N° 83
Avril

http://piednoir.net

Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Avril 2009
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Les dix derniers Numéros : 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82,
  UN AMI      
Par NICOLAS CICONE
EDITO

Adieu GILLOU, Adieu Frère.


        Chers Amis,

        Dans ce numéro de la Seybouse, sur la chanson de Nicolas Cicone dédié à un AMI, dont je rends un modeste et sincère hommage je vous invite ensuite à lire la suite de cette Gazette.

        Aujourd'hui, je m'attarde un peu plus pour vous parler de la perte d'un AMI, Gilbert Ibanez. J'ai connu Gilbert, Gillou pour les amis, sur la " toile ", (Internet). En effet c'est sur un forum Pieds-noirs en 1999 que j'ai commencé à apprécier Gillou qui était déjà un des plus " durs " pour la défense de notre mémoire. Lorsque nous " les plus durs ", les plus fervents, nous avons quitté ce forum P.N. (dont il faut rendre hommage car c'était le premier) pour créer nos propres sites de ville, Gillou est resté l'ami fidèle parmi d'autres, celui que nous apprécions pour ses coups de gueule.

        Gillou était le plus grand défenseur de notre cause contre le " grand commandeur de l'ordre français ", Charlot 1er le Grand.
        Gillou s'est battu " seul ", avec l'aide d'une poignée de véritables Amis Bénévoles afin d'aboutir à un grand procès contre celui qui à causé la perte dans tous les sens du terme de notre chère Algérie et de ses natifs de toutes origines. Des pertes en biens, et surtout en vies humaines que même les algériens actuels en ressentent encore les effets.

        Lorsque je dis qu'il s'est battu " seul ", car là encore, les associations (surtout de défense des intérêts, Quels intérêts ?) n'ont pas voulu croire en lui. Elles ont préféré le faire passer pour un fou, un trublion, surtout pour leur moralité et la défense des subventions gaullistes pour certaines d'entre elles. D'ailleurs, elles sont très rares celles qui ont osé écrire deux lignes sur sa mort, elles ont encore fait Tchouffa. La grande majorité lui reprochant son " exil " en Australie. Il avait fait ce choix de vie car il ne voulait rien devoir à un pays (la France) qui l'avait exilé contre son gré et lui avait enlevé des êtres chers. Il avait choisi un pays étranger afin de ne pas devenir un prébendier comme la plupart de nos soit disant " défenseurs " de notre droit ou de notre mémoire.
        " Voilà Gilbert, chose promise, chose due ".
        Gillou m'a toujours soutenu dans mes combats et dans des moments difficiles récents, que je déroge sans regrets au devoir de réserve que je m'étais imposé. Pour un frère de combat, rien d'inéluctable.

        Gillou s'est battu pour que le plus grand " génociteur " ou génocidaire de l'histoire française soit condamné pour ses crimes contre l'humanité et surtout contre nos communautés nées en Algérie avant 1962.
        Il a porté l'affaire devant des juridictions, mais le droit français a été tellement verrouillé par " son altesse gaullienne " en ce qui concerne cette période tragique de notre mémoire, qu'aucun avocat n'a cru en Gillou. Pas même des avocats de la communauté.

        Pour cela, il a crée un DVD historique dans le monde P.N. (sans but lucratif). Un DVD où des preuves irréfutables, de la félonie du " plus grand massacreur " de français entièrement à part, sont démontrées afin que les générations futures se battent pour faire aboutir nos vérités.
        Procurez-vous ce DVD et distribuez-le à vos enfants afin qu'ils sachent ce que le " gaullisme " nous a fait et qu'ils n'oublient jamais cette grande tragédie de l'histoire humanitaire.
        Pour moi, il a droit à notre plus grande respectabilité pour ses choix et ses motivations, car sans grands moyens financiers, il a créé un site qui restera gravé dans les annales du Web Pieds-Noirs.

        Gillou est parti après une longue maladie, sans voir une seule journée d'audience de justice mais son œuvre doit perdurer. Elle doit perdurer car un jour notre cause sera reconnue lorsque tous les falsificateurs actuels de l'histoire auront disparus. Y compris ceux de nos communautés.
        " Repose en paix mon Frère, adieu Gillou. "

Adresse pour se procurer le DVD : nouvelles@algerie-francaise.org

A cette adresse, d'autres témoignages pour Gillou. ICI

*****
        Ensuite vous pourrez lire l'histoire de l'avenir de la ville de Bône racontée et vue par Louis Arnaud, avant de poursuivre celle du " Colon de Mondovi ", Eugène François.

        Une petite page sur les équipements sportifs d'Algérie avant notre départ qui ravivera le souffle chez nos sportifs d'antan.

        Le 2ème épisode de la nouvelle saga, " Les Agriculteurs de la " Plaine de Bône " relatée par notre Ami Georges Bailly dit " Baïga ".

        Les " Mœurs et coutumes de l'Algérie " rapportées par le Général Daumas en 1853 font comprendre un peu mieux la conception de la vie en Algérie à cette époque et qui reste essentielle pour certains Algériens encore aujourd'hui.

        Une historiette sous forme de conte va sans doute donner envie à de nombreux visiteurs à nous faire connaître leurs contes ou histoires venant de leur enfance ou de celle de leurs ancêtres.

        Un retour sur ses terres d'une amie et maintenant habituée d'Auribeau

        L'histoire de " l'Afrique du Nord Musulmane " s'attache à élucider la conquête arabe de façon synthétique mais juste assez pour donner le désir d'en savoir plus.

        Après avoir lu tout cela, qui fait partie de l'Immense Histoire de Notre Pays, je vous souhaite de passer de joyeuses fêtes pascales.

Jean Pierre Bartolini          

        Diobône,
        A tchao.


L'AURORE ET LE JOUR
BÔNE son Histoire, ses Histoires
Par Louis ARNAUD

        DANS mon Avant-propos, j'ai dit comment m'était venue l'idée d'écrire la petite histoire de cette ville heureuse qui s'était formée seule et presque sans efforts, tant la nature lui avait été favorable et l'avait comblée de ses dons.
        Le joli golfe aux contours harmonieux, sur le bord duquel elle était nonchalamment assise, était là, depuis des millénaires dans sa même splendeur, s'ouvrant largement vers l'Est, comme pour mieux capter, sans risquer d'en perdre un seul, les premiers rayons du soleil qu'on glorifiait encore en appelant le coin charmant sur lequel il épand l'or de ses rayons en sortant de la nuit, " Le Lever de l'Aurore ".
        La ville était belle, sans le moindre artifice, le ciel, les montagnes, les arbres et la mer s'étaient accordés pour lui faire une séduisante parure qui la faisait aimer.
        Ces lieux, pleins de poésie, où ma jeunesse insouciante s'était écoulée, calme et tranquille, j'aurais voulu qu'ils fussent toujours pareils dans une beauté immuable et éternelle sans que la moindre atteinte fût portée à leur intégrité, jamais.
        J'avais en sainte horreur le progrès qui bouleversait l'harmonie naturelle que le Maître de l'Univers avait mise dans son oeuvre terrestre et je m'indignais chaque fois qu'un coin, fut-il le plus banal, de ces lieux qui m'étaient chers, gémissait sous la pioche ou la hache des démolisseurs et disparaissait pour faire place à une forme nouvelle où l'utile triomphait toujours de l'agréable.
        Je voulais pouvoir jouir de ma ville en vrai dilettante sans me soucier d'un progrès, dont, d'ailleurs, je n'avais pas la notion exacte, ni de son utilité, ni de sa durée, et dont j'étais loin de croire qu'il était dans l'ordre naturel des choses.
        Et lorsque Bône avait dû, malgré tout, subir sa loi pour se mettre à l'unisson des autres villes, j'avais entrepris de maintenir l'illusion de l'ancienne et aimable réalité en rassemblant mes souvenirs et en essayant de faire revivre les scènes d'une vie antérieure qui m'avait enchanté.
        Mais la transformation de la ville ne s'arrêtait pas pour autant. La ville grandissait rapidement et l'adorable campagne bônoise disparaissait, en même temps, sous la poussée - on pourrait dire la ruée - des maisons qu'on construisait en hâte, sous le regard avide des locataires aussi nombreux qu'impatients.
        Un matérialisme sordide et inélégant envahissait les coeurs et les esprits, la vie devenait plus âpre et moins brillante, c'était le siècle du Progrès qui allait entrer dans l'ère atomique,

        C'est à ce moment là, que Bône se décida à sortir de sa torpeur.
        La première guerre mondiale venait de s'achever triomphalement pour les Alliés. Il fallait réparer les dégâts et les ruines qu'elle avait amoncelés en Algérie comme en France, et il fallait, surtout, savoir tenir son rang de vainqueurs.
        Il y avait du travail, et on avait du coeur au ventre.

        C'est à ce moment-là, que Bône se décida à sortir de néant, pourrait-on dire. Alors que de 1911 à 1921, sa population n'était passée que de 40.188 habitants à 41.777 habitants, ne subissant qu'une augmentation de 1.589 âmes, dans les dix années qui ont suivi, de 1921 à 1931, elle s'augmentait de 23.876 âmes et atteignit 65.653 habitants.
        En 1936, six ans après, il y avait 20.347 habitants de plus et finalement, la population à l'heure actuelle, soit vingt ans après, a dépassé 130.000 habitants.
        Cette progression inouïe du nombre de ses habitants a naturellement entraîné une métamorphose complète de la structure de la ville qui s'est étendue en trente années presque démesurément.
        Une laborieuse activité a envahi ses rues, et j'ai dû, moi, amoureux d'un passé délicieux qui avait laissé en mon âme une douce et nostalgique mélancolie, m'incliner devant la loi du progrès et admettre qu'une ville peut changer. Mais je dis comme Baudelaire : " ...mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs ".

        Il me faut donc, puisque j'accepte le Progrès, malgré le choc douloureux qu'en ressent mon coeur, me pencher sur l'Avenir de cette ville qui, comme la Belle au bois dormant, s'était assoupie pendant un siècle sur des trésors enfouis sous elle et qui va se réveiller entre ses deux enfants " L'Aurore " et le " Jour ".
        Je vais, comme je l'ai fait pour le Passé, étaler toutes les prémices qui peuvent, comme c'est ma conviction profonde, faire croire à un avenir superbe et plus prometteur encore.
        Dans cette rapide synthèse à laquelle je vais me livrer au sujet des possibilités d'avenir de la région bônoise, je vais prendre pour compagnons " l'Aurore " et " le Jour ", les deux enfants de la Belle au bois dormant, aux noms symboliques.




CHAMBRE DE COMMERCE

        LES Chambres de commerce groupent les commerçants élus par leurs pairs pour être l'organe officiel des intérêts commerciaux d'une région.
        Ce sont des Etablissements publics doués de la personnalité civile.
        Il existe, en Algérie, huit Chambres de commerce, parmi lesquelles Bône occupe, chronologiquement, le quatrième rang, après celle de Philippeville, créée en 1844, c'est-à-dire quatre années plus tôt.
        Ce n'est que le 19 décembre 1848, en effet, que fut publié au Journal Officiel, l'arrêté suivant :
        Au nom du Peuple français,
        Le Président du Conseil chargé du Pouvoir exécutif,
        Vu l'arrêté du 19 décembre 1848 sur la réorganisation des Chambres de commerce de l'Algérie ;
        Sur la proposition du Ministre de la Guerre, Arrête :
        Article 1. - Il est créé une Chambre de commerce dans la Ville de Bône (Algérie). Cette Chambre sera composée de 9 membres dont un musulman, un israélite indigène et un étranger choisis parmi les commerçants patentés actuellement en exercice dans cette localité.
        Article 2. - La nomination de ces membres aura lieu par voie d'élection, conformément aux dispositions de l'arrêté susvisé qui réglemente l'organisation des Chambres de commerce en Algérie.
        Article 3. - Le Ministre de la Guerre est chargé de l'exécution du présent arrêté.
        PARIS, le 19 décembre 1848
        Signé : CAVAIGNAC Le Ministre de la Guerre, signé : de La MORICIERE.
        Le Gouverneur général, en son nom et par délégation
        Le Directeur général des Affaires civiles, signé : LACROIX.
        POUR AMPLIATION
        Le Conseiller, Secrétaire général p.i. de la Direction générale,
        Signé : LAPAINE.

        Cet arrêté, qui porte la date du 19 décembre 1848, fut, sans doute, l'un des derniers actes de ce genre, que signa, le Général Cavaignac, en tant que chargé du Pouvoir exécutif, car le lendemain, 20 décembre 1848, le prince Louis Napoléon Bonaparte était élu Président de la République.
        La Chambre de commerce, ainsi créée, n'entra en fonction que cinq mois et demi après la publication de cet arrêté. C'est, en effet, le 4 juin 1849, que se déroula la séance inaugurale de la nouvelle Chambre de commerce, séance au cours de laquelle furent installés les neuf membres qui devaient la composer et qu'il fut procédé à la désignation de son Président.
        Ce fut M. Casimir Bronde qui fut appelé par ses collègues à cette fonction.
        La première Chambre de commerce de Bône fut donc composée de la manière suivante :


        MM. Casimir Bronde, Président. Napoléon, Vice-Président. Lent, Membre français. Gilli, Membre français. Meyer, Membre français.
        Et MM. Mustapha ben Napoléon, Membre musulman. Salfati, Membre israélite. Salenave, Membre français.
        Conformément aux prescriptions de l'article 1er de l'arrêté ci-dessus reproduit.

        Le 30 novembre 1856, l'élection pour le renouvellement des membres de la Chambre de commerce donna les résultats suivants qui furent approuvés par le Ministre de la Guerre, le 12 janvier 1857.
        Messieurs Bronde, Napoléon, Gilli, Fabre, Salenave et Salvageot, Savona, Mohamed ben Napoléon et Taïeb.
        A la première réunion de la nouvelle assemblée consulaire, M. Bronde et M. Napoléon furent respectivement maintenus dans leurs fonctions de Président et Vice-Président et, quelque temps après, Salenave fut désigné comme Trésorier, complétant ainsi le bureau de la Chambre.
        La composition de la précédente Chambre n'avait subi de modification qu'en ce qui concernait M. Lent, remplacé par M. Salvageot et M. Salfati, remplacé par M. Taïeb.

        Le décret du 3 septembre 1851 qui imposa aux Chambres de commerce de nommer un président, un vice-président, un secrétaire, un trésorier, ou un secrétaire-trésorier fut appliqué à l'Algérie par une dépêche du Ministre de la Guerre au Gouverneur général de l'Algérie en date du 17 février 1858, lui enjoignant de veiller à l'exécution de ce décret.

        II était dit, dans cette dépêche, entre autres, que les Chambres de commerce, en dehors de leurs membres, dont par définition, les fonctions ne doivent en aucune façon être rétribuées, pourraient avoir des secrétaires appointés choisis par elles, mais n'ayant ni voix délibérative, ni voix consultative dans les assemblées. C'est M. Maurine, qui fut désigné pour être ce secrétaire.
        Monsieur Casimir Bronde ayant donné sa démission des fonctions de Président qu'il avait constamment occupées, la Chambre se réunit le 14 août 1858 et désigna M. Napoléon, jusque là Vice-Président, en son remplacement.
        Le nouveau Président en remerciant ses collègues, exprima le regret de voir M. Bronde s'éloigner de la Chambre de commerce où son absence allait constituer " un grand vide ".
        Monsieur Casimir Bronde, premier président de notre Chambre de commerce, était une personnalité éminente du monde commercial bônois.

