne
      En premier que tu le connois ! "
      Cette éloquence mortuaire
      Fit l'effet qu'elle devait faire.
      La Mort passoit par-là, "Viens, dit-elle, avec moi.

      Tu n'as goûté que les prémices
      Du bonheur qui t'attend dans ce lieu de délices."
      Le Bônois se tait prudemment.
      Elle insiste. Elle s'évertue,
      Tant qu'il trouve un bon argument :
      - Si je meurs, ma mère i' me tue !


MORTALITE

      La Rhétorique à Bône est d'un emploi constant.
      N'y va jamais, ô Mort, car tu perdrais ton temps.

Edmond Brua




PHOTOS de GUELMA - MESKOUTINE
VOYAGE 2018 du groupe Bartolini
THEÂTRE ROMAIN DE GUELMA








RUE SADI CARNOT DE BÔNE





MESKOUTINE









MEILLEURS VIEUX
De Jacques Grieu

BONNE CHANCE ?
     
          Quatre vingt treize fois que je les vois passer !
          Un jour, je ne pourrai encor les décompter….
          Pourtant rien de changé aux souhaits chaleureux,
          Où l'on trouve santé, bonheur, tout ce qu'on veut.
          " Bonne année ! Bonne année ! " Tous les ans, c'est le rite !
          Alors, c'est sans vergogne et sans peur des redites,
          Que je ressers ici des vers un peu usés
          Mais que, pour la plupart, chacun a oublié.

          Pour que l'année soit " bonne ", il faut beaucoup de chance.
          Et c'est donc " bonne chance !" Qu'il faudrait qu'on avance.
          Combien de fois par jour la chance est invoquée ?
          Au moindre échec subi, on dit qu'elle a manqué,
          Qu'une insigne déveine est ce qui fit échouer.
          La chance aurait bon dos ! Sans qu'on veuille l'avouer…
          Les bonnes âmes ont dit que " chance se mérite ",
          Que c'est question de sueur, de travail sans limite.

          Ce serait une guigne arrivant sur les autres,
          Et trop bonne fortune irait aux bons apôtres ;
          Que l'absence de chance est faute de technique,
          Que la veine sourit quand on lui fait la nique ;
          Qu'elle tombe sur vous rien qu'une fois sur deux ;
          Que c'est pure invention de jeunes paresseux ;
          Qu'il faut se lever tôt si on veut qu'elle vienne,
          Sans trop compter sur elle aux moments qui conviennent.

          Pour eux, veine qui dure est forcément suspecte
          Puisque la chance tourne et chaque tour respecte.
          Il faudrait supprimer toute noire malchance,
          Invention pessimiste excusant nos carences.
          Et de même expliquer que toute baraka,
          N'est qu'un fort juste effet d'un incessant combat.
          Jamais la réussite à la chance n'est due
          Et c'est de nos erreurs que l'échec est issu.

          " Ceux qui ont la santé, sont de bien grands chanceux " :
          Le dicton n'est pas faux , mais tous ces bienheureux,
          Ils ont aidé leur gènes à bien les préserver.
          L'ADN n'est pas tout et chacun peut l'aider !
          Tous les grands picoleurs, les fumeurs, les bafreurs,
          Ne doivent s'étonner s'ils ont quelques malheurs
          Et si la baraka les mets aux oubliettes :
          " On creuse bien sa tombe avec une fourchette !"

          Il faut donc tout prévoir sans la moindre exception ?
          Le Principe brandir, celui de Précaution ?
          Et s'il me plaît à moi, de croire en vieil enfant,
          Au bon père Noël, qui passe tous les ans ?
          Et qui, même en l'année, nous comble de bienfaits
          Sans que, pour ses souliers, on se soit mis en frais ?
          Ne gagner les concours que ceux de circonstance,
          N'est probablement pas le nerf de l'existence…

          Car le " tout rationnel " serait bien monotone ;
          Bienvenu Dieu-hasard, quand il change la donne !
          Vivre sans fantaisie n'est pas la panacée,
          Et du " tout est prévu ", on a très vite assez.
          A nous, portes-bonheurs, talismans et reliques,
          Fétiches et mascottes ou grigris sympathiques !
          " Bonne chance et bon vent tout au long de l'année ",
          C'est le souhait cordial qu'il faut nous souhaiter.
          Alors, vive la chance et le fer à cheval,
          Le trèfle à quatre feuilles et boules de cristal !

Jacques Grieu                  



Tirailleur Algérien,
N°501, 12 août 1900

Source Gallica

LES CAILLES

            La caille appartient à la plus haute aristocratie de la plume ; elle a les plus beaux quartiers de noblesse parmi les gallinacés. La caille a de droit ses entrées dans tous les hôtels du faubourg Saint-Germain ; elle daigne honorer de sa présence ceux des champs Elysées, ou de la chaussée d'Antin. Sa mise, quoique modeste, est d'une simplicité du meilleur goût, de l'aspect le, plus agréable. Sa robe savamment mélangée de roux, de clair et de gris, est soyeuse, luisante et toujours d'une propreté remarquable.
            Elle a les extrémités fines et délicates, signe distinctif des races supérieures. Ses pattes, roses, effilées, soignées, ressemblent aux pieds d'une petite maîtresse. Elle tient encore de celle-ci par la nonchalance, la paresse et aussi par le fond de son caractère qui est essentiellement égoïste et personnel.

            La caille n'aime, rien que la bonne nourriture, l'amour et le repos. Devenue mère, elle s'occupe de ses petits le temps justement nécessaire pour qu'ils puissent se suffire à eux-mêmes, car aussitôt qu'ils mangent seuls, elle les quitte et les fuit pour toujours. Est-ce l'indolence, le goût des voyages, des pérégrinations semestrielles qui la rendent, aussi peu soucieuse de la famille, aussi peu attachée aux pays qui la nourrit, aussi peu sociable avec les individus de son espèce auxquels elle ne se réunit que fortuitement à l'époque où ils voyagent et traversent ensemble la Méditerranée. Dans tout autre temps les cailles vivent isolément.
MANIÈRE DE LES TUER
Le soleil dévore la plaine,
Mon vieux, " pointer", tout haletant,
Langue pendante, chasse à peine,
Et son maître en fait tout autant.

Mais la chance revient, quand on en désespère.
Au bord d'un trèfle frais, voici " Trim" en arrêt.
Le cou tendu, I'œil fixe ; il semble un chien de pierre !
Ma crosse est épaulée ; au lever, je suis prêt.

La caille part rasant la terre :
Que, je perde aujourd'hui mon nom
Si je n'arrête pas la commère
Avec un coup de petit plomb !

Apporte ! Tout beau. "Trim !" Tu vois c'est une caille,
Nous en avons assez : cela fait six, ma foi !
Il faut savoir à temps sortir ce la bataille :
C'est un fort conseil à donner, même au roi.

Partons, du retour l'heure sonne,
La paille s'attend au chenil.
Et puis, "Trim" la caille n'est bonne
Que mangée au bout du fusil.




Pas de politique
Source Gallica
EST ALGERIEN N°29, 6 juillet 1871
             II est une phrase à l'abri de laquelle les partis monarchistes ont commencé, il y a quelques mois et continuent aujourd'hui les menées les plus hostiles à la République.
             Pas de politique, disent-ils, dans cette période de réorganisation ; pas de politique en face de l'insurrection, pas de politique en face de l'ennemi, ont-ils dit à deux époques peu éloignées de nous. Ce programme eut-il eu la chance d'être respecté par les contractants, que nous le repousserions quand même de toutes nos forces ; il est le pendant de cette déclaration de M. Thiers : Essayer la République avec des hommes de tout autre parti que le Républicain.

             On a pu voir depuis un mois ou deux ce que les inventeurs de l'idée entendent par ces mots : pas de politique, c'est dire : vous, républicains, qui n'avez en vue que le bien général, vous qui avez le plus de chance d'être soutenus par le peuple qui commence à comprendre que son salut présent et son avenir résident tout entiers dans le gouvernement de tous par tous ; ne faites pas de propagande, ne mettez pas vue les désastres que nous ont valu et que nous vaudront immanquablement les dynasties ; nous cependant, nous ferons sourdement travailler les électeurs par le clergé et l'administration qui sont à notre dévotion ; nous sommes presque tous de grands propriétaires, nous en profiterons pour agir sur ceux qui gagnent leur pain en travaillant sur nos terres, et s'ils se montrent récalcitrants nous leur offrirons la perspective de mourir de faim.

             Les hommes les plus en vue du parti républicain ont deviné la mauvaise foi que cachait cette doucereuse proposition ; aujourd'hui qu'ils ont reconnu combien leurs pressentiments étaient fondés, leurs adversaires ont démasqué toutes leurs batteries et après avoir employé la période de temps qui s'est écoulée depuis le 4 septembre jusqu'au mois d'avril à nous bloquer par leurs combinaisons dynastiques, ils nous bombardent aujourd'hui avec leurs prétendants.

             Le gouvernement semble prêter la main à ces intrigues, la circulaire du garde des sceaux en est une preuve. On restaure les unes après les autres les lois de compression inventées par l'empire : alors que M.Dufaure Était dans les rangs de l'opposition il n'a pas manqué de proclamer qu'un des premiers droits du citoyen, et de tous, le plus essentiel peut-être, était celui de réunion et cependant il vient de rappeler aux parquets qu ils doivent faire exécuter rigoureusement la loi de 1868 qui réglemente ce droit. Chacun sait ce que signifiait, sous le régime déchu, ce mot réglementer.

             Est-ce le simple désir de faire respecter une loi, jusqu'à ce qu'elle soit abrogée, qui a dicté la conduite du ministre de la justice ?
             Non, si cette loi n'eût existé, il l'eût faite ; nous ne craignons pas que notre jugement soit taxé de témérité et pour cette raison : si M. Dufaure trouvait la loi de 1868 mauvaise, la Chambre sur sa proposition l'eût abrogée immédiatement ; na-t-elle pas donné des exemples de sa bonne volonté en ce genre, en rapportant une grande partie des arrêtés et décrets promulgués par le gouvernement du 4 Septembre. Ajoutons pour être complet que ces décrets et arrêtés étaient animés d'un esprit tout à fait contraire à celui qui inspira la loi impériale de 1868.
             La loi du sûreté générale de 1858 n'est pas abrogée non plus, on peut même dire qu'elle fonctionne admirablement, nos colonies de Cayenne et de Nouka-hiva vont se repeupler : les conseils de guerre y pourvoient avec rapidité.

             Et c'est dans un semblable moment qu'on nous dit : pas de politique ! Au contraire, ne faisons que cela, imitons nos adversaires et puisqu'on nous interdit de nous réunir pour en causer, qu'elle devienne l'objet de nos conversations particulières de chaque jour, de chaque heure.
A. F.


PHOTOS de HERBILLON
VOYAGE 2018 du groupe Bartolini

























LE SANG DES RACES
Par LOUIS BERTRAND
Source Gallica
LA MAISON DE THÉRÈSE
VI

pages 44 à 53

         Bacanète, dès le matin, avait dit à Rafaël :
         - Va-t'en charger des transports chez Alphonse !... Tu sais ?... Une petite maison sur la route de l'Harch...
         C'était un matin de printemps. Rafael, avec son équipage, traversa les rues de Médéa. Il franchit la porte de Laghouat et se mit à chercher la maison, qu'il ne connaissait pas. Il la chercha longtemps, car elle était assez éloignée de la ville. Déjà il craignait de l'avoir dépassée, lorsqu'il aperçut, tout au bout de la route, Alphonse qui la lui montrait et qui l'appelait en agitant ses bras.

         La maison était juste au tournant que fait le chemin avant de se rétrécir pour s'enfoncer dans les montagnes. C'était l'ordinaire bâtisse algérienne, basse comme un gourbi et toute branche de chaux. Un berceau de houblon, planté par l'ancien propriétaire alsacien, encadrait la porte étroite, et à gauche, dans un retrait du talus, se déployaient des hangars et des écuries.

         Alphonse, le maître du logis, vint toucher la main de Rafaël, dès que le chariot fut arrêté. Ils s'étaient rencontrés souvent à l'Hôtel du Roulage, le colon venait quotidiennement faire sa manille avec les charretiers de passage. Tous le connaissaient, et même ils s'amusaient un peu à ses dépens ; car, tout en étant très rusé, il avait un extérieur grotesque qui prêtait à rire.
         Perché sur de longues jambes, son corps semblait agité d'une danse de Saint-Gui perpétuelle. Le nez rouge éclatait dans une figure presque imberbe, sans cesse grimaçante. Le visage était fripé, comme déteint ; et, de la bouche balbutiante, les phrases sortaient hachées et par saccades.
         Au bruit de l'attelage, une jeune femme était apparue sur le seuil ; elle avait regardé, puis était rentrée presque aussitôt.

         Le métayer espagnol et son fils, un grand garçon brun à profil de chèvre, avaient déjà roulé les transports devant la maison. Bien que les deux hommes fussent très robustes, Rafael fut obligé de les aider à pousser les tonneaux sur le poulain et lui-même les disposait sur le chariot. Pendant ce temps, Alphonse tournait autour des bêtes, qu'il semblait examiner avec une grande attention, tout en bredouillant des mot inintelligibles, dont il ricanait tout seul.

         Quand le chargement fut terminé, il prit amicalement Rafaël par l'épaule et l'emmena devant le mulet Marquis, que Bacanète avait fini par ôter de son équipage à cause de la méchanceté croissante de l'animal.
         Alphonse, qui l'admirait fort, voulut absolument savoir son âge. Alors Rafael, retroussant les lèvres du mulet, mit à nu les mâchoires pour faire juger de la longueur des dents. Mais les gencives étaient extraordinairement gonflées et, au premier attouchement de Rafael, la bête eut un frémissement de douleur.

         - C'est l'orge nouvelle qui lui a échauffé la bouche, dit celui-ci, il faut que je lui pique le lampar (déformation du mot français lampas : tumeur du palais.) tout de suite autrement, ce soir, il ne pourra plus manger.
         Il tira de la poche intérieure de son gilet une corne de gazelle et, pesant de toutes ses forces sur la mâchoire du mulet, il enfonça la corne dans le palais congestionné. La bête broncha et voulut mordre ; mais Rafael la maintenait solidement. Un flot de sang lui inonda la main et coula le long du bras, jusque dans la manche de la chemise retroussée, tandis qu'Alphonse avec sa figure de pitre et ses yeux brouillés, regardait couler le sang qui s'échappait en ruisseau. L'animal, baissant le cou et avançant le mufle, d'où tombaient des baves en longs fils rouges, battait doucement des paupières comme s'il allait mourir.
         Viens te laver à la maison ! Après nous boirons une bouteille de vin blanc, dit Alphonse à Rafael.

         Ils entrèrent dans la salle. Sitôt qu'elle le vit, le bras rouge comme un boucher, le manche du fouet maculé de sang, la jeune femme poussa un cri : Vous avez battu une de vos bêtes ? - dit-elle à Rafael, qui souriait. Mon Dieu ! Faut-il que vous l'ayez frappé, pour être plein de sang, comme vous êtes. C'est mal cela !
         Rafael éclata de rire, puis il expliqua l'opération du mulet, tout en la suivant dans la cuisine, où elle remplit d'eau un grand bassin. Mais, en dépit de toutes les explications du jeune homme, elle s'obstinait dans son horreur :
         - Vous êtes tous comme ça, vous autres les Espagnols ! Certainement, ce n'est pas dans mon pays qu'on verrait des choses pareilles !

         Tout le temps que Rafael et son mari furent à boire, elle affecta de ne pas leur adresser la parole, assise à l'écart et les yeux baissés sur un ouvrage au crochet, comme si elle attendait impatiemment que les verres fusent vides.
         Quand Rafael avec un petit rire, lui dit adieu, elle ne leva point la tête en lui répondant. Celui-ci partit le soir même pour Laghouat, et de tout un mois elle ne le revit plus.

         Cependant plusieurs fois dans la journée, elle resongea à lui, c'est souvent en sortant de sa maison, elle revit sur la route la tache de sang du mulet, jusqu'à ce qu'elle se fût complètement effacée sous les pieds des Arabes. Puis elle oublia tout à fait Rafaël.
         Lui ne s'était pas beaucoup occupé d'elle, par convenance d'abord (car c'est presque une insulte de regarder la femme d'un autre), puis parce qu'il la jugeait trop loin de lui par son rang pour s'intéresser à elle. Il la crut fière et dédaigneuse et n'y pensa pas davantage.

         Cette jeune femme était pourtant jolie, mais sans cet éclat triomphant qu'ont les Espagnoles, sorte d'émanation visible que forme autour d'elles l'ardeur de leur sang. Elle avait cette pâleur grise du Nord qui rappelle les ciels brouillés de pluie et la teinte amortie du chanvre. Ses yeux paraissaient sans couleur, ses cheveux blonds se partageaient simplement en bandeaux à la Vierge. Mais, malgré son nez trop court, ses joues un peu rondes, l'ensemble de son visage avait une très fine élégance. Le regard limpide et sans profondeur exprimait une grande bonté et, à voir ses lèvres sérieuses et presque toujours closes, on la devinait parfaitement calme et raisonnable.

         Elle s'appelait. Thérèse. Elle était née à La Veuve, en Champagne, un petit village auprès de Châlons. Le pays est très pauvre, les maisons, bâties en planches et en torchis. Le sol crayeux se déroule en mornes étendues, sans autre accident que de géométriques plantations de sapins, où passe de loin en loin un paysan sur une petite carriole traînée par un âne. Mais les tours de Notre-Dame de Châlons, qu'on aperçoit dans le lointain derrière un rideau d'arbres et de verdures, relèvent la platitude des terres et prêtent une noblesse à l'horizon.

         Elle avait épousé Alphonse tout à fait à l'improviste, pendant un voyage qu'il avait fait en France, après la mort de son père. Comme ils étaient cousins et qu'on le supposait riche, ses parents, des fermiers assez besogneux, l'avaient poussée à ce mariage, qui ne lui agréait guère ; car Alphonse, même en ce temps-là, n'était pas bien joli. L'Afrique lui déplut tout de suite, elle ne put jamais s'y faire et s'aperçut bientôt que son mari était ivrogne et paresseux.

