N° 71
Mars

http://piednoir.net

Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Mars 2008
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Les dix derniers Numéros :  61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70,
     Musique de Ennio Morricone       

   26 MARS… " T E M O I G N A G E "   



Des clichés douloureux tapissent ma mémoire
D'une infâme tragédie enfantée par l'Histoire…
La France qui se veut compatissante, humaine,
Ne fut qu'infanticide, ivre de mépris, de haine…
Elle a osé écrire en lettres indélébiles
De sang couvert de honte, un ignoble codicille
En marge d'un " Passé " soucieux de maintenir
L'image de son honneur sans jamais la ternir…

Ce jour-là, le soleil et la douceur du temps
Avaient mis dans les cœurs des graines de Printemps.
Sur un vaste forum, dans le centre de la ville,
Une foule enthousiaste, animée, puérile,
Se rassemblait sereine, sans peur et sans menaces,
Pour aller secourir ceux tombés en disgrâce,
" Les gens de Bab-el-Oued ", privés de liberté
Qu'une humeur militaire s'employait à dompter.
Un climat bon enfant, une ambiance de kermesse
Versaient dans l'assistance une certaine allégresse…
Pourtant un drame sournois couvait à son insu…
Les milices gaulliennes contrôlaient les issues
Des rues avoisinantes adjacentes au Forum,
Permettant cependant un accès maximum
A travers les barrages et les chevaux de frise,
A un peuple insouciant d'une telle entreprise
Et qui venait sans cesse alimenter la masse
D'un guet-apens conçu de meurtres prémédités
Par des soldats maudits, fiers de leur lâcheté…
Encore plus méprisable le Haut Commandement
Ordonnant, à quinze heures, la tuerie d'innocents…

Je porte témoignage de scènes de massacres
Sans préambule, provocations ou simulacres :
Une foule décimée soudain par la mitraille
Qui tente d'échapper à ses mortelles tenailles.
Des blessés achevés par des tueurs avides
Poursuivant leurs victimes terrorisées, livides,
Ecrasées sur le sol ou cherchant un refuge
Vers la Grande Poste close ou des halls de transfuges,
Tirées à bout portant par ces fous sanguinaires,
Exaltés d'assouvir un contrat exemplaire…

" Halte au feu, halte au feu " hurlait un impuissant
Sans doute épouvanté par l'affreux bain de sang…

Je porte témoignage que, malgré ces appels
Hurlés par " Haut-parleur ", les spadassins rebelles
Ont poursuivi leurs crimes pendant un long moment…
Les secours retardés, et ce…volontairement !

Après la fusillade, une vision douloureuse
Alourdissait l'espace d'une tension silencieuse…
De larges flaques de sang, des vêtements, des chaussures
Répandus sur le sol ou dans les embrasures…
Des femmes hébétées et des hommes blafards
Allant de ci de là, les yeux vides ou hagards…
Somnambules pitoyables, victimes de l'épouvante
D'une tuerie programmée, coupable et infâmante…

Je porte témoignage, et en outre, j'accuse
De forfaiture tous ceux qui savent et qui récusent…
Ceux qui se taisent, complices, et qui vont, par ailleurs,
Défendre l'Humanité aux bruits de leurs clameurs !!!

Allez, soyez sans crainte, fourriers de déchéance !
Vous mourrez " Chevaliers du déshonneur de France "…


Etienne MUVIEN          

ÉLECTEURS, SURVEILLEZ VOTRE INSCRIPTION
N° 8 de décembre 1950
de M. D. GIOVACCHINI
Envoyé par sa fille
L'affaire des autobus

  
        M. NUNCIE, ayant un jour une idée fort américaine augmenta les tarifs sur les lignes d'autobus.
        S'il n'en avait pas le devoir, il en avait en l'occurrence le droit, puisqu'il basait sa décision sur des clauses ou des additifs - pour parler savamment - inscrites au cahier des charges.
        Il écrit à M. le Maire en bonne et due forme. Ce dernier répond qu'il n'a jamais reçu de préavis. Et dans la même " Dépêche de l'Est ", M. NUNCIE confirme que la Municipalité a été informée dans les délais prescrits.
        Monsieur le Maire, après ce coup de massue, se tient coi. Il fait mieux : il prend la poudre d'escampette, laissant la population à son indignation et son conseil municipal en plein désarroi.

        Comment est-il possible que le premier magistrat d'une ville de plus de 100.000 habitants agisse avec tant de désinvolture et se moque sans vergogne d'une population laborieuse et digne de meilleurs égards ?
        Si la faute était administrative, M. PANTALONI n'avait qu'à le dire. Le fait d'une négligence possible aurait paru grotesque, mais pouvait tenir lieu d'alibi.
        Donc, M. PANTALONI a bien reçu la lettre de M. NUNCIE.
        En donnant un semblable de démenti, M. le Maire aggrave son cas : il ne dit pas la vérité.
        Tant de cynisme semble dépasser les bornes de toute imagination.

        En attendant, le bon populo use ses chaussures et les "Chausson" roulent à vide.
        Peu importe, dit PANTALONI : " laissez-les crier, protester, gémir. Ils se plaignent, mais ils paieront. Je connais le peuple. Il suit ceux qui le maltraitent ".
        Et NUNCIE continue !
        Les Adjoints, si amorphes, sont cependant désemparés. Il n'y a que le petit F. qui jubile en disant comme toujours : "Ce n'est pas moi, c'est le Maire. J'étais à Alger ".
        S'il y avait encore une opinion publique, on verrait déjà une nuée de fourches massées devant l'Hôtel de Ville, et des hommes décidés à imposer leur démission à des élus aussi peu soucieux de l'intérêt public.
        NERON, après avoir allumé l'incendie dans la ville de Rome, disait en admirant le lugubre ravage : " Quand je mourrai, quel artiste le monde va perdre !"
        Ainsi fait PANTALONI. Se moquant de ses administrés, il pense que les Bônois possèdent en lui un artiste genre NERON...

        En attendant, si le coeur vous en dit, votez encore, braves gens, peur PANTALONI, et pour son torpilleur.
        Ils ont inscrit dans leur programme le désir de faire de chaque bônois un champion de course à pied.
        Vite un hymne à PUJAZON Et une statue aussi !
        La parole est maintenant à M. le Préfet, aux conseillers municipaux et en dernier ressort aux électeurs.
        Quand ces lignes étaient écrites, M. NUNCIE annonçait une baisse " provisoire " dans Ses tarifs.
        Un provisoire électoral.
        Ce qui n'explique toujours pas le mystère de la lettre perdue.

***
Lettre de la Calle

        Mon cher Dominique,
        Je t'écris de la Presqu'île, ce petit coin de terre qui semble défier les flots les plus écumeux, toujours Dieux de nos espoirs et de nos misères.
        Rien ne va à La Calte, surtout quand le vent souffle et que la mer clamant sa Toute Puissance, nous rappelle la petitesse de notre existence.
        Notre petite ville est bien pauvre et elle semble délaissée, livrée à un bien triste sort. Pourtant, elle mérite mieux par son climat doux et ses habitants si hospitaliers.

        Nous vivons ici un peu en famille, sous le signe de Samson Napollon. De temps à autre, nous nous consolons de nos tristesses en imitant les " Grands Duc". Tu n'ignores pas, du reste, qu'ici on a le foie et l'estomac solides ; l'anisette ne tue pas : elle fait vivre.
        Tu souris sans doute en songeant à ma guérison miraculeuse.

        Ici, pas de politique. Il y a bien Julot qui dit les siennes, qui signale le mal, qui critique avec raison fautes et erreurs, mais la brise qui souffle sur le Cours Barris emporte ses murmures par delà la Presqu'île.
        Eh oui, notre Francis est timide. Ce n'est pas un virtuose de l'intrigue. Un honnête homme perdu parmi tant d'agités.
        Il pourrait, cependant, prier M. PANTALONI et surtout M. MUNCK de s'occuper.
        Quand ces Messieurs viendront chez nous, je te promets de " leur jurer tous leurs morts ".

        Nous n'avons pas d'eau, et on nous " la porte à la longue " avec des promesses.
        Nous n'avons pas de bâtiments scolaires, alors que l'on bâtit dans des campagnes peu peuplées des écoles fort coûteuses.
        Notre Joseph, empereur et maître, ne peut écouler ce qui lui reste de lentilles et de fèves à la garnison.
        La Calle se meurt.

        Nous avons bien notre petit Gallien pour préparer les pilules Mais, il nous manque un bol. Docteur " ès - politique " pour préparer l'ordonnance réparatrice.
        Et le port de La Calle attend toujours. Vieille histoire qui ne nous rajeunit pas. Rappelle-toi les vérités que j'avais fait entendre même au vieux THOMSON, à ma manière évidemment, avec le langage imagé de la Presqu'île.

        Dis à ton ami MUNCK qu'il ne vienne pas ici avec un " sac de promesses ". Il y a cinquante ans que nous entendons les mêmes histoires. Cette fois, Dio Cane, je les attends. Avant de mourir, je vais leur chanter mon dernier discours.
        Viens nous voir bientôt. Je te promets une bouillabaisse plus délicieuse que chez Bassa. Je me charge du poisson, Vincent ira chercher de bonnes bouteilles chez Francis, et Joseph mettra les macaronis.
        Et au dessert, quand nos yeux brilleront de joie, qu'est-ce qu'ils prendront pour leurs grades, ces Messieurs les élus.
        Embarque MUNCK dans sa traction-avant et viens vite...

        J'ai fais lire ma lettre à Julot. Il a dit que c'était juste, mais en faisant la moue.
        A propos, je ne veux pas oublier de te dire que F. est venu nous voir cet été.
        Nous avons bien ri. Si tu l'avais vu à côté de notre Francis Un vrai puceron sur les talons d'une rombière !
        Ton cousin et Vincent t'envoient le bonjour. Mais moi, je t'embrasse.
        CHICARELLE.

***
 


     LE PLUSSE DES KAOULADES BÔNOISES      (57)
La "Ribrique" de Rachid HABBACHI
  UN PROBLEME DE ROBINET, ENCORE

          Tu ois, bel ! à toi j'te cache rien, oualou. Oilà, quan c'est que j'étais p'tit, quan y m'arrivait des fois d'aller à l'école à cause les bizagates qu'elles me laissaient pas le temps, je venais joubasse à de bon avec les problèmes des robinets, ceux-là là qu'y coulent et ceux-là qu'y coulent pas, ou y'alors qu'y coulent seulement à moitié et vas pas rire de moi, ô tanoute à cause, je m'rappelle, t'y avais les mêmes. Main'nan que j'ai venu adulte…ousque c'est à Dulte ? toi, c'est pas un problème de robinets que t'y as, c'est tout d'suite un problème de baignoire et si que tu fais rien, tu vas t'affoguer en dedans mon pauv' avant qu'elle se vide ; toi, comme deb bâté, on fait pas mieur ( Tu ois que quan je veux parler patos, je m'débrouille bien hein ?)…Brèfle pour te revenir à ton Dulte, c'est tout de suite à gauche de Duzerville en rentrant et comment j'y as venu eh ! en bisquilette, ô baouèle, le métro il était pas z'encore ouvert…

          Et oilà avec ses questions qu'elles ressembent à rien, moins une y me fait oublier mon problème et le fil de l'eau. Alors oilà, je recommence mais n'as pas peur, je recommence pas tout. Main'nan donc que j'ai venu adulte - eh ! non, rien que t'y arrêtes, c'est pas en Patosie- Oilà et je reprends, que les problèmes de fuites que bessif y touchent à la ferblanterie que l'aut' y coit, et l'aut' c'est ce malin de Jean-Pierre, (tu vas comprende pourquoi), ces problèmes y me viennent qu'à moi alors que les z'aut', les badiguels de mon âge y viennent seulement un peu tchigates et- moi, pauv' que je suis, laisse que ça coule des fois et des fois ça coule pas et le plusse beau dedans tout ça, c'est que je sais pas combien du temps y me faut pour me remplir une baignoire que tu peux pas te baigner dedans et qu'après, bessif, t'y es obligé d'la vider ? y'alors, je m'ai vu un professeur qu'on m'a dit qu'il était bien et tu ois, lui, sans tralala, sans craie, sans tableau noir, seulement avec des gants et un tablier blanc, y m'a espliqué que mon problème il était simple, tu ois quan j'te dis que l'anstruction c'est bien hein ? pour mon problème, y a qu'une solution, y faut couper, rien que ça.

          Anquiet peu ête un peu et sûrement beaucoup, j'en ai parlé à mon ami Jean-Pierre que lui, y connaît tout la preuve, il écrit des artiques dedans un journal que même y s'appelle la Seybouse et tu sais pas ça qu'y m'a dit ? Ô malheureux, y faut pas rester sans de l'eau, ne coupe surtout pas le compteur, je vas venir à chez toi avec ça qu'y faut et rien qu'avec une soudure, ton problème il est réglé . Et oilà comment un ami en qui t'y as toute la confiance, y veut te faire tout le contraire des pompiers, te combatte l'eau par le feu, t'y as vu un peu ça, oilà qu'y prend mon robinet pour une merguez et y veut se faire à mes frais ( si qu'on peut parler de fraîcheur dedans un pareil cas, quan c'est que tu te sers d'un chalumeau) un barbe machin (on dit pas barbe cul, c'est vilain) en me donnant chaud encore et y sait pas le pauv' que le plomb de la soudure c'est pas bon pour la santé, y a qu'à oir tous les jouets peints avec du plomb qu'y z'ont été refusés par les z'autorités surtout que mon jouet à moi, il est pas chinois, y a que son problème qu'y reste chinois, que même Azrine y s'le comprend pas, y'alors vas oir moi !.....

Sur une idée (saugrenue) de Jean Pierre Bartolini

Rachid HABBACHI

ANECDOTE
L'Aéronavale à BÔNE
Envoyé par Charles CALLEJA
          Je suis bônois, ancien du lycée Saint-Augustin et du collège d’Alzon (je suis né en 1942).
          J’ai lu l’histoire de l’aerocub de Bône. J’ai une page à y ajouter, car le hasard a fait que mon beau père : MARPAUD Léon, ancien de l’aero naval a atterri sur la piste de l’Allélick.
          Voici l’histoire :

          En juin 1940, la 1ère flotille de l’aero navale était à Hyères.
          Son commandant le capitaine de frégate JOZAN demande, le 24 juin 40 à ses pilotes s’il y a des volontaires pour quitter la France et continuer le combat à partir de l’Algérie.
          12 avions de chasse ( DEWATINE 520) dont l’un était piloté par mon beau père, partent le 24 juin 40 pour Ajaccio et le 25 juin 1940, rejoignent Bône et se posent tous sans casse sur la piste de l’Allelick car celle des Salines n’était pas terminée. Quelques semaines plus tard, ils partaient sur l’aéroport des Salines.
          Le Capitaine de Frégate JOZAN qui terminera Amiral, récompensa ses jeunes pilotes en les emmenant en calèche déjeuner au P’TIT MOUSSE.
          Cette escadrille s’est ensuite illustrée sur tout le front d’AFN, en particulier à Mers-El-Kebir et puis lors de la libération de la Provence.


LES COURSES
BÔNE son Histoire, ses Histoires
Par Louis ARNAUD

        Les courses de Bône avaient lieu les dimanche et lundi de Pentecôte de chaque année. C'était le grand événement mondain de la saison.
        La ville était en fête.
        Les visiteurs venus de Tunis, de Constantine et de tous les points du département, emplissaient les rues, les promenades, les cafés, et les restaurants.
        Il y avait partout, dans la ville, une animation extraordinaire.
        C'est que la grande réunion hippique était attendue par tous les turfistes fervents et, aussi, par tous les amateurs, curieux de faste, avides de grand air et de soleil, amoureux de la mer et d'horizons infinis.
        Bien souvent, l'Escadre française en manoeuvre, se trouvait dans les eaux de Bône pendant ces festivités locales, comme si cela n'avait qu'une simple coïncidence, alors que cette escale avait dû être prévue justement pour ces jours-là, dans l'itinéraire de son périple méditerranéen.

Escadre

        Alors ces jours de fête atteignaient le suprême degré de la beauté et de la joie.
        Le ciel, le soleil, la mer, la campagne, les ors des uniformes, les toilettes claires des dames, les burnous rouges et les chamarrures des Caïds, rien ne manquait à la splendeur de cet avènement du Printemps.
        Il y avait des courses de toutes sortes : des courses de haute tenue comme sur les hippodromes métropolitains, et d'autres courses, beaucoup plus libres, tout à fait couleur locale, réservées soit à des indigènes, soit à de simples amateurs européens, qui n'étaient pas les moins attrayantes.
        Chacune des deux journées se terminait par une éblouissante fantasia où tous étaient mêlés : Caïds, cavaliers et fellahs, où, les burnous rouges et les harnachements rutilants des Caïds voisinaient avec la simple cachabia et la modeste selle en filali rouge des fellahs ; où les grandes soieries multicolores qui revêtaient les croupes des superbes montures des grands chefs arabes, faisaient songer aux caparaçons des tournois du XVIéme siècle.
        Les chevaux piaffaient, hennissaient, se cabraient sous la double action contradictoire des larges étriers de métal doré qui pressaient leurs flancs et des poignes vigoureuses qui maîtrisaient leur élan.
        Ces cavaliers endiablés qui déchargeaient en l'air, dans un galop furieux, leurs longs moukahlas, ou leurs tromblons trop courts, qui passaient devant les tribunes dans un épais nuage de poussière et de fumée, en poussant de longues clameurs guerrières tandis que, par intermittence, quand la poudre se taisait, une nouba faisait entendre le son aigre d'une flûte grêle et le bruit sourd des tam-tam et des derboukas. Spectacle fantastique et superbe.
        La fantasia était le clou des courses de Bône.
        Pierre Loti note dans son " Journal intime ", à la date du 13 mai 1880, alors qu'il était de passage à Bône, avec l'escadre française comme enseigne de vaisseau " La fantasia annuelle de Bône est la dernière survivance des fantasias algériennes. " On vient de loin pour y assister, et cette nuit, doivent arriver les Caïds de l'intérieur qui l'embellissent de leurs splendides costumes, de leurs chevaux rares et de leurs armes précieuses ".
        La fantasia, le soleil, la musique, les tribunes où se pressaient de jolies dames aux riches toilettes gaies sur lesquelles se montraient, bien en évidence, les cartes roses ou bleues, en forme de fer à cheval, de sociétaires ; les hommes dans le paddock, arborant pour la première fois, comme c'était la coutume, des canotiers de paille ou des panamas et des tenues d'été, l'étui de cuir havane des lorgnettes en bandoulière ; la pelouse où grouillait une foule bigarrée, tout cela était à la fois ravissant et exaltant à voir.

La Fantasia


Une vue des tribunes entre deux courses


Groupe d'élégantes au pied de l'escalier
de la tribune des sociétaires

        Chaque course avait son attrait particulier, Celles qui étaient réservées aux indigènes étaient certainement les plus pittoresques.
        Il fallait voir les cavaliers arabes, courbés sur leurs montures, tout contre l'encolure, leurs manches de mousseline blanche qui sortaient de leurs gilets à rayures jaunes ou rouges, frémissaient, flottaient sous le vent.
        Ils couraient en peloton étroitement serré, collés les uns aux autres, si groupés qu'il était impossible aux spectateurs et aux parieurs de suivre, sauf si la couleur du cheval le permettait, le coureur de leur choix pendant le déroulement de la course.
        Ce n'était qu'au poteau où le peloton, toujours serré, arrivait en trombe, et souvent en pagaïe, qu'on pouvait enfin connaître le gagnant.

Course de fond à l'arrivée
Au loin, dons les arbres, le Haras militaire (Ancienne ferme militaire de la subdivision)


Course au trot
Epreuve très aimée des Bônois d'alors.

        La course d'amateurs obtenait toujours le plus vif succès... d'estime, ou... de fou rire.
        Elle avait lieu à la fin de la seconde journée, et comme tous les partants étaient bien connus des gens de la pelouse, elle donnait lieu à des manifestations diverses.
        C'était parfois un jeune agriculteur des environs qui venait faire faire à un cheval aimé un galop d'essai sur un tour de piste. Souvent, c'était un cocher de place qui avait dételé un de ses canassons, dont il prétendait qu'on avait mésestimé la valeur réelle et les performances possibles.
        C'est ainsi qu'on vit un jour en piste, monté sur un étique cheval gris, enlevé à sa branlante calèche, un vieil automédon du nom de " Noceto ", que tout le monde à Bône connaissait et estimait même.
        Le cheval avait encore une assez belle allure et son jockey, visage enluminé et moustaches cirées, botté et culotté, au propre comme au figuré, casaque verte barrée par une écharpe écarlate, formaient avec lui un ensemble relativement parfait.
        Malgré son air avantageux et solennel d'avant le départ, Noceto, finit la course bon dernier, et, d'assez loin, distancé par de vulgaires amateurs qui n'avaient même pas pris la peine, comme lui, d'arborer toque et casaque aux voyantes couleurs, et bottes à l'écuyère.
        Comme il parvenait, au petit galop détraqué de son cheval essoufflé, à la hauteur de la tribune des premières, quelques sifflets et des " ouah " se firent entendre.
        Lors, le cavalier loin d'être démonté par cet accueil quelque peu déconcertant, auquel il ne s'attendait guère en raison de sa notoriété, lâcha brusquement les rênes, raidit son bras droit qu'il tendit en avant, le poing fermé en lui imprimant avec sa main gauche posée sur l'avant-bras tendu, de larges oscillations horizontales.
        Devant la promptitude de ce geste, et la majesté de ce bras d'honneur, les sifflets et les huées se turent spontanément, et ce fut ainsi, que le brave Noceto, le bras toujours tendu en avant et balayant l'air, passa devant les trois tribunes terminant triomphalement, quoique bon dernier, cette mémorable course d'amateurs, sous les acclamations unanimes de la foule.

Le pavillon des juges à l'arrivée

        Le retour des courses était aussi la grande attraction de ceux qui n'avaient pas pu aller à l'hippodrome.
        Il n'y avait pas alors d'automobiles pour se rendre à l'Allélik et en revenir. On allait donc en voiture par la route de Guelma, ou bien on utilisait les trains que la Compagnie de Bône-Guelma faisait arriver sur la voie ferrée du port, au plus près du Cours. De sorte, que le retour des courses, qu'il se fit en voiture ou par le train, n'effectuait toujours entièrement par les rues avoisinant la place des Gargoulettes et l'entrée en ville avait lieu par le bas du Cours National.

Le train des courses
Sur les quais contre le hangar de la Chambre de Commerce

        La foule était massée auprès de la statue Thiers ou à la terrasse du café situé à l'angle du Palais Lecoq, qui s'appelait alors " Café de la Joliette ", pour voir défiler les landeaux et les victorias où se tenaient nonchalamment de jolies dames fières de leurs atours charmants et de leurs équipages cependant tout couverts de la poussière de la route.
        Les chevaux vainqueurs conduits en main par des garçons à pied, portant à leur encolure de grandes couronnes de fleurs, passaient sous les bravos de la foule.
        Les turfistes venus par le train faisaient un dernier effort pour surmonter la fatigue d'un long après-midi passé debout en plein soleil, et redressaient leur taille pour défiler devant le public.
        Puis, Bône, reprenait le cours de sa vie paisible et le bel hippodrome de " l'Aalig ", ou " Allélik ", si joyeusement animé pendant ces deux journées idéales de Pentecôte, retombait dans le calme et le silence, et la piste disparaissait sous l'herbe qui repoussait.
        Ce n'était plus alors, qu'un vaste champ nu, retournant au haras militaire, tout proche, dont il dépendait.
        Ce haras était lui-même, tout ce qui restait de l'ancienne ferme militaire, de la Subdivision de Bône créée en 1845, selon les principes de colonisation du Maréchal Bugeaud : " Ense et Aratro ", par le Général Randon.

***


Tirailleur……..
Envoyé par M. Guy d’Ennetières

Il se tient là debout face au grand monument
Sur lequel sont gravés des centaines de noms,
Parmi eux, des copains, des frères, des parents,
Fauchés de plein fouet, tombés pour la Nation.

Il est au garde-à-vous, des larmes dans les yeux,
Dans sa mémoire défilent des centaines d’images
De combats acharnés, de déluges de feu,
De villages incendiés et d’horribles carnages.

Sur sa vieille djellabah, une Légion d’Honneur,
Une Croix du Mérite, une Valeur Militaire,
Arborées fièrement, épinglées sur son cœur,
Gagnées au prix du sang dans des victoires amères.

Aujourd’hui il est seul, plus même un camarade
Pour l’aider à marcher ou pour le soutenir.
Son corps est mutilé et son cœur est malade
De toutes ces souffrances, de tous ces souvenirs.

Il a quitté son douar, son pays magnifique,
Sa famille et son champ, pour devenir soldat.
Il était volontaire, il arrivait d’Afrique
Pour défendre une terre qu’il ne connaissait pas.

A Monte-Cassino, Dien-Bien-Phu et ailleurs,
Toujours en première ligne, brandissant son fanion,
Il avait accepté avec gloire et honneur
De sacrifier sa vie pour reprendre un piton.

On les nommait Harkis, Goumiers ou Tirailleurs,
Bravant toujours la mort, le feu et la mitraille,
Ils étaient toujours là, c’était nos défenseurs,
De vraies troupes d’élite sur les champs de batailles.