        Le 4 juin 1849, au moment où il avait été désigné, par ses pairs, pour occuper ces hautes fonctions consulaires, il était déjà membre du Conseil municipal de Bône qui avait été érigée en commune par un arrêté du 18 janvier 1848 et dont le Maire, Auguste Lacombe, avait été nommé par le chef de l'Etat au mois de mai suivant.
        Casimir Bronde, dans le privé, était agent de la " Compagnie Touache " qui fut la première compagnie de navigation à installer, en 1847, un service régulier entre Marseille et Bône et vice versa, pour le transport des marchandises et des voyageurs.
        Cette compagnie a pris, depuis, la dénomination de Compagnie de Navigation Mixte ", ses bateaux étant gréés de voiles tout en étant munis d'une machine à vapeur actionnant une hélice.
        Ils servaient surtout à transporter des céréales, qui constituaient à peu près leur unique frêt de retour, de Bône à Marseille. Ces céréales, blé et orge, étaient achetées par l'agent même de la Compagnie.
        Mais M. Casimir Bronde avait d'autres activités commerciales. Il était également marchand de bois et matériaux de construction et s'intéressait, en même temps, à maintes autres affaires de négoce.
        C'était un commerçant très important - très répandu - très estimé.

        Les fonctions de Président de la Chambre de commerce de Bône, ne devaient pas être très absorbants à l'époque de sa création, si l'on en juge par le peu d'importance apparente de ce petit registre, relié avec dos en cuir rouge, qui constitue le Tome premier de l'imposante collection de volumes, sous reliure semblable, contenant les délibérations et travaux de cette Assemblée.

        Ce bien modeste registre est entièrement écrit à le main, d'une belle écriture calligraphiée, comme il y en avait, alors que l'on n'avait pas encore inventé les machines à écrire, tandis que tous ceux qui le suivent, dans la même série, ont été soigneusement, et méticuleusement même, imprimés.
        Pourquoi en fut-il ainsi ? - il y avait pourtant à Bône, l'imprimerie Dagand qui imprimait, déjà depuis plusieurs années, le journal trimensuel de Bône " La Seybouse ".
        Il était donc facile de donner à ce recueil une forme moins négligée que celle qu'il a, en réalité, qui le fait ressembler bien plus à un brouillon, ou à un brouillard, pour employer le terme commercial qui conviendrait mieux, en la circonstance, que maintes surcharges, ratures et renvois alourdissent encore.

        Ce Tome premier compte exactement quatre-vingt-douze folios, dont les cinquante premiers, au moins, n'ont été utilisés qu'au recto, ce qui ramène à cent quarante à peine, le nombre de pages employées de ce volume.
        Ce nombre étonne vraiment quand on se rend compte qu'il a suffi pour mentionner toutes les opérations et délibérations de la Chambre de commerce de Bône s'étalant entre le 4 juin 1849 et la fin de l'année 1864, c'est-à-dire sur plus de quinze années.
        Il est vrai que le style est hâtif et succinct et la forme quelque peu négligée. Mais on peut mesurer, quand même, l'écart considérable qui sépare cette Chambre de commerce du siècle dernier, de celle d'aujourd'hui.
        Quoiqu'il en soit, si l'on considère que les Chambres de commerce sont, par définition, des assemblées de commerçants élus par leurs pairs pour représenter les intérêts commerciaux de la région et que le port de Bône dépendait, à cette époque, exclusivement de la Marine nationale, on est obligé de reconnaître, en parcourant ces cent quarante pages, dans lesquelles on ne relève aucune trace de signature officielle, soit du président, soit du secrétaire, ce qui est de nature à démontrer, le cas échéant, le caractère précaire des énonciations qu'elles contiennent et qui sont pourtant à la base des Archives de la Chambre de commerce de Bône, que cette Assemblée consulaire fut toujours, au cours de ses débats, à la hauteur de sa tâche.
        On y trouve la preuve qu'elle s'intéressait vraiment à toutes les marchandises et denrées qui s'exportaient par le port de Bône.
        Tantôt, il était question de fourrages, de moutons et de laines, pour l'embarquement desquels, la Chambre sollicitait du Préfet de règlements et des aménagements nouveaux, mieux appropriés.
        Tantôt elle réclamait l'installation d'un lazaret que la fréquence des épidémies dans les ports tunisiens commerçant avec Bône rendait indispensable.
        Tantôt la Chambre appelait l'attention des Pouvoirs publics sur l'état des routes qui, de Tébessa, Guelma ou d'ailleurs, menaient à notre port et sur la sécurité des voyageurs et des marchandises qui les empruntaient.

        Il y est même question, en 1861, de vers à soie, car la sériciculture était à l'ordre du four, à cette époque, à Bône où on essayait de l'implanter, et la Chambre de commerce, naturellement, avait cru devoir se mettre à la tète du mouvement.
        Ses membres avaient même décidé de faire un essai d'élevage de vers à soie qui coûta 3.565 fr. 50, sur lesquels la caisse de la Chambre ne pu verser qu'une infime partie, faute de fonds suffisants. Les membres étaient allés alors jusqu'à faire, en se cotisant entre eux, l'appoint nécessaire, c'est-à-dire 2.300 francs. Or, la vente de la soie obtenue ne produisit, à la vente, que 1.404 fr. 50, d'où une perte nette de 2.150 francs sur l'opération commerciale qui devait servir de test. Les cotisants durent s'adresser au Conseil général pour entrer, par le moyen d'une subvention, dans leurs avances.
        Pour des élites commerciales, ce coup d'essai n'avait vraiment pas été un coup de maître.

        La Chambre n'en était pas moins invitée, dans le même temps, à donner son avis sur le projet de M. de Lesseps de percement de l'Isthme de Suez, ce qui lui permettait d'émettre le voeu de voir " exécuter cette grande entreprise dans le plus bref délai possible et de la recommander à la sollicitude, aussi puissante qu'éclairée, du Gouvernement de sa Majesté l'Empereur des Français ".
        Combien nous sommes loin, avec la Chambre de commerce actuelle, de la situation qui vient d'être évoquée.

        Notre Chambre de commerce actuelle est une Assemblée imposante, somptueusement installée, dans ses murs et dans ses meubles, qui administre le plus grand port minier de l'Afrique du Nord et qui gère, avec aisance, d},, terre-pleins dont l'étendue couvre présentement soixante-cinq hectares, les voies publiques comprises.
        A ces soixante-cinq hectares devront s'ajouter bientôt, vingt-cinq autres nouveaux qui sont en construction de l'autre côté de la jetée sud, tout contre le quai de l'Ouenza.
        Ces vastes terre-pleins qui atteindront bientôt, ainsi, une centaine d'hectares de superficie environ, ont, en ce qui concerne la partie déjà mise en service, été concédés, par décret du 12 août 1922, complété par l'arrêté du 21 mars 1950, à la Chambre de commerce qui en assure l'exploitation.
        Les services de la Chambre de commerce qui s'occupent de cette question sont très importants et parfaitement organisés.
        La Chambre de commerce a tenu à ce que son port fût doté de l'outillage le plus complet et le plus moderne.


Outillage du port de Bône
Débarquement, le 4 novembre 1935, pour les chemins de fer tunisiens de six automotrices, transportées à Bône, par le vapeur "Enseigne -Germain "

        En fait ce port est l'objet des préoccupations constantes de l'Assemblée qui siège au Palais consulaire, dont le dévouement aux intérêts bônois et algériens ne doit pas être sous-estimé, ni seulement mis en discussion.

        Aucun autre port d'Afrique du Nord ne saurait se prévaloir d'avantages supérieurs à ceux du port de Bône, tant pour l'aisance des évolutions dans les darses que pour la facilité des accostages à quai par tous les temps. Non plus, d'ailleurs, que pour la perfection de son outillage.
        L'outillage, en effet, du port de Bône, est des plus complets. Il est aisé d'en juger par l'énumération, quelque succincte qu'elle soit, ci-après :
        Deux remorqueurs : l'Hippone " et " l'Ouenza ". Deux grues sur portique " Marion " de 3 tonnes. Six grues mobiles " Rapier " de 8 tonnes, 5.
        Huit grues sur portique " Stortherd and Pitt " de 3 tonnes.
        Une cale de halage avec ses accessoires.
        Des docks-silos d'une contenance totale de 160.000 quintaux.
        Des chais à vin. Des hangars.
        Une bigue électrique d'une puissance de levage de 110 tonnes.
        Et enfin, les " magasins généraux ".
        Et cet outillage se complète et se perfectionne sans cesse.

        En dehors de son grand souci que constituent pour elle le port et l'exploitation des terre-pleins, la Chambre de commerce s'intéresse à toutes les initiatives industrielles ou commerciales qui sont susceptibles de s'intégrer utilement dans la vie économique de la région qu'elle domine.
        Elle entend ne pas demeurer étrangère, ou seulement indifférente, à tout effort ayant pour but d'améliorer l'économie du pays.
        C'est pour cela qu'elle est toujours prête à seconder toutes les tentatives pour lesquelles son aide serait demandée à la condition toutefois que l'intérêt de Bône et de la région y trouvent son compte.
        Notre Assemblée consulaire est jeune et intelligente, active et dynamique et rien ne pourrait la rebuter, ni seulement ralentir son zèle, si le bien-être et l'avenir de la ville de Bône sont en jeu.

        Voici la liste chronologique des Présidents de la Chambre de commerce depuis sa création :
        MM. Bronde (Casimir) : 2 juin 1849 - 4 août 1858.
        Napoléon : 4 août I858 - 2 juillet 1865.
        Bronde (Casimir) : 2 juillet 1865 - 2 février 1874.
        Amphoux : 3 février 1874 - 25 février 1876.
        Toche (Calixte) : 25 février 1876 - 8 mars 1878.
        Bertagna (Jérôme) : 8 mars 1878 - 10 mai 1878.
        Toche (Calixte) 10 mai 1878 - 8 janvier 1880.
        Bertagna (Jérôme) : 8 janvier 1880 - 22 février 1881.
        Toche (Calixte) 22 février 1881 - 19 juin 1911.
        Bertagna (Dominique) : 19 juin 1911 - 11 novembre 1916.
        Teddé (Antoine) 11 novembre 1916 - 2 janvier 1917.
        Journet (Fernand) : 2 janvier 1917 - 24 février 1928.
        Perrin (Louis) : 24 février 1928 - 20 janvier 1943.
        Teddé (Alexandre) : 20 janvier 1943 - 22 mai 1943 (intérim).
        Pancrazi (Robert) : 22 mai 1943.

***


A l'Aube de l'Algérie Française
Le Calvaire des Colons de 48
                                       Par MAXIME RASTEIL (1930)                                       N° 28

EUGÈNE FRANÇOIS
Mon ancêtre

Quoi de plus louable que de partir à la recherche de ses ancêtres !
Découvrir où et comment ils ont vécu !
La Bruyère disait : " C'est un métier que de faire un livre. "
Photo Marie-Claire Missud
J'ai voulu tenter l'expérience de mettre sur le papier après la lecture d'un livre sur "les Colons de 1848" et le fouillis de souvenirs glanés dans la famille, de raconter la vie de ce grand homme, tant par sa taille que par sa valeur morale, de ce Parisien que fut Eugène FRANÇOIS né à Meudon en 1839, mort à Bône en 1916.
Tout a commencé lors de l'établissement d'un arbre généalogique concernant le côté maternel de notre famille : arrivé à notre ancêtre : qu'avait-il fait pour qu'une "Rue" de ma jolie ville de "Bône la Coquette", porte son nom dans le quartier de la Colonne Randon ?
Tout ce que j'ai appris, j'ai voulu le faire découvrir tout simplement comme d'autres ont écrit sur nos personnalités et grandes figures Bônoises !
Pour qu'aujourd'hui, on n'oublie pas ce qui a été fait hier !...
Marie Claire Missud-Maïsto

DEUXIEME PARTIE

VERS LA DÉBÂCLE


          L'heure arrivait effectivement à grands pas où poursuivies par tant de calamités et d'épreuves, les premières familles de Colons français, augmentées de nouveaux apports, allaient se trouver trop à l'étroit pour vivre sur les lots dispersés de leurs concessions dérisoires.
          Et dans la presque totalité des centres, ce sera la gêne accrue, l'éparpillement des foyers, l'exode des fils devenus grands et forts, parfois même la mise en vente par voie de licitation du bien familial si chèrement acquis.
          Chaque colonie agricole végètera, s'étiolera, se videra. Les uns iront chercher de l'embauche dans les grandes fermes du dehors ; d'autres se dirigeront vers la ville pour y exercer un métier, solliciter un emploi dans l'Administration ou une place dans le commerce.

          L'Empire va-t-il au moins se hâter de conjurer cette crise en donnant aux concessionnaires primitifs des agrandissements qui leur permettront de rester attachés au sol, d'y faire souche et d'y prospérer?
          Hélas ! Des années et des années passeront, mauvaises, insuffisantes ou médiocres, sans qu'un remède soit apporté à cette situation. Oh ! sans doute, des chefs militaires, des personnages bien en cour, des banquiers, des financiers, des politiciens habiles et prompts à la curée, seront nantis de dotations territoriales ou forestières considérables. Autour de Mondovi, notamment, 6.000 hectares englobant les domaines actuels de Guebar, Boufara, Gazan, le Chapeau-de-Gendarme, Mirbeck et les Cinq-Maisons, iront échoir au général Moujol; mais la colonisation villageoise sera condamnée à une stagnation mortelle.

          En dépit des immenses étendues de terres domaniales dont elle dispose par suite des expulsions, des expropriations ou du séquestre mis sur les biens des indigènes insurgés, l'Administration refusera d'en distraire la plus petite parcelle au profit des Colons de la première heure gratifiés de tant de promesses et abandonnés à leur triste sort.
          L'hérésie impériale s'aventurera encore plus avant dans cette voie absurde puisqu'elle ira jusqu'à tenter prématurément l'expérience des " Villages indigènes " en se leurrant de l'espoir de jeter ainsi les bases de cette féodalité arabe qui fut le rêve de Napoléon III.

          On avait marchandé quelques agrandissements aux ayants droit français de 1848, et la générosité de l'Empereur allait consentir des cadeaux de 500 à 600 hectares sur les terres les plus fertiles en faveur de certains " Kébirs " du bled, trônant en vrais seigneurs dans des bordjs superbement construits au milieu des fellahs, dotés eux-mêmes de maisons confortables et bénéficiant de longues remises d'impôts.
          Utopie, gabegie, gaspillage ! Ce sera à bref délai l'effondrement d'un système si mal adapté aux conditions de vie et de travail de nos sujets musulmans, surtout au début de la conquête.

          En même temps, l'Empire déportera en Algérie les condamnés politiques qui se sont dressés, çà et là, contre le coup de force de Brumaire, et qui, rigoureusement placés sous la surveillance de la police, serviront au peuplement de plusieurs centres agricoles transformés en Colonies pénitentiaires.
          Lambessa devenu Lambèse sera classé au nombre de ces bagnes, et c'est là que Ranc, conspirateur redouté du troisième Napoléon Bonaparte, fera connaissance jusqu'à son évasion avec la sombre cellule que l'on montre aujourd'hui aux touristes en route pour la proche Timgad, cette illustre ensevelie romaine si merveilleusement ressuscitée.

          Plus tard encore verront le jour les " Villages Départementaux " composés d'éléments spécialisés en vue de la mise en valeur des produits de chaque région algérienne, véritable entreprise d'intérêt national que subventionneront les Conseils généraux, et qui, pour la première fois, peut-être, sera pratiquement conçue, étudiée et réalisée.
          Puis l'Empire, ayant in extremis substitué le régime civil aux Bureaux Arabes, disparaîtra soudain, en 1870, dans le gouffre de la capitulation et de la défaite. Et ce sera depuis lors l'Algérie gouvernée, dirigée, administrée par les élus et les fonctionnaires de la IIIème République.

          Mais que I'on ait recours à la concession de terres à bail, à la concession gratuite avec résidence obligatoire, à la vente de gré à gré ou à Bureau ouvert, les Colons de 48 resteront cruellement livrés à leur détresse familiale profonde. En débarquant en Algérie, ils avaient fait naïvement le beau rêve doré de devenir les rois de la plaine, et n'en seront restés que les parias.
          On se détournera d'eux, on repoussera leurs griefs, on restera sourd à leurs réclamations. Et tandis qu'ils se verront noyés, submergés, envahis, eux, éléments français d'origine, par la naturalisation massive, individuelle ou automatique des étrangers, on les traitera comme des rebuts, comme les témoins gênants des fautes initiales.