         Petit à petit, il abandonna son train de culture à des métayers espagnols, pour s'occuper uniquement de trafiquer sur le bétail et les fourrages. Il se mit à courir les foires et les marchés, ce qui valut mieux pour ses affaires, car, au contact des Arabes et des juifs, il était devenu extrêmement retors, et naturellement il était fort léger de scrupules. Son air niais lui servit aussi beaucoup. Mais, à rouler sans cesse les auberges et les cafés, son penchant pour l'ivrognerie s'accrut d'une manière effrayante. Il s'en vantait lui-même, il avait besoin d'être ivre pour traiter une affaire : et, presque tous les soirs, quand il rentrait, sa femme n'avait plus qu'à le coucher. Il déclina ainsi d'année en année. Son dos se voûta, des rides lui vinrent, ses mains commencèrent à trembler. Maintenant, ce n'était plus qu'un lamentable polichinelle aux propos incohérents et ridicules. Seul, l'instinct de la ruse persistait en lui et, quand il bâclait un marché, une lueur s'allumait dans ses yeux troubles.
         Thérèse souffrait beaucoup de tout cela ; mais sa plus grosse déception fut de ne pas avoir d'enfants. Au début, elle s'en affligea démesurément. Puis, avec les années, son caractère raisonnable et calme l'emporta. Elle se réfugia dans les soins du ménage.

         Il y avait un vieux domestique arabe pour le jardin, les deux chevaux et les chiens d'Alphonse, car il était grand chasseur. Thérèse s'occupait de tout le reste, aidée par une petite juive, qui venait de Médéa tous les matins et qui s'en retournait pour déjeuner, ses parents ne touchant pas aux nourritures des chrétiens. Elle s'appliquait à mettre autour d'elle une propreté méticuleuse et une élégance inconnue des autres femmes de colons.

         Cette maison de Thérèse, malgré son peu d'apparence, était en effet confortable. En entrant, on trouvait une espèce de salle commune, où l'on recevait les gens de journée et qui servait de salle à manger en temps ordinaire. Derrière, étaient la cuisine et une grande pièce pour les domestiques ; à droite, une chambre d'amis ; à gauche, la salle à manger d'apparat et, tout au fond, la chambre à coucher, éclairée d'une seule fenêtre qui donnait sur la route.
         Elle aimait cette chambre, qui était sa chose, qu'elle avait ordonnée et décorée elle-même, où s'étalaient aux murs et sur les meubles ses menus ouvrages de crochet et de tapisserie. Elle avait fait venir d'Alger tout un ameublement Henri II. Le lit à colonnes torses occupait le milieu sous un baldaquin et, à côté, se dressait une massive armoire à glace, que le plafond trop bas écrasait un peu.

         Tandis qu'Alphonse courait le pays ou s'éternisait dans les cafés de Médéa, elle s'enfermait là presque toutes les journées, s'occupant à coudre ou à broder. Elle avait le goût du beau linge, et toutes ses économies passaient en services de table, qu'elle ourlait elle-même; après quoi, pendant de longues après-midi, elle y brodait son chiffre.

         Ces occupations méticuleuses l'absorbaient assez pour qu'elle ne sentît presque jamais la solitude. Elle ne fréquentait aucune de ses voisines, femmes de colons ou petits propriétaires, celles-ci étant en général d'extraction fort basse et de manières communes qui choquaient Thérèse. Même chez les mieux élevées, le laisser-aller algérien, l'exubérance du Midi lui causaient un véritable malaise. D'ailleurs, beaucoup d'entre elles passaient pour avoir une conduite très libre, dont chacun jasait et dont elles-mêmes ne faisaient pas grand mystère.

         Thérèse n'avait de réelle sympathie que pour la femme d'un colon de Damiette, Mme Schmidt : c'était une Espagnole, ancienne servante d'auberge, disait-on, qui jadis avait généreusement usé de ses vingt ans ; mais tout cela était bien oublié depuis qu'elle avait épousé ce gros Alsacien de Schmidt. Elle était fort sérieuse dans sa conduite, bien qu'à tout propos elle se mît à rire comme une folle ; et Thérèse sentait en elle un grand fond de bonté. Devenue très grosse, elle avait gardé un petit visage de gamine, dont la naïveté désarmait.

         Elle venait presque tous les jours à Médéa, sous prétexte de provisions à faire, mais en réalité pour tuer le temps et jaser avec d'innombrables connaissances, par besoin d'expansion, de bavardage et de bruit. Elle arrivait chez Thérèse en coup de vent, l'embrassait, lui prenait les mains en l'appelant povrète ! Puis elle se faisait offrir un verre de liqueur ; elle accaparait Thérèse, lui reprenait les mains, se penchait vers elle en débitant mille enfantillages, et soudain des propos salés, qui faisaient rugir celle-ci; mais, avant que Thérèse eût ouvert la bouche pour la gronder, elle poussait de tout son cœur un éclat de rire si candide que l'autre n'avait le courage de rien dire.

         Souvent, elle s'installait pour des après-midi entières, sous prétexte d'apprendre un de ces jolis ouvrages où excellait Thérèse ; mais ses gros doigts embrouillaient tout, et bientôt elle laissait tomber la serviette commencée. Alors, tandis que son amie tirait l'aiguille, elle commençait à jaser. Subitement, elle prenait un ton presque mystique, pour faire des confidences sur son mari, qu'elle aimait beaucoup. Elle se désolait comme Thérèse de ne pas avoir d'enfants ; et même le chagrin qu'elles en éprouvaient toutes deux était une des grandes raisons de leur sympathie. Elles y revenaient toujours, s'excitant l'une l'autre à espérer ; mais Thérèse secouait la tête et Mme Schmidt, comprenant tout ce qu'elle taisait, se précipitait avec effusion sur ses mains et l'appelait povrète d'un ton attendri. Pour elle, elle formait tous les ans le projet d'aller en pèlerinage à Lourdes, si le vin se vendait bien. Elle en parlait fréquemment à Thérèse, qui se montrait incrédule.

         Alors Mme Schmidt, impatientée, finissait par lui dire :
         - Voilà ce que c'est que de se marier avec des Français!... des hommes qui n'ont pas de sang !...
         Ces propos indignaient Thérèse, qui ripostait en attaquant la brutalité et la sottise des Espagnols. On se disait des choses très dures ; puis, tout à coup, Mme Schmidt poussait son gros éclat de rire, et l'on se réconciliait.

         Cependant, il y avait des jours où, malgré son activité et son habituelle résignation, Thérèse se sentait très malheureuse. Elle avait de soudaines détresses, le mal du pays la prenait, et elle se jugeait perdue dans cette petite maison déserte, au bord de cette route qui ne menait à rien, où personne ne passait sinon quelques Arabes en guenilles, les jours de marché. L'hiver était pour elle la bonne saison, et, lorsqu'à la tombée de la nuit elle voyait de la fenêtre de sa chambre les jardins de Médéa fumer dans le brouillard et les lampes des réverbères s'allumer, elle se croyait dans une de ces petites villes de l'Argonne, où elle allait autrefois avec son père, au temps des foires.

         Mais en été, pendant les mois d'août et de septembre, il y avait des semaines entières de sirocco, où elle se consumait, n'ayant plus de goût à rien, où elle se sentait comme flétrie et desséchée par cette haleine infernale du Sud. Voilà près de dix ans qu'elle n'avait quitté l'Afrique. Maintenant, quand elle se regardait dans son miroir, elle se trouvait changée ; ses yeux gris, autrefois si calmes, brillaient à de certains jours d'un éclat de fièvre, et sa pâleur, comme fouettée de bile, se fonçait d'une couleur d'ambre.
         Un soir de mai, Mme Schmidt était passée chez elle ; son break, quelle conduisait elle-même, attendait devant la porte, lorsque Rafael, un paquet à la main apparut dans l'encadrement de la tonnelle :
         - Comment! c'est toi, Rafaelète! s'exclama Mme Schmidt de son ton jovial.
         Rafael salua Thérèse et, se tournant vers Mme Schmidt : - Bonjour, Juanita !... et alors ?...

         Leurs grands-parents s'étaient connus, ceux de Mme Schmidt étant d'un village voisin d'Alicante. On avait joué ensemble au Faubourg ; puis, pendant de longues années, on s'était perdu de vue. L'Espagnole examinait Rafael de la tête aux pieds, sans nulle gêne, ébahie de le voir si changé. Celui-ci, tenant toujours son paquet à la main, expliqua qu'il venait remettre à Alphonse un panier de crevettes de la part de Bacanète, qui les avait apportées d'Alger le matin même : c'était un luxe pour Médéa. Les deux femmes se récrièrent sur le cadeau de Bacanète.
         - Donnez-nous un verre de vin blanc, madame Alphonse ! - dit tout de suite Juanita, avec un petit air suppliant d'enfant gourmande. - Il faut rafraîchir le commissionnaire... Assieds-toi, Rafaelète! Qué ! je veux trinquer avec mon pays ...

         Thérèse apporta une bouteille et des verres. On s'assit autour de la grande table à toile cirée. Rafael répondait aux questions de Mme Schmidt, qui ne se lassait pas de le dévisager.
         - Alors, te voilà charretier, maintenant, disait-elle... Comme tu es grand !... et puis tu as des moustaches à présent !...
         - Et toi, comme te voilà grosse !... tu es large comme une barque, Cristo !

         Mme Schmidt riait aux éclats. Cependant, Rafael regardait Thérèse à la dérobée. Leurs yeux se croisèrent, et tous deux se virent véritablement pour la première fois. Elle éprouvait en sa présence une émotion singulière et inexplicable. Son cœur se serrait à l'étouffer et les muscles de son visage bougeaient quand elle essayait de parler.
         " Pourquoi est-ce que je tremble ainsi ? se disait-elle, c'est un garçon comme tous les autres. " Mais elle sentait qu'en disant cela elle se mentait à elle-même.
         Songeant à son mari, elle contemplait Rafael. Sous le grand feutre noir, avec son visage de cavalier marqué de la cicatrice, sa petite blouse à broderies blanches, mais surtout l'aisance parfaite de ses mouvements, celui-ci paraissait un autre homme. Ce n'était plus le boucher de l'autre jour aux bras éclaboussés de sang... Elle s'en souvenait encore : il y avait du rouge jusque sur le manche de son fouet !

         Mme Schmidt proposa à Rafael de la ramener dans son break jusqu'à Médéa. Il prit les guides. Thérèse les regarda partir et fut jalouse de l'Espagnole. Elle suivit longtemps des yeux le grand feutre noir et la petite blouse aux beaux plis, qui se gonflait au vent de la course et, quand elle disparut derrière les platanes de la route, Thérèse se sentit seule tout à coup, avec une amertume au cœur qu'elle n'avait jamais connue.
         Alors, elle se jeta de toute sa pensée sur l'image de Rafael, elle s'y attacha de toutes ses forces comme à quelque chose de précieux. Elle se fatiguait en efforts d'imagination pour le revoir tel qu'il était tout à l'heure, à cette table même, à côté de Mme Schmidt et, quand vint le soir, elle se sentit la tête lourde de ce vain et perpétuel travail. Sans attendre son mari, elle se décida brusquement à se coucher, comme si, dans les ténèbres, elle jouirait davantage de son souvenir. Au plus profond de sa pensée, elle allait se recueillir et s'exalter toute seule avec une joie d'avare.

         Mais à peine fut-elle dans sa chambre, sous la lumière bleue de la veilleuse, au milieu de tous ces meubles ordonnés par elle, de ces menus ouvrages, auxquels elle avait passé tant de journées de calme, qu'elle eut conscience de l'extraordinaire agitation qui la bouleversait jusqu'au fond de l'âme. Elle se compara à ce qu'elle était tous les jours
         "N'était-ce pas absurde de se mettre dans un tel état pour un homme qu'elle ne connaissait pas, un Espagnol, le charretier de Bacanète ?... Elle voyait d'avance tout ce qu'une telle liaison allait mettre de trouble et de honte dans sa vie ; elle devinait l'espèce de fièvre où il faudrait vivre désormais et qui allait rompre la dignité de son attitude : " Tout cela n'était point fait pour elle..."
         Mais, au même instant, elle revoyait le visage de cavalier sous le grand feutre noir, et elle entendait la voix mâle de Rafaël : " Bonjour, Juanita ! " et le rire épanoui de Mme Schmidt. Alors elle ne savait plus à quoi se résoudre. Toutes ses idées s'écroulèrent, ses répugnances mêmes ne lui paraissaient plus invincibles. Cependant, au fond de sa détresse, quelque chose continuait à protester en elle. Epuisée par la lutte, elle finit par ne plus penser, et elle s'endormit d'un lourd sommeil.

         Le lendemain, en se réveillant, elle se surprit avec stupeur à prononcer le nom de Rafael. Elle voulut chasser l'obsession, parce qu'elle la faisait inutilement souffrir ; mais celle-ci devint si forte qu'elle s'inventa un prétexte pour aller à Médéa, elle qui ne sortait presque jamais ! Elle longea la place d'Armes, où sont les cafés, examinant les devantures et jetant un coup d'œil à l'intérieur ; elle passa et repassa devant l auberge du roulage. Mais elle n'aperçut pas Rafael, qui avait dû partir le matin même. Elle revint, pleine d'une grande tristesse.

         Puis, ne sentant plus sa présence, elle se calma peu à peu, bien qu'elle songeât toujours à lui. Quand la date de son retour approcha, elle redevint fiévreuse. Le tête-à-tête avec son mari lui était chaque jour plus insupportable, sans qu'elle pût s'en justifier à ses propres yeux, car, enfin, que prétendait-elle ? Mais elle s'avisa que les relations d'Alphonse avec Bacanète pourraient peut-être la servir et, un matin, sortant de la cuisine le panier aux crevettes, elle lui dit négligemment :
         - Tu devrais bien rendre son panier à Bacanète... ou à Rafaël. C'est ennuyeux, ces cadeaux-là, cela vous oblige à des politesses... Il va falloir les inviter à la maison...
         Le surlendemain, Alphonse ramena Bacanète et Rafael pour souper.

         A la vue de celui-ci, Thérèse, au lieu de la grande joie qu'elle espérait, n'éprouva que le trouble inexplicable qui l'avait déjà bouleversée, lors de sa dernière visite. De grands battements de cœur l'oppressaient et quand elle voulut parler, elle éprouva une vraie peine à le faire. Bacanète la plaisanta, suivant son habitude. il l'assaillit de galanteries grossières,, auxquelles elle répondait avec un grand embarras, tandis que Rafael, qui la sentait gênée, s'efforçait de détourner la conversation. Il la complimenta sur sa coiffure en termes naïfs et, bien qu'il fût naturellement très familier avec les femmes, il comprenait si bien la supériorité de Thérèse et il avait tellement conscience en lui faisant ce compliment d'accomplir quelque chose d'extraordinaire, qu'il en parut gauche et presque timide. Thérèse alors s'enhardit, son trouble disparut et ils se mirent à causer.

         Visiblement, Rafaël s'appliquait à lui donner de sa personne une idée flatteuse. Il surveillait ses paroles, s'observait en mangeant. Entre Bacanète, qui versait dans son potage un plein verre de vin, et Alphonse qui, encouragé par celui-ci, harcelait sa femme d'ineptes taquineries, il semblait leur maître à tous deux. Chaque fois qu'il baissait la tête, Thérèse le regardait, et quand il la relevait, elle suivait de l'œil les mouvements de ses mains, dont la force et la rudesse l'étonnaient. Tout à coup, les yeux de Rafael s'arrêtèrent sur elle et, l'espace d'une seconde, elle reçut son regard en plein visage. Dans cet instant si court, elle eut la vision de tout son être. Cette âme cruelle de l'Espagnol, qu'elle détestait, cette Afrique brûlante qui détruisait son corps, elles éclataient dans les yeux de Rafael, elles allumaient le feu de ses veines, elles courbaient et gonflaient son cou comme la sève d'un bel arbre, elles décoraient de grâce la robustesse de son torse et jusqu'au balancement de ses épaules.
         Qu'il était loin d'elle, cet homme, dont elle sentait pourtant le souffle dans ses cheveux et dont les pieds touchaient les siens ! Eut-elle conscience devant lui de la misère de sa chair et se rappela-t-elle avec dégoût la santé, grossière et le sang lourd des hommes de son pays? Mais elle s'humiliait, elle était triste à en pleurer.

         Alors elle commença à regarder Rafael et, comme elle lui parlait de choses indifférentes, elle mit 'dans son regard toute une imploration, afin qu'il la comprît. Il la regarda lui aussi ; mais il n'y avait plus dans ses yeux qu'un rire moqueur. Il n'était plus que Rafael, le charretier de Bacanète, celui qui avait saigné le mulet Marquis. Cependant, quand il s'en alla avec les deux autres, le cœur de Thérèse battit de nouveau, à la vue de la petite blouse légère, dont le frissonnement l'affolait.

         Le lendemain elle n'y tint plus. Elle courut à Médéa pour le rencontrer. On la vit même stationner sur des bancs de la place d'Armes. Cependant son maintien était si correct que personne n'eût pu deviner le trouble intérieur qui l'agitait jusqu'au désespoir. Rafael, qui passait, la salua avec cet irritant sourire qu'il avait toujours devant elle. Thérèse demeura convaincue qu'il se doutait de quelque chose.
         Il partit encore une fois. Une vie d'incessantes tortures commença pour elle et, à chaque arrivée et à chaque départ, sa souffrance s'exaspérait. Comme Alphonse s'était pris d'une belle amitié pour Rafael, il l'amenait à la maison. Thérèse et lui se parlaient, se regardaient, et les choses en restaient là. Elle avait si peur de se trahir qu'elle mesurait ses moindres paroles. Malgré la ferveur de son accent, Rafael avait l'air de ne pas la comprendre. Alors pourquoi s'obstiner à l'aimer ? Il n'y avait pas d'issue possible, pensait-elle.

         Lorsque Mme Schmidt venait la voir, elle brûlait de lui parler de Rafael. Mais elle craignait toujours de laisser échapper une indiscrétion, et puis, qui sait ?
         - peut-être en montrant de l'intérêt pour ce garçon, exciterait-elle un intérêt tout semblable chez cette grosse femme indolente. On serait jalouse l'une de l'autre ! Cependant un jour elle ne put résister à l'envie de lui dire :
         - Votre pays est venu dîner avec nous, hier soir...
         Elle n'osait pas le nommer.
         - Qui ? demanda Mme Schmidt de son ton bonasse.
         - Le garçon de Bacanète !
         - Ah ! Rafaël !...
         Et elle ajouta tout de suite dans son mauvais français :
         - C'est un bon muchacho, bien brave ; il est bien gracieux, Rafael !...
         Que voulait-elle dire par ce mot de gracieux ! Thérèse n'eut pas le courage de le lui demander. Et Mme Schmidt, avec sa mobilité ordinaire, passa à un autre sujet.

