N° 211
Décembre

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Décembre 2020
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
https://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO
  OCCUPER LE TEMPS…   

         Actuellement, occuper le temps est un défi qui se renouvelle quotidiennement avec le confinement, le couvre-feu et toutes les contraintes contradictoires et imposées dans le seul but de mettre à la raison les peuples de France et d'ailleurs. Nous sommes entrés dans l'ère des dictatures politiques, idéologiques, financières et sanitaires avec Big-Pharma. Tout cela avec le support des médias aux ordres de la pensée unique.

         Avec ce mois de décembre, nous approchons de la fin de l'année 2020 et je pense que s'occuper à la préparation des prochaines fêtes est un enjeu collectif mais aussi personnel afin de ne pas passer ces journées dans la morosité et se laisser gagner pas l'angoisse, l'inquiétude et la peur dont ce sont les buts principaux des gouvernants qui nous préparent des choses et des jours terribles.
         Donc, préparons et fêtons la Saint Nicolas, Noël et la fin de l'année, même si nous sommes seuls ou à deux, ne baissons pas les bras. Ne les laissons pas nous saper le moral et notre résistance.

         Après les fêtes, il sera temps, je l'espère, car nous entrerons dans un défi de civilisation que l'on veut nous imposer. La révolte doit être à la hauteur de l'honnête, du courage de la volonté, de la paix et de la justice. Pour les prochaines échéances, chacun devra prendre ses responsabilités car il en va de l'avenir de nos enfants et petits-enfants.

         Je vous souhaite à tous de bonnes fêtes et beaucoup de plaisir et de joie.
Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         
A tchao.


Petit Papa Noël,
Par M. Marc Donato


          Voilà 80 ans que tu viens chez moi déposer les cadeaux dans mes mocassins, pointure 45, et on m'a dit que tu avais failli ne pas faire ta tournée cette année.

          Moi, j'ai été très sage, je mets mon masque, j'ai mon autorisation (je triche un peu, mais ne le dis à personne !), je respecte presque toujours l'heure de sortie autorisée, je ne vais plus au bar avec mon copain, pour cause, les bistrots sont tous fermés. Alors viens m'apporter un peu de joie pour que je puisse faire la fête.

          On m'a dit que tu avais été confiné, que tu avais mis tes rennes au chômage partiel et que ça t'avait fichu le bourdon. J'espère que tu auras droit au Prêt Garanti par l'Etat et à la prime pour perte d'activité, toi qui fais partie des non-essentiels, comme ils ont dit là-haut à Paris. Mais depuis le 28 novembre au matin, tu as pu harnacher tes rennes et préparer ta grande tournée. Je suis content pour toi.

          Tu pourras voyager dans le monde entier avec une attestation de déplacement internationale et distribuer des cadeaux à tous les enfants du monde. Ça m'embête de te demander de venir le 25 décembre. Vu ton âge et ton poids, tu fais quand même partie des personnes à risques. Je ne voudrais pas que tu attrapes ce vilain virus. Porte bien ton masque, surtout quand tu déposeras les cadeaux des petits Chinois. Maintiens la bonne distance pour te protéger et protéger toutes les personnes que tu rencontreras. Lave-toi bien les mains avant de venir à la maison. Si tu es positif, tu ne pourras pas rentrer chez toi au Pôle Nord : tu seras alors obligé de te taper une quatorzaine dans un hôtel réquisitionné par l'Etat et Noël sera passé sans que tu aies pu faire ta distribution. Que feras-tu de tous ces jouets que tu n'auras pu distribuer ? Tu pourrais peut-être organiser un white Friday sur la glace du Pôle Nord ?

          Moi, je serai endormi quand tu passeras, mais c'est mieux ainsi parce que je ne voudrais pas voir ta belle barbe blanche derrière un masque et te parler à travers un écran en plastique.
          Voilà ce que je voudrais comme cadeaux, père Noël.

          Je voudrais revoir mes petits-enfants et eux voudraient bien revoir leur papi et leur mamie.

          Papa Noël, je voudrais que tu aides mon papa et ma maman dans leur télétravail. Apporte-leur un grand litre de Patience pour qu'ils se supportent encore longtemps.

          J'aimerais en 2021 un chômage diminué de moitié, une croissance à plus quelques pour cents, moins de mauvais maris qui tapent leur femme. J'aimerais qu'on ne coupe plus la tête aux professeurs, qu'il n'y ait plus de policiers méchants, rien que des gentils.
          Près de mes souliers, tu trouveras un flacon de gel hydro alcoolique pour te désinfecter les mains et un grand vin chaud pour te réchauffer.

          Mais surtout, Petit Papa Noël, je voudrais que tu m'apportes un vaccin (qui pique pas trop, s'il te plaît) pour nous débarrasser de ce mauvais virus ; c'est lui qui est une ordure, pas toi, papa Noël.

Marc Donato - novembre 2020


Un soir à La Caroube
Envoyé par M. Hecquard


Il nous est arrivé parfois, au début de l'été, d'aller à la plage en fin d'après-midi et d'y de rester jusqu'à la nuit tombée. Était-ce à la Caroube, était-ce à Toche ? Je sentais, le soir venu, une étrange impression de paix et de douceur, teintée de mélancolie, m'envahir…

           Le soupir du ressac incessant a, le soir,
           L'âme des mélopées antiques. La fumée
           Qui monte d'un canoun comme d'un encensoir,
           Dessine dans le ciel les motifs d'un camée.

           On entend, assourdie, la plainte de la vague
           Qui meurt et meurt encor en caressant le sable.
           Sur la barque assoupie, au fond de la madrague,
           Un pêcheur aux doigts gourds, dans un geste inlassable,

           Ramende son filet : la mer a été bonne !
           Il compte les mailles comme il compte les jours
           Et remercie son dieu des bienfaits qu'il lui donne.

           Un enfant s'émerveille, allongé sur la plage.
           Il rêve d'un baiser….ce n'est que le velours
           De la brise qui frôle en passant son visage…
P.Hecquard
13 septembre 2020

UNE MAUVAISE GRIPPE
ECHO D'ORANIE - N°296
En latin d'Afrique"..
Une nouvelle chronique de Gilbert Espinal

            - Ay, c'est toi, Amparo, gémit la grand-mère, en ouvrant la porte de son appartement pour répondre à l'impétueux coup de sonnette qui l'avait réveillée. J'attendais Angustias qui m'a fait dire par Madame Mafigue, not' concierge, qu'elle passerait cet après-midi pour me donner des nouvelles anglaises de ma di' et ma petite-fi', Isabelica et Tonina ; y'a plusieurs jours qu'elles sont parties à Londres et ni si quiera (1) elles m'ont adressé un mot pour me donner de leurs nouvelles !

            -Angustias, elle arrive, elle arrive, répliqua Amparo, pasqu'elle monte par les ezscaliers, pédibus cum jambis, com' y disait l'abbé Caparros quand nous étions là-bas et que nous grimpions à Santa Cruz pour l'Ascension. Angustias elle a pas voulu prend' l'ascenseur pasque la mère Mafigue, pour une fois, elle lui ouvrait la porte avec cet air aimable de falsota qu'elle sait prend' ! Elle a refusé, sous preteste que, si la concierge elle nous invitait ainsi, c'est qu'elle avait organisé un attentat, à que la cabine elle s'effond' dans le vide quand nous serions dedans !

            -Là je suis justement, fit Angustias en apparaissant sur le palier du cinquième, avec le cœur entre les dents et les poumons com'deux pâtés croûte, du manque de respiration qu'elles m'occasionnaient tout'ces marches ! Aouela ! Vous habitez près du Bon Dieu !
            "Contre vous l'enfer ne prévaudra pas ! " com y disait le curé de la Cathédrale Saint Louis ...
            - Echa le que nos se rame (2) !, fit la Grand-mère d'une voix sarcastique ; total tant de bruit pasque au cinquième ! Ravie de vous voir tout' les deux, bien que vous m'ayez réveillée vec votre coup de sonnette ! A peine si je venais de m'endormir pour la sieste ; que ça aurait été une bénédiction du ciel si j'aurais pu la faire ! Depuis que mes enfants y sont partis à Londres, je ferme pas l'œil de la nuit, du mauvais sang que je me fais ; à me demander pourquoi Isabelica elle me téléphone pas pour me dire ça qui leur est advenu !
            - Pos elle vous téléphone pas, sauta Angustia, pasque vous avez pas le téléphone !
            - A peine elle m'a adressé un télégramme le jour de son arrivée là-bas, le voila, dessus y'a écrit : "bien arrivées. Baizées" Isabelica elle est allée jusqu'au certificat d'étude, que pour un quart de point elle l'a pas eu, mais qu'à même ! ce mot, ça me tourmente ; la nuit j'ai le goussanico (3) qui me travaille les méninges et je me demande ça qui leur est arrivé. Ce sounsousnete (4) y m'est tombé sur les intestins et là je suis, à me lever et à me recoucher toutes les heures, toutes les nuits de huit heures du soir à sep heure du matin !

            - Et à sept heure ça vous passe ! ricana Angustia, vous avez avalé une horloge !
            - Toi, fous toit de moi ! Lança la Grand-mère rageusement ; je voudrais que la même chose elle te prenne aux entailles, à que je rigole à mon tour !
            - Moi, j'ai pas à me faire du mauvais sang pour ça, rétorqua Angustia ; Isabelica elle m'a télphoné, pasque moi j'ai un appareil téléphonique dernier cri, et, com'elle se doutait que son absence ça vous ferait suer, elle m'a demandé de me ren' chez vous pour vous rassurer point par point. La communication elle a duré une heure ; horosement elle, elle était sur le portab' de la Princesse de la Babouche : comm'ça, Ça lui a rien coûté du tout !

            -Alors qu'est ce qui s'est passé ? glapit la grand-mère sur le ton d'une noyée qui demande du secours, Tonina, elle est Princesse ?
            - Qué Princesse ni ocho cuarto (5) lança Angustia, à peine si elle connaît le Prince que déjà vous voudriez qu'elle soit Princesse ? Laissez que je vous raconte com' les choses elles se sont passées. Toutes les deux, Isabelica et Tonina, elles sont arrivées à Londres par le TGV du Nord, que je crois qu'on l'appelle l'Orient Express: sur le quai, les attendait la mahbouba (6) de Consuelo. A la description que lui avait fait Zouina de la Babouche : " deux cruches à l'air bovo (7), qui savaient à peine mettre un pied devant l'autre" elle a reconnu votre descendance. La négresse elle s'est avancé vers elles, et les présentations se sont faites. A l'aide d'une Rolls Royce, on les a conduit dans une fami'de l'aristocratie Anglaise, qui leur a donné leur première leçon d'anglais. Isabelica avait appris et retenu qu'en anglais oui ça se disait "yes" et non, "nao". Elle faisait que me dire : "Tu sais que je suis douée ! J'ai retenu cette leçon, d'un coup "

            - Bon, tout ça c'est du blabla ! coupa la Grand-mère d'un ton rageur, elles ont vu les Princes ?
            - Non, d'abord la Princesse de la Babouche, notre amie, affirma péremptoirement Angustias. Isabelica m'a raconté qu'elle portait un haïk (8) de soie paille, avec tout autour un galon mordoré qui lui entourait le visage et cachait ses cheveux ; ses chaussures de chez Hermès, étaient constellées de pierreries et .. - Bon, interrompit la grand-mère, tu vas encore me casser les oreilles et les pieds à me raconter com'elle était vêtue Consuelo ! Tonina elle a vu le Prince Mouloud, oui ou zut.

            - Elle l'a connu dans des circonstances dramatiques, reprit Angustia. Le jour de leur arrivée, Son Altesse était souffrante; elle venait d'être frappée par une mauvaise grippe qui risque de s'étend' a toute l'Angleterre, ce qui allait l'obliger à se mettre au lit. Vot'fi', brave comme elle est, elle s'est tout de suite offerte à la soigner en affirmant qu'elle avait le don de guérir tous les refroidissements. "Avec quoi tu vas la soigner ? elle a demandé la Princesse de la Babouche", "En lui frictionnant le dos, avec un gant de crin, si la fami' a les moyens, ou un estropajo (9) s'ils veulent pas faire de frais; et de la térébenthine ! " elle lui a répondu votre fi'. "Je vais lui frotter des omoplatres à la ceinture à que son dos y devienne écarlate, et en deux tours de mains, à la vie y va renait | ". " J'ai une meilleure idée, elle a dit Tonina, je vais lui met' des ventouses". "Et ou tu trouves des ventouses à esta horas ? elle s'est écriée Consuelo. A cette époque de la guerre atomique, y faut aller chez les antiquaires pour trouver des ventouses ! ". " Je me contenterai de verres de cuisine, elle a répiqué Tônina, j'espère qui y'a une cuisine chez les Princes et que dedans il y'a des verres de tous les jours !Avec une bougie et de la ouate, j'enflammerai l'intérieur, Je lui en mettrai sur le dos, sur les fesses, sur les cuisses et même sur les mollets, à que la maladie elle ait pas prise et à qu'y soit comme un roti; y'a pas de maladie qui résiste ! ".
            " Y faut que j'en parle à Muhamad, ma monri, elle a sauté Consuelo, inquiète, que lui, son petit frère c'est sacré ! y veille sur lui comme une mère poule ! " Muhamad, consulté a été d'accord. Ca a fait que, vot' petite fi.', elle a connu le Prince dans sa vérité, avant même Miss Daisy Drattey la candidate de lady Sarah Well, l'intrigante cousine.

            - Et le Prince lui a plu ? demanda la grand-mère avec anxiété.
            - Il a pas eu le temps de lui plaire, rispota Angustia, il a pris feu !
            - Comment ça ? exhala la grand-mère
            - Pos avec la friction à la térébenthine qu'Isabelica elle lui avait fait sur toutes les parties du corps et les trois douzaines de verres qu'elle lui a incrusté Tonina, y s'est retrouvé comme un lustre de Synagogue : de partout y cliquetait, surtout qu'il avait de la fièvre. Horosement que Consuelo elle s'était munie d'un extincteur otroment y se met comme une torche et y reste de lui rien qu'un petit tas de cendres...

            - Alors, fit la grand-mère, au bord de la désolation : s'il s'est embrasé, adieux veaux, vaches, cochons, couvée...!
            - De toutes manières, interrompit Angustias, avec le Prince Mouloud, y'aurais pas eu de cochons : c'est un islamiste pur et dur I
            - J'espérais qu'elle aurait embrasé le Prince, maugréât la grand-mère, mais pas de cette façon !
            - De toutes façons, le Prince Mouloud, il a pas plu a Tonina !
            - Comment ça ? fit la Golondrina.
            - Pour que vot' petite fi' elle lui mette des ventouses, et pour qu'Isabelica elle le frictionne, il a fallut que Mouloud y se déshabille.
            - Et alors ?
            - Tonina, elle a convenu de ce que, quand elle l'a vu dans ses vêtements princiers, elle a été impressionnée ; Il était enveloppé dans six épaisseurs de burnous Majustueux, grand, beau, avec son chèche et sa chéchia : on aurait dit un mehnir; on se serait cru en Bretagne d'impressionnant qu'il était ! Quand il a du s'envoler les vêtements pour qu'on le soigne vigoureusement, comme le voulaient vos filles; à chaque fois que tombait un de ses burnous, sa stature se rétrécissait : six, cinq, quatre, trois etc ...; il rapetissait à vue d'oeil ; puis y s'est retrouvé dans son marcel, qui lui même était renforcé par des épaulettes pour lui maintenir la carrure; on aurait dit un criquet.

            - Qu'est ce que tu veux que je fasse de cette crevette ? elle a rouspété Tonina en s'affairant autour de Mouloud, avec sa bougie, sa ouate et ses verres de cuisine : il est le quart de ce qu'était mon policier !
            - "Qui c'y l'polici q'vo dites" est intervenu Muhamad Ben Zine avec son accent parisien, qui assistait à la scène. " Un ami d'enfance de Tonina" a lancé péremptoirement Isabelica ? " Son ami d'enfance ou son macro ? il a interrogé Ben Zine. Main'nant que tu l'y a mis les ventouses, on dirait un léopard mon p'tit frère ! o c'est qu'ti vo que j'l'y trove la fatma ? Avant qu'ti fasse le concours vic la jone fi' qui l'y présenti lédy Sarah Well, faut qu'ti fas spertizi par el doctor Abel-wahab. Moi j'vy' pas qu'mon p'ti frer, y s'mari avec la Kahba (10) ! ", " Qu'est ce qui dit dans son charabia, elle a demandé Isabelica ? ", "Pos y veut que Tonina elle se fasse expertiser, elle a précisé Consuelo", "Expertisée de quoi ? elle a sauté Tonina", " expertisée de tes beautés, à oir'si t'y es vierge, com't'y as parlé d'un policier costaud .."., "Alors c'est pas la peine, elle a conclu Tonina : d'abord Mouloud y me covient pas ; (j'aime pas les gringalets) et je voyage jamais avec ma virginité sous la main ! "

            Aussi sec, elle a remballé son saint frusquin, elle a prit ses cliques et ses claques et elles doivent revenir ici, à Paris, incesessamment sous peu ; On dit même que le policier y va les attendre à la gare ;
            - Otra vez (11) avec le policier ! sauta la Grand mère ; Elle a pas fini de souffrir, ma petit'fi', avec ce correnton (12).
            - ll a juré qu'il serait plus fidèle que la colle à la laque et il y a trouvé une place à Tonina, de tout repos : dans une entreprise de conditionnement de morue sèche, où il a un copain qui travaille.
            - Et y va la fout' dans une usine de séchage de morue ! s'effondra la grand mère ...
            - Elle tiendra le bar, assure Angustias,
            - Et lui qu'est ce qui va faire pendant ce temps ? s'inquiéta la Golondrina
            - A la maison y restera, à veiller sur le bien être de Tonina, et à faire les comptes à qu'elle ait pas beaucoup de travail quand elle rentrera au petit matin de son boulot. Y va démissionner de la Police, déjà qu'on lui reproche d'être fontionnaire, il est même disposé à met' une glace au plafond dans la chambre à coucher, si ça lui plait à vot' petite fi', comme y sait qu'elle est artiste !...
            La grand mère se mit à réfléchir et soudain explosa :
            - Et moi qu'est ce que je vais faire de la couronne d'occasion, que je me suis commandé, à tempérament, auprès de Madame de Fontenay, en diamant Swarowski (13), au cas ou je devais aller régner dans le désert, sur les bédouins et les chameaux, déjà j'en ai payé la moitié !

            1 - ni si quiera - ni seulement
2 - Echa le que nos se rame - dicton espagnol. Mets en plein le verre, mais que ça ne déborde pas
3 - goussanico - le petit ver qui ronge la cervelle
4 - sounsounete - I'idée fixe qui ne laisse pas l'esprit en repos
5 - ni ocho cuarto - ni huit quafts
6 - la mahbouba - la servante noire
7 - I'air bovo - l'air idiot
8 - un haïk - voile blanc qui enveloppait les femmes dans les rues d'Oran et d'Alger
9 - un estropajo - une lavette, faite de crins entremêlés et dont on se servait en Algérie pour laver la vaisselle
10 - kahba - femme de mauvaise vie
11 - otra vez - une autre fois
12 - correnton - un coureur de jupons
13 - diamants Swarowski - faux brillants de cristal taillé qui monte en diadème servant à couronner les miss.



LE MUTILE N° 83, 1919

LES DEUX CONSEILLEURS !

               Je suis peiné quand on se fâche ;
        Qu'on m'excuse si je rabâche,
        En se disant : ce vieux Nixo
        Est, certes moins méchant que sot.

        Depuis des mois, partout ma plume
        Frappe comme sur une enclume
        Avec la pointe de son bec,
        Sur la vie et la guerre avec,
        Disant qu'aujourd'hui l'autre et l'une
        -C'est, je crois, parler à la lune-
        Etaient pénibles à passer,
        Un tel me dit : "Sans te lasser
        Frappe toujours, vieille baderne,
        Si ton style n'est pas moderne,
        Ce que tu dis est souvent bon."

        "Quelle scie avec ton charbon,
        Tes profiteurs, ton gaz étique,
        Membre filandreux du Portique,
        Ta critique est de mauvais ton."
        - Avec amertume dit l'autre -
        Ne fais donc plus le bon apôtre
        Et laisse passer le mouton."