          Et ils se résigneront à ne plus être que cela, c'est-à-dire à laisser faire le temps, semeur de plaies, de fléaux, d'insurrections, de guerres effroyables et de crises économiques de toutes sortes, qui les couchera un à un dans la terre chaude des morts vite oubliés !


A SUIVRE       
Merci à Thérèse Sultana, et Marie-Claire Missud/Maïsto, de nous avoir transmis ce livre de Maxime Rasteil qui a mis en forme les mémoires de son arrière grand-père Eugène François.
Elle a aussi écrit un livre sur lui.
J.P. B.

Journal de bord d'une jeune femme en croisière
Envoyé Par Chantal



      Jour 1
      Je me prépare pour cette croisière splendide. J'empaquette mes vêtements.
      Je suis toute excitée!!

      Jour 2
      Toute la journée en mer. Splendide ! J'ai vu défiler dauphins et baleines.
      Quelles belles vacances ! Aujourd'hui j'ai rencontré le Capitaine, un bel homme, style Alain Delon 20 ans + tôt.

      Jour 3
      J'ai fait un peu de surf et tiré quelques balles de golf. Le Capitaine m'a invitée à sa table pour dîner.

      Jour 4
      Je suis allée au casino du bateau et j'ai eu de la chance ! Le Capitaine m'a invitée à déjeuner dans sa cabine.
      Repas somptueux avec caviar et Champagne. Il m'a demandé de passer l'après-midi dans sa cabine mais j'ai décliné l'invitation.
      Je lui ai dit que je ne voulais pas être infidele à mon époux.

      Jour 5
      Je suis retournée à la piscine puis j'ai décidé d'aller au piano bar et d'y passer le reste de la journée.
      Le Capitaine m'a vue et m'a invitée à prendre un verre. Réellement, c'est un homme charmant.
      Il m'a demandé si je voulais passer à sa cabine cette nuit, Je lui ai dit non.
      Il m'a dit que si je ne changeais pas d'avis, il coulerait le bateau

      Jour 6
      La nuit dernière, j'ai sauvé 1600 personnes... Quatre fois



L"ÉQUIPEMENT SPORTIF
DE L'ALGERIE
Extrait de la revue de la direction des sports d'Alger, mars 1959.
Envoyé par Daniel DARDENNE

          Du point de vue "Equipement sportif", le service Académique de l'Equipement sportif avait réalisé un effort continu et important.
          En effet, depuis 1949, les crédits utilisés pour la construction de stades scolaires ou civils, de salles d'Education physique, de piscines et d'installation sportives se sont élevés à 2 086 000 000 de francs. Ces crédits ne représentent d'ailleurs, pour le secteur civil, qu'une partie seulement du montant des travaux, montant que l'on peut estimer à 5 milliards en 10 ans (plaquette éditée en mars 1959 par la Direction Générale de l'Education nationale, Service de l'Education physique).
          Nous ne saurions mieux faire que de nous référer à cette plaquette pour donner, à nos lecteurs, une idée précise de l'oeuvre d'équipement sportif, qui avait été réalisée en Algérie.
          "Il n'y avait pas un lycée, un collège, une école normale qui n'ait son terrain de sport ou sa salle d'éducation physique et bien souvent les deux à la fois. Il n'y avait pas une école de la ville comme de l'intérieur qui n'ait bénéficié chaque fois que cela était possible d'installations sportives.
          Il n'y avait pas, enfin, une collectivité municipale ou privée qui, l'ayant sollicité, n'ait pas été aidée techniquement et financièrement pour la construction de ses salles ou de ses piscines.

Les élèves, du Collège Moderne de Boufarik, sont parmi les plus sportifs. Ils disposent, il faut le dire, de belles Installations ; ce bâtiment le long duquel Ils jouent au basket-ball n'est autre que leur salle d'éducation physique.

Au pied des montagnes de Belesma, à plus de 1000 m d'altitude, la piscine municipale de Batna, voisine du stade.

Les élèves de la première promotion de l'Institut Régional d'Education Physique sur le Stade Leclerc à Alger.

Le terrain de volley et basket de la Jeunesse Sportive d'Hippone, se trouve dans un lieu très pittoresque ; il est pourtant en plein centre de la ville de Bône.

          Cet équipement se poursuivait, très apparent dans les grandes villes et non moins efficace, s'il était plus obscur, dans les centres les plus déshérités, les foyers sportifs. Il s'est poursuivi surtout et dans relâche, en fonction de la scolarisation accélérée de l'Algérie entreprise par la Direction Générale (Directeur Général CAPDECOMME - extrait de l'Editorial de Louis SIGALA, dans la plaquette du service académique de l'Education Physique et Sportive dont ce dernier était le chef, chargé de mission d'Inspection Générale.) Déjà en 1952, un Inspecteur Général de la Jeunesse et des Sports, Monsieur BERTHOMIEU, avait pu écrire, à son retour d'Algérie, dans un rapport adressé au Ministre. "Partout naissent stades, piscines et installations scolaires. Dans beaucoup de collèges et de lycées, nous avons vu de remarquables installations de salles et un luxe de matériel moderne que beaucoup d'établissements de la Métropole envieraient.
          Et il concluait : "en matière d'équipement sportif, l'Algérie est en passe de largement dépasser la Métropole." (Extrait du livre - Tout un Passé - par Louis SIGALA)
          L'équipement sportif de l'Algérie, soyons objectif, n'a pas commencé en 1949. Mais c'est à partir de cette année et en particulier dans les dernières années, surtout en 1957-1958-1959, que les réalisations ont été les plus nombreuses. Dans le vaste projet à l'aboutissement duquel le service de l'Education physique et sportive avait apporté toute son aide, certaines installations étaient plus spectaculaires que d'autres, mais toutes avaient leur utilité.
          Chaque année 150 à 200 installations étaient mises en chantier et réalisées le plus rapidement possible.
          Citons parmi les plus importantes dont nous verrons par la suite les illustrations: le Centre Régional d'Education physique et sportive : le Stade Olympique Omnisport de la côte 128 du Parc des Sports des Tagarins avec piste de 400 m et stade de football avec des tribunes de 40 000 spectateurs pour lesquelles des crédits avaient été obtenus par le Délégué Général DELOUVRIER et qui devaient être réalisées, hélas, en 1962. Le stade d'athlétisme de la côte 125 m de ce même Parc des Sports, avec pistes roses ; innovation qui devait être étendue en France et dans le Monde : de 333 m avec tour de contrôle, d'où grâce à un système perfectionné installé par la Société PHILIPS et une boucle magnétique entourant la piste, le Directeur de la réunion pouvait donner ses instructions aux juges, lesquels les recevaient au moyen d'un petit récepteur et réciproquement pour la transmission des résultats. Le stade LECLERC, intégré au même Parc des Sports, avec une piste de 250 m, des terrains de basket et de volley, un jardin d'enfants et des bâtiments de vestiaires-douches, une salle de réunion réservée surtout aux scolaires, et la nuit grâce à un éclairage électrique, aux ouvriers et employés. L'ensemble sportif des groupes laïques d'Alger, avec sa très belle salle de gymnastique, ses piscines, ses terrains de tennis et son fronton de pelote basque ; les piscines du Centre Frédéric LUNG, l'ensemble sportif du collège Boufarik, les salles d'Education physique de l'Ecole Normale d'instituteurs de Bouzaréa, le Centre national d'Aviron du Barrage dy Hamiz. Le stade scolaire de l'Ecole nationale d'Ingénieurs de Maison-Carrée. Le stade municipal de St Eugène.
          Le Parc des Sports d'Oran avec stade de 34 000 places où furent organisés de grands matchs de Coupe de France et une rencontre mémorable, REAL de MADRID - Stade de REIMS ; stade de basket, stade de volley avec des gradins pour 30 000 spectateurs ; un ensemble qui a valu à Oran de remporter le concours organisé par l'équipe, en 1957, de la ville la plus sportive de France. Citons encore la piscine olympique de Philippeville, l'ensemble sportif du Lycée St Augustin de Bône qui lui a valu d'obtenir, en 1958, le titre de premier établissement scolaire sportif de France avec un prix de 110 000 Francs doté par le Ministère de l'Education Nationale, le cercle d'escrime de Bône, la piscine de Perrégaux, le stade municipal de Kouba, etc.

          Déjà, au 1er octobre 1958, au titre de l'équipement civil, l'on pouvait dénombrer (plaquette du service de l'Education Physique et Sportive, 1959) :
- Grands stades omnisports (avec minimum de 1000 places assises : 41
- Stades omnisports ayant moins de 1000 places assises : 21
- Stades omnisports ou spécialisés comportant au moins un terrain de grand jeu 95 x 55 : 212
                                                            Total : 274

- Terrains d'Education Physique Sportive aménagés : 39
                                                            Total : 39

- Piscines ouvertes, chauffées, toute l'année, permettant la pratique ininterrompue de la natation : 2
- Piscines Olympiques de 50 m : 4
- Piscines réglementaires 33 m ou 25 m : 23
- Piscines non réglementaires : 13
- Bassins d'initiation : 9
                                                            Total : 51

- Grandes salles de sports couvertes aménagées (30m x 18m x 6m) avec emplacement pour les spectateurs : 3
- Gymnases couverts, 400 m2 : 18
- Salles d'Education Physique couvertes de moins de 400 m : 47
                                                            Total : 68

- Centres nautiques spécialisés dans la pratique de la voile, de l'aviron et des engins à moteur : 13
- Vélodrome : 3
- Tennis : 64
- Stand de tir : 4
                                                            Total : 84
                                                            Total des installations : 516

          L'équipement sportif scolaire, pour sa part, subventionné à 100 % alors que l'équipement civil était subventionné lui, à 70 et même 80 % a été activement poussé, comme précédemment dit.
          Au 1er octobre 1958 :
1) Pour 48 établissements du second degré existant en Algérie : Ont été construits ou en cours de construction :
          58 salles d'Education physique,
          128 plateaux d'Education physique avec annexes (bâtiments, vestiaires-douches, locaux moniteurs et matériel.

2) Pour 6 établissements du 1er degré (Ecoles normales), ont été construits ou en cours de construction :
          7 salles d'Education physique,
          13 plateaux d'Education physique avec leurs annexes.

3) Pour 9 établissements de l'Enseignement technique (Collèges techniques, Ecoles nationales) :
          7 salles d'Education physique,
          63 plateaux d'Education physique avec leurs annexes

4) Enfin de très nombreuses écoles primaires élémentaires ou Centres d'apprentissage possédaient un équipement sportif complet.
          Certaines communes possédaient également un stade scolaire mis à la disposition des différentes écoles.
          Encore n'est-il pas fait mention des installations telles que tennis, piscines, terrains de rugby.
          Couronnant le tout, crée en 1959, nous citerons le C.R.E.P.S d'Alger (Centre Régional d'Education Physique et Sportive) destiné à la formation des Professeurs et Maîtres d'Education physique et à l'organisation des stades d'instituteurs. Il s'étendait sur 6 hectares à Ben Aknoun tout près d'Alger.
          Il pouvait recevoir 220 stagiaires.

En voici les principaux éléments :
          Un bâtiment principal à 4 étages,
          Un bâtiment comprenant une grande salle de gymnastique et des salles de sport annexes.
          Une piscine de 25 m x 15 m.
          Un stade d'athlétisme comprenant une piste de 400 m, 5 couloirs, une piste de vitesse de 140 m, 7 couloirs et de multiples sautoirs et cinq de lancer,
          Un terrain de football, rugby, gazonné.
          2 cours de tennis,
          1 terrain de hand-ball,
          1 centre médical,
          1 bloc restauration,
          1 bloc "loisirs" comprenant salle de réunion, bibliothèque, jeux, etc.
          1 bloc enseignement avec salles de classe, de réunion, un amphithéâtre de 150 places pour les cours, conférences, les séances de cinéma éducatif. A sa création, il connut un essor considérable sous la direction intelligente de son directeur M. BARROIS et de son adjoint M. ROUSSEAU.

          Il devait hélas être incendié peu avant l'indépendance.
          Le lecteur trouvera ci-joint les photos, illustrations que nous avons pu recueillir des principales réalisations sportives en Algérie..



Eté 1939 : Vacances en GRÈCE (de la cour d'école à la cour de la caserne !)
Trait d'Union N° 46

       Notre collègue et amie Yvette GOBERT, après avoir évoqué ses souvenirs de l'E.N. de Miliana durant "les années 30" (Trait d'Union n°42) nous raconte aujourd'hui ce "drôle d'été 39" dont se souvienne beaucoup d'amicalistes. Pour les autres - dont je suis - ce voyage en Grèce ne manque pas d'intérêt :

       Enfin, réalisation de nos rêves, la préparation d'un voyage de deux mois en Grèce. Nous avons attendri le consul de Grèce à Alger, un vieux monsieur paternel, "vous tombez bien, j'ai une occasion pour vous. Partant d'Amsterdam un cargo, l'Héraklès, fait relâche à Vigo, il va ensuite décharger des appareils sanitaires à Alger ; voyez le capitaine de ma part, il consentira à vous prendre comme passagers, à condition que vous vous arrangiez pour votre nourriture et que vous couchiez sur le pont ; durée du voyage, trois ou 4 jours. "

       Quand le Capitaine nous a vu arriver, avec nos vélos et notre barda, il a été fort surpris, et au début un peu méfiant, sur ses gardes. Il a constaté assez vite que nous n'étions ni des émigrants ni des aventuriers, mais il s'est exclamé : "vous voulez faire du vélo en Grèce ! Ce ne sont que des cailloux ! " Dame, pour un Hollandais... Finalement, nous avons eu droit a des gracieusetés : accès aux douches, et invitations au thé. Mais sur le pont, mal protégés par une bâche, nous nous rôtissions au soleil, passant le temps à potasser le guide bleu de Grèce, à nous familiariser avec le vocabulaire, la numérotation et la géographie. Au large de l'île de Pantelleria, base fortifiée de Mussolini, la pensée de la guerre nous a effleurés.

       De notre gros pain de marin de 4 kg acheté à Alger rue de la Marine, il ne restait qu'une petite croûte, quand après avoir contourné le Péloponnèse (le canal de Corinthe étant en réfection), nous sommes arrivés à la nuit, devant le Pirée...
       On a faim. Au petit bistro-gargote, un matelot vient pour faire connaissance. Il avait bourlingué un peu partout et parle quelque peu le français. Il donne l'adresse de l'hôtel Diana, à Athènes, tenu par un de ses copains.
       Douche, repas, quelques achats et enfin, on prend la route, non pas la plus directe, mais celle de Colonne (Oedipe !) et des Longs-Murs. Là-bas, l'Acropole ! Ce n'est que, deux, ou trois jours après notre arrivée que nous nous décidons à y monter. Il fallait s'y préparer, c'était un pèlerinage !

       Passées les Propylées, le Parthénon, couleur de miel clair apparaît enfin. En ce plein été 1939, aucun touriste, pas de visiteurs que nous. Nous y venons plusieurs jours de suite, munis d'une carte qui nous permettrait, six mois durant, de visiter en Grèce tous les sites, monuments, musées...
       Après dix jours environ passés à Athènes, il nous reste encore beaucoup à connaître. On y reviendra. Il fait aussi chaud qu'en Algérie, si bien qu'il nous faut rouler la nuit, et au petit matin. C'est ainsi que nous arrivons à l'aurore au cap Sounion.
       Nous plantons notre tente dans un petit bois de pins, près d'un puits. Mais nous avons hâte de découvrir, sur le promontoire, le célèbre temple de Poséidon, en marbre blanc de Paros. Et là, vision inattendue, se tenant par la main, dansaient et chantaient de toutes jeunes filles. Elles nous ont entraînés dans leur ronde, "la danse de l'eau". Quelques unes apprenaient le français.