         Dans sa solitude, elle s'exalta de plus belle. Toutes ses pensées tournaient autour de Rafaël. Elle se faisait de lui une idée extravagante, et, pendant ses longues après-midi de désœuvrement, elle n'avait pas d'occupation plus chère que d'évoquer son image. Elle le parait en imagination, ainsi qu'une idole splendide.
         Un matin, qu'elle le croyait de retour, elle se mit en route pour Médéa. Elle l'attendait depuis si longtemps qu'elle allait à sa rencontre comme au-devant d'un jeune dieu.

         Justement elle aperçut devant l'auberge du Roulage une file d'équipages alignés. Les charretiers étaient occupés à dételer les bêtes devant un cercle de curieux et de petits mendiants arabes. Elle s'approcha, s'arrêta même, bien qu'elle jugeât la chose très malséante, et le premier qu'elle aperçut, ce fut Rafael allant et venant au milieu des traits qu'il détachait. Son béret était blanc de poussière, son visage hirsute, des taches de cambouis maculaient son pantalon de velours bleu déteint, qui traînait sur les talons et d'où sortait à moitié une chemise sale. Il donna une claque sur la croupe du mulet de cheville :
         - Hue, hô ! Marquis

         Les grosses bêtes s'ébranlèrent pesamment vers l'écurie, avec un grand bruit de sabots et de ferrailles. Rafael suivait à distance. Il passa près de Thérèse sans la regarder, ni lui rien dire, dans la rudesse de son accoutrement. La lanière tressée de son fouet accroché à son épaule pendait le long de son dos sur la toile bise du gilet. Elle regarda la mèche osciller entre ses jambes, jusqu'à ce qu'il disparût sous la porte cochère.

         Voilà donc celui qu'elle aimait ! Thérèse en fut atterrée. Elle rentra à la maison, honteuse d'elle-même et, parce qu'elle se méprisait, son dégoût se tourna en exécration. Rafael la révoltait comme au premier jour, lorsqu'il était entré chez elle, les bras rouges de sang. Mais à force de penser à cette scène de l'auberge, d'en ranimer les moindres détails, elle finit par s'apercevoir que, malgré tout, elle l'aimait toujours, peut-être davantage. Elle perdit la tête et, le soir, elle trouva un prétexte pour retourner à Médéa. Plusieurs mois se passèrent ainsi. Rafael revint à la maison.
         Chaque fois elle se promettait de tout lui avouer. Mais ses habitudes antérieures de réserve et de bienséance l'étreignaient à ce point devant lui qu'elle ne savait que lui dire des choses indifférentes. L'été, qu'elle redoutait toujours, achevait de l'épuiser. Elle pâlissait, avait des syncopes fréquentes. Mais son secret était trop bien gardé pour que personne au monde, pas même son mari, pût soupçonner ce qui se passait en elle.

         Au commencement d'août, Rafaël vint s'installer en villégiature à Médéa, avec son ami Pépico. Comme ils avaient beaucoup gagné dans le Sud, en trafiquant pour leur compte sur les primeurs de Blida et aussi en majorant les notes de Bacanète, ils se trouvaient assez riches pour s'offrir deux mois de repos complet. Pendant ces deux mois de chaleur accablante, Alger étant intolérable, ils choisirent Médéa à cause de sa montagne et de ses verdures.
         Et puis, en ce temps-là, c'était leur ville à eux. Les bals, les casinos, les filles, tout cela n'était que pour les charretiers de la route. Médéa, dans l'esprit de Rafael, était un petit éden, le seul endroit de la terre où l'on pût ne vivre que pour le plaisir. Peut-être aussi qu'il songeait à Thérèse, dont les prévenances pour lui devenaient de plus en plus significatives.

         Il laissa une grosse somme à sa mère et partit avec Pépico.
         A l'auberge du Roulage, ils furent accueillis avec les plus grands égards, Rafael surtout, car il était devenu l'homme de confiance de Bacanète. D'ailleurs le patron l'estimait pour ses talents de meneur de bêtes, qui lui avaient fait une réputation sur cette route de Laghouat. Il le consultait volontiers pour ses achats de chevaux et de mulets, et la patronne, comme toutes les femmes, prenait plaisir à sa conversation.

         Ils furent d'abord tout entiers à la joie de se lever tard, de se montrer sur la place et dans les cafés en costumes élégants. Ils goûtèrent si pleinement ces premiers jours de liberté que les servitudes de leur métier leur apparaissaient comme des souvenirs très lointains, dont le retour se perdait dans un avenir impossible. On les vit chaque soir au bal et au casino. Pépico était complètement grisé et commença par faire mille folies. Le premier dimanche, Rafael dut le défendre contre trois spahis qui avaient dégainé et voulaient le tuer, parce que, dans une dispute, il avait fendu le crâne à un adjudant avec un fer de mulet, qu'il portait dans sa ceinture en guise de coup de poing. Cette aventure irrita si bien Rafael qu'il finit par dire à Pépico
         - Dorénavant, tu iras de ton côté et moi du mien !... Je vois que nous n'avons pas les mêmes amusements...
         Ils ne se brouillèrent pas, mais ce fut à partir de ce jour que leur amitié commença de se refroidir.
         Rafael n'en fut que plus assidu chez Alphonse. Presque chaque matin, celui-ci le prenait en passant, dans sa jardinière, et l'emmenait dans les environs, où il allait pour ses affaires et même par désœuvrement. Le soir, il le conduisait de force à la maison, et l'on dînait ensemble.

         Cette maison de Thérèse lui plaisait par son élégance discrète et toute française, son ordre, sa propreté, l'aspect riant de toutes choses. Il lui semblait que les meubles mêmes y étaient faits d'une matière plus précieuse qu'ailleurs, et les moindres inventions de Thérèse l'ébahissaient comme des choses inouïes et qu'on ne voyait que là. Thérèse, d'ailleurs, l'attirait de plus en plus, malgré la distance qu'il voyait entre eux deux et qu'il s'exagérait encore.
         Sa vanité était flattée de ses perpétuelles attentions. Maintenant elle lui serrait la main, et la pression de ses doigts était à ce point caressante et persuasive que Rafael ne douta plus qu'elle l'aimât. Il en conçut beaucoup d'orgueil et en même temps, avec ses idées d'Espagnol, qui n'admet pas l'adultère chez la femme, il la méprisa un peu. Devant elle, son sourire devint plus triomphant, mais il ne se permettait aucune avance, étant convaincu, comme tous ceux de sa race, que c'est à la femme à commencer ; et puis, n'en ayant jamais connu de la condition de Thérèse, il avait peur d'être ridicule à ses yeux, et cette peur le rendait timide.

         Quant à Alphonse, avec son éternel tremblement et l'incohérence de ses propos, il le regardait comme un être inférieur et négligeable. Le colon était d'ailleurs si épris de sa société qu'il ne le quittait plus. Cette liaison s'expliquait aux yeux du monde par la grande expérience de Rafaël en matière de mulets et de chevaux : il devait, pensait-on, conseiller Alphonse dans ses achats. En réalité, il n'avait pour celui-ci qu'une pitié indulgente. Aussi l'idée de prendre sa femme lui apparaissait-elle comme une chose plutôt divertissante et nullement méritoire. Il y songeait quelquefois en le regardant quand il était assis près de lui dans la jardinière, mais c'était un projet sans consistance, auquel il ne s'arrêtait pas.
         Cependant l'inquiétude de Thérèse augmentait sans cesse. Il ne lui suffisait plus de voir Rafael presque tous les jours à sa table. Dès l'après-midi, une envie grandissante la prenait de courir à Médéa. Elle résistait de toutes ses forces ; les heures se passaient, et finalement, vaincue, elle s'habillait et se mettait en route. La même lutte et la même torture recommençaient quotidiennement. Les chaleurs accablantes du mois d'août l'anéantissaient. Bientôt sa volonté comme son corps seraient à bout de force.

         Plusieurs fois, se trouvant seule avec Rafael, elle fut sur le point de se jeter dans ses bras. Elle regardait son cou, les plis de sa blouse. Alors éperdue, tout son sang se précipitait, et l'aveu allait s'échapper de ses lèvres. Les mots se pressaient dans sa bouche. Encore une seconde, et elle parlerait ! Elle entendait déjà le son de sa voix, disant : " Je vous aime, Rafael !... L'instant d'après, elle était épouvantée à l'idée de ce qu'elle aurait fait, d'autant plus qu'il lui était impossible de s'expliquer ce qui l'avait retenue et pourquoi tout à l'heure elle n'avait rien dit.

         Il ne voyait donc rien ! pensait Thérèse, il ne se doutait même pas de son angoisse ! Elle finit par lui avouer :
         - C'est drôle comme je suis avec vous !
         Ce n'est pas du tout comme avec les autres...
         - Eh ! je ne le vois que trop ! répondit sérieusement Rafael.
         - Et, comme s'il était gêné, il changea brusquement de conversation. Cette apparence de froideur acheva de, la désespérer.
         Mais, à chaque rencontre, Rafael la conquérait davantage, la pénétrait de sa présence jusqu'à l'hallucination, et ce contact de tous les jours faisait naître en elle une soif encore inconnue de volupté. Un grand désir de choses coupables troublait, obscurément sa conscience. Elle ne le voyait plus seulement comme autrefois avec des yeux émerveillés de sa beauté ; mais voici que ses moindres gestes, les moindres détails de son costume et jusqu'à la rudesse de ses mains prenaient à ses yeux un sens luxurieux, où elle se complaisait avec une mauvaise joie.

         Une après-midi de la fin d'août, comme elle n'avait pas vu Rafael depuis deux soirs, son mari étant parti le matin pour Blida, elle fut envahie tout à coup d'un tel découragement et elle se sentit si faible qu'elle fut obligée de s'étendre sur le divan de la salle à manger. Là chaleur écrasante brisait ses nerfs. Elle avait des sueurs soudaines, que le hâle séchait tout de suite, et des frissons la secouaient et lui donnaient froid.

         Dans les gourbis voisins, résonnait toute la furie d'une noce arabe : des darboukas et des flûtes aigrelettes exaspéraient les oreilles, puis des coups sourds de tambourins retentissaient au milieu du hurlement sauvage des femmes qui se frappaient avec la langue les deux coins de la bouche. Etourdie, soulevée par le rythme brutal, Thérèse souhaita passionnément l'étreinte de Rafael. Ses scrupules, ses pudeurs d'autrefois lui revinrent aussitôt, mais sans lui inspirer aucun remords. Toutes ces idées qu'elle avait apportées de France, elle les voyait maintenant comme des étrangères, comme des choses bonnes pour là-bas. Elles n'existaient plus. Elles s'étaient fondues au souffle terrible du Sud. Le grand vent de volupté la roulait elle-même, l'entraînait dans son tourbillon. Elle se leva soudain, se sentant prise, emportée irrésistiblement.
         En une hâte fébrile, elle s'habilla pour courir, pour retrouver Rafaël, pour le voir n'importe où. Un nouveau moi, un être forcené qu'elle ne connaissait pas, s'agitait en elle. Elle le regardait agir avec stupeur, mais impuissante à le maîtriser.
         Afin d'arriver plus vite, elle passa par la traverse du moulin.. Comme elle était presque au sommet du talus, elle reçut un coup en plein cœur. Elle venait de le voir ! Rafael descendait la porte de Laghouat.

         Il suivait les lacets de la route, et il allait d'une démarche allègre et conquérante. Son grand feutre était rejeté en arrière, sa petite blouse brodée drapait ses épaules, Thérèse vit le beau rythme des plis. Elle resta un instant à le contempler, s'effaçant pour ne pas être aperçue. La grâce virile de Rafael enchanta sa pensée. Il lui sembla que le sol rebondissait sous le choc de ses pas. Mais elle redescendit bien vite le talus afin de le devancer, tandis qu'elle écoutait, affolée, ses talons hauts sonner sur les cailloux du chemin.
         Rafaël se hâtait en effet vers la maison de Thérèse. Il savait qu'Alphonse était à Blida, l'ayant appris de sa bouche le matin même, et, comme il ne doutait pas de l'amour de la jeune femme, il voulait profiter de l'occasion pour la pousser à bout, sa vanité étant lasse de s'amuser d'elle et désireuse d'en finir.

         Thérèse le reçut toute tremblante, avec le pressentiment qu'il venait pour cela, cette chose terrible à laquelle acquiesçait son cœur et que sa pensée ne voulait pas nommer. Elle éprouva encore une fois cette contraction des muscles de la bouche qui empêchait sa parole. Elle balbutiait, ses yeux n'osaient le regarder en face. Mais l'ardeur de sa fièvre prêtait une splendeur inaccoutumée au charme fragile de sa figure. Rafael le vit et s'en réjouit comme d'un hommage.
         - Il fait bien chaud ici, dit-elle.
         Elle l'entraîna dans sa chambre, ce qu'elle ne faisait jamais. Les volets étaient tirés, la route déserte. La petite servante juive ne reviendrait que le soir, et le vieil Arabe, l'homme de peine, s'était joint à ceux de la noce.

         Rafael s'assit ayant aux lèvres son étrange sourire. L'élégance de la pièce le surprit et le flatta. Il parlait d'Alphonse avec cette faconde intarissable et ces inflexions enjôleuses qu'ont les Espagnols du Sud. Le souvenir de son mari froissa Thérèse comme une allusion blessante, et le flux des paroles banales irritait son impatience : " Pourquoi me tourmente-t-il ainsi, pensait-elle, puisqu'il sait tout ? " et Rafaël, comme s'il ne voyait rien, ne comprenait rien, continuait à parler. Il jouissait du trouble de Thérèse et de la séduction de sa voix à lui, il s'écoutait dérouler ses phrases chantantes, qu'il rythmait fortement comme des phrases espagnoles, et le contraste des inflexions câlines et des rudes accents toniques formait pour Thérèse un attrait mélangé de violence et de douceur. Indifférente au sens des paroles, elle attendait frémissante et les yeux fixés à terre. La clameur aiguë des femmes qui s'élevait par moments exaspérait son désir et lui déchirait le cœur.

         Tandis que Rafael parlait, un geste qu'il fit avec la main entraîna ses yeux : c'était cette main qu'elle avait vue rouge de sang, et c'était pour la laver qu'elle avait rempli d'eau le bassin. Pourquoi cette main l'émut elle ainsi ? Elle la suivait du regard et elle aurait voulu y coller ses lèvres. Toute conscience s'abolit en elle et, comme si la main rude la poussait, elle se jeta au cou de Rafael en poussant un tel sanglot qu'on dut l'entendre de la route. A travers les larmes brûlantes, elle baisait sa chair avec l'avidité d'une longue soif qu'on, étanche.
         Voici maintenant que la chose redoutée était accomplie. Rafaël, sans paraître étonné de tout cet amour, rendait superbement ses caresses à Thérèse. Est-ce qu'ils ne savaient pas depuis longtemps qu'ils s'aimeraient ? Thérèse, ivre, ne s'étonna pas davantage. Comme pour une chose simple et belle, sans hésitation et sans remords, elle attira son amant vers le lit nuptial et là, pendue à la bouche de celui qu'elle aimait, comprit que c'étaient seulement ses noces...

         Quand il s'en alla elle l'accompagna jusque sous la tonnelle. Il était radieux. Elle implora :
         - Rafael, vous reviendrez demain ?
         Elle n'osa pas l'appeler Rafaelète, mais les syllabes de ce nom qui l'émouvait comme une caresse, elle les prononça tout au fond d'elle avec une tendresse infinie.
         Le matin, quand elle se leva, une aube divine éclairait les hauteurs. Derrière les cimes du Nador, on devinait à peine la montée du soleil, et les flancs âpres des montagnes souriaient encore sous les voiles nacrés de l'heure crépusculaire. La fleur naissante de la lumière semblait émouvoir les choses comme une chair sous un baiser.
         - La maison de Thérèse était une blancheur rayonnante au bord de la route.

         Elle s'avança sur le seuil pour éclaircir, dans la fraîcheur matinale, ses yeux encore troubles de la nuit. Elle pensait à Rafael, et sa joie déborda tout à coup. Elle courut se voir dans la glace, et, comme. si toute la lumière de l'aube l'avait pénétrée, il lui sembla que des flammes jaillissaient de ses prunelles et que son corps flottait dans une clarté. Alors elle songea à son enfance sous ce ciel triste de Champagne, à son mariage sans joie, à ses jours monotones, et elle eut envie de pleurer sur elle et sur la pauvre vie qu'elle avait menée. Maintenant elle se sentait forte pour ce grand bonheur qui lui était venu et qu'elle avait failli ignorer toujours. Entre les bras de Rafael, elle avait pris un autre corps; la flamme de ses veines, la splendeur de sa chair éclairait sa chair. Elle le connaissait enfin ce rouge amour qui ne croît pas dans les pays pâles et. qui se nourrit de fureurs plus ardentes que les morsures du soleil...

         Le soir, son exaltation tomba. Après une longue attente pleine d'anxiété, elle vit arriver Rafael accompagné d'Alphonse. En arrivant de Blida, celui-ci l'avait rencontré sur la place et l'avait emmené dîner à la maison. Rafael toucha la main de Thérèse d'un air indifférent, sans même lever les yeux vers son regard qui cherchait le sien.
         - Alphonse, en s'asseyant, dit au jeune homme :
         - On dirait que tu as honte de venir ici... Il faut qu'on aille te chercher, à présent !...
         Et, regardant Thérèse, avec son rire stupide
         - Si c'est ma femme qui te fait peur, tu as bien tort ; c'est une religieuse, ma femme...

         Sait-il quelque chose ? Ils en eurent peur un instant tous les deux. L'attitude d'Alphonse les rassura. Cependant cette allusion à la réserve d'autrefois tortura Thérèse comme un remords, et elle s'indigna de la froideur apparente de Rafael.

         Ils se revirent le jour suivant, dans l'après-midi, et elle fut de nouveau conquise. Alors tout ce qu'elle avait prévu dans ses heures de lutte arriva. Une atroce existence commença pour elle, pleine d'angoisse et de doute, de fièvre et de révolte, entrecoupée seulement de joies ardentes et brèves. Ces idées de France, qu'elle croyait mortes pour toujours, qu'elle avait vues se déchirer et s'éparpiller comme de loques au grand souffle de ce soir brûlant, où elle avait consenti sa faute, voici qu'elles lui revenaient en foule et qu'elles faisaient monter en elle des flots de honte; et ainsi elle ne jouit presque jamais de Rafael.
         Cependant elle tremblait chaque soir qu'il ne fût inexact au rendez-vous. Maintenant ils se voyaient presque tous les soirs, tandis qu'Alphonse faisait ses manilles à l'Hôtel du Roulage, Pépico, prévenu par Rafaël, se chargeait de l'entretenir jusqu'à l'heure du souper.