        MORALE
        Vive le long apprentissage,
        Qu'on fait sur un chemin de croix,
        Et, des deux Conseilleurs, je crois,
        Que le dernier est le plus sage !

Nixo.               

L'anisette et la kémia
Par M. Robert Charles PUIG


       Tout à coup, j'ai voulu mettre un brin de soleil
       Sur ce temps nostalgique, ancien, et qui parfois
       Réveille au cœur, à la façon d'une étincelle,
       Le souvenir de l'anisette et la kémia.

       En vérité, l'une ne va jamais sans l'autre,
       Car à l'heure sanctifiée de l'apéritif,
       Levant nos verres d'anis pour un " À la vôtre ! ",
       Cela restait un moment joyeux et festif.
       Un véritable bonheur du temps de là-bas
       Quand, assortie de bliblis et de cacahouètes,
       En offrande, vestale au milieu des kémias,
       Nous dégustions en connaisseurs... notre anisette.
       Cul sec parfois, à l'amour et la rigolade,
       Nous piquions au comptoir de quoi se régaler
       Et souvent, entre boutifar et soubressade,
       La kémia invitait... à une autre tournée !

       Lorsque l'anis, au fond d'un verre transparent,
       Se transformait soudain, dans un rite barbare,
       Sous la magie de l'eau fraîche, en verre tout blanc,
       Accoudés au zinc du bar et pressés de boire,
       Nous trinquions en cœur, à la santé de tous.
       Il n'y avait pas de joie plus grande, tentante,
       Que boire, en piochant sur le comptoir des tramousses
       Ou des escargots gris, à la sauce piquante...
       Quand les sardines vinaigrées en escabèches
       Côtoyaient sans façon les pois-chiches au cumin,
       Avant que le gosier et les lèvres s'assèchent,
       L'anisette dosée redonnait de l'entrain.

       Anis blanc, Phénix, Gras ou bien Limiñana
       Avec au bord du zinc les mille suggestions
       Au cumin, au felfel*, semblant tendre leurs bras,
       Nous demeurions unis dans la dégustation.
       Anisette et kémia, ce plaisir de là-bas,
       Tous en Algérie nous savions l'apprécier

       Des villes aux villages du bled, au Sahara,
       Il donnait au temps un air de conte de fées.
       Lorsque l'eau cristalline se teintait en blanc
       De l'anis Gras, Phénix ou de Limiñana,
       Il y avait en nous cet instinct innocent
       De vouloir être heureux, au soleil de là-bas.

       La religion restait à la porte du bar
       Où un chrétien, un juif et même un musulman
       Sirotant son anisette, face au comptoir,
       Se doutait que les Dieux bénissaient cet instant.
       Allah et Jehova et le Dieu des chrétiens,
       Sans peine, face à la kémia et l'anisette
       Accordaient leur pardon à tous leurs paroissiens,
       Pour vivre avec nous ce joyeux instant de fête.
       Quand un vieil arabe buvait son anisette,
       Il savait bien que tout la haut, au fond du ciel
       Allah compatissant, devait tourner la tête,
       Une " Marhia " * pour Lui restant péché véniel.

       L'apéritif ! Rien n'était plus jubilatoire
       Que ces moments passés en bonne compagnie,
       En riant aux blagues " Olé-olé " de comptoir,
       Et espérant la paix, sur ce sol d'Algérie...
       Tout à coup, j'ai voulu mettre du soleil
       Sur ce temps nostalgique, ancien, et qui parfois
       Réveille au cœur, à la façon d'une étincelle,
       Le souvenir de l'anisette et la kémia.
       * Piment et anisette, en arabe

Robert Charles PUIG / 2019       
      

LE SERSOU
Par EDGAR CHAUVIN
Envoyé par Mme Leonelli

Vaste plaine des hauts plateaux algériens
Avant-propos

              Edgar, Il y a trente ans tu nous léguais ce livre, ce récit épique écrit dans un souffle venu du plus profond de toi-même. Sans pudeur, sous le pseudonyme transparent d'Émile, dans une prose splendide, tu racontes le Sersou que tout le monde voyait, mais que personne ne regardait.

              Tu racontes les printemps merveilleux, les étés torrides, les automnes languissants et les hivers glacés. Tu racontes le grain qui lève plein d'espoirs, les pluies qui n'arrivent pas, le sirocco qui dessèche les récoltes et les efforts pour que, d'une terre ingrate, germe le levain.

              Tu racontes ta famille unie dans le bonheur et dans l'adversité, ton intimité avec la nature, avec tes chiens fidèles et tes fiers chevaux, ta joie de vivre sur la Terre, avec ses plantes, ses animaux et ses odeurs.

              Tu racontes les habitants du Sersou capables du meilleur comme du pire dans les horreurs d'une guerre civile, guerre sans nom qui réveille les plus vils instincts et révèle les plus nobles sentiments, achevée dans une horrible apocalypse : ses habitants disparus sans merci dans les tourments de l'Histoire.

              Mais avant tout, tu chantes un hymne à l'amitié, l'amitié intemporelle qui unit les hommes de bonne volonté au-delà des croyances. L'amitié qui résiste à la guerre, qui résiste à l'érosion du temps, qui sauve et qui permet de croire en l'Homme.

              Tu as quitté ta ferme et ton horizon dans la plaine immense, entre Ouarsenis et djebel Saharis. Tu clôtures les 60 années d'existence du Sersou par ce récit jeté à la mer avec l'espoir qu'un lecteur au moins saura le lire et le comprendre. Message d'un banni devenu étranger dans son pays, ultime témoignage d'un perdant de l'Histoire qui crie sa vérité dans le désert.

              Tu nous manques, Edgar, tu nous manques mais tu es parti en nous laissant ce livre, cette trace indélébile de ton passage sur terre, au Sersou, Sersou que personne n'aurait pu raconter avec autant de talent.
Amicale Burdeau-Sersou
Décembre 2020
amisersou@laposte.net
Mise en pages par Pierre Jarrige

La plaine du Sersou, à 250 km au sud d'Alger et à 900 mètres d'altitude, est à l'extrême limite de la zone cultivable. C'était, avant l'arrivée des Français, une région de steppe restée à l'état naturel. Elle était parcourue, en été, par des tribus nomades venues du sud pour y faire paître leurs troupeaux. De rares Arabes sédentaires fixés le long des oueds bordant la plaine, au nord et au sud, pratiquaient des cultures vivrières : blé, orge et légumes.
Les villages de Burdeau, Victor-Hugo, Bourlier et Aïn-Dzarit ont été créés de toute pièce entre 1900 et 1905. Les Colons ont défriché et mis en valeur une terre à céréales au rendement faible dû à une faible pluviosité et aux gelées tardives.

À mes enfants... qui ont le droit de savoir
Prologue

              À vingt et un ans, Émile arriva au Sersou. En vérité, il n'avait jamais quitté complètement cette vaste plaine des Hauts-Plateaux algériens qui le voyaient revenir chaque été pour accompagner Victor et Henriette - son père et sa mère - l'un se devant d'être présent pour récolter les céréales, l'autre pour s'occuper de lui.
              Lorsque Émile se mit à porter des pantalons longs, sa mère ne revint plus au Sersou : à partir de quinze ans, son fils pouvait se passer d'elle pendant un mois. Et puis, il fallait bien qu'elle pensât à le servir, même si, loin de ses jupes, il suscitait encore plus son inquiétude. Henriette n'avait jamais voulu se séparer de son petit : il avait été trop malade dans sa première année.
              Elle l'avait mis au monde dans ce Sersou où, en 1918, elle avait pris son premier poste d'institutrice et où, un an plus tard, elle avait épousé Victor revenu de la guerre et redevenu colon.
              Elle avait commencé à le mettre au monde dans la ferme louée par son mari : une ferme aride, sans arbres, sans verdure, sans eau ni électricité ; en été, jaune comme les chaumes, en hiver, blanche comme la neige, au printemps, comme une verrue au milieu des blés en herbe. Une ferme avec une maison couverte en tôles ondulées, construite uniquement pour abriter du soleil, du vent et de la pluie.

              C'était là, entre quatre murs de pierres blanches et plates bâties à la boue, qu'Henriette avait senti naître son enfant. Toute seule, en criant, en appelant Victor qui était à la chasse. Mais Boukhalifa, un jeune arabe de vingt-cinq ans, était là, sous la fenêtre de la chambre, impuissant, désemparé, à attendre et plus encore à entendre Henriette.
              Comme la mère et le petit ne devaient pas mourir ce jour là, Victor arrivé enfin... avec un beau lièvre à la main. Boukhalifa l'aida à coucher sa femme dans une carriole qui les amena au village, distant de huit kilomètres. Huit kilomètres de bosses et de trous, de cahots, de roulis et de tangages, de vent et de poussière. Aussi, quelques années plus tard, à écouter Henriette, Émile n'avait pas mis trois heures pour naître, mais huit kilomètres.
              Mais il naquit, épuisé d'une mère épuisée qui tint absolument à survivre pour l'élever. Elle le fit avec beaucoup de courage car le petit Émile fut long à se remettre du voyage. Elle ne voulut plus le quitter : il avait trop besoin d'elle pour vivre, mais peut-être aussi, pour tout petit et tout frêle qu'il fut, il avait su lui donner la force de survivre, d surmonter son anéantissement. Ils vécurent tous les deux dans cette ferme de désolation où Henriette pleura souvent mais en cachette de son fils puisque Émile, sans savoir, sans comprendre, par instinct, se mettait à pleurer avec elle.
              Non, Émile ne devait plus pleurer. Il était sauvé à présent. Confié à Boukhalifa, il passait ses journées dehors, à courir, à monter, à descendre, à regarder tout ce trafic de chevaux, de mulets, de charretons, de moissonneuses, à grimper sur les épaules des ouvriers, à mordre dans leurs galettes, et à boire leur lait aigri. Boukhalifa qui veillait sur lui, veillait aussi sur Henriette. Il se devait d'être là pour la rassurer, de loin, avec de grands signes d'apaisement; lorsqu'elle jaillissait de la maison, affolée, courant n'importe où, appelant et criant de ne plus voir son Émile. Alors, Boukhalifa ramenait le petit dans ses bras, le tendait à sa mère comme on offre le plus beau cadeau du monde et repartait, heureux, comblé du regard et du pâle sourire d'Henriette.
              Hélas ! Pour Émile, l'heure arriva d'apprendre à lire. Sa mère avait attendu qu'il eût cinq ans pour reprendre son poste d'institutrice. À cinq ans, elle l'amena à l'école. Dans sa classe.
              Pendant les quatre ans qui suivirent, Émile se vit harnaché, attelé dans les brancards, souvent houspillé mais jamais fouetté. Sa mère, malgré tout l'amour quelle lui portait ou, peut-être pour cela, se refusait aveuglément en faiblesse coupable. Elle prenait chaque jour sur elle pour ne pas le libérer de son carcan, pour refuser les caresses d'un Émile suppliant : son garçon devait appendre à lire, à écrire, à compter. Il faisait ses devoirs comme elle-même était en train de faire le sien. Et Henriette connaissait ses devoirs envers son fils, son mari, ses élèves, ses amis. Rien ne pouvait la détourner des valeurs auxquelles elle était attachée. Émile, à cinq ans, ne comprenait pas toutes ces choses et ignorait tout de la loi de Sparte.
              Mais il faisait les frais de cette rigueur intellectuelle et physique. Il croyait que sa mère ne l'aimait plus et elle devait, de temps en temps, l'embrasser très fort pour lui redonner du courage.

              Quatre ans s'écoulèrent ainsi durant lesquels il dût se plier aux contingences, faire des choix parmi les choses et les gens, se mettre en colère ou rire d'une futilité. Il devait quelques fois rester silencieux dans un coin pour regarder et comprendre. A neuf ans, il était fier d'entendre sa mère lui dire qu'il était un petit homme. Une fois de plus, le destin devait imposer sa loi. Depuis qu'Henriette patientait dans ce Sersou qu'elle avait fini par abhorrer, elle avait donné l'impression de ne jamais s'en remettre totalement à lui, sauf pour le gel, la grêle ou la sécheresse, qui lui enlevaient tout espoir de pouvoir un jour, avec Victor, payer leurs dettes.
              Ainsi avait-elle attendu patiemment qu'Émile ait neuf ans pour l'amener à Alger, là où il y avait des lycées, des médecins, et où son fils pourrait voir vivre des gens qui ne vivaient pas forcément dans le malheur.
              Après dix-huit années passées dans le bled, elle obtint facilement son changement pour le poste qu'elle avait sollicité. Émile et son père suivirent, l'un sans poser de questions, l'autre un peu contraint et forcé.
              Émile était devenu Algérois et sa mère se promit de lui faire oublier le Sersou. Pendant les dix années qui suivirent, elle s'employa à refouler chez son fils ce qu'il portait au plus profond de lui-même : son goût de la liberté, des grands espaces, de la lutte avec sa finalité qui, pour lui, ne pouvait s'exprimer qu'en terme de victoire.
              Henriette avait accouché d'Émile. Le Sersou aussi.

              Mais si la mère voulait que le fils oubliât le " désert " où il était né, c'était qu'elle-même voulait l'oublier. Elle avait vécu ces années de Sersou comme une injustice, comme la sanction d'une faute qu'elle n'avait pas commise. Pour la jeune fille bien éduquée, entichée de poésie, admirative des arts, des lettres, et férue d'Histoire, le temps passé au Sersou relevait de la relégation. Elle n'avait jamais accepté.
              Elle n'accusait personne, sinon le sort, le sien et celui de ceux et de celles qu'elle avait vu souffrir dans leur chair et dans leur cœur, qu'elle avait vus peiner, se révolter et finalement se taire. Elle avait vécu la désillusion, la déception et toute la rancœur de ceux qui étaient venus au Sersou, comme elle, sans savoir. Elle avait vécu leur misère, celle qui oblige à ne vivre que de pain quand on a faim, à ne boire que de l'eau quand on a soif, celle qui oblige les gens dignes à porter des vêtements rigoureusement propres pour excuser les ravaudages, qui oblige les honnêtes gens à aller tout droit voir leurs créanciers pour avouer leur incapacité à s'acquitter. Elle avait vu la misère guetter les plus faibles comme une hyène suit le moribond pour l'agripper en fin de traque, pour le coucher et le dévorer. Elle avait vu cette misère obliger Julien Soleillavoup à se pendre dans son écurie, comme elle l'avait vu violer les consciences les moins solides. Alors, dans cette immense cour des miracles qu'était le Sersou, les cris, la violence triomphaient. Henriette avait vomi et voulait oublier. À Alger, elle allait monter à son fils une autre existence, une autre société, et bien d'autres choses qu'il n'imaginait pas. Chez Émile, la curiosité, la nouveauté de sa condition l'emportèrent et il s'adapta vite et plutôt bien à sa nouvelle vie.

              Il y avait à Alger, disait-on, des stades et des terrains de sport capables de lui servir d'exutoire. Il y avait aussi des piscines et des plages où il pourrait apprendre à nager. C'était bien car il aimait l'eau. Celle qui tombait du ciel et qui, au printemps, nourrissait les illusions de ce Sersou froid et sec. Celle aussi qui stagnait sur les pistes en flaques oblongues et ocres. Et puis celle aussi qu'on remontait du puits, à la ferme, fraîche et cristalline, qu'il buvait, buvait longtemps, la tête renversée sous le flot qui tombait de la noria.
              Quand, en été, il avait trop couru autour de la ferme, quand le soleil avait pesé des tonnes et des tonnes sur ses yeux et sur ses épaules, Émile, la figure brûlante, allait à la noria, lançait une pierre à la mule endormie et glissait sa tête sous le déversoir pour y rafraîchir sa nuque avant de se retourner pour boire et boire encore. L'eau glacée noyait ses yeux, inondait son visage, son cou, trempait sa poitrine et mouillait son ventre. C'était si bon qu'il allait de nouveau courir sous le soleil pour le plaisir de revenir à la noria.
              Oui, Émile aimait l'eau, mais quand sa mère espérait le voir plonger dans l'eau de la mer ou d'une piscine, il ne pouvait s'empêcher de ressentir une sorte de contraction de tous ses muscles qui se ramassaient pour se défendre. Comme un hérisson sous la pluie, il se mettait en boule : nager comme un poisson ne l'intéressait pas, puisqu'il n'était pas un poisson.

              Émile n'était pas à Alger pour se distraire ou s'amuser. Henriette consultée, affirmait qu'il n'était pas là pour cela. Il était là pour aller à l'école avant que la barbe lui pousse, il ne pouvait être question qu'il y manquât. Sa mère était là qui veillait. Sa scolarité s'en trouva très surveillée et il s'y senti coincé, entravé, ligoté. Il devait attendre d'aller au lycée, à l'autre bout de la ville, pour avoir un peu plus de liberté dans ses mouvements, aller seul par les rues et voyager seul en tramways.
              Ces allées et venues dans le tramway, sur la plate-forme d'une rame des " céféra " (CFRA), vaste, sans siège, inconfortable, ouverte à tous les vents, n'ennuyaient pas Émile. Au contraire. Il devait y apprendre tout le folklore de la ville et du pays, voire le peuple divers, bariolé, costumé à plaisir, offrir son spectacle.
              Un spectacle sans contrepartie, gratuit, pour lui-même, pour se jouer ses comédies et, à l'occasion, ses tragédies, toutes gestuelles autant que volubiles. Et ce n'est pas peu dire. Sauf peut-être aux heures de pointe, lorsque l'affluence pressait les gens les uns contre les autres, les privant ainsi de l'usage de leurs bras. Sans bras, sans mains, il n'était point de moulinet, point d'arabesque dans le vent. La troupe était muette, figée, amorphe, sûrement malheureuse. Il fallait que quelque main s'égare dans la cohue pour qu'Émile voie rougir une jeune femme et entendre le claquement d'une gifle. Alors, la vie reprenait, réchauffait les cœurs, rendait le verbe. Les exclamations aussi indignées qu'hypocrites donnaient le ton et fusaient les rires qui forçaient le coupable à rire aussi pour égarer les soupçons.