       De leur colonie de vacances, située tout près, elles venaient puiser l'eau à "notre" puits, où se prolongeaient les conversations. Leur directrice nous a conviés à leur repas. Si frugal, qu'il a fallu après, "chez nous", lui donner une rallonge.

       Elles ont mimé d'autres danses, plus difficiles et très gracieuses. Les plus calées en français, pour nous faire honneur, récitent des fables de La Fontaine. A leur collège d'Athènes, nous leur avons envoyé des photos, mais, adresses mal rédigées ? Les photos leur sont-elles parvenues ? Nous n'avons pas eu de réponse. J'en ai quelques unes dans l'album. Merci, Jean, d'avoir pu rapporter ces photos d'Algérie.
       De Delphes, au flanc du Parnasse, la forêt d'oliviers descend jusqu'à la mer. Lieu sacré, impressionnant. L'école française d'archéologie y poursuivait des fouilles importantes ; le musée est parmi l'un des plus remarquables de Grèce.

       Malgré les chaleurs et la poussière, nous nous sommes toujours arrangés pour nous doucher tous les soirs par un système de seau, cuvette de toile... Là, nous prenions l'eau à la fontaine de Kastalie.
       A l'écart des fouilles, au petit village de Kastri, nous nous faisons une copine, une jeune paysanne pleine de curiosité. Finalement elle nous ouvre sa maison... et je fais cuire notre repas sur son fourneau. Du doigt, elle me nommait les objets, je répétais, j'arrivais à faire quelques progrès.
       Elle a gardé nos vélos et nos sacoches quand nous avons entrepris l'ascension du Parnasse. Nous étions partis à la recherche d'une certaine grotte de Pan. On ne l'a pas trouvée, on s'est perdu, il a fallu passer la nuit dans la forêt. Le matin, des bergers en alpage nous ont indiqué le chemin d'Arachova, où nous sommes arrivés, les espadrilles en lambeaux, les pieds écorchés. On les a rafraîchis dans un ruisseau. Les cailloux du Parnasse sont pareils ou pires que ceux du Dévoluy ou de nos calanques.

       Par un vieux car brinquebalant nous avons pu redescendre sur Delphes. Quelques étudiants français visitaient le pays à pied et par des moyens de transports divers. Leur voyage, moins hasardeux que le nôtre était, en revanche beaucoup moins intéressant.
       La Grèce vivait alors sous le régime autoritaire de Métaxas, porté à surveiller les étrangers. Ces jeunes gens étaient donc, dans leurs déplacements, suivis par un policier, assez bonasse, qui avait fini par devenir leur copain. Nous deux, nous aurions été plus décevants et moins faciles à suivre !
       Par une belle fin de journée, nous quittons Delphes. Nous descendons à toute allure vers la mer, et soudain, qu'est-ce qu'on voit ? : le bateau, que nous devons prendre pour aller à Corinthe, quitte le petit port d'ltéa ! Le seul bateau de la semaine ! On crie, on s'époumone, et joie ! il vire de bord. Hors d'haleine, ouf I et merci, on embarque les vélos et le reste.

       Nuit blanche, couchés sur des fagots de sarments, mais belle nuit, sous un ciel étoilé et sur la mer brillante. Moulus, on attend le matin pour débarquer.
       Corinthe, malgré le canal, tous les souvenirs historiques et un beau musée, était une petite ville minable. De si bon matin il a fallu se contenter, pour déjeuner, de pain rassis et de yaourts, qui, peu après, nous ont provoqué une méchante colique.
       Les marais de Lerne, le lac Stymphale... c'était là le domaine d'Hercule. Puis, après Argos et Tyrinthe, Mycènes, terre de la malédiction des Atrides. Leurs masques funéraires en or, découverts dans leurs tombeaux par Schliemann, sont au musée d'Athènes. D'Annunzio avait choisi ce site tragique pour sa pièce : "La ville morte."

       Quel contraste avec la paix que nous trouverons à Epidaure ! Dans la verdure, pins et vergers, se déploie le grand théâtre, le plus beau et le mieux conservé de l'antiquité en Europe ; un guide érudit ne nous impose pas sa compagnie. Là dans la sérénité s'offraient les fruits, et les bonheurs de la terre.
       Nous revenons d'Epidaure par la même route très malaisée, comme l'étaient bien souvent les routes de Grèce en 1939 (et parfois même inexistantes, quoique indiquées sur les cartes). Nauplie, un petit café sur le port ; nous trinquons avec des matelots... En face de nous, l'îlot du Bourreau...

       Ainsi, des souvenirs surgissent, en désordre parfois. A quelle falaise s'accrochait ce grand couvent, le Mégaspiléon ? Nous avions planté la tente tout près, assisté à la messe orthodoxe, mangé le pain de la communion et salué l'Icône.
       Et, non loin de Corinthe, la fontaine Képhalari ? source vauclusienne plus abondante que la Fontaine de Vaucluse, et dont le généreux cresson, si frais a réveillé nos ennuis intestinaux. L'air de la montagne nous rétablirait. Sur les hauteurs de l'Arcadie - (nous aussi, nous avons vécu en Arcadie !) - pays de forêts, de conifères et d'air pur, nous retrouvons en quelques jours une meilleure santé.
       Et, c'est tout ragaillardis, qu'au soleil couchant, nous prenons la route de Tripolis. Le soir tombait. Pour ne pas dresser la tente nous couchons dans une bergerie déserte mais peuplée de puces (et même de tiques) qui nous tourmentent toute la nuit.

       Alors, le désir d'un peu de confort nous vient. A Tripolis nous confions nos vélos mal en point, à un réparateur et, en bus, nous partons à Sparte. Là, nous choisissons le plus bel hôtel, au confort anglais, l'hôtel de Ménélas et de la Belle Hélène : grande baignoire à mosaïque et bains parfumés, petit déjeuner au lit ; je prends mes aises, lave du linge ; pas de problème, il sèche aussitôt.
       A Sparte, rapidement parcouru, rien de très intéressant, sauf le musée. Mais, par contre, Mistra, la ville byzantine tout proche, nous enchante.

       Revenus, bien reposés à Tripolis, nos vélos réparés, freins, pneus en état, nous pouvons rouler vers Olympie. Peu avant d'y arriver, Charles fait une chute spectaculaire, une vraie cabriole, un "soleil", sans se blesser par chance, mais hélas ! le vélo tout tordu, une roue en huit " marque mal". Il faudra attendre deux ou trois jours pour qu'une réparation lui donne meilleure mine. Nous allons nous installer en bordure du stade antique, dans un terrain envahi par les herbes puis nous parcourons les ruines éparses, qui, dans leur abandon exprimaient encore la grandeur. Cette impression est encore plus saisissante à l'intérieur du musée, très vaste, où sont reconstitués, face à face les deux frontons du grand temple de Zeus Olympien. Charles réussit à prendre une photo de l'Hermès de Praxitèle.
       Nous aurions aimé prolonger ces jours heureux. Nous ne reverrons plus jamais le glorieux soleil d'Olympie se lever dans la vallée de l'Alphée...

       Pour arriver à Pyrgos, l'étape suivante, il a fallu peiner sur des sentiers caillouteux, passer par un lit de rivière, le franchir, le pont ayant disparu, bref, à l'arrivée avoir encore une fois, recours au réparateur de vélo. La fourche du guidon étant cassée, le pédalier faussé.
       A Patras, ville plus importante, des religieux, les frères Maristes tenaient une école française réputée qui faisait concurrence avec succès à l'école italienne, pourtant largement subventionnée par le gouvernement de Mussolini.
       Le Père directeur, intelligent et ouvert nous reçoit cordialement, nous offrant même l'hospitalité, tout instituteurs laïques que nous étions. La situation internationale était préoccupante... A notre confusion, nous n'en savions pas grand-chose. Mais un grand espoir apparaît, nous dit-il. Une délégation franco-britannique est partie pour Moscou...

       Abandonnant le projet, pas très réaliste d'aller faire un tour à Corfou, nous avons longé le golfe de Corinthe.
       Le premier soir, à la recherche d'un gîte, nous atteignons une petite ferme engageante. Un nomme âgé mince et sec nous a proposé un emplacement pour la tente, nous offrant à boire et des fruits. Son petit-fils, huit ans environ, nous a montré ses livres d'école. Celui d'histoire, en images, faisait grand cas des travaux d'Hercule et de Thésée, et peu de la longue domination turque.

       En deux jours nous étions à Corinthe, à Athènes, et enfin au Pirée. Je poursuivais mon idée d'aller à Délos, puis à Santorin où un phénomène volcanique était en cours. De petits bateaux chargés de pastèques desservaient ces îles. A bord, on ne trouverait aucun confort ; et le départ n'était possible que dans quelques jours.
       En attendant, nous pouvions profiter d'un bon tuyau que nous avaient donné les étudiants parisiens rencontrés à Delphes : c'était de camper dans le jardin du lycée français d'Athènes, et d'avoir accès à la fontaine, aux sanitaires et à la radio.

       Précisément, la radio ! Les nouvelles, de plus en plus alarmantes - la mission à Moscou ayant échoué - ont poussé Charles à s'informer au consulat français. Le consul, formel : "vous êtes mobilisable, rentrez chez vous dans les plus brefs délais. Le "Cairo-City, parti de Beyrouth, fait escale à Alexandrie, il embarque tous les Français qui doivent partir. II sera demain (ou après demain ?) au Pirée, il vous prendra ; à Marseille vous vous débrouillerez pour rentrer à Alger. "

       Ces nouvelles m'ont coupé les jambes. Je ne verrai jamais Délos ! Ne pleure pas pour Délos, me dit Charles, pleure pour la guerre.
       Quelques Parisiens qui campaient au lycée décident aussi de partir, mais un groupe de cinq ou six, s'en tenaient à leur plan ; ils passeraient par Constanza, en Roumanie, remonteraient le Danube jusqu'à Vienne, ou au delà ? La guerre a dû les surprendre quelque part... Bousculades, pressons, pressons, on embarque sans douceur vélos, sacs ; une bouteille de Samos, une bouteille d'Ouzo, une grosse pastèque achetée, avec nos dernières drachmes. Sur le pont on s'entasse ; on nous vole la pastèque.

       On trouve enfin une petite place à côté d'un Scheihkh de Tlemcen qui revenait Hadj, d'un pèlerinage à la Mecque. Des étudiants garçons et filles, un peu débraillés, chahutaient : "Tu le sais bien, toi, Monsieur Charles, dit le vieux, nos filles, en Algérie, elles ne se tiennent pas comme ça."
       La navigation a duré deux ou trois jours. On a raté la photo du Stromboli, en pleine activité et, enfin, abordé à Marseille.

EPILOGUE

       Trois jours à Marseille. Vélos et bardas dans une grande caisse achetée rue Tapis Vert. Pendant la traversée vers Alger, on apprend la déclaration de guerre de la France en Allemagne après l'occupation de la Pologne dont la France et l'Angleterre avaient garanti cependant la neutralité.

       Arrivée à Alger, faiblement éclairée. A Boufarik - où mes parents sans nouvelles de nous, avaient reçu l'ordre de mobilisation de Charles - atmosphère de tristesse. Quand nous arrivons enfin c'est pour préparer hâtivement le départ de Charles qui partira - mobilisé - pour la Tunisie destination Gafsa.

       Les souvenirs de Grèce fidèlement notés attendront des jours meilleurs... tant d'années, avant que Paule ma belle-fille, en fasse une copie sur ordinateur.

       Note : Le 3 septembre le Reich envahit la Pologne ; le 4 septembre la France, puis l'Angleterre déclarent la guerre à l'Allemagne.

       Ceci est le reste de mes souvenirs de 1939.
       Marseille le 2/11/1999

Yvette GOBERT      


"B Ô N E " R E V E R I E S P R I N T A N I E R E S
Envoyé par Mme Colette Lévy

Allons voir Mignonne si la rose est éclose,
Et toi Bône ! Dans ta renaissance tu oses.
Les jardins de la Mairie embaument notre cœur,
Et, tous les Bônois savourent tes douces senteurs.

Une adolescente rêveuse sur un banc sourit,
Sa robe de vichy rose borde toute une grâce infinie,
Ton regard croise sur le Cours des promeneurs chaleureux,
Ombragés par les verts ficus majestueux.

Eveillée par les parfums ambrés du printemps,
Ton âme erre encore bien longtemps,
Sur les grands jardins du Square Randon,
Où palmiers et eucalyptus valsent sous les blonds rayons.

Mais alors Mignonne la rose est éclose !
Des rires d'enfants de joie explosent,
Et, confiante tu ouvres grand ton cœur,
Tandis que ton âme respire tout un passé infiniment heureux.


Colette LEVY

Le kiosque à musique peint par l'auteur.
Site : http://www.amisdebone.com

A la mémoire des Agriculteurs
de la plaine de Bône
                                          par Georges Bailly                                       N°2


A la mémoire des Agriculteurs de la plaine de Bône, de Georges Bailly, retrace la vie des colons-agriculteurs européens qui, dès leur arrivée en 1848 dans cette partie de l'Est algérien, entreprirent d'assainir et de défricher des endroits marécageux et peu cultivés qui leur avaient été attribués par l'armée.




 Chapitre I  

LES POTENTIALITÉS NATURELLES, ÉCONOMIQUES
ET HUMAINES DE LA PLAINE DE BÔNE.

(D'après un rapport rédigé en 1960 par Eric Germain, ingénieur agronome)

POTENTIALITÉS ÉCONOMIQUES


L'élevage

         Sur les 351.570 hectares d'une région limitée par La Calle, Lamy, Duvivier, Nechmeya, Herbillon, l'élevage disposait de 75.000 hectares de pâturages et de parcours et, sous certaines conditions qui en limitaient considérablement l'utilisation, de 150.000 hectares de forêts.

Importance du cheptel en 1954


         L'élevage des chevaux et des mulets, en nette régression en raison des progrès de la mécanisation, était limité aux stricts besoins des exploitations.
         L'élevage ovin, dans un milieu et un climat défavorable, était relativement peu important et de mauvaise qualité. Destiné essentiellement à la production de viande et de laine, il faisait aussi l'objet dans la région d'Aïn-Mokra d'un élevage de 6.000 brebis siciliennes, produisant de décembre à fin juin, entre les mains d'éleveurs italiens, 60.000 kilos de fromage dit de Sardaigne.
         L'élevage bovin, était le seul adapté au sol et au climat. Ce bétail était, pour les 9/10, entre les mains des Musulmans, soumis à des disettes périodiques, à un sevrage hâtif et à des accouplements précoces. II était de petite taille, de valeur laitière médiocre et son poids adulte n'excédait pas 200 kilos.
         Chez les Européens, ce même bétail mieux nourri et amélioré par des croisements, atteignait facilement 400 kilos.
         Embouché dans les riches pâturages qui bordaient le lac Fetzara, il contribuait au ravitaillement en viande du département.
         Pour le lait, 63 étables industrielles produisaient quotidiennement 14.000 litres.
         Les Etablissements Bertagna à Bou-Farah fournissaient chaque jour 800 litres de lait réfrigéré, marquant ainsi une évolution dans le circuit de distribution.

POTENTIALITÉS HUMAINES

         La colonisation de la plaine de Bône était très ancienne puisque les premiers colons installés à Mondovi arrivèrent avec le 11éme convoi militaire en 1848.
         A ce peuplement français d'origine s'étaient ajoutés vers les années 1900 des immigrants italiens et maltais dont les descendants formaient en 1960, 40 % de la population d'origine européenne de l'arrondissement qui s'élevait alors à 50.753 habitants. Les musulmans étaient trois fois plus nombreux puisque représentant 168.505 habitants sur un total de 219.258 individus.