Vous êtes enfants de France et vous êtes nos frères,
Votre sang a coulé pour notre liberté,
Au nom d’un idéal, de valeurs si chères,
Nous vous en remercions, nous n’oublierons jamais.

Guy d’Ennetières - 2007


A l'Aube de l'Algérie Française
Le Calvaire des Colons de 48
                                       Par MAXIME RASTEIL (1930)                                       N° 16

EUGÈNE FRANÇOIS
Mon ancêtre

Quoi de plus louable que de partir à la recherche de ses ancêtres !
Découvrir où et comment ils ont vécu !
La Bruyère disait : " C'est un métier que de faire un livre. "
Photo Marie-Claire Missud
J'ai voulu tenter l'expérience de mettre sur le papier après la lecture d'un livre sur "les Colons de 1848" et le fouillis de souvenirs glanés dans la famille, de raconter la vie de ce grand homme, tant par sa taille que par sa valeur morale, de ce Parisien que fut Eugène FRANÇOIS né à Meudon en 1839, mort à Bône en 1916.
Tout a commencé lors de l'établissement d'un arbre généalogique concernant le côté maternel de notre famille : arrivé à notre ancêtre : qu'avait-il fait pour qu'une "Rue" de ma jolie ville de "Bône la Coquette", porte son nom dans le quartier de la Colonne Randon ?
Tout ce que j'ai appris, j'ai voulu le faire découvrir tout simplement comme d'autres ont écrit sur nos personnalités et grandes figures Bônoises !
Pour qu'aujourd'hui, on n'oublie pas ce qui a été fait hier !...
Marie Claire Missud-Maïsto

PREMIÈRE PARTIE

TYPES ET ANECDOTES


          Remis de cette chaude alerte, les Colons qui avaient vu la mort rôder autour d'eux dans ces heures où le fanatisme musulman les guettait pour le massacre, s'étaient remis au travail - travail ingrat entre tous, car le rendement des premières années agricoles fut loin d'être rémunérateur.
          Ai-je dit que parmi les émigrants parisiens de 1848, bien peu s'entendaient à la culture et ne savaient même pas distinguer l'orge du blé ou de l'avoine? Encore sous l'impression des événements politiques, ils s'étaient montrés plus empressés de planter un arbre de la Liberté sur la place du village que de mettre en valeur leur concession.
          Détail pittoresque, beaucoup d'entre eux allaient aux champs coiffés du gibus ou demi gibus, et les femmes qui les y accompagnaient portaient des robes de soie. Cela témoignait de leur ignorance totale des choses auxquelles ils étaient pourtant destinés. Quelques-uns et quelques-unes se trompaient d'ailleurs étrangement sur le but de leur envoi en Algérie.
          C'est ainsi que le ménage du Franc-Comtois gibus disait à toute heure du jour à ses voisins et voisines : " On n'est pas venu en Afrique pour travailler... On est venu pour peupler !... "

          Partant de ce principe, maman gibus et son mari se contentaient de se laisser vivre.
          Et c'était tant pis pour leurs six ou sept hectares de terres vierges, ces terres dont nous avait si magnifiquement entretenus le général Cavaignac et qui restaient en friche. A côté de ces colons amateurs et de ceux de 1851 qui vinrent heureusement combler les vides de la première fournée, il s'en trouvait cependant qui comprenaient mieux leur devoir et ne se laissaient pas rebuter par le mauvais sort.
          D'autres cherchaient, fouillaient, trimaient, se débrouillaient avec plus ou moins de réussite. Et ceci m'amène à vous conter la mésaventure du brave Puchot, venu comme nous des bords de la Seine.
          - Voyons, se dit un jour cet inventif compère, pas de route carrossable d'ici à Bône... Les mille briques nous coûtent plus cher de transport que d'achat... Ce qu'il y a de plus simple, c'est d'en fabriquer sur place !
          Et ayant ruminé longuement cette idée d'ailleurs excellente, Puchot se mit à la besogne. Il aménagea un four dans le sol, fit pétrir ses briques le mieux qu'il put et s'assura qu'elles séchaient assez bien.
          Tout semblait aller à merveille. Les fagots apportés, les briques enfournées, il embaucha un chaufournier sérieux pour surveiller l'opération dernière.

          Mais, comme de juste, il s'avisa qu'un bouquet était de rigueur pour orner le faîtage de la nouvelle briqueterie, objet de la curiosité de tout le village. On pavoisa donc le four, et, avant d'y mettre le feu, on but force absinthes et rinçonnettes en signe de réjouissance.
          Bref, l'allumette mise sous les fagots et chacun étant un peu gai à la suite de ces libations, tous les spectateurs s'éloignèrent. Seul resta le chaufournier qui entretint un feu d'enfer jusqu'à deux heures de la nuit, et constata, à ce moment, que les sept ou huit mille briques enfournées étaient rouges comme de la braise.
          Ce que voyant, notre homme estima qu'il pouvait aller dormir à son tour. Va te faire lanlaire ! Quand il reparut, vers sept heures du matin, les briques étaient refroidies faute de combustible. Il essaya bien de rattraper le temps perdu en rallumant un feu à rôtir tous les diables, mais il était trop tard. Le quatrième jour on défourna, la rosée de la nuit avait surpris la fournée qui donnait de si grands espoirs, et le lendemain, le tout n'était qu'un tas de sable.
          Ce résultat désastreux n'était certes pas fait pour engager quelqu'un à recommencer l'expérience. II est vrai que le chaufournier fautif se garda bien d'avouer qu'il était l'auteur de ce désastre, si bien qu'en plus de sa perte et de son malheur, l'infortuné Puchot fut encore blagué par tous ses concitoyens. On ne l'appela plus désormais que M. le marquis de Briquemolle.
          L'esprit français et la gouaillerie parisienne ne perdent jamais leurs droits. Au demeurant, le marquis de Briquemolle sut en prendre son parti sans trop d'amertume, car il eut bientôt un émule dans la personne d'un autre Colon mondovien, le père Bizot, lequel avait été l'un des premiers à rire de l'insuccès du fabricant de briques sableuses.

          - Attendez un peu, mes gaillards, nous dit un jour ce nouvel inventeur, moi aussi j'ai une idée et je vais vous épater tous autant que vous êtes !
          Là-dessus, notre Bizot se mit en mesure de creuser un four immense au flanc d'un mamelon en bordure de la Seybouse, et il y entassa de gros galets ramassés dans le lit de l'oued et ayant l'apparence de pierres calcaires.
          Après quoi, il le chargea de quantité de fagots pour l'alimentation du feu. Tous ces préparatifs lui demandèrent bien trois mois de travail, pendant lesquels tous les habitants se montrèrent fort intrigués par ses allées et venues mystérieuses.
          Eh bien, père Bizot interrogeaient les uns, à quand la grande surprise?
          - Ça marche-t-il comme vous voulez? Questionnaient les autres.
          - Si ça marche ! Ripostait notre homme en se frottant les mains. Patientez encore quelques jours et vous aurez sur place de la chaux à remuer à la pelle !
          Et tous les Mondoviens de se réjouir en songeant qu'ils allaient pouvoir faire des badigeonnages, des crépissages, construire qui une maisonnette, qui une lapinière, qui un poulailler pour apporter un peu de bien-être à leurs habitations privées de ressources et de confortable. Dans cette espérance, on but même un peu plus que de coutume.

          Vint le jour où l'on défourna et qui devait être un événement considérable pour le centre agricole. Tous les Colons étaient présents à cette opération pour se hâter de prendre deux ou trois sacs de chaux suivant leurs besoins respectifs. Cette fournée assez restreinte s'enleva comme du bon pain, et, à la grande joie du père Bizot, on s'en disputa les moindres parcelles avec frénésie.
          Hélas ! Les acheteurs ne tardèrent pas à faire la grimace lorsque cette marchandise, une fois transportée chez eux, ils voulurent la délayer pour s'en servir. Qui l'aurait pu croire? Au bout de vingt-quatre heures de séjour dans l'eau, cette chaux soi-disant idéale, resta aussi dure que du granit de roche. Sous le marteau, elle résonnait comme du cristal.
          C'est pour le coup que son inventeur honteux, confus et accablé de réclamations, fit une tête ! Ses concitoyens désappointés ne le ménagèrent pas plus qu'ils n'avaient épargné Puchot, et de même qu'ils avaient baptisé l'un " Marquis de Briquemolle ", ils s'offrirent le luxe dé décerner à l'autre le titre de " Vicomte de Chaux-Dure ", qui lui resta jusqu'à la fin de ses jours.
          Avec la u blague " toujours en éveil des Parigots, nous eûmes également le colon B... qui fut surnommé " Casse-Mottes ", le marchand de lait H... devint " Pisse-Vinaigre ", le mastroquet L... " Brûle-Boyaux ", et plusieurs braves commères du village n'échappèrent pas elles aussi aux sobriquets les plus piquants.
          C'est ainsi que la " Mère Tricolore ", qui avait été cantinière, amusait fort la galerie, de même que la " Mère-la-Pipe ", qui travaillait aux champs et fumait le brûle-gueule comme un homme. Il est curieux de noter à ce propos qu'un arrêté du Gouverneur général avait fait défense aux Colons de fumer la cigarette, afin d'éviter qu'ils ne missent le feu aux chaumes et aux séchoirs de tabacs. On ne pouvait fumer que la pipe avec couvercle.

          Une autre habitante, d'ailleurs très estimée, Mme M..., était couramment appelée la " Mère Seybouse ", parce qu'elle avait la manie de parcourir le village en colportant les nouvelles et les potins, à l'instar du journal La Seybouse, qui se publiait à Bône, à l'imprimerie Dagan.
          Ces innocentes railleries n'empêchaient pas les habitants de vivre en parfaite intelligence et de faire preuve d'un large esprit de solidarité française, à tel point nue lorsque l'un d'eux tombait malade ou était obligé de s'absenter comme cela advint pour le colon Monteil; mordu par un chien enragé et qui dut se rendre à Paris, tous les voisins veillaient sur sa concession et sacrifiaient souvent une journée collective pour exécuter ses travaux et rentrer sa récolte.
          Une seule chose divisait parfois ces braves gens réunis par tant d'épreuves : c'était la politique. Il y avait d'un côté les bonapartistes ; de l'autre, les républicains, et l'on discutaillait fort dans les deux camps, chaque famille ayant des raisons particulières de se prononcer pour la Révolution des " quarante-huitards " ou pour adresser ses sympathies au Prince président Louis-Napoléon Bonaparte, devenu Empereur des Français à la suite de son coup d'Etat du 2 décembre 1851.
          Je m'intéressais peu personnellement à ces chicanes, mais je me laissais dire tout de même que ces deux gouvernements, l'un comme l'autre, avaient usé sinon abusé de la déportation en Algérie de pas mal de citoyens. Il y en avait dans les casemates de la Kasbah de Bône, comme il y en eut par la suite dans les cellules de la prison de Lambessa et dans les colonies pénitentiaires de l'Oranie.
          Parmi les premiers concessionnaires venus au cours de cette époque troublée, il n'en manquait pas qui furent bien près d'en connaître les rigueurs impitoyables, car lorsque le Pouvoir voulait se débarrasser sans éclats de certains sujets qui lui étaient signalés comme hostiles, il dépêchait auprès de ces suspects un homme de police qui leur disait sans témoins : " Nous avons recueilli les plus fâcheux renseignements sur votre compte. Signez cette demande de concession pour l'Algérie et filez au plus tôt, sans quoi vous serez arrêté, jugé et déporté dans les huit jours ! "

          J'ai connu à Mondovi et dans d'autres villages de la région plusieurs colons qui n'avaient pas été déportés au sens disciplinaire du mot, parce qu'ils avaient profité de cette porte de sortie.
          C'étaient des pas déportés, mais..


A SUIVRE       
Merci à Thérèse Sultana, et Marie-Claire Missud/Maïsto, de nous avoir transmis ce livre de Maxime Rasteil qui a mis en forme les mémoires de son arrière grand-père Eugène François.
Elle a aussi écrit un livre sur lui.
J.P. B.

NOCTURNE DE PRINTEMPS
Envoyé par M. Marc Dalaut
Ecrit par M. Gaëtan Dalaut

La nuit a recouvert de voiles diaphanes,
Où flotte un peu de mauve au bleu sombre profond,
Toute la campagne dont l'horizon se fond
En un pastel très doux où les teintes se fanent.

Il n'est plus de lumière et pourtant sur les fanes
S'allume l'étoile des vers luisants qui font
Penser que tout le ciel resplendit jusqu'au fond
Des bois les plus épais que les hommes profanent.

Le nocturne prélude au tout premier accord
Des grenouilles dans l'eau de l'oued plein encor,
Puis de la ferme monte un long bêlement tendre

De l'agneau qui s'endort quand jappe le chacal.
Un rossignol chante l'amoroso vocal,
Mais l'homme indifférent dort et ne peut entendre.



COLONISATION de L'ALGERIE
  1843                           Par ENFANTIN                      N° 31 
IIIème PARTIE
ORGANISATION DES INDIGÈNES.

CHAPITRE II.
LIEUX FAVORABLES A LA SOUMISSION PROGRESSIVE DES TRIBUS
ORDRE SELON LEQUEL ON DOIT PROCEDER À LEUR
ORGANISATION.

  

        XV. - Ces trois oeuvres formeraient presque l'établissement de notre ligne stratégique, de Constantine à Oran; avant de compléter cette ligne, nous avons besoin d'établir solidement le cadre de chaque province.
        Entre Guelma et Constantine, entre Constantine et Sétif, et surtout entre Constantine et Bône, par El-Harrouch, voilà où il faut travailler d'abord dans la province de Constantine ; la route des Portes-de-Fer, par la Medjana, et celle du Medjerda vers Tunis, viendront après.
        Dans la province d'Alger, c'est entre Médéa, Miliana et Blida, qu'il faut porter toute notre attention ; Hamza Titteri et le Chélif viendront après.
        Enfin, dans la province d'Oran, c'est entre Mascara et Mostaganem, ensuite entre Tlemcen et Oran, et plus tard, sur les routes d'Oran à Mostaganem et à Mascara, et de Mascara à Tlemcen et à Tékedemt, qu'il faut organiser et coloniser, avant de faire de la vallée du Chélif l'un des plus beaux pays du monde.

        Le triangle de la province d'Alger, dont les trois pointes sont Blida, Médéa et Miliana, est aujourd'hui entièrement libre ; les tribus ont disparu ; il est à peu près égal en grandeur au territoire compris dans le fossé d'enceinte ; nous pouvons donc y offrir la place que nous ne prendrons pas pour nos colonies militaires, à ceux de nos ennemis qui préféreraient notre amitié protectrice à l'autorité spoliatrice d'Abd-el-Kader.
        J'en dirai autant des banlieues de Mostaghanem, de Mascara de Tlemcen, d'Oran dans cette dernière, nous avons déjà les Douars et les Zmélas, dans celle de Mostaghanem, nous avons les Medjéher et quelques Borgia et Gharaba; dans celle de Tlemcen, nous avons des Kabiles, et bientôt sans doute, dans celle de Mascara, nous aurons des Béni-Amer et même des Hachem.
        Ce n'est pas une reconnaissance de propriété que nous devons faire, par suite de soumission : c'est une concession -à la jouissance de la terre (à condition d'obéissance), faite à des révoltés auxquels nous pardonnons.

        A Constantine, nous sommes allés, un peu plus vite et plus loin ; nous avons du moins semblé reconnaître un ancien droit d'occupation, et probablement nous en éprouverons quelques désagréments, quand nous voudrons organiser les tribus reconnues, et surtout quand nous voudrons consacrer à l'établissement de colonies militaires, une partie du territoire auquel nous leur avons laissé croire qu'elles avaient droit. Cependant, à l'Ouest de Constantine, les Télaghma, les Abd-el-Nour et les Amer-Gharaba ; à l'Est, les Amer-Cheraga, les Zénati et les Segniia, sont tellement sous notre main et si fortement compromis d'ailleurs, vis-à-vis les tribus qu'elles ont pillées à notre suite, que nous sommes encore bien maîtres de nos actes à leur égard. Quelques unes des tribus de ces deux lignes ont eu déjà pour Kaïds des Français (1); mais ce n'est pas là de l'organisation, et d'ailleurs la mode de ces Kaïds français ou presque français n'a duré qu'un jour. - Sur la route de Constantine à EI-Harrouch, pas de plaines; mais la place est libre; les tribus qui l'occupaient nous ont si souvent pillés, et nous les avons si souvent rhazées, que, pendant longtemps encore, nous ne pourrons y placer que des colonies militaires, et ne pourrons pas y organiser beaucoup de tribus indigènes.

        Quant à la zone maritime, nous sommes encore plus à l'aise que dans la zône intérieure, puisqu'il n'y aurait pas de colonies civiles dans la province d'Oran, et que, dans celle d'Alger, le fossé d'enceinte nous garantit du contact avec les tribus. Toutefois, le pourtour extérieur de notre fossé d'enceinte est assez large pour que nous puissions y placer, en plaine, plus d'indigènes que nous ne pourrons placer de Français dans l'intérieur. Ceci nous ouvre un large champ pour organiser les tribus qui voudront cultiver cette malheureuse plaine de la Mitidja et se ranger sous notre autorité. Mais au moins, ici, personne ne prétendra que nous ne soyons pas maîtres d'imposer des conditions de propriété et de gouvernement à ces nouveaux Français, en leur pardonnant de nous avoir incendiés et assassinés ; et si quelqu'un soutenait, par exemple, que nous devons restituer aux Hadjoutes leur territoire, et les laisser se gouverner et s'administrer à leur guise, j'espère qu'il ne serait pas écouté.

        Pour la province de Constantine, ce sera toujours, dans cette zône comme dans l'autre, un peu plus délicat. Nous avons laissé exploiter la grande et les petites plaines pur de petites tribus, très faibles autrefois, qui sont déjà devenues un peu plus fortes et un peu plus riches, depuis qu'elles sont avec nous. Les Béni-Urginn, par exemple, et les Kharéza, près de Bône ; les Béni-Méhanna , près de Philippeville ; les Seba, les Ouled-Dièb, près de La Calle, et les Kabiles descendus dans la plaine de Guelma , occupent seuls, en fait, le territoire sur lequel doivent s'établir les colonies civiles. Sans doute ils ne cultivent pas entièrement ce territoire et ne l'emploient pas tout en pâturages; la population totale et les bestiaux qu'elle possède sont même très faibles, par rapport à l'étendue de la terre; mais enfin ils occupent, et lorsqu'on voudra les limiter, faire place à des Européens, il faudra le faire avec fermeté et avec adresse ; je dis fermeté et non pas force, parce que celle-ci ne sera pas nécessaire pour accomplir cette délimitation, très légitime d'ailleurs. Ces tribus ne peuvent s'y refuser, y résister; mais elles discuteront et chicaneront, si elles ne sentent pas qu'il y a. volonté bien arrêtée.
        Ce sont toutes ces tribus que je viens de nommer qu'il s'agit de gouverner et d'administrer, et d'abord de limiter, dans la partie de la zône maritime dépendante de la province de Constantine.

        XVI. - En résumé, les tribus à organiser militairement, près des colonies militaires, et sous l'autorité des commandants de postes militaires, sont :

        Dans la province d'Oran,
        Les Medjéher, les Borgia et les Gharaba, rayonnant autour de Mostaghanem.
        Les Douars et les Zmélas, avec partie des Gharaba, autour d'Oran ;

        Les fractions des Hachem et des Béni-Amer qui se soumettront, près de Mascara;
        Les Kabiles soumis des environs de Tlemcen.
        Avec une colonie militaire française, au milieu de chacune de ces tribus, et le poste militaire chargé du gouvernement de la tribu, et la tribu des zmélas, Berbères ou Kabiles, cavaliers ou fantassins, makhzen de chaque cercle colonial.

        Dans la province d'Alger
        Aucune désignation ne saurait être faite d'avance tant cette malheureuse province a été remuée par la guerre; mais les côtés du triangle formé par Médéa, Miliana et Blida, c'est-à-dire ces trois grandes routes étant occupées par des colonies militaires françaises, c'est dans l'intérieur qu'il faudrait admettre les indigènes demandant pardon et asyle ; c'est là qu'il faudrait organiser la colonie indigène modèle, la ruche mère de notre zméla future, pour toute la province d'Alger ; sans doute, les Mouzaïa formeraient la base de ce makhzen central.

        Dans la province de Constantine
        Les Amer-Gharaba et les Ouled-Mokhran, à l'Est et à l'Ouest de Sétif ;
        Les Abd-el-Nour et les Télaghma, et les Zmoul, sur la route de Constantine à Sétif et à Biskra ;
        Les Amer-Chéraga, les Drid et les Segniia, les Zénati et les Béni-Foughal, sur la route de Guelma ;
        Telles sont les tribus qu'il faut organiser, en plaçant des colonies et des postes militaires près de chacune d'elles.
        On ne mettrait sur la route de Philippeville que des colonies militaires, renforcées de Spahis arabes, mais non kabiles.
        Et l'on organiserait les zmélas arabes de chaque cercle colonial, en colonies militaires indigènes, à la disposition du commandant de chaque poste militaire:

        XVII. - Les tribus à organiser civilement sont :
        Dans la province d'Oran, aucune.

        Dans la province d'Alger : les fractions de tribus, comme celles que nous avons déjà recueillies près de la Maison-Carrée, et auxquelles on concèdera, en dehors du fossé d'enceinte, la jouissance d'un territoire limité, cadastré, d'un accès facile pour nous, et protégé par des travaux de défense que les indigènes concessionnaires seront contraints de faire.

        Dans la province de Constantine :
        Les Béni-Urginn, les Kharéza, les Kabiles de l'Édough, près de Bône et sur le versant sud, du côté du lac Fzara ;
        Les Merdès, les Séba, les Ouled-Dièb, route de Bône à Tunis, par La Galle;
        Les Béni-Méhanna autour de Philippeville.
        Avec des colonies civiles, liées entre elles, autant que possible, par des routes bordées de canaux, ce qui est praticable presque partout dans ces lieux, le canal séparant le territoire des tribus de celui des colonies.
        Et une nombreuse gendarmerie indigène, composée de beaucoup de Kabiles, près de Bône, jointe à une nombreuse gendarmerie française à cheval, celle-ci étant presque seule employée près de Philippeville.
        Telles sont les tribus que nous devons organiser civilement.

         XVIII. - On dira peut-être : mais il n'y a là que quelques tribus, que faites-vous des autres? - A cela je me permettrai de répondre : depuis douze ans, qu'en faites-vous vous-mêmes?
        Faire des rhazia, ce n'est ni gouverner, ni administrer, ni organiser, or, il faut que nous fassions tout cela en Algérie, un jour; - commençons. .
        A-t-on peur que les autres tribus, privées de notre habile et paternelle tutelle, et délaissées par nous, jusqu'au moment où nous pourrons réellement nous occuper d'elles, ne viennent troubler nos efforts d'organisation? - Mais d'abord, elles troublent terriblement aujourd'hui notre inaction organisatrice, et fatiguent cruellement notre activité belligérante; d'ailleurs, il faut bien peu connaître les Arabes et les Kabiles, pour ignorer que le plus sûr moyen de les vaincre et de les avoir à merci, est de les laisser, pendant quelque temps, jouir de leur union monstrueuse, pleine de haine et toujours prète au divorce (2) ; voilà des milliers d'années que l'Algérie ne peut pas se gouverner, et qu'il lui faut un maître étranger; qui donc a vu qu'elle fût prête à s'en passer? - Patience ! - Mais agissons comme si toutes les tribus devaient un jour se soumettre, car elles y viendront toutes, chacune à son temps.

        Si nous sommes assez sages pour ne pas chercher à soumettre les indigènes que nous ne pourrions défendre, soyons sûrs qu'ils viendront avant peu, d'eux-mêmes, implorer notre protection ; mettons-nous en mesure de la leur donner ; préparons-leur un asyle, les malheureux commencent à en avoir bien besoin ! Ces Maures, ces Koulouglis, ces Turcs, ces Juifs de toutes les villes, entraînés par Abd-et-Kader comme valets de sa petite armée; tous ces douars, vingt fois châtiés par nous, vingt fois dépouillés par celui que nous avons la bonté de nommer Émir, ne l'appellent-ils pas déjà, du fond de l'âme, leur tyran?
        Une autre objection sera faite; on prétendra que ces tribus, dont je réclame l'organisation, sont déjà organisées du moins dans la province de Constantine ; qu'elles ont des Kaïds ou des Cheiks nommés par la France, dépendants de commandants français des cercles ou de la province; qu'elles paient des impôts ; qu'elles ont des Spahis irréguliers ; et, en outre, que plusieurs autres tribus qui ne sont pas nommées ici, ont une pareille organisation. Je sais bien qu'on appelle cela de l'organisation mais cela n'en est pas, ou bien c'est de l'organisation comme la colonisation de la Mitidja était de la colonisation (3) ; le moindre souffle-la renverserait là aussi nous fauchons quelques hommes, mais nous ne semons pas, ne plantons pas, ne bâtissons pas une société.