              Émile, lui, en côtoyant la vertu, travaillait son vocabulaire.
              S'il allait seul en semaine, les jeudis et les dimanches voyaient la mère et le fils sortir ensemble. Henriette savait passer devant ce qu'il fallait voir et connaître. Un jour c'était le palais de Justice et il entendait parler d'équité et de droit. Un autre jour, c'était l'Hôtel de Ville et Henriette parlait de liberté, d'égalité et de fraternité. Et tout naturellement de République. Elle savait et aimait en parler ; d'autant plus longuement qu'elle voyait son fils attentif, posant des questions. Aussi, de l'Hôtel de Ville d'Alger, elle passait au Palais Bourbon à Paris, à la Place de la Bastille, à celle de la Nation. Elle savait choisir ces places et ces palais pour parler de révolution et de démocratie. Sortie après sortie, elle racontait l'histoire de France et celle de ceux qui l'avait faite.
              Émile avait beaucoup aimé l'histoire de Baudin, ce représentant du peuple, à qui la rue reprochait ses indemnités de député. Monter sur une barricade, l'intègre Baudin avait alors montré comment on pouvait mourir pour 25 francs. Il aimait entendre parler de Danton, de Robespierre (l'incorruptible), de Jaurès, de Marie Curie, tous capables d'aller jusqu'au bout de leurs idées, de leur devoir. Henriette parlait aussi de chevalerie, de cape et d'épée. Émile écoutait. Ravis.
              Ils allaient visiter le port. Devant les bateaux venus d'ailleurs, Émile parcourait le monde, rencontrait d'autres gens, entendait d'autres langues et sa mère savait l'entretenir de leurs différences afin de lui apprendre à les accepter. Alors qu'il s'étonnait de ces hommes ne parlant pas le français comme eux, Henriette avait répondu : C'est nous qui ne parlons pas leurs langues.
              Puisque dans ce port, il y avait toujours un navire de guerre à visiter, la mère et le fils montaient à bord. Émile suivait le guide qui donnait l'effectif des marins et le calibre des canons, mais c'est Henriette qui lui montrait les énormes lettres majuscules, faites d'un cuivre rutilant sous le soleil. De grosses et grandes lettres inscrites à l'avant et à l'arrière du navire :

HONNEUR ET PATRIE
VALEUR ET DISCIPLINE

              Sur le chemin du retour, Émile écoutait évoquer la " Royale " puisque la Marine Nationale n'était pas assez chargée d'histoire. Émile écoutait, écoutait toujours car il trouvait cela beau.
              Au cours de ces innombrables promenades, Henriette s'occupait de son fils. Elle pétrissait sa pâte et façonnait son œuvre. Elle le promenait dans la lumière des grandes avenues, le tenait loin des ruelles sordides, ne lui disant et ne lui racontant que ce qui pouvait le grandir en taisant le mesquin.
              Ainsi, Émile ignora tout de la misère quelle avait connue et ne savait rien des difficultés qu'elle connaissait encore avec Victor, pour faire face aux exigences de la vie.
              Pourtant, depuis un an, les choses avait bien changé car il voyait sa mère se faire moins rigoureuse quant aux dépenses de la maison. Quand Victor venait passer quelques jours à Alger avant de repartir au Sersou, cultiver une autre ferme qu'il venait d'acheter cette fois, Émile l'entendait siffloter dans la salle de bains. Les beaux vêtements qu'il portait maintenant, Henriette qui se fardait tous les jours, Victor qui venait d'acheter une Peugeot 402, verte, et ce poste de TSF qui aidait à meubler la salle à manger étaient autant de signes révélateurs d'un changement de vie. Émile constatait que son père et sa mère allaient plus souvent l'un vers l'autre.
              Cette nouvelle façon de vivre était trop manifeste pour ne pas lui permettre un mot, une allusion, une exclamation. Et Henriette, toujours présente, toujours attentive aux secrètes pensées de son fils, lui expliqua par le menu le pourquoi et le comment de ces nouveautés.
              Il comprit alors pourquoi, deux ans auparavant, il avait tant entendu parler du Front Populaire et de l'Office du Blé. Il en avait tellement entendu discuter chez lui qu'il avait quelquefois l'impression d'habiter Paris et de rencontrer Léon Blum à tous les carrefours. Ce qui était devenu pour lui une affaire de politique l'était déjà pour ses parents mais avec des prolongements et des conséquences qu'il ignorait puisque sa mère ne lui parlait jamais d'argent. Elle surveillait son langage.
              Il ne savait donc pas que tous les poings levés à Paris, en 1936, avaient triplé le prix du blé, en un seul jour, sans qu'il comprit pourquoi, l'année suivant, le village, au Sersou, organisa une grande fête après les moissons. Une fête comme il n'en avait jamais vu, où il grimpa au mât de cocagne, véritable emblème de ce Sersou où seuls les plus tenaces, les plus rudes, pouvaient supporter les échardes, accepter la glissade, se trouver au sol pour repartir de plus bel et tenter d'atteindre la récompense qu'aucun d'eux n'avaient encore jamais touchée. Une fête ou il entendit de la musique pendant trois nuits, il vit des hommes qui ne se connaissaient pas s'enlacer pour danser, des gens qui se connaissaient pour s'embrasser, marcher bras dessus, bras dessous. Il en vit d'autres s'essuyer les yeux en se rencontrant. Ce qui, pour lui, fut de la distraction et de l'amusement, fut pour les colons du village l'éclatement de leur joie devant le naufrage de la galère qu'ils avaient quittée en 1936. Les festivités terminées, les lampions éteints, ils auraient sûrement à beaucoup travailler encore. Ils verraient le froid geler leur blé, la grêle saccager leurs champs, le sirocco échauder leur grain. L'Office du Blé ne ferait pas pleuvoir chaque printemps et ils seraient peut-être encore pauvres, mais ils ne seraient plus jamais misérables.

              Henriette avait bien fait de tout dire à Émile. Il éprouvait le besoin, dans son for intérieur, d'une explication qui donnerait un sens à ce changement de climat, d'ambiance qu'il constatait autour de lui et principalement dans sa propre maison. Sa mère avait retardé le plus longtemps possible ses éclaircissements qui étaient aussi des justifications. Elle avait préféré que son fils soit plus âgé, plus solide dans sa tête, moins frappé par ces évènement de 1936, pour leur donner l'importance qu'il apprécierait lui-même et non par celle que lui donnaient ses parents. Mais, expliquer la fête au village sans parler du Front Populaire, c'était, tout simplement demander de frauder l'Histoire, de mentir, d'être injuste.
              Alors elle avait dit et dit complètement. Elle avait eu raison, Henriette, de craindre que son fils ne soit trop marqué par cette histoire de Front Populaire. Oui, elle avait eu bien raison, car désormais, 1936, ce n'était plus du blé vendu plus cher, de plus beaux vêtements d'une auto neuve et verte, c'était sa mère devenue plus belle, Victor qui sifflotait et riait ; c'était son père et sa mère qui se retrouvaient.
              Et ça, Émile ne devait jamais plus l'oublier.

              L'année suivante éclata la guerre. Celle de 39, de juin 40, de la capitulation. La guerre finie, l'Armistice signé, ce fut de nouveau la paix. Émile qu'on ne pouvait plus empêcher d'avoir un avis, même s"il devait le garder pour lui, refusa cette paix là : la paix de la défaite.
              Peut-être - ou sûrement - parce que Victor et Henriette écoutaient la radio de Londres, Émile, avec eux, devint Gaulliste dès le 18 juin 40, depuis le jour où l'oreille écrasée contre le poste de TSF, il avait entendu une voix et des paroles qui l'avaient rempli d'espoir. Adolescent, il avait besoin, plus encore que les adultes, d'autres choses que de lamentation, de résignation, et de mea culpa. Il n'avait besoin ni de bons sens ni de réalisme, mais de dignité, de courage, d'honneur, de comportement un peu fous utiles à son épanouissement, pour suivre la route qu'Henriette voulait lui tracer. Si, durant les deux ans qui suivirent, il ne connut rien des passions qui font vivre un peuple et le poussent en avant, on lui demanda par contre, de chanter " Maréchal nous voilà " chaque lundi matin dans la cour de son lycée.
              Le 8 novembre 1942, à 8 heures du matin, Émile se trouva nez à nez avec la puissante Amérique. Plus précisément avec deux commandos anglais... se disant américains. Il fallut donc qu'on lui expliquât qu'après Dakar, Mers-el-Kébir et devant l'anglophobie qui était toujours dans ce pays une façon de servir la France, il était plus opportun, en effet, d'arriver de Louisiane que de la " perfide Albion ". Malgré la surprise, malgré Trafalgar, Waterloo, Fachoda et bien que ses deux Américains fussent Anglais, il sut les amener chez lui pour boire le café, peut-être le thé.
              Dans les jours qui suivirent, Émile se transforma en agent de liaison. Il allait aux nouvelles et les rapportait à Henriette. Dans la rue, dans le ciel, partout, il devait voir la puissance, la richesse, l'efficacité d'un monde qu'il n'avait pas soupçonnés. À l'âge où les influences peuvent s'exercer facilement, il devait conserver de ces visions, des séquelles dont il n'allait jamais pouvoir se débarrasser totalement.
              L'armée US passa, laissant sa musique et ses disques incassables. Si Émile s'avéra incapable de rapporter à sa mère une seule boîte de " corned-beef ", s'il ne sut jamais comment faire pour troquer un litre de vin contre un " battle-dress " ni se procurer une paire de " rangers ", il sut, en revanche, dénicher les disques de jazz qu'il empila dans sa chambre.

              Jusqu'à la fin de la guerre, Émile allait danser et s'amuser. Il dansa chaque samedi, chaque dimanche et s'amusa toute la semaine au lycée où étaient ses copains, triés sur le volet, capables de l'épater ou de l'applaudir.
              Dans la cour du lycée, là où les élèves attendent toujours quelque chose, d'enter ou de sortir, il s'éloignait et se tenait à l'écart de ceux - les bons - qui refaisaient et refaisaient leurs devoirs de math. Il les évitait comme on évite de s'approcher d'un puits sans margelle, véritable trou noir, sans fond. Pour lui, les mathématiques avaient toujours été ce trou noir où il tombait chaque fois pour s'y perdre. Alors, quand il entendait parler chiffres, il retrouvait la compagnie de ceux qui vivaient comme lui, en dehors de ces galimatias faits de théorèmes, de démonstrations précises, vigoureuse, méticuleuses, tatillonnes, qui ne visaient finalement qu'à lui apprendre à éborgner les mouches. C'était du moins l'avis d'Émile. Il ne devait plus en démordre et s'habitua, non sans philosophie, à se comporter pour les calculs comme quelqu'un de nul, de carrément nul. Un point et c'était tout.
              Le sang d'Henriette probablement trop chargé, n'avait pas pu tout apporter à son fils. Elle devait, s'en vouloir, se reprocher cet oubli. Le fils, lui, ne lui en voulait pas du tout et maintenant qu'il était plus grand qu'elle, il pouvait la prendre par le cou et l'embrasser en riant pour la consoler.
              Il était bien obligé, Émile, de cajoler sa mère de temps en temps car il la quittait chaque jour un peu plus sans trop lui dire où il allait. La ville, les camarades qui l'attendaient pour décider des festivités, les amies aussi qu'il retrouvait volontiers parce qu'elles étaient belles, toutes ces attirances l'amenaient tout doucement, et à son insu, à s'éloigner de sa maison. Petit à petit, il habituait Henriette à ses silences, à ses petits secrets qu'il ne pouvait plus lui confier.
              Et Henriette, en comprenant tout, en ne disant rien, l'aidait à devenir un homme.

              Quand Émile lui faisait trop de peine, il se rachetait en allant lui faire son marché. Outre deux grands couffins pleins à ras bord, il en rapportait tout ce qu'il avait lu sur des étalages où vu dessiné sur les ardoises par les vendeurs illettrés. Il trouvait toujours au marché une anecdote à raconter ou à mimer : dispute après la monnaie mal rendue, querelle à la suite d'un coup d'épaule malencontreux ressenti comme un défi, altercation avec un suiveur obstiné, bagarre après un " fugure de tchoutch " outrageant.
              " Fugure de tchoutch ! " Cette insulte, l'Insulte, devait être proférée selon un scénario datant, disait-on, de Carlos el Quinto, et respectait une certaine gradation dans la mise en scène. Avant de lancer " fugure de tchoutch " le protagoniste se devait de chauffer l'ambiance, de faire monter la pression, voire la mayonnaise, d'user de banderilles avec quelques " falso " (lâche) un " falampo ", placés au bon moment, et quelques fois un " nousnica " (avorton) jeté en plein visage pour énerver le taureau. Quand tout était en place, quand tous étaient à point, les badauds suffisamment nombreux pour former le cercle, avides de " castagnes ", on touchait au point d'orgue, au summum de l'excitation, à l'orgasme, pourrait-on dire. Alors était lâché " fugure de tchoutch " crié pour salir, pour dire l'infâme, le vil, le méprisable, l'abjecte.
              Qui ne connaît pas le " tchoutch " ne peut mesurer l'horreur de la comparaison ni de la malédiction. Le " tchoutch " est un poisson de la famille des raies. Tout ce qui est laid chez la raie est multiplié par cent chez le " tchoutch " ; c'est un poisson plat comme elle, mais il est plus épais, mou, visqueux, avec des yeux exorbités et glauque, une peau granuleuse, épaisse et verdâtre à faire crever de jalousie le plus affreux des crapauds. Vraiment, le " tchoutch " est répugnant à voir et à toucher. D'ailleurs, seule s'en nourrissent les fantômes des marins perdus en mer. Les pêcheurs qui attrapent un " tchoutch " ne le sortent jamais de l'eau. Horrifié, il jettent tout : la ligne, le " broumitch " (les appâts), le " cabassette " et quelques fois le paletot chez les plus superstitieux.
              Ainsi, à Belcourt, à la Bouzaréah, à Bab-el-Oued, dans ces quartiers populeux où les pauvres ont l'honneur à fleur de peau, lorsque quelqu'un se faisait traiter de " figure de tchoutch ", il n'y avait plus d'autre issue pour lui que de provoquer l'offenseur en lui criant :- Fugure toi-même, la mort de tes osses !
              Si devant un tel affront, les témoins n'avaient pas toujours été nombreux, pacifiques, généreux, seulement amateurs de bruit et de gestes, pour ceinturer l'un et écarter l'autre, Émile aurait vu beaucoup de sang couler pour laver l'honneur bafoué. Si heureusement le pire était chaque fois évité, il restait qu'à être traité de " fugure de tchoutch ", l'insulte était grave et grande la colère.
              Émile prenait son temps pour raconter son marché. Il savait gonfler son récit, le farcir de gestes solennels, de vertueuses paroles et donner à sa faconde l'enflure indispensable. Ainsi, il aimait faire le pitre pour sa mère. Elle riait. Il était content. S'il n'était plus le petit garçon qui avait épinglé, dans sa chambre, la carte de France pour suivre la " drôle de guerre ", il vécut tout aussi intensément ce qui était maintenant une vraie guerre. Un guerre qui était au centre de la vie et qui occupait tout et... tous.

              Il vit partir les hommes ayant plus de vingt ans et moins de quarante. La ponction de la mobilisation fut grande. Dire que tous les appelés, que tous les rappelés rejoignirent leurs casernes en chantant serrait exagéré ! Non, aucun d ceux qui vivent leurs études interrompues, leurs affaires en panne, leur famille en difficulté, ne chantèrent en recevant l'ordre de mobilisation. Tous, prirent leur petit bagage et partirent en silence, parce qu'il fallait partir, parce que" c'est normal " disaient-ils. Tout au plus eurent-ils un souhait : celui de débarquer en France le plus tôt possible pour chasser les Allemands du pays.
              Héritiers de générations portant la France au pinacle, être les premiers à libérer la mère patrie leur apparut comme un insigne honneur.
              " Alger, capitale de la France en guerre " prenait son rôle au sérieux et le slogan s'étalait en tricolore comme arbore une décoration, une distinction, un privilège. Aussi ne faisait il pas bon pour quiconque en âge et en état de porter les armes de déambuler dans les rue sans uniforme. Les imprudents qui le firent une fois durent, par la suite, s'abstenir d'y revenir tant leur imprudence leur en coûta.

              L'Armée d'Afrique, la Première Armée, s'ébranla avec ses chars flambant neufs, ses hommes bien habillés et bien équipés. Les familles qui avaient un fils ou un frère dans les troupes de choc, les unités parachutistes ou les commandos spéciaux, ne manquèrent pas d'en faire état. Ce fut leur fierté. Celles qui reçurent la triste nouvelle, le télégramme officiel annonçant la mort - " Mort pour la France " - se replièrent sur elles-même, cachant leur malheur dans le silence. C'était la guerre.
              Après la Sicile, si dure à conquérir, après l'Italie où le Monte Cassino arrêta les Tirailleurs algériens, marocains et sénégalais, cette armée débarqua en Provence, remonta la vallée du Rhône et buta en Alsace sur les troupes allemandes. La traversée du pays, du sud au nord, se fit dans l'allégresse. Les forces Françaises de l'Intérieur furent intégrées dans les unités régulières. En termes troupiers, ce furent les " Fifi " au milieu des " Pieds-Noirs " : " Fifi " puisqu'il ne pouvait plus être question de prendre le maquis devant l'ennemi, " Pieds-Noirs " probablement parce qu'ils avait beaucoup marché dans la boue depuis l'Afrique du Nord, ou peut-être parce qu'ils n'avaient pas eu le temps de se laver dans le Garigliano.

              Et le 8 mai 1945 Émile, au cinéma, vit la séance s'interrompre, une dame s'avançait sur le devant de la scène, dominait son émotion, annonçait la victoire, cette fois. En ville, il eut du mal à retrouver ses amis. Tout Alger était dans les rues où la foule demeura trois jours et trois nuits. Il rentra chez lui, aphone. En le voyant, Henriette pleura de joie, était-ce la joie de vire la victoire ? était-ce la joie de voir son fils dispensa pour la guerre ? Il ne le sut jamais.
              Ainsi, Henriette amena-t-elle son fils, à l'âge où, après avoir effectué son service militaire, il la quitta pour retourner dans ce Sersou qu'il n'avait pas oublié. Dès qu'il y fut revenu pour " gagner sa vie " comme l'ont dit maladroitement, qu'il partit pour donner sa mesure, la jeune pousse qu'elle avait arrosée, abritée, taillée et redressée avec tant de conviction, devait être détruite par des prédateurs qu'elle n'avait jamais soupçonnés.
              En lui parlant morale, devoir, éthique, respect des autres comme de soi-même, elle avait voulu lui montrer les lumières et le beau. Mais en le voulant parmi les vainqueurs, elle ne sut jamais qu'elle l'avait précipité dans le camps des vaincus, de ceux qui perdent pour être incapables de tricher, de salir... et de se salir.
              Henriette n'avait pas initié son fils à la confrontation avec ce qu'on appela les " évènements d'Algérie ". Événements qu'on appela aussi " sale guerre ". Autant d'appellations qui n'étaient qu'euphémismes, pour na pas prononcer le vrai nom d'une guerre qui était subversive. Une guerre subversive qui mit sept ans pour ruiner les cœurs, les esprits, les consciences.
              Si capable, comme toutes les guerres, de dispenser la mort, celle-ci fut en outre capable de saper, de démolir, d'effondrer les valeurs établies et reconnues par tous : Bible et Coran jetés au même feu, civilisations oubliées, Histoire injuriée. Devant tant de renoncement, de Bien sacrifié au Mal, on préféra parler de " salle guerre " pour ne pas avouer que ces " évènements " n'étaient qu'un gigantesque crachat à la face des hommes.
              Non, Émile, comme des millions de ses semblables, n'était pas préparé à vivre pareil gâchis.
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LE SERSOU par EDGAR CHAUVIN


 
Guerre d'Algérie : Les visionnaires
Envoyé par M. Piedineri
Visionnaire bachaga Boualam

                  S'il existe un Français ayant lutté contre cette collusion entre une partie de la gauche française et l'islam politique que certains nomment aujourd'hui " l'islamo-gauchisme ", c'est bien le bachaga Saïd Boualam, symbole des musulmans d'Algérie ayant choisi la France.
                  Par les actes d'abord. N'oublions pas que ce sont les hommes du bachaga Boualam qui ont mis fin à l'aventure de Laban et Maillot, militants communistes Français d'Algérie ayant rejoint le FLN et tenté d'implanter un maquis dans la région d'Orléansville. Dans son livre Mon pays la France paru en 1962, le bachaga revient sur cet épisode en ces termes :

                  " Ainsi le " maquis rouge " avait vécu. Cette opération eut plusieurs conséquences heureuses. Prouver l'apport du communisme à la rébellion, mettre fin à deux traîtres, stopper définitivement la création du maquis rouge. A partir de cette date aucun étranger n'a pu entrer dans ma tribu sans recevoir de coups de fusil. " (p. 191)

                  Par les actes, mais aussi par la parole. En 1962, au lendemain de l'indépendance algérienne, le bachaga Boualam déclarait en effet :

                  " Cette paix que la France a maintenu pendant un siècle, le vieux fanatisme religieux de l'Islam, exploité par une autre religion [= le communisme], celle-là ennemie de la nôtre, n'ouvre qu'une voie : le retour sanglant à la barbarie. "

                  Toujours dans son livre Mon pays la France, le même homme, avant de citer Albert Camus, écrit qu'
                  " aujourd'hui, dans le chaos et la guerre civile qui déchirent et mutilent [l'Algérie], s'impose une vérité historique que l'Occident va apprendre à ses dépens : LA NECESSITE DE LA PRESENCE FRANCAISE. […] C'est à ce mirage de liberté et d'indépendance que se sont laissés prendre les libéraux sincères, devenus complices de la pire des réactions : le fanatisme, le panarabisme. " (p. 17-18)

                  Le bachaga Boualam, de son côté, se décrivait comme " un des plus dévoués défenseurs de la France et de l'Occident " (p. 164).
Sur cette photo, le bachaga Boualam préside une séance à l'Assemblée nationale, le 23 janvier 1959 :


Visionnaire Jacques Soustelle


Source : Jacques Soustelle, Le drame algérien et la décadence française, Réponse à Raymond Aron, Plon, 1957

                  A l'instar du bachaga Boualam, Jacques Soustelle, Gouverneur de l'Algérie de 1955 à 1956 et leader, jusque dans la clandestinité, des partisans de l'Algérie française, fut réellement l'un des premiers Français à lutter contre ce qu'on appelle aujourd'hui " l'islamo-fascisme " ou " l'islamo-gauchisme ". Ce dernier, qui avait parfaitement compris le caractère djihadiste de la guerre menée par le FLN contre la France en Algérie, déclarait au Colloque de Vincennes le 3 novembre 1960 :
                  " En prenant position comme nous le faisons pour le maintien de l'Algérie dans la République française, nous prenons position POUR LA PAIX et CONTRE TOUTES LES FORMES DE RACISME, DE FANATISME ET DE GENOCIDE, dont nous savons que le F.L.N. a déjà donné maints exemples depuis six ans - et dont nous savons bien qu'il les déchaînerait sur toute l'étendue de l'Algérie si, par notre faiblesse et nos erreurs il venait jamais à prendre le pouvoir en Algérie.