Perméabilité au progrès technique

         La population agricole constituait 40% de la population totale. Elle pouvait être divisée en trois groupes ayant chacun sa façon de penser et d'agir :
         - les grands propriétaires européens très réceptifs au progrès.
         - les petits agriculteurs d'origine maltaise et italienne, attachés à des méthodes ancestrales.
         - les agriculteurs musulmans dont les méthodes étaient souvent archaïques mais qui étaient touchés par la vulgarisation.

SOUTIEN FINANCIER


Le Crédit Agricole

         La distribution des crédits destinés à l'agriculture était assurée par la Caisse Régionale de Crédit Agricole de Bône rattachée à la Caisse Algérienne de Crédit agricole Mutuel. Dans le domaine de l'agriculture individuelle, l'action de cet organisme était très importante. Le nombre de sociétaires en 1959 était de 11.350 dont 10.620 musulmans. Le montant des crédits de campagne consentis au cours de cette même année dépassait le chiffre de 9.450.000 francs.
         Ces avances avaient permis cette année-là, la mise en place de 43.000 ha de cultures dont 18.000 ha de céréales, 6.000 ha de tabac, 400 ha d'agrumes et 600 ha de cultures maraîchères. Sur ce total, 31.000 ha concernaient des agriculteurs musulmans.
         Pour l'équipement, les prêts à moyen et long terme et les prêts aux jeunes agriculteurs, le total des sommes avancées représentait 1.700.000 francs répartis entre 146 bénéficiaires.
         Dans le domaine coopératif, l'action du Crédit Agricole était encore plus importante. C'est lui qui avait permis le démarrage puis le développement de toutes les coopératives bônoises. Au 31 décembre 1959 les crédits de campagne ou de financement de récoltes dépassaient pour ces coopératives le chiffre de 25.000.000 de francs.
         Pour le financement de ces différentes opérations la Caisse Régionale disposait en premier lieu de son capital et de ses réserves propres qui s'élevaient à 2.960.000 francs. Son capital était constitué par la souscription de parts réalisées tant par les sociétaires individuels que par les coopératives. En second lieu, elle utilisait les dépôts de fonds qui au 31 décembre 1959 atteignaient 7.200.000 francs dont plus de la moitié provenait des agriculteurs eux-mêmes.


La Mutualité Agricole

         La Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles avait été créée par l'Union Agricole de l'Est en 1920. Sa particularité était de pratiquer l'assurance collective contre la grêle et contre l'incendie pour les petits exploitants et fellahs. Le montant des cotisations était en 1959 de 1.500.000 francs.


Le plan quinquennal

         Ce plan, engagé en 1958, avait pour but un relèvement de 25% du niveau de vie des populations pratiquant une agriculture traditionnelle sous évoluée et la création d'emplois.
         Les moyens mis en oeuvre étaient divers et consistaient essentiellement :
         dans la mise en place de moniteurs du paysannat (1 pour 300 fellahs) chargés d'assurer la vulgarisation de meilleures méthodes de culture et d'oeuvrer en faveur d'une conception plus évoluée de la gestion des petites exploitations.
         - dans le renforcement de l'action des sociétés agricoles de prévoyance par une série de mesures facilitant le crédit (aide directe totale ou partielle sous forme de subventions ou de prêts) pour l'exécution de travaux et l'achat de matériel ou de cheptel.
         dans la création de centres professionnels de jeunes afin de former des ouvriers spécialisés.


Le barrage de la Bou Namoussa

         L'étude des potentialités agricoles de la région de Bône ne serait pas complète si n'étaient pas abordés les grands projets d'hydraulique en voie de réalisation avant l'indépendance. L'eau étant le facteur limitant pour de nombreuses cultures, seule une irrigation généralisée aurait permis d'avoir des rendements satisfaisants et, surtout, réguliers.
         Parmi ces grands travaux, il faut citer le démarrage de la construction du barrage de la Bou Namoussa d'une capacité de 110 millions de m3 dont 70 millions prévus pour l'agriculture (1).
         Ce barrage devait, en outre, permettre l'absorption des crues de cet oued et la mise en valeur des marais du M'Krada. La zone irrigable devait ainsi être portée à plus de 24.000 ha (10.000 ha dans la zone du M'Krada et 14.000 ha dans la plaine de Bône).
         Avec 4.000 à 5.000 m3/ha, il était prévu de faire passer les rendements moyens de tabac de 6 à 25 qx /ha avec la variété White Burley, bien adaptée à l'irrigation sans que la qualité du produit ne s'en ressente.
         De même, avec 1.000 m3/ha, la culture de la tomate aurait pu être accrue de 500 ha et les rendements triplés, passant de 100 à 300 qx/ha.
         Quant aux plantations d'agrumes, elles auraient eu la possibilité de s'étendre d'environ 500 ha surtout sur les bords des oueds Bou Namoussa et Bou Kamira dont les terres étaient particulièrement aptes à recevoir une telle culture fruitière.
         Des progrès importants auraient pu aussi être réalisés en ce qui concerne les fourrages artificiels, dont les surfaces seraient passées alors de 600 à 3.000 ha, ce qui aurait permis avec 1.000 m3/ha de transformer la zone des Beni Urgine en une région d'élevage rationnel subvenant aux besoins toujours croissants en lait et en viande de la plaine de Bône.
         De plus, 500 ha nouveaux de primeurs dans les sables humifères à l'est des Beni Urgine et dans les terres légères de Randon auraient pu fournir un appoint très appréciable à la consommation de légumes de la région.
         Enfin, la culture du ricin, du soja et du chanvre, auraient pu être envisagées ainsi que le développement de celle du sorgho et du maïs.
         En résumé, ce barrage devait permettre une augmentation de revenu de 60 millions de francs et la création de 11.000 emplois nouveaux.
         Ainsi, les agriculteurs français ont été à l'origine d'une révolution industrielle et culturelle sans précédent dans la plaine de Bône.
         En apportant de nouvelles techniques et de nouvelles méthodes de travail, ils ont amélioré les conditions de vie de tous, assurant notamment l'autosuffisance alimentaire et d'importantes recettes à l'exportation.

         Le barrage de la Bou Namoussa sur la rivière du même nom a été laissé inachevé en héritage, à l'indépendance. Terminé aujourd'hui, il est appelé Barrage de la Cheffia, du nom des gorges où il fut réalisé.
         A la veille de l'indépendance, des études étaient en cours pour la construction d'autres barrages de moindre importance :
         Celui sur l'Oued El Hout, au sud du lac Fetzara, avec une retenue de 8 millions de m3 rendant possible l'irrigation de 2.500 à 3.000 ha,
         Celui de l'Oued Ressoul, au sud de la plaine avec une capacité de 14 millions de m3 permettant d'irriguer 4.000 ha,
         L'eau éternel besoin des orangers de notre plaine

         Celui de l'Oued El Aneb, avec une capacité de 15 millions de m3 devant servir à l'irrigation du delta de l'Oued Kébir après assainissement.
         Enfin, du fait d'une pluviométrie hivernale importante, la construction de plusieurs barrages collinaires pouvant retenir chacun de 100.000 à 2.000.000 m3, était à l'étude en 1960. Ces barrages devaient compléter harmonieusement cet ensemble hydraulique qui aurait dû donner à la région de Bône une impulsion économique considérable.




SALUT BILOUTE!!!!!
Envoyé Par Chantal


       Cafougnette ramene une nouvelle conquète dans sa chambre.
       Ils se déshabillent .
       "Ravise ichi ,"dit-il en montrant ses muscles .
       " Cha , ch'n'est point de l'gnognotte, ch' est des biscottos d' mineur!
       T'as d' vant ti soixante -chinq kilos d' dynamite!!!"

       Et la fille repond :
       "Ch est bien dommache que l'méche all' seuche si p'tite!"



ANECDOTE
Envoyé par Mme PAGANO
          
J.P. B.          


MŒURS ET COUTUMES DE L'ALGÉRIE
  1853                     Par LE GÉNÉRAL DAUMAS                            N° 7 
Conseiller d'Etat, Directeur des affaires de l'Algérie
TELL - KABYLIE-SAHARA

AVANT-PROPOS.
  
Appeler l'intérêt sur un pays auquel la France est attachée par les plus nobles et les plus précieux liens, faire connaître un peuple dont les moeurs disparaîtront, peut-être un jour, au milieu des nôtres, mais en laissant, dans notre mémoire, de vifs et profonds souvenirs, voilà ce que j'ai entrepris. Je ne me flatte pas d'avoir les forces nécessaires pour accomplir cette tâche, à laquelle ne suffirait pas d'ailleurs la vie d'un seul homme; je souhaite seulement que des documents réunis, avec peine, par des interrogations patientes, dans le courant d'une existence active et laborieuse, deviennent, entre des mains plus habiles que les miennes, les matériaux d'un édifice élevé à notre grandeur nationale.
Général E. Daumas

LE TELL
XI.
CHANT DES ARABES (1)

SUR LA PRISE D'ALGER.

             Le peuple arabe ne vit que de traditions; l'histoire est presque tout entière pour lui dans les récits et dans les chants populaires, où son esprit enthousiaste a consigné, pur l'éducation de ses enfants, les faits dans lesquels il a cru voir le doigt de Dieu. Les livres mêmes sont des légendes écrites, et dans tout cela, comme dans la mémoire des vieux Arabes, l'érudition et la politique trouveraient une mine inépuisable de faits, d'études de moeurs, d'enseignements qu'on a malheureusement trop négligés.
             C'est, en un mot, la littérature nationale, et c'est là qu'on peut véritablement trouver l'empreinte du caractère de ce peuple original qui nous ferme son intérieur et dont les habitudes antipathiques aux nôtres nous empêchent de bien apprécier les actes.
             Depuis que nous sommes entrés en Algérie, pas une ville n'a été occupée, pas un combat n'a été livré, pas un événement capital n'est arrivé qui n'ait été chanté par quelque poète arabe.
             La prise d'Alger frappa de stupeur les musulmans; elle retentit douloureusement dans le coeur des Arabes, et cette douleur devait inévitablement s'exhaler.
             J'ai été assez heureux pour recueillir les lamentations des vaincus; on jugera par la valeur poétique du chant que je reproduis, s'il n'y a pas un intérêt véritable, indépendamment des motifs invoqués plus haut, à sauver ces souvenirs du naufrage.

             Commençons par louer Dieu, puis racontons cette histoire!
             Demandez pardon et soumettez-vous, ô musulmans !
             La prière sur Mohammed, ne l'oubliez pas,
             Priez sur lui tant que le monde existera,
             Tant que nous vivrons et que vous serez en vie.

             Celui qui prie beaucoup sur le glorieux Mohammed,
             Les lundi, jeudi et vendredi,
             Il retrouvera la prière dans la nuit du tombeau :
             Les houris(2) viendront la lui offrir.
             Ceux qui prient ont droit aux récompenses ;
             Ils louent le fondateur de la religion,
             L'Éternel leur en tient compte,
             Et au jour où se dressent les balances
             Il préserve ses serviteurs de tourment..

             Le maître des hommes accorde le pardon des coupables,
             C'est le maître des esprits, le seigneur des seigneurs :
             C'est aussi le maître des anges,
             Priez donc sur lui d'une prière aussi vaste que l'univers.
             Priez sur lui mille fois, deux mille fois;
             Méprisez la terre et ses biens,
             Et fuyez surtout les conseils du démon le maudit.
             Qui croit à mes paroles, obtient la béatitude ;
             Qui les taxe de mensonge, est au nombre des damnés!

             La fin des temps est arrivée;
             Dorénavant plus de repos,
             Le jour des combats a brillé,
             Au vivant les chagrins, au mort le bonheur;
             Ces paroles sont pour les sages,
             Ils en comprendront le sens.

             O regrets sur les temps passés !
             Pendant une longue suite d'années,
             La victoire a suivi les drapeaux d'El-Bahadja la guerrière(3).
             Les nations lui donnaient des otages,
             Tremblaient, obéissaient et lui payaient des tributs.

             O regrets sur les temps passés!
             Je suis, ô monde, sur Alger désolé!
             Les Français marchent sur elle
             Avec des troupes dont Dieu sait le nombre.
             Ils sont venus dans des vaisseaux qui vont sur mer en droiture;
             Ce n'est pas cent vaisseaux et ce n'est pas deux cents,
             L'arithmétique s'y est perdue,
             Les calculateurs en ont été fatigués,
             Vous auriez dit une forêt, ô musulmans!

             Ils sont arrivés à la nage;
             Mais, les chiens, dès qu'en face du port,
             Ils purent voir les canons braqués sur leurs figures,
             Ils se dirigèrent vers Sidi-Ferreudj
             Bordj-el-Fenhar (4) les avait terrifiés !
             Bientôt la mer et les flots se gonflèrent,
             Pour vomir sur notre rivage les Français, fils d'El-Euldja(5).
             De tous côtés on les vit piétinants;

             Le temps les appela, ils vinrent :
             Il est connu que chaque chose a son temps.
             L'agha Brahim(6) se hâta de monter à cheval
             Avec ses drapeaux, ses musiques et ses Turcs aux rudes paroles.
             Arabes et Kabyles se mêlèrent,
             Cavaliers et fantassins chargèrent:
             Le combat devint chaud, ô mes frères !
             Son feu brilla les dimanche et lundi.
             Et la mitraille tomba sur nos guerriers.
             La mort vaut bien mieux que la honte
             Si la mère des villes est prise,
             Que vous restera-t-il, ô musulmans?
             Patience, ne vous effrayez pas,
             La mort est notre partage,
             Nous sommes tous sa proie.
             La mort dans la guerre sainte,
             C'est la vie dans l'autre monde :

             Les houris du paradis poussent des cris de joie.
             Et ses portes commencent à s'entrouvrir.
             Chacun s'est réjoui de mourir :
             On s'embrasse, on se pardonne,
             On part, Dieu soit en aide!
             Les boulets, les gargousses,
             Les mèches sont dans toutes les mains,
             Et de la bombe les mortiers sont prêts.
             On prépare la mitraille,
             Elle forme des murailles;
             Les canons sont braqués sur les remparts
             Et les femmes montent sur les terrasses
             Pour exciter les combattants.
             Le peuple fait ses adieux :
             Les uns excitent par la langue,
             Les autres s'occupent de leurs devoirs :
             Ceux-ci se mettent à prier,
             Et ceux-là font des vœux :

             0 créateur des esclaves ! disaient-ils,
             0 mon Dieu! par celui qui t'est soumis,
             Fais que l'impie soit humilié !
             Le combat tardait trop au gré de leurs désirs,
             Car les chrétiens allaient toujours croissants,
             Sauterelles venues en leur temps.

             Les croyants, d'un commun accord,
             Ont juré de sauver Mezeghenna(7).
             On entendait les tambours, la musique,
             On chargea, les deux rangs se heurtèrent ;

             Les musulmans abordèrent, les redoutes,
             Et joignirent l'infidèle le sabre à la main.
             Que de têtes tombées avec leurs chapeaux !
             Que de bras et de pieds coupés par le boulet !
             Que de fusils éclatés dans les mains !
             Plus d'un guerrier resta sans sépulture,
             Plus d'un brave aussi délaissa sa famille,
             Pour aller épouser les houris.
             La bombe portait en tous lieux l'épouvante !
             Puis, hélas ! peuple et, chefs, tous prirent la fuite.
             Les Turcs trahirent leurs régiments et quittèrent Staouali(8)
             En laissant jusqu'à leurs tentes au pouvoir des impies;
             Le temps des paroles est passé, repentez-vous, ô musulmans!
             Alger, tes jours étaient comptés!
             L'infidèle gonflé par ce succès,
             Ne tarda pas à ruiner le fort Moulaye-Hassan(9)
             Pour nous cerner ensuite et, par terre et par nier.
             L'agha perdit la tête, perdit le jugement..
             Dieu lui avait ôté son commandement..
             Il s'était mis en marche un samedi,
             Et le samedi(10) n'est, pas un jour heureux pour les musulmans.
             Les chrétiens sont entrés dans Alger !
             Les palais du sultan et de ses écrivains, ils les ont habités ces maudits,
             Et, parmi les musulmans, l'épouvante fut telle que les enfants en blanchirent.
             Ces misères, c'est Dieu qui les apporta !
             Ils ont enlevé nos armes, nos trésors,
             Et l'oeil versait des larmes,
             Tandis que leurs infâmes juifs(11) en ont poussé des hurlements de joie.