         A mesure qu'elle le connaissait davantage, mille choses qui tenaient à la rudesse de sa race et de son métier, la choquaient en Rafael. Quand ils causaient ensemble, il arrivait souvent que celui-ci se vantât des tours qu'il jouait à ses patrons et même des petits vols qu'il commettait couramment, à la façon des Arabes et des Juifs. Bien qu'il en parlât comme d'une ruse permise et qu'on y sentît surtout le plaisir de rouler l'adversaire, ce manque de scrupules blessait la probité de Thérèse. Elle ne pouvait s'empêcher de le lui dire, en affectant d'en plaisanter. Sur quoi Rafaël ripostait
         - Si vous croyez qu'Alphonse n'en fait pas autant !... Ah ! il est malin, le pays !...
         La façon dédaigneuse dont il parlait ordinairement de son mari, les airs triomphants avec lesquels il entrait dans la maison, causaient encore à Thérèse une surprise pénible. Certain soir, qu'ils s'étaient rassasiés l'un de l'autre jusqu'à la démence, Rafael, tout glorieux de cette frénésie, laissa échapper ce mot brutal en sortant de la chambre :
         - Pauvre cocu d'Alphonse !
         Thérèse en fut comme souffletée, et Rafaël vit bien qu'il avait mal parlé, car ce fut la première fois qu'elle ne lui prit pas la main en lui disant adieu.

         Cette aventure fit beaucoup de mal à Thérèse. Elle s'enfonçait dans des rêveries pénibles ; des détails insignifiants lui revenaient à l'esprit, auxquels elle prêtait un sens outrageant pour elle : " Il n'est même pas franc ! " pensait-elle, et elle songeait aux étranges prétextes qu'il lui apportait pour ses rendez-vous manqués et où elle devinait d'impudents mensonges. Cette idée, qu'il mentait, la tortura plus que tout le reste.

         Mais Rafaël n'avait qu'à paraître pour qu'elle oubliât aussitôt toutes ces pensées méprisantes. Bien qu'elle maudît sa propre lâcheté, elle se laissait terrasser par lui. Le rayonnement de son sang l'enveloppait. Il redevenait l'unique foyer de vie où elle réchaufferait son pauvre corps. Alors, en ce moment très court, elle s'élançait vers lui éperdument, et, dans l'angoisse persistante de son doute, elle lui disait : " Vous ne m'aimez pas, Rafaël ? " avec un immense désir qu'il laissât échapper un seul mot qui démentît son reproche. Mais Rafael disait en riant "Moi ?... pas du tout !... "

         Elle croyait deviner dans cette réponse comme un demi-aveu et Rafael, la voyant heureuse, redoublait l'ensorcellement de ses phrases chantantes. Tout à coup il la regardait ; leurs yeux se rencontraient, et il lui venait des mots enfantins d'une si étrange douceur qu'à travers leur regard confondu elle sentait son âme contre la sienne. Ces mots si doux dans la bouche de cet homme rude prenaient pour elle une profondeur de sens où elle se perdait. Elle comprenait maintenant ce qu'avait voulu dire Mme Schmidt : Il est bien gracieux, Rafael !

         Depuis quelque temps, ils avaient l'habitude de se retrouver au bout du jardin dans un gourbi abandonné. Les visites presque quotidiennes de Rafael pouvaient donner l'éveil à l'Arabe, et le mot brutal sur Alphonse, dont Thérèse se souvenait toujours, lui avait inspiré pour sa chambre une sorte de crainte superstitieuse. Il suivait, pour la rejoindre, un sentier au milieu des vignes. Souvent, dans son impatience, elle allait au-devant de lui, l'endroit étant désert à cette heure de la journée, et elle s'arrêtait au pied d'un calvaire, d'où l'on découvre tous les chemins jusqu'aux portes de la ville. C'est un monticule soutenu par une ceinture de pierres sèches, où se dresse une croix complètement cachée par un rideau de grands ifs, dont le profil rigide se détache sur l'azur lumineux. Ce calvaire, qui domine la campagne, s'aperçoit jusque sur la route, par delà la maison de Thérèse.

         La vibration de l'espace, étincelant pendant cette heure chaude, ajoutait à l'exaltation de la jeune femme, à l'angoisse fiévreuse de son attente. Le premier jour, quand elle vit paraître Rafael, un tel élan l'emporta vers lui qu'il lui sembla commencer un autre amour. Son cœur regorgea de tendresse ; le sang de ses veines enveloppa son corps d'un réseau d'énergies inconnues, et, du plus profond de son être, jaillirent des promesses de vie surhumaine. Jamais elle ne fut aussi complètement heureuse que ce soir-là.

         Lorsque Rafael la quitta elle voulut, malgré ses instances, l'accompagner à travers les champs. Elle le suivit jusqu'au pied du calvaire, mais, chemin faisant, elle commença à sentir une lassitude si grande qu'en arrivant elle crut qu'elle allait chanceler. L'air brûlait ses poumons, sa tête bourdonnait, ses membres lui semblaient se dissoudre. Il était quatre heures, et le soleil avait encore toute sa force. Au-dessus de leurs têtes, les branches des ifs crépitaient sous la chaleur. Devant eux, les roches fauves des montagnes, où se creusaient de grandes ombres, envoyaient des reflets aveuglants comme les parois d'un four. Depuis les cimes du Nador jusqu'à celles de l'Ouarsenis, c'était une immobilité effrayante, une immobilité de mort qui flamboyait.
         Une grande tristesse envahit Thérèse avec l'accablement de cette journée de flamme et de volupté. Elle exagéra pourtant l'effusion de ses adieux. Mais tous ses dégoûts et tous ses remords lui revenant à la fois, elle rentra abattue à la maison. Dès lors, chaque jour, elle éprouva le même sentiment de défaite. Cet amour de Rafael l'enivrait et la tuait comme un philtre trop fort.

         Rafael avait pitié de sa faiblesse. Il ne l'aimait pas sans doute, comme elle l'aimait elle-même, ne concevant point d'amour possible en dehors du mariage. Mais elle avait su forcer son estime : elle était si supérieure à toutes les femmes qu'il avait connues ! Et c'était pour son amour-propre une flatterie perpétuelle que cette adoration de Thérèse. Il aurait voulu répondre de son mieux à sa grande soif de tendresse : une mauvaise honte d'homme fort le retenait. Les mots tendres qu'il était parfois tenté de lui dire s'écrasaient dans son gosier, ou se tournaient en plaisanteries banales. Il ne savait que lui témoigner sa déférence, tandis qu'elle attendait de lui mille petits soins d'affection. Elle lui reprochait de ne pas penser constamment à elle, de même qu'à chaque minute elle pensait à lui, enfantillage qui irritait Rafael.

         Aussi, comme elle était sans cesse déçue, elle voyait dans ses moindres prévenances des intentions aimantes, et sa reconnaissance s'exprimait par une véritable folie de caresses, dont celui-ci était presque scandalisé. Il lui apportait souvent des fruits, qu'il achetait à des Arabes, ou, qu'il se faisait donner par des colons. Une après-midi, il arriva avec un couffin d'abricots, que Thérèse disposa immédiatement dans une corbeille sur la table de la grande salle. Elle en fut heureuse comme d'un cadeau royal, et le soir, à dîner, entre son amant et son mari, elle goûta un mauvais plaisir à voir Alphonse en manger et complimenter Rafael.

         Ces rares bonheurs la remplissaient d'une exaltation exagérée et maladive. Puis, l'instant d'après, un mot, un geste de lui, la précipitaient dans des désespoirs tels qu'elle croyait épuiser toute la souffrance possible. Rafael, qui ne comprenait rien à ces chagrins sans cause, la jugeait extravagante ; et, comme Il avait conscience de la réelle bonté qu'il lui apportait, à défaut d'amour, il trouvait très méritoire de supporter ses reproches sans rien dire. Il affectait de la traiter comme une petite fille capricieuse. Car elle lui faisait maintenant des querelles fréquentes. Dans ces moments-là, tout la révoltait en lui, jusqu'à son silence.

         Un rendez-vous manqué la jetait dans de véritables crises. Le lendemain, quand Rafael arrivait au calvaire, il la trouvait assise sur une pierre, la tête entre les mains et l'air accablé. Elle répondait à peine à son salut et lui touchait froidement la main.
         Un soir de la fin de septembre, comme il n'était pas venu la veille, ayant passé la soirée avec Bacanète, elle le reçut sans mot dire et des larmes plein les yeux. Rafael, comme toujours, tourna la chose en plaisanterie :
         - Qu'est-ce que vous avez encore, Thérèse, à être triste comme cela ?..- Vous êtes toujours à penser ! Ce sont les idées qui, vous font mal....
         Thérèse le regarda :
         - Si je n'étais pas si triste, dit-elle, je ne vous aimerais pas tant.
         Mais Rafael, pour détourner la crise de tendresse qu'il sentait venir, ajouta aussitôt :
         - Je parie que c'est parce que je ne suis pas venu hier ?
         Elle n'osa pas dire oui ! Elle répondit :
         - C'est que je vois que vous ne m'aimez pas...
         Cet éternel reproche exaspéra Rafael.
         Avec sa violence ordinaire, il devint brutal tout à coup :

         C'est ça, j'allais quitter Bacanète pour vous !.. Pour une fois qu'il passe à Médéa ! Et puis, j'en ai assez de vos manières ! Vous vous faites des idées de choses qui n'existent pas. C'est vous qui jouez la musique et qui dansez. Et après, vous venez me gonfler la cervelle ! Depuis que je vous connais, c'est un cassement de tête, comme si j'étais dans les écritures ! Non ! jamais je n'ai été comme ça avec aucune femme !
         - C'est peut être que je ne suis pas comme les autres, dit-elle, sur un ton de fierté. Rafael se cru insulté. Le sang lui monta au visage. Il la regarda avec des yeux de colère et de mépris.
         - Vous avez raison ! je ne suis pas fait pour fréquenter des dames comme vous ! Allons, n'en parlons plus ! laisse-moi aller de mon côté avec ma misère…

         Il cracha par terre, tourna les talons et, sans même songer à tout ce qu'il y avait entre eux, il partit en l'exécrant de toutes ses forces et bien décidé à ne, plus la revoir.
         Cette explosion de fureur aveugle, cette force de haine qu'elle avait lu dans ses yeux frappèrent Thérèse d'épouvante. Elle ne bougea pas, elle ne lâcha pas un cri. Stupide, elle le regardait s'en aller. Il allait bientôt disparaître au milieu des vignes.
         La soudaineté du coup, la rapidité de la scène, lui ôtaient jusqu'au sentiment de la réalité. C'est seulement lorsqu'elle ne le vit plus qu'elle commença à comprendre.. Un déchirement se fit en elle. Tout à coup elle poussa un grand sanglot et s'affaissa sur 1a pierre où elle venait l'attendre. Ainsi, en l'espace d'une minute, tout avait été consommé. C'était fini, fini pour jamais.
         Fini par sa propre faute ! Il s'en allait, il avait eu le courage de faire cela, et, comme un étranger, il la quittait sans un regret, sans un remords, le cœur aussi libre qu'au premier jour, alors qu'e1le-même elle agonisait. Elle se sentait piétinée par lui, écrasée par sa force. Alors elle se révoltas, elle se mit à le maudire, et, soulevée par la colère, elle se leva précipitamment et prit le chemin de la maison,
         En cherchant des vengeances impossibles.
         Alphonse, en rentrant, lui trouva la figure si bouleversée qu'il la crut malade et lui demanda ce qu'elle avait.
         - C'est Comme tous Ies ans, dit-elle. C'est l'été qui me tue !
         Mais elle faillit pleurer, quand il rajouta :
         - Rafael ne.. vient pas ce soir.., je ne sais ce qu'il lui pris : il m'a paru tout drôle ! Ils dînèrent sans se parler, comme d'habitude.. Par la fenêtre ouverte on voyait palier étoiles. Des brises venaient de la mer par-dessus les montagnes. Les figuiers de la route exhalaient une lourde senteur d'amour. Une nuit douce allait rafraîchir les choses, une langueur était partout répandue, - et, dans cette Suavité de l'heure, Thérèse défaillante sentit qu'elle allait pardonner à Rafael.

         Toute pleine de son image, elle ne dormit pas. A mesure qu'elle le désirait, l'atroce souffrance du déchirement irréparable remplissait sa pensée.
         Puis, quand elle eut bien joui de sa douleur, elle fut dans un grand accablement. Mais, le matin, au réveil, un espoir fou de reconquérir Rafael se déchaîna en elle et excita de nouveau son désir, Sitôt qu'Alphonse fut parti, elle s'élança sur la route de Médéa, avec l'idée fixe de retrouver Rafael. Qu'importe qu'elle partit comme une folle aux yeux du Monde, puisqu'elle ne voulait que lui, puisqu'elle ne pouvait vivre sans lui ?

         Elle passa devant le moulin d'une course si rapide d'un air si égaré, que la femme du contremaître en fit la remarque. Mais elle ne voyait rien ; elle monta la pente raide du talus, comme par bonds, soulevé, emportée par la force de sa passion. Elle fouilla de l'œil tous les cafés, et elle finit par entrer dans la cour de l'auberge, où elle trouva Rafael occupé avec le patron à examiner les roues d'un chariot. A la vue des deux hommes, elle devint tout à coup timide, embarrassée, presque muette, malgré, le tumulte de pensées qui s'agitaient en elle et les paroles qui lui montaient aux lèvres. Elle balbutia :
         - Rafael, j'aurais deux mots à vous dire de la part d'Alphonse..
         Il la suivit jusque sous la porte cochère.
         - Rafael, je vous en supplie, venez ce soir, je voudrais vous parler : je vous attendrai dans le petit chemin, comme toujours...

         A sa grande surprise, il promit très simplement, sans ajouter un mot. Sûr qu'elle viendrait le chercher, il avait réfléchi depuis la veille : s'il rompait avec Thérèse, il fallait rompre aussi avec Alphonse, ce qui donnerait à penser au monde. Comme il avait pris des engagements avec Bacanète pour le prochain voyage, il n'en avait plus pour longtemps à rester à Médéa. Il partirait sans scandale et ne la reverrait de sa vie.
         Ils se rejoignirent le soir. Elle lui parla ; elle eut même l'émouvoir, et, encore une fois, elle l'aima éperdument. Les deux jours qui suivirent, elle parut transfigurée. Sa pâleur était devenue rayonnante. Rafael régna plus que jamais dans la maison.
         Alphonse parlait d'organiser des équipages et de le prendre pour commis, projet que Thérèse encourageait de toutes ses forces. Rafael, pour s'éviter des scènes de larmes, lui laissait croire qu'il accepterait.

         Puis, les mauvais jours revinrent. Les froissements, les tortures recommencèrent pour Thérèse. De nouveau, les remords lui empoisonnèrent toute sa joie. Sa tendresse s'usait peu à peu par ces blessures continuelles. Et, comme il avait su faire passer dans son sang toute sa force de volupté, elle commençait à se douter qu'elle ne l'aimait que pour sa chair. Cette pensée l'humiliait et la révoltait. Maintenant toute l'illusion était partie ; elle se sentait toute prête à se détacher de lui. Rien ne serait plus facile, pensait-elle, et, à de certains moments, elle cherchait même des prétextes pour ne plus le revoir comme elle serait heureuse alors de se venger, de lui montrer qu'elle le quittait sans chagrin! Cependant, du plus loin qu'elle l'apercevait, elle courait à lui, comme une petite luciole à la lampe.

         Elle avait de brusques sursauts de passion, où tout le charme qu'elle croyait évanoui se reformait de nouveau avec splendeur. Elle devenait jalouse de Rafael, elle l'espionnait en ville ; et elle mettait dans sa poursuite un emportement qui aurait dû frapper le monde, si la dignité de son maintien n'eût caché son égarement.

         Tous ces petits manèges féminins achevaient de fatiguer Rafael. La satiété de cette liaison lui devenait insupportable. Ce qui l'irritait surtout, c'était cet envahissement du mari et de la femme. S'il écoutait les offres d'Alphonse, c'en était fait de sa vocation et de ses belles illusions de jeunesse. Il perdrait sa liberté, il renoncerait presque à son métier. Or voici que ce métier, après ces deux mois de désœuvrement, il l'aimait plus que jamais. Il avait hâte de recommencer sa vie errante à travers les pays de lumière. L'éternel mirage du Sud le fascinait.. Alors il se décida à brusquer les choses. Au lieu d'attendre à Médéa le passage de Bacanète, il prit le parti d'aller le chercher à Alger. D'ailleurs sa mère le réclamait. Il avait reçu une lettre, de sa sœur, qui lui disait la misère du ménage et leur grand besoin, d'argent.

         Afin de se quitter en bonne amitié, il alla dire adieu à Thérèse dans la matinée, comme pour un voyage de quelques jours.
         Il avait pris ce prétexte pour ne pas lui causer une trop grande peine. En le voyant, arriver à cette heure inaccoutumée, Thérèse eut tout de suite le pressentiment qu'elle le voyait pour la dernière fois. Alphonse était absent comme toujours. La petite servante juive qui balayait sous la tonnelle, était accourue lui annoncer la venue de Rafael.
         - Je viens de recevoir une dépêche de ma mère, dit-il en entrant... Il faut que je parte pour Alger.
         Thérèse le regarda fixement, et, sûre de deviner sa vraie pensée, elle reprit à mi-voix :
         - Dites la vérité ! Vous partez avec Bacanète !... C'est mal, Rafaël, de mentir comme cela...
         En même temps elle tira la porte de la Cuisine pour que la petite fille n'entendît pas ce qui allait se dire.
         Rafael, humilié de ce reproche, leva le masque immédiatement :
         - Eh bien ! oui, je pars avec Bacanète !
         - Alors vous ne voulez pas rester chez nous ?... Qu'est-ce qu'Alphonse va dire ?...
         - Rester chez vous ! Est-ce que je peux !
         Moi j'ai ma mère à nourrir. Il faut que je gagne de l'argent. Chez vous, je ne gagnerais pas assez.
         - Alphonse vous donnera plus que Bacanète, je vous le promets, Rafaël !
         - Et mon métier ?...
         - Alors vous aimez. mieux votre métier que moi ?