                  NOUS DEFENDONS L'ALGERIE CONTRE UNE DICTATURE SANGLANTE, GENERATRICE DE RUINE, DE MISERE, DE POGROMS, DE MASSACRES GENERALISES. En faisant cela - qu'on le veuille ou non, qu'on le comprenne ou pas à Paris ou ailleurs, nous défendons à la fois la démocratie française et le monde occidental. "

Source : L'Echo d'Oran du 13 juillet 1956

Visionnaire Henri Yrissou

                  Dans la série des visionnaires, Henri Yrissou (1909-2009), député du Tarn. Voici un extrait de son intervention au premier Colloque de Vincennes, colloque réunissant des partisans de l'Algérie française de toutes obédiences politiques, le 20 juin 1960 :

                  " A ceux qui voudraient m'opposer la courbe démographique de l'Algérie et l'argument de son poids, je répondrais :

                  Cette courbe est déjà tracée, que vous le vouliez ou non, pour les vingt ans à venir ; il dépend seulement de nous qu'elle soit une force conjointe si nous savons guider la promotion des hommes qu'elle symbolise ou qu'elle devienne un terrifiant péril si nous abandonnons ces hommes à un monde sans espoir. Il dépend aussi de nous de notre action que la courbe démographique prenne pour les temps futurs une allure plus conforme aux besoins d'une société plus évoluée. "

Visionnaire Georges Bidault

                  Georges Bidault (1899-1983), successeur de Jean Moulin à la tête du Conseil National de la Résistance (CNR), homme d'Etat de la IVème République et enfin leader en exil, aux côtés de Jacques Soustelle, de la résistance pour l'Algérie Française. Un homme à qui sans doute personne ne rendra hommage pour le cinquantenaire de sa mort (contrairement à qui vous savez…), sauf peut-être quelques-uns d'entre nous et c'est déjà beaucoup. Car, comme l'affirmaient les membres de l'Association des Amis de Georges Bidault quelques années après sa disparition en 1983, " il n'aurait pas déplu à Georges Bidault de savoir que la petite cohorte de ceux à qui il avait ordonné : " Gardez la flamme, ils n'ont plus que la cendre ", se débattrait dans la pauvreté et l'indifférence, encore heureuse lorsque sa volonté de maintenir le souvenir vivant ne lui vaudrait pas l'incompréhension ou le sarcasme. "

                  " Ne croyez jamais, indiquait lui-même Georges Bidault, qu'une cause est perdue, ou seulement menacée, parce que ses défenseurs sont persécutés, ou même parce que quelques-uns se découragent. " Personnellement, mon intention n'est pas de rendre hommage à cet homme, comme peuvent le faire certains, sur le mode méprisant du " Il s'est trompé, mais ce fut tout de même un homme d'honneur ", mais avec la volonté très claire de dire : " Ce fut un homme d'honneur, et il eut raison sur le fond ". Son ami et camarade de parti Alfred Coste-Floret n'a-t-il pas dit de lui que " si Bidault a si souvent, avec courage, pris des positions en flèche à contre-courant de l'opinion, c'est qu'il était pourvu d'un autre don exceptionnel : Une intuition extraordinaire ", relayé par François Hardy, l'un de ses anciens élèves au lycée de Reims, se demandant " de quel côté était la honte ? De quel côté était l'honneur ? Contrairement aux thèses des politiciens, je suis convaincu que Georges Bidault était trop intelligent pour s'être trompé [à propos de l'Algérie] ".

                  Rappelons par exemple que Georges Bidault, s'il ne fut sans doute pas infaillible, était en 1938 d'esprit antimunichois, qu'il a prédit la future défaite de l'Allemagne et la mort d'Hitler " et des siens " dès septembre 1939, et la future rechristianisation de la Russie dès les années 1960.
                  Concernant l'Algérie, qu'on juge de son intuition par ces quelques écrits, on ne peut plus actuels, tirés de son livre D'une Résistance à l'autre paru de façon quasi-clandestine en 1965 :

Visionnaire Albert Camus

Source : Olivier Todd, Albert Camus, une vie, Gallimard, 1996, p. 932.

                  Il s'agit d'une conversation entre Albert Camus et son ancien professeur Jean Grenier, au printemps 1957. La même année, quatre députés de centre-gauche déposent un projet de partage de l'Algérie et Jacques Soustelle, leader des partisans de l'Algérie française, déclare solennellement que " la véritable question n'est pas : " Pacification, partage ou abandon ", mais : " Partage (au milieu d'un désastre général), si l'on renonce à la pacification et si l'on admet l'abandon. " " Sous-entendu : la France, afin de protéger les siens en Algérie, ne peut pas aller plus loin que le partage et le maintien sous sa souveraineté d'enclaves côtières. Mais le capitulard de Gaulle, lui, a décidé d'aller plus loin que cela, en cédant à toutes les exigences des terroristes, en livrant toute l'Algérie à l'arabo-islamisme dans l'objectif d'obtenir " la paix "… Une paix qui, hélas ! se fait aujourd'hui toujours attendre… Qu'on en juge : de Gaulle a refusé et l'Algérie française intégrale, et la petite Algérie française qui serait née d'un partage, or, un demi-siècle après, c'est la France qui subit le terrorisme et se trouve menacée de partition…
                  La solution gaulliste à la guerre d'Algérie, ne se résume aujourd'hui et ne se résumera encore demain qu'à ça et à rien d'autre, en dépit de toutes les balivernes que l'on entend régulièrement sur le prétendu " visionnaire " de Gaulle.

Visionnaire général de Monsabert

                  Visionnaire et magnifique analyse du général de Monsabert, héros de la Libération, qui confirme ce que nous disions ci-dessus :

                  " Ne nous y trompons pas ! La lutte que mène l'Armée française aux marches maghrébines de l'Occident ne se situe pas seulement sur le plan territorial ; elle est aux frontières de l'esprit. Si nous la perdions là-bas, elle prendrait, dans l'hexagone sacré, un caractère de gravité définitive. Car le pourrissement y est déjà fort avancé. "

                  (Extrait de l'intervention du général de Monsabert au Second Colloque de Vincennes, le 3 novembre 1960)

                  Général de Monsabert :
                  La guerre d'Algérie, nous l'avons vu, fut ce qu'on appelle un moment charnière. Hélas le FLN ne s'est pas vu infliger le Poitiers qu'il méritait, bien au contraire. N'oublions cependant jamais ces Français qui, à droite comme à gauche, surent voir loin et sauver l'honneur de leur pays. On les a appelés les défenseurs de l'Algérie Française.

                  Gloire à ces patriotes clairvoyants.

                  Quant à de Gaulle, il portera devant l'Histoire les lourdes conséquences de cette défaite intentionnellement voulue et recherchée.
Marius Piedineri, novembre 2020


Adieu Saïd
Par M. Marc Donato


          Saïd était un superbe hongre arabe shagya de 25 ans qui faisait l'orgueil de Matilda, sa maîtresse et la joie de ses petits-enfants. Il faisait partie de la famille, rythmant la vie de Matilda qui, tous les matins, commençait sa journée avec lui et qui la finissait aussi avec lui en lui rendant une visite tous les soirs, immanquablement. Tous les deux appréciaient ce moment d'intimité. Saïd accourait en toute confiance, un petit hennissement, un balancement de la tête pour communiquer son bonheur de rencontrer sa maîtresse depuis 15 ans. Matilda ne manquait pas d'appuyer sa tête contre l'épaule de Saïd, puisant en lui force, confiance, joie et amour.

          Mais voilà, Saïd se mit à maigrir sans qu'on pût déceler la cause du mal ; un matin, Matilda le trouva sans énergie, l'œil éteint et affecté par une forte fièvre. Le vétérinaire fut impuissant et après quelques heures, Saïd rendit son dernier souffle, la tête dans les bras d'une Matilda effondrée. Lui qui avait échappé aux cutters assassins à la mode avait été vaincu par la camarde qui ne lui avait laissé aucune chance.

          La suite ? Démarches administratives obligatoires et équarrissage. Là, comme pour les humains, la loi du commerce sévit : équarrissage de 1ère classe ou équarrissage de 4e classe ; incinération, individuelle, collective… bref, on pourrait décliner toute la gamme des services offerts et des tarifs pratiqués. Coût de 400 à 1 650 euros !

          Le spécialiste le plus modeste a rempli son office sous les yeux d'une Matilda dévastée. Saïd s'est envolé comme Pégase pour galoper avec Stewball, Xérès, son ami, et Phiphi, son maître, au paradis des chevaux. Saïd n'était qu'un cheval… La mort d'un cheval, ça ne vaut pas un clou à côté des 30 et quelque mille morts de la Covid 19, certes…

          Et pourtant !

Marc Donato - novembre 2020


Le plus beau fait d'armes du siècle
Envoyé par M. Christian Graille
I

                 Bône et surtout sa rade, ont de tout temps attiré les navigateurs et les marchands.
                 Les Phéniciens étaient venus fonder un comptoir commercial sur ce point de l'Afrique du Nord.
                 C'est ce simple comptoir qui devint :
                 - Hippo,
                 - Hippo Regius,
                 - Aneba et enfin
                 - Bône.

                 Bône n'est pas bâtie sur l'emplacement autrefois occupé par Hippone qui était située à environ deux kilomètres vers le Sud.
                 Elle rejoint aujourd'hui cet emplacement par la prodigieuse extension qu'elle a prise et elle le recouvre même en partie.
                 Hippone existait depuis plus d'un millier d'années déjà, lorsque Saint Augustin attira sur elle les regards du monde chrétien.
                 Elle ne lui survécut pas et, c'est une autre ville qui vint se placer plus au Nord, sur le bord rocheux du rivage de ce golfe admirable et tutélaire, dont les calmes et profondes eaux étaient si appréciées par les navigateurs fuyant les tempêtes.

                 Tyr et les Phéniciens fondèrent du commerce avec Hippone.
                 Les Arabes qui fondèrent Aneba et Bône après la ruine d'Hippone, utilisèrent aussi la rade pour leurs exploits de piraterie en Méditerranée.
                 L'historien arabe El Bekri, dans sa description de l'Afrique septentrionale affirme que c'était de Bône que les galères partaient pour faire la course :
                 - sur les côtes du pays des Roumis (Européens),
                 - de la Sardaigne,
                 - de la Corse
                 - et autres lieux.

                 Ce choix de la rade de Bône par les barbares démontrent que, dès cette époque déjà, était reconnue l'importance stratégique de notre golfe qui, par sa position, permet de surveiller les mouvements des bateaux à travers le détroit de Sicile qu'empruntent forcément tous ceux qui traversent la Méditerranée d'Est en Ouest ou inversement.
                 Les anglo-américains devaient, bien des siècles plus tard, avoir pour le port de Bône, la même prédilection, mais pour des fins :
                 - plus hautes,
                 - plus humaines et
                 - plus glorieuses.

                 Quelle fut l'origine du nom de Bône ?
                 C'est un point qui n'a jamais été précisément défini.
                 Les indigènes du pays appelaient Bône " bled el Aneb " c'est-à-dire la ville des jujubiers, à cause de ces arbres épineux, nombreux dans la campagne bônoise, dont les petits fruits rouges sont vendus chaque fin d'été dans nos rues, en petits cornets de papier pour des prix modiques.
                 Cet arbre que l'on nomme aussi " épines du Christ " parce que l'on croit que ses rameaux ont servi à faire la couronne d'épines du Christ, est aussi entré dans la composition des armes de Bône et a suscité sa devise.

                 Dans le blason de la ville on voit en effet sous un lion tranquillement assis au bord du rivage, évoquant l'ancien rocher du lion, une branche de jujubier avec cette inscription latine : " Ferit et alit. " que l'on traduit communément par " elle pique et elle nourrit. "
                 René Bouyac dans " son histoire de Bône " voudrait rattacher l'origine de cette appellation aux locutions phéniciennes " Ubbon " et " ipo " qui ont formé la racine d'Hippone.
                 Ubbon veut dire golfe et le phénicien Ipo comme l'hébreu Ipa signifie beau, joli.
                 Cette étymologie, s'expliquerait, dit toujours René Bouyac, par le fait que les Phéniciens auraient été émerveillés par la beauté du site.

                 Peut-être la vérité est-elle plus simple.
                 Hippone avait été créé par les Phéniciens d'Hippozarite (Bizerte) et ceux-ci, en l'appelant Hippo-Akra lui aurait conféré une marque apparente de communauté d'origine et de parrainage.
                 Le nom de Bône proviendrait, alors d'une grossière déformation du mot Hippone.
                 Les gens de ce pays en effet ont très bien pu, dans leur langage courant, ne s'en tenir qu'à l'antépénultième syllabe du mot Hippone sur laquelle portait l'accent tonique " Pouna " et comme dans la langue arabe, la lettre " P " n'est guère en usage " Bouna " a très bien pu être employé dans le langage vulgaire à la place de " Pouma " pour désigner " Hippone ".

                 On dit d'ailleurs que les indigènes désignaient sous le vocable " Lalla Bouna " que l'on peut traduire " celle d'Hippone ", Monique, la mère de Saint Augustin, qu'ils auraient eu en grande estime, ou peut-être, car Monique ne serait jamais venue à Hippone, une autre femme, maraboute vénérée, qui serait enterrée dans les ruines des citernes et dont on révère encore le souvenir.
                 Ainsi s'expliquerait la formation du nom qui a remplacé le mot " Aneba ", nom que de nombreux navigateurs et commerçant connaissant les qualités de l'abri offert par la rade et la beauté du site, ont trop simplement interprété comme un qualificatif parfaitement approprié au lieu en l'orthographiant comme l'adjectif " Bône ".
                 Bône à cause :
                 - de sa situation géographique
                 - de l'excellence de sa rade,
                 - de son importance stratégique et commerciale et,
                 - surtout parce qu'elle servait de refuge aux pirates barbaresques avait été l'objet des premières préoccupations du chef du Corps Expéditionnaire après la prise d'Alger.
                 Celle-ci avait eu lieu le 5 juillet 1830 et c'est exactement trois semaines après, le 26 juillet que l'amiral de Rosamel recevait l'ordre de diriger son escadre sur Bône où elle arrivait le 2 août 1830.
                 Sans coup férir, les troupes qu'elle transportait et qui étaient commandées par le général Damrémont occupèrent la ville à la grande satisfaction des habitants tout heureux d'être débarrassés de la domination des Turcs.
                 Malheureusement la révolution de juillet qui venait d'éclater à Paris contraignit le maréchal de Bourmont à rassembler tous ses effectifs à Alger afin de les tenir prêts à intervenir si cela était nécessaire en France.

                 Les troupes du général Danrémont abandonnèrent donc, dès le 21 août la ville où elles venaient à peine de débarquer.
                 Un an après, sur les instantes prières des notables, le général Berthezène qui avait succédé au maréchal Clauzel, fit occuper à nouveau la ville par une compagnie de zouaves placée sous le commandement du commandant Huder et du capitaine Bigot.
                 Mais la précarité des forces françaises, encouragea les adversaires de la France à fomenter des troubles au cours desquels le capitaine Bigot fut tué.
                 Quelques jours plus tard le commandant Huder était lâchement assassiné à son tour.

                 Le 11 octobre 1831, le reste de l'expédition abandonnait, une seconde fois la ville et repartait pour Alger.
                 Alors les troupes du Bey de Constantine commandées par Benzagouta tentèrent se s'emparer de Bône.
                 Les habitants animés par un ancien Bey de Constantine, venu sous prétexte de soutenir la cause de la France, mais qui, en réalité nourrissait le secret espoir de devenir maître de la ville, s'opposèrent farouchement au dessein d'Ahmed-Bey.
                 Celui-ci, exaspéré par cette résistance, destitua et mit à mort Benzagouta et le remplaça par Ali Ben Aïssa pour amener les habitants à accepter la domination du Bey de Constantine.
                 Et comme ceux-ci ne répondaient toujours pas à ses désirs, il décida de les réduire à la famine.
                 Campés autour du Ruisseau d'Or, les troupes de Ben Aïssa entreprirent donc le blocus de la ville. C'était pour elles chose facile, étant donné que l'endroit où elles avaient établi leur camp commandait toutes les vois d'accès à l'intérieur des terres.
                 Les montagnards de l'Edough parvinrent cependant à déjouer leur surveillance en ravitaillant par mer les habitants assiégés.

                 Venant d'Herbillon qui s'appelait alors Takkouch,
                 - ou de la plage de l'Oued Beugra, ou
                 - de celle d'Aïn Barbar, leurs barques apportaient des denrées, des fruits et des légumes jusque dans la baie de l'Oued Kouba (plage Chapuis).
                 - Ainsi les assiégés pouvaient subir les apparentes rigueurs d'un blocus inexorable avec une approximative résignation.
                 Il n'en était pas de même des assiégeants qui s'impatientaient et se laissaient gagner peu à peu par la colère.
                 Sous l'empire de cette colère, aveugle et cruelle, cette plaine qui, depuis l'enceinte de la ville s'étendait jusqu'au pied de l'Edough et dont l'interprète Féraud qui l'avait vue avant le siège avait pu dire qu'elle était couverte de jardins cultivés et de quinconce de jujubiers et que des eaux abondantes y favoriseraient la plus riche végétation, fut entièrement saccagée et transformée en un lamentable marécage, en un cloaque infect qu'aggravaient les débordements de l'Oued-Sob contre lesquels on ne luttait plus, bien au contraire.

                 Cet état de choses durait depuis cinq ou six mois lorsque le général Savary, duc de Rovigo, qui avait remplacé le général Berthezène, rendu responsable de la mort du capitaine Bigot et du commandant Huder voulut bien envisager une nouvelle expédition sur Bône.
                 Il avait au cours du mois de janvier 1832 chargé le capitaine Yusuf de se rendre dans cette ville et de s'y livrer à une étude aussi sérieuse que possible de l'état d'âme des habitants et des moyens susceptibles d'être employés pour s'emparer de la place.
                 Les résultats de la mission de Yusuf, qui avait duré quinze jours, furent extrêmement favorables. Le capitaine rapportait, en outre, des messages des notables de la ville appelant la France à leur aide.

                 C'est dans ces conditions que le Duc de Rovigo décida d'entreprendre, sans plus tarder, les préparatifs d'une intervention militaire pour répondre au vœu des habitants de Bône qui craignaient que leur ville ne tombât finalement aux mains de Ben Aïssa, lieutenant du Bey de Constantine.
                 Il lui était cependant, dans le moment, absolument impossible, faute d'effectifs suffisants, d'organiser un Corps Expéditionnaire.
                 Cependant pour parer au plus pressé et donner aux habitants de la ville assiégée la preuve de sa sollicitude, il décida d'envoyer immédiatement à Bône, le capitaine d'Armandy qui devait mettre au service d'Ibrahim-Bey sa science et son expérience pour la défense de la ville et à la disposition de la population affamée des vivres et des denrées qu'il transportait avec lui sur la goélette " la Béarnaise " sur laquelle il devait s'embarquer.

                 Le 23 janvier, " la Béarnaise " quittait donc Alger pour se rendre à Bône ayant à son bord les capitaines d'Armandy et Yusuf et remorquant la felouque " Cassauba " chargée de vivres.
                 Le convoi était commandé par le lieutenant de vaisseau Freart.
                 Cinq jours après la goélette mouillait dans la baie des Caroubiers où elle devait demeurer tout un long mois sur ses ancres.
                 D'Armandy entreprenait alors d'amener, par de judicieux raisonnements, Ibrahim-Bey à livrer la forteresse aux Français, tandis que Yusuf prévoyant que ces conversations n'aboutiraient pas au résultat voulu étudiait avec soin les abords de la citadelle et recherchait des intelligences dans la place.