             S'il eut fallu porter le deuil, nous l'aurions porté,
             Et nos femmes l'auraient porté comme nous:
             Mais tout est dit, la célèbre Mezeghenna,
             Après ses jours de gloire, s'est vue déshonorée.

             La tyrannie et l'injustice furent la cause de sa perte;
             Le vin y était en honneur et la débauche tolérée.
             Le Dieu des créatures est partout, voit et ne s'endort jamais;
             Le lieu de la licence peut durer, mais il doit fatalement périr.
             Les jours, ô frères! voient changer la fortune;
             Le temps tourne sur lui-même et revient.
             0 regrets sur Alger, sur ses palais,
             Et sur ses forts qui étaient si beaux !
             0 regrets sur ses mosquées, sur les prières qu'on y priait,
             Et sur leurs chaires de marbre
             D'où partaient les éclairs de la foi !
             0 regrets sur ses minarets, sur les chants qui s'y chantaient,
             Sur ses tholbas(12), sur ses écoles, et sur ceux qui lisaient le Koran(13)!
             0 regrets sur ses zaouïas(14), dont on a fermé les portes,

             Et sur ses marabouts, tous devenus errants!
             0 regrets sur ses kadis(15) et sur ses savants muphtis(16),
             Honneur de la cité, qui faisaient prospérer la religion !
             Ils sont partis, pensifs dans leurs pensées,
             Ils se sont dispersés clans les tribus. Oh ! les malheureux !

             O regrets sur Alger, sur ses maisons
             Et sur ses appartements si bien soignés !
             0 regrets sur la ville de la propreté
             Dont le marbre et le porphyre éblouissaient les yeux !
             Les chrétiens les habitent, leur état a changé !
             Ils ont tout dégradé, tout gâté, les impurs !
             La caserne des janissaires, ils en ont abattu les murs,
             Ils en ont enlevé les marbres, les balustrades et les bancs :
             Et les grilles de fer qui paraient ses fenêtres,
             Ils les ont arrachées pour insulter à nos malheurs.

             0 regrets sur Alger et sur ses magasins,
             Leurs traces n'existent plus !
             Que d'iniquités commises par les maudits !

             El-Kaysarya(17), ils l'ont nommé Plaça(18)
             Quand on y avait vendu et relié des livres saints.
             Les tombeaux de nos pères, ils les ont fouillés,
             Et leurs ossements ils les ont dispersés
             Pour faire passer leurs karreta(19)
             0 croyants, le monde a vu de ses yeux,
             Leurs chevaux attachés dans nos mosquées,
             Ils s'en sont réjouis eux et leurs juifs
             Tandis que nous pleurions dans notre tristesse.
             Patientons pour les jours de deuil,
             Cela, c'est ce que Dieu a voulu!

             0 regrets sur Alger, sur son sultan,
             Et sur son drapeau déshonoré!
             0 regrets sur ses habitants,
             Et sur les lieux chéris d'où partait le commandement !
             regrets sur ses armées et sur son divan(20) !

             O regrets! Où sont ses gardes, ses chaouchs(21), ses kasbadjyas(22),
             Ses amins(23) et ses noubadjyas(24)?
             O regrets sur ses beys(25) et sur ses nobles caïds !
             Quand la tète tomba, les pieds durent la suivre.

             ll regrets! comme il était ce port,
             De redoutes, de vaisseaux embelli !
             0 regrets ! où sont ces capitaines,
             Ces drapeaux de soie qui flottaient,
             Et ces corsaires ne rentrant dans la rade

             Qu'avec des prises d'esclaves ou de café ?
             Ces corsaires devant qui les chrétiens n'étaient plus que des femmes.
             Alger était une tenaille pour arracher les dents,
             Les plus courageux en avaient peur.

             O monde, comment a-t-elle été prise?
             Ce n'est pas ainsi que nous l'avions pensé,
             Avec les musulmans des siècles passés.
             Je crois que pour Mezeghenna
             Beaucoup de gens auraient voulu mourir,
             En s'ensevelissant sous ses remparts.
             On aurait vu des jeunes hommes s'exciter au péril,
             Et dans les fosses et dans les cimetières,
             Le sang aurait formé des lacs.
             Il l'a prise dans une heure et sans livrer bataille.

             0 mon Dieu! rendez la victoire à nos drapeaux,
             Faites revivre nos armées et abaissez les impies !
             O créateur des esclaves! ô notre maître !
             Envoie-nous un chérif qui aime les musulmans,
             Qu'il devienne sultan d'Alger
             Et qu'il gouverne par la justice et la loi.
             0 ouvreur des portes, ouvre-lui ses portes!!
             Tes serviteurs rentreront dans leur pays,
             Et le peuple aura vu le terme de ses maux.
             Oui, Dieu prendra pitié des croyants dans la peine, Il rétablira l'ordre ,
             Les chrétiens s'éteindront,
             Et il chassera nos corrupteurs.

             0 vous qui pardonnez, pardonnez à l'auteur,
             Pardonnez au pauvre Abd-el-Kader,
             Combien n'a-t-il pas commis d'erreurs?
             Pardonnez-lui, ô maître du monde !
             A lui, à ses parents, à ses amis,
             A ceux qui sont présents, à ceux qui sont absents ;
             Faites que leur place soit au Paradis!

             1) Ce chant a été composé par Si-Abd-el-Kader, qui se livrait à l'étude à Alger, où il vivait dans l'une de ses zaouyas. Après l'entrée des Français dans cette ville, il raconta ce qu'il avait vu, et puis il partit pour Mazouna *, son pays, et tant il avait de chagrin, qu'il ne tarda pas à y mourir.
Que Dieu lui accorde sa miséricorde !
* Mazouna, ville située à 2 lieues nord du Chelif, entourée par les Ouled-Abbes, les Ouled-Selama, les Mendiantes et les Sbeahh. Elle renfermait autrefois beaucoup de zaouyas et de madersah, oh les tholbas venaient de tous les pays pour enseigner les sciences, lire les livres saints et même discuter certains points de droit ou de théologie. Ces écoles avaient acquis une telle réputation, qu'en Algérie, quand on voulait exprimer qu'un taleb était très savant, on disait de lui : Celui-là, ne nous en inquiétons pas, il a lu tes livre, Mazôuna.
             2) Les houris, jeunes filles d'une beauté ravissante, d'une virginité toujours renaissante, qui ne peuvent vieillir, et qui sont réservées comme compagnes dans le paradis aux martyrs de la guerre sainte ainsi qu'aux fidèles observateurs de la loi de Dieu et du Prophète.
             3 El-Babahja, la blanche, la brillante. Ces épithètes sont parfaitement justifiées. Il n'est personne qui n'ait entendu parler de l'aspect éblouissant que présente Alger vu de la haute mer, avec ses maisons, d'une blancheur éclatante, placées en amphithéâtre.
             4) Bordj-el-Fennar (le fort de la Lanterne). Ce fort était celui sur lequel était placé le phare du temps des Turcs, et c'est encore celui où il brille aujourd'hui.
             5) Fils d'El-Euldja. El-euldja est une expression dont on se sert pour désigner toute femme européenne qui n'est pas musulmane.
             6) L'agha Brahim. Cet agha était le gendre du dernier dey d'Alger. Il remplissait les fonctions de ministre de la guerre. C'était un homme très gros et très gras, qui ne pouvait presque plus monter à cheval. II passait pour ne pas être très brave, et les Turcs disaient en parlant de lui :


BRAHAM
LA HEURMA OU LA DRAHAM.
Brahim n'a ni considération ni argent.

Ils voulaient exprimer ainsi qu'il était d'une avarice sordide. Après l'enlèvement du camp de Staouèli, il fut destitué et remplacé par le bey Mustapha-bou-Mezray (le père de la lance). Depuis la prise d'Alger, les Arabes ne l'ont plus désigné que sous le nom de Braham-el-D'jahiah (Braham le Lâche). Ils l'accusent de n'avoir pas su défendre le drapeau musulman.
             7) Mezeghenna. Dénomination que les Arabes donnent dans leurs poésies à Alger, parce qu'avant la construction de cette ville, l'emplacement sur lequel elle est batie était occupé par une tribu de marabouts que l'on nommait Mezeghenna.
             8) Staouali, plaine située à cinq lieues ouest d'Alger, où s'est donnée la bataille de ce nom. Staouali vient du mot sta, qui, en turc, veut dire habile, et de aoali qui signifie tantôt prince, tantôt marabout, et quelquefois n'est qu'un nom d'homme. Staouali peut donc se traduire ainsi : l'habile prince, l'habile marabout, l'habile ouali.
             9) Le fort Moulaye-Aassan. La légende arabe sur le Bordj-Monlaye-Hassan, que les Français appellent le fort de l'Empereur, vraie ou fausse, nous a paru merveilleusement propre à donner une idée de la manière dont les faits historiques se conservent chez les musulmans.
Elle remonte à l'an 1541 de notre ère et à la redoutable expédition dirigée par Charles-Quint contre la ville d'Alger, que les corsaires barbaresques commençaient à fortifier pour en faire l'effroi de la chrétienté.
L'empereur, ayant reconnu, sur les mamelons qui dominent la ville au sud, un emplacement convenable pour y établir une batterie, donna ses ordres pour qu'elle fût élevée le plus promptement possible, car ce point avait pour son armée la plus haute importance. Les pierres et la chaux nécessaires furent préparées à Ain-Rebote, dans la plaine située au bas de Mustapha-Pacha (champ de manoeuvres). Deux lignes de fantassins qui, de cette plaine, atteignaient les hauteurs, étaient disposées pour transporter les matériaux, l'une passant les paniers pleins, l'autre les rapportant vides. En une seule nuit, une batterie formidable, entourée de fossés et armée de pièces de gros calibre, était sortie de terre. Les Arabes, voulant conserver le souvenir de cette prodigieuse rapidité, donnèrent à cette construction le nom de Bou-Leila (père d'une nuit).
Cette batterie commença à fonctionner, prenant la ville de revers, et lui fit un tel mal que l'épouvante se répandit partout. Enlever une position aussi forte et bien appuyée était chose difficile, et la ville, foudroyée, n'aurait pu tenir longtemps. Dans cette circonstance critique, les Beni-Mzab, qui se trouvaient déjà en grand nombre à Alger, résolurent de se dévouer pour sauver la ville. Ils allèrent trouver le pacha et lui dirent que, s'il voulait leur accorder le monopole des bains maures, des boucheries, et leur nommer un amin qui seul aurait la police et la juridiction de leur corporation, ils se chargeraient d'enlever cette batterie. Le pacha, comme on le pense bien, y consentit. Voici la ruse qu'employèrent les Beni-Mzab pour arriver sans danger à la position.
Déguisés sous des vêtements de femmes, la figure couverte d'un voile, selon la coutume des Mauresques, afin que la barbe et la moustache ne les trahissent point, cachant sous leurs haiks et sous leurs voiles blancs des pistolets chargés jusqu'à la bouche et des yatagans bien affilés, ils sortirent processionnellement de la ville par la porte Neuve (Bab-el-Djedid), se dirigeant sur les menaçantes redoutes. A cette apparition, les Espagnols, qui se trouvaient dans les retranchements, cessèrent immédiatement leur feu, pensant que les gens de la ville, ayant pris la résolution de se rendre, la leur indiquait, selon l'usage des musulmans, par ces processions de femmes suppliantes.
Ainsi accoutrés, les perfides assaillants entrèrent sans encombre dans le fort; mais à peine le dernier d'entre eux y a-t-il mis le pied que, changeant de rôle, ils déchargent leurs armes sur les trop confiants Espagnols, et, le yatagan au poing, livrent un combat épouvantablement acharné qui ne se termina que par la mort du dernier des défenseurs de la position. Mais, malgré cette surprise, la défense ne fut pas moins vigoureuse et terrible, et coûta beaucoup de monde aux Beni-Mzab. A peine ceux-ci furent-ils maîtres du fort que, au signal convenu, une colonne d'infanterie turque, préparée à l'avance derrière Bab-el-Djedid, partit au pas de course et alla s'installer dans Bordj-Bou-Leila.
Ainsi fut sauvée Alger d'une destruction imminente par le dévouement des Beni-Mzab. Les Arabes expliquent la réussite si heureuse de leur entreprise par une diversion qui occupa complètement l'attention de l'armée espagnole. Peut-être n'ont-ils pas voulu laisser à des schismatiques le mérite d'avoir sauvé le boulevard de l'islamisme, le berceau de la piraterie.
Pendant l'attaque de Bordj-Bou-Leila, le bey de Constantine, avec ses goums, occupait la réserve espagnole du côté de l'Harrach, et lui livrait un combat fort brillant. Poussant devant sa nombreuse cavalerie une innombrable troupe de chameaux, il reçut ainsi sans grande perte la première décharge de l'infanterie espagnole, dont le feu épouvantait les Arabes, et, sans perdre de temps, il lança sa cavalerie dans les lignes des chrétiens avant qu'ils eussent rechargé leurs armes. Au milieu du tumulte et du pêle-mêle inévitable causé dans les rangs par l'irruption des chameaux, il en fait un effroyable massacre. Cette défaite et la perte de la batterie des Crètes, dont les canons furent immédiatement braqués sur la flotte, durent déterminer la retraite précipitée des Espagnols. On sait quels désastres la suivirent.
Après le départ des Espagnols, le Bordj-Bou-Leila conserva son nom jusqu'à ce qu'un chérif du Maroc, parent de l'empereur Moulaye-Yazid, vint à passer par Alger pour se rendre à la Mecque. Il y entendit raconter l'histoire du siège mémorable soutenu avec la protection de Dieu, et de l'enlèvement de Bou-Leila qui y mit fin. Cet homme enthousiaste et généreux conçut la pensée de donner un caractère plus durable à ce souvenir d'une action glorieuse pour l'islamisme. A cette intention, il fit don au pacha, alors régnant, d'une somme de cinquante mille douros d'Espagne, à la condition que, à la place de la batterie, il bâtirait un fort, digne de l'action dont il rappellerait le souvenir, et qu'il lui donnerait son nom.
Le pacha y consentit. Se mettant à l'oeuvre immédiatement, il termina en quatre ans le château qui domine la ville d'Alger, et, fidèle à sa promesse, lui donna le nom de Bordj-Moulaye-Hassan. C'est celui que nous avons appelé fort l'Empereur en souvenir de l'expédition de Charles-Quint
             10) Le samedi. Comme tous les peuples superstitieux, les Arabes ont une foule de signes heureux et malheureux.
Se mettre en voyage ou entreprendre une expédition un samedi est au nombre des derniers. Cela vient de ce que le samedi est le jour de la semaine férié par les juifs.
             11) Leurs infâmes juifs. Sous la domination turque, les juifs avaient droit aux bénéfices de la loi moyennant une capitation (djezia), qu'ils étaient obligés de payer au gouvernement. Ils avaient une synagogue, un cimetière à part, pouvaient suivre leur religion et s'administrer comme ils l'entendaient pour toutes les affaires où le beylik n'était pas en jeu.
             12) Tholbas, pluriel de taleb qui veut dire lettré, qui sait lire et écrire et peut instruire les enfants.
             13) Koran. Le Koran est la révélation donnée par Dieu au prophète Mohammed : c'est la loi politique, civile et religieuse.
             14) Zaouyas. Les zaouyas sont des établissements qui renferment la plupart du temps les tombeaux de leurs fondateurs. On y lit le Koran. La jeunesse s'y instruit dans les dogmes de la religion et les tholbas s'y réunissent, soit pour compléter leur science, soit pour la propager chez les autres. Avec les dons qui sont faits par les fidèles, on y défraye les pauvres, les malades et les nécessiteux. A côté des zaouyas se trouve ordinairement une mosquée.
Les zaouyas renommées devenaient quelquefois un asile inviolable pour le criminel qui s'y était retiré. Toutes ne jouissaient pas de ce privilége. Parmi celles qui le possédaient, on cite principalement la zaouya de Sidi-Ali-Embarek, à Koléah ; la zaouya de Sida: el-Kebir, au-dessus de Blidah; la zaouya de Sidi-Mohamed-Aberkanne, à Médéah; la zaouya de Sidi-Mohamed-ben-Aouda, chez les Flitta, et enfin la zaouya de Sidi-Mohamed-ben-Abderrahman, au pied du Jurjura.
             15) Cadis. Le cadi est chargé de rendre la justice; il doit être très instruit et posséder tous les auteurs musulmans qui ont écrit sur la matière.
             16) Muphtis. Le muphti est placé au-dessus du cadi ; il doit posséder une vaste érudition, être probe et suivre exactement sa religion.
             17) Kaysarya. C'est le nom que l'on donnait, du temps des Turcs, à la place du Gouvernement. Les tholbas s'y réunissaient habituellement pour copier des livres qu'ils trouvaient à faire relier immédiatement. La place du Gouvernement est l'endroit où tous les Européens se réunissent le soir pour se promener, et la pensée que ces assemblées mondaines se tiennent aujourd'hui dans un lieu réputé saint est une douleur pour les musulmans.
             18) Plaça. Mot de la langue franque qui veut dire place et que les musulmans ont fait entrer dans leur langage.
             19) Karma. Mot de la langue franque qui veut dire charrette.
             20) Divan. En Arabe dyouan veut dire réunion des chefs, ceu- seil. Le divan était présidé par le khasnadji et composé du bitt-el-mal, de l'agha, de l'oukil-el-hardj et d'une trentaine de vieillards à barbe blanche choisis parmi ceux qui , ayant longtemps servi dans les armées turques, ne pouvaient plus être employés activement et avaient acquis une grande expérience. Ces derniers, comme marque distinctive, portaient une calotte en cuir surmontée de plumes de paon, de crins de cheval ou d'une longue bande de drap écarlate.
             21) Chaouchs. Vient du verbe arabe choueuch, il a pris garde. Fonctionnaires subalternes employés au service de la police.
             22) Kasbadjyas, fonctionnaires qui passaient toute la journée à la porte de la casbah assis sur des bancs préparés à cet effet. Ils avaient à la ceinture un yatagan à fourreau d'argent et un bâton d'un pied et demi de longueur surmonté d'une grosse pomme. Quand un grand dignitaire venait à passer, il les saluait le premier en portant la main sur son coeur, tous ils se levaient et s'écriaient ensemble d'une voix lente et forte :