        M. le général Bugeaud a parfaitement bien fait de supprimer les camps de Mjez-Hammar et de Sidi-Tam-tam, sur la route de Guelma à Constantine, et ceux de Djimila, Mahalla, Mila, sur la route de. Sétif, comme on a très-bien fait d'abandonner les fermes de la Régahia, de la Rassauta, de Kadra, dans la Mitidja. M. le Gouverneur général a bien fait, parce que ces camps étaient coûteux, inutiles, impuissants, dangereux, oisifs, mortels, et n'étaient pas du tout des moyens d'organisation; comme ces fermes étaient de très mauvais procédés de colonisation. Néanmoins, lorsqu'on voudra organiser, il faudra bien faire, sous ce rapport, quelque chose qui soit le pendant du fameux fossé d'enceinte, dont le but est de protéger la colonisation; c'est-à-dire adopter des mesures qui protègent et défendent les tribus que nous voudrons organiser ; il faudra faire quelque chose qui ressemble à ces villages que l'on essaie d'établir au lieu de ces fermes d'autrefois; quelque chose qui soit analogue aux concessions cadastrées de lots de terre, qu'on substitue aux propriétés incertaines et éparses des premiers colons ; analogue à ces obligations de plantations, de culture, de travaux, de police, de milice, que l'on veut imposer aujourd'hui aux colons de ces villages, et que l'on ne songeait pas à imposer aux colons, avant le fossé; quelque chose enfin de semblable aux soins que l'on prendra de faire des routes entre ces villages, de les assainir, de leur fournir des eaux abondantes, de leur donner une école et une église, une administration et une justice. Rien de tout cela n'avait lieu pour l'ancienne colonisation, et rien de cela n'a lieu dans ce qu'on appelle les tribus organisées par la France.

        Quant aux tribus dont je n'ai pas parlé, sans doute je n'ai pas nommé toutes les petites tribus qu'il est possible et convenable d'organiser immédiatement ; il y en a dans la banlieue de Constantine, dans celles de Guelma, de La Calle ou de Bône ; il en existe même dans les deux autres provinces, que l'on peut organiser sur les lignes que j'ai indiquées. Si je ne les ai pas nommées, c'est qu'elles n'en valent pas la peine; j'aimais mieux désigner les tribus mères celles qui doivent avoir un jour, par l'antériorité et l'importance de leur rattachement à notre cause, une influence très grande dans l'organisation générale et définitive de l'Algérie. Cette influence sera active pour quelques unes, et d'exemple seulement pour d'autres active, de la part des tribus dont nous formerons notre makhzen; d'exemple, pour les tribus civiles. Je le répète encore ici : le makhzen de l'Est doit être composé surtout d'Arabes du Sud, un peu de Kabiles, mais point de Chaouïa ; le makhzen de l'Ouest, de Berbers et de Kabiles, mais très peu d'Arabes ; et enfin le makhzen de la province d'Alger, d'Arabes et de Kabiles, fondus dans le creuset à trois angles, de Médéa, Miliana et Blida.
        Ce sont ces tribus makhzen qu'il importe de constituer au plus vite, en même temps que nous établirons nos colonies militaires ; elles doivent être organisées, ainsi que les colonies militaires, en vue des tribus que j'ai nommées.

        Par exemple, si entre les Télaghina et les Abd-el-Nour, et entre les Abd-el-Nour et les Amer-Gharaba, il y avait une tribu makhzen, une colonie militaire d'Arabes ; correspondant à la colonie et au poste militaires français, ces établissements qui domineraient ces tribus, de trois manières différentes, sous le rapport politique (le poste), militaire (la tribu makhzen), agricole et commercial (la colonie), et qui seraient à cheval sur les deux routes de Constantine à Sétif, permettraient de commencer une véritable organisation de cette contrée.

        De même, lorsque nous aurons des colonies militaires, fortes en cavalerie entre les Borgia et les Medjéher, dans la plaine de l'Habra ; entre les Borgia et les Gharaba, dans la plaine du Sig; entre les Medjéher et les Flita, dans la plaine de la Mina; et lorsque nous appellerons, sur les mamelons qui séparent et dominent ces plaines, des habiles du Djebel-Menouer, les mêmes qui forment aujourd'hui une partie de l'infanterie d'Abd-et-hader ; et que ces Kabiles, organisés en colonies militaires indigènes, formeront notre makhzen d'infanterie (seule arme indigène dont nous devions nous servir, dans cette partie de la province d'Oran ), nous pourrons alors organiser les tribus qui séparent Oran et Mascara de Mostaghanem.

        Mais si nous organisons des mockalias de Medjéher, des zmélas de Gharaba, un makhzen de Flita, comme nous avons organisé les douars du général Moustapha ; et si nous les donnons au Bey Koulougli, que nous avons nommé pour cette contrée, à son Kalifat El-Mzari, et au tout nouveau Kalifat du Cherck, dont l'investiture fut pourtant une bien éclatante fantasia (4), n'appelons pas, cela organiser l'Algérie.
        Enfin, si l'on prétend qu'il serait impolitique de renoncer à la soumission et à I'impôt des tribus qui sont en dehors des lignes que j'ai tracées, j'engage à faire le compte exact de ce que coûte aujourd'hui cette perception ; l'on verra qu'il serait plus économique et plus politique d'établir des colonies militaires, près de ces tribus, que de faire tous les ans des expéditions et des rhazia, pour obtenir le peu de soumission et le peu d'argent que nous retirons de ces tribus:

        En résumé, je ne conseille pas d'abandonner quelque chose; j'engage seulement à organiser et consolider ce qu'on a déjà, mais à attendre avec confiance ce qu'on n'a pas. Un jour viendra où cet ordre sage et rationnel nous en assurera la possession.

1 - M. le capitaine d'état-major Saint-Sauveur; M. Bonnemain, interprète ; un étranger presque Français, M. le capitaine Allégro; et un indigène, officier de nos spahis depuis dix ans, le brave Ben-Ouani, blessé plusieurs fois dans nos rangs.
2 - A la lettre, Arabes, Kabiles et Chaouïa ne se marient jamais entre eux ni avec les Maures; et il y a des gens qui croient cependant que cet assemblage d'hommes est prêt à former un peuple, à se donner un gouvernement national!
3 - On aurait tort de voir, dans ma persistance à revenir sur cette prétendue organisation, un blâme absolu de tout ce qui a été fait en ce genre. Ce sont des procédés d'une politique expectante et au jour le jour, excusable et même légitime, tant qu'on ignore comment combattre et détruire directement la maladie qui consume l'Algérie et qui nous ruine; mais je tiens â faire sentir que ce n'est pas là constituer et organiser, comme on le croit ou du moins comme on le dit sans cesse; c'est simplement prolonger et même aggraver le mal, méthode quelquefois nécessaire, mais bien délicate, pour déterminer des crises indicatrices da véritable remède. Lorsque la France donne aux indigènes des chefs indigènes, elle se conduit comme un médecin qui, pour guérir une gastrite causée par l'abus du vin, commencerait par faire boire de l'eau-de-vie à son malade. La création de l'Emir Abd-el-Kader a causé une effrayante ivresse ; la création des kalifats de Constantine en a causé une abrutissante ; aussi nous faut-il déployer bien de l'intelligence dans l'Est et une grande force dans l'Ouest.
4 - Voir le rapport du Gouverneur général, du 13 juin dernier.

A SUIVRE

LA PASTEQUE
Envoyé par M. Marc Dalaut
Ecrit par M. Gaëtan Dalaut

Des petite Arabes menant leur troupeau paître,
Près d'un champ de melons, tout au bord du chemin
Ont vu des tas de fruits partant le lendemain
Pour le village proche ou la ville peut-être.

L'Indigène, gardien, sans le laisser paraître
Tolère qu'un berger, un tout jeune gamin,
Prenne une pastèque qu'il tient à pleine main.
Qu'importe, c'est si peu dérober à son maître.

L'enfant qui court et ploie au poids du fruit énorme
S'est enfin laissé choir à l'ombre d'un gros orme
Où tous les autres l'ont rapidement rejoint.

Dans les tranches rouges, chacun mord et se lave
Et des bouches sales ruisselle à chaque coin,
Mêlés au jus du fruit de longs filets de bave.



L' Evêque... MONSEIGNEUR DUVAL
"Je suis un combattant de la liberté"
Trait d'Union N° 33
Interview accordée par Mgr DUVAL au journal algérois EL WATAN (La Patrie) le 23/12/92.
(à signaler que Mgr DUVAL, actuel "patron des évêques de France", est le neveu du prélat d'Alger...)

       Agé de 89 ans, le Cardinal Duval vit en Algérie depuis près d'un demi-siècle. II a acquis la nationalité algérienne en 1965, et est un ardent défenseur de la cause algérienne pour laquelle il a milité des années durant.

        "Dès mon arrivée en Algérie, en 1947, j'ai constaté des disparités flagrantes entre les riches et les pauvres. Cette dernière catégorie était composée essentiellement de musulmans.
       Au déclenchement de la lutte armée, le 1er Novembre 1954, j'ai découvert, que les difficultés n'étaient pas seulement d'ordre social, mais surtout politique. II fallait donc arriver à l'autodétermination. L'administration coloniale n'a pas oeuvré pour le christianisme mais pour la France.
       J'ai essuyé plusieurs critiques durant la colonisation de l'Algérie, de la part d'une frange de médias qui n'a pas hésité à me surnommer "Mohamed Duval ou Duval le communiste".
       Ces attaques, provenaient des "durs" de l'OAS qui n'acceptaient pas mes positions. Car j'ai défendu le droit des hommes et le droit des Algériens. Ce droit qui n'a été respecté ni par la police ni par certaines parties de l'armée française.
       II faut reconnaître que des militaires ont été courageux et ont refusé d'appliquer les instructions de leurs supérieurs.
       J'ai moi-même fait l'objet de menaces émanant de cercles politiques notamment de métropole, qui m'accusaient d'être un mauvais Français, un mauvais chrétien. J'ai également fait l'objet de tentatives d'assassinat en 58-60 et 61.
       A Constantine, où j'ai exercé pour la première fois en 1947, j'ai rencontré M. Ben Mouffok issu d'une grande famille de la ville, et un membre du PPA. Abdelhamid Ben Badis était décédé lorsque je suis arrivé dans cette ville où j'ai pu connaître son père, son frère et des membres de l'Association des Oulémas.
       Cette association était formée d'intellectuels. Elle revendiquait le respect de la culture algérienne et de la langue arabe, le progrès et l'égalité entre tous les citoyens.
       A mon arrivée en Algérie en 1947, tout le monde parlait encore de la tragédie du 8 mai 45. Au-delà du drame, j'ai remarqué des pratiques condamnables, comme par exemple les fraudes électorales. Le 1er Novembre 1954 a été le début de la République algérienne.
       Le 29 novembre de cette même année, nous avions fait un appel dans lequel nous avions affirmé que l'église n'est pas inféodée à un parti politique mais se réfère à la raison et à la foi.
       II n'y a eu aucune contrainte ou pression dans mes décisions. Je me suis toujours inspiré de l'idéal de Saint Augustin qui est Algérien, j'ai aussi suivi les orientations du Pape.
       II faut dire que l'église était partagée. Il y avait des chrétiens qui épousaient les thèses politiques colonialistes et d'autres indépendants.
       Le 19 juin 1956, j'ai adressé un message aux autorités leur demandant de surseoir à l'exécution des condamnés à mort algériens à Barberousse.
       Plusieurs fois, j'ai défendu les Algériens, mais les autorités ne m'écoutaient pas.
       De Gaulle n'a pas octroyé l'indépendance à l'Algérie. Ce, sont les Algériens eux-même qui ont lutté pour leur indépendance et l'ont arrachée car l'armée française, n'était pas pour l'indépendance.
       J'ai qualifié les pratiques de l'OAS, de pratiques nazies, car ces gens-là méprisaient le peuple, qui n'était pas français.
       Au lendemain de l'indépendance, j'ai choisi de rester en Algérie et quoi qu'il en soit, j'y resterai toujours. Je jouis de la nationalité algérienne. J'y vis comme chaque citoyen en partageant les mêmes sentiments. J'ai un passeport algérien. Je vote en Algérie, alors que je ne le fais pas en France, alors que je bénéficie de la double nationalité.
       Lors des précédentes élections législatives en Algérie, j'ai bien sûr assumé mon devoir électoral. J'ai voté dans le quartier où je réside. Nous avions dû attendre près d'une demi-heure parce que les urnes n'étaient pas encore là.
       A qui j'ai donné ma voix ? Je l'ai donnée à la liberté. Je suis contre la violence. La justice et l'égalité s'arrachent par la raison, pour le dialogue et non par la violence.
       Lorsque je discute avec les Français je leur dis la vérité sur l'Algérie. Je leur rappelle que la France a beaucoup profité de ce pays par le passé.
       Mais cela n'est pas suffisant. Les résultats de toutes les luttes et les guerres sur le territoire algérien durant la période coloniale ont freiné l'évolution de l'Algérie. Aussi, il y a nécessité de rectifier.
       A la France de rectifier le mal qu'elle a fait en Algérie et ceci à travers une aide économique, culturelle, sociale et politique.
       L'Etat algérien veut appliquer la justice. Pour ce faire il faut qu'il respecte les personnes et leurs libertés.
       Le respect envers l'égalité existe, on ne peut pas dire que l'Algérie mène une guerre contre l'église. L'Algérie respecte les chrétiens, donc elle respecte l'église.
       Les causes de la situation que nous vivons tirent leur substance des inégalités, des injustices sociales mais je suis convaincu que l'Algérie s'en sortira.
       Si je n'en étais pas sûr, je prendrais le premier avion pour aller ailleurs.
       II faut que le monde entier se mobilise pour lutter contre la pauvreté, la faim, les injustices, pour le respect des droits de l'homme.
       C'est cela la véritable guerre."

       (Sans commentaires... Nous n'avons pas changé une virgule à cet article mais seulement souligné certains passages).


      

COLONIES ET PROTECTORATS
Paru sur la Revue des Colonies. 5 octobre 1890

       ALGÉRIE. - La commission départementale du conseil général d'Alger a adopté à l'unanimité, dans sa séance du 24 septembre, la résolution suivante :
       " Considérant que si la construction d'un railway unissant la Méditerranée aux contrées des bassins du lac Tchad et du Doliber apparaît comme une solution rationnelle du problème de la conquête pacifique du continent soudanais, il s'en faut de beaucoup que l'accord soit complet sur les questions préliminaires si nombreuses devant être tranchées avant que le premier coup de pioche ait été donné;
       " Considérant que le gouvernement, en encourageant la campagne entreprise dans la presse, n'a pas suffisamment tâté l'opinion publique, qui ne s'est peut-être pas assez rendu compte des difficultés qu'on pourra rencontrer dans la reconnaissance des pays inconnus, au milieu desquels et vers lesquels on médite de jeter audacieusement une voie ferrée gigantesque;
       " Considérant que la France ne saurait se lancer dans une entreprise qui lui coûterait des centaines de millions sans s'être bien assurée de la possibilité d'établir un ouvrage et des compensations qu'elle pourra retirer de ses sacrifices; que se lancer ainsi les yeux fermés dans une aventure téméraire serait s'exposer à de terribles déceptions; qu'un pareil projet, s'il était exécuté, deviendrait la ruine des petits capitalistes qui se seraient emballés;
       " Considérant qu'au point de vue des railways, le département d'Alger est sacrifié, que le transsaharien, tel qu'on le présente, est un danger pour l'Algérie, pour le département d'Alger surtout, qui ne cesse de demander que la ligne d'Alger à Laghouat soit concédée et exécutée dans le plus bref délai possible, que depuis dix ans le Conseil général a reconnu et confirmé cet intérêt majeur, que lui accorder cette ligne de pénétration serait un acte de justice et de bonne administration. "

       La commission émet le voeu suivant :
       " Que, préalablement à toute décision à prendre au sujet du transsaharien, de sa direction et de son tracé, le gouvernement veuille bien faire étudier, dans toutes les provinces de l'Algérie, les voies de communication les plus directes vers le Soudan;
       " Que les explorations qui seront faites dans ce but, soient effectuées au moyen de caravanes exclusivement composées d'indigènes dont les relations, par ce fait même, deviendront plus faciles avec les populations sahariennes qu'ils auront mission de reconnaître. "

       - Des orages terribles se sont abattus, le 28 septembre, sur la région de Relizane. La ligne du chemin de fer de Mostaganem à Tiaret a été coupée en différents endroits.
       A Frendah, la voie a disparu sur une longueur de 150 mètres. Toutes les communications sont interrompues.
       Le douar entier des Ouled-Tahar et la moitié du douar de Sidi-ben-Kedda, campés sur les bords de la Mina, ont été emportés par la crue de cette rivière. Seize indigènes ont disparu; trois cadavres seulement ont été retrouvés.
       Un grand nombre de boeufs et de moutons ont été enlevés par les eaux, ainsi que les tentes des douars et leur contenu.
       Les indigènes survivants n'ont plus que les vêtements qu'ils portent. Des mesures sont prises pour leur donner un abri.

       Les jardins bordant la Mina sont entièrement détruits.
       A Tiaret, l'eau a atteint une hauteur extraordinaire. Le moulin Bigorre a été submergé par une hauteur d'eau de 1m. 50 au-dessus du premier étage; il a en partie résisté, mais le logement du meunier et les magasins ont été emportés.
       Le pont de la Mina sur la route de Frendah s'est écroulé aussi; seul, le pilier du milieu a résisté, formant un îlot. Des mesures énergiques sont prises pour conjurer de nouveaux malheurs.
       La région de Géryville a été très éprouvée aussi. On signale plusieurs ponts enlevés. Les communications télégraphiques sont interrompues, la route est coupée; les moyens de transport sont devenus impossibles; les dégâts sont énormes.


NUIT DE GOURBI
Envoyé par M. Marc Dalaut
Ecrit par M. Gaëtan Dalaut

La prière du soir ayant pris son essor
L'Arabe au gourbi rentre et s'asseyant à terre
Tire à lui le couscous d'un geste autoritaire.
Il mange en silence puis, pour fumer, il sort.

Ses femmes achèvent le peu qui reste encor
Et gagnent leur natte, seul lit rudimentaire
En chemise sale, loque vestimentaire,
Garçons, filles, mêlés, déjà chaque enfant dort.

Le fumeur tousse et crache et dans ses doigts se mouche
Puis vient vers ses femmes pour partager leur couche.
Longtemps il les contemple avec des airs rêveurs

Tandis que la flamme meurt au fond d'une lampe.
Le maître a fait son choix, se baisse et sans plus rampe
Vers celle qui, passive, recevra ses faveurs.



Francine DESSAIGNE
Éditions Confrérie-Castille
PARTIE 1
ALGER, 26 MARS 1962


        Certaines dates résonnent, dans la mémoire, d'un étrange écho. Le 26 mars 1944, reçu à l'Hôtel-de-Ville d'Alger, évoquant les difficultés nées de la guerre, pour les Algérois, le général De Gaulle s'exclamait avec émotion :

        " Mais au travers de ces épreuves, la ville d'Alger a conscience qu'elle porte l'honneur et la responsabilité d'être la capitale de la France guerrière dans la période décisive du conflit... Cette insigne dignité est désormais inscrite dans les annales. Et, comme tout se tient et s'enchaîne, elle est un principe du grand avenir d'Alger.

        Quel avenir ? Eh ! Certes oui ! Car dans la France nouvelle qui va paraître au terme du drame, quel rôle magnifique attend votre ville ! Cité française la plus grande de cette Méditerranée, capitale d'une Algérie incorporée à la patrie par ses hommes comme par ses terres, vaste passage commun où l'Europe et l'Algérie pourront échanger à nouveau les navires, les avions et les pensées, Alger se sent, n'est-il pas vrai ? Appelée par le destin à jouer un rôle éminent dans ce monde français élargi, rajeuni, que nous saurons édifier..."

        Dix-huit ans plus tard, le 26 mars 1962, place de la Poste et rue d'Isly, des soldats portant l'uniforme français, tiraient pendant douze minutes, sur la foule des Algérois rassemblés dans l'espoir de faire entendre leur angoisse et leur désespoir, face à l'avenir que le général De Gaulle, Président de la République, leur préparait après avoir trahi leur espérance entretenue par les mots dont il savait si bien se servir. Mais aussi en marche vers Bab-el-Oued pour dire leur solidarité avec le grand quartier populaire soumis à un blocus inhumain (bel exemple de responsabilité collective...) où des avions en piqué avaient mitraillé les terrasses deux jours plus tôt.

        Après les avions, les navires ont été requis eux aussi. C'étaient deux escorteurs de l'Escadre de Méditerranée qui participaient alors à des exercices (une photographie prise, ce jour là, par un Algérois nous les montre). L'un deux était le Surcouf, escorteur d'escadre D621, bâtiment amiral, placé face à Bab-el-Oued. Il a tourné ses canons vers le large, c'est à l'honneur de la Marine et mérite d'être connu.

        Mais, avant de l'évoquer, une sèche énumération, fondée sur des dates et des documents, s'impose pour rafraîchir la mémoire :

        - Le 16 septembre 1959, le général De Gaulle lance le mot "autodétermination". Le GPRA accepte et désigne Ben Bella pour négocier.

        - Du 3 au 5 mai 1959, au cours d'une "tournée des popotes" apparaît "l'Algérie Algérienne".

        - Le 14 juin 1960, le Général De Gaulle lance un "appel au cessez-le-feu". Le 20, après atermoiements, le GPRA accepte un nouveau contact en vue de négocier.

        - Le 4 novembre 1960, le Général évoque "la République algérienne".

        - Les 19 et 20 février 1961, entretiens secrets Pompidou, B. de Leusse avec Boumendjel et Boulharouf.

        - Les 5 et 23 mars 1961, contacts secrets en Suisse, Boulharouf, B. de Leusse.

        - Le 30 mars 1961, annonce bilatérale de l'ouverture des négociations pour le 7 avril.

        - Le 31 mars 1961, désireux de faire monter les enchères et moins pressé de conclure que le Général De Gaulle, le GPRA ajourne les négociations.

        - Le 11 avril 1961, le Général lance "Algérie, État souverain ".

        - Du 20 mai au 13 juin 1961, première conférence officielle France-GPRA à Évian.

        - Le 11 juillet 1961, le Général De Gaulle affirme "l'Algérie, État indépendant ".

        - Du 20 au 28 juillet, ouverture de pourparlers France-FLN à Melun.

        - Le 31 août 1961, au Conseil des Ministres qu'il préside, le Général De Gaulle exprime fermement sa "volonté de dégagement".

        Depuis 1959, qu'elles soient secrètes ou non, les tentatives de négociations viennent toujours du gouvernement français, assorties de concessions verbales ou dans les textes, d'un rythme et d'une intensité sans cesse croissants.

        D'autre part, surgissent, en juin 1960, le Front pour l'Algérie française (FAF) et l'OAS, en février 1961. Le FAF, patronné par cinq députés musulmans, élus à l'Assemblée nationale dans l'euphorie illusoire de mai 1958, et le Bachagha Boualem, son Vice-Président. Véritable et éloquente lame de fond, un mois plus tard, il compte un million d'adhérents, et rassemble "tous ceux, musulmans et européens qui ont décidé de lier leur sort à celui de l'Algérie française" (2).

        Le Général De Gaulle, considérant comme seul "interlocuteur valable" le FLN, refuse de les associer aux décisions qui les touchent directement et méprise leurs angoisses. Ils ne sont pour lui que troublions gênant ses desseins et la bonne marche des négociations. Et voilà qu'en février 1962 apparaît l'OAS dont la détermination violente cristallise leur ultime espoir de se faire entendre dans l'indifférence, quand ce n'est pas l'hostilité savamment entretenue de la Métropole. Pour le Gouvernement, il est donc urgent d'aboutir, ses réactions vont s'enchaîner rapidement.

        - D'octobre 1961 à janvier 1962, contacts secrets avec le FLN.

        - 20 décembre 1961, réunion du Comité des Affaires Algériennes. Le résumé des "décisions prises en vue du maintien de l'ordre public" est signé par le Général De Gaulle. Ces décisions sont immédiatement transmises par Michel Debré, Premier Ministre, au Commandant Supérieur des Forces en Algérie (GENESUPER) qui est, depuis le 13 juin 1961, le Général Ailleret.

        - Le 24 décembre 1961, sans attendre, le Général Ailleret adresse un "message urgent" au CA d'Oran, d'Alger, de Constantine, à PREMAR et, bien sûr, au Ministre de la Défense Nationale à Paris.

        En voici quelques extraits significatifs : ..."La mission essentielle en matière d'ordre public est actuellement de prévenir d'abord et si nécessaire de réprimer toute tentative OAS de se rendre maîtresse de tout ou partie de centres comme Alger, Oran, Bône, etc...". Suivent les consignes pour "ouverture du feu après sommations sur tout élément et tous individus menaçant les FO ou s'opposant à leurs mouvements...", ou sans sommations, "en riposte à élément séditieux armé ayant fait usage de ses armes..." ou encore : "emploi armement grande puissance et léger des engins blindés" et enfin : "Feux aériens subordonnés à autorisation GENESUPER et Véme RA - Feux navires subordonnés à autorisation GENESUPER et PREMAR IV". (Souligné par nous).

        Message du 24 décembre 1961, signé Ailleret et portant en tête la mention : "Attention ! Message chiffré non démarqué à ne pas diffuser tel quel... ne pas déclasser".