         En voilà une idée ! fit Rafael, étonné qu'elle pût en douter.
         Cette réponse l'atterra, elle resta une seconde sans rien dire ; puis, tout en ayant conscience d'une affreuse hypocrisie, elle eut le courage d'ajouter
         - Après tout ce que j'ai fait pour vous !
         - Et moi, est-ce que je n'ai rien fait pour vous ?...
         - Vous me déchirez le cœur, Rafael !
         - Moi aussi, j'ai le cœur tout noir...
         Il tendit sa main, qu'elle ne prit pas d'abord.
         - Restez, je vous en supplie !
         Alors elle lui saisit la main et la serra de toutes ses forces, comme pour le retenir.
         Rafael se dégagea doucement
         - Puisque c'est dit, c'est dit.

         Il s'efforça de donner à ces mots un accent très ferme. Quelque chose d'aussi fort que .sa résolution s'élevait du fond de son âme et lui gonflait le cœur d'amertume.
         C'était cette pitié qu'il avait apprise de Thérèse et peut-être aussi un peu de sa tendresse qui, pour la première fois, s'épanouissait en lui. Mais il mit un orgueil viril à vaincre cette faiblesse qui allait lui gâter sa vie, et, bien qu'il en éprouvât une réelle peine, il dit avec effort : - Adieu, Thérèse !

         Malgré tout ce qu'elle put faire et dire pour le dissuader et le garder près d'elle, il s'en alla, cette fois pour toujours.
         Comme le soir de leur première séparation, elle le regarda partir anéantie. A mesure qu'il s'éloignait sou" les platanes, elle se sentait mourir. La petite blouse brodée, avec le rythme décevant de ses plis, flotta une dernière fois sous les ambres, au tournant du chemin, et tout fut fini pour elle.
         Personne ne sut rien de son secret ni de son agonie. Mais, au commencement de l'hiver, ses cheveux blanchirent. Sous ses bandeaux gris, elle eut toute la beauté douloureuse dont son visage triste était capable. Puis l'Afrique acheva de la défaire lentement.

Louis Bertrand



VOYAGE
Par M. Bernard Donville
                Chers amis, Bonjour aux fidèles

            Nous allons quitter l'ami Dubouville qui termine ce jour ce voyage initiatique en Algérie du temps de hiverneurs. Son ami Fernand lui a quand même réservé une fin de séjour originale en lui faisant découvrir un musée qui je l'espère , vous ravira autant que lui.
            Mais tout n'est pas aussi simple qu'attendu et un coup de théâtre peut subvenir. Je vous laisse découvrir les malheurs de Dubouville en cette fin de voyage.

            Chers amis j'en ai terminé avec ce que je comptais vous envoyer, toutes les conférences importantes que j'avais fait sont passées à la moulinette . Mais ça râle "Non, encore, encore ..."comme si vous aviez aimé ça . J'ai donc raclé mes fonds de tiroir pour faire durer un peu plus votre plaisir (s'il en est).
            Ma dernière intervention au cercle de Toulouse est de cet hiver mais est surtout orale ; tant pis je vous la livre telle quelle certains me l'ayant demandé :il s'agit de "Cagayous ambassadeur du pataouete"
            Lisez la à haute voix avec vos enfants et petits enfants à coté elle n'en sera que mieux appréciée . Pour son premier extrait nous allons surtout voir où et comment est née cette langue .
            J'espère que cette initiative qui associe la langue à l'histoire de notre pays vous plaira
            Bonne lecture et ne craignez pas de m'envoyer vos critiques
            Amitiés et bonne lecture.
            Bernard Bernard : bernardonville@free.fr
Cliquer CI-DESSOUS pour voir les fichiers
10 Fin du voyage
Pata 1
A SUIVRE


PEURS

De Jacques Grieu


Beaucoup de gens ont peur ; peur du matin au soir.
Tête dans les épaules, ils n'ont plus même espoir
Qu'un jour cela s'arrête et qu'ils puissent souffler
Goûtant enfin le calme en un monde apaisé.
De multiples raisons justifient cette crainte,
Excusant leurs soucis, leur mal-être et leurs plaintes :
Les guerres, privations, les crises et exactions
Notre époque est remplie de toutes ces questions.

Mais d'autres, sans raisons sont tout glacés d'effroi.
Tout leur semble agression, ils ne savent pourquoi.
Des raisons, ils en trouvent ou bien ils en inventent
Sans que la peur ne cesse ou le calme se sente.
D'où vient cette impression, cette insécurité,
Ce permanent tourment, minant leur société ?
Peut-être de complots, de louches intentions,
Qui viendraient de l'État, de ses institutions ?

Avoir peur de son ombre est un mal répandu
Et même Lucky Luke voulait tirer dessus.
" Avoir peur, c'est aimer. Donner peur, c'est haïr "
Beaucoup de gens sont morts de la peur de mourir...
La peur d'être déçu, bien souvent rend méchant.
Sang-froid vient en osant et peur en hésitant !
La crainte de son " moi " est un révélateur :
C'est bien la peur de soi dont on a le plus peur...

La peur de mal vieillir nous vieilli plus que l'âge ;
Mais " n'avoir peur de rien " est bien loin d'un courage
Qui, en réalité n'est qu'un aveuglement
Ou bien la hâblerie de celui qui se ment.
Bien des gens sont honteux de se voir effrayés,
Et la peur d'avoir peur les rend paralysés.
La peur de réussir cause souvent l'échec :
C'est le plus sûr moyen de tomber sur un bec.

La prudence elle-même provient de l'anxiété :
Sur la pointe des pieds elle en est bien l'effet.
Autant que la covid, la peur est contagieuse,
Mais sa vaccination reste toujours trompeuse.
S'inspirer du passé est peur de l'avenir
Et empêche d'oser pour pouvoir conquérir .
Pourquoi sommes-nous nés ? Serait-ce un châtiment ?
C'est que la peur de vivre est notre grand tourment…

Jacques Grieu                  


ALGÉRIE.
Gallica : Revue de l'Orient 1850(1) pages 321 à 326

AGRICULTURE.
Tubercules.

         Pomme de terre. -- La pomme de terre rend beaucoup moins en Algérie, â surface, égale employée, qu'en France, â chaque récolte; mais, dans le courant d'une année, on peut obtenir une plus grande masse de produits en y consacrant, toutefois, plus de travail et des irrigations pendant la saison sèche.
         On peut planter des pommes de terre presque en tout temps, et cette circonstance est heureuse, parce que la conservation des récoltes est très-difficile. Les tubercules fermentent en tas ; on est obligé de les étendre sur les aires des greniers ou sur des tablettes par couches minces et de les couvrir avec un lit de paille.
         On plante depuis septembre jusqu'en mars à la faveur des' pluies, sans qu'il soit nécessaire d'arroser pour les plantations faites en dehors de ce temps, il est indispensable d'irriguer. Ce sont les plantations faites en janvier et février qui sont les plus productives ; ce sont celles que l'on doit faire de préférence en grand. Les pommes de terre ne restent, jamais plus de trois mois dans le sol.
         Voici le rendement d'une récolte de diverses variétés de pommes de terre, provenant des plantations faites en février, calculé sur une surface d'un hectare; la surface employée pour chaque variété n'a pas été moindre de un dixième d'hectare.


         La maladie des pommes de terre n'a pas étendu ses ravages en Algérie. On a observé quelques tubercules qui portaient des traces du fléau, mais ces cas se présentent très-rarement.
         Patates. - Les variétés les plus productives pour nous sont celles dites syname, la blanche de Paris ou de Sageret et la rose de Malaga.

         C'est le tubercule qui produit le plus en Algérie lorsqu'il est arrosé, et il faut établir de suite qu'il est impossible d'en faire une culture avantageuse sans arrosage. Cependant la quantité d'eau que la culture des patates absorbe n'est pas considérable ; il suffit d'irriguer quatre à cinq fois entre les billons jusqu'à ce que les tiges des plantes couvrent le sol. Si les irrigations en Algérie étaient assez abondantes pour sortir des cérets de la culture potagère, on pourrait cultiver la patate véritablement en grand.

         A la pépinière centrale, on fait chaque année un quart d'hectare en patates et quelquefois plus. Le terrain, qui a été précédemment occupé par des arbres, est préparé à la charrue. On fait des billons avec la charrue à deux versoirs dite battoir, équidistants de 60 cent. de sommet à sommet. On plante les plantes sur le sommet des billons, à 40 cent. les uns des autres.

         La manière de se procurer ce plant est excessivement simple : à la fin de février, on met sur une plate-bande, le long d'un mur ou autre abri bien exposé, des tuber cules conservés, que l'on place à côté Les uns des autres, et que l'on recouvre complétement de terreau. Lorsque les bourgeons ont quatre à cinq -feuilles, ils sont pourvus de racine à la base, on les éclate et on les plante droit avec le plantoir. Un gros tubercule peut produire ainsi plus de cent plantes.

         Les tubercules sont ordinairement venus dans la première quinzaine d'octobre. On les arrache avec précaution, on les laisse essuyer une journée au soleil, puis on les rentre dans le grenier, et l'on évite le plus possible les contusions. Dans les hivers qui ne sont pas rigoureux, et dans un terrain qui s'égoutte aisément, les tubercules se conservent bien en terre; des touffes de patates ont résisté : ainsi pendant quatre années.
         Le rendement par Hectare, pour les patates synames blanches de Paris et les roses de Malaga, est de 48 à 50,000 kilos de tubercules, et de 38 à 40,000 kilos de tiges vertes pour la même surface. Ces tiges vertes conviennent parfaitement au bétail; elles ont le mérite d'être bonnes à consommer clans une saison où il n'y a plus de verdure. Les extrémités tendres de ces tiges sont excellentes cuites, et accommodées comme les épinards.

         La patate est l'une des plantes alimentaires les plus précieuses de l'Algérie. Aucune plante tuberculeuse ne produit autant. C'est un aliment aussi sain qu'agréable, dont le principe, légèrement sucré, est merveilleusement approprié l'alimentation sous un climat naturellement chaud.

         Caladium esçulentum ou colocase d'Egypte. -Cette plante est très-cultivée chez les fellahs d'Egypte, partout où il y a des terrains arrosés. Son goût est des plus agréables ; on croirait manger des pommes de terre les plus farineuses ; chaque pied, que l'on plante à un mètre de distance en tous sens, produit, au bout d'un an, en terrain arrosé, 3 kilos de parties comestibles, ce qui fait 30,000 kilos à l'hectare. Une plantation peut durer plusieurs années; il suffit, pour la récolte, de détacher les souches avec discernement, ce qui lui donne un avantage notable sur celles des plantes qui doive se renouveler annuellement. Cette plante aime beaucoup l'humidité, et on ne peut guère la cultiver que là où on dispose d'abondantes irrigations. Elle parait devoir réussir dans les fonds de marais en voie de dessèchement.

         Catadium ep.. du Mexique. - Cette plante est analogue à la précédente; elle demande les mêmes conditions de culture, mais la partie comestible provient de rhizomes souterrains, et non de ta base de la tige, comme dans la colocase, et ces tubercules lui sont supérieurs sous les rapports de la quantité de l'école et de finesse du goût.

         Boussingaultia. - Un seul pied de cette plante, âgé de deux ans, a donné 46 kilos de tubercules. Ces tubercules sont un peu mucilagineux, et on ne sait pas bien s'ils pourront jamais faire un aliment convenable à l'homme ; mais ils peuvent avoir un très-grand avantage pour la nourriture du bétail.
         Le boussingaultia vient dans les terres ordinaires, sans exiger d'autres soins que quelques arrosements pendant la grande sécheresse.

Culture du Bananier.

         Le bananier est une plante arborescente originaire des Antilles, ou plutôt de toute ta bande comprise entre les deux tropiques. L'Algérie est la limite extrême, vers le nord, où il puisse vivre à l'air libre. Pendant l'hiver ses feuilles sont en partie détruites par les vents, les pluies torrentielles et l'abaissement de température ; mais les tiges résistent toujours parfaitement, et portent leurs fruits au retour du printemps.

         Exposition. -Pour obtenir un résultat avantageux, il faut au bananier une exposition aussi chaude que possible, c'est-à-dire peu élevée au-dessus du niveau de la mer (il ne réussit plus au-dessus de 500 mètres), il duit être en outre protégé contre les vents d'ouest par des abris naturels, ou par des abris artificiels composés d'arbres toujours verts, tels que les cyprès, les oliviers plantés en rideaux formés de plusieurs lignes, ou en massifs allongés. On rencontre fréquemment ces conditions réunies, sans qu'il soit besoin de les créer.

         Terrain. - Les terrains marneux les argiles compactes qui retiennent les eaux pluviales pendant l'hiver ne conviennent pas au bananier. Le sol qui convient le mieux au bananier et qui est le plus abondant en Algérie, c'est l'argile calcaire. Ce sol forme la moyenne partie des terrains inclinés, qui sont les plus sains, ceux qui conservent le mieux la chaleur pendant l'hiver ; les terrains bas Ms plaines sont naturellement humides et froids et ne conviendraient pas.

         Arrosements. - Pendant l'hiver le bananier pousse peu et les pluies suffisent largement à son entretien, mais pendant l'été il est indispensable de l'arroser par irrigation. Les arrosements doivent commencer ordinairement vers le 1er mai, et se continuer jusqu'à la fin de septembre. Pendant ce temps on donne dix arrosages, ou un arrosage tous les quinze jours. Chaque arrosage absorbe mille mètres cubes d'eau par hectare, soit une dépensé de soixante-six mètres cubes par vingt-quatre heures.
         On se procure l'eau nécessaire soit en se plaçant à proximité des dérivations de rivières ou ruisseaux, soi au moyen de puits à noria. Presque toutes les coupures et les gorges du nord dé l'Atlas renferment des cours d'eau; c'est ordinairement à l'ouverture de ces gorges et coupures sur les plaines que les Arabes établissent leurs magnifiques cultures d'orangers. Les conditions qu'ils choisissent pour asseoir leurs orangeries conviendraient de tous points à l'établissement d'une bananeraie. Néanmoins, si on ne peut dire favorisé du voisinage d'un cours d'eau, et que, d'ailleurs; des conditions requises d'abris et de sol se trouvent réunies , on peut y suppléer par les puits à noria.. Un bon puits, qui n'a pas plus de sept mètres de profondeur, avec une noria bien organisée, peut suffire à l'entretien d'un hectare, avec cette différence que l'arrosement d'un hectare revient à près de 200 F, par an avec la noria, tandis qu'il ne dépasse jamais 40 francs par l'eau des dérivations.

         Culture. -- Il faut que le soit d'abord défoncé 50 cent. de profondeur avant la plantation. Cette opération se fait à bras, et revient, en moyenne, de 800 à 1000 F l'hectare ; elle doit se faire à l'automne, aussitôt que les premières pluies ont détrempé la terre, et six à sept mois environ avant la plantation, afin que la terre, amendée â la surface, se bonifie sous les influences atmosphériques.
         Le moment le plus favorable pour la plantation du bananier est la fin d'avril. On dispose des lignes équidistantes de trois mètres, et on met les plants à deux mètres les uns des autres sur la ligne. A. la fin de la seconde année, le sol sera complétement occupé par les nombreux jets.
         Les soins d'entretien consistent â diriger les arrosements de manière que la même plante soit arrosée tous les quinze jours, et à entretenir la surface ameublée. Il faut donner une bonne fropure tous les deux ans si l'on tient à avoir de beaux fruits ; ce soin n'est pas rigoureusement nécessaire si l'on n'a pour but que l'utilisation de la tige. Un seul homme peut suffire à l'entretien d'une bananeraie d'un hectare.

         Produits. -Les produits du bananier sont de deux sortes : les fruits, qui forment un très-bon aliment, et les tiges qui servent à fabriquer du papier.
         Il entre dans un hectare 1,666 touffes de bananier ; chaque touffe donne en moyenne quatre tiges par an susceptibles de porter chacune un beau régime ; elle pourra en produire 6 à 8, si on ne les éclaircit pas et si on ne tient pas compte des fruits.
         Ainsi donc l'hectare produit, en culture soignée, 6,66 tiges, portant un pareil nombre de régime pesant, en moyenne 20 kilos. C'est une production en matière nutritive de 133,280 kilos ; aucune culture, ni de betterave, ni de pomme de terre n'a jamais atteint ce chiffre.
         Quant au poids de chaque tige, il est environ de 50 à 60 kilos lorsqu'on vient d'en séparer le régime. Nous n'avons aucune donnée sur la perte qu'il éprouve dans son poids en se desséchant complétement.

         Moyennant les conditions sommaires qui ont été indiquées ci-dessus, ma conviction est que l'on peut obtenir des résultats très-avantageux de la culture du bananier en Algérie.
A. HARDY,
Directeur de la pépinière centrale du gouvernement, à Alger.


LES UNITES TERRITORIALES …...
Envoyé par M. Georges Barbara
KIF KIF BORRICOT !

           Ojourd'hui que c'est vendredi.. Il est six heures et demi de l'après-midi, quand j'te descends le cours Bertagna dans ma Symca Aronde Elysée ( et zek comme y dit l'autre ) avec à côté d'moi Jojo te sais çuila qui l'est presque Tselouze mais qu'a même que ça fait rien à cause que c'est un oualioune qu'il est bien trop gentil. C'est mon copain de l'EGA et j'ai été t'le chercher chez lui au Pont Blanc, pourquoi y l'a pas d'auto le pauvre !.

           Nous te descendons ce cours, Dare Dare tous habillés, avec du linge militaire. Dio Madone…. qui nous a connus et qui nous voit ! Te dirais des américains. Y faut sa'oir aussi que nous la bande l'la Colonne nous savons te porter le linge de l'armée parce que quand les Anglais y z'étaient chez nous pendant la guerre en 1943, Aïman...pour le linge t'yavais qu'à te servir! La placette de l'église c'était a debon plusque le magasin de chez Monsieur Benabu!,,,,

           Mais pour de vrai te veux sa'oir où c'est qu'nous allons comme ç'a ? Et ben te sais ô Frade, c'est ça qu'je va te dire main'nan, mais enttention fais le pour l'âme de tes morts, jure le moi que t'le dis jamais à personne à cause que les gens eux y se croivent que chaque fois on va à la guerre -.
           Jojo et moi, te 'ois on va retrouver t'sur la route de Philiville à la carrière Mariage toute une bande qu'y sont toujours avec nous, pour te faire encore une nuit de garde. Et comme à chaque quinze jours nous allons passer une madone de soirée a'c les copains j'te dis pas ! Je rigole parce que toute la bande y z'attendent çà comme le missi ….. !