SALLAM Ou ALIHOUM OU RAHMAT ALLAH:
Que le salut soit sur vous avec la miséricorde de Dieu!
Les kasbadjyas devaient être Turcs.

             23) Amins, chefs des corporations d'Alger.
             24) Noubadjyas, Turcs qui alternaient pour le service de garde dans l'ancien palais du dey d'Alger. Ils portaient aussi un yatagan à fourreau d'argent.
             25) Beys. On donnait ce titre au chef d'une province.

A SUIVRE

AURIBEAU
RETOUR EN TERRE NATALE
Texte envoyé par Mme. Elyette FILLOZ

                Un rêve qui m'obsédait depuis quarante-cinq ans a pu se réaliser déjà trois fois depuis 2007 - grâce à un camarade de classe à l'école d'Auribeau, et par le biais du "net": des retrouvailles chargées d'émotion avec le village qui me vit naître il y a soixante ans.
                Atterrissage à Bône où ce camarade m'attendait avec impatience. Petit tour en ville: cours Bertagna ombragé arcades, port, plages, parc et basilique Saint- Augustin.

                Puis cap sur Auribeau en logeant la plaine de Bône que j'avais maintes fois vue inondée, jadis, lors des fortes pluies saisonnières et que j'ai admirée - à nouveau inondée - pendant mon séjour de janvier 2008. Traversée d'Aïn-Mokra méconnaissable de par son extension: des effluves alléchants de brochettes et de merguez grillées - distillés par d'innombrables restaurants - nous y poursuivirent jusqu'à la sortie de son périmètre.
                A l'approche de mon village; l'émotion se fit des plus vives: pont de l'oued-emchekel, orangeraies, eucalyptus, oliveraies, haies d'acacias "éburnéa", tous toujours présents semblent attendre mon retour, aussi patients et fidèles que mes camarades d'école et des villageois réunis devant la gare ferroviaire.

                Au nouveau café, près de l'ancienne chapelle face au marché fut dégusté un délicieux thé de bienvenue, parfumé à la menthe comme il se doit, que prolongèrent les premiers échanges de souvenirs dans une ambiance joyeuse autant qu'émue.
                Après ces retrouvailles ce fut la visite du village et de proche endroits familiers tel la source de Bekouche dont l'eau fraîche l'été et tempérée l'hiver alimentait l'Ain Cherchar autrefois, le thermes d'Oued Hamimine aux curatives eaux chaudes, Radjeta - entre Auribeau et Lannoy - d'où se contemplent les Tourniet, collines jumelles comme leur nom l'indique, la Cantonnière proche de la cave coopérative vinicole où mon père, entre autres oeuvrait lors des vendanges, et, cerise sur le gâteau, un accueil chaleureux dans la maison qui m'a vu naître.

                L'émotion fut à son comble en pénétrant dans ces lieux chargés, de souvenirs de mon heureuse et insouciante enfance. Et que dire des objets laissés par mes parents que le découvrais quarante cinq ans après? L'émoi fut tel, que les occupants décidèrent de m'en remettre quelques-uns afin que je les rapporte à ma mère qui fut très touchée du geste.
                Je dois préciser que ces occupants sont les enfants des employés agricoles de mon père qui avait décidé de les installer dans notre maison, le jour du départ définitif de notre famille - d'où la facilité de rentrer à nouveau, cher moi très librement à chacun de mes successifs retours au Pays.

                Emotions fortes, également lors de retrouvailles avec notre ancien directeur et maître d'école. M. Stefanini qui était venu, pour l'occasion, dans notre bon vieil établissement scolaire: il retrouva - le temps de cette visite empreinte d'unanime émotion - ses "petits " réunis comme au bon vieux temps, installés sagement à de vieilles tables en bois, témoins d'heures d'écoute attentive par les enfants; avides de savoir que nous étions.
                Et notre bon maître avant regagné sa plate sur l'estrade, nous l'y rejoignîmes afin de numériser pour la postérité cet instant magique qui nous semblait irréel.

                Aussi pour replonger dans le présent toute la compagnie s'en fut déguster un couscous présenté dans la plus pure tradition locale, accompagné de pâtisseries.
                Lors de ces retours en terre natale, nous avons eu également le plaisir de revoir (ou de découvrir, pour certains) Constantine, Guelma, les thermes de Hammam-Meskoutine, Jemmapes, Foy, Lannoy, Gastu, Herbillon, La Marsa, La Calle, le lac Tonga, Bugeaud, Bône et Joanonville, et Philippeville enfin où je suis allée me recueillir devant la dalle sous laquelle, désormais les restes de mes défunts Auribeaudois reposent en compagnie de ceux de Lannoy, El-Arrouch et Saint-Charles.

                Ou que nous allions l'accueil fût très chaleureux, respectueux, et jamais la moindre crainte ne fut ressentie par notre petit groupe, car nous étions " chez nous " en toute confiance.


Texte d'Elyette FILLOZ                
elyette9@gmail.com 
Texte paru dans le bulletin de janvier 2009 de "Jemmapes et sa région"
Amicale des Jemmapois - Marguerite TOURNIER - à DRANCY (93)
                               

" L'AFRIQUE DU NORD MUSULMANE"
2ème Edition 1954/1955
                                         Envoyé par M. Daniel Dardenne                                       N°3

Textes et Annexes de A. BENSIMON et F. CHARAVEL : Instituteurs à Alger.
Documentation photographiques et réalisation Technique de
H. BENAIM - G. DOMECQ - E. DURIN - R. PERIAND - Instituteur à Alger.
Illustration et Cartes de F GIROUIN - Instituteur à Alger.
Réalisé sous l'égide de la Section d'Alger du Syndicat National des Instituteurs.

LES TROIS ROYAUMES DU IXème SIECLE

          VIIIème - IXème SIECLE

          - En 778 un chef khâréjite - Rostem - chassé de KAIROUAN va s'installer sur les pentes des Hauts Plateaux algériens et y fonde une ville : Tâhert (non loin de l'actuelle Tiaret)
          - Au Maroc : Idrîs II, fils d'Idris I, venu d'Orient et descendant du Prophète, fonde la ville de FES (809) qui succède à VOLUBILIS.
          Le corps de son père repose dans la ville sainte de Moulay Idrîs. Lui-même repose à Fès dans la mosquée qui porte son nom.

          - En 800, Ibrahim ben el-Aghlab, gouverneur d'Ifriqiya s'affranchit de l'obédience du Calife Abbâside Haroûn er-Rochîd.

          LA VIE A TAHERT, " la purifiée " (du mot tahara : purification)

          - C'est un grand marché où les nomades des Hauts Plateaux viennent échanger les produits de l'élevage contre les céréales du Tell. En fait, son rayonnement s'étend vers le Sud et jusqu'en Tripolitaine.
          - A sa tête, un imam élu par les fidèles qui lui doivent obéissance absolue.
          - Rôle de l'Imam : il dirige l'Etat selon le Coran, préside aux prières, mène une vie d'ascète.
          - Fin de Tâhert : Ce royaume, centre commercial actif et prospère, foyer de haute culture religieuse, n'a pas d'armée solide.
          En 909, la ville sera prise par les Arabes de KAIROUAN.


          - Les Khâréjites pourchassés, fuient vers le Sud à Sédrata puis au Mzab, où ils fondent sept villes dont Ghardaïa, Beni Izguen, etc... .

          Ce sont les ancêtres des Beni-Mzab actuels, encore appelés Mzabites.

          LA VIE A KAIROUAN : La Baghdâd du Maghreb.

          - Au VIIIème siècle, la domination arabe n'a donc pu s'étendre au-delà de la Tunisie actuelle.
          - L'Emir gouverne un riche pays. Dans ses palais, il mène une vie fastueuse, à l'image de celle du Calife de Baghdâd, son souverain.
          - La religion tient la première place dans la vie des hommes.
          - Un voyageur rentrant à KAIROUAN s'informe des nouvelles du jour auprès du porteur de bagages qui lui répond :
          " On parle des noms et des attributs de Dieu ".



          - Construction de ribâts* " pour les personnes qui voulaient acquérir le mérite d'avoir fait la guerre contre les infidèles ".

Construction des remparts de Sfax. 827-878 : Conquête de la Sicile après de durs efforts.
          - Les Arabes possèdent la maîtrise de la mer " la Méditerranée occidentale devient un lac musulman ".
          - " Durant le Haut Moyen Age, on compte deux centres de civilisation musulmane KAIROUAN et les vieilles cités de l'Ifriqiya (E. F. GAUTIER)
          CORDOUE et les vieilles cités de l'Andalousie ".

LECTURES

UN ASCETE

          " Ibn Rostem (1), occupé à boucher les fentes de sa terrasse avec du mortier, termina sa besogne avant de descendre de son échelle pour recevoir des Messagers ibadhites (2) venus de l'Irak. Il leur offrit des galettes beurrées et du beurre fondu.
          Il n'y avait dans la pièce que le coussin sur lequel il dormait, son sabre, sa lance, et, dans une autre partie de la maison, un cheval attaché. Il poussa le mépris de l'argent jusqu'à renvoyer une deuxième ambassade, parce que la communauté n'était plus assez misérable pour accepter des présents. L'imâm Ya'qoub " ne touchait jamais de ses mains ni un dinar, ni un dirhem... S'il avait besoin d'une pièce de monnaie, il la sortait (de sous son bât où les plaçait l'intendant) en la poussant avec une baguette ". Il avalait... un plein verre de lait " puis il restait ainsi pendant 3 jours, sans prendre ni nourriture, ni boisson, ni aller à la selle ".
Cité par JULIEN
Histoire de l'Afrique du Nord
Pavot - Editeur

(1) Chef des Khâréjites de Tâhert.
(2) Une des sectes du Khâréjisme.

L'OEUVRE DU KHAREJISME

          Elle a été immense, ç'a été un grand tournant de l'histoire. Elle a mis fin dans le Maghreb au gouvernement direct des Khalifes. On n'y reverra plus jamais les émirs levantins, généraux et fonctionnaires du khalife, à sa nomination et à ses ordres. D'Egypte en Ifriqiya, les armées orientales ne passeront plus jamais... le fond de la question c'est que l'élan arabe est à bout de souffle.
          Mais enfin, le Khâréjisme a rendu le Maghreb à lui-même. Du conquérant arabe, il ne garde que la religion, c'est-à-dire la civilisation. Mais de conquérant proprement étranger il n'en reverra plus jusqu'à la venue des Turcs. C'est un moment unique dans cette histoire bimillénaire de conquête étrangère éternelle. Pour quelques siècles, le Maghreb va s'appartenir, il aura pour la première et la seule fois l'occasion de se modeler lui-même, de tirer de son propre fonds, ou de n'en pas tirer, les éléments constitutifs d'une nation.

E. F. GAUTIER
Le passé de l'Afrique du Nord
p. 334 Payot - Paris 106, Bd St Germain

ROLE DES RIBATS DANS L'ISLAM

          RIBAT : Couvent fortifié musulman.
          Des diverses explications que l'on ait données de ce mot tiré de la racine rabata : lier, attacher - la plus raisonnable est celle qui s'applique au verset du Coran (VIII-62) :
          " Préparez contre eux (les ennemis de Dieu) ce que vous pouvez posséder comme forces et stations de chevaux " (Min ribati 'l khail).
          Le ribât est primitivement l'endroit où l'on rassemble et entrave les montures pour les tenir prêtes à partir en expédition. Ribât aura également le sens très voisin de relais, de courrier, caravansérail.
          Cependant, le mot a désigné de bonne heure un genre d'établissement à la fois religieux et militaire qui semble assez spécifiquement musulman.
          L'institution du ribât se rattache au devoir de la guerre sainte (Djihad) à la défense du domaine de l'Islam et à l'extension de ce domaine par les armes.
          Les hôtes réguliers ou occasionnels du ribât sont essentiellement des combattants pour la foi. Les ribâts sont avant tout des forteresses, des lieux de concentration de troupes sur les points exposés de la frontière musulmane. Comme les châteaux forts occidentaux, ils offrent un refuge aux habitants de la région en cas de danger. Ils servent de poste de vigie pour donner l'alarme aux populations menacées et pour la transmettre aux garnisons de la ligne frontière et de l'intérieur du pays qui peuvent seconder l'effort des défenseurs.
          La construction du ribât comportera donc une enceinte fortifiée avec des logements, des magasins d'armes et de provisions et une tour pour les signaux. Il va sans dire que ce programme architectural, dont nous indiquerons le développement, était souvent très sommairement traité. Le ribât devait-en bien des cas se réduire à une tour de guet et à un petit fortin comme ceux que les byzantins construisirent sur leurs frontières. Ainsi s'expliquerait le nombre considérable de ribâts que mentionnent les géographes. On nous dit qu'en Transoxiane seule, il n'y en avait pas moins de dix mille. Les frontières maritimes en étaient aussi abondamment pourvues. Il en existait tout le long de la côte de Palestine et de la côte africaine. Les tours à feu, annexes des ribâts ou isolés, permettaient, nous dit-on, de correspondre en une nuit d'Alexandrie à Ceuta. L'exagération est évidente. Il y a cependant à retenir l'emploi probable d'un système de signaux assez rapide et la mention d'Alexandrie dont le phare semble avoir lui-même joué le rôle de ribât. La côte d'Espagne avait aussi ses ribâts et de même la frontière terrestre face aux royaumes chrétiens, surtout à partir de l'arrivée des Almoravides qui vit s'intensifier l'effort du Djihad.