        - Du 11 au 19 février 1962, conférence secrète aux Rousses, Joxe-Krim Belkacem.

        - Du 7 au 18 mars 1962, 2éme conférence d' Évian : accord France-GPRA et libération de Ben Bella et de ses compagnons.

        - Le 8 avril, en Métropole, le peuple français, consulté habilement par référendum, avalise les accords d'Évian dont il ne connaît ni le contenu, ni les carences, et qui n'offrent aux français d'Algérie, européens, musulmans et surtout musulmans ayant servi la France, aucune garantie réelle. Le proche avenir ne tardera pas à le démontrer, tandis qu'ils sont immédiatement remis en cause par le FLN.

        Entre cette deuxième conférence d'Évian et le référendum, nous avons atteint, en Algérie, le paroxysme du drame.

        - Le 19 mars 1962, est signé le "cessez-le-feu" bilatéral à midi, terme officiel qui enferme l'Armée française dans ses casernes tandis qu'enlèvements et assassinats se multiplient.

        - 23 mars 1962, blocus total de Bab-el-Oued.

        - 26 mars 1962, fusillade place de la Poste et rue d'Isly (64 morts recensés, et plus de 200 blessés, dont certains mutilés à vie).

        Les engins blindés de la Gendarmerie mobile ont employé leur "armement à grande puissance et léger", le 23 mars, contre les façades aux volets fermés des immeubles de l'avenue de la Bouzaréa" à Bab-el-Oued, tandis que des avions en piqué mitraillaient les terrasses. Le 26 mars, huit sections du 4ème RT fraîchement arrivées de Berrouaghia, conformément aux directives du général De Gaulle qui n'hésitait pas à préciser des détails : " ...les forces militaires formées en colonnes entreront dans la ville et disperseront les éléments insurrectionnels " (réunion du Comité des Affaires Algériennes du 20 décembre 1961), sont réparties en quatre points. Ce sont celles de la 6ème Compagnie qui sont placées à l'entrée de la rue d'Isly. Ces Tirailleurs n'ont, bien sûr, pas reçu la moindre formation spéciale, même accélérée, au maintien de l'ordre en milieu urbain. Ils sont fatigués et tendus d'être, depuis une semaine, ballottés par le Commandement, d'un quartier à l'autre, dans cette grande ville inconnue, affolante par l'atmosphère qui y règne, pour se trouver, enfin, déployés place de la Poste et rue d'Isly, face à la foule des Algérois en mouvement vers Bab-el-Oued. Ces hommes disposent de l'armement normal de campagne, utilisé dans le djebel : pistolets-mitrailleurs, fusils et fusils-mitrailleurs. La panique va les conduire à s'en servir... Certes, leur officier ne leur a pas donné l'ordre de tirer. En dépit de tout ce qui a pu être dit par la suite, le véritable responsable du drame c'est le Commandement qui les a placés là, donc, l'Armée.

        Pour ce résumé difficile tant faits et sentiments s'imbriquent, nombreux et complexes, je n'entrerai pas dans les détails que j'ai longuement étudiés par ailleurs (3), car l'objet actuel de ce complément concerne l'attitude de la Marine, sans oublier le général Ailleret, relais local des ordres venus de Paris.

        En 1962, le Surcouf, escorteur d'Escadre D621, est un bâtiment relativement récent. Construit à l'arsenal de Lorient, il a été mis à flot en octobre 1953 et dispose des équipements les plus modernes. Il présente, à l'avant, une tourelle double de canons de 127 et, par ailleurs, des canons de 57 et des tubes lance-torpilles (TLT). Entré en service en 1955, il porte, depuis 1959, la marque de l'Amiral Commandant la Flottille d'Escorteurs d'Escadre (ALFEE) et fait partie de l'Escadre de Méditerranée. Début janvier 1962, il est à Toulon. "Les exercices individuels ou de flottille se poursuivent à un rythme élevé. Le Surcouf et l'Escadre participent à plusieurs sorties d'intérêt majeur, notamment "Big Game ", du 29 janvier au 4 février, et "Dawn Breeze 7" du 6 mars au 4 avril, avec escale à Ajaccio, Naples, Bizerte, Alger, Mers-el-Kébir. " (4).

        Du 14 au 16 mars, il est à Naples ; du 23 au 25 mars, à Bizerte. Dans la nuit du 25 au 26, il reçoit l'ordre de stopper dans la baie d'Alger, face à Bab-el-Oued. Aucun des rares documents qu'il est possible de consulter ne permet de savoir si cette escale était exactement prévue à cette date. Il porte alors la marque du Contre-Amiral Bailleux, Commandant la Flottille. Tel une suite au message de 1961 du Général Ailleret, cet arrêt, en cet endroit, à ce moment là, donnait soudain au bâtiment l'aspect d'une menace réelle et redoutable.

        Accaparés par le déchaînement des violences, nous n'y avions pas prêté attention à l'époque. Par la suite, journalistes et historiens ne se sont guère posés de questions sur cette présence insolite, bien trop opportune pour être fortuite, car le message du Général d'Ailleret n'a été rendu public que beaucoup plus tard. Nous en trouvons trace dans l'ouvrage de Paul Henissart, paru en 1970 (5), sous forme d'une mention laconique : "La flotte qui croisait le long des côtes fut mise à la disposition du Commandant en Chef". Puis, vingt ans plus tard, dans deux ouvrages d'André Figuéras, "Onze amiraux dans l'ouragan" (1991) où, sous le titre "Du nouveau en 1961", une brève mention nous apprend que "le Commandant Picard d'Estelan, Commandant le Surcouf, fut mis en demeure, d'ordre direct du Général De Gaulle, d'ouvrir le feu de ses gros canons sur Bab-el-Oued", et, "Pétain et la Marine" (1992) où on peut lire un "complément d'information apporté par cet officier".

        Grâce à un aimable correspondant, j'en ai pris connaissance en février 1999, soit trente sept ans après les heures dramatiques que nous vivions à Alger. J'ai voulu en savoir plus. Pour toutes les études que j'ai réalisées sur des points de notre histoire contemporaine, je me suis rendue au Service Historique, puis dans des bibliothèques, mais surtout je me suis efforcée de prendre contact avec des témoins au nombre amenuisé par les années passées, susceptibles d'apporter un peu de chair aux documents libérés. Il m'a toujours semblé indispensable de leur donner la parole tant que c'est encore possible.

        A propos de la présence du Surcouf dans la baie d'Alger, les 25 et 26 mars 1962, je n'ai presque rien trouvé au Service Historique de la Marine, encore moins au Musée de la Marine mais j'ai, heureusement, pu rencontrer le Commandant Picard d'Estelan, et j'ai reçu le témoignage d'un autre officier.

        Ce dernier, Henri Morfin, Capitaine de Vaisseau honoraire, était alors Capitaine de Corvette, Commandant en second du Surcouf depuis le mois d'octobre 1961. Il se souvient : "A partir du mois de mars 1962, l'Amiral Bailleux a embarqué à Toulon avec son Chef d'État-Major, le Capitaine de Frégate Paul Gueirard et un État-Major réduit. Le Capitaine de Vaisseau Picard d'Estelan, Commandant du Surcouf, devenait son Capitaine de Pavillon. Heureusement que l'Amiral était présent, cela mettait le Commandant à l'abri de toute pression extérieure intempestive.

        Nous participions à des exercices avec la Flottille. Nous nous trouvions à Bizerte le 23. Nous avons pris la direction d'Alger le 25 et mouillé en face de Bab-el-Oued, vers 7h30 le 26. En fonction de l'évitage du bâtiment (espace libre nécessaire à notre mouvement), j'avais fait orienter les canons vers la mer et mis l'équipage au repos, torse nu sur le pont, service du dimanche. Plus tard, nous avons été survolés par un hélicoptère où l'on distinguait un Général qui semblait très intéressé par le farniente évident de l'équipage.

        Le Chef d'État-Major est parti en vedette chercher les ordres du GENESUPER à la Régahia. Il a été arrêté trois fois aux barrages parce qu'il n'avait pas le mot de passe ! Au bout de deux heures, je l'ai vu revenir avec des plis qui, m'a-t-on dit, n'ont jamais été ouverts. Le Commandant me l'a d'ailleurs confirmé : " Les ordres sont dans mon coffre, ils ne seront pas ouverts ". Non suivis d'effets, ces ordres n'ont pas été connus à mon échelon. Il serait intéressant de les retrouver aux archives...

        Nous sentions bien que des choses graves se passaient à terre. Dans l'après-midi, le Lieutenant de Vaisseau responsable des Transmissions a essayé d'intercepter des communications sur une longueur d'onde de la Police, mais il n'était question que de déplacements de véhicules. Nous n'avons appris la fusillade que plus tard. Nous avons appareillé le 27 au petit matin en direction de Mers-el-Kébir, pour reprendre le cours de nos exercices avec la Flottille. Le 31 mars, nous repassions devant Alger, mais au large cette fois.

        Comme je n'ai jamais caché mes sentiments sur ce que j'appelais "la capitulation d'Évian" et les malheurs qui ont suivi les accords, en 1965, mon Ministre m'a prié d'aller exercer mes talents ailleurs. J'ai terminé ma vie active comme ingénieur dans une filiale de Renault."

        Le Capitaine de Vaisseau honoraire Jean Picard d'Estelan, à l'époque, Capitaine de Frégate, a pris le Commandement du Surcouf le 21 mai 1961 et il l'a quitté le 15 juin 1962. Il a accepté de me recevoir. Vif, chaleureux, il a aimablement répondu à mes questions, centrées sur le point particulier de sa carrière qui a soudain coïncidé avec un épisode douloureux, et maintenant lointain, de notre histoire.

        F.D. - Avant de vous rencontrer, j'ai tenté de me renseigner sur le Surcouf, au Service Historique de la Marine, à Vincennes. Je n'ai reçu à consulter que quelques documents très techniques - votre rapport de fin de Commandement, par exemple - ou celui de la "condamnation" du Surcouf en 1972, mais aucun carnet de bord. Vous commandiez le Surcouf en 1961-1962. J'ai remarqué qu'on ne trouve, ni dans les très rares documents, ni dans les quelques ouvrages communiqués où il est cité, aucune mention de ces années, ni bien sûr, de l'escale à Alger, le 26 mars 1962. Impasse totale... n'est-ce pas étonnant ? Comme je posais la question, on m'a répondu que les documents et carnets de bord étaient maintenant dans les archives des ports d'attache des bâtiments. C'est donc Lorient pour le Surcouf, je n'y suis pas allée...

        P.E. - C'est sûrement étonnant. Moi aussi, j'ai essayé d'obtenir des archives auprès des Services Historiques de Lorient et de Brest. Je n'ai reçu que quelques bricoles. Je n'ai même pas eu la liste officielle de mon équipage et j'ai dû reconstituer de mémoire celle des officiers de mon équipage! Je pensais que la Marine avait conservé les documents. Mais il faut remarquer que rien d'autre que les mouvements du bateau n'a figuré dans les archives du Surcouf puisque, finalement, il ne s'est rien passé...

        F.D. - Ou qu'elle ne tient pas à ce qu'ils soient divulgués... La Flottille est partie de Toulon en janvier 1962...

        P.E. - Oui. Il y a eu, à partir du 28 janvier, un exercice combiné entre l'escadre de Méditerranée et le Flotte Américaine. Un exercice parmi beaucoup d'autres. Le thème, très classique, était d'assurer la maîtrise de la Méditerranée occidentale contre les attaques aériennes et sous-marines d'un "pays rouge". J'étais le chef d'un groupe de chasse anti-sous-marins, composé du Surcouf et de l'américain Putnam. Expérience intéressante de coopération entre deux navires équipés d'appareils de détection et d'armes différents. Par mauvaise mer, nous avons apprécié la complémentarité des deux types d'équipements et constaté que nos appareils étaient performants.

        F.D. - Courant mars, vous avez fait escale à Ajaccio, puis à Naples...

        P.E. - Nous étions à Naples du 15 au 21 mars. C'est là que nous avons appris la signature des Accords d'Évian et le Cessez-le-Feu. J'ai réuni l'équipage et je leur ai dit : vous en penserez ce que vous voudrez, mais, en fait, il s'agit d'une défaite pour la France. Je ne tolèrerai donc pas de manifestations de satisfaction. Nous étions entourés d'autres bateaux qui ont tout entendu. Ce n'était pas un secret. D'ailleurs, j'étais déjà "classé".

        F.D. - Vous êtes ensuite arrivé à Bizerte le 22 mars. L'escale du Surcouf, dans la baie d'Alger, faisait-elle partie des exercices prévus ?

        P.E. - Non, l'ordre est venu de Paris, via l'Amiral d'Escadre, de mettre deux Escorteurs d'Escadre à la disposition du Général Ailleret, l'Amiral d'Escadre a désigné le Contre-Amiral Bailleux, Commandant la Flottille et ayant marque sur le Surcouf pour diriger cette mission. Les deux bateaux sous ses ordres étaient le Surcouf et le Maillé-Brézé, commandé par le Capitaine de Frégate Pomier-Layrargues.

        Nous sommes arrivés à Alger le 25 mars. Notre Chef d'État-Major (Capitaine de Vaisseau Gueirard) est allé se présenter au Chef d'État-Major du Général Ailleret. Et c'est verbalement qu'il a reçu l'ordre de se préparer à tirer sur Bab-el-Oued. Au retour, il a rendu compte à l'Amiral Bailleux. Je n'était pas présent. Je ne pense pas que l'Amiral Bailleux ait rencontré le Général Ailleret. Puis nous avons appareillé pour mouiller devant Matifou, à l'autre bout de la baie d'Alger. Nous avons ensuite reçu l'ordre de défiler devant Bab-el-Oued, à courte distance, le 26 au matin.

        Bab-el-Oued avait tous ses pavillons en berne, et nous avions envie d'y mettre les nôtres aussi. Mais nous ne l'avons pas fait et nous nous sommes éloignés très vite.

        Nous n'avons jamais appelé aux postes de combat.
        Mon opinion personnelle est, qu'après le drame de la rue d'Isly, on a essayé de faire participer la Marine et l'Armée de l'Air à la répression. La Marine a dit : non. J'insiste sur le fait que je n'ai jamais reçu de l'Amiral Bailleux d'ordre inacceptable. L'Amiral savait que je refuserais et, je le savais du même avis. Y a-t-il eu plus haut, et à quel échelon, un refus formel, je ne le sais pas.

        Le 31 mars, le Surcouf est repassé devant Alger, au large cette fois, pour la poursuite des exercices.

        Comme je l'ai dit, je n'ai pu consulter que très peu d'ouvrages et de documents, et je n'y ai trouvé aucune précision sur l'escale d'Alger, le 26 mars 1962, quand elle n'était pas simplement escamotée.

        Par exemple, on lit :
        - Dans "Les flottes de combat" (7) une très intéressante description des capacités offensives du Surcouf, que le Général Ailleret espérait voir employées contre Bab-el-Oued. "Tous les affûts et tourelles sont télécommandés à partir de télépointeurs munis d'appareils optiques et de radars à poursuite automatique, stabilisés au roulis et au tangage. Ravitaillement semi-automatique depuis les soutes jusqu'à la culasse, quel que soit le pointage des pièces en hauteur et direction. Grande cadence de tirs... ".

        Mais l'auteur passe de "la refonte à Brest en 1961-1962 pour le transformer en bâtiment de Commandement", à la mention de son affectation à l'Escadre de Méditerranée "de 1961 à 1964", sans plus de précision.

        - Dans le bref historique figurant au rapport du Contre-Amiral Sanguinetti : "En 1961, il reprend de l'activité à TOULON, BIZERTE, MER-EL-KEBIR (majuscules dans le texte). Il rallie BREST pour un nouveau grand carénage à la fin de 1964... "(8). Rien sur l'Escadre de Méditerranée, ni sur les exercices "franco-américains d'intérêt majeur"(4) et Alger n'est pas mentionné.

        - Dans le très bel ouvrage "De nouveaux noms sur la mer"(9), nous passons d'octobre 1961 où "le Surcouf arrive à Toulon pour remplir le rôle de Bâtiment de Commandement de la 1ère FEE"... à mai 1962 où il est à Brest "pour participer à une grande manifestation navale de réconciliation entre la France et l'Allemagne"...

        Enfin, dans "Escorteurs d'Escadre"(4), sorti en 1997, l'escale d'Alger est simplement mentionnée dans le passage cité précédemment.

        Certes, dans tous ces exemples échelonnés dans le temps, il s'agit d'historiques courts. Il est pourtant permis de s'étonner que, dans aucun, le choix des faits estimés assez importants pour être cités, n'ait comporté cette escale d'Alger.

***************

        Remplacé par le Général Fourquet, le Général Ailleret a quitté Alger le 25 avril 1962, un mois après le drame, alors que les Français d'Algérie, choqués au plus profond, désespérés, se précipitaient vers les rares bateaux et les avions, dans une fuite éperdue.

        Le 8 mars 1968, il a trouvé la mort dans l'accident d'avion qui devait le ramener de La Réunion, "accident" discrètement annoncé et fort peu expliqué (10). En métropole, les Français d'Algérie se débattaient alors dans les difficultés sans nombre de l'adaptation à un déracinement mal préparé qui les révoltait. Volontiers fatalistes, ceux qui l'on su y ont vu la marque d'une justice immanente.

        Le Surcouf, après un grand carénage à Brest, participa, à partir de 1965, aux activités de l'Escadre d'Atlantique. En 1971, il fut abordé de nuit par le pétrolier soviétique "Général Boucharov" dont l'étrave enfonça son flanc tribord à l'avant de la première cheminée. Il y eût un blessé grave et cinq disparus.

        "L'Escorteur d'Escadre Surcouf n'étant ni réparable, ni réutilisable dans sa situation actuelle, je vous propose de condamner le bâtiment afin de l'utiliser comme cible pour des tirs de Marine" écrit le Contre-Amiral Sanguinetti au Ministère de la Défense Nationale (8).

        Triste fin pour un navire commandé, un jour, par des officiers qui surent, en refusant de tirer, donner au mot Honneur, son sens le plus haut.

NOTES
(1) Brouillon autographe, "premier jet", comportant de nombreuses ratures et corrections, d'un discours prononcé à l'Hôtel-de-Ville d'Alger par le Général De Gaulle, le 26 mars 1944. Adjugé pour 100000 F à un acheteur resté anonyme. (Extrait du catalogue de l'Hôtel des Ventes Drouot, Paris 11-12-98).
(2) "Autopsie de la guerre d'Algérie", Ph. Trippier, Éd. France-Empire (1972), d'où sont également extraites la plupart des dates qui précèdent.
(3) "Un crime sans assassins", Marie-Jeanne Rey et Francine Dessaigne, Éd. Confrérie-Castille (1994).
(4) "Escorteurs d'Escadre", R. Dumas et J. Moulin, Éd. Marine (1997).
(5) "La dernière année de l'Algérie Française", P. Hénissart, traduit de l'américain par B. Fournels, Éd. Grasset (1970).
(6) Publications A. Figuéras, BP 575 - 75027 Paris Cedex 07.
(7) "Les flottes de combat", H. Le Masson, Éd. Maritimes et d'Outre-Mer, Paris (1962).
(8) Rapport au Ministre de la Défense Nationale, pour l'Amiral Joybert, Chef de l'EM de la Marine, P.O. le Contre-Amiral Sanguinetti, Major-Général de la Marine (21-04-1972).
(9) "De nouveaux noms sur la mer", Contre-Amiral R. Frémy et Capitaine de Vaisseau G. Basili, ACORAM (1994).
(10) Curieusement, un roman de politique-fiction a paru, au Canada, en 1977 : "Mort d'un général" de John Saul, traduit en français et édité la même année par le Seuil ; puis réédité par Rivages en 1997. L'étude des milieux politico-militaires semble correspondre à des recherches ou des contacts sérieux. L'auteur avance une hypothèse plausible à propos des responsables de "l'accident", et donne une description très critique du caractère du "général Marcotte", clone d'Ailleret.

        

COUP-D'ŒIL SUR LES
INSTITUTIONS COLONIALES
Algériennes
CHAMBRES DE COMMERCE
ET TRIBUNAUX DE COMMERCE
ALGÉRIENS

E. PERSONNEAUX
Courtier maritime et de commerce, interprète pour l'anglais

ORAN 1861
TYPOGRAPHIE ET LITHOGRAPHIE AD. PERRIER, EDITEUR
9, BOULEVARD Oudinot


                                                                         Vous rendrez la même justice à l'étranger
                                                                         comme à celui qui est né au pays ;
                                                                         car je suis l'Eternel votre Dieu.
                                                                                                 (Lévy, XXIV.22)

                                                                                Quiconque ne fait pas ce qui est juste,
                                                                                et n'aime pas son frère,
                                                                                n'est point de Dieu.
                                                                                       (st-Jean,1ère ep, ch.IV, V 10)

*****
A MONSIEUR LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DES AFFAIRES CIVILES.

       MONSIEUR LE DIRECTEUR GÉNÉRAL,

       Permettez-moi de vous présenter ce travail.

       L'Empereur, qui veut délivrer notre belle Colonie de toutes les entraves qui arrêtent son essor vous a, sur la proposition de S. Exc. le duc de Malakoff, chargé d'une haute mission de réorganisation.
       L'initiative de toute réforme vous appartient, et bien que celle que je vous soumets ne soit pas de l'ordre politique, elle n'en est pas moins en rapport avec vos idées libérales, car elle peut contribuer à affranchir notre commerce et à faciliter l'œuvre d'assimilation résolue par Sa Majesté.
       Ce qui m'encourage le plus, Monsieur le Directeur général, à vous prier d'accepter cet opuscule, c'est qu'il est le résumé des observations de tous, bien plus encore que le fruit de mon expérience et de mes réflexions personnelles.

       Daignez agréer, Monsieur le Directeur général, l'assurance du profond respect de votre très dévoué serviteur,

E. PERSONNEAUX
Oran, le 10 mai 1861.

*****
CHAMBRES DE COMMERCE
L'opinion publique remporte les dernières victoires
(NAPOLÉON III)

       Les institutions commerciales, qui touchent à de si nombreux et de si susceptibles intérêts ont, parfois, besoin d'être examinées et discutées par ceux qui sont soumis à leur influence, surtout quand, dans les transactions qui doivent faire vivre ces personnes, il se révèle à elles un malaise indéfinissable, et que dans le négoce il y a des langueurs et des à coup ruineux auxquels il importe de chercher un remède pour faire disparaître les embarras existants et nuisibles.
       S. M. Napoléon III, initiée par ses séjours en Suisse, en Angleterre et ses relations avec les États-Unis, aux principes féconds de la liberté du commerce a, après avoir donné à la France l'ordre matériel sans lequel on ne peut rien faire, et par Malakoff et Solférino, jeté un baume sur de vieilles blessures nationales, a, disons-nous, voulu, par le traité de commerce qu'Elle a conclu avec l'Angleterre, donner à notre industrie les matières premières qui lui manquent; procurer à notre travail la liberté et les moyens de mettre à jour nos conceptions pouvant se réaliser; faciliter à notre agriculture l'acquisition des instruments en fer qui lui font défaut; et infuser à notre commerce, étouffant dans les entraves et les serres chaudes de la protection, un sang nouveau, généreux, pour combattre l'appauvrissement continu que le régime séculaire du système prohibitif avait créé en France, au grand détriment de la masse populaire à laquelle ce régime exceptionnel et exclusif n'était point favorable.
       Les pensées rénovatrices de Turgot, en fait de commerce, délaissées depuis tant d'années, si malheureusement pour notre pays, lâchant trop souvent la proie pour l'ombre, et plus avide de paraître que d'être, reparurent, grâces à ce traité, avec leur raison éternelle d'être; et la nation, au lieu de se passionner, sans avantage pour elle, dans des discussions théoriques générales sans portée, fut conviée à expérimenter et à discuter chez elle des choses depuis longtemps pratiquées avec avantage, tant en Angleterre qu'en Suisse et aux Etats-Unis; partout enfin où le génie de l'homme, débarrassé des ténèbres et des préjugés du passé ne craint pas au grand jour d'exercer sa liberté de pensée et de soumettre les résultats de sa conception réalisée au libre examen de tout le monde, invité également et mutuellement à donner et à subir la critique de toute oeuvre provenant de l'homme.