           Mais avant y faut qu'on va se prendre un peu d'la viande chez Ciantar te sais le boucher qu'y l'a le magasin en dehors du marché. Ah y faut que j'marrapelle qu'y m'ont bien dit qu'y veulent un morceau dans le "poileron" avec un bout de la titine que c'est çà qu'y faut pour te faire une bonne daube. Et pis, pour t'la faire cette madone de macaronnade qu'on va se straffoguer, on a cette fois la chance que Robert Di liegro y l'est tombé de garde avec nous ! Lui que dans les UT on l'appelle "Le Roi d'l'a sauce tomate" !

           Quand nous z'arrivons t'sur place, y'avait toute la bande d'Joanonville : Francis, Pierrot Sansan et le frère à Jojo, Sauveur ! Et tous les autres bien sur !
           Là au bord d'la route y z'avaient construit un madone de Bloc'os, que ça ne ressemblait pas c'est vrai à l'hotel de Nice. Mais que ça suffisait pour te passer la soirée. Et à part le poste de garde t'y'avait rien autour…. Que dalle !

           Mais ça que c'est vrai aussi, c'est qu'a nos moments perdus y faut qu'a meme qu'on te fait un peu entention. T'oublies pas qu'nous sommes qu'a même a en galère la bas, et les z'otres Dieu préserve y pourraient te venir d'la route de Philiville pour nous faire notre affaire. Mais là o Frade... a debon tu me crois... à part quelques tas de chkoles ya rien, on nous avait mis là pour garder quoi ? Qui cat's y sait ? Tu le sais toi ? Aï'man, ça te fait bien longtemps depuis qu'on vient là, qu'on s'est plus posé la question.….. Alors qu'est ce que tu te crois toi, c'est d'la garde ça ? Ou alors c'est un pic nic ? Mais comme y te disait Paris Soir " Les deux mon z'ami "

           En bas du poste, que c'est plusque la caverne d'Ali Baba que la salle des mariages de la Mairie, y z'ont mis au milleux un Baby foot que si on a rien à faire, lui au moins y nous fera passer le temps... Remarque aussi qu'avec tous les transistors que chacun y z'ont amenés…..on va pas te 'oir passer la nuit c'est sur !

           Et pis ça qu'tu sais pas toi, et ben en déhors que le poste de garde y domine tout le coin, y l'a en haut, une mitrailleuse 12/7, recouvert a'c une bâche de chez Vidal et Banega, et personne y sait comment elle marche et en plusque t'ya un madone de projecteur que lui y l'a même son alimentation par le câble qu'elle existe plus à cause que les rats y se sont fait les dents dessur sa gaine en caoutchouc.

           Oila pendant que le jour y l'est encore là, tout le monde y s'est mis a raconter sa vie et sa blague d'la semaine. Comme ça Robert il a eu le temps de faire cuire les pâtes qu'y l'a achetées avant d'venir, chez Bonici tu sais celui qu'y l'a la fabrique dans la p'tite rue en face la pharmacie Emig.
           Alors après, tout le monde comme un seul homme, y z'ont foncé t'sur cette putain de macaronnade, que tellement elle etait bonne, y'en a même qu'y z'en ont pris trois fois. Après vite vite on s'a fait les équipes pour le Baby foot que L'ASB contre la JBAC c'était rien à coté j'te jure. Mais avant faut qu'j'te dise que Nano le sergent y l'a distribué les heures de la garde que chacun y devait prendre, j'te dis pas… Mon copain Jojo qu'y la toujours de la chance lui, y s'est tapée la promiere à neuf heures et y l'est monté en haut en plein froid pendant qu'à Radio Monte-carlo laisse qu'y te donne le Tiercé d'la chanson avec Guy Luxe bien sur !

           Et en avant t'yen veux toi des parties de Baby foot, qu'on se changeait les équipes tous les cinq minutes à chaque fois. J'te crois bien qu'on s'a fait au moins trois championnats c'est sur ! Pa Madone, un vrai bordel que tu te croirai au Marché du poisson le matin.

           Et pendant ce temps laisse que l'heure elle te passe, et personne y te rogardait la montre, quand d'un coup Nano le sergent 'ac le scandale qu'on te faisait, y s'est reveillé et y l'a dit "Mais o les enfants à qui c'est le tour de prendre la garde ? Il est trois heures du matin o les Oualiounes ? " Alors tout le monde y s'est mis à rogarder le papier qu'il avait mis t'sur le mur de la chambre et comme par hasard, adebon on t'avait sauté trois tours de garde. On a tous pensé que Jojo le pauvre y l'était encore en haut. On l'a appelé d'en bas mais mème pas qu'y te vient le Juge d'lacalle pour qu'y te répond ? Alors le sergent y l'est monté pour voir, en priant le bon dieu que Jojo il a pas été enlevé. Et ça qu'y l'a trouvé, c'est un Jojo endormi qu'y te ronflait à mort, enveloppé dans sa capote militaire.
           Alors il lui a crié " O Jojo tu dors ? " Et ton Jojo qu'y l'a ouvert d'un coup ses yeux y lui a dit " Ou te 'ois qu'je dors ? La preuve j'entends encore Guy Lux et le tiercé d'la chanson qu'y sont entrain de jouer…. Ce tierce d'la chanson qu'y l'était fini depuis plusque de quatre heures au moins Alors quand Jojo y l'a regardé sa montre et qu'il a compris que personne y z'étaient venu le relever y t'es descendu dans la chambre avec a debon le cat's de travers et y t'a viré tous les lits de ceux qui te dormaient ! Et tout çà y t'a fini que tout le monde y s'est cassé le ventre de rire sauf Jojo qui te tenait une de ces Rabia, qui l'a juré sur tous ses morts qu'y reprendrait plus la garde avec nous. T'ya compris O Frade main'nan pourquoi les gardes de chez nous autres à la compagnie de l'EGA c'était des gardes qu'elles z'étaient pas comme les autres. Mais de toi à moi je pense et je veux pas être mauvaise langue, te me connais, mais je mets même ma main au feu que dans les autres compagnies des UT, c'était " KIF KIF BORRICOT !

Georges Barbara, Août 2022


Tirailleurs " sénégalais " 14/18
Envoyés par Mme N. Marquet

        Il est triste de devoir faire un " exercice comptable " concernant les effectifs et les pertes des " Métropolitains " et des " Africains " durant le Premier conflit mondial.
        J'y suis cependant contraint par les déclarations idéologiques de l'acteur Omar Sy qui, à travers elles, ajoute sa touche à la grande entreprise de réécriture de l'histoire de France[1].

        En effet, à travers l'action des Tirailleurs dits " Sénégalais " mais majoritairement venus de toute l'AOF (Afrique occidentale française), il adresse aux Français un message-postulat plus que subliminal : les Africains que vous avez utilisés comme " chair à canon " durant le Premier conflit mondial ayant permis la victoire française, leurs descendants ont des droits sur vous. Voilà donc pourquoi ils sont chez eux chez vous…

        J'ai déjà répondu à cette question dans un communiqué de l'Afrique Réelle en date du 13 mai 2016 dont le titre était " La France n'a pas gagné la Première guerre mondiale grâce à l'Afrique et aux Africains ".

        Au total, la France eut 8.207.000 hommes sous les drapeaux. Laissons donc parler les chiffres[2] :
        1) Effectifs de Français de " souche " (Métropolitains et Français d'outre-mer et des colonies) dans l'armée française durant le Premier conflit mondial
        - Durant le premier conflit mondial, 7,8 millions de Français furent mobilisés, soit 20% de la population française totale.
        - Parmi ces 7,8 millions de Français, figuraient 73.000 Français d'Algérie, soit 20% de toute la population " pied-noir ".
        - Les pertes parmi les Français métropolitains furent de 1.300 000 morts, soit 16,67% des effectifs.
        - Les pertes des Français d'Algérie furent de 12.000 morts, soit 16,44% des effectifs.

        (2) Effectifs africains
        - Le Maghreb (Maroc, Algérie et Tunisie) fournit 218.000 hommes (dont 178.000 Algériens), soit 2,65% de tous les effectifs de l'armée française.
        - Les colonies d'Afrique noire dans leur ensemble fournirent quant à elles, 189.000 hommes, soit 2,3% de tous les effectifs de l'armée française.
        - Les pertes des Maghrébins combattant dans l'armée française furent de 35.900 hommes, soit 16,47% des effectifs.
        - Les chiffres des pertes au sein des unités composées d'Africains sud-sahariens (les Tirailleurs) sont imprécis. L'estimation haute est de 35.000 morts, soit 18,51% des effectifs ; l'estimation basse est de 30 000 morts, soit 15.87%.

        Ces chiffres contredisent donc l'idée-reçue de " chair à canon " africaine d'autant plus qu'au minimum, un tiers des pertes des Tirailleurs " sénégalais " furent la conséquence de pneumonies et autres maladies dues au froid, et non à des combats. D'ailleurs, en 1917, aucune mutinerie ne se produisit dans les régiments coloniaux, qu'ils fussent composés d'Européens ou d'Africains.

        Enfin, une grande confusion existe dans l'emploi du terme " Coloniaux ". Ainsi, l'héroïque 2° Corps colonial engagé à Verdun en 1916 était composé de 16 régiments (pour 254 régiments et 54 bataillons composant l'Armée française), mais ces 16 régiments étaient largement formés de Français mobilisés, dont 10 régiments de Zouaves composés majoritairement de Français d'Algérie, et du RICM (Régiment d'infanterie coloniale du Maroc), unité alors très majoritairement européenne.

        Autre idée-reçue utilisée par les partisans de la culpabilisation et de son corollaire qui est " le grand remplacement " : ce serait grâce aux ressources de l'Afrique que la France fut capable de soutenir l'effort de guerre.Cette affirmation est également fausse car, durant tout le conflit, la France importa 6 millions de tonnes de marchandises diverses de son Empire et 170 millions du reste du monde.

        Conclusion :
        Des Tirailleurs " sénégalais " ont courageusement et même héroïquement participé aux combats de la " Grande Guerre ". Gloire à eux !
        Cependant, utiliser leur mémoire pour des buts idéologiques est honteux car, durant la guerre de 1914-1918, ils ne composèrent que 2,3 % du corps de bataille français.Bernard Lugan

        [1] Sur toute l'entreprise de falsification de l'histoire de la colonisation française on lira mon livre " Colonisation l'histoire à l'endroit .Comment la France est devenue la colonie de ses colonies " publié en 2022 [2] Faivre, M (Général)., (2006) " A la mémoire des combattants musulmans morts pour la France " , La Voix du Combattant, mai 2006, p.6.



BOUGUIRAT
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui - N°208 - Novembre 2012
UN DES VILLAGES LES PLUS COQUETS DE L'ORANIE FRANCAISE
     
                Par un décret fait à Paris le 16 avril 1862, " Napoléon, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français " décide : "II est créé dans la plaine de Bouguirat, province d'Oran, sur la route de Mostaganem à Relizane, un centre de population de 48 feux qui prendra le nom de Bouguirat.

                Un territoire agricole de deux mille quatre cent dix-huit hectares, soixante dix-huit ares, est affecté à ce centre, conformément au plan ci-annexé". C'est là, l'acte de naissance du village de Bouguirat.
                À partir de cette date, le nouveau village va prendre place, corps et vie au fil des années. Suivons le début de sa jeune existence à travers les événements, petits ou grands, qui jalonnent ses quinze premières années.

Eglise

                Que lui apporte chacune d'elles ? Le village est implanté sur le territoire qui lui est attribué par le décret cité précédemment. Mais où exactement ? On envisage tout d'abord de le créer près d'un caravansérail construit au bord de la voie Mostaganem-Relizane existant alors. Mais, celle-ci longeant un marais insalubre, le nouveau centre est finalement édifié 2 Km plus au nord, sur une nouvelle route reliant les deux villes, à 28 Km de la première et à 31 Km de la seconde.

                Le territoire agricole qui entoure l'agglomération est divisé en 126 "lots ruraux". 115 d'entre eux sont attribués aux propriétaires des lots à bâtir afin d'être exploités comme terres agricoles. 9 sont réservés à différentes fins : " bivouac, cimetière, instituteur, cure, réserve communale, communal du marais, places publiques, mosquée de Sidi Charef, mosquée d'Abdallah ". Au total : 409 ha 31 a. Le lot n° 116 est " donné en concession à une compagnie, la compagnie Malavoix, afin de faciliter les essais de cultures cotonnière étendue ". Le lot n° 119 devient, lui, "réserve domaniale". Dépend aussi de Bouguirat, un hameau, le hameau d'Aïn-Madar, situé environ à 6 km au nord-est du bourg.

                C'est un coin vert et fertile grâce à un ravin qui lui apporte à longueur d'année l'eau de nombreuses sources situées dans des montagnes sablonneuses et boisées qui le surplombent. Y est installé une ferme de 128 ha en amont de laquelle un moulin à eau construit par M. Winkel avant même la création de Bouguirat, moud le grain des villages environnants et même des villes plus lointaines comme : Oran. Relizane, Orléansville, etc... Ain-Madar est relié à Bouguirat par un chemin vicinal qui se prolonge jusqu'à Aïn-Tédélès et Souk-el-Mitou (Bellevue). Vers le sud, existe un deuxième chemin vicinal, celui de Bouguirat à Perrégaux qui passe par Romry (Nouvion) et la gare de l'Oued Malah. Dès l'annonce de la création du village, de nombreux candidats à la propriété se présentent. Pourtant les concessions proposées ne sont pas gratuites. Chaque colon doit s'engager à bâtir à ses frais une construction en rapport avec la valeur des terres qui lui sont concédées, et ce, dans un temps donné sous peine d'être évincé. II est en outre imposé de " 1 F par ha de lots ruraux et de 0,50 c par are de lots à bâtir ".

La Remonte Chevaux

                Ce qui n'empêche pas la demande d'être grande ? Devant son importance, l'administration fait un choix. Elle établit trois listes ; celle des inadmissibles, celle des douteux, celle enfin des admissibles. Finalement, 48 noms sont retenus. Parmi eux : Heintzmann Michel, Blesson Jules, Tortet Jean, Marcel Pierre, Duffaux Hippolyte, Smidt Alexandre, Grignon Zéphir, Chabrat Jacques dont des descendants habitent encore Bouguirat un siècle après, en 1962. Tous les concessionnaires choisis alors ne s'installent pas forcément dans le nouveau village. Certains revendent presque immédiatement leur concession. Ainsi les lots 25 et 28 sont vendus aux Dermy ; le 16, à Joseph Estève.

                D'autres ne se présentent pas du tout, par exemple, Olivier-Pierre Marutin concessionnaire du lot 22.
                Enfin, quelques-uns, dans un délai plus ou moins long, se fixent ailleurs : le propriétaire du lot n° 12 part à Blad-Touaria, celui du n° 25 bis à Aboukir.

                Quels qu'ils soient, tous ces nouveaux agriculteurs auront fort à faire et pour mettre en valeur des champs en friche " envahis par une forêt de jujubiers et de palmiers nains " qui servent de "refuge" à un grand nombre de chacals, gazelles et surtout à une infinité de moineaux " et pour payer à l'Etat " la rente des terres dont chaque concession est imposée. L'année 1863 commence, le 3 janvier exactement, par l'inauguration du nouveau centre "sous les auspices de M. le général Lapasset alors colonel d'état-major commandant la subdivision de Mostaganem".

                Alors, peu à peu, la vie démarre et s'organise dans cet embryon de village où n'existent ni mairie, ni école, ni église. " Le village de Bouguirat n'étant créé qu'avec ses seules ressources, l'Etat ne l'avait doté d'aucun bâtiment civil public ". Chaque colon s'active à s'installer, à construire son toit, à s'entourer d'un jardin où il plante des arbres " de toutes espèces ", à défricher les terres de sa concession.

                Comme il faut assurer la nourriture de chaque famille, une décision commune est prise : la création d'un troupeau de porcs, bêtes qui ne demandent que peu de soins.

                Au début de l'été, un événement important par ses conséquences : la compagnie Malavoix est déchue de ses droits de propriété par le conseil des Affaires civiles de la division ; décision que le Gouvernement Général approuvera le 1er août.

                À la suite de quoi, les 400 ha du n° 116 et, dans la même foulée, les 644ha 98a 80ca du n°119 réservés, les premiers à la compagnie Malavoix, les seconds comme "réserve domaniale" sont "proposés pour être affectés à la colonisation". On divise alors la première parcelle en 15 "lots de ferme" de 22 à 30 ha chacun et la deuxième en 24, d'une étendue analogue. Soit au total, 39 lots de ferme situés derrière le marais au sud du village qui viennent s'ajouter aux quelques domaines ruraux créés initialement. Et pourtant, peu de fermes se créeront, aussi bien immédiatement que plus tard. En 1877, quinze ans après la création du centre, 4 seulement "seront bâties" et 2 "seulement habitées".

                À cela, deux raisons majeures : d'abord, l'insuffisance des terres concédées à une ferme, ensuite, la difficulté de s'y ravitailler en eau. Dans les lots de ferme, "il faut aller à 15 ou 20 mètres pour trouver l'eau ; encore est-elle saumâtre et en petite quantité". Un problème que ne connaît pas le village lui-même car, autour de l'agglomération, existe. Sous une couche ce tuf blanc située à 50 cm de profondeur une nappe d'eau " ne renfermant aucun sel pouvant lui donner un goût désagréable", "une vraie rivière souterraine". Si bien que chaque maison a son puits dont la profondeur est en moyenne 4 m ", un puits dont " l'eau bonne et limpide cuit parfaitement les légumes, qui est " fraîche sans être froide et l'hiver paraît tiède à l'air extérieur ".

                L'opération "fermes" échouant, les lots leur revenant sont concédés " à des employés militaires et civils en activité ou en retraite ", habitant les villes ou même la France et qui ne viendront jamais visiter leur concession mais se contenteront de louer ou de faire louer leurs terres à des Arabes. Ce qui influe sur la physionomie de l'agglomération elle-même. La population étant moins forte qu'on ne l'avait espéré, beaucoup de lots bis restent vacants. Ils seront alors concédés soit à des colons déjà propriétaires du lot mitoyen ouvrant côté route " ce qui leur constitue une propriété de 30 ares au lieu de 15 ares, soit vendus dans le domaine à de nouveaux demandeurs. En 1872 la plantation d'arbres de différentes espèces continue et se diversifie. Sont plantés à ce jour 2625 arbres fruitiers à feuilles caduques, 125 bananiers, orangers et citronniers ; 500 forestiers et d'agrément et 500 mûriers. Pourquoi tant de mûriers ? Quelques colons essaient d'élever des vers à soie. Ils y réussissent très bien. "La graine est belle et le ver d'une belle venue".