                 Ben Aïssa ayant appris la présence de deux officiers français dans la place décida alors de brusquer les choses.
                 Par une nuit sans lune, au début de mars, grâce à la complicité de soldats de la garnison, il parvint à forcer la Porte er Rabba, ou du Marché située en bas de la rue Louis-Philippe et à faire pénétrer ses troupes dans la ville dont il devint le maître pendant une quinzaine de jours.
                 Ibrahim demeurait figé dans sa Casbah refusant toujours obstinément de la livrer sans combat à d'Armandy qui s'offrait :
                 - à la faire servir avec son artillerie,
                 - à libérer la ville et
                 - à chasser les troupes de Ben Aïssa.

                 L'inertie de son interlocuteur, qui n'utilisait pas ses canons contre ses ennemis, dut paraître suspecte à d'Armandy qui modifia sa tactique dès qu'il apprit surtout que, le 25 mars, Ben Aïssa avait formellement déclaré que si, dans les quarante-huit heures qui allaient suivre la citadelle ne s'était pas rendue à lui, il l'enlèverait coûte que coûte, de gré ou de force.
                 C'est ainsi que le 27 mars fut choisi pour tenter l'aventure ; car c'était bien une aventure que les deux officiers allaient courir.
                 Il leur fallait s'introduire dans la forteresse et en prendre le commandement avant que les troupes de Ben-Aïssa ne vinssent l'investir et sommer Ibrahim de se rendre, ce que celui-ci se serait empressé de faire.

                 Le 27 mars, donc, avant l'aube, d'Armandy débarquait avec vingt-six marins de la " Béarnaise " sour la plage, tout près du fameux rocher du Lion, derrière lequel la goélette allait s'embosser pour attendre la suite des évènements.
                 Yusuf avait quitté le bord à deux heures du matin pour aller mettre en place le dispositif qui devait permettre à cette petite troupe de pénétrer furtivement dans la citadelle.
                 Avec l'aide d'un soldat de la garnison qu'il avait su gagner à sa cause, une corde à nœuds avait été fixée à une embrasure de fenêtre, du côté Nord-Est de l'enceinte.
                 D'Armandy et ses marins qui formaient un total de trente et un hommes entreprirent leur glorieuse montée, en partant de cette modeste stèle repère approximatif, du début de leur itinéraire qui fut inaugurée le dimanche 3 avril 1932 sur le bord de la route au-dessous du cimetière musulman, à l'occasion du centenaire de la ville de Bône.

                 Après une courte pose à la fontaine du Prisonnier ou de l'Esclave, si l'on veut, situé à mi-côte, la petite troupe parvint aisément sous les murs de la citadelle où Yusuf attendait.
                 Immédiatement les trente et un hommes, s'aidant d'une corde à nœuds en place, grimpèrent jusqu'à la fenêtre à laquelle elle était attachée, et pénétrèrent l'un après l'autre dans la cour intérieur du fort où ils se rangèrent en bon ordre silencieusement.
                 Puis, lorsqu'ils furent tous rassemblés et bien alignés sur deux rangs, Yusuf alerta la garnison qui dormait encore.

                 Les soldats turcs portant quatre fois plus nombreux furent littéralement affolés en voyant ces occupants inattendus, si calmes et si décidés. Ils n'esquissèrent pas le moindre petit mouvement de défense ou de révolte.
                 Yusuf profita de leur complet ahurissement pour s'imposer à eux. Leur parlant dans leur langue, il leur commanda de se mettre en rang, face aux marins de la Béarnaise et leur dit que désormais la Casbah était française, qu'on allait y arborer le pavillon français et que la garnison passait, à compter de ce jour, à la solde de la France.
                 L'enseigne de Cornulier-Lucinière, qui faisait partie de la petite troupe, termine le récit qu'il fit des évènements qui viennent d'être résumés par ces lignes : " Nous, nous rendîmes au balcon du Pavillon au-dessus de la porte unique de la Casbah, le drapeau turc qui y flottait fut amené, remplacé par celui de la France et salué d'un coup de canon à boulet ".

                 Cette porte est la seule partie de l'ancienne forteresse qui subsiste encore. Une plaque commémorative rappelant cet épisode glorieux a été scellée contre le vieux mur, le dimanche 3 avril 1932 à neuf heures trente, en même temps qu'un poème de Maxime Rasteil : " la prise de la Casbah " était déclaré par l'auteur.
                 Le boulet de canon qui avait salué le pavillon du Roi des Français remplaçant le drapeau turc au-dessus de la porte d'entrée et la Casbah et qui était passé en sifflant sur la ville pour aller tomber dans le camp des troupes de Ben-Aïssa, avait suffi pour faire comprendre à celui-ci que la situation venait de changer et qu'il devrait renoncer à tout espoir de s'emparer de la Casbah et de garder la ville.
                 Il décida donc immédiatement de décamper et de se retirer vers Constantine. Mais avant de partir, il incendia la ville et grande partie et fit razzier les troupeaux dans les plaines environnantes par sa cavalerie.

                 Le 28 mars, le capitaine d'Armandy adressa au général en chef, Duc de Rovigo, ce simple et noble compte-rendu :
                 " Général,
                 Nous sommes entrés le capitaine Yusuf et moi dans la citadelle de Bône, à la tête de trente marins de la Béarnaise.
                 Nous avons pour auxiliaires cent trente Turcs, dont un grand nombre nous exècre, et pour ennemis, les cinq mille hommes de Ben Aïssa .
                 Mais nous n'en saurons pas moins conserver la citadelle à la France, ou y mourir. "


                 C'est en effet en trompant la surveillance des troupes de Ben-Aïssa, campés sous les murs de la ville et malgré l'hostilité des Turcs de la Casbah que par :
                 - leur audace,
                 - leur courage et
                 - leur témérité, les trente marins de la Béarnaise s'étaient rendus maître de la ville de Bône, sans qu'aucune goutte de sang humain ne fut versée.

                 Le maréchal Soult, ministre de la guerre, en annonçant à la chambre des députés la prise de Bône, avait bien raison de dire : c'est le plus beau fait d'armes du siècle.

Bône, son histoire, ses histoires, par Louis Arnaud.


Napoléon III à Alger
Envoyé par M. Christian Graille

               La province d'Alger est limitée :
               - au Nord par la mer Méditerranée,
               - à l'Est par la province de Constantine,
               - au Sud par le désert du Sahara,
               - à l'Ouest par la province d'Oran.

               Le territoire occupé par cette province faisait partie, du temps des Romains, de la Maurétanie Césarienne.
               La contenance superficielle de la province d'Alger est de 185.000 kilomètres carrés et sa population de 958.000 habitants dont 857.000 indigènes et 83.000 Européens. Cette province est divisée comme les deux autres provinces en deux territoires :
               - territoire civil ou département,
               - territoire militaire ou division.

               Le département d'Alger se subdivise en trois arrondissements : Alger, Blidah, Milianah. Ces trois arrondissements comprennent 29 chefs-lieux de communes :
               - Alger, Alma, Arba,
               - Aumale, Birkadem, Blida,
               - Boufarik, Chebli, Chéragas,
               - Cherchell, Coléa, Dellys,
               - Delly-Ibrahim, Douéra, Duperré,
               - Fondouk, Kouba, Marengo,
               - Médéah, Milianah, Mouzaïaville,
               - Orléansville, Oued-el-Alleug, Rassauta,
               - Rouïba, Rovigo, Sidi-Moussa,
               - Ténès, Vesoul-Bénian.

               61 villages sont annexés à ces 29 communes. Ce qui porte à 90 le nombre des centres de population habités par les Européens dans la province. Sur ces 90 villes ou villages, il n'en existait que 9 au moment de la conquête.
               La division militaire d'Alger comprend 6 subdivisions :
               - Alger, Dellys, Aumale,
               - Médéah, Milianah, Orléansville.

               Quinze cercles :
               - Dellys, Dra-El-Mizan, Fort-Napoléon,
               - Tizi-Ouzou, les Béni-Mansour, Aumale,
               - Médéah, Boghar, Laghouat,
               - Djelfa, Milianah, Cherchell,
               - Teniet-El-Haâd, Orléansville, Ténès,
               - 263 caïdats
               L'empereur a visité 30 villes, villages ou fermes, a pénétré jusque dans la Kabylie et n'a pas parcouru moins de 1.000 kilomètres aller et retour.

Alger

               La ville s'élève en amphithéâtre sur le mont de Bouzaréah dont elle occupe tout le penchant qui fait face à la mer.
               Elle a ainsi la forme d'un triangle dont le plus grand côté lui sert de base d'appui sur le rivage.
               Ses maisons blanchies et terminées par des terrasses, offrent une masse non interrompue qui s'aperçoit à une grande distance au large.
               Son port où l'on pénétrait autrefois avec tant de difficultés, est aujourd'hui parfaitement abrité et d'un accès facile, grâce à deux magnifiques jetées, dont l'une, au Nord, mesure 700 mètres et l'autre au Sud 1.235 mètres.

               Alger a été bâtie sur l'emplacement d'une cité romaine, Icosium qui fut ruinée par les Vandales et réédifiée par les Arabes vers la fin du Xe siècle.
               La commune comprend trois annexes :
               - El-Biar,
               - Bouzaréah,
               - Mustapha.

               Sa population est de 58.315 habitants.
               Les monuments les plus remarquables sont :
               La Casbah ou citadelle dont les derniers Deys avaient fait leur demeure pour tenir la ville en respect et résister aux émeutes des janissaires.
               Cette forteresse a été transformée en caserne et n'offre plus une trace de son affectation primitive.
               On y chercherait en vain :
               - le célèbre salon des miroirs où quatre vingt pendules sonnaient midi pendant une heure,
               - le kiosque où Hussein-Dey insulta notre consul et
               - tous les appartements luxueux où logeaient les femmes du pacha.

               Le palais du gouverneur général, ancienne et belle maison mauresque, restaurée avec goût, à laquelle néanmoins on a su conserver son cachet oriental.
               Les colonnes de marbre blanc à chapiteaux peints et dorés qui soutiennent le péristyle intérieur et les piliers de la salle à manger sont d'une grande beauté ;
               Une étuve mauresque, toute revêtue de marbre de Carrare et dont le dôme en dentelle de pierre, soutenu par des colonnettes d'albâtre, laisse filtrer le jour au travers des vitraux azurés, se trouve dans un des détours de cette vaste demeure pleine de réduits mystérieux, habilement ménagés.
               Les plafonds des appartements, sculptés en bois, sont richement coloriés et rehaussés de dorure.

               La grande mosquée (Djemâ-Kebir) dont la fondation remonte au XIe siècle.
               Edifice carré et bas, plus spacieux que beau, précédé d'une galerie en marbre qui longe l'un des côtés de la rue de la Marine et qui a été bâtie par les Français.
               La mosquée nouvelle (Demâ-Djedid), bâtie en forme de croix grecque. On raconte que l'esclave qui dirigeait les travaux fut brûlé vif pour s'être permis de donner à une mosquée la forme d'une croix.

               Un assez grand nombre d'édifices ont été construits depuis la conquête. On y remarque une jolie synagogue et un fort joli théâtre qui fait honneur à l'habile architecte de la ville M. Chassériau qui en a donné le plan et surveillé l'exécution.
               On peut citer également, parmi les œuvres d'art qui décorent la ville, deux statues : l'une érigée en l'honneur du duc d'Orléans l'autre consacrée à la mémoire du Maréchal Bugeaud dont le souvenir est cher aux Algériens.
               Les noms de deux autres généraux, non moins aimés, ont été inscrits sur le livre d'or de la reconnaissance publique : le passage Malakoff et la place Randon rappellent les services rendus à la colonie par ces éminents capitaines qui après avoir largement contribué à la conquête et à la pacification de l'Algérie, n'ont point cessé de porter un vif intérêt à ses destinées.

Séjour de l'Empereur à Alger

               Le 3 mai 1865, à 7 heures du matin, S.M. L'Empereur Napoléon III débarquait sur le quai d'Alger accompagné :
               - de S. A le prince Murat ( S.A le prince Murat était en Algérie depuis un mois environ, visitant la colonie en touriste.) qui était allé saluer sa Majesté à bord du yacht impérial l'Aigle, ( Le yacht impérial était commandé par le contre-amiral De Dompierre d'Hornoy)
               - de son Excellence M. le Maréchal duc de Magenta, Gouverneur Général, qui s'était porté à sa rencontre,
               - de M. le Général Fleury, sénateur,
               - de M. le Général de division de Castelnau, de M. le Colonel comte Reille
               - et des autres personnes de la Maison de sa Majesté.

               Un immense cri de vive l'Empereur ! Sorti de toutes les poitrines, saluait Sa Majesté au moment où elle posait le pied sur le sol algérien.
               Monsieur Sarlande, maire d'Alger, à la tête du Conseil municipal, après avoir présenté à l'Empereur les clefs de cette ville lui adressait le discours suivant :
               " Sire, Je viens présenter à votre Majesté les clefs de la ville d'Alger.
               Permettez-moi de vous offrir en même temps l'hommage du respectueux dévouement de ses habitants.

               Que votre Majesté daigne porter les yeux sur cette foule accourue à sa rencontre :
               - la joie peinte sur tous les visages,
               - l'enthousiasme qui anime tous les regards,
               - les acclamations de tout un peuple avide de voir son Souverain, lui diront plus éloquemment que je ne saurais le faire, combien la ville d'Alger est heureuse et fière de posséder l'Empereur dans ses murs."

               Celui-ci a répondu qu'il était heureux de se retrouver sur cette terre à jamais française.

               Des circonstances malheureuses l'avaient empêché, il y a cinq ans, de voir comme il le désirait ce beau pays. Mais il avait promis de revenir et il revenait.
               Quant à ces hommes courageux, qui sont venus apporter dans cette nouvelle France, le progrès et la civilisation, ils doivent avoir confiance et toutes ses sympathies leur sont assurées.
               Sa Majesté est ensuite montée à cheval, suivie d'un nombreux et brillant État-Major. Le cortège allait au pas.
               - Les médaillés de Sainte Hélène,
               - les membres des Sociétés de secours mutuels, la milice et
               - les différents corps de troupe de la garnison formaient la haie, sur le parcours du cortège, à partir du quai jusqu'au palais du Gouvernement.

               Depuis le pied de la rampe du boulevard jusqu'à la place du Gouvernement s'échelonnaient en rangs pressés :
               - les élèves du lycée impérial,
               - du collège impérial arabe français et
               - les enfants de toutes les écoles communales et privées portant des banderoles et faisant entendre sur le passage de l'Empereur de vives acclamations que Sa Majesté a accueilli avec une bonté toute particulière.

               Une foule innombrable se pressait :
               - sur toute l'étendue de la place et dans les rues qui y débouchent,
               - sur le boulevard et dans ses galeries,
               - sur les terrasses de la mosquée et des maisons avoisinantes.

               Au moment où l'Empereur est arrivé en face de l'hôtel d'Orient et de la maison Lesca, sous les galeries desquels la foule était entassée, tous les fronts sont découverts, les chapeaux, les mouchoirs sont agités aux cris mille fois répétés de : Vive l'Empereur !
               Vive l'Impératrice !
               Vive le prince impérial, roi d'Algérie !

               A ce moment, dit l'Akhbar auquel nous empruntons ces lignes, il s'est établi un véritable courant magnétique entre cette foule transportée et son souverain dont le visage, à l'instant même, s'est épanoui.
               Les mêmes acclamations ont accompagné Sa Majesté jusqu'à la cathédrale. Il s'est produit pendant la marche du cortège impérial, un incident assez curieux. En montant la rampe du boulevard l'Empereur s'est senti saisir une jambe.
               C'était un Arabe qui, bondissant de la haie comme une panthère, embrassait sa botte. Demandait-il grâce pour quelqu'un des siens, ou s'abandonnait-il simplement à une de ces démonstrations de dévouement passionné dont les Arabes sont si prodigues ?
               Nous ne saurions le dire ; toujours est-il qu'en un tour de main la police a subtilisé cet agile personnage et qu'il n'en a plus été question.
               Sa Majesté a mis pied à terre et a gravi les marches du parvis où attendait Mgr l'évêque revêtu des ornements pontificaux et entouré de tout son clergé.

               Pendant que les réceptions officielles continuaient au palais du Gouvernement, on affichait dans la ville la proclamation suivante aux habitants de l'Algérie qui était accueillie par la foule avec enthousiasme :
                " Je viens au milieu de vous pour :
               - connaître par moi-même vos intérêts,
               - seconder vos efforts,
               - vous assurer que la protection de la Métropole ne vous manquera pas.

               Vous luttez avec énergie depuis longtemps contre deux obstacles redoutables : une nature vierge et un peuple guerrier.
               Mais de meilleurs jours s'annoncent. D'un côté des sociétés particulières vont, par leur industrie et leurs capitaux développer les richesses du sol, et de l'autre les Arabes contenus et éclairés sur nos intentions bienveillantes, ne pourront plus troubler la tranquillité du pays.
               Ayez donc foi dans l'avenir, attachez-vous à la terre que vous cultivez comme à une nouvelle patrie, et traitez les Arabes au milieu desquels vous devez vivre, comme des compatriotes.
               Nous devons être les maîtres parce que nous sommes les plus civilisés ;
               nous devons être généreux parce que nous sommes les plus forts.
               Justifions enfin sans cesse l'acte glorieux de l'un de mes prédécesseurs qui, faisant planter, il y a trente-cinq ans, sur la terre d'Afrique, le drapeau de la France et la croix, y arborait à la fois le signe de la civilisation, le symbole de la paix et de la charité. "
Napoléon.

               L'Empereur accompagné du Maréchal Mac-Mahon et de ses aides de camp, MM. Fleury, Castenau et Reille se sont promenés à pied dans les rues d'Alger.
               Il a paru frappé de la beauté du boulevard de l'impératrice ; il a remarqué le splendide hôtel d'Orient et la maison Lesca.
               Descendant ensuite sur le quai il a trouvé que les bureaux des deux compagnies maritimes, la nouvelle douane et certains bastions étaient d'un mauvais effet.
               En visitant le quartier de Bab-El-Oued, il a indiqué la démolition de tous les établissements du génie et de l'artillerie qui encombrent l'espace compris entre la mer et le nouveau lycée, le jardin Marengo et la porte Bab-El-Oued.
               Cet immense espace doit être transformé en un jardin public.
               Le soir, les édifices publics et la plupart des maisons particulières étaient brillamment illuminés. Une foule compacte n'a cessé d'encombrer les places et les principales rues jusqu'à une heure fort avancée.

               L'escadre cuirassée, brillant de mille feux, ajoutait un nouvel éclat au splendide effet que produisait :
               - l'illumination de la mosquée,
               - de la pêcherie et
               - de la place du Gouvernement.

               4 mai - Dans la matinée l'Empereur s'est longuement entretenu avec M. Sarlande, maire d'Alger :
               - de la situation de la ville,
               - de ses ressources,
               - de ses besoins,
               - des travaux exécutés ou de ceux en projet et lui a demandé les plans des uns et des autres.

               Plusieurs autre audiences ont été données par Sa Majesté qui a travaillé jusqu'à l'heure du déjeuner.
               A midi il a visité successivement :
               - le village de Chéragas,
               - la ferme des Trappistes à Staouéli,
               - la baie de Sidi-Ferruch , et s'est arrêté, en rentrant dans les villages
               - de Guyot-ville,
               - de la Pointe Pescade,
               - de Saint-Eugène.
               Partout sur son passage, le souverain a été salué par les populations ; les maisons de campagne étaient pavoisées, les fermes les plus humbles montraient leurs façades ornées de bouquets de fleurs des champs.
               C'est au milieu de ces ovations non interrompues que s'est effectué le retour à Alger.