       Des discussions que nous avons trouvées, pour notre compte, plus ardentes que justes ont donc été soulevées en France au sujet de ce traité progressif. Le grave Sénat lui-même, auquel une lettre impériale, insérée au Moniteur, avait dû précédemment rappeler que ses fonctions étaient d'une nature plus élevée que celles d'un bureau d'enregistrement, montra dans les débats, (lui furent la conséquence de l'adoption de ce traité commercial (conclu en dehors et sans l'attache du monopole, plus compromettant qu'utile pour les gouvernements), une ardeur juvénile, de bonne augure, pour le jour où au lieu de défendre, contre la pensée impériale initiatrice et les intérêts du peuple, un passé commercial jugé par ses oeuvres aussi ruineuses que déplorables, il songera à s'associer de cœur et d'esprit à toute pensée régénératrice pour débarrasser l'avenir des langes cachés qui le font tant souffrir en empêchant sa croissance.
       Ce traité, dont les conséquences probablement se feront sentir un jour ou un autre en Algérie, non mieux dévotement mais plus rationnellement colonisée, ce traité qui peut-être n'est pas étranger au séjour parmi nous d'un illustre Anglais clairvoyant, que les soins de sa santé ont tenu , dit-on , éloigné des bruines de la Grande-Bretagne, aurait dû être de la part de nos Chambres de commerce l'objet (l'appréciations relatives à son application, ainsi que de remarques sur les facilités à apporter à son exécution, notamment en ce qui concerne les différents articles que les Anglais peuvent nous livrer à bas prix ainsi que sur les matières premières qu'ils peuvent emporter de la colonie, soit en échange, soit comme achat; et enfin d'observations sur les droits de tonnage imposés aux navires étrangers, droits différentiels qui suffisent pour arrêter bien des transactions.
       Peut-être ces appréciations ont-elles été faites. Il est même hors de doute qu'elles ont été faites; mais le mutisme et le défaut de publicité inhérents à l'Algérie, où les corps constitués de l'Agriculture, du Commerce et autres ne croient pas utile de se mettre en communication avec l'opinion publique, dont ils ne relèvent point, et qui n'est point consultée dans les comices agricoles, les réunions commerciales ou autres, n'ont pas permis de connaître ces appréciations qui, en tous cas, ont été faites à huis clos, ni d'en examiner les motifs.

       Ce silence, qui ne réveille rien et qui ne trouble le sommeil de personne, est-il un bien ?
       Cette indifférence, pour le jugement de la masse, compté pour rien, est-elle un mal ?
       Nous n'avons pas à nous en préoccuper actuellement. Ce dont nous voulons parler exclusivement, c'est de la composition des Chambres de commerce algériennes, si discrètes qu'elles évitent de faire parler d'elles; qu'on ne les connaît que par ouï dire, et par les impôts qu'elles occasionnent; chambres qui, se tenant en dehors de la discussion, en général, ne représentent peut-être pas les intérêts toujours bruyants de l'avenir ayant besoin d'être dirigés et conciliés, mais peut-être plutôt les intérêts d'un passé satisfait qui, n'ayant plus rien à désirer, aime à jouir dans une douce quiétude de ce qu'il lui a été loisible d'acquérir.
       Cette composition, du reste , nous le reconnaissons, a:dû autrefois être logiquement faite comme elle l'a été : en raison d'une part, quant à la création de l'institution, de nos instincts libéraux; et d'autre part, quant à l'organisation des principes restrictifs qui prédominaient, il y a plusieurs années en France. Mais aujourd'hui que les principes restrictifs sont mis de côté comme rétrogrades, les corps issus d'eux doivent-ils continuer à subsister quand même tels quels, en contradiction avec le nouveau régime inauguré?

       Aux termes du décret du 3 septembre 1851, qui régit aujourd'hui les Chambres de commerce algériennes, un nombre assez restreint d'électeurs participe, aujourd'hui en Algérie, à la nomination des membres des Chambres de commerce. Ce décret a aboli l'arrêté du Président du pouvoir exécutif, en date du 19 décembre 1848, conférant le suffrage universel aux commerçants, dans ce qui était des élections commerciales de leurs chambres consultatives.
       Cette exclusion des uns est-elle, justifiée ?
       Cette admission des autres est-elle motivée?
       On ne sait.
       Le cens électoral jadis avait un point d'arrivée et de départ.
       Il fallait payer 200 fr. d'impôt pour être électeur politique. Cela était connu de tout le monde; en satisfaisait quelques-uns, en mécontentait beaucoup, et cela a donné lieu à bien des discussions qui ont fini, une fois bien comprises, par faire participer chacun à l'exercice de son droit dans le suffrage universel politique.

       Mais ce suffrage universel politique, qui est consulté de temps à autre sur des sujets très abstraits et par lequel répondent hardiment bien des gens qui ne savent pas môme lire, sans compter ceux dont l'intelligence est tant soit peu obtuse, n'a pu encore se faire admettre dans les élections commerciales, qui sont une de ses divisions naturelles.
       Pourquoi? Ne serait-ce pas parce que les commerçants n'ayant jamais vécu que sous le régime du privilège et du monopole ignorent ce qui pourrait se faire en dehors du privilège et du monopole et n'ont jamais songé à réclamer le suffrage universel commercial ; bien que ce suffrage universel spécial, mis en pratique dans sa sphère par des gens sachant lire, écrire, compter, payant patente, connaissant sur quoi ils vont voter, aurait certainement du bon et aiderait au progrès de l'avenir.
       Encore, si dans ce qui est aujourd'hui, pour les Chambres de commerce algériennes, il y avait un cens électoral quelconque, les commerçants sauraient quand ils pourraient y arriver. Mais rien de cela n'existe, c'est le choix seul du pouvoir supérieur qui, sur la proposition toute arbitraire des préfets, crée des électeurs commerciaux (art. 4 du décret du 50 août 1852 et 1er de l'ordonnance royale du 24 novembre 1847).

       Certes, le choix fait est des plus honorables et on ne peut que l'approuver, car il réunit, nul ne l'ignore, toutes les conditions voulues de fortune, de probité, de capacité ; seulement il a le défaut de ressembler au choix que le Pape fait en créant, motu proprio des cardinaux qui, comme chacun le sait, représentent toutes les vertus théologales et tous les mérites sanctifiants de la chrétienté; mais ce choix cependant n'est pas complètement approuvé par les opinions assez nombreuses non consultées, qui étant mises de côté comme sans valeur, créent bien des dissidences, s'il faut en croire les étonnements dont on nous entretient.
       Le choix des électeurs commerciaux algériens, quelque parfait qu'il soit, est, du reste, assez restreint ainsi qu'on pourra en juger par les chiffres suivants qui concernent Oran.
       Dans cette province, qui compte près de 65000 colons européens, presque tous faisant du commerce (le chiffre des travailleurs de terre européens étant minime), neuf membres composent sa Chambre de commerce (art. 2 de l'arrêté du Président du pouvoir exécutif du. 19 décembre 1848).
       Ces membres se répartissent ainsi, savoir : 6 français, 1 musulman, 1 indigène et 1 étranger, total 9.
       Le nombre des électeurs privilégiés appelés à concourir à l'élection de ces membres est ainsi détaillé : français 46, étrangers 5, indigènes 5, total 56, s'il faut en croire Ménerville (édition de 1860), bien que le total y soit porté à 62.

       Peut-être y a-t-il là une erreur; mais comme dans ce qui touche au commerce, une erreur de plus ou de moins de la part de ceux qui n'en vivent pas, ne fait rien pour ce qui nous intéresse, nous ne chercherons pas à rectifier cette erreur, si erreur il y a, et, en tout cas, nous admettrons même le chiffre de 62 comme base de raisonnement ainsi qu'on le verra plus loin.

       Or, ce chiffre restreint d'électeurs commerciaux, chargés par l'autorité non commerçante, de représenter les intérêts divers et contradictoires des commerçants d'Oran, de Mostaganem, de Mascara, de Sidi-bel-Abbès, de Tlemcen, sans compter ceux d'Arzew, du Sig, de Tiaret, de Nemours, etc., est-il bien suffisant?
       Depuis 1851, la population algérienne ne s'est-elle pas plus enracinée au sol que celle qui l'avait précédée? Par la famille, cette population n'a-t-elle pas augmenté? Des mariages mixtes entre français et étrangères, et entre étrangers et françaises, n'ont-ils pas uni ce qui ne tenait pas à être divisé? Des constructions importantes ne se sont-elles pas édifiées, laissant bien loin derrière elles les bicoques existantes en 1851 ? Des campagnes n'ont-elles pas été bâties, défrichées, plantées? Des intérêts nouveaux, nombreux, ayant besoin qu'on les écoute, ne se sont-ils pas créés?
       Sidi-bel-Abbès, par exemple, qui, en 1851, à l'époque où nous y vivions, n'était qu'un camp, où les serpents et les perdrix couraient en ville dans les broussailles, a aujourd'hui, tant dans son intérieur que dans sa banlieue, une population européenne qui dépasse 5000 habitants. Cette ville a des constructions urbaines et des usines industrielles extra-muros ; et il en est dont la valeur atteint près de 100000 fr. Or, cette ville n'a-t-elle pas quelques droits à être représentée personnellement dans une Chambre de commerce provinciale?

       Tlemcen à qui, enfin, on vient d'octroyer un tribunal de première instance, ce qui constate l'importance que cette ville a prise, ne devrait-elle pas, dans une assemblée commerciale départementale, voir figurer quelques représentants?
       Et ainsi de suite de Mascara, de Mostaganem et du reste. Or, en raison justement de cet accroissement de toute nature qui témoigne de la vitalité coloniale, n'y aurait-il pas dû, proportionnellement et graduellement, y avoir une augmentation dans le chiffre des électeurs commerciaux pouvant participer aux élections de la Chambre de commerce de la province d'Oran?
       Et ce qui est vrai d'Oran, ne l'est-il pas également des deux autres provinces ?

       Le commerce, qui est d'une nature quelque peu soupçonneuse, parfois un peu médisante, mais, somme toute, attaché à l'ordre, an travail, et, pardessus tout, à la paix féconde , aime assez à voir clair dans ce qui le concerne spécialement, et il ne supporte qu'impatiemment qu'on fasse ses affaires sans son avis préalable ; car, en fin de compte, il lui faut payer, et personne mieux que lui rie sait ce qu'il y a au fond de la bourse. Aussi tient-il à s'exprimer en raison de ses intérêts engagés et de ceux qu'il pourrait risquer. Le commerce éprouve donc le besoin de liberté et d'égalité, et s'il se tient coi, en raison de son esprit de tranquillité, il n'en est pas moins très aise quand on lui offre la facilité d'user de ces deux biens, ce que le monopole et le privilège ne font guères en raison de leur esprit d'absolutisme et de domination.
       Examinons donc, au nom de la liberté et de l'égalité commerciales que S. M. Napoléon III a fait toucher du doigt à la France, par le traité de commerce avec l'Angleterre, les institutions et la composition de ce qui touche au commerce algérien, de manière à pouvoir arriver à nous mettre à l'unisson avec notre grande rivale maritime, commerciale et coloniale.

       Et d'abord, le chiffre de 56 ou 62 électeurs commerçants pour la province d'Oran, peu importe le chiffre de 62 (qui satisfait peut-être plus ou moins quelques intérêts favorisés), satisfait-il assez la province pour représenter tous les intérêts contradictoires engagés dans son commerce ?
       Et le nombre de UN membre étranger dans la composition de cette Chambre de commerce, est-il bien équitablement en rapport avec le chiffre de vingt et quelques mille étrangers qui sont venus coloniser la province ? étrangers mariés, pères de famille, propriétaires et qui ayant ici tout mis en construction ne s'en iront pas probablement du jour au lendemain.
       Et ce chiffre de UN représentant de puissants et industrieux intérêts étrangers est-il bien un encouragement libéral donné à l'émigration étrangère?
       Ce chiffre de UN ne pourrait-il être augmenté sans danger pour l'avenir des intérêts français ne voulant pas venir coloniser, et semblant s'opposer par ces restrictions à ce que d'autres viennent le faire?
       Cette quasi exclusion immotivée des étrangers, colons algériens, à la participation des élections coloniales qui intéressent leur fortune, est-elle un moyen bien intelligent d'attirer les capitaux étrangers dans la colonie où ils font défaut?
       Croit-on que cette exclusion sur laquelle, en public, on ne dit mot, ne soit pas en particulier et dans la correspondance intime l'objet de remarques amères?
       Croit-on, par exemple, que les Anglais, les grands capitalistes du monde, mais aussi les gens le plus librement individuels qu'il y ait sur terre, seront jamais tentés de venir s'installer flans un pays oit, indépendamment de l'absence de toutes les garanties de jury, de presse, qu'ils ont si largement chez eux, avec pleine et entière liberté religieuse, politique, judiciaire, etc., ils n'auront pas même la liberté commerciale qui leur est inhérente? et, au lieu de l'élection leur permettant de pouvoir faire entendre leur voix dans une assemblée sérieuse, ayant sa valeur réelle, ils ne rencontreront que ce qu'ils considéreront comme une ombre de représentation commerciale dans une ombre d'institution commerciale, pouvant disparaître du jour au lendemain, au gré de qui la crée.

       Si le nombre des élus était de 12, ce qui est possible en vertu de l'art. 6 du décret du 3 septembre 1851, savoir: 6 français, 5 étrangers, 2 israélites, 1 indigène, ce chiffre ne serait-il pas plus en rapport avec ce qui paraîtrait logique? En effet, les membres français, proportion gardée, auraient deux représentants nationaux, eu égard à leur population, contre un de la race étrangère européenne la plus favorisée; trois contre un de la race israélite et six contre un de la race musulmane. Cela semblerait d'après les chiffres une assez grande garantie pour les intérêts français qui ne sont pas peureux, chacun le sait, ainsi qu'ils l'ont toujours fait voir quand l'occasion s'est présentée pour eux de combattre sur un pied d'égalité.
       Seulement, si la Chambre de commerce d'Oran était portée à 12 membres, il y aurait à élever le nombre des électeurs français an moins à 60 pour les 6 éligibles que nous avons réclamés plus haut, ne votant que pour leurs compatriotes avec des bulletins blancs ; celui des étrangers, électeurs commerciaux, à 50 ne votant également que pour les 5 membres étrangers, au moyen de bulletins roses ; le nombre des électeurs israélites à 20 ne votant que pour les 2 membres leurs coreligionnaires, en se servant de bulletins bleuâtres, et enfin le nombre des électeurs indigènes à 40 ne votant que pour leur représentant, en employant des bulletins verdâtres.

       Ces bulletins devraient être délivrés par le secrétaire de la Chambre de commerce, lors de la remise des cartes d'électeurs imprimées sur carton des couleurs sus indiquées ; on pourrait employer d'autres couleurs si celles-ci déplaisaient; nous ne sommes pas absolu sur ce point.
       En faisant voter, comme cela a eu lieu jusqu'à présent, tous les électeurs pêle-mêle, on vicie les élections, on crée des confusions regrettables, on adultère le suffrage universel commercial dans son principe, on n'a pas l'expression vraie des intérêts réels. Aussi, est-ce en raison de cela que depuis longtemps nous demandons le vote distinct, jusqu'à ce que nos principes ayant pénétré toutes les personnes qui vivent à l'ombre protectrice de notre drapeau, où aucune couleur exclusive ne domine, mais où plusieurs harmonieusement se marient ensemble, ces personnes pourront, étant françaises de cœur, de mœurs, de dévouement, se fusionner avec nous et, unies de pensée, voter alors avec nous sur le pied de la plus parfaite égalité.
       Ce total de 120 électeurs, au lieu de 62 existants aujourd'hui, en admettant le chiffre le plus fort indiqué dans Ménerville, n'ébranlerait certes pas le commerce français, ni ne le jetterait pas dans le désarroi ; et il permettrait, sans doute, aux nouveaux et importants intérêts qui se sont créés à Oran depuis 1851, de faire entendre leur voix, comptée jusqu'à ce jour pour rien et complètement dédaignée, par ce qui, à nos yeux, représente bien plutôt le sénat commercial de la province que son corps législatif faisant défaut.

       Cette augmentation serait encore une preuve de plus donnée à l'enlèvement si lent de toutes les barrières douanières, commerciales, agricoles et autres qui entravent l'essor de l'émigration vers l'Algérie, et forcent cette émigration, au lieu de traverser la Méditerranée, voyage de 72 heures, à se détourner vers l'Amérique, où il faut trois mois pour se rendre.
       Aussi, grâces à ces barrières prohibitives que le monopole égoïste a sa habilement réclamer du pouvoir, non initié à toutes les combinaisons pratiques et théoriques de ce monopole, nos campagnes algériennes sont en friche, nos ports sont vides, la population qui ne veut pas travailler sans pouvoir discuter le prix de son travail manque; nos magasins sont bondés de marchandises qui vieillissent faute d'acheteurs. Mais qu'importe cela? le passé, maître de toutes les avenues, bien installé, ayant pour lui les législations qu'il s'est appropriées, vivant à son aise, se contente, car il a la large part. Il devrait au moins s'inquiéter si, de sa table, il tombe assez de miettes pour rassasier ceux qui, mis sous clef par lui, et ayant faim, ne peuvent aller au dehors gagner de quoi dîner.
       A Rome, on donnait tous les ans trois jours de licence aux esclaves pour se dégonfler; dans les colonies françaises il n'y a que les privilégiés qui s'amusent, même dans le carnaval. Encore si on avait trois jours de licence et de parole! mais on n'a pas même vingt-quatre heures !!!
       Cependant comme dans les attributions des Chambres de commerce se trouve le droit de présenter leurs vues sur les améliorations à introduire dans toutes les branches de la législation commerciale, y compris les tarifs de douanes et octrois; sur l'exécution des travaux et l'organisation des services publics qui peuvent intéresser le commerce et l'industrie, tels que : travaux de port, chemins de fer, postes, etc., il y a intérêt majeur pour plus d'un négociant à pouvoir présenter ses vues.

       L'avis des Chambres de commerce n'est donc point indifférent pour les négociants qui, étant prêts à mettre en regard le chiffre de leurs affaires commerciales avec celui de leurs rivaux préférés sans motifs plausibles, ne sont pas admis à participer à l'expression de cet avis.

       En effet, comme cet avis se demande sur les changements projetés dans la législation commerciale; sur les créations des bourses; sur les perceptions et droits des douanes; sur les tarifs et règlements des services des transports et autres établis à l'usage du commerce; sur les règlements si vagues, si peu précis, si peu connus, si mal déterminés, si contradictoirement appréciés du courtage maritime ; sur les projets de règlement locaux en matière de commerce ou d'industrie; il importe donc que cet avis soit l'expression, non d'intérêts exceptionnels ou satisfaits du privilège et du monopole, mais bien des intérêts nombreux nouveaux, en faveur desquels la liberté de commerce a été dernièrement reconnue nécessaire.
       Du reste, plus le commerce se sent libre, plus il entreprend plus il y a de patentes, plus le fisc encaisse, et plus il y a de concurrence, plus, comme conséquence, il y a de bon marché. Ainsi, il y a donc intérêt pour la société à favoriser tout ce qui peut contribuer au développement du nombre des commerçants et à les mettre dans leurs rapports réciproques sur le pied de la plus parfaite égalité.

       Or, par ces motifs et d'autres trop longs à énumérer, le nombre des électeurs commerçants doit pour le commerce être extensible, et, selon les intérêts nouveaux se créant, ce nombre doit pouvoir s'augmenter; c'est du reste ce qu'a indiqué l'art. 6 du décret du 3 septembre 1851.
       La colonie algérienne, au fur et à mesure qu'elle prend possession d'elle-même en s'installant définitivement, qu'elle s'affirme par des constructions représentant des capitaux considérables immobilisés, et qu'elle s'apprécie en France et en Europe par les relevés des douanes constatant le chiffre des valeurs importées et exportées, devrait, il semble, voir en même temps ses institutions commerciales et leurs règlements suivre la marche ascendante qu'elle poursuit avec son indomptable énergie à travers tous les obstacles que les sophismes du monopole ont pu amonceler.
       En est-il ainsi?
       Et notamment le chiffre de 62 électeurs commerciaux pour l'élection des membres de la Chambre de commerce de la province d'Oran, représente- t-il bien en 1861, les intérêts nouveaux créés concurremment avec ceux existants en 1851 ?
       Une colonie où tout débute par l'enfance, mais oh tout journellement grandit, n'est pas dans des conditions d'existence à marquer le pas éternellement dans un cercle limité et arrêté d'avance; il lui faut autre chose plus tard que ce qui, dans un temps, a pu précédemment être reconnu utile; autrement cette colonie, étouffée dans son essor, s'arrête, et toute colonie qui est stationnaire, qui ne progresse pas, est malade, bien malade, on peut en être sûr.

       Le Paris d'aujourd'hui, avec ses belles rues pleines d'air, ses squares magnifiques, son extension indéfinie, qui créera des quartiers appropriés à leur destination industrielle, commerçante, artistique, nobiliaire, non pas nobiliaire comme le lugubre quartier St-Germain, mais nobiliaire comme l'avenue de l'Impératrice, avec cour, péristyle, larges escaliers, vastes appartements, hautes fenêtres, jardins étendus ; ce Paris-là, merveille de nos jours agités, mais vivants, trouble bien des vieilles perruques qui ont fait petitement fortune au Chat qui pelote, au Cabaret de la Pomme-de-Pin, à l'Auberge des Trois fils Aymon, et autres établissements ejusdem farinæ où le soleil n'a jamais été le bien venu. Aujourd'hui c'est au Grand-Condé, c'est aux Villes de France, à l'Hôtel du Louvre que les fortunes se font. Il n'y a pas de mal à cela, quoiqu'en disent les bonnes gens attardées qui trouvent qu'on marche trop vite et qu'on leur gâte leur vieux Paris. Car, si les corporations jadis étaient, de par des principes exclusifs et des organisations exceptionnelles, tenues à ne rien changer et à vivre dans un cercle des plus rétrécis, il n'en est pas de même aujourd'hui, où la liberté de faire ayant remplacé les corporations, nous devrions pouvoir, par l'association, l'égalité, le vote, constituer largement et libéralement en faveur du plus grand nombre, ce qui jadis n'était que le privilège de quelques-uns, retenus par la crainte d'arriver contrairement à ce que dit si bien le proverbe provençal : " Eh! capoun, as-ti paou què la terra ti manqua. Catilina! caminal."

       Lorsque l'Empereur se montre si libéral, en fait de commerce et d'industrie, qu'il vient en aide au travail en le dégageant de qui l'exploite trop, par défaut de concurrence et trop grande élévation de prix, et qu'à soixante-dix ans de distance, il réalise par son traité de commerce anglais ce qui avait été convenu et presque obtenu avant que la Révolution, égarée et dévoyée de son but, ne mît la France et l'Angleterre aux prises, on peut faire remarquer surtout sans danger en Algérie, avec un Gouverneur général homme de cœur et de raison, qui ne craint pas les mâles parlers, que ce seront sans contredit, les intérêts nouveaux qui seront, en France comme ailleurs, les plus fermes soutiens comme les plus justes appréciateurs d'une politique commerciale nouvelle aussi libérale qu'équitable, en ce qui concerne cette branche de l'activité nationale.
       Aussi, nous pensons que l'instant est opportun, au moment où la France fait chez elle un pas vers la liberté de commerce, pour demander que l'Algérie puisse être autorisée à en faire un vers une plus large admission et une plus large représentation des intérêts commerciaux français, étrangers et indigènes dans les Chambres de commerce, nous ne dirons pas musulmans, parce que les maures sont en décroissance dans nos villes et leurs boutiques sont fermées depuis longtemps.

       Comme tout s'enchaîne dans l'ordre commercial, il est régulier que si la liberté vient du sommet, il faut qu'elle pénètre jusqu'à la base et que tout ce qui tend à empêcher cette alliance soit mis de côté; car autrement l'accord cherché et désiré serait rompu en faveur d'intérêts étrangers qu'il est du devoir de chacun d'indiquer pour qu'ils n'aient pas à se mêler de ce qui ne les regarde qu'indirectement, si tant est que cela les regarde.
       Dans l'armée, quand l'augmentation des recrues change les conditions de la composition des compagnies, les cadres s'élargissent; pourquoi dans le commerce, au fur et à mesure que le chiffre des commerçants augmente, le cadre de ceux qu'on peut considérer comme leurs chefs naturels ne s'augmenterait-il pas?
       Pour arriver à cette augmentation d'électeurs commerciaux en ce qui est des Chambres de commerce, il s'agit pour les négociants et les commerçants qui ne sont pas satisfaits d'être privés du droit électoral (dans ce qui est de la composition des Chambres de commerce) de se servir de la voie de pétition pour faire savoir à l'autorité supérieure directement, sans intermédiaires intéressés, qu'ils ne sont pas indifférents à ce droit précieux et pour réclamer leur admission sur les listes électorales, par une augmentation dans le chiffre des électeurs.

       En mettant en regard de leurs signatures le montant de leurs contributions diverses ainsi que le chiffre moyen au besoin de leurs trois dernières années d'affaires, ces négociants démontreront aux hommes de bonne foi, et ils sont nombreux, que c'est pour leurs intérêts une nécessité de pouvoir s'occuper de ce qui est de leur essence, et de ce qui leur est propre. Ils seront écoutés, ils peuvent en croire une expérience de plus de vingt ans, parce qu'au fond la justice est le credo de toute administration supérieure.
       Maintenant, quand on songe encore que les Chambres de commerce ont à se prononcer sur tant de questions, notamment sur celle palpitante des droits de tonnage, on ne peut que regretter le silence dans lequel ces Chambres se renferment si prudemment, et on ne peut que déplorer qu'elles tiennent tant à ce que leurs délibérations aient lieu portes closes, à l'instar du conseil mystérieux des Dix, à Venise. Comme si le moindre souffle venant du dehors pouvait les arrêter dans leurs conceptions libérales, généreuses, destinées à faire vivre le commerce sans le secours de primes, de privilèges, de serres chaudes, de cloches, de brassières, nécessitant des distributeurs plus ou moins impartiaux, des jardiniers plus ou moins coûteux et des bonnes d'enfant à cœur tendre, ayant toujours des inclinations connues.