                Malheureusement, le manque d'acheteurs et l'insuffisance des plantations de mûriers les obligent à abandonner. Enfin 140 oliviers sont greffés. Le bétail a augmenté en nombre. 70 chevaux, 25 mulets, 130 bovins, 270 ovins, 83 caprins, 225 porcins sont recensés cette année-ci. Construction de l'école et de la mairie en 1875, payée en partie par la commune, en partie grâce à des subventions de l'Etat. Jusque-là, comme aucun bâtiment public n'existait depuis sa création, la commune a dû elle-même suppléer à cette absence. Elle l'a fait en louant des locaux privés où s'installent les principaux services publics. Ce qui absorbe la plus grande partie de ses revenus

                D'après un rapport en date du 18 avril 1877 rédigé par M. Marcel, le propriétaire de la ferme du hameau d'Aïn-Madar et du "moulin à farine" mais surtout, le maire du village, le nouveau centre créé le 16 avril 1862 sur la route de Mostaganem à Relizane "a progressé d'une façon assez sensible". Sa population " en majeure partie travailleuse et énergique où il n'y a aucun ivrogne" a réussi malgré les grandes difficultés que lui procuraient "la nature du sol, l'insurrection, les épidémies, les sauterelles " à bâtir en peu de temps, un vrai village d'une soixantaine de maisons, avec une église, une mairie, une école, une école laïque gratuite où " l'instituteur qui est marié, a une subvention de la commune pour que sa femme ait soin des petits enfants et donne des leçons de couture aux jeunes filles ", et même, un médecin de colonisation, M. Colozi, qui réside à Aboukir mais qui vient chaque semaine, le jour du marché, visiter les malades ; un village vivant où règne " une certaine animation " qu'il doit au marché du mardi très fréquenté et à sa situation à mi-chemin entre deux villes dont il est le point-relais. Chaque jour, dix voitures publiques auxquelles s'ajoutent de nombreux véhicules de transport et aussi des voitures particulières, le traversent ou y font étape. Un village d'avenir puisqu'il " est parvenu à surmonter tous les obstacles par l'énergie de ses habitants que rien n'a pu décourager " et qu'il n'a cessé de progresser de jour en jour. La seconde guerre à peine finie, le village repart de l'avant. II emploiera ses dernières années à parfaire son image et à rendre la vie plus facile et plus agréable à ses habitants.

                Un poste de médecin de colonisation ainsi qu'un dispensaire pour indigents sont créés. Le Docteur Geisen s'occupera des deux jusqu'au dernier jour. Une pharmacie, tenue par M. Petit, ouvre ses portes. Une classe de plus est ouverte à l'école des filles. Une poste nouvelle et fonctionnelle est construite. La mairie voit sa façade restaurée ; les places publiques sont transformées en jardin et les vieux mûriers des boulevards à cause de leur âge justement sont remplacés par des orangers amers si odorants au moment de leur floraison.



                Un bois de peupliers est planté à la suite du marché et les collines avoisinantes du cimetière sont reboisées. Pour permettre à ses occupants de se ravitailler en eau sur place, un puits est creusé à l'intérieur du douar du cimetière tandis qu'à proximité de celui du marais, où l'eau est saumâtre, un puits d'eau douce est foré.

                En 1962 et cent ans après, Bouguirat, avec ses maisons individuelles coquettes et fleuries, ses larges boulevards, ses arbres, ses abords bien entretenus, est un des villages les plus coquets de l'Oranie française.

                Marcelle Martinez-Orcel




                Un coin de la place

  Pieds-Noir d'Hier et d'Aujourd'hui N°213 - Septembre/Octobre 2013
    


''ISRAEL, le VOYAGE INTERDIT"
De Ziva et Jean Pierre Lledo
Envoyé par M. JP Lledo

        Bien chers amis
        Ziva et moi vous adressons nos meilleurs voeux, de santé surtout...

        Nous vous annonçons aussi que notre film avec ses 4 parties sera bientot à Nice (Perpignan peut-être aussi bientôt)
        Si vous avez des amis à Nice ou dans la region (Cannes, Antibes, etc...) merci de les encourager à visionner les 4 Parties et de leur envoyer à l'affichette et les 2 docs sur le film ?
        Le film s'adresse autant aux Juifs qu'aux non-Juifs

        Dans la 1ere partie la thématique algérienne est très presente...

        Ziva et moi vous remercions par avance
        Bonne Année ! (elle risque dêtre très difficile...)
        Ziva et Jean Pierre Lledo



Pour nos chers Amis Décédés
Nos Sincères condoléances à leur Familles et Amis


Envoyé par Pierre Barisain
Bernard Salkin vient de mourir
à Saint-Raphaël, à 78 ans.

        Arrêté à 19 ans à Marseille, il fut incarcéré aux Baumettes en 1962, pour son action de soutien à l'Algérie française qu'il ne connaissait pas. Son grand-père était général mais la carrière militaire dont il rêvait, était brisée bien qu'il ait servi dans les paras après sa libération des geôles gaulliennes.
        Il ne s'était jamais remis de ce qu'il avait subi ( délation, interrogatoires insultants, moqueries des FLN libérés sous ses yeux) et comme beaucoup de sa génération qui avaient cru à la parole donnée, était un écorché vif.
        Il a écrit un poème aux Baumettes.
        Il a enfin trouvé le repos.

        Le 26 mars 1962, tuerie de la rue d'Isly, poésie, alger-roi.fr
        Poésie de Bernard Salkin

Mars 1962 en Algérie après les accords d'Évian, écrit des Baumettes, 1962
26 MARS 1962

En ce vingt-six mars, les Français d'Algérie,
Par Charles le Menteur, trompés, trahis, vendus,
Étaient venus clamer l'amour de la patrie.
Mais les sbires veillaient, le piège était tendu,
Dans la foule hachée par une pluie de balles
Dont les noirs assassins arrosaient la chaussée
Plus de chants, plus de cris, le fracas des rafales
Effaçait puissamment les râles des blessés.
A grand renfort de fer, les tristes mercenaires
Offraient un sacrifice à Charles le Mauvais.
Les robes des femmes plaquaient des tâches claires
Sur le magna affreux que le sang empoissait.
Et les corps des martyrs s'amoncelaient grotesques,
Inondant le pavé d'un rougeoyant étang,
Où les stylets d'acier traçaient en arabesques
Le nom du Grand Moloch, avide de sang.
Ironique un mourant, avant de s'affaisser,
Dans un ultime effort, répandant ses entrailles,
Cria : " Vive le Prince ! et Vive sa canaille !
N'est ce pas grâce à eux, que je crève en Français ? "

Prison des Baumettes 1962 - Bernard Salkin
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Envoyé par Mme N. Marquet
Décès de M. Alexis ARETTE


        Chers Amis,
Le Béarn est en deuil. Alexis Arette-Hourquet dit Lendresse, c'était son vrai nom, né en 1927, est mort dans la nuit de dimanche 15 à lundi 16 janvier. Il avait 95 ans.
        Ancien Combattant, Poète - Paysan, Félibre, Académicien, Conseiller régional d'Aquitaine, a déposé ses diverses armes, pour un autre combat, plus élevé, voire plus haut.
        Les Harkis et les Pieds Noirs ont perdu l’ami qui mis son honneur à leur service, jusqu’à endurer la prison, aux heures sombres de leur Histoire,
        Les Agriculteurs et les Politiques, qu’ils fussent de Droite, de Gauche, du Centre (et même d’ailleurs), ont perdu l’aiguillon caustique qui les rappelait à leurs devoirs ….

        Il est l'auteur de huit ouvrages dont les "Damnés de la terre". Il a aussi été l'un des premiers à défendre l'agriculture bio. Alexis Arette-Lendresse était aussi un vétéran de l'Indochine. C'était un "béret rouge". Blessé au front, il a reçu la médaille militaire et la Légion d'honneur, qu'il portait en toute occasion à coté de l'insigne parachutiste. Il vivait dans la ferme familiale de Momas où il est né.
        L'éloge funèbre, a été prononcé à l’occasion de ses obsèques, le Mercredi 18 janvier à 15 h, en l’église de Momas, vous pouvez lire son impressionnant CV sur le Wikipedia français : https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/79546
        En communion de pensées ou prières !

        Sincères condoléances à sa Famille
              La rédaction



LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.
             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens de faire des mises à jour et d'ajouter Oued-Zenati, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.
             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Clauzel, Duvivier, Duzerville, Guelaat-Bou-Sba, Guelma, Helliopolis, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Oued-Zenati, Penthièvre, Petit et Randon, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :

    
CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 


NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers


Batna: la reine des Aurès

Envoyé par Martine
https://www.lexpressiondz.com/regions/batna-la-reine-des-aures-345714


L'Expression.dz - par Wahida BAHRI -

Chargée d’histoire et une belle promesse d’avenir

         Aussi ancestrale qu’elle fut, la wilaya de Batna est la terre des ancêtres qui ont façonné son passé qui veille aujourd’hui, sur son présent.

         C'est une région unique en son genre dans tout le centre-est du pays. Avec un patrimoine historique, identitaire et culturel, Batna est une jonction entre les temps, dont le legs chargé d'histoire hérité des ancêtres, témoigne d'un présent qui oeuvre à la préservation d'un passé antique de plus de 10 siècles. Tout en conservant les principaux traits de son architecture amazighe authentique, Batna s'est lancée dans la modernisation à travers la réalisation de nouvelles cités, avec le respect de l'intimité des foyers, conformément aux valeurs de la société locale. La ville de Batna, de son vrai nom Bathna, a été créée sur décret du 12 septembre 1848 signé par Napoléon iii. Située à la croisée des axes de Biskra, Tébessa, Sétif et Constantine, cette position jugée stratégique, par la commission consultative siégeant à Constantine, avait décidé de faire de Batna une future ville. Mais avant cela, Batna existait déjà dans le temps et l'Histoire.

         La région de Batna faisait partie de la Numidie et des premiers royaumes indépendants berbères comme en témoigne le monument de Madracen, non loin de la ville. La vallée dans laquelle est installée la ville de Batna faisait jadis partie d'un territoire sous la domination de la vieille ville romaine de Lambèse. Les effets du temps et de l'érosion, notamment des pluies et des glissements de terrain, ont peu à peu conduit à l'enfouissement de la ville romaine de Batna et d'une bonne partie des vestiges de la ville de Lambèse, appelée aujourd'hui, Tazoult. La vallée était habitée par des Berbères chaouis, un groupe ethnique d'origine algérienne, occupant le massif de l'Aurès, dont les tribus berbères étaient propriétaires des terres de cette vallée où il y avait des lieux saints.
         Batna est l'une d'entre plusieurs vallées habitées par d'au-tres tribus, liées en dehors des attaques, par le commerce. La vallée de Batna était un point de transit pour les gens qui passaient par Batna pour aller à Constantine. Ils venaient également de Khenchela, d'Arris, de Menaâ, de Biskra entre autres. Plusieurs zaouïas étaient, à cette époque, des lieux de visite mystique, de culte des saints. C'est pour dire que la ville de Batna existait bien avant la colonisation française. C'est une ville ancrée dans le temps et dans l'espace avec, un patrimoine identitaire remontant à des dizaines de siècles. Capitale des Aurès, Batna pendant la guerre de Libération nationale, était le bastion de la résistance militaire nationale.
         À contempler les majestueux monts des Aurès, on a l'impression d'entendre l'histoire chuchoter à voix basse à notre oreille:
         «Je suis les Aurès qui ont contraint l'armée coloniale à battre en retraite. Dieu, comme c'est émouvant de sentir ces montagnes battre du coeur de nos valeureux chouhada. Cette ville par le passé qui était une vallée habitée par des tribus, qui a donné par un passé pas si lointain des contingents de martyrs à la grande guerre d'Algérie, pour vivre, aujourd'hui, une indépendance hautement méritée.

         Le noyau d'une vie économique
         Culminant à 1058 mètres d'altitude, l'ancienne Batna est devenue un centre de population pour se transformer peu à peu en carrefour incontournable de la région est du pays. Les populations de plusieurs wilayas ont convergé vers cette ville où, le développement ayant connu un grand essor, l'a transformée en une ville cosmopolite. De l'antique vallée plate dominée par les monts des Aurès et de Batna de l'ère coloniale, s'est harmonieusement érigée et agrandie avec l'indépendance, la sédentaire ville de Batna, telle qu'on la connaît aujourd'hui. Cette ville moderne n'a toutefois pas perdu de son aspect agricole, dont plus de 35% des terres sont réservées à la culture, le blé et l'orge en premier lieu. L'agriculture agro-alimentaire occupe un volume important dans le développement de la région.
         La daïra de N'Gaous distante de 31 km du chef-lieu de la wilaya de Batna est connue pour ses arbres fruitiers, l'abricot, notamment. L'abondance et la qualité du fruit sont devenues une spécificité de Batna où, une industrie de transformation a aussitôt évolué. Pour notre grand bonheur, nous avons assisté au lancement de la campagne de récolte de l'abricot, qui a débuté à partir de la troisième semaine de juin. Au-delà de la récolte, l'abricot représente un événement particulier pour les Batnéens, qu'est la fête annuelle de l'abricot. S'étalant sur trois jours, elle réunit chaque année, des producteurs abricotiers de toutes les communes de la wilaya de Batna, qui exposent leurs produits et échangent leurs études sur les abricots (maladies, amélioration de la qualité du fruit). Outre cela, la wilaya de Batna a aussi développé son secteur d'agriculture, notamment les légumes, qui ont, lors de la dernière décennie connu une large diversification. Or cette dernière n'a pas dérogé à la règle, puisque, la spéculation et le diktat des mandataires et des commerçants, sont similaires à ceux des autres grandes villes du pays. Si l'agriculture tient une place prépondérante dans l'économie locale de la wilaya, l'industrie est également un secteur important où, activent des dizaines d'opérateurs économiques. Affiliés pour la plupart à la Chambre de commerce et de l'industrie des Aurès (CCI), les activités des acteurs économiques de la wilaya de Batna, s'articulent autour de bon nombre de secteurs, dont entre autres, l'agroalimentaire, les boissons en tous genres (jus), la semoule, les pâtes, la conserverie de fruits, notamment et l'emballage. Le développement économique de la wilaya a été accompagné par l'évolution d'un réseau de transport conséquent.
         Le réseau du transport de la wilaya a fait de Batna un important carrefour routier et ferroviaire du nord-est du pays. Disposant d'un grand nombre de structures de transport, dont l'aéroport international Mostefa Ben Boulaïd, situé à 35 km du chef-lieu de la wilaya, Batna s'est ouverte à toutes les destinations. La structure assure des dessertes reliant Batna à des villes françaises, dont entre autres Paris et Marseille. À l'instar des autres, grandes villes du pays, Batna est dotée d'un tramway qui a ajouté une autre beauté à la ville, avec la gare ferroviaire et une gare routière.

         Une ville ouverte à toutes les dimensions
         Cette dernière, dont les bus, se partagent le nord et le sud, pour le transport inter-wilayas de longue distance. Des dessertes peuvent aussi être assurées par les taxis collectifs inter-wilayas. La wilaya de Batna a aussi eu sa part du projet de l'autoroute Est-Ouest, qui joint actuellement Alger via El Eulma par la RN 77 et Annaba et Constantine par la RN 3. La densité du trafic routier de et vers les différentes villes de la wilaya de Batna, renseigne sur la dynamique du développement pluridisciplinaire, notamment en matière d'urbanisation. C'est un véritable boom que vit Batna depuis les deux dernières décennies. Sans se défaire de l'empreinte architecturale urbanistique de la région, la wilaya de Batna se caractérise, aujourd'hui, par ses nouvelles cités et quartiers huppés. En réalité, le respect du paysage dans l'urbanisation reflète l'harmonie des idées des concepteurs de cette région qui, même émergeant d'une vallée antique, a conservé le coeur battant de son histoire et son passé. Ce dernier est porteur d'une identité et d'une culture atypique mais surtout arabo-berbère.

         Des traditions millénaires au coeur des Aurès
         La wilaya de Batna, de par ses origines arabo-berbères, cumule un agenda de fêtes traditionnelles. Les deux importants événements que les Batnéens célèbrent chaque année sont le Nouvel An amazigh (Yennayer) et la fête de l'automne (Tkout). Cette dernière est une célébration qui se tient chaque année en fin d'été et au début de l'automne. La fête «Tkout» doit son nom à une petite localité mi-ville, mi-village, blottie au coeur même des Aurès, entre Batna et Biskra «Tkout» est une fête ancestrale de la région chaouie. Elle a été instituée par le roi Massinissa lui-même car on l'appelle aussi «Lam Ouguelid», qui signifie «Le marché du roi». Massinissa, qui a sédentarisé les nomades berbères en bâtissant les villes et en lançant l'agriculture, a créé ce marché pour célébrer la première gerbe de blé. Puisant son nom de la localité de Tkout, l'événement s'est transformé au fil du temps, en manifestation culturelle et économique, au cours de laquelle la rue principale de «Tkout» se ferme à la circulation automobile.
         Les marchands et paysans producteurs prennent possession de tous les espaces disponibles et disposent leurs marchandises de part et d'autre de la chaussée, nous explique Si Achour, un paysan, habitué à cet évenement. «C'est une gigantesque foire où tout s'achète et se vend, sauf le commerce qui a pris la place du troc», raconte l'homme avec beaucoup de fierté. «Cette pratique commerciale a disparu et les pasteurs des tribus des autres plaines aurésiennes ont converti le troc avec les négociations contre la monnaie» a déploré l'homme. Toutefois, même avec l'évolution galopante, Tkout a abrité toujours cette fête ancestrale, car, située en plein coeur des Aurès, elle marque la frontière naturelle entre l'Aurès est et l'Aurès ouest. De par sa position stratégique au milieu du grand massif des Aurès, Tkout assure la jonction entre les Hauts-Plateaux, grands pourvoyeurs de moutons et de céréales, où la montagne assure les fruits et les légumes et le Sahara lui fournit l'incontournable datte au régime des rudes montagnards. Tkout est une brèche ouverte sur tous les pics montagneux des Aurès où, le désert lui est proche. Nichée à 996 mètres d'altitude Tkout outre la vue qu'elle offre sur les monts, tels Chélia, Adrar n Zalatu, le pic d'El Mehmel, le mont Bouziza à Khenchela et la forêt de Kimmel, la plus grande forêt d'Algérie qui s'étend sur les wilayas de Batna, Biskra, Khenchela et même Tébessa, c'est un coucher de soleil sublime qu'elle offre à ses visiteurs.