               5 mai - L'Empereur voulant se rendre compte par lui-même de diverses questions intéressant l'édilité d'Alger a parcouru dans la matinée les quartiers du bas de la ville, est descendu par la rue de la Marine jusqu'à l'Amirauté ; puis il est allé visiter l'exposition des œuvres d'Art organisée par un artiste algérien M. Lauret.
               Dans la soirée il a visité le haut de la ville, incognito accompagné seulement du Gouverneur Général et d'un aide de camp. Il s'est donné le plaisir d'entrer dans un café maure.
               Dans la matinée du même jour l'Empereur avait adressé aux Arabes la proclamation suivante :
               " Lorsqu'il y a trente-cinq ans, la France a mis le pied sur le sol africain, elle n'est pas venue détruire la nationalité d'un peuple mais au contraire affranchir ce peuple d'une oppression séculaire ; elle a remplacé la domination turque par un gouvernement
               - plus doux, plus juste, plus éclairé.

               Néanmoins pendant les premières années, impatients de toute suprématie étrangère, vous avez combattu vos libérateurs.
               Loin de moi la pensée de vous en faire un crime ; j'honore, au contraire le sentiment de dignité guerrière qui vous a porté avant de vous soumettre, à invoquer par les armes le jugement de Dieu. Mais Dieu a prononcé ; reconnaissez donc les décrets de la Providence, qui, dans ses desseins mystérieux, nous conduit souvent au bien en décevant nos espérances et en trompant nos efforts.
               Comme vous, il y a vingt siècles, nos ancêtres ont aussi résisté avec courage à une invasion étrangère, et cependant, de leur défaite date leur régénération.

               Les Gaulois vaincus se sont assimilés aux Romains vainqueurs, et de l'union forcée entre les vertus contraires de deux civilisations opposées, est née, avec le temps, cette nationalité française qui, à son tour, a répandu ses idées dans le monde entier.
               Qui sait si un jour ne viendra pas où la race arabe régénérée et confondue avec la race française, ne retrouvera pas une puissante individualité semblable à celle qui, pendant des siècles, l'a rendu maîtresse des rivages méridionaux de la Méditerranée.
               Acceptez donc les faits accomplis. Votre prophète dit que Dieu donne le pouvoir à qui le veut. Or ce pouvoir que je tiens de lui, je veux l'exercer dans votre intérêt et pour votre bien.

               Vous connaissez mes intentions :
               - j'ai irrévocablement assuré dans vos mains la propriété des terres que vous occupez,
               - j'ai honoré vos chefs,
               - respecté votre religion,
               - je veux augmenter votre bien-être, vous faire participer de plus en plus à l'administration de votre pays comme aux bienfaits de la civilisation.

               Mais c'est à la condition que, de votre côté, vous respecterez ceux qui représentent mon autorité. Dites à vos frères égarés que tenter de nouvelles insurrections serait fatal pour eux.
               Deux millions d'Arabes ne sauraient résister à quarante millions de Français. Une lutte de un contre vingt est insensée !
               Vous m'avez d'ailleurs prêté serment et votre conscience, comme votre livre sacré, vous obligent à garder religieusement vos engagements.
               Je remercie la grande majorité d'entre vous dont la fidélité n'a pas été ébranlée par les conseils perfides du fanatisme et de l'ignorance.
               Vous avez compris, qu'étant votre souverain, je suis votre protecteur ; tous ceux qui viennent sous nos lois ont également droit à ma sollicitude.

               Déjà de grands souvenirs et de puissants intérêts vous unissent à la Mère-Patrie ; depuis dix ans vous avez partagé la gloire de nos armes et vos fils ont dignement combattu à côté des nôtres :
               - en Crimée,
               - en Italie,
               - en Chine
               - au Mexique.

               Les liens formés sur les champs de bataille sont indissolubles et vous avez appris à connaître ce que nous valons comme amis ou ennemis.
               Ayez donc confiance dans vos destinées puisqu'elles sont unies à celles de la France, et reconnaissez avec le Coran que celui que Dieu dirige est bien dirigé. Napoléon.

               6 mai - L'Empereur quitte Alger à dix heures du matin pour faire une excursion dans la plaine de la Mitidja et rentre le soir à six heures, après avoir visité :
               - Bouffarick,
               - Oued El Alleug,
               - Coléa,
               - Douaouda.

               7 et 8 mai - L'Empereur a ordonné d'élever de un million à deux millions et demi le chiffre des indemnités à payer, dans les trois provinces, aux Européens et aux Indigènes qui ont éprouvé des pertes par suite de la dernière insurrection. Il est ensuite parti pour Milianah et n'est revenu à Alger que le lendemain à 5 heures du soir.

               9 mai - Il a donné audience à un grand nombre d'indigènes puis a reçu les délégués de la société impériale d'agriculture d'Alger.
               A deux heures et demie, les marins de l'escadre cuirassée d'évolutions ont débarqué pour faire une promenade militaire.
               Les compagnies de débarquement ayant à leur tête la musique du vaisseau amiral le Solférino ont monté la rue de la marine, suivi les rues Bab-Azoun, Rovigo, d'Isly.
               Ces compagnies placées sous le commandement supérieur de M. Robinet de Plas, commandant le Solférino sont organisés de manière à pouvoir, dans un très court espace de temps, de faire un débarquement sur un point quelconque. A cet effet, à bord de chaque navire, les matelots sont désignés pour que, au commandement de leurs chefs sur ce même navire, ils soient immédiatement prêts à être transportés à terre. Chaque compagnie se compose de 120 hommes (nombre qui pourrait être augmenté), commandés par un lieutenant de vaisseau ; la réunion des compagnies de deux navires forme un bataillon qui dispose de deux batteries de 6 pièces. Tous ces mouvements s'exécutent dans une promptitude et un ensemble remarquable.

               Aussitôt à terre, chaque compagnie se forme en bataille, monte ses pièces de campagne auxquelles s'attèlent 7 hommes et se met en marche sur le point indiqué.
               Arrivées à la statue du Maréchal Bugeaud, elles ont reçu l'ordre de passer sous les fenêtres de l'Empereur et sont revenues par la rue Napoléon, la rue Bruce, la rue Génina, la rue Bab-el-Oued et la rue de la Marine.
               A cinq heures Sa Majesté est allée visiter les principaux monuments. Sa première visite a été pour la cathédrale ou Mgr l'évêque Pavy l'a reçu.
               La bibliothèque et le musée ont été ensuite visités.

               Le souverain a examiné avec le plus grand détail la salle des antiquités et celle des monuments arabes, dont M. Berbrugger, conservateur décrivait les objets les plus remarquables.
               Dans la grande salle de lecture Sa Majesté a remarqué la lettre originale écrite sur parchemin par son oncle, Napoléon 1er au pacha Mustapha qui a construit et habité la maison où se trouvent aujourd'hui la bibliothèque et le musée.
               M. Bresnier, professeur de la chaire d'arabe a montré les plus beaux manuscrits arabes, comme calligraphie et enluminures de la collection de la bibliothèque.
               Les deux principales mosquées ont été visitées et la tournée s'est achevée par une visite au lycée impérial et au collège impérial arabe-français.
               M. le Recteur Delacroix, entouré des inspecteurs d'académie et des fonctionnaires du lycée a adressé à l'Empereur l'allocution suivante :
               " Sire, l'université fondée par Napoléon 1er, soutenue et affermie par Napoléon III marche, ici comme en France, vers le noble but qui lui est assigné : éclairer les esprits à tous les degrés de l'échelle sociale pour élever l'âme de la nation.
               D'Alger à Laghouat, de la Calle à Nemours, elle enseigne :
               - la crainte de Dieu,
               - l'amour de la patrie,
               - la fidélité au souverain

               Elle répand sur tous indistinctement sa bienfaisante influence persuadée qu'elle aura puissamment contribué pour sa part à l'œuvre de civilisation entreprise par la France lorsqu'elle aura réuni sur les mêmes bancs, à côté des Européens de tous les pays, les indigènes de tous les cultes et de toutes les races.
               Aujourd'hui l'Algérie a peu de chose à désirer pour l'enseignement primaire.
               L'enseignement secondaire est largement organisé dans ce lycée qui compte cinq cents élèves et qui n'attend qu'un local plus vaste et mieux approprié pour prendre un nouveau développement. Les collèges des provinces d'Oran et de Constantine sont déjà fréquentés par une jeunesse avide de savoir.
               La prospérité de la Colonie en fera dans quelques années des lycées impériaux. Quant à l'enseignement supérieur, il a été inauguré en 1857, par la création d'une école de médecine, spécialement appelée à étudier les maladies du pays et à propager l'art de guérir parmi les Arabes qui, depuis plusieurs siècles, n'ont d'autre médecin que le fatalisme. "

               Sa Majesté a répondu qu'elle sait que le corps enseignant est à la hauteur de sa mission par le savoir et le dévouement et qu'elle est heureuse d'applaudir aux résultats déjà obtenus en Algérie sous le rapport de l'instruction.

               Le soir, sa Majesté s'est rendue au bal donné en son honneur par le Maréchal Gouverneur Général, au palais de Mustapha.
               M. Charles Desprez, le spirituel chroniquer de l'Akbar a publié sur cette fête splendide quelques lignes charmantes qui trouvent naturellement leur place dans ce recueil de souvenirs algériens : " J'ai déjà vu dans ma vie bien des fêtes.
               Les voyages si féconds en aventures de tout genre m'ont fait un bagage imposant d'épisodes heureux, de souvenirs poétiques.
               Je puis bien dire cependant que nul d'entre eux ne saurait être éclipsé par la fête de Mustapha.
               Quel trajet, quelles perspectives, sur ce chemin zigzaguant aux flancs du Sahel, entre les plus riches vergers et les plus magnifiques ombrages.
               A droite, le vallon d'Isly avec :
               - ses blancs palais de style oriental,
               - les hauteurs pittoresques du Telemli,
               - les crêtes ardues du Fort l'Empereur.
               A gauche,
               - les bosquets de la villa Clauzel
               - la vaste plage du Hamma,
               - la gracieuse courbe des flots venant mourir sur le rivage.
               Dans l'air pas un souffle et néanmoins une délicieuse fraîcheur.
               Au ciel, pas un nuage et tant de clarté, tant d'azur qu'on eût pu se croire au plein jour de certaines contrées du Nord.
               Nuls jalons n'indiquaient au loin la route, enfouie çà et là sous les massifs :
               - de trembles, de lentisques, de caroubiers ;
               mais on en pouvait, de l'œil, suivre tous les méandres, grâce aux voitures dont les réverbères :
               - couraient,
               - se croisaient,
               - se dérobaient,
               - reparaissaient comme des essaims de lucioles.

               L'ouverture du bal était fixée pour neuf heures et déjà, dès huit heures,
               - les salons,
               - les galeries,
               - les vestibules du palais étaient remplis d'une foule compacte.

               Les dames occupaient les fauteuils et les banquettes placées sur deux rangs le long des murs aux arabesques d'or.
               Les hommes se tenaient debout au milieu du salon.
               - C'étaient nos brillants officiers de terre et de mer, avec leurs épaulettes resplendissantes, leurs croix et leurs rubans de toute couleur.
               - Les fonctionnaires,
               - les employés,
               - les chefs arabes avec leurs longs burnous,
               - les caïds,
               - les muphtis,
               - les Maures de distinction attirant le regard par leurs ajustements orientaux.

               Pas de musique, pas de danse, pas de jeu, pas de conversation.
               On ne marchait même pas. Chacun restait en place immobile, le cou tendu, les yeux tournés vers la porte d'honneur, comme en l'attente d'un évènement. Les grands arbres du jardin couvraient les allées de leur ombre épaisse. La lune seule éclairait les coteaux voisins et sa douce lumière tremblotait seule et sans rivale sur les eaux endormies du golfe.
               Tout à coup des applaudissements, des cris de joie se font entendre du côté de la route.
               Et, par les ogives des colonnades, au-delà des massifs d'aloès et de citronniers qui décorent le parterre, on aperçoit, courant à fond de train une escouade de cavaliers armée de torches.
               C'est le cortège, c'est l'Empereur.
               Les nobles hôtes du palais se précipitent pour le recevoir.
               Ce fut alors comme un enchantement. Aux arbres du jardin se balancent des fruits de feu, à l'angle des terrasses, aux corniches des murs se déploient des théories d'arcs-en-ciel.

               De tous côtés s'élancent dans les airs mille fusées aux poussières lumineuses, et dans les coins obscurs, au fond des bosquets ténébreux, jaillissent en embrasements tour à tour bleus, verts, jaunes, rouges les boites de feu de Bengale.
               Au loin sur les bleues étendues de la mer, se dessinaient, en éclatantes parallèles, les vergues de l'escadre brillamment illuminée.
               Des orchestres placés à divers endroits du palais, ici près du salon des dames, là sous le couvert des ombrages, ajoutaient au plaisir des yeux les délectations de l'ouïe.
               Sa Majesté ouvrit le bal avec madame la duchesse de Magenta.
               La fête commençait véritablement. Les invités pressés jusqu'alors dans un seul salon, pour accueillir l'Empereur, se répandirent, qui par les vérandas, qui sous les vestibules, qui dans les jardins du palais. Le souper fut splendide. Nul n'ignore ce que peuvent, en fait de gastronomie, nos Vétours algériens. Tous les journaux de la Métropole et de l'Algérie ont signalé le menu de ce souper qui mérite, en effet, de fixer l'attention des gourmets. Nous le reproduisons ici :
               - Potages de tortues du Boudouaou,
               - Porc-épic garni de rognons d'antilope,
               - quartiers de gazelle de Ouargla,
               - filets de marcassins de l'oued-Allouf,
               - Salmis de poules de Carthage,
               - côtelettes d'antilope,
               - pains d'outardes des chotts,
               - autruche de l'Oglat-Nadja,
               - jambons de sangliers,
               - œufs d'autruches à la coque,
               - gelée de grenades à la Staouéli,
               - pâtisseries arabes.
               Il était tard, ou plutôt de bonne heure que l'éclat des lumières et les ritournelles des quadrilles retenaient encore au palais les élus fortunés de cette nuit merveilleuse.

               10 mai - Après avoir passé la journée à s'occuper des intérêts de la colonie l'Empereur s'est rendu au jardin d'acclimatation. Le jardin d'essai est une pépinière dont le savant directeur M. Hardy a su faire, en dehors de son utilité incontestable, la plus belle promenade des environs d'Alger.
               Il s'est fait donner des renseignements sur les espèces animales entretenues dans les parcs
               Il a remarqué la longue allée de bambous, la dimension des nombreuses tiges de ce végétal et le parti avantageux que l'on peut en tirer dans l'économie rurale.

               Une avenue plantée alternativement :
               - de palmiers et de lataniers, s'étendant jusqu'à la mer,
               - des massifs de bananiers,
               - d'orangers,
               - de citronniers,
               - des plantes exotiques en pleine terre ou en serre font du jardin d'essai un endroit vraiment enchanteur.

               Il a manifesté son intérêt pour les araucarias, beaux spécimens d'arbres conifères d'Australie et s'est enquis de la possibilité de multiplier ces précieux végétaux et de les employer un jour pour le reboisement de nos montagnes.
               - Il a été particulièrement frappé par les propriétés de croissance rapide des pins des Canaries .
               - Il a manifesté l'intention de faire venir des graines de cette espèce pour l'essayer dans les Landes.
               - Il a également porté son attention sur les eucalyptus qui bordent la route et qui, plantés le 15 décembre 1863 ayant 1mètre 20 de hauteur ont maintenant 10 à 15, mètres d'élévation.
               - Il s'est fait rendre compte des mesures prises pour la multiplication de cet arbre utile et sa diffusion sur une large échelle en Algérie.
               - Il a vu favorablement les plantations nouvelles d'espèces exotiques
               - Il s'est fait donner des renseignements sur l'introduction des plantes alimentaires, sur les plantes fourragères les plus utiles pour le pays, sur les conditions qui conviennent aux arbres fruitiers d'Europe et à ceux des pays tropicaux.
               - Il a appris avec intérêt que la culture du bananier s'étendait tous les jours et que le produit d'un hectare pouvait être évalué 5 ou 6 francs par an.
               On lui a apporté deux belles cannes à sucre, l'une violette, l'autre jaune qu'il a goûtées et a paru frappé par la possibilité de produire avantageusement du sucre en Algérie, dans certaines circonstances.
               Le soir il s'est rendu au théâtre impérial au moment où le rideau venait de se lever sur le second acte de Rigoletto.

               11 mai - Départ de l'Empereur pour Blidah et Médéah 12 mai - Sa Majesté rentre à Alger à 3 heures ½ du soir. Illuminations générales. 13 mai - L'Empereur quitte Alger à 7 heures du soir pour se rendre à Oran 23 mai - retour de l'Empereur à Alger.
Napoléon III en Algérie
par M. Octave Tessier correspondant de l'Instruction publique
pour les travaux historiques. Édition 1865.


La Trappe de Staouéli
Envoyé par M. Christian Graille
                 Par un arrêté du 11 juillet 1843, quelques Trappistes, venus en Algérie avec le R.P Régis, furent autorisés à fonder un établissement agricole dans la plaine de Staouéli.
                  Le 19 août de la même année, ils plantaient leurs tentes sur la concession de 1.020 hectares qui leur avait été accordée et le lendemain ils célébraient sur un autel de gazon, la mémoire des guerriers tombés glorieusement sur le champ de bataille de Staouéli.
                 Puis ils commençaient, à leur tour, à livrer d'autres combats, ceux du travail, tout en priant, et en faisant la charité.
                 La ferme de Staouéli est aujourd'hui une des plus belles et des plus cultivées de la province d'Alger. Un mur de clôture de plusieurs kilomètres de longueur entoure les bâtiments et les jardins, qui occupent une superficie de 50 hectares environ.
                 En dehors, plus de 500 hectares ont été défrichés et sont ensemencés en céréales et autres cultures, parmi lesquelles on remarque :
                 - le géranium, le sorgho, la betterave, les patates douces.

                 Des vignes qui donnent un excellent vin et de magnifiques plantations d'arbres ont remplacé les palmiers nains.
                 Le mûrier fournit de la feuille en quantité pour l'éducation des vers à soie.
                 Les orangers réussissent parfaitement ; ils ont produit l'année dernière plus de 100.000 oranges.
                 Les Trappistes emploient un très grand nombre d'ouvriers civils.
                 Ils reçoivent tous ceux qui manquent de travail, accueillant avec le même empressement les hommes valides comme les infirmes et les convalescents auxquels ils prodiguent des secours et des consolations. Ils font le bien et donnent l'exemple salutaire :
                 - du travail, du dévouement, de l'abnégation.

                 " A vos portes, disait un jour M. le Baron Dupin, écrivant à M. le maire d'Alger, à vos portes, cent cultivateurs cénobites (moines vivant en communauté) ont fait une œuvre si grande, qu'il n'existe rien de supérieur dans toute la chrétienté. Etablissez des Staouélis jusque dans les oasis les plus lointaines. Il ne s'agit plus de renouveler dans les thébaïdes (lieux isolés et sauvages où l'on mène une vie austère, calme et solitaire ) l'ascétisme des contemplations inoccupées mais d'ajouter à la prière les miracles du travail, appliqués à la nourriture des pauvres et des malheureux. "

Visite de l'Empereur à la Trappe

                 En quittant Chéragas, l'Empereur se dirigea vers le couvent des Trappistes.
                 Le trajet qui est de 5 kilomètres se fit rapidement. Tout le long de la route :
                 - les ouvriers des champs,
                 - les mineurs des carrières,
                 - les femmes,
                 - les enfants des maisons isolées venaient se grouper sur les bords pour saluer le passage du cortège impérial.

                 Avertis, dès la veille, de la visite de l'Empereur, les Pères Trappistes s'étaient empressés de faire les préparatifs de la réception.
                 En quelques heures la grande avenue avait été garnie :
                 - d'orangers en fleurs,
                 - de lauriers roses,
                 - de géraniums et
                 - de palmes.

                 Des guirlandes de fleurs couraient à travers les feuillages des arbres et deux arcs de triomphe s'élevaient, l'un sur l'allée extérieure et l'autre à l'entrée du monastère dont la façade était déjà pavoisée de drapeaux aux couleurs nationales.
                 On avait orné de guirlandes, de couronnes et de palmes le buste et la récente proclamation de l'Empereur, apposés au frontispice du monastère et surmontés d'un plein-cintre, où on lisait en brillants caractères :
                 Domine salvum fac imperatorem nistrum Napoleonem.

                 Les statues :
                 - de la Sainte Vierge,
                 - de Saint Joseph et
                 - de Saint Augustin achevaient le tableau.
                 A une heure, les cloches mises en branle annonçaient aux religieux que la voiture impériale était en vue.
                 Aussitôt les Trappistes, ayant à leur tête le Révérend Père Dom Marie Augustin, abbé de Staouéli, vinrent se ranger dans la cour, sur deux lignes, près de la porte d'entrée.