          La fondation des grands ribâts et de bon nombre de petits était naturellement l'oeuvre des souverains du pays. En Ifrîqiya, le premier fut celui de Monastir que bâtit le gouverneur abbasite Harthama b. A'yan en 179 de l'Hégire (795).
          Le IIIème (IXème) siècle, fut l'âge d'or : les Aghlabides multiplièrent le long de la côte orientale les ribâts proprement dits.
          Monastir conservait son éminente dignité que le Prophète lui-même passait pour avoir prédite. Au XIIème siècle, on y amènera les morts d'Al Mandiya pour qu'ils jouissent de la bénédiction de cette terre. Mais le ribât de Sousse, fondé par l'Aghlabide Ziyâdat forts en 206 (821) avait pris une importance considérable. On sait que Sousse fut le port où s'embarquèrent les troupes qui allaient conquérir la Sicile.
          Si la plupart des ribâts étaient des fondations officielles, le service qu'y assuraient les combattants ne semble pas leur avoir été imposé. Les gens du ribât, les murabitûm étaient des volontaires, des hommes pieux qui faisaient voeu de s'y consacrer à la défense de l'Islam.
          Il se peut que certains y soient entrés comme dans un monastère pour y finir leurs jours, mais le plus grand nombre y faisaient des retraites plus ou moins longues et les garnisons se renouvelaient plusieurs fois dans l'année.

          La vie dans les ribâts devait être occupée par des gardes et des exercices militaires, mais aussi par des pratiques pieuses. Les marabouts se préparaient au martyre par de longues oraisons sous la direction d'un cheikh vénéré.
          Toutefois le voyageur Ibn Hawkal met une ombre à ce tableau édifiant. Parlant des ribâts de Palerme au IVème (X) siècle, il nous dit qu'ils étaient le rendez-vous des mauvais sujets du pays qui trouvaient moyen de vivre ainsi en dehors de la société régulière et aux dépens des gens dévots et charitables.
          Le double caractère, militaire et religieux, de la vie des marabouts s'exprime dans l'architecture des ribâts anciens qui nous sont parvenus.

Encyclopédie de l'Islâm, T. III P. 1231,
Article " Ribât par M. G. MARÇAIS
Editions BRILL - 33a Oude Rijn LEYDE (Hollande)

CONSEQUENCES EUROPÉENNES DES CONQUETES ARABES

          Non seulement nous n'avons pas un seul texte sur la présence de marchands syriens ou orientaux, mais nous constatons qu'à partir du VIIIème siècle, tous les produits qu'ils importaient, ne se rencontrent plus en Gaule...
          Le papyrus d'abord a disparu en Gaule. Tous les ouvrages écrits en Occident sur papyrus, que nous connaissons, sont du VIème ou du VIIème siècle...
          Les épices, comme le papyrus, disparaissent des textes après 716.
          On peut affirmer, en présence de cette carence, que les épices ont disparu, à la fin du VIIème et au commencement du VIIIème, de l'alimentation courante. Elles ne devaient y reparaître qu'à partir du XIIème siècle, lors de la réouverture de la mer.
          Il en va de même naturellement du vin de Gaza qui disparaît aussi.

          L'huile n'est plus exportée de l'Afrique. Celle dont on se sert encore vient de Provence. C'est la cire qui fournit désormais le luminaire aux Eglises.
          De même, l'usage de la soie paraît bien étranger à l'époque... On sait combien Charlemagne était simple dans ses vêtements. La cour certainement l'a imité. Mais, sans doute, cette simplicité qui contraste si fort avec le luxe mérovingien, lui est-elle imposée.
          Il faut conclure de tout cela à la cessation de l'importation orientale par suite de l'expansion islamique.
          Un autre fait tout à fait frappant est à constater, c'est la raréfaction progressive de l'or... A partir de Pépin et de Charlemagne, on ne frappe plus, sauf de très rares exceptions, que des deniers d'argent. Manifestement, l'or a cessé de venir d'Orient. L'or ne reprendra plus sa place, dans le système monétaire qu'à la même époque où les épices reprendront la leur dans l'alimentation.
          L'effacement du commerce oriental et du trafic maritime a eu pour conséquence la disparition des marchands de profession à l'intérieur du pays...
          Dans ces conditions, ce qui reste pour soutenir le commerce, ce sont les Juifs. Ils sont nombreux partout. Les Arabes ne les ont ni chassés, ni massacrés, et les Chrétiens n'ont pas changé d'attitude à leur égard. Ils constituent donc la seule classe dont la subsistance soit due au négoce. Et ils sont en même temps, par le contact qu'ils conservent les uns avec les autres; le seul lien économique qui subsiste entre l'Islam et la Chrétienté ou, si l'on veut entre l'Orient et l'Occident.

Henri PIRENNE - Mahomet et Charlemagne Alcan 1937- (5ème édition)

N.B. - Il faut ajouter que la fermeture de la Méditerranée aux Chrétiens n'a pas interrompu le courant d'échanges entre l'Est et l'Ouest du monde musulman.

* * *
A SUIVRE

FABLES ET HISTORIETTES
TRADUITES DE L'ARABE
PAR A. P. PIHAN
LES CORBEAUX EN DÉSACCORD.

       Dans un certain pays se trouvait une vallée fort étendue, contenant des rivières, des arbres fruitiers et des oiseaux qui chantaient les louanges du Créateur de la nuit et du jour. La plupart de ces oiseaux étaient des corbeaux dont la vie s'écoulait dans une paix. profonde. Ils avaient pour guide un corbeau plein de bienveillance et de tendresse à leur égard, et, sous sa protection, ils jouissaient d'un doux repos. Leur affection mutuelle et la bonne administration de leur chef empêchaient les gros oiseaux de rien tenter contre eux. Leur chef étant mort, ils en conçurent un violent chagrin, et la principale cause de leur affliction était de ne pouvoir, parmi eux, en trouver un semblable. Bientôt ils se réunirent à l'effet de délibérer sur l'élection de son successeur, et quelques-uns d'entre eux, choisissant un gros corbeau, lui dirent : " Il est bon que tu sois notre roi" mais d'autres ne voulurent pas le reconnaître. De là des mécontentements et des disputes suivies d'une grande sédition.
       Les principaux tinrent alors conseil et adoptèrent à l'unanimité la résolution suivante : " Nous ferons attention au premier oiseau qui prendra son vol et nous le reconnaîtrons pour roi. " La chose une fois bien arrêtée, voici qu'un épervier se mit à planer au-dessus d'eux, et ils s'écrièrent : "Ce qui est dit est dit; c'est une affaire réglée, et aucun de nous ne doit montrer d'opposition aux autres relativement au choix que nous avons fait; car nous avons décidé nous mêmes que le premier oiseau qui viendrait à voler serait notre roi. " Puis ils se soumirent à l'épervier.

        Celui-ci, plein de joie, leur dit : " Vous me trouverez, s'il plaît au Dieu très haut, tel que vous me désirez, " Malgré cette promesse, dès qu'il fut devenu leur maître, il s'élançait chaque jour sur plusieurs d'entre eux et leur dévorait la cervelle et les yeux, en abandonnant le reste aux chiens. Les corbeaux, voyant la conduite de cet épervier, reconnurent qu'ils allaient périr, et se dirent les uns aux autres : "Nous savions bien qu'il n'y aurait rien de bon pour nous après la disparition de nos chefs, et nous voilà plongés dans le malheur; il faut donc prendre garde à nous. "
       Et, le lendemain matin, ils s'envolèrent de tous côtés.


AVIS AUX ANNONCEURS
Par M. M. Jean Pierre Bartolini

        Chers Amis,
        Je reçois chaque jour du courrier de parution de livres, d'œuvres de spectacle ou autres événements à caractères lucratifs au sens financier.
        Sans entrer dans les justifications ou non du caractère financier des annonces, je me dois encore, de préciser que le site de Bône et la Gazette ne vivent que par mon investissement financier (matériel informatique, hébergement, achats de documentation et même déplacements) et sans regret ; par ma disponibilité dont l'emprise est plus forte que celle qui revient normalement au domaine familial qui ne me l'a jamais reproché et dont je loue la patience ; par le bénévolat, la gentillesse et le dévouement des chroniqueurs qui contribuent à cette Gazette et qu'il faut remercier mille fois ; par l'apport gracieux de documentation des lecteurs que je remercie aussi pour comprendre l'esprit de cette modeste réalisation.
        Une fois ces précisions dites et redites, je dois encore rajouter que ce site et cette Seybouse n'ont aucun caractère commercial, haineux, racial, repentant, spécialement politique ou religieux, etc… ou contraire à la loi et aux respects des bonnes mœurs et des mémoires plurielles. Les seuls buts sont la mémoire et la vérité telles que nous les avons vécues et que nous connaissons, nous les Pieds-Noirs, les expatriés d'Algérie. La diffusion, l'explication et la compréhension de ses buts nous amèneront, je le pense sincèrement, au but suprême qui est la Paix. La Paix des Mémoires, des Âmes, des Cœurs, en un mot celle des Hommes.
        Donc en regard de cela, je réserve le passage des annonces et publicités sur la Seybouse dans ce respect. Pour accomplir cette tâche, surtout pour les livres, pour l'audio ou la vidéo, je dois m'assurer que ceux-ci sont conformes à ce respect, à cet esprit en ayant aussi mon libre choix.
        Pour exercer ce libre choix de faire de la publicité gratuite des annonceurs, il faut que je lise des ouvrages, que je visionne des DVD ou que j'écoute des CD. Il me faut du temps. Certains annonceurs m'envoient ou me proposent spontanément leurs œuvres (même si je dois les renvoyer) et en plus ils ont l'amabilité et la patience d'attendre ma décision. Je les en remercie sincèrement car j'ai encore des livres reçus et à lire.
        Par contre, d'autres annonceurs, que nous ne connaissons ni d'Adam ni d'Eve, font du harcèlement par messages interposés (d'autres Webmasters sont dans le même cas), alors qu'ils n'ont même pas le réflexe d'exprimer ce qu'ils attendent de nous, de nous faire parvenir leurs œuvres ou de très larges extraits. En plus de cela, certains sont impolis et même agressifs dans leurs propos si nous n'accédons pas à leurs " désirs ".
        Je l'avais déjà dit et je le redis, je ne passerai plus de publicité pour des œuvres que je n'aurai pas lues, regardées ou écoutées. J'ai déjà refusé de faire de la publicité pour quelque chose qui n'était pas conforme à notre mémoire et je le referai. J'ai peut-être commis des erreurs, si c'est le cas je les assumerai et les réparerai.
        Je suis au regret de m'en tenir à cette décision qui sera comprise par la majorité et critiquée par une minorité. Je suis un bénévole parmi tant d'autres, qui s'investit financièrement et temporellement sans compter et qui a la liberté de se rendre ses comptes.

        Je repasserai plusieurs fois cette Avis, car certains ne l'auraient pas lu auparavant et d'autres ne le liraient ni cette fois-ci ni plus tard, sur ce numéro.
        Avec mes profonds remerciements.
        Amicalement
        J.P.B.,
        Webmaster à but non lucratif du site de Bône et de la Seybouse.


MESSAGES
S.V.P., lorsqu'une réponse aux messages ci dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,
cliquez ICI pour d'autres messages.
sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura

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De M. Jean Claude LANCIONI

Bonjour,
J'ai posé à l'association dont vous parlez une question concernant le cimetière de Bône et j'attends toujours une réponse. Cette question leur a été posée le 16 février 2009. Peut être que vous, vous serez en mesure de me répondre.
Il s'agit de mon grand père, Ferdinand LANCIONI, qui serait décédé à Bône vers 1951 et dont je recherche les traces. Mon père, né à Randon, étant parti d'Algérie au moment de la 2ème guerre mondiale, il n'a plus eu de contacts avec sa famille. Il est lui même décédé en 1989 à Provins en Seine et Marne et il est parti avec tous ses secrets. Je suis donc à la recherche de ma famille en Algérie. Auriez vous des éléments à me communiquer.
Merci d'avance si vous voulez bien me répondre.
M. Jean Claude LANCIONI
Adresse Mail : jc.lancioni@wanadoo.fr

De M. François PELLETAN

Je suis tombé par hasard sur ce site
Je ne sais pas les dates exactes et jusqu'où remontent ces disparitions, je suppose que c'est en 1962.
A consulter
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/ministere_817/archives-patrimoine_3512/dossiers-cours_11553/disparus-algerie_11569/index.html
François PELLETAN

De Mme.

Je m'appelle Maryvonne et je suis née à Bône. J'ai découvert il y a 2 ans le site de Jean Louis VENTURA et le vôtre par la même occasion. De retrouver des choses de son enfance c'est extraordinaire. J'ai 56 ans et j'avais 9 ans quand je suis rentrée en France.
Avec ma soeur je fais des recherche sur notre arbre généalogique qui est assez complexe car la famille va de l'Italie, à la Tunisie, à Malte, la Sardaigne, l'Algérie, la France etc etc etc. Bref en faisant des recherches l'an passé j'étais tombé sur un site qui parlait de l'émigration des Maltais vers l'Algérie avec sur ce site la visualisation de registre écrit à la main par le Maire qui notait le nom des familles qui partaient de la Valette vers l'Algérie.
Je suis incapable de retrouver ce site, peut être cela vous dit il quelque chose et pourrez vous me renseigner?
Merci de votre coopération. MARYVONNE
Adresse Mail : majemejo@voila.fr

De Mme. Geneviève Oberdorff

J'essaie de retrouver une famille SAUVAIRE de Bône.....peut-être pourriez-vous m'apporter une aide? une info? qui me mette sur la voie.
Monsieur Sauvaire avait un magasin rue Bugeaud. Il y avait au moins deux enfants, un fils ainé et une fille Martine (l'ainé avait environ une dizaine d'années de plus que sa soeur..).
Merci pour votre réponse et votre aide éventuelle.
Cordialement.
Geneviève Oberdorff
Adresse Email: genevieve.oberdorff@wanadoo.fr

De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici huit Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
Diaporama 1                                             Diaporama 2
Diaporama 3                                             Diaporama 4
Diaporama 5                                             Diaporama 6
Diaporama 7                                             Diaporama 8
Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : pjarrige@orange.fr

DIVERS LIENS VERS LES SITES


M. Robert Antoine et son site de STAOUELI vous annoncent la mise à jour du site au 1er Mars.
Son adresse: http://www.piednoir.net/staoueli
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Staouélien

M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site au 1er Mars.
Son adresse: http://www.piednoir.net/guelma
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Guelmois

cliquez ICI pour d'autres messages.

Ne parlez pas au chauffeur
Envoyé par Chantal

         Le passager d'un taxi se penche vers l'avant pour poser une question au chauffeur et lui touche l'épaule doucement pour attirer son attention.

         Le chauffeur lâche un cri, perd le contrôle du véhicule, évite un autobus de justesse, monte sur le trottoir et s'arrête à quelques centimètres de la vitrine d'un magasin !

         Pendant quelques instants c'est le silence, puis le chauffeur, d'une voix tremblante :
         - Je regrette, mais vous m'avez vraiment fait peur !

         Le passager s'excuse en disant qu'il ne pensait pas qu'un simple touché sur l'épaule pourrait l'apeurer autant.

         Le chauffeur répond :
         - Ne vous excusez pas, c'est entièrement de ma faute.
         C'est ma première journée de taxi... Pendant 25 ans, j'ai conduit un corbillard...




Vous venez de parcourir cette petite gazette, qu'en pensez-vous ?
Avez-vous des suggestions ? si oui, lesquelles ?
En cliquant sur le nom des auteurs en tête de rubrique, vous pouvez leur écrire directement,
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D'avance, merci pour vos réponses. ===> ICI


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