       Les droits de tonnage, en Algérie, sont depuis l'ordonnance du 16 décembre 1843 de quatre francs par tonneau de jauge par navire étranger, - art. 4, - ce qui équivaut presque à une prohibition.
       N'y a-t-il pas là une erreur commerciale, coloniale et maritime? N'y a-t-il pas là une erreur au sujet des avantages que nous avons l'intention de procurer à notre marine marchande? N'y a-t-il pas là une erreur socialement humanitaire? car la misère universelle créée par le monopole empêchant le travail local, la production sur place et la consommation intérieure, ne peut, somme toute, faire la richesse particulière d'aucun. Et le monde n'est-il pas un vaste atelier, une vaste association oit il est utile de trouver sous la main, tout de suite, à bon compte, de quoi faire son marché, son échange?

       En réduisant, en Algérie, où nous faisons notre apprentissage colonial, le droit de tonnage de quatre francs à un franc, en faveur des étrangers, nous favoriserions probablement nos capitaines marchands, parce que la population augmentant par suite des facilités données d'aborder nos ports, la production suivrait la progression de la population et qu'il faudrait plus de va et vient pour les transports nécessaires à l'importation ainsi qu'à l'exportation, ce qui nous ferait arriver, saris doute, à voir doubler le nombre des navires français entrant dans nos Marres ou en sortant. Le trésor n'y perdrait pas, car il en serait de cette réforme comme de la réduction postale qui a comblé, par l'accroissement de la correspondance, le déficit imaginaire prévu, et a donné un excédant de recettes en satisfaisant tout le monde, moins les Cassandres désappointés.
       Quatre francs de droits par tonneau de jauge, quand le fret maritime est si réduit, sont si exorbitants qu'il n'y a que les gens qui n'ont jamais affrété de navires pour leur compte qui ont pu imaginer un tarif si peu en rapport avec les prix de transport.
       Aussi, quelle belle solitude le long de nos côtes inhospitalières! quelle activité dans tous nos ports secondaires, oit sur les quais le douanier fume tranquillement sa pipe en pêchant à la ligne, ou dort en rêvant à des navires absents !
       Alger, Oran, Philippeville, par exception, sont des ports privilégiés où la correspondance donne un peu d'animation ; mais si cette correspondance n'alimentait pas uniquement ce va et vient que l'armée et l'occupation entretiennent à grands frais pour le budget, bon Dieu! à quoi serviraient nos douanes presque partout? Les quatre francs de tonneau de jauge seraient un épouvantail financier prohibitif suffisant pour protéger nos ports contre tout arrivage inopportun, absolument comme les chouettes clouées sur les portes des granges suffisent pour éloigner les oiseaux redoutant pareil sort.

       Maintenant il est certain encore que les Chambres de commerce nommées par un plus grand nombre d'électeurs tiendraient compte des intérêts des villes de l'intérieur, dont le commerce est d'une nature différente de celui des villes du littoral, et ce qui, peut-être, n'a pas lieu avec l'organisation actuelle. Car si le littoral a un rôle intermédiaire exceptionnel pour l'importation et l'exportation, ce râle peut parfaitement être contradictoire avec celui des villes de l'intérieur qui, presque toutes, sont productives et qui ont, tant à l'aller qu'au retour, à tenir compte des frais de transport. Or, si à l'égard des villes de l'intérieur, les Chambres de commerce usent en leur faveur de l'art. 10 du décret du 3 septembre 1851, leurs intérêts ne sont guères défendus; et, si les Chambres de commerce n'usent pas de cet article, elles peuvent être sacrifiées. Est-ce juste?
       A cet égard, nous pensons, nous, qu'il serait convenable et bon de doter chaque chef-lieu de subdivision, ayant une sous-préfecture ou un commissariat civil, d'un Conseil commercial consultatif de six membres : trois français, deux étrangers et un israélite, présidé par le sous-préfet ou le commissaire civil; Conseil appelé à fournir tous les trois mois un rapport particulier à la chambre de commerce de la province qui, résumant ces travaux partiels et locaux en ferait un tout à soumettre tant à S. Exc. le Gouverneur général qu'à LL. Exe. MM. les Ministres du commerce et de la marine. Ces conseils ne seraient pas élus, mais choisis.

       Dans l'armée, dont l'organisation parfaite survit à toutes les vicissitudes, les compagnies établissent chaque jour leur rapport; le bataillon résume ces rapports ; le colonel résume celui du régiment; les généraux de brigade résument les rapports des régiments sous leur commandement; le chef d'état-major du général de division résume, en un seul rapport, les rapports des brigades et le général de division est journellement au courant de tout ce qui se passe sous son commandement, parce que la voie hiérarchique a été observée et suivie et que chacun est resté dans ses attributions ; le commandement dans ce qui est de sa sphère, l'administration dans ce qui est de son ressort.
       Pourquoi, dans ce qui est du commerce, qui est une des divisions de la grande armée du travail national, ne pas suivre cette admirable et logique manière de faire? Ce n'est pas en ne consultant pas les commerçants en les empêchant de parler, que l'autorité peut savoir ce qu'il faut pour remédier à leur situation déplorable, et ce ne sont pas les porte-voix échos du monopole qui en demanderont la réforme.

       Si les Chambres de commerce algériennes pouvaient se fortifier et se régénérer dans des élections nouvelles, à bases plus larges, elles prendraient l'air du dehors qui a du bon pour changer l'air du dedans trop renfermé; et l'adjonction de nouveaux collègues, jaloux de suivre la trace du progrès, ne ferait que donner plus de poids aux observations rationnelles et pratiques d'une institution, d'une organisation ébauchée qui, pour n'être que restreinte et presque réduite à un simulacre, où ne figurent que ceux auxquels il est permis de jouer un rôle, n'en est pas moins d'une haute importance pour l'avenir qui étudie, note, compare et s'instruit sans regrets même à ses dépens.
       Quand, au lieu de vouloir organiser le travail tout à la fois, les théoriciens se contenteront de vouloir étudier ce qui est organisé plus ou moins bien, et de faire appel aux gens pratiques pour apprendra ce que l'expérience leur a enseigné, alors il est probable que, chacun dans sa sphère spéciale, le commerce s'organisera, l'industrie s'organisera, l'agriculture s'organisera, et qu'une fois ces diverses organisations distinctes du travail faites, elles tendront, par une organisation générale et sincère à se concilier et à démontrer que la science sociale, comme la science mathématique et comme la science chimique procède de l'observation, de l'attention, de l'induction, de la déduction, et ne peut, de prime saut, connaître les lois générales constitutives de sa création.

       En attendant cette conciliation si désirable, comme déjà la Suisse, la Prusse, l'Angleterre, la Hollande, les Etats-Unis, sont sur la voie de l'organisation du commerce, que là, comme dans les villes de la vieille Hanse, ce ne sont que les commerçants qui s'occupent de l'organisation commerciale, sauf à soumettre à l'autorité supérieure leurs projets, nous croyons qu'il sera bon pour ceux qui ne sont pas les favorisés du monopole ou dit privilège, de demander directement à cette autorité supérieure une augmentation d'électeurs pour les Chambres de commerce, en prenant comme point de départ un cens déterminé, ce qui permettra aux intérêts, indépendants des faveurs du budget, de pouvoir s'exprimer. Or, ce sont ces intérêts qui ne coûtent rien qu'il importe surtout d'écouter.
       Après avoir présenté ces longues, quoique incomplètes observations, sur les Chambres de commerce algériennes, leur organisation, leur composition, leurs attributions et leur recrutement, nous allons examiner ce qui se rapporte aux Tribunaux de commerce de la Colonie.


LA LEGION ETRANGERE
Par Jean des Vallières
                                                   Envoyé par M. Bailly                                               N°2
        Jean des Vallières est né, en 1895, d'une vieille famille parisienne, à laquelle sa grand-mère irlandaise avait infusé le goût des aventures héroïques. Son père, le général Pierre des Vallières, dont il a écrit l'histoire sous le titre d'Au Soleil de la Cavalerie, fut le plus brillant cavalier de son temps et tomba sur la ligne de feu, frappé d'une balle au cœur, le 28 mai 1918, à la tête de la 151ème D.I.

          Saint-Cyrien lui-même de la promotion dite des gants blancs, Jean des Vallières passa dans l'aviation de chasse (3 citations, Légion d'Honneur).
Ses livres, l'Escadrille des Anges, Kavalier-Scharnhorst, Spartakus-Parade, racontent les exploits des pilotes de chasse sur le front de Reims,  
 

sa capture, ses évasions, la révolte du camp de représailles de Magdebourg, sa condamnation à dix ans de bagne et la révolution allemande qui le délivra.
        De nombreuses opérations sur les confins sahariens, avec la Légion étrangère lui ont apporté la matière des cinq ouvrages qu'il lui a consacrés et qui - des Hommes sans nom au dernier en date, dont nous publions le condensé - sont considérés par les Légionnaires comme les plus véridiques et les plus complets.
        Jean des Vallières est né, en 1895, d'une vieille famille parisienne, à laquelle sa grand-mère irlandaise avait infusé le goût des aventures héroïques. Son père, le général Pierre des Vallières, dont il a écrit l'histoire sous le titre d'Au Soleil de la Cavalerie, fut le plus brillant cavalier de son temps et tomba sur la ligne de feu, frappé d'une balle au cœur, le 28 mai 1918, à la tête de la 151ème D.I.

          Saint-Cyrien lui-même de la promotion dite des gants blancs, Jean des Vallières passa dans l'aviation de chasse (3 citations, Légion d'Honneur). Ses livres, l'Escadrille des Anges, Kavalier-Scharnhorst, Spartakus-Parade, racontent les exploits des pilotes de chasse sur le front de Reims, sa capture, ses évasions, la révolte du camp de représailles de Magdebourg, sa condamnation à dix ans de bagne et la révolution allemande qui le délivra. De nombreuses opérations sur les confins sahariens, avec la Légion étrangère lui ont apporté la matière des cinq ouvrages qu'il lui a consacrés et qui - des Hommes sans nom au dernier en date, dont nous publions le condensé - sont considérés par les Légionnaires comme les plus véridiques et les plus complets.

          A la suite de son mariage avec une Provençale, Jean des Vallières s'était fixé à Fontvieille, au mas de Montauban, où Alphonse Daudet écrivit Les Lettres de mon moulin. A son tour aussi, il a chanté les gloires de la Provence dans plusieurs livres : Les Filles du Rhône, Le Chevalier de la Camargue, sur son ami Folco de Baroncelli, Mademoiselle de Malemort, et il y a quelques mois, Découverte de la Provence. Il a même revêtu, pour défendre sous l'occupation son pays d'Arles, l'uniforme du sous-préfet aux champs - ce qui l'a enrichi d'une nouvelle expérience des geôles allemandes.   


PREMIERE PARTIE
Le vrai visage de la Légion

Vous légionnaires, vous êtes soldats pour mourir,
je vous envoie où l'on meurt.

Général de Négrier, Tonkin, 1885.          

        Coeurs au rebut et aventuriers militaires
        " Légion des damnés ", " Légion des maudits et des réprouvés ", ces mots reviennent sans cesse sous la plume des journalistes et le public en conclut que des gens de sac et de corde - fleur de la racaille internationale - s'y camouflent pour échapper aux conséquences de leurs méfaits. On la confond d'autant plus volontiers avec les bataillons disciplinaires que la littérature contemporaine, la presse et le cinéma n'initient guère leur clientèle qu'aux formes crapuleuses de l'aventure.
        Une mise au point donc s'impose. A l'occasion, la Légion donne leur chance à des hommes qui ont accidentellement failli et qui veulent se racheter. Elle ne repousse pas, lorsque la sincérité de ces délinquants mineurs est certaine, leur désir de réparer, en s'exposant au danger, un instant d'égarement. Mais ils ne s ont qu'une infime exception.
        Précisons, pour ceux qui l'ignorent, qu'elle refuse actuellement les trois quarts des offres de service qui lui sont faites. Un filtrage très sévère s'effectue dans ses centres régulateurs de France et l'incorporation du candidat légionnaire ne devient définitive qu'après une période d'épreuve à Sidi-Bel-Abbès (2), où des organismes spécialisés s'assurent qu'il est sain moralement et physiquement. Vite repérés parmi les Belges et les Suisses dont ils empruntent d'ordinaire la nationalité, les Français sont examinés avec une attention particulière, car leur avantage, à première vue, s'ils n'avaient rien à cacher, serait de s'engager sous leurs vrais noms dans l'armée régulière.

Caporal de grenadiers et fusilier. Mexique. 1863.

        Mais cette suspicion n'est pas toujours justifiée. Beaucoup d'émeutiers traqués après la révolution de 1848 et la Commune firent une fin très honorable à la Légion. Pendant la dernière guerre, les légionnaires d'Orliac et Blanchard, inscrits sur les contrôles du 1er Etranger, n'étaient autres que le comte de Paris et le prince Napoléon, à qui une loi interdisait de se battre ouvertement pour leur pays.
        A la Légion, on n'a que l'âge de ses muscles. C'est la dernière armée de métier, uniquement composée de volontaires qui y contractent un engagement de cinq ans, à leur gré renouvelable ou non, et qu'un statut spécial dispense de fournir aucune pièce d'identité. On les prend parce qu'ils sont aptes à servir, avec le nom et la nationalité qu'il leur convient de donner, et c'est prétexte à écrire bien des sottises à leur sujet ! Les films et les romans-feuilletons, quand ils n'en font pas de mauvais garçons, découvrent à la pelle parmi eux les princes déchus, les banquiers ruinés, les proscrits dont la tête est mise à prix, les officiers cassés, les prêtres défroqués et les héros de tragédies passionnelles.
        Et, certes, tous les spécimens d'hommes que la vie a brisés existent ou ont existé à la Légion.

        Les causes qui ont décidé ces étrangers à s'expatrier sont multiples. La faim, bien sûr, intervient; mais généralement, c'est sous le coup d'une " crise " qu'ils se cabrent, et il y en a de toutes sortes : crises personnelles, familiales ou sociales, crises politiques aussi, qui périodiquement ébranlent les États et dont les vaincus savent qu'il n'y aura ni grâce ni pitié pour eux.
        La soif de l'évasion fait aussi beaucoup de légionnaires. Plus notre époque enferme l'individu dans des réglements administratifs, et plus la Légion fascine les révoltés par le triple charme de l'inconnu, des horizons plus vastes, des risques et des chances à courir sur des terres nouvelles. C'est la liberté qu'ils choisissent, eux aussi, en secouant les contraintes qui les astreindraient comme civils à des besognes dégradantes de robots. Le monde, lorsqu'on y aura tout uniformisé, n'aura plus d'âme.


Légionnaire au Tonkin. (1883-1886.) Madagascar. 1896. " Une pacification qui n'a pas de meilleurs artisans que les Légionnaires, pétrissant de leurs mains créatrices des terres en friche pour les transformer en rizières, des vallées endormies pour en faire des artères de vie. "

        Même de nos jours, enfin, les vraies vocations de soldats, qu'attire un destin dangereux, ne sont pas rares. L'espèce survit, malgré bien des secousses, de ceux qui ont le goût du métier des armes et ne peuvent plus l'exercer, dans leur pays, d'une façon intéressante. Ces aventuriers militaires constituent le fonds de la Légion, sa meilleure et sa plus nombreuse substance.
        Ces mercenaires-nés, c'est de grandes actions qu'ils rêvent et d'une vie qui vaille vraiment la peine d'être vécue. Certes, les têtes brûlées ne manquent pas dans le lot, ni les gaillards qui ont déjà vu du pays et encaissé quelques coups durs. Rien de mieux, si le coeur et les muscles sont intacts. On s'en arrange toujours. La Légion ne recherche pas les enfants de choeur.

        Issus de tous les pays, de tous les milieux, de tous les revers, les légionnaires ont pourtant un trait commun : ce ne sont jamais des médiocres. Le coup de tête qui a rompu leurs amarres est la réaction de l'énergie, celle du vaincu qui ne se résigne pas à la défaite, du captif qui brise ses liens, de l'égaré qui ne veut pas se dégrader davantage, du déveinard qui prend le mauvais sort à la gorge, de tous ceux qui, malgré les déceptions et les échecs, croient encore à la beauté et à la vertu de l'effort.
        Le plus souvent, ceux qui sont venus chercher l'oubli à la Légion gardent jusqu'au bout le silence, et la mort seule livre parfois une partie de leur secret. Ainsi allait-on enterrer, à Magenta, un simple légionnaire dans la fosse commune, quand un des camarades protesta, réclamant pour lui les honneurs dus au dernier descendant du roi Sobieski qui avait jadis sauvé Vienne, assiégée par les Turcs. Ces dires furent reconnus exacts et une cour étrangère fit des funérailles quasi royales à cet obscur soldat.

        Un autre cas, malgré les consignes données pour l'étouffer, fit quelque bruit en 1897, année où une épidémie de typhus en Algérie fit de nombreuses victimes et, parmi elles, un légionnaire fort réservé et d'une parfaite distinction. Son commandant de compagnie, le capitaine Mérolli, qui recueillit son dernier soupir, apprit de sa propre bouche alors qu'il était prince de Hohenzollern, cousin de Guillaume II et général de division allemand. Prévenu, le Kaiser envoya dans le port d'Oran un croiseur pour récupérer la dépouille de ce prince du sang de la Maison de Prusse.
        On relève à la Légion, sous le nom de Rose, un colonel anglais de l'armée des Indes, sous celui de Philippe un fils du maréchal Marmont et la médaille militaire y fut attribuée, après quinze ans de service, à un noir, fils du roi Béhanzin. Plus près de nous, c'est un fils naturel de Maxime Gorki qui manifeste sa réprobation des idées de son père en se faisant légionnaire.

        La Légion a produit des hommes d'affaires, de grands chefs d'entreprises, comme l'industriel suisse Kohler, qu'une grave blessure, cependant, avait privé de la vue. Elle a nourri de sa sève et de sa flamme le peintre polonais Kissling, les écrivains Blaise Cendrars et Georges R. Manue, le valeureux poète américain Alan Seeger, le barde jurassien Arthur Nicolet. Notons aussi que deux prélats en exercice, Mgr Maziers, évêque de Saint-Flour, et Mgr Stourm, évêque d'Amiens, sont d'anciens légionnaires, ce qui prouve que la Légion, si on y trouve de tout, mène aussi à tout.
        Un métier de seigneurs

        Le trait commun le plus significatif des officiers français choisissant la Légion au sortir de Saint-Cyr est leur goût de l'indépendance, assorti à une recherche - assez peu répandue, même dans l'armée - des responsabilités. Ils ne peuvent mieux le satisfaire qu'à la Légion, car ses bataillons ont en général de larges fronts à explorer ou à surveiller. Leurs éléments sont répartis sur des positions souvent très éloignées les unes des autres. Nombreux sont les postes, tenus par une simple section, qui contrôlent de vastes secteurs et qu'aucun secours immédiat ne peut atteindre en cas d'attaque. Des reconnaissances montées ou portées opèrent isolément, de leur côté, sur des parcours de plusieurs milliers de kilomètres que ni base ni refuge ne jalonnent. Les jeunes capitaines, les lieutenants de vingt-trois ou vingt-quatre ans, investis de ces commandements, sont entièrement livrés à eux-mêmes avec quelques poignées de légionnaires. Le succès, quand l'imprévu, toujours redoutable, se présente, ne dépend que de leurs initiatives.

        Souvent même on a, parmi eux, l'impression qu'il faut être en état de grâce pour bien exercer de pareils commandements, et c'est ce que voulait dire sans doute le général Gardy, inspecteur de la Légion Etrangère, dans son message d'adieu à ses officiers :
        - Soyez toujours des seigneurs ! Soyez purs et forts, aventureux et résolus.

        Des seigneurs, et qui ne craignaient pas grand-chose, tels ont été, d'âge en âge, les chefs que s'est donnés la Légion, avec cette marque distinctive d'un souverain détachement des biens de ce monde, d'un total mépris des calculs personnels.
        Quelques-uns seulement doivent être dès à présent cités pour la grande renommée qu'ils ont acquise : les maréchaux de Saint-Arnaud, Mac-Mahon et Canrobert, les généraux Bedeau, de Négrier, Drude, Brûlard, François, Mordacq, tous à jamais marqués par leurs années de Légion. Mais la première place, sur ce palmarès, revient de droit au vieux héros qui a traîné avec elle sur tous les champs de bataille son invariable tenue de toile kaki, ses espadrilles et une vieille ombrelle rouge trouée par les balles, à l'inoubliable général Rollet, surnommé le " père de la Légion " où le poste d'inspecteur fut spécialement créé pour lui permettre d'y achever sa carrière.

        Un même vent d'épopée a fait retentir de nos jours les noms de Gardy, de Koenig, de Brunet de Sairigné, de Gaultier, de Jeanpierre, de Monclar, qui rendit ses étoiles de général pour prendre le commandement du bataillon des volontaires de Corée. Plus lourdes que celles des autres troupes, les pertes en officiers de la Légion divulguent leur intrépidité.


Compagnie montée. Le génie de savoir s'adapter à toutes les situations.

        Officiers à titre étranger et sous-officiers de carrière

        Une de ses touches les plus vives manquerait à la fresque des gloires légionnaires si l'on n'y situait, auprès de leurs camarades français, les officiers étrangers qui, aujourd'hui comme hier, y prennent la relève des condottieri. Ils n'ont rien innové. De tout temps, de grands soldats qui n'étaient pas fils de France ont mis leur épée à son service et on en compte un bon nombre qui ont reçu de nos rois le bâton fleurdelisé : les Broglie, les d'Ornano, le comte allemand Schomberg, le Danois Lowendal, l'Anglais Berwick, fils de roi, dont Villars enviait le trépas héroïque au siège de Philippsburg ; de sang royal aussi, Maurice de Saxe, le vainqueur de Fontenoy ; sous l'Empire, le héros polonais Poniatowski.
        Le premier chef de la Légion Etrangère fut un Suisse, le colonel Stoffel, dont un mot a fait fortune :
        - Que voulez-vous que ça me foute à moi que la paix soit signée ! Je ferai toujours la guerre.

        Le 1er Étranger fut de main de maître commandé par l'ancien guérillero Martinez, un homme superbe qui avait été l'amant de la reine d'Espagne et l'aide de camp du chef carliste Cabrera, avant de gagner à la Légion ses galons de colonel. En 1855, Napoléon III place à sa tête le général zurichois Ochsenbeim. L'Autriche lui donne un Montecucculi, qui s'est battu aux zouaves pontificaux, et le commandant de Freudenreich, issu d'une branche protestante des Joyeuse qui, en émigrant, a germanisé son nom.
        Elle a eu des officiers allemands : le lieutenant Milson von Bolt, né du mariage morganatique d'un prince de Prusse et qui, par la suite promu chef d'escadrons de Uhlans, appartint à l'état-major de son cousin, le prince Frédéric-Charles ; le capitaine bavarois Lissignolo, qui, après huit ans de Légion, fut aussi réintégré dans l'armée allemande et sauva d'une mort certaine, à Bazeilles, les défenseurs de la maison des " dernières cartouches " ; l'ordre vint de lui, qui laissait leurs sabres aux officiers, parmi lesquels se trouvait le futur maréchal Gallieni. Pendant cette même campagne de 187o-71, un jeune Saint-Cyrien qui deviendra le roi Pierre ter de Serbie fait ses premières armes à la Légion sous le nom du sous-lieutenant Kara.

        Le général Zédé y débute dans un bataillon où servent - avec le capitaine Bonaparte, petit-fils de Lucien - le capitaine italien Giovanelli, déserteur des Bersaglieri, et un fils du démagogue Pierre Leroux, également déserteur.
        En 1903, la Légion perd un de ses paladins en la personne du lieutenant danois Selchauhansen, mortellement frappé au combat d'Él-Moungar. Mais, à quelques lustres de là, son compatriote, le commandant Aage de Danemark, petit-fils de Louis-Philippe par la princesse Marie d'Orléans, sa mère, s'immortalise sur ses brisées.
        La Légion s'est fait un devoir aussi d'embaucher les meilleurs des officiers tzaristes qui avaient tout perdu dans les débâcles successives de la contre-révolution. Ils lui ont apporté, en y échangeant leurs anciens grades contre des grades toujours très inférieurs, d'éminents états de service. On les traitait avec de justes égards. Nul, par exemple, au 1er Étranger de cavalerie, n'oubliait, quand paraissait le sous-lieutenant Hreschatisky, qu'il avait été général de division en Russie.

        L'exode pour certains fut fertile en péripéties et ils ont eu, parfois, dans les bouleversements de l'après-guerre, d'extraordinaires destinés d'officiers de fortune. A sa retraite, le commandant Alexandre de Knorré pouvait ainsi libeller sa carte de visite :
        Ancien capitaine de la Garde impériale Izmailarsky, Ancien capitaine général à la Division des Cosaques de S.M. le Shah de Perse,
        Ancien chef de bataillon à la Légion Etrangère, Commandant honoraire des Carabiniers de la Garde de S.A.S. le prince de Monaco.
        S'adressant au capitaine prince David Chalikachvili, les légionnaires russes du 4ème Étranger ne l'appelaient que " Votre Excellence ", car ce satrape eurasien au profil de gerfaut avait commandé l'école de cavalerie de Tiflis.