                 Sa Majesté fut conduite à l'église au chant du Te deum ; durant cette procession elle remarqua un groupe d'indigènes ayant une tenue de travail uniforme et accompagnés de quelques militaires. Elle demanda qui étaient ces hommes ?
                 On lui répondit que c'étaient de malheureux Arabes prisonniers de la maison centrale de l'Harrach, à qui on faisait subir leur peine en les initiant aux travaux agricoles.
                 Au sortir de l'église le souverain s'informa du nombre de membres dans la communauté. Ce n'est pas sans quelque étonnement qu'il apprit qu'il y avait un certain nombre d'anciens militaires, dont au moins une douzaine ayant appartenu à la garde impériale.
                 C'est alors que le Général Fleury voulut lui présenter un de ses guides, du nom et de la descendance de Godefroy de Bouillon que le matin même il avait reconnu dans le frère commissionnaire qu'il avait rencontré à Alger.
                 L'Empereur a ensuite vu une partie :
                 - des cultures,
                 - des vignes,
                 - des jardins,
                 - des orangeries,
                 - l'étendue du mur d'enceinte,
                 - le champ de bataille de 1830,
                 - l'emplacement du camp de Staouéli,
                 - la redoute qui le domine, aujourd'hui convertie en cimetière, l'œil s'étendant jusqu'à la mer et jusqu'à Sidi-Ferruch, point du débarquement.

                 Puis il s'est rendu au cabinet particulier du Révérend père Abbé ; là on lui a montré le magnifique bureau sur lequel a été signé, en 1830, l'abdication du Dey d'Alger et la cession de l'Algérie à la France.
                 Ce beau meuble a été donné autrefois, en vue de sa conservation, au Révérend père Dom François-Régis, fondateur et premier abbé de Staouéli, actuellement Procureur Général de l'ordre auprès du Saint-Siège.
                 En traversant la cour extérieure il a remarqué le superbe groupe de palmiers qui la décore, groupe qui ne compte pas moins de dix tiges sur une même souche et sous lequel le Généralissime des troupes du Dey d'Alger avait planté sa tente lors du débarquement de l'Armée française, à 7 kilomètres de là.
                 Les indigènes ont ce bouquet de palmiers en grande vénération et l'on a vu des femmes arabes venir en procession en baiser les tiges avec respect.
                 En 1843, les pères de la Trappe ont pris possession de Staouéli en disant la première messe sous les palmiers.

                 L'Empereur est entré dans la bibliothèque on lui avait préparé une collation, se composant :
                 - de beurre frais,
                 - rayon de miel,
                 - dattes,
                 - oranges sanguines,
                 - bananes,
                 - nèfles du Japon et
                 - autres fruits ou produits de la propriété.

                 En parcourant les cloîtres et autres lieux du monastère il a pu lire plusieurs sentences, entre autres celles-ci :
                 Le plaisir de mourir sans peine,
                 Vaut bien la peine de vivre sans plaisir.
                 Mieux vaut une nourriture simple, dans une maison de paix,
                 Qu'une table bien servie, où règne la discorde.
                 S'il semble dur de vivre à la Trappe,
                 Il est bien doux d'y mourir.
                 Que sert à l'homme de gagner l'univers,
                 S'il vient à perdre son âme.
                 Celui qui n'a pas le temps de penser à son salut,
                 Aura l'Eternité pour s'en repentir.


                 Le souverain est passé près de la ferme se composant :
                 - de 115 têtes de gros bétail : bœufs, vaches, génisses,
                 - de 400 moutons mérinos
                 - et d'autant de porcs,
                 - de 16 chevaux ou mulets et
                 - d'un petit troupeau de chèvres d'Angora,
                 non loin :
                 - d'une vaste garenne où on élève une quantité de lapins,
                 - une grande basse-cour et
                 - un rucher qui regroupe près de 200 ruches.

                 Quant aux ateliers ils consistent en :
                 - forge, ferblanterie, charronnage, menuiserie, atelier de tourneur,
                 - pharmacie avec alambic pour la distillation des plantes pharmaceutiques,
                 - tannerie, cordonnerie, bourrellerie, reliure, buanderie,
                 - boulangerie, laiterie, fromagerie,
                 - atelier de peinture
                 - distillerie de 9 alambics pour les essences et les alcools,
                 - tonnellerie et trois caves.
                 - L'une d'entre elles voûtée avec grenier au-dessus, de 65 mètres de long sur 12 de large, recevant annuellement quinze cents hectolitres de vin blanc et rouge.

                 Aujourd'hui, en effet, toutes les bâtisses sont à peu près terminées. Staouéli a :
                 - son monastère, ses cloîtres, sa chapelle,
                 - son hôtellerie, sa ferme, ses granges, ses étables,
                 - son mur d'enceinte,
                 - ses ateliers et ses hangars spacieux pour sa machine à battre
                 - et ses instruments aratoires.

                 Sur 100 hectares environ, dont se compose la propriété, 500 sont défrichés, 100 le seront bientôt ; le reste n'étant pas susceptible de culture sera successivement planté d'arbres d'essences forestières et abandonné en partie à la pâture.
                 Plusieurs hectares de ces terrains incultes et rocailleux ont été plantés de pins de d'autres arbres de haute futaie qui promettent les meilleurs bois de construction.
                 Chaque année 20 hectares sont débarrassés de leurs broussailles et de leurs palmiers nains, au coût de 500 francs l'hectare, nonobstant les autres travaux.
                 Des 500 hectares défrichés :
                 - près de 140 sont annuellement ensemencés de céréales,
                 - 50 sont plantés en vigne,
                 - 10 de géranium.

                 Le reste est laissé en prairies ou affecté aux cultures spéciales s'il n'est occupé par des jardins et les vergers et par 5 orangeries donnant actuellement près de 100.000 oranges bien que les arbres soient encore jeunes et loin d'être en plein rapport.
                 D'autres travaux importants ont été exécutés.
                 3 fermes ont été créées, de nombreuses voies d'exploitation ont été ouvertes, bordées de :
                 - caroubiers, de platanes, de mûriers, d'oliviers
                 - et munies de haies de cactus ou d'aloès.
                 - Des abris de cyprès, de roseaux et de bambous se sont élevés pour protéger les cultures délicates contre l'action du vent de mer,
                 - des marais ont été desséchés,
                 - de grands ravins ont été encaissés ou redressés,
                 - des eaux croupies et malsaines ont été amenées de loin, au moyen de profondes tranchées et de canaux recouverts dans de vastes réservoirs et sont dirigées, de là, dans de nouveaux jardins pépinières et potagers.
                 - 4 grands bassins et autant de puits noria ont été creusés et construits à la même fin.
                 - Un de ces bassins de la capacité de 390 mètres-cubes, est alimenté par les eaux prises à 500 mètres de là, provenant d'une ancienne fontaine romaine d'une construction singulière.

                 C'est une espèce de citerne de 2 mètres 50 de profondeur.
                 L'eau y arrive horizontalement et verticalement de différents côtés, par plusieurs sources.
                 Le drainage pratiqué avec avantage sur plusieurs points de la propriétés a encore ajouté à cette somme d'eau si précieuse en Afrique et si rare tout d'abord à Staouéli. Aussi pour utiliser ce trésor et ne rien perdre de ce précieux liquide, les Pères ont-ils sillonnés tous leurs jardins, leurs orangeries et leurs champs réservés aux cultures spéciales, de nombreux canaux d'irrigation en maçonnerie sinon de conduits de terre, en plomb ou en fonte.
                 Avec de pareils travaux et de tels résultats les Pères de la Trappe ont eu moins à rougir des éloges et des félicitations que leur a adressés l'Empereur.
                 Ils se sont rappelé ce qu'était Staouéli en 1843 : un désert aride et couvert d'épaisses broussailles, qui en faisait le repaire naturel de la hyène, de la panthère et du chacal et aussi un foyer de fièvres.
                 Il est vrai que pour opérer cette transformation, il leur en a coûté de grands et de nombreux sacrifices, mais ils ne regrettent aucune de leurs peines, ni aucune de leurs sueurs, s'ils ont réussi à rendre agréable à Dieu et utile à leurs semblables.
                 C'est là leur ambition.
Napoléon III en Algérie
par Octave Tessier, correspondant du Ministère
de l'Instruction publique
pour les travaux historiques. Édition 1865


Sidi Ferruch
Envoyé par M. Christian Graille

             Situé à 24 kilomètres d'Alger et à 6 du couvent de la Trappe, a peu d'importance comme village. Il n'a dû d'être érigé en section de commune, qu'après l'agglomération des ouvriers qui construisaient le fort.
             Maintenant que les travaux sont terminés, il n'y a guère que la Douane et quelques familles de pêcheurs.
             La plus grande partie de la population rurale, dont le chiffre était de 86, à l'époque du dernier recensement, se trouve dans un quartier assez éloigné, connu sous le nom de Mokta-Essefa.

L'Empereur à Sidi-Ferruch

             De la Trappe à Sidi-Ferruch il y a environ 6 kilomètres dont quatre au moins sont parcourus à travers d'interminables broussailles.
             M. le Maréchal de Mac-Mahon et M. le Général de Wimpffen commandant de la province, firent remarquer à l'Empereur que les colons n'étaient pour rien dans ce désert, mais que cette vaste étendue de terre appartenait à des spéculateurs résidant en France, qui n'en tiraient aucun parti, attendant une plus-value pour s'en débarrasser.
             Lorsque le cortège impérial fut arrivé près du fort, M. le Général de génie Chauvin expliqua l'état antérieur de la presqu'île et les nécessités de la défense, qui avait obligé à détruire le joli marabout de Sidi Ferruch.
             Monsieur le Maréchal de Mac-Mahon qui a assisté au débarquement de 1830, comme sous-lieutenant, et qui n'en a oublié aucun détail, en fit le récit à sa Majesté, en lui montrant de ce point où l'on domine toute la plaine à plusieurs kilomètres à la ronde, l'emplacement des camps français et turco-algériens, et, au-delà, le champ de bataille de Staouéli, où parait-il la victoire fut chèrement disputée et un instant indécise.

             M. L. Piesse, dans son excellent itinéraire de l'Algérie raconte au sujet de ce marabout une légende très intéressante :
             " Sidi-Ferruch, dit-il, et mieux Sidi-Ferredj, était un marabout en pleine vénération chez les Algériens. Au nombre des miracles qu'il fît, la tradition a conservé le suivant.
             Un matelot espagnol, voulant amener par surprise, Sidi-Ferruch en Espagne, fut tout étonné, après une nuit de navigation, de se retrouver en vue de la presqu'île qu'il avait quittée. Fais-moi me mettre à terre l'un dit le marabout et ton vaisseau pourra rejoindre sa route. Sidi-Ferredj fut débarqué, et comme après une seconde nuit le navire se retrouvait encore à la même place, et cela parce que Sidi-Ferredj avait oublié ses chaussures sur le pont, l'Espagnol les prit, se hâta de les rapporter à leur propriétaire, et lui demanda comme grâce de rester près de lui et de le servir. L'Espagnol devenu fervent musulman, vécut et mourut avec Sidi-Ferredj. "


             En même temps un officier général de la marine qui, de son côté, avait concouru au même débarquement, expliquait les opérations de la flotte.
             Cette narration, faite à l'Empereur par des témoins oculaires, qui avaient payé de leur personne, et qui sur un terrain qui a subi si peu de changement depuis cette époque, avait un grand intérêt pour tous les assistants.
             On se montrait encore dans la baie occidentale quelques-uns de pieux qui servaient à amarrer les chaloupes du débarquement.
             A la sortie du fort, M. le Maréchal de Mac-Mahon ne manqua pas de faire remarquer l'inscription gravée sur la plaque de marbre qui surmonte la porte d'entrée, au milieu d'un trophée d'une belle exécution.
             Voici cette inscription :
Ici
Le 14 juin 1830
Par l'ordre du roi Charles X
Sous le commandement du Général de Bourmont
L'armée française
Vint arborer ses drapeaux
Rendre la liberté aux mers
Donner l'Algérie à la France.

             Durant la visite du fort, les voitures avaient relayé et le cortège se remit en marche pour Staouéli-village, par la même route, jusqu'à la colonne qui est à 21 kilomètres de celle de Koléa, puis par la route Malakoff ou du bord de mer, qui n'est livrée entièrement à la circulation que depuis quelques mois.

Napoléon III en Algérie
par Octave Tessier correspondant du Ministère
de l'Instruction Publique
pour les travaux historiques. Édition 1865.



Perdreau
Envoyé par M. Michel

Le chien de l'imbécile

                 " Il était une fois, un imbécile qui avait un chien appelé Perdreau.
                  Ce chien était comme tous les chiens, c'est-à-dire qu'il ne jugeait pas son maître et lui était raisonnablement attaché.
                  Il lui rendait les services que rend un chien.
                  Il grognait quand il voyait un individu à l'allure inquiétante.
                  Il aboyait quand quelqu'un sonnait à sa porte.
                  Un jour deux types à moto descendirent de leur engin et s'avancèrent d'un air menaçant vers l'imbécile qui les regardait venir avec un sourire d'imbécile, il croyait qu'ils venaient lui demander du feu, en fait, ils voulaient lui prendre son portefeuille.
                  Le chien ne s'y trompa pas, il leur sauta dessus en hurlant et les mit en fuite.
                  L'imbécile criait « Perdreau, viens ici ! Messieurs pardonnez lui, il n'est pas méchant.
                  Ah la sale bête ! Tu vas voir la tournée que tu vas prendre.
                  Les deux voyous sautèrent sur leur moto et partirent très loin.
                  L'imbécile corrigea le chien qui n'y comprit rien , mais n'en continua pas moins à aimer son maître, car les chiens sont fatalistes.
                  Ils savent que les hommes ont des réactions illogiques.

                  Il y eut plusieurs incidents de ce genre, chaque fois que le chien croyait faire son métier de chien, l'imbécile lui tapait dessus et se confondait en excuses auprès des chenapans , voleurs, et bandits de tout poil que mordait le malheureux animal.
                  Il disait que celui ci était idiot, sanguinaire, et qu'il n'arrêtait pas de commettre des bavures.
                  On a beau être chien et plein de bonne volonté, on finit par se lasser de recevoir des coups. Le chien Perdreau se lassa , cela se sut assez vite dans le quartier.
                  L'imbécile habitait un pavillon, une nuit, un cambrioleur escalada le mur, le chien entrouvrit un œil dans sa niche pour chien et le referma, incontinent.
                  Le cambrioleur cambriola en toute tranquillité .
                  L'imbécile s'arracha les cheveux et corrigea le chien, lequel reçut philosophiquement sa correction, n'étant pas à une inconséquence près de la part de son patron.

                  Une autre nuit, ce fut un autre cambrioleur qui vint, ce cambrioleur là avait un surin qu'il planta dans la bedaine de l'imbécile qui en mourut.
                  En partant, l'assassin caressa le chien en disant " bon toutou ".
                  Le chien pensa, car les chiens pensent : " Voila la première parole aimable que j'ai entendue depuis longtemps ".

                  Cette histoire est celle des Français, de leur Police et de leurs élus. Ils s'étonnent de ne pas comprendre la désaffection du peuple Français ?
                  Ceux qui brûlent 400 voitures, qui incendient les véhicules de police , qui jettent des pierres sur les forces de l'ordre et les pompiers sont conviés avec tous les égards à l'Elysée pour exposer leurs revendications...
                  "Ils battent leur chien depuis trente ans, et s'étonnent aujourd'hui que le chien ait des états d'âmes".
Jean Dutourd


Guyotville
Envoyé par M. Christian Graille

      Le village situé à 15 kilomètres Nord-Est d'Alger, au bord de la mer, fait partie de la commune de Chéragas ; sa population est de 318 habitants.
       Il a été fondé en 1844, par M. le Comte Guyot, alors directeur de l'Intérieur, qui avait eu la pensée d'en faire un village de pêcheurs.
       Le difficile accès de la baie et la violence des vents qui règnent dans ces parages, firent renoncer à ce projet. On y établit un centre agricole.
       Par les soins de l'Administration, une trentaine de petites maisons furent construites ; on adjoignit à chaque maison un jardin et 12 hectares de terre, et le tout fut concédé gratuitement à des colons français et espagnols
       Tel a été le premier noyau du village qui s'est développé assez lentement, à cause de sa situation peu favorable pour la culture.

      
       Au bord même de la mer, sur une plage battue par des vents d'Ouest et du Nord, les plantations y sont d'une réussite difficile. Les meilleures terres sont sur le plateau au-dessus, connu sous le nom de Baïnem, et dans les concessions dites du cap Caxine.
       L'avenir de Guyotville est dans la vigne qui parait s'y plaire parfaitement. Plus de la moitié de la population habite de petites fermes hors du village. Ces fermes sont cultivées avec grand soin et offrent un aspect fort agréable.
       Le défrichement des terres qui étaient couvertes de palmiers nains, ne s'est pas effectué sans de pénibles travaux.

       On ne saurait trop rendre hommage au courage et à la persévérance de ces pionniers de la colonisation qui s'efforcent de rendre à la culture les terrains les plus ingrats. Voici à ce sujet quelques détails qui nous sont fournis par M. Marguerite, maire adjoint :
       " Tout le territoire n'était que broussailles et palmiers nains. Il a fallu une patience à toute épreuve et les labeurs les plus pénibles pour parvenir à ces défrichements. Malgré ces efforts, plus de la moitié du terrain se trouve en friche et notre village n'a pas prospéré. C'est que les premiers colons, dénués de ressources pécuniaires et surchargés d'enfants, durent défricher et ensemencer au fur et à mesure des travaux pour obtenir la nourriture de l'année suivante. "
       Ils trouvèrent, il est vrai, à faire un peu de charbon avec les bois qu'ils arrachaient de la terre mais il fallait ensuite transporter ce charbon à Alger et le manque de viabilité rendait cette ressource illusoire. Très souvent pour faire ce trajet nous mettions deux jours (15 kilomètres.)

       Un autre obstacle bien plus sensible est venu est venu s'opposer à la prospérité de la petite colonie : on a vu en 1857 et 1858, deux récoltes manquer totalement.
       Les colons furent dans la nécessité pour subvenir à leur nourriture, d'emprunter à gros intérêts et une fois tombés entre les mains de l'usure, la plupart d'entre eux ont été ruinés.
       Cependant il n'y a pas lieu de désespérer de l'avenir du village. Déjà, grâce à la sollicitude du Maréchal Pélissier, Duc de Malakoff, une grande et belle route traverse guyotville, en longeant la mer, et par suite nous voilà à quelques lieues d'Alger.

       Nos denrées parviendront sans difficulté, et bientôt les facilités de communications nous procureront de nouveaux colons et des visiteurs, attirés :
       - par le site remarquable,
       - par les antiquités romaines et
       - la salubrité de l'air.

L'Empereur à Guyotville

       En quittant le village de Staouéli, le convoi impérial se dirigea sur Guyot-ville. La distance entre ces deux centres de population n'est que de cinq kilomètres.
       Elle fut vite parcourue sur une route magnifique, mais à travers un territoire peu fertile car il longe continuellement la dune que l'on a dû trancher sur plusieurs points. Cependant aux abords de l'oued Beni-Messous on rencontre quelques oasis de blé, vignes et même de géranium qui réussissent parfaitement à l'abri de ce rempart de sable.
       Le souverain fit remettre par son aide de camp une somme de 200 francs pour être distribuée aux plus pauvres.

       Pendant cette remise M. le Maréchal de Mac-Mahon a dit à M. Marguerite qu'il se rappelait fort bien la demande qui lui avait été faite, dans le but d'obtenir :
       - 1° la construction d'un grand bassin pour contenir et utiliser les eaux qui se perdent dans la mer,
       - 2° de mettre à la charge des ponts et chaussées l'entretien de la route de Guyot-ville à Chéragas
       - 3° la distribution des lettres au moins tous les deux jours tandis qu'elle n'a lieu que tous les quatre jours.