         Au-delà de son aspect naturel, culturel et économique ancestral, Tkout était, depuis Massinissa, le bastion de la résistance militaire nationale. Elle a donné avant l'indépendance des contingents de martyrs à la grande guerre de Libération nationale.
         L'autre fête célébrée chaque année, c'est Yennayer qui a toujours été et reste encore, une tradition ancrée dans l'histoire de l'Algérie. La célébration de Yennayer pour les Batnéens, est une tradition ancestrale, avec ses valeurs et sa dimension actuelle en tant que socle de l'unité et de la cohésion nationales. Il faut reconnaître qu'à l'ère de cette mondialisation effrénée, Batna a su conserver jalousement sa culture amazighe, qui, puise sa philosophie de l'amour de la terre nourricière et consolide le sentiment d'appartenance à la patrie. Puisqu'il est important de rappeler que, le calendrier amazigh est l'un des premiers qu'a connu l'humanité, plus ancien même que les calendriers égyptien et romain. Ces deux fêtes et bien d'autres sont le titre d'un livre de tourisme, dont la wilaya de Batna se réjouit de détenir à l'ombre des monts et pics des Aurès.

         Une région à visiter sans regret
         Capitale des Aurès, Batna est une ville touristique et culturelle. Batna région montagneuse est riche par ses sites naturels et son histoire qui remonte à des millénaires. Elle est une destination favorite des touristes nationaux et internationaux qui viennent pour découvrir des sites touristiques de renommée mondiale, dont le magnifique site de Timgad. Il s'agit de la cité antique romaine, surnommée la Pompéi de l'Afrique du Nord et classée patrimoine mondial par l'Unesco. Au-delà de ce musée grandeur nature, Batna dispose d'autres vestiges antiques, dont Lambèse avec une architecture impressionnante, remontant à l'an 128 avant J.-C. La magnifique vallée de l'oued El Abiod à Rhoufi avec ses vallées, ses ruines et ses rivières, est l'autre joyau de Batna, avec le mausolée Medghassen qui fait partie de plusieurs autres mausolées berbères de forme pyramidale. Sans pour autant oublier le canyon de Rhoufi, un site à la fois naturel et archéologique façonné par Dame nature et l'ingéniosité humaine à l'image de la forteresse Bellezma et le grenier Igelfen de Tigharghar et de Baloul entre autres vestiges composant le patrimoine historique, identitaire de cette wilaya aux mille et une année de son existence, qui ont fait de la wilaya de Batna, une ville touristique par excellence
          


Le forum de Davos

Envoyé par Adèle
https://www.lesoirdalgerie.com/actualites/le-forum-de-davos- classe-l-algerie-parmi-les-leaders-mondiaux-de-la-securite-alimentaire-93652


Le soir d'Algérie - Par : APS 20-01-2023

Le forum de Davos classe l'Algérie parmi les leaders mondiaux de la sécurité alimentaire

         Le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Mohamed Abdelhafid Henni, a affirmé jeudi à Alger que le Forum économique de Davos a classé l'Algérie, dans son dernier rapport, parmi les pays "leader" dans le monde en matière de sécurité alimentaire à travers sa production nationale.

         Dans une allocution prononcée lors des travaux de la rencontre Gouvernement-walis, dont l'ouverture a été présidée par le Président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, au Palais des nations, sous le thème "Développement local: évaluation et perspectives", M. Henni a salué les résultats du dernier rapport du Forum économique de Davos, publié le 17 janvier en cours, (soit il y a deux jours), dans lequel le Forum a affirmé le classement de l'Algérie parmi les pays leaders dans le monde en matière de sécurité alimentaire à travers sa production nationale.

         Dans ce cadre le rapport a souligné, selon M. Henni, que la part de la production agricole par habitant "a doublé ces deux dernières années, grâce à l'efficacité du modèle agricole adopté par les autorités publics".

         Les résultats de ce rapport s'ajoutent à ceux conclus par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), qui avait classé l'Algérie en première place aux niveaux arabe et africain, pendant trois années exécutives (2020, 2021 et 2022), en termes de concrétisation des objectifs du développement durable des Nations Unies dans le domaine de sécurité alimentaire, ajoute le ministre.

         A cet égard, M. Henni a estimé que les changements survenus depuis 2020 sur tous les plans "confirment la vision prospective du Président de la République, qui a inscrit, la nécessité de la mise en place d'un plan urgent de modernisation de l'agriculture, parmi ses 54 engagements, afin d'assurer la sécurité alimentaire, répondre aux besoins nationaux et mettre fin à la dépendance alimentaire".

         Dans son allocution le ministre a évoqué les mesures prises dans le domaine du foncier agricole, notamment l'octroi d'un portefeuille foncier à l'Office de développement de l'agriculture industrielle en terres sahariennes (ODAS), d'une superficie estimée à 233 000 hectares au profit de 210 investisseurs.

         Dans le cadre de la reconversion du droit de jouissance perpétuelle en concession conformément à la Loi N 10-03, le ministre a fait état de 186214 actes élaborés sur un total de 190014 dossiers conformes (98%) soit une superficie globale de 2.139.358 hectares.

         Pour ce qui est de la circulaire interministérielle n 750 relative à l'exploitation des terres agricoles sans titres, il a été recensé 13229 cas d'agriculteurs exploitant une surface de 151.526 hectares au niveau de 21 wilayas.

         Dans ce sillage, M. Henni a qualifié la décision du Président de la République d'"historique" car elle permettra de régulariser la situation des agriculteurs concernés qui en ont longtemps souffert", rappelant que "ces derniers et leurs familles travaillaient dans ces exploitations depuis des décennies sans titres".

         L'opération débutera février prochain, selon le premier responsable du secteur.

         Concernant le développement local, un programme ambitieux a été mis en place dernièrement pour l'aménagement de 100.000 hectares dédiés aux arbres fruitier (2023-2025), permettant ainsi de valoriser les surfaces non-exploitées notamment dans les steppes et les montagnes.

         Le ministre a insisté également sur l'importance du plan de réhabilitation et d'élargissement du barrage vert décidé par le Président Tebboune aout 2020 en vue d'insuffler une dynamique économique locale à même d'améliorer les revenues des populations et d'apporter la valeur ajoutée à l'économie nationale.

         Le projet s'étend sur une superficie de 3.5 millions hectares (20 km de largeur et 1500 km de longueur) et touche 13 wilayas, 183 communes et près de 800 localités et 7 millions d'habitants soit 18% de la population.

         Cette nouvelle approche relative à la réhabilitation de ce mégaprojet consiste en l'implication des collectivités locales en termes de lutte contre la désertification dans toutes ses dimensions et l'élargissement de la superficie globale à plus de 5.4 millions hectares horizon 2030", d'après les explications du ministre.
APS           


Chutes de neige à Annaba

Envoyé par Edouard
https://www.lesoirdalgerie.com/actualites/chutes-de-neige-a-annaba- interventions-pour-ouvrir-la-route-dans-la-localite-de-bouzizi-93655

Le soir d'Algérie - Par : APS 20-01-2023

Interventions pour ouvrir la route dans la localité de Bouzizi

          Les chutes de neige sur les hauteurs de Séraïdi dans la wilaya d’Annaba pour le deuxième jour consécutif, notamment dans la localité de Bouzizi culminant à 900 mètres au-dessus de la mer, ont perturbé le trafic ce qui a nécessité plusieurs interventions, a-t-on indiqué à la Direction de wilaya de la Protection civile.

           Pour faire face à tout imprévu, une cellule de suivi et d’intervention a été installée au niveau de la commune de Séraïdi pour mener les actions de déneigement et ouvrir les routes, a-t-on indiqué à la cellule de communication de la Direction de la protection civile, soulignant que plusieurs interventions ont été effectuées jeudi matin sur la chemin communal CC-34 entre Séraïdi et Bouzizi.

           Des unités de l’Armée nationale populaire (ANP) et de la Gendarmerie participent aux côtés des services des travaux publics à ces actions, a ajouté la même source.

           La région d’Annaba enregistre depuis mercredi après-midi des intempéries marquées par des précipitations importantes de pluies et une baisse sensible de température suscitant l’optimisme des citoyens et particulièrement des agriculteurs.

           Pour prévenir les accidents routiers, les unités de la Gendarmerie nationale ont intensifié leur présence sur les axes routiers de la wilaya, conseillant aux usagers à plus de précaution et de vigilance.
APS             


Yennayer 2973

Envoyé par Elyette
https://lepetitjournal.com/alger/yennayer-algeriens- assegas-amegaz-296090

tsa-algerie.com - par : Hadia Beghoura | Publié le 11/01/2023

Yennayer 2973: les Algériens se disent tous « Assegas Amegaz »

           Yennayer est le premier jour de l’an Amazigh du calendrier agraire célébré par les Berbères d’Afrique du nord. Il est généralement fêté le 12 janvier de chaque année représentant le premier jour de janvier du calendrier julien. Cette année, on célèbre l’an 2973.

           Contrairement à ce qu’on croit, Yennayer n’est pas célébré uniquement en Kabylie ou par les Kabyles mais partout en Algérie. D’ailleurs, chaque région a ses propres rituels de célébration ce qui donne à la fête un esprit d’unité où tout le monde se sent concerné par ce jour.

           Lepetitjournal.com fait un tour d'horizon de cette fête si chère aux Algériens.

           Yennayer : ses origines et ses peuples
           La célébration de Yannayer date de l’an 950 av J-C lors de l’intronisation du roi berbère Chachnaq 1er comme pharaon d’Egypte. Il est le premier à avoir unifié l’Egypte et à fonder la XXIIème dynastie. Ce roi berbère est évoqué dans la Bible sous le nom de Sésaq. C’est depuis cette date que tous les pays d’Afrique du nord fêtent Yennayer.

           On célèbre Yennayer aussi dans d’autres régions du globe comme aux Iles canaries car les habitants autochtones de l’île sont des berbères appelés les Guanches, Igwancien en berbère, seul peuple berbère n’étant pas devenu musulman.

           Yennayer marque aussi le changement de saison. En effet, cette saison est signe de fin des provisions faites pour l’hiver.

           Le mot Yennayer quant à lui vient de la composition de deux mots berbères et qui sont : yan qui veut dire « un » et ayyur qui veut dire « mois », yennayer signifie donc « le premier mois ».

           Comment célèbre-t-on Yennayer en Algérie ?

           Depuis toujours, beaucoup de familles algériennes célébraient Yennayer bien que ce jour ait été déclaré comme jour chômé et payé en Algérie que depuis le 27 décembre 2017 et célébré officiellement pour la première fois le 12 janvier 2018.

           La tradition veut que la veille du jour de l’an un plat traditionnel soit préparé pour l’occasion en l’occurrence le couscous et parfois même du berkoukes (pâtes en forme de gros grains de couscous accompagnés de légumes et de viande). Pour ce qui est de la viande, c’est de la volaille ou de la viande rouge, chevreau ou mouton, qui sont à l’honneur. On prépare également des crêpes traditionnelles appelées « baghrir » et du « s’fenj », beignets traditionnels. On dispose sur la table des fruits secs, des amandes, des figues séchées et tout genre de friandises accompagnées généralement d’un bon thé à la menthe.


Yennayer plats algerie© Common wikimédia, plats traditionnels algériens préparés à l'occasion de Yennayer

           Pour se souhaiter la bonne année, les Algériens se disent habituellement « Assegas Ameggaz » qui veut dire « Bonne année » en Amazigh.

           Les Algériens portent beaucoup d’intérêt et d’affection à cette fête car ancrée depuis toujours dans la culture algérienne. Certaines familles suivent des rites bien spécifiques. Une des croyances dit que couper les cheveux de l’enfant c’est comme tailler un arbre à la même période pour lui permettre de mieux pousser.

           Dans la région de Kabylie il est évident que les festivités sont des plus folkloriques. Les femmes portent leurs tenues traditionnelles et souvent des chants berbères résonnent dans les maisons ce qui donne un aspect très festif à ce jour. Cependant, il n'en reste pas moins que les autres villes d'Algérie célèbrent Yennayer d'une manière tout aussi festive.

           Chaque année, c'est toute l’Algérie qui est en fête et cela est de mise depuis la fin de la crise sanitaire. Des événements ont lieu ainsi un peu partout dans le pays.
Hadia Beghoura             



L’olivier de Saint Augustin

Envoyé par Sébastien
https://www.lexpressiondz.com/regions/ un-joyau-touristique-ignore-324616

  - Par lexpressiondz - Par: Kamel BOUDJADI

Un joyau touristique ignoré

           Pour s’imposer parmi les plus grands, la plupart des pays producteurs d’huile d’olive se vantent d’avoir des oliviers millénaires…

           Ce n’est pas le seul trésor qu’on a raté

           Il est connu comme l’olivier le plus vieux de l’humanité. Il pousse à proximité du mausolée de saint Augustin, au cœur de la ville de Souk Ahras. Cet arbre mythique est d’ailleurs connu dans le monde entier sous l’appellation de « l’olivier de saint Augustin ». Il se trouve jusqu’à présent, au sommet du mont Sidi Messaoud sur les hauteurs de la ville de Souk Ahras.

           Selon les historiens de l’Antiquité, saint Augustin passait de longs moments à l’ombre de cet olivier pour méditer et se reposer.

           Le laboratoire américain du professeur Douglas, qui se trouve à Tuscan, en Arizona, avait d’ailleurs effectué une expertise dendrochronologique en 1953. Cette dernière qui coïncidait avec la célébration du 1600e anniversaire de la naissance de saint Augustin avait pour rappel estimé à l’époque son âge à plus de 2 900 ans.

           Aujourd’hui, malgré le fait qu’il soit bien conservé, ce joyau historique et culturel est ignoré par les Algériens. Ce lieu chargé d’une riche histoire et de grandeur est une source incontestable de fierté. Mais, hélas, oublié et marginalisé dans les médias, l’arbre reste à l’écart de la vie des Algériens d’aujourd’hui. Seule une infime minorité connaît la valeur de cet olivier mystique.

           Aujourd’hui, pour s’imposer parmi les plus grands, la plupart des pays producteurs d’huile d’olive se vantent d’avoir des oliviers millénaires, que ce soit la Grèce, la Tunisie, la Palestine, la Turquie ou encore l’Argentine et le Mexique. Mais ils sont loin de se douter que de mythiques oliviers, qui témoignent de la longue histoire de la partie Sud de la Méditerranée, se trouvent en Algérie. Cette richesse de notre patrimoine n’est hélas pas suivie de l’intérêt nécessaire pour sa promotion. Ce lieu peut en effet constituer indéniablement une destination touristique pour les Algériens. Ce qui ne semble pas être sur les tablettes des pouvoirs publics.

           Ce patrimoine historique nord-africain est par ailleurs, mieux exploité dans le secteur du tourisme et la promotion de la production locale en huile d’olive par les voisins marocains et tunisiens. En effet, la Tunisie, en compagnie du Liban ont récemment réussi à convaincre l’Unesco d’inscrire une Journée mondiale de l’olivier. Un véritable exploit vu l’importance de ce pas franchi pour faire connaître le fruit et l’huile extraite de cet arbre mythique de la Méditerranée. Hélas, malgré la richesse de son patrimoine et ses énormes capacités de production de l’olive, l’Algérie est absente sur ces terrains à l’international. Pis encore, ce lieu qui est un symbole de la culture universelle ne profite ni au tourisme ni à la promotion de l’olivier algérien du point de vue économique. Cette richesse du patrimoine et du terroir national peut constituer pourtant, un véritable vecteur de développement de ces deux créneaux comme c’est le cas en Tunisie et au Maroc.

           L’olivier de saint Augustin n’est qu’un aperçu de ce trésor caché d’Algérie que les générations futures vont sûrement déterrer loin de toutes contingences idéologiques.

Kamel BOUDJADI
00:00 | 09-12-2019                




De M. Pierre Jarrige
Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
    PDF 163                                                  PDF 163A
    PDF 164                                                  PDF 165
    PDF 165A                                                  PDF 166
    PDF 166A                                                  PDF 167
    PDF 167A
Pierre Jarrige

Site Web:http://www.aviation-algerie.com/

Mon adresse : jarrige31@orange.fr


Une postière
Envoyé par Annie

     Quelle répartie !!! ??????
     Un prix pourrait être attribué à cette guichetière d'un bureau de poste pour son élégance et son humour !

     Cette guichetière se trouvait face à une longue file de clients mécontents, lassés d'attendre pour pouvoir enfin déposer un colis, retirer du liquide ou envoyer du courrier.
     C'est alors qu'un client excédé, se taillant un chemin jusqu'au guichet, jette sa carte bancaire sur le comptoir et dit :
     - JE DOIS retirer de l'argent TOUT DE SUITE !
     - Je suis désolée, Monsieur. Je serai heureuse de vous aider tout à l'heure; je dois d'abord m'occuper des autres clients, mais soyez sûr que votre tour viendra.

     Le client ne s'en laisse pas conter. Il crie très fort de manière à ce que tout le monde l'entende :
     - EST-CE QUE VOUS SAVEZ QUI JE SUIS ?
     Alors sans aucune hésitation, la préposée se lève et s'adresse à tous les clients présents:
     - Puis-je avoir votre attention s'il vous plaît ?
     Sa voix résonnant dans tout le bureau. Nous avons au guichet un client qui NE SAIT PLUS QUI IL EST. Si vous êtes en mesure d'aider cette personne à trouver son identité, nous vous prions de bien vouloir l'en informer, merci.

     Alors que toute la file d'attente éclate de rire, le client furibard s'exclame:
     -Je T'EN... !
     Sans broncher, la guichetière sourit et dit:
     - Je suis désolée, Monsieur, mais pour cela aussi il faut être capable de faire la queue ! ! !




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Notre liberté de penser, de diffuser et d’informer est grandement menacée, et c’est pourquoi je suis obligé de suivre l’exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d’information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d’expression, tel qu’il est reconnu par la Résolution 59 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d’expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».
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