        Avec lui commence à la Légion une dynastie de princes géorgiens dont le dernier en date, le lieutenant-colonel Amilakvari, commandait à Bir-Hakeim la 13ème Demi-Brigade et fut tué à l'attaque d'Él-Himeimat - en deux lignes dépeint par cette citation fulgurante : " A réussi à étonner sa troupe par un courage qui était sans mesure. "
        Sur ce plan encore, la France affiche un bilan qui n'a nulle part son pareil. On ne peut sans fierté parcourir l'état des officiers étrangers fameux qui lui ont fait hommage de leurs gloires passées et de leurs talents, considérant comme un suprême honneur d'exercer sous ses drapeaux un commandement, même modeste.

        Des raisons analogues assurent à la Légion un remarquable encadrement de sous-officiers. Dans cette multitude où toutes les professions sont représentées, les hommes instruits ou qui ont déjà appris à commander abondent et le choix des gradés est d'autant plus facile qu'on y trouve beaucoup d'anciens sous-officiers et même d'anciens officiers des armées étrangères.
        La discipline des traditions

        Tous les légionnaires jusqu'en juillet 1962 passent par Sidi-Bel-Abbès, siège du 1er Étranger. C'est là, dans le creuset de la " maison-mère ", qu'une transformation à double effet les change en professionnels qualifiés de la guerre et les régénère moralement.
        Si sévère qu'y soit leur dressage dans des compagnies spéciales d'instruction, les méthodes employées n'ont rien de commun avec la "schlague ". Elles s'adressent à leur intelligence et la plupart, dont cet entraînement intensif accroit l'endurance, découvrent en eux des possibilités physiques qu'ils ignoraient.


Le portail du Quartier Vienot, à Sidi-bel-Abbès, où tous les légionnaires commençaient leur carrière et, quand la mort n'avait pas voulu d'eux, la finissaient.

        Un premier reclassement s'effectue parmi ces hommes qui ne sont pas, comme d'aucuns le disent, des hors-la-loi, mais des isolés et des déracinés, à qui il faut d'abord rendre le sentiment de leur dignité. La Légion, en les perfectionnant dans des emplois qui correspondent à leurs aptitudes et dont ils pourront vivre plus tard, les réintègre d'ores et déjà dans la société.
        Mais le plus puissant soutien de son action psychologique est le climat de Sidi-Bel-Abbès, son décor impressionnant, ses spectacles militaires grandioses, qui ne tardent pas à disperser leurs fantômes. La Légion y apparaît dans ses fastes. A ces gens qui n'avaient plus rien et souvent se croyaient finis, elle offre un héritage de gloire fabuleux. Elle leur inculque ses traditions et cette discipline morale ne leur est pas enseignée dans la morne indifférence d'un dépôt, mais dans les rangs du plus vieux régiment étranger, qui les exploite avec un dynamisme fracassant.

        Le culte des morts en est la base. Toutes les cérémonies légionnaires - et on les multiplie à Bel-Abbès - célèbrent leur sacrifice ; l'engagement à suivre leur exemple y est implicitement renouvelé, face au monument qui, dans la cour d'honneur de la caserne Vienot, attire tous les regards par ses dimensions et son expressive allégorie.
        A quelques pas, d'autres lieux saints édifient les légionnaires. Ils ont accès à un vertigineux Musée du Souvenir, où les drapeaux, les fanions, les trophées qui chantent la longue histoire de la Légion flamboient à travers une suite de salles aux noms ailés : le Temple des Héros, la salle du Commandement, la salle des Batailles, d'autres consacrées aux campagnes anciennes ou récentes. Qui a médité dans ce sanctuaire, son âme en reste à jamais envoûtée et fascinée.

        Et les vieux légionnaires sont là, magnifiques sous les armes, pour stimuler les nouveaux au cours des parades qui les rassemblent avec un apparat propre à frapper l'imagination. Aucune troupe au monde n'a des têtes de colonne comparables à celles de la Légion, et particulièrement les sapeurs, obligatoirement barbus, portant des tabliers de cuir et sur l'épaule des haches, emblèmes du travail constructif.
        Quant à la musique, celle du 1er Étranger, entre toutes réputée et à volonté transformable en orchestre symphonique, interprète avec la même maîtrise une sonate classique, une ouverture de Wagner et les hymnes de la guerre.
        Actuellement significatif de la Légion, son képi blanc est d'origine récente. Il dérive du couvre-képi de toile kaki, prolongé par un couvre-nuque, que les légionnaires, unanimes à abhorrer même sous les climats tropicaux le casque colonial, portaient sur le vieux képi de la Ligne. D'autres coiffures, d'ailleurs, le remplacent parfois - bérets verts des parachutistes, gourkas des cavaliers, chapeaux de brousse - sans modifier la silhouette classique du légionnaire, avec la large ceinture bleue qui lui sangle sous le ceinturon la taille, la cravate verte, en grande tenue les guêtres blanches et les épaulettes rouges à tournante verte que seuls les régiments étrangers ont conservées. Le numéro des unités s'inscrit dans la bombe creuse de la grenade à sept flammes, dont deux en retour, qui est sa signature, comme le vert et le rouge sont ses couleurs, seules à se marier sur ses fanions.

        Sûre de leur efficacité, la Légion ne défend pas moins jalousement les traditions de ses fêtes de corps. La plus sacrée et la plus importante est la célébration, le 30 avril, de l'anniversaire du combat de Camerone. Aucune unité, même en opérations ou dans les postes isolés, n'y manque et, dans le monde entier pareillement, un banquet ou un vin d'honneur réunit ce jour-là les anciens légionnaires qui y sont disséminés.

        Pourquoi ce choix de Camerone, fait d'armes lointain et apparemment bien secondaire, alors que la Légion, comme le clamait le général Deligny, a tant de titres de gloire à son actif que les plis de ses drapeaux ne peuvent les contenir ? Pourquoi aux noms de feu que la victoire y a brodés avoir préféré, pour le solenniser, celui d'une obscure hacienda mexicaine, où soixante légionnaires et leurs trois officiers, cernés par une multitude d'ennemis, firent le serment de mourir les armes à la main et le tinrent ? Un revers incontestablement, puisqu'ils ont été écrasés, une défaite. Mais, en cette défaite, les initiés admirent l'exemple de l'héroïsme le plus pur, du sacrifice total à la parole donnée, du geste gratuit dédié aux seules exigences de l'honneur - et le maréchal d'Esperey souhaitait que la conscience nationale plaçât le massacre de Camerone sur les mêmes cimes que Roncevaux, qu'Alésia, que le bûcher de Rouen et la tranchée des Baïonnettes.

        De cet engagement sanglant, les légionnaires ont tiré une de leurs expressions courantes : pour eux, " faire Camerone " signifie prendre la décision, quand tout espoir de vaincre a disparu, de ne pas survivre à la perte des positions confiées à leur honneur - et les récentes campagnes ne leur ont pas ménagé les occasions de tenir ainsi leur serment jusqu'à ce que la mort les en déliât.
        Cette tradition légionnaire forge des hommes nouveaux : libres de leur vie intérieure, de leurs rêves, de tous soucis, ils cultivent en eux l'imagination et l'invention qui les amuse. Sous un masque de dureté, ce sont d'abord des sentimentaux, qui ne méprisent pas d'écrire des poèmes. Des chants de tous les pays bercent dans leur coeur la nostalgie de l'amour, et parfois ce goût du cafard qui les frappe lors de leurs rares périodes d'inaction. Rien pour eux n'est à l'échelle normale - ni les austérités, ni les sacrifices. Aussi ne doit-on pas s'étonner de les voir rechercher quelques dérivatifs dans une cuite ou auprès des filles que leur imagination couvre de tendresse.

        Leur amour pour les enfants et les bêtes exprime le même besoin d'une vie sentimentale. La Légion trimbale à titre de mascottes tous les animaux de la création.
        Enfin un mot livre la clef de l'énigme que pose encore, pour beaucoup, son comportement. Ce mot, c'est l'orgueil. Orgueil d'appartenir à un corps coutumier de performances extraordinaires et qui fait chaque jour des miracles. Non pas que les légionnaires revendiquent le monopole des actions d'éclat. Mais ils savent qu'ils sont toujours les mieux placés là où un coup dur se prépare, et ils en tirent même vanité.
        Ainsi sont-ils pris dans un engrenage de traditions qui leur insufflent l'esprit de la Légion. Pierre à pierre un rempart s'élève, derrière lequel leur passé s'obscurcit. Les premiers combats font le reste, cuirassant leur âme et leur révélant les fortes ivresses d'une solidarité où les vivants exécutent les ordres des morts.


... de cet ensemble indéfinissable se dégagent une énergie de fer, l'instinctive passion des aventures, une étonnante fécondité d'initiatives, un suprême dédain de la mort, et toutes les originalités sublimes des vertus guerrières. "

(1) Sacrifice qu'elle renouvellera en 1830.
(2) Les services de la Légion sont décrits dans ce chapitre et les suivants tels qu'ils ont fonctionné jusqu'en juillet 1962. On ne peut encore mesurer les conséquences de l'évacuation de Sidi-Bel-Abbès et de leur déménagement dans la métropole.

A SUIVRE

La plume
par M. Bernard Axisa

ATSO, pas celle qu'on pèche avec, les bonites et les cavales à la traine.
Non, celle qui vous donne au travers de la calligraphie : les belles lettres.

       Bon, on se dit toujours qu'il faudrait un jour écrire le livre de sa vie et puis les jours passent comme la vie du reste égouttant la clepsydre du temps. Oui, le temps passe et on remet sciemment au lendemain devant le travail ardu que cela demande, est-ce de la fainéantise de reporter à plus tard ? Est-ce aussi cette peur de la feuille blanche qu'éprouvent tous les écrivains ? Non, car beaucoup de gens comme vous et moi se font cette promesse : laisser pour la postérité une trace de leur passage furtif sur cette terre et puis, on préfère laisser planer le doute en son esprit. On préfère que cette intimité bercée de souvenirs, reste sienne, sans témoins mis à part ceux qui nous ont permis de vivre des moments indélébiles. Ces moments qui prennent une place en votre cerveau, qui aliènent une partie de votre mémoire, qui vous réchauffent ou bien vous glacent, qui vous enthousiasment ou vous font verser des larmes. D'autres ont des idées toutes faites et combien erronées qu'ils évoquent comme un prétexte au travers d'une phrase passe-partout, simple comme bonjour, mais qui leur sert de clé afin de fermer la porte des souvenirs : " Je ne me rappelle plus de rien, j'en suis incapable, c'est trop loin tout ça…. " Le mot est lâché, plus rien alors ne vient troubler leur quiétude, lieu où ils se complaisent où ils se vautrent même dans le chaud de leur jus, mais, c'est là leur choix tout à fait respectable et honorable, la chose de l'écriture n'est pas leur tasse de thé.

       On prend un jour la plume, on prend la première feuille, immaculée, fatale et stressante, on prend la fuite ou presque devant la tâche à entreprendre. On est là, face à son passé transformé en destin de l'écrit, face à un passé devenu blanc et qu'il faut réécrire comme une histoire oubliée. On se perd en des dédales de pensées et la question, la première question se pose, tranchante : " Par quoi est-ce que je vais commencer ? " Comme un couperet, fatale, elle se fait maintenant la matrice d'une seconde vie. Le plan se fait jour alors comme par magie il se forme, noircit de quelques lignes une route plus ou moins longue, pas du tout balisée en cet instant. C'est ce moment précis qu'on choisit pour s'évaporer en des rêves subtils, rares comme les moments d'une vie secrète. Pourquoi écrire alors que le souvenir vous berce tranquillement dans le coton des pensées ? On ne refait pas le monde ni sa vie, toute éthérée de voiles aux couleurs de l'événement, on revoit des images se succédant en un long film noir et blanc de chez Pathé avec le coq qui chante, en couleurs sur une pellicule ektachrome. Les rayures ne nous gênent pas car elles dessinent le fil conducteur et les poussières toutes en points noirs et blancs parsèment l'écran des souvenirs avec des étoiles filantes et voyageuses. La somnolence dure, le temps passe, on range la feuille ou bien on la froisse en lui donnant dans sa trajectoire un peu d'effet pour atteindre la corbeille à papier, le stylo se retrouve abandonné seul et encore chaud sur un bureau ou bien une table quand ce n'est pas au fond d'un tiroir. L'aventure risque de se terminer et c'est sa finalité la plupart du temps, excepté pour quelques courageux et courageuses, trop peu nombreux, qui réussissent à trouver l'inspiration comme on dit. Sacrée inspiration, elle vous tenaille, vous triture l'occiput en des grouillements de fourmis. Elles vous piquent, anesthésiant l'entourage et vous vous retrouvez seul au monde, face à vous-même, laissant courir un point de métal sans aucune cesse, en fines arabesques de la calligraphie sur le miroir de votre personnage. Êtes-vous encore maître de la situation sous l'emprise de la drogue de la lettre, du mot, de la phrase, arrosés par tous les sentiments, rémanences et furtivités de votre existence.

       C'est un véritable livre de généalogie qui s'ouvre devant vous, dans lequel je me suis noyé quelques fois au gré des noms qui me disaient quelque chose, me racontant des semblants d'histoires estompées, d'autres restant timidement dans l'ombre de l'inconnu et d'une ignorance perpétuelle. Ces noms que mioche j'entends sans y prêter attention, tout à mes jeux et pensées, toutes ces personnes que l'on me présente : " Ca, c'est tata Unetelle et puis tonton Machin ou bien le cousin de la tante à Jules… ! " Des visages sympathiques sont restés en reliefs, en creux, colorés ou monochromes selon l'importance qu'ils ont revêtue. Je pense que la profondeur et la douceur des traits, le ton de la voix, sa tessiture sont comme les encres de la mémoire, des encres sympathiques, indélébiles ou furtives, des encres qui se révèlent par le coup de baguette du souvenir. Loin de moi la morphopsychologie, mot barbare s'il en est, mais c'est indéniablement un réflexe que nous subissons tous, ce qu'il reste d'une première impression qu'elle soit bonne ou mauvaise. Les photos ressortant, les récits aidant et les aînés partant, il est parfois difficile de retrouver sa lignée au milieu des Axisa, Ellul, Grima, Sisternino et toute la smala, des noms de jeune-fille aux noms de familles affublés souvent d'une kyrielle de prénoms impossibles à prononcer. Tout un patchwork s'étale peu à peu, prend des couleurs nuancées, pastelles ou vives selon les époques ou bien les évènements qui ont marqué en leur temps les esprits, les âges et les humeurs. Et puis là où l'on a hésité longtemps avec la peur de se retourner, la trouille de faire face à son passé, le courage aidant, jetant un œil suspicieux et furtif par dessus son épaule on aperçoit alors sa vie comme un arc-en-ciel au milieu d'un rayon de soleil. Là, c'est le soleil de minuit, celui qui ne se couchera jamais pour vous.

       Eh bien me voilà ! Face à vous que je ne connais peut-être pas, faisant barrage à votre horizon maintenant limité à une feuille, alourdi du poids d'un livre à la couverture illusoire. Je n'ai aucune pudeur, la jouissance d'écrire m'envahit et me prend calmement, je me retrouve en votre esprit comme un prétexte, comme une circonstance qui fait que…. Serais-je votre alibi ou bien le détonateur qui vous donnera envie de faire la même chose, serez-vous secret ou même puritain au point de ne laisser aucune trace et l'on se dira : a-t-il vécu seulement, comment est-ce que c'était à ce moment, à cette époque ?

       Le devoir de mémoire se fait jour et, un jour, vous la prendrez cette plume, croyez moi, vous vous libérerez en délivrant un message, en berçant les autres et secouant la poussière de votre cerveau. Vous exhalerez certaines phrases et leurs mots comme des parfums de rose envahissants, vous en vomirez d'autres comme des biles après des agapes trop arrosées. Vous encenserez et vous déblatérerez aussi, naviguant de bord en bord soyez en sûrs, vous n'y couperez pas, aussi bien nés que vous soyez. Les larmes viendront parfois en sanglots que l'on ne maîtrise pas, subitement, secouant votre poitrine en des spasmes douloureux, faisant trembler votre plume, mouillant votre feuille et diluant vos souvenirs. Les fous-rires scanderont aussi le rythme de votre voix emplissant votre espace vital, stoppant net votre écriture qui comme une onde, s'attardera et reviendra plus tard. C'est ainsi qu'au travers de bonheurs et de peines, vous allez revivre malgré tout : heureux, depuis le fœtus pour certains ou l'adolescent pour d'autres jusqu'à l'adulte qui ne peut aller que vers une vieillesse inéluctable.

Bernard Axisa

AGENCE DE VOYAGE
A and M Travel, Sarl
21 ter, rue Mohamed Tahar Semani
Hydra, Alger 16405

Et

M. BARTOLINI Jean Pierre
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
Tel : 04 68 21 75 17
Coordonnateur de groupes d’amis

ANNONCENT LE VOYAGE  2008

du 9 au 20 avril

Constantine-Sétif-Bougie-Collo-Bône  12 jours

Pour tout renseignement, contacter

M. BARTOLINI Jean Pierre,
Tel. 04 68 21 75 17
mail : jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr


Soldats d’Afrique
Envoyé par M. Guy d’Ennetières

Et si un jour prochain tu croises sur ton chemin
Celui qu’en ce pays on nomme « l’Étranger »
Parce qu’il a la peau noire ou qu’il est maghrébin
C’est peut être le fils d’un combattant Français

Ils furent des milliers, bien souvent volontaires
À tout abandonner pour débarquer ici
Se battre à nos côtés dans des horribles guerres
Pour défendre le sol de notre Mère Patrie.

Recueillons nous pour eux, pour que leur sacrifice
Reste dans nos mémoires, à tout jamais gravé.
De cette terre de France ils sont devenus fils
Non par le sang reçu mais par le sang versé

Alors rappelle toi, ne tourne pas la tête,
Nous devons aussi vivre avec notre passé.
Envers tous ces soldats nous avons une dette,
Même si beaucoup de nous l’ont déjà oublié.

Guy d’Ennetières - 2008



RESISTONS !
PRATIQUE PERMANENTE
Envoyé par M. Vitus


            Le rôle de la Résistance a été de commencer par faire payer les traîtres patentés, les purs salauds qui vendaient leurs frères pour une poignée de deniers ou de francs français ... afin de faire comprendre au nombre innombrable des candidats traîtres ce qu'il pourrait leur en coûter de se laisser aller à la tentation du reniement identitaire, de la trahison pure et de la délation des siens ...

            La peine de mort n'est pas dissuasive, disent les intellectuels en peau de lapin qui ne se rendent pas compte que si tel était le cas les médecins, les pharmaciens et les installateurs de feux aux croisements des routes feraient instantanément faillite. La peine de mort n'est pas dissuasive mais les radars le sont ... Comprenne qui peut, ma pauv' Dam' ! Il faut n'avoir jamais attendu une sentence quelconque ni entendu des balles siffler à ses oreilles pour oser dire une énormité pareille.

            Le berger le plus crétin des Alpes sait que la seule chose qui soit vraiment dissuasive dans la vie - des hommes, des animaux et des plantes - c'est la mort.

            Mettez, même en riant, un 11,43 contre le menton de votre voisin et vous constaterez l'effet. Mais pourquoi faut-il argumenter là dessus ? Sommes-nous devenus tous blondes à ce point?

            La grande finesse des nouveaux traîtres est de faire passer Brasillach ou Drieu La Rochelle pour Bony et Lafon qui roulaient carrosse en torturant dans les locaux de la Rue Lauriston les camarades du Colonel Rémy et du Commandant d'Estienne d'Orves.

            Ils en font autant en ignorant volontairement que le Maréchal Pétain a été jeté en prison par la même engeance humaine qui avait commencé par mettre Schindler aussi en prison et qui a assassiné le Général Bégin parce que ce vainqueur de l'armée arabe avait compris que devait venir un jour le temps de la négociation. Et que cette négociation, c'était justement par le truchement du vieux soldat vainqueur qu'elle devrait venir.

            Il suffit à un élève de 6ème de réfléchir deux minutes pour comprendre que le perdant dans la poignée de mains de Montoire n'a pas été la France mais bel et bien Hitler qui n'eut de cesse de se repentir de cette faute politique. Comment un vainqueur absolu a-t-il pu commettre l'erreur insigne de ne pas mettre au pilori son vaincu sans lui laisser la moindre échappatoire ? Par quel raisonnement aberrant a-t-il daigné entamer une négociation avec un ennemi vomi au seul prétexte que le seul Français qu'il respectait encore était le Vainqueur de Verdun ?

            Erreur que "le vieux renard" (c'est ainsi que l'Etat Major allemand appelait le Maréchal) exploita à fond, en digne fils des paysans dont il était issu depuis la nuit des temps.

            La pire catégorie de traîtres, celle qui tend la main et repart avec sa récompense. Celle qui veut la paix à tout prix et qui veut bien devenir nazi ou islamiste pour gagner cette paix qui serait le bien suprême. Celle qui s'enorgueillit de ne pas penser aussi stupidement que de tristes héros de pacotille tout juste capables d'aller se faire fusiller à Montrouge, au Mont Valérien ou au Fort d'Ivry (pour les héros de l'OAS).

            Le chemin est bref qui sépare le Capitole de la Roche Tarpéïenne. Le vent du boulet qui décoiffe les dérouleurs de tapis volants devant les mosquées en série que les traîtres construisent avec zèle après avoir moqué les églises et les temples de leurs pères peut avoir le mérite de calmer un peu le zèle en question.

            La Résistance française cibla les juges qui expédiaient au falot ces Français trop fiers pour supporter le vert de gris en fond d'écran national. Il va devenir bientôt urgent pour beaucoup de se souvenir qu'hier est redevenu aujourd'hui et que le sort des Serbes, des Russes, des Timorais, des Libanais, des Afghans, des Iraniens, des Irakiens est comparable à celui des compagnons de Jean Moulin qui ont préféré assassiner et être fusillés qu'être occupés.

            C'est le destin sanglant de ces gens que la mémoire nationale a transféré au Panthéon en priant les petits Français de s'en souvenir pour l'honneur et la gloire du pays.

            Les traîtres qui menacent à présent les Résistants de foudres judiciaires pour oser marcher dans les pas de Jean Moulin et des siens feraient bien de ne plus faire semblant de confondre l'identité nationale et la xénophobie. Jeanne d'Arc déjà avait précisé à l'évêque Cauchon de la XVII ème Chambre Correctionnelle qu'elle aimait les Anglais, mais chez eux.

            Qui osera nous faire croire que ce n'est pas avec soulagement que la majorité des Français a vu Khadaffi replier ses tentes et rembarquer ses amazones après son safari dans le Palais des Glaces et ses calembours sur le dos de Sarkozy ?

            Une nation qui n'a pas été capable d'intégrer 200.000 Harkis à qui elle devait tout s'est arrogé la prétention de vouloir intégrer - ou assimiler - 10 millions de surnuméraires d'AFN qui sont là poussés par la famine que l'indépendance gaulliste leur avait assurément garantie à brefs délais en assortissant leur présence ici de l'intention collatérale de pomper à fond les caisses de charité que les citoyens autochtones avaient conçues pour eux-mêmes en leur rappelant incidemment qu'une terre ensemencée par l'islam devient hic et nunc et à jamais terre "soumise", c'est-à-dire terre d'Allah.

            Dans une de ses phrases par lesquelles passait encore le souffle puissant de Chateaubriand, le général De Gaulle qui voulait prévenir Colombey les Deux Eglises de ne pas devenir Colombey les Deux Mosquées avait déclaré à notre intention:

            " Les maudits de leur temps sont souvent devant l'Histoire les sauveurs de la Patrie".

            Soyons donc fous, soyons gaullites, l'espace de ce truisme redondant.

Vitus              
Février 2008              

Une page se tourne en Algérie
Arezki Aït-Larbi, Alger 25/02/2008
Envoyé par M. Ventura
Les chrétiens pourchassés en Algérie

          Les évêques d'Algérie ont été reçus par le ministre des Affaires religieuses pour exprimer leur inquiétude face aux expulsions, radiations et condamnations qui ciblent l'Église depuis l'adoption, en février 2006, de la loi réglementant les cultes non musulmans.
          Les difficultés ont débuté il y a deux ans, avec l'expulsion d'une vingtaine d'étudiants africains qui avaient participé à une rencontre biblique à Tizi-Ouzou, en Kabylie. Au même moment, les autorités invitaient les religieux chrétiens à quitter le pays "pour raison de sécurité". En novembre 2007, des volontaires brésiliens sollicités par M gr Teissier, l'archevêque d'Alger, pour s'occuper des étudiants lusophones ont été expulsés à leur tour. Un mois plus tard, un directeur d'école et un instituteur, Algériens de confession chrétienne, ont été radiés de l'Éducation nationale pour "prosélytisme". L'association des parents d'élèves qui soutient les deux enseignants rappelle que l'école a eu 100 % de réussite à l'examen d'entrée en sixième pour les deux dernières années.
          Depuis quatre mois, les visas sollicités par l'archevêché sont délivrés au compte-gouttes, souvent en retard. "Ceci compromet gravement notre avenir, car sans la visite des responsables religieux des congrégations, nous n'obtiendrons aucun soutien pour les religieux travaillant en Algérie et aucun renouvellement", déplore Mgr Teissier.
          Un nouveau pas est franchi le 30 janvier 2008 lorsque le père Pierre Wallez, du diocèse d'Oran, est condamné à un an de prison avec sursis par le tribunal de Maghnia (près la frontière marocaine). On lui reproche d'avoir prié, un mois plus tôt, avec des migrants clandestins camerounais "hors d'un lieu de culte", un "délit" puni par la loi fixant les "conditions et règles d'exercice des cultes autres que musulmans". Le médecin qui accompagnait le prêtre, accusé de les avoir soignés avec des médicaments d'un centre de santé publique, a été condamné à deux ans de prison ferme. "Les médicaments ont toujours été payés par l'Église catholique à titre d'aide humanitaire", atteste pourtant l'évêque d'Oran.
          Officiellement, cette loi adoptée en février 2006 visait à garantir "la tolérance et le respect entre les différentes religions". Dans les faits, elle prévoit une peine de 5 ans de prison et une amende de 1 million de dinars (10 000 euros), contre toute personne qui "incite ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion". Révélateur d'une volonté répressive, les représentants des ministères de la Défense et de l'Intérieur, et ceux de la police et de la gendarmerie, sont majoritaires dans la commission chargée de "veiller au respect du libre exercice des cultes".

          "Âmes vendues à Jésus"

          Pour les autorités, ce "bouclier spirituel" vise à protéger la société contre "les menées subversives d'évangélistes américains, prélude à une intervention militaire". Des Rambo du goupillon dont la présence est montée en épingle par la presse national-islamiste, mais que personne n'a jamais rencontrés. En deux mois, une trentaine d'"enquêtes" et autres dossiers ont été consacrés aux "agressions contre l'islam dans sa propre maison". Ce "prosélytisme", dit-on, aurait déjà converti des dizaines de milliers de jeunes désœuvrés, qui auraient "vendu leur âme à Jésus" pour 5 000 euros ou un visa pour l'étranger ! Même si le nombre total de chrétiens reste symbolique et limité à quelques milliers de fidèles. Le père Gilles Nicolas, du diocèse d'Alger, ne cache pas son inquiétude : "Cette levée de boucliers n'a rien à voir avec le prosélytisme. C'est une lutte idéologique de ceux qui veulent épurer le pays de toute présence non musulmane."
          Sur fond de luttes d'influence dans le sérail, cette "croisade" tend à faire diversion, alors que les partisans du président Bouteflika s'agitent pour imposer une révision à la hussarde de la Constitution, et permettre au chef de l'État de briguer un troisième mandat. Dans la propagande officielle, on stigmatise la Kabylie, de tout temps hostile au régime, comme un "maillon faible en voie d'évangélisation". Depuis quelques mois, des imams salafistes sont injectés dans la région par le ministère des Affaires religieuses ; leur mission : lutter contre la "menace chrétienne", les "traditions païennes" du cru, et secouer l'islam ancestral des montagnards jugé trop tiède.
          Hier, les évêques d'Algérie ont été reçus par le ministre des Affaires religieuses. Ils lui ont remis une lettre exprimant leur inquiétude face aux tracasseries qui ciblent l'Église. Ils ont aussi réaffirmé leur solidarité avec le pasteur protestant Hugh Johnson, menacé d'expulsion. "Après avoir reçu toutes les questions que nous avons exposées, le ministre nous a assuré que l'État n'avait pas la volonté de gêner l'Église catholique", affirme Mgr Teissier.


Les attentats suicides ne sont pas suicidaires
Envoyé par M. Henri Lunardelli

22 février 2008
Ce trés beau texte de Jacques Tarnero, n'a pas été retenu par "le Monde" et "Libération". Il m'autorise à le publier.
Malka Marcovich

                Le malheur du monde est suffisamment grand pour que ceux qui le commentent ne se trompent pas de mots afin de pouvoir en dire la réalité. Comment peut on continuer à qualifier de " suicide " ces attentats commis par hommes-bombes qui se font sauter pour tuer le plus grand nombre. Il n'y a pas l'ombre d'un désespoir suicidaire dans ces gestes mais au contraire une exaltation morbide, une jubilation sensée ouvrir les voies du paradis dans le fait de donner la mort en y perdant la vie. Or qu'est ce qu'évoque le mot " suicide " sinon le passage à l'acte de celui qui par désespoir ne supporte plus sa vie et préfère la quitter en se donnant la mort. Le suicidé attire la compassion de son entourage, il attire la sympathie culpabilisée de ceux qui n'ont su que faire pour l'aider à vivre. Tout ce registre d'attitudes et de sentiments fonctionne dans un monde qui cherche à protéger la vie et ne propose pas le salut par la mort d'autrui. Si le mot " civilisation " a un sens c'est bien ce qui distingue le choix de la vie du choix de la mort. " Nous chérissons la mort autant que les américains aiment la vie " semble constituer la matrice philosophique des Hezbollah, Hamas et autres GIA. La mise en pratique de ce principe abominable fascine cet Occident avide de gore autant que d'humanitaire. Réduits à n'être qu'un spectacle télévisuel de plus, ces massacres banalisent l'horreur qui ne trouve d'autres dénomination, dans nos catégories culturelles, que celle d' " attentats suicides ".

                La " bombe humaine " ne constitue pas seulement une arme de destruction. Nommée " attentat suicide " en Occident, elle peut susciter de la compassion pour son auteur dans une lecture sommaire du geste. La stratégie apocalyptique présente un double avantage : elle terrorise autant qu'elle culpabilise. Elle engendre chez ceux qu'elle vise un doute déstabilisateur. Quel désespoir peut conduire à de tels actes ? Elle transforme la victime en coupable. Elle amène les victimes à s'interroger sur la raison de la haine dont elles sont l'objet. Comment un sacrifice de soi, peut-il être accompli sans une bonne raison de le faire ? La victime vient à considérer que la bombe humaine pourrait être autre chose que le geste apocalyptique d'un terroriste fanatisé. " Si ces gens font le sacrifice de leur vie, peut être ont-ils de bonnes raisons de nous haïr ? " Or il n'y a aucune pertinence pour cette interrogation. Quand le journal télévisé commente en ces termes l'attentat de Dimona : " il a fait trois victimes, dont deux kamikazes " ce propos met sur le même plan l'assassin et sa victime. Bien sur, où avais je la tête, dans le cas d'Israël, les terroristes sont des " activistes "…

                La bombe humaine est le moyen et la fin. Elle est emblématique de la vision du monde de l'islamisme. L'apocalypse fait partie de son projet. Le registre psychologique du tueur est radicalement différent de celui qu'il va tuer. Il n'y a ni désespoir, ni pitié, ni douleur pour celui qui va se faire exploser mais bien plutôt une jubilation mortifère ouvrant les portes du paradis. Sur quels ressorts psychiques (ressentiment, refoulement, détournement pulsionnel) s'appuient les projets totalitaires ? Pourquoi séduisent-ils ? Comme le fascisme avant lui et comme le nazisme ou le communisme, le totalitarisme, ici islamiste, propose une vision globale du monde. Hors d'elle et quel qu'en soit le prix, point de salut. La religion a déjà en son temps, en Europe, fait la preuve de son talent à brûler vif au nom de la foi, à couper des têtes ou à torturer au nom de la Sainte Inquisition. L'idéologie révolutionnaire a agi de même pour construire l'homme nouveau. De Saint Just en Béria, de la prison du Temple à la Loubianka, la Terreur sans dieu ressemblait fort dans ses méthodes à celle qui invoquait dieu dans ses jugements. Avec l'islamisme, c'est un aboutissement encore plus féroce qui s'annonce : hormis la décapitation ou la lapidation des apostats, des homosexuels, des femmes infidèles, des juifs et des croisés, dieu ajoute le sacrifice de ses enfants pour arriver à ses fins. Pendant la guerre Iran Irak des milliers d'enfants iraniens furent envoyés sur les lignes de front pour faire exploser les mines irakiennes qui freinaient les offensives. Tous portaient autour du cou une petite clef en plastique sensée leur ouvrir les portes du paradis. La bombe humaine participe de la même logique.

                Le matin du 11 septembre 2001, 19 hommes connaissaient le jour de leur mort programmée. Aucun d'eux n'a manifesté l'ombre d'une hésitation, d'une défaillance comportementale. Leurs sacs contenaient des cutters car "il te faut aiguiser le couteau et ne pas faire souffrir l'animal que tu abats". Cette consigne hallucinante faisait partie de la "feuille de route", trouvée en cinq exemplaires, appartenant aux terroristes. Elle révèle leur conditionnement psychologique et leur isolement sectaire du monde. "Ne croyez pas que ceux qui sont tués pour l'amour de Dieu sont morts. Ils sont vivants… Sache que les jardins et les femmes du paradis t'attendent dans toute leur beauté. Elles sont parées de leurs plus beaux atours… Si Dieu décide que certains d'entre vous doivent se livrer au carnage, vous dédierez ce carnage à vos pères… Fais le serment de mourir et renouvelle ton intention . Rase ton corps et passe le à l'eau de Cologne. Douche toi…. Quand l'affrontement commencera crie "Allah Akbar", car ces mots saisissent d'effroi le cœur de ceux qui ne croient pas".

                S'il y une raison d'être " humilié " dans le monde musulman c'est d'avoir laissé se développer, " au nom de dieu " ce processus monstrueux. Nommer ces gestes abominables des " suicides " c'est entrer dans le jeu du terrorisme, c'est lui trouver des alibis. Le sens de " la dignité humaine ", la " certaine place de l'homme dans l'univers " vus par Mahmoud Ahmadinejad doivent d'urgence être dénoncés, au nom de l'idée de civilisation. Cette version du jihad qui conditionne et fabrique, souvent à partir d'adolescents, d'enfants, de femmes ou de malades mentaux, des futures bombes humaines, relève de la notion de crime contre l'humanité.


LA BABOUCHE ET LE PIEDS-NOIRS
Ecrit par Christian Vebel
Renvoyé Par Anne-Marie Berger


Il était un petit pied noir
Qui logeait dans une babouche
Tous deux faisaient plaisir à voir
Marchant du matin jusqu'au soir.
La babouche autour du pied-noir,
Et le pied noir dans la babouche.
La babouche un jour dit : Pourquoi
Traîner ce pied noir avec moi ?
Marcher ensemble, quel calvaire !
Il est lourd... Moi, je suis légère...
S'il voulait libérer les lieux
Seule, je marcherais mieux.
Dès lors, la babouche travaille
Pour blesser le pied, le tenaille,
Le comprime, fait tant d'efforts
Que le pied noir ayant un cor
Et prenant brusquement la mouche
Se retire de la babouche.
Le pied noir, lui, s'est replié
Bien sûr dans ses petits souliers...
Mais il a poursuivi sa route
Et la plus étonnée sans doute
Fut la babouche qui n'a pas compris mais vu
Que sans petit pied noir elle ne marche plus.

(Revue Ensemble N° 214 Page 13 Octobre 1998)


LES MENTEURS
Extrait tiré du Livre Blanc - Alger le 26 mars 1962
Edité par VERITAS

       

       


La glorieuse Armée Française charge dans chaque GMC,
40 civils innocents qu'elle vient d'assassiner.

Le nouveau livre blanc
Sur le crime d’Etat du 26 mars 1962
EST MAINTENANT DISPONIBLE !

       Cet ouvrage, cette étude approfondie ne nous a été dictée par aucun esprit de vindicte. Nous ne demandons pas de réparation, car on ne répare pas l’irréparable. Nous ne demandons pas, non plus, de compassion, rien ne pourra nous consoler des souffrances de notre peuple. Mais, devant l’égarement de nos compatriotes métropolitains, nous avons estimé de notre devoir de fournir des explications valables à tous ceux qui sont déconcertés par la conjoncture actuelle.

       Ce recueil, sincère, objectif, ne nous appartient déjà plus. Nous l’offrons au peuple de France, nous l’offrons à cette jeunesse, de droite comme de gauche qui cherche, hors des voies officielles aujourd’hui dépassées, les fils conducteurs de notre Histoire contemporaine.

       Nous avons écrit, ou retranscrit, ces textes, réunit ces témoignages, en pensant que, parmi tant de jeunes Français, aujourd’hui, bouleversés par des idéologies perverses, il s’en trouve, peut-être, qui portent en eux, en puissance, un avenir politique ou militaire.
       Nous avons pensé qu’ils ne devaient plus ignorer les raisons de nos catastrophes engendrées par le mépris des Droits de l’Homme et des lois morales.

       Si le contenu de ce livre est ressenti, par certains, comme un réquisitoire, ce ne pourrait être que contre l’utilisation de procédés immoraux par les intentions qu’ils dissimulent et par les catastrophes qu’ils engendrent.

       Dès parution, nous l’adresserons, avec nos vœux, au Chef de l’Etat, à tous les membres du Gouvernement, à tous les membres du Parlement, à tous les membres du Parlement Européen.

       Cela, c’est l’effort de VERITAS, un effort laborieux, mais aussi un effort financier considérable de la part d’une association qui agit, sans aucune subvention, d’aucune part, mais avec un dévouement sans limite à la cause sacrée que nous défendons.

       Mais nous avons besoin de votre aide : il ne s’agit pas seulement d’acheter (à prix coûtant, nous vous le rappelons) un recueil de détails et de preuves sur un drame que vous portez dans votre cœur.

       Nous demandons à chacun d’entre vous d’acheter, non pas un, mais deux exemplaires de ce Nouveau Livre Blanc et d’offrir le second exemplaire à un métropolitain de son entourage, choisi, de préférence parmi les autorités locales, les enseignants, les historiens, les journalistes.

       C’est l’aide que nous sollicitons et que nous attendons de vous. Nous sommes certains que vous nous l’accorderez. Consacrez dix euros à la diffusion de la vérité historique et nous sommes certains que votre geste sera bénéfique à la reconstitution de notre Histoire.

       Si nous requérons ce petit effort de votre part, c’est parce que nous croyons, nous, vraiment, qu’ensemble, tout devient possible, même de déboulonner la statue d’une fausse idole !


BON DE COMMANDE à retourner à : Comité VERITAS – B.P 21 – 31620 FRONTON
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MON PANTHÉON DE L'ALGÉRIE FRANÇAISE
DE M. Roger BRASIER
Créateur du Musée de l'Algérie Française
Envoyé par Mme Caroline Clergeau
UN PRÉCURSEUR DE L'ALGÉRIANISME



LOUIS BERTRAND

Spricourt (Meuse) : 20 mars 1866 -
Antibes ; 6 décembre 1941
Ecrivain
Professeur aux Lycées d'Alger : 1891 -1901
Académie Française : 1925.

        "... Il passa le plus clair de ses loisirs à prendre contact avec les choses et les gens de cette terre africaine. Très vite, il connut tous les recoins de la Casbah, d'El-Biar, le vieux port et son quartier de la Marine, Bab-el-Oued, se liant avec des dockers, des émigrants fraîchement arrivés, des patrons de cafés et de restaurants populaires, et même des souteneurs et tenanciers de maisons closes. On le voyait souvent attablé dans quelques bodégas, en compagnie de Mahonnais et d'impétueux Valenciens. Il allait partout, mais partout se faisait respecter. D'ailleurs, il était de taille à inspirer le respect ... et sa vigueur d'athlète en imposait à tous."
        "Peu à peu ; ces gens de toutes les nations se mêlent par mariage et cela donne, selon André Gide ... une race nouvelle, orgueilleuse et hardie qui, selon Camus, a mis tous ses biens sur cette terre..."

        "Il exalte un peuple neuf, héritier de l'Afrique romaine. Il lui arrivait de prodiguer son enseignement dans les ruines romaines de Tipaza, Lambèse ou Timgad ". (Paul Mangion).


A SUIVRE

LES MOTS ECRASÉS
                                    Par R. HABBACHI                            N°13
Les, qu’y sont couchés

I- oublie d'le fermer et t'y as, c'est sûr, une sacrée fuite.
II- Y chantent pas tous et y volent pas tous. - C'est sûr, c'est à moi.
III- On dit que quan c'est comme ça, c'est pur. - En tout cas, c'est pas beau mais ça se soigne.
IV- C'est une roue qu'elle est à l'envers. Il en a des belles couleurs.
V- Pour du solide, sûr que c'est du solide. - Une note. - C'était d'la main d'œuvre à bon marché.
VI- Arrêts et tu peux dire aussi étapes.
VII- Mis au niveau voulu. - Cherche pas loin.
VIII- Des fois elle flotte pas. - Personnage de la mite au logis grecque.
IX- Un vieux loup. - Une partie de la question qu'y s'a toujours posée J'EXPIRE.
X- Qu'est-ce que c'est bon, en été quan c'est frais.

             Les, qu’y sont debout

             1- Prénom qu'y nous vient d'à Ischke. - Note.
             2- C'est qu'à même de l'huile. - Ce oualou, tu lui mets " pour " devant, y te vient à bou blèche.
             3- C'est ça qu'on le dit presque toujours au conscrit quan y passe devant le conseil de révision. - Traîné par un bateau.
             4- En Autriche. - En dedans les z'estomacs.
             5- Une corbeille dessous un ballon. - Un crack.
             6- Jusqu'au trognon. - Main'nan, si qu'y sont pas morts, on peut s'les z'appeler Ratatouille.
             7- En dessur certaines oitures. - Comme ça, elle sert à rien au golf.
             8- Le meilleur que moi, j'me le suis entendu, c'est Slam Stewart.
             9- On peut dire le pauv' sauf si qu'il est chien. - Y vaut mieur l'y ajouter une lette si que tu veux pas l'aouar au pied.
             10- Le Trifouillis les z'oies de chez nous z'aut'.


Solution des Mots Ecrasés N° 12
Les, qu’y sont couchés

1- I- P'tits, c'est sûr, au moins une, on l'a tous reçue. Ils sont obligégatoires dedans les z'usines à faire les fartasses.
2- Les patos y z'appellent ça une entourloupette.
3- La moitié d'un goiye. Des fois elle est flottante, jamais quan elle est en mer. A nous z'aut', c'est sûr.
4- Conjonction. Elles sont placées à l'étude.
5- Y paraît qu'on en a tous en dedans l'estomac sauf moi, bien sûr. Note.
6- Une liste longue, longue…
7- Prénom. Pronom.
8- Des fois ça fait beaucoup et des fois pas. Elle a été envoyée paître y a très longtemps de ça.
9- Point opposés. Purée de lui, y devait aimer les lentilles. Conjonction précieuse.
10- Là ousqu'y mangent les z'officiers. Plusse y en a et plusse y pèsent dessur les épaules.
             Les, qu’y sont debout

             1- 1- Un couscous qu'on a tous connu en Patosie. Sa devise c'est " droit au but ".
             2- le p'tit goiye y le dit toujours. On oit ça dessur les terrains de golf.
             3- En bas d'une lette quan c'est que t'y as pas de PS à mette. C'est le sigle d'une compagnie de transport aérien.
             4- On appelle ça des z'évènements z'heureux.
             5- Elles tournent main'nan leurs bras en plein dedans les champs et des fois même en pleine mer.
             6- N'ayons pas peur des mots, celles-là là, elles z'ont été couillonnées. Là ousque Napoléon il a donné une tannée aux prussiens.
             7- On a toujours dit que c'était la première. Pronom.
             8- On dit aussi que c'est des nuances. Note à condition.
             9- Tout seul, tu peux pas le faire, à trois non plus. C'est le roi.
             10- C'est pas des oiyelles et en plusse, elles sont tordues toutes les deux mais pas dedans le même sens. Progrès, développements, envols.


  " Les Sacrifiés de l'Algérie Française - Ile de Ré "  
par M. Armand Belvisi

             " Les Sacrifiés de l'Algérie Française - Ile de Ré " est un album de photos, qui raconte le plus fidèlement possible la vie des prisonniers O.A.S détenus au fort Thoiras à l'île de Ré, pour la défense de la France et de l'Algérie Française.
            Au travers de nombreux clichés nous allons découvrir la vie de ces hommes qui pendant de longues années ont perdu la liberté, mais qui ont conservé leur honneur et leur amour pour la patrie.

Le prix de vente pour l'album historique,
" Les Sacrifiés de l'Algérie Française - Ile de Ré "
est fixé à 35 € ( + Participation aux frais de port 4 € )

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Je joins un chèque de…………………euros, à l'ordre de Armand Belvisi, et je l'adresse chez l'auteur afin que toutes les commandes soient centralisées. Armand Belvisi-Ullys-Press- 7/9 Rue des Ponts - 78290 Croissy sur Seine.

Si la parution de l'ouvrage devait être annulée pour des motifs indépendants de notre volonté, les chèques seraient restitués à leurs émetteurs.

Pour tout renseignement complémentaire :belarm@noos.fr    

MESSAGES
S.V.P., lorsqu'une réponse aux messages ci dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,
cliquez ICI pour d'autres messages.
sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura

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De M. Alain Rodriguez

Monsieur,
c'est avec grand plaisir que j'ai decouvert votre site. Je suis fils de Peids noirs d'oran. Et je me demandais, si vous aviez des photos ou souvenirs des famille BERENGUER à Oran. Nous étions fabricants de calandre et de radiateur.
Mon grand pere maternel se nommait CUENOT, la famille vivait au port d'oran à l'époque, il a succombé à ses blessures pendant sa détention par les allemands et mon grand père paternel se nommait Antoire RODRIGUEZ. Il a été tué à Monté CASSINO en italie pendant la guerre. Je n'ai aucun documents , ni photo. Si vous aviez quelques choses dans vos archives, se serait magnifiques.
Cordialement, Alain RODRIGUEZ
Mon adresse : arodriguez@club-internet.fr

De M. André Cavernes

Je recherche l'adresse de André Cavernes, Ingénieur Agronome, que j'ai connu en 1959 à Philippeville et qui nous avait accueillis, ma femme et moi, jeunes mariés, avant de repartir pour Constantine.
André et sa femme avaient une petite fille adorable.
R. Van Herck ancien délégué du Secours Catholique pour l'Est Algérien du 3 mai 1958 au 14 février1962
Merci des informations que vous pourriez me donner.
Mon adresse : vanherck.raymond@skynet

De M. Charles Letrange

Bonjour, je suis un "patos" qui a fait son service militaire sur la base de Maison Blanche.
En mai 1958 j'ai assisté au fameux discours "je vous ai compris".
En aout 1969 j'ai terminé mon service militaire, pensant et souhaitant que l'Algérie restera française, j'ai été embauché au service instruments de bord à Air Algérie à Maison Blanche. J'ai fait un changement de résidence, j'ai habité au 222 de la rue de Lyon, en face du collège technique "au ruisseau" jusqu'au 29 juin 1962. Je n'ai pas besoin de vous raconter la suite.
Ma demande est la suivante: à votre connaissance existe t'il une association des anciens d'Air Algérie? ou vous même connaitriez vous des personnes qui y ont travaillés?
Merci de me répondre. Charles
Mon adresse : chletrange@estvideo.fr

De M. Sauveur Grima

Bien heureux d'arriver sur ce site que je viens de découvrir.
Je suis à la recherche d'une personne en espèrant, parmi tous ces bônois et bônoises, qui pourrait m'aider à retrouver cette personne. Cette personne Anne Marie Falzon, de son nom de jeune fille, avait un père qui avait un garage au champs de mars.
Vous remerciant d'avance, Sauveur Grima
Mon adresse : grima.sauveur@wanadoo.fr

De M. SAMSON Stephane

Bonjour,
Je fais des recherches sur Bône et l'Italie pour ma belle mère Claudine Charlety née à Bône.
J'ai déjà plusieurs documents mais je recherche des infos sur la famille SALVATI, marins à Bône.
Auriez-vous des infos sur ce nom ? J'ai également des ZAMMIT dans les cousins...
Vous remerciant, cordialement. SAMSON Stephane
Mon adresse : stefval.samson@free.fr

DIVERS LIENS VERS LES SITES

M. Robert Antoine et son site de STAOUELI vous annoncent la mise à jour du site au 1er mars.
Son adresse: http://www.piednoir.net/staoueli
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Staouélien

M. Gilles Martinez et son site de GUELMA vous annoncent la mise à jour du site au 1er mars.
Son adresse: http://www.piednoir.net/guelma
Nous vous invitons à visiter la mise à jour.
Le Guelmois

cliquez ICI pour d'autres messages.

Attention au golfeur...
Envoyé par Pagano Jean Claude
trop mignone...

        Une femme commence une partie de golf.
        Elle frappe sa balle et voit celle-ci heurter un homme qui fait son parcours pas loin d'elle.
        Elle le voit mettre immédiatement ses mains serrées entre ses deux jambes et tomber au sol.
        Elle se presse d'aller le voir.
        Il est tordu de douleur au sol dans la position foetale.
        Elle lui demande pardon et lui explique ensuite qu'elle est physiothérapeute et qu'elle sait qu'elle pourrait diminuer sa douleur s'il la laissait faire.
        Mais elle insiste pour lui faire un traitement et finalement il se laisse faire.
        Gentiment, elle enlève ses mains d'entre ses jambes, ouvre son pantalon et place ses mains à l'intérieur en le massant...délicatement...
        Après quelques minutes, elle lui demande: "Comment vous sentez-vous?"
        "Ca fait du bien, mais j'ai toujours mal au pouce!"



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D'avance, merci pour vos réponses. ===> ICI


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