       Après quelques bonnes paroles adressées à l'adjoint de Guyot-ville l'Empereur salua les colons avec cette grâce et ce sourire de bienveillance qui lui gagnent tous les cœurs et les voitures s'éloignèrent aux cris de : Vive l'Empereur !
       En moins d'une heure, le cortège franchissait la distance du village au chef-lieu que la poste met 4 jours à parcourir et sa Majesté rentrait à Alger après avoir vu les hameaux de la Pointe Pescade et de Saint-Eugène et avoir été acclamée par les colons disséminés sur cette route si accidentée et si pittoresque.

Napoléon III en Algérie
par Octave Tessier, correspondant du ministère
de l'Instruction Publique
pour les travaux historiques. Édition 1865


Boufarik
Envoyé par M. Christian Graille


         Chef-lieu de commune est situé au centre de la Mitidja, entre Alger et Blidah, à 35 kilomètres de la première de ces villes et à 14 de la seconde.
         Cette commune comprend deux annexes :
         - Soumah, Bouïnan.

         Sa population totale est de 7.265 habitants. Boufarik était, en 1830, un marais inhabitable, rempli de sangliers et de bêtes fauves.
         Le général Drouet d'Erlon y établit un camp en 1832, et le 27 septembre 1836, l'Administration civile y créa un centre de population agricole.
         Ce village eut, dans le principe, beaucoup de peine à se développer à cause des fièvres qui enlevaient chaque année la majeure partie de la population.
         Mais les colons ne perdirent pas courage, ils continuèrent à bouleverser le terrain ; ils y firent de nombreuses plantations, et parvinrent ainsi, à force d'énergie et de persévérance à dessécher les marais.

         Aujourd'hui Boufarik est l'un des centres agricoles les plus sains de l'Algérie.
         " Boufarik, dit M. Fromentin est en pleine prospérité. Plus de malades, plus de fiévreux. Les Européens s'y portent mieux qu'ailleurs. Pendant que tant d'hommes y mouraient empoisonnés par la double exhalaison des eaux stagnantes et des terres remuées, les arbres qui vivent de ce qui nous tue, y poussaient violemment comme dans du fumier.
         A présent c'est un verger normand,
         - soigné,
         - fertile,
         - abondant en fruits,
         - rempli d'odeur d'étable et
         - d'activité champêtre,

         La vraie campagne et les vrais campagnards. Il a fallu pour se l'approprier, dix années de guerre avec les Arabes et vingt ans de luttes avec un climat beaucoup plus meurtrier que la guerre. "
         Le marché, qui se tient près de la ville, tous les lundis, est très fréquenté par les Arabes et par les Européens. Il s'y fait un commerce important de bestiaux
         Il existe sur l'emplacement de l'ancien camp d'Erlon, une succursale de l'orphelinat agricole de Ben-Aknoun, fondé par le père Brumaud.

L'Empereur à Boufarik

         Le 6 mai, à 11 heures 50 minutes du matin, l'Empereur arrivait dans la gare.
         Il était accompagné :
         - de M. le Maréchal, Gouverneur Général,
         - de MM. Fleury et Castelnau,
         - de M. le Comte Reille,
         - de M. Lapaine, secrétaire général du Gouvernement,
         - de M. Poignant Préfet d'Alger.

         Les colons réunis en grand nombre à l'occasion du concours agricole de l'arrondissement de Blidah, s'étaient transportés à la gare.
         Monsieur Ribouleau, maire, entouré de son conseil municipal, fit connaître les efforts courageux et persévérants de ces colons qui loin d'être les paresseux où les spoliateurs dont on avait parlé à l'Empereur, avaient conquis par des travaux meurtriers les terres qu'ils cultivaient et avaient transformé les marais infects en riches cultures :
         " Sire, en 1835, la société de colonisation offrait un prix à celui qui oserait se rendre au marché arabe de Boufarik ! Boufarik n'était alors qu'un vaste marais infect.
         En 1865 nous avons l'honneur de recevoir votre Majesté au milieu :
         - d'une oasis riante et fleurie,
         - couverte de magnifiques récoltes,
         - de riches cultures,
         - et en face du premier établissement industriel vraiment sérieux qui se soit assis dans notre colonie.

         Votre visite, Sire, pour les hardis colons qui ont réalisé cette métamorphose pénible est une superbe espérance, une garantie certaine de l'avenir.
         Je suis heureux d'être appelé à vous présenter la municipalité de Boufarik ;
         Je suis fier d'être appelé à vous offrir les respectueux hommages de nos vaillants pionniers de la colonisation et d'entonner, le premier, le cri qui déborde de leur cœur :
         Vive l'Empereur !
         Vive l'Impératrice !
         Vive le Prince Impérial !

         L'Empereur fit remettre à la société de secours mutuels une somme de 500 francs destinée à augmenter les ressources de la société naissance.
         Il a précédemment visité l'usine linière et cotonnière, fondée par M. Megnil et examiné en détail les magnifiques échantillons de coton longue soie.
         Puis il s'est rendu à l'exposition, ce concours agricole, cette fête de l'agriculture.

         M. Alexandre Lambert l'un des plus éminents défenseurs de la colonisation européenne qui a précisé :
         " Cette exposition a lieu sous les beaux platanes dont les plus vieux ont à peine quinze ans et qui tous maintenant sont hauts et gros comme les marronniers des Tuileries. C'est que ces arbres ont été engraissés par trois couches de colons morts à la peine dans les travaux de défrichement et de culture. Ah ! La belle et vaillance armée agricole que la France a dans notre colonie ! C'est là qu'il y a :
         - des cœurs forts,
         - des bras courageux,
         - des cerveaux intelligents. "


         Il y avait là, il y a trente-cinq ans un marais immonde et pestilentiel ; c'était le repaire des bêtes fauves, le foyer d'où la mort s'élançait sur la plaine et c'est aujourd'hui le plus riche joyau de la Mitidja :
         - une ville de laborieux cultivateurs,
         - grande comme une ville de France,
         - calme et verte comme un de ces beaux villages qui les peintres savent inventer parce qu'ils n'en trouvent pas ailleurs de semblables pour modèle.

         Cette population est algérienne, c'est-à-dire mélangée :
         - de Français,
         - d'Espagnols,
         - d'Italiens
         - d'Allemands et
         - de jeunes gens qui sont nés dans la colonie et qui ne connaissent pas d'autre patrie.
Napoléon III en Algérie
par Octave Tessier correspondant du Ministère
de l'Instruction Publique
pour les travaux historiques. Édition 1865.


Koléa
Envoyé par M. Christian Graille

                Chef-lieu de commune est situé sur le revers méridional des collines du Sahel, en face de Blidah, à 38 kilomètres d'Alger.
                Cette petite ville bâtie en 1550, sous le pachalik de Hassen-Ben-Khereddin, avait acquis un assez grand développement lorsque le tremblement de terre de 1825 la détruisit.
                Elle s'était cependant repeuplée et les Hadjoutes, qui l'occupaient, nous en disputèrent la possession pendant plusieurs années.
                Ce ne fut qu'en 1838 qu'elle fit sa soumission.

                Koléa était la résidence des descendants de Sidi-Ali-Embareck, un des marabouts les plus vénérés de la province d'Alger.
                Parmi les miracles accomplis par ce marabout on raconte le suivant : Sidi-Embarek était khamès (métayer qui cultive un cinquième) chez un propriétaire de Koléa, nommé Ismaël.
                Il avait mérité par ses bonnes actions la protection divine car son travail se faisait pendant qu'il dormait. Ses bœufs labouraient très régulièrement comme s'il les avait conduits.

                On rapporta le prodige à Ismaël qui, voulant s'en assurer de ses propres yeux, se cacha un jour près de là, et vit Embarek couché sous un arbre tandis que ses bœufs traçaient le sillon.
                La tradition ajoute que les perdrix, pendant ce temps s'approchaient de Sidi-Embarek pour lui enlever la vermine !
                Ismaël, se précipitant à ses genoux lui dit : " Tu es l'élu de Dieu ; c'est toi qui est mon maître, je suis ton serviteur. "
                Aussitôt le ramenant chez lui, il le traita avec le plus profond respect.
                Sa réputation de sainteté s'étendit au loin : de toutes parts on venait solliciter ses prières et lui apporter des offrandes.
                Une mosquée et une koubba élevées en l'honneur de Sidi-Embarek étaient en grande vénération. La mosquée a été convertie en hôpital mais la koubba qui a été respectée est encore très fréquentée par les fidèles.

                La population de la commune est de 6.190 habitants, répartis ainsi :
                - Koléa 4.548 dont 1.821 Européens,
                - Fouka 370,
                - Douaouda 341,
                - Castiglione 444,
                - Tefschoun 242,
                - Bérard 125,
                - Attatba 120.

                Le territoire est très fertile. Les eaux sortent de toutes parts dans son petit vallon, abondantes et pures ; elles sont distribuées avec soin et arrosent de magnifiques vergers :
                - d'orangers, de citronniers, de grenadiers.

L'Empereur à Koléa

                Le 10 mai 1865, à deux heures et demie du soir, venant de Boufarik où il avait assisté au comice agricole, après avoir pris la route qui conduit de cette ville au village de Oued-el-Alleug au milieu d'une végétation luxuriante, il est arrivé à Koléa où l'attendait la population de la ville et des villages voisins.
                De concert avec M. Bessières de la Jonquière, commandant des zouaves et par les soins de M. Géry, maire, un arc de triomphe avait été dressé sur la route impériale qui, bordée de chaque côté d'arbres magnifiques, offrait le plus joli coup d'œil et ne contribuait pas peu à en rehausser la décoration.
                La section des pompiers, un détachement de la milice et toute la garnison formaient la haie sur le parcours qu'il devait suivre.

                A la droite de l'arc de triomphe se tenaient :
                - le conseil municipal,
                - le juge de paix, le cadi, tous les membres de l'ordre judiciaire,
                - les curés de Koléa et des environs,
                - les chefs des différents services,
                - les officiers sans troupes, ceux en retraite,
                - les membres de la Légion d'honneur, les médaillés de Sainte Hélène.

                Sur la gauche étaient rangés les élèves des écoles des deux sexes :
                - de Koléa, de Fouka, de Castiglione, de Tefschoun, accompagnés de leurs instituteurs.

                Sur le prolongement de la route qui forme une rue du nom d'El-Arida, étaient rangés les habitants auxquels s'étaient jointes les populations venues avec douze bannières, désignant chacune un centre :
                - Koléa (banlieue),
                - Douaouda,
                - Castiglione,
                - Tefschoun,
                - Bérard,
                - Attatba,
                - Zoudj-El-Abbès,
                - Saïghr,
                - Messaoud,
                - Berbessa,
                - Chaïba.

                Sur la place du caravansérail étaient groupés comme des faisceaux d'armes, les outils aratoires des différents colons :
                - charriots, charrues, herses, pioches etc…
                Sorte d'exposition faite par des colons cultivateurs désireux de montrer à l'Empereur leur amour du travail et lui montrer qu'ils sauraient devenir, avec ces nouvelles armes, victorieux du sol, comme ils avaient été victorieux des ennemis de la France avec les armes du soldat.

                L'Empereur jeta un œil sur le charmant jardin du 1er régiment des zouaves et exprima son regret de ne pouvoir le visiter.
                A Douaouda il a été accueilli par :
                - la milice,
                - les enfants des écoles,
                - le maire et le curé.

                Il s'est entretenu des intérêts du pays et a fait prendre note de l'insuffisance du communal ; avant de quitter le village il a remis une somme de deux cents francs pour être distribuée aux nécessiteux.
Napoléon III en Algérie
par Octave Tessier, correspondant du Ministère
de l'Instruction Publique
pour les travaux historiques. Édition 1865

               


Milianah
Envoyé par M. Christian Graille

               Chef-lieu d'arrondissement et de subdivision militaire est situé à 118 kilomètres d'Alger sur un plateau du mamelon le plus élevé du Zaccar à 900 mètres environ au-dessus du niveau de la mer et à cinq kilomètres de la plaine du Chélif.
                Suspendue au penchant de la montagne et bâtie sur le flanc d'un rocher dont elle borde les crêtes, la ville est bornée :
                - au Nord par le mont Zaccar qui la couvre entièrement de ce côté,
                - au Sud par une vallée fertile que le petit Gontas sépare de la plaine,
                - à l'Est par un ravin qu'elle domine à pic,
                - à l'Ouest par un plateau arrosé d'eaux vives qui y appellent et favorisent la culture. De ce point élevé la vue s'étend jusqu'à l'Ouarsenis qui se trouve au-delà de la plaine du Chélif.

                Ainsi posée la ville offre un aspect pittoresque. Les environs sont charmants. On rencontre en parcourant le chaîne des montagnes du Zaccar qui se prolonge jusqu'à Cherchell les sites les plus remarquables.
                Ici des pics à perte de vue, là des vallées dont l'œil peut à peine apercevoir les profondeurs. Il y a dans ces parages des lieux arides et rocailleux et un peu plus loin des fourrés impénétrables, des forêts et de vertes collines, le tout parsemé d'arbres fruitiers sauvage tel l'arbousier, le cerisier.

                L'eau abonde partout dans ces montagnes qui contiennent en outre des gisements de minerais :
                - de cuivre, de plomb et de fer.

                Une mine de cuivre rouge a été exploitée pendant plus de deux années sur la route muletière de Cherchell mais les éruptions ont été tellement intenses que les filons n'y ont aucune régularité.
                Les richesses qui se sont renfermées dans ces montagnes doivent être considérables. Des travaux de reconnaissance récemment opérés ont amené la découverte d'un gîte de minerais de cuivre qui a produit 150 quintaux métriques en 14 journées de main-d'œuvre. Il existe près de la ville deux ou trois gîtes de fer de très bonne qualité qu'Abd-El-Kader exploitait. Son établissement de forges se trouve aujourd'hui transformé en une minoterie.
                Au Sud-Est les montagnes du Gontas ont été moins bouleversées, elles sont très métallifères, les filons de cuivre y sont réguliers ; des travaux importants de reconnaissance y ont été faits par les explorateurs du Zaccar MM. Dupin, Viraut et Allemand.

                La vue vers le Sud-Ouest change d'aspect. L'œil découvre la belle plaine du Chélif parsemée de fermes et de villages français et arabes. Cette plaine est aujourd'hui couverte de riches moissons :
                - blés, orges, luzernes, etc.
                De magnifiques plantations favorisées par l'abondance des eaux, environnent la ville : les arbres fruitiers donnent des fruits exquis,
                - le jardinage y est d'excellente qualité,
                - la culture de la vigne y fait des progrès très rapides.

                On ne comptait, il y a quelques années qu'une centaine d'hectares complantés de cépage blanc, aujourd'hui le chiffre du cépage noir dépasse 300 hectares.
                La ville est ravissante. Elle est entourée d'un magnifique boulevard ; ses rues sont bordées de très beaux arbres, disposés en voûte, qui forment un cercle de verdure dans la partie supérieure et donnent de l'ombre sur tout leur parcours.
                On y trouve la fraîcheur en plein midi pendant les journées d'été les plus chaudes ; l'eau y abonde et circule dans les caniveaux construits à gauche et à droite des rues. L'air y est pur, le climat très sain ; les vents du Sud y ont peu d'intensité à cause de sa situation élevée.
                L'eau est en si grande quantité qu'il a été possible à deux industriels MM. Pichou et Tourniol d'y monter un établissement de pisciculture formé de plusieurs grands bassins où se multiplient une infinie de :
                - truites, carpes, saumons etc.
                - Ces messieurs ont reçu la médaille de 1ére classe de la Société d'acclimatation de Paris.

                On va établir à Milianah des fabriques :
                - de laine, de coton, de lin.
                Le lin et le coton y sont, en effet, cultivés avec grand succès. La laine est apportée à profusion sur les marchés.

L'Empereur à Milianah

                Le 7 mai à 5 heures 15 minutes du soir, l'Empereur arrivait dans la ville où il était reçu par le maire M. Martin accompagné de son conseil municipal et a prononcé le discours suivant :
                " Vous avez parcouru nos contrées, Sire et vos regards se sont reposés sur des vallées dont la végétation d'une richesse presque sans égale laisse encore les terres en trop grande quantité étrangères à la culture et principalement à la culture industrielle.
                Mais bientôt lorsque les chemins de fer, dont votre Majesté a doté l'Algérie sillonneront notre beau pays, tout changera d'aspect comme par enchantement ; alors les capitalistes n'hésiteront plus à envoyer leurs fonds et les bras qui nous manquent viendront faire surgir du sein fertile de nos terres les riches trésors qui y sont encore enfouis. Les Egyptiens disaient : Napoléon 1er est l'élu de Dieu sur la terre, nous, Sire, nous ajouterons : Napoléon III est notre providence. ! "


                Le cortège est ensuite entré dans la ville et arrivé à l'hôtel de la subdivision le souverain a paru au balcon pour voir défiler la milice et les troupes de la garnison.
                Puis après avoir donné audience :
                - au Sous-Préfet, au maire, au curé, au juge de paix,

                Il a voulu parcourir la ville à pied et visité le jardin du cercle militaire. Ce jardin qui est entretenu avec soin a le double avantage d'offrir un refuge toujours frais pendant les chaleurs de l'été et de recréer la vue par un coup d'œil impuissant et varié.

                C'est d'abord au pied de Milianah, mais à une grande profondeur, la plaine du Chélif que l'oued de ce nom traverse dans le sens de la longueur.
                Plus loin, et bordant la plaine du côté du Sud, s'élève le grand Atlas, l'Ouarsenis, sommet qui domine les autres sommets et auxquels les Arabes ont donné l'épithète d'œil du monde.
                L'Empereur a reçu à sa table :
                - le Général commandant la subdivision,
                - le sous-Préfet,
                - le maire,
                - le curé,
                - le lieutenant-Colonel du 87e de ligne.

                A l'issue du dîner la cantate intitulée la Milianaise a été chantée par M. Giraulet, artiste au théâtre de Milianah :
I
Réjouis-toi, peuple de l'Algérie,
Réjouis-toi, brave tes ennemis
Sur cette terre autrefois asservie
Des jours heureux nous sont encore promis.
L'illustre chef qui gouverne la France
Est parmi nous !...
Sire, tous vos sujets
Doivent bénir ici votre présence,
Car près de Vous, nous sommes tous Français !
II
C'est à l'armée, à sa noble vaillance,
Que nous devons notre sol africain ;
C'est à Vous, Sire, aujourd'hui, que la France
A confié son glorieux destin.
Aussi, bientôt, pour les arts…, l'industrie,
Notre pays, partout sera cité ;
Vous, alors que l'Algérie
Devra sa gloire et sa prospérité !
III
Lorsque la France adopte l'Algérie,
Les mêmes droits à tous seront acquis !
Et réunis à la même patrie,
Nous ne ferons qu'un seul et même pays
Pour l'Algérie hélas trop délaissée !...
Désormais s'ouvre un brillant avenir ;
Votre œuvre, Sire, est trop bien commencée
Mais c'est Vous seul qui pourrait l'accomplir !
IV
Bientôt, hélas ! Vers la mère patrie,
Avec regret nous vous verrons partir !...
En nous quittant, Sire, de l'Algérie
Ah ! Puissiez-vous garder le souvenir !
Et chaque jour regardant vers la France,
L'heureux colon, tranquille désormais,
Vous bénira dans sa reconnaissance,
En jouissant du prix de vos bienfaits.
V
Sire, en ces lieux, Votre auguste présence
Dans tous nos cœurs laisse le doux espoir
De voir bientôt cette nouvelle France
Heureuse et fière !... et par votre pouvoir,
Pouvoir en tout digne du grand empire,
De l'Algérie illustrant le renom,
Ainsi qu'en France, ici nous pourrons dire :
Vive à jamais !...Vive Napoléon !...

                L'Empereur a fait remercier l'auteur de ces vers, M. Felieux et M. Leguay compositeur de musique et a fait remettre à chacun d'eux une médaille en or.
                Il s'est occupé avec une grande sollicitude de l'avenir de cette ville aux divers points de vue :
                - de l'agriculture, de l'industrie, du commerce.

                Il s'est informé des cultures qui réussissaient le mieux, du produit de la vigne et a demandé si les terres avaient besoin d'engrais. M. Martin lui a répondu que jusqu'alors on en avait très peu employé et que la richesse du sol était telle que les colons n'avaient pas encore reconnu l'absolue nécessité de recourir à cet excitant. L'Empereur a voulu connaître les ressources métallurgiques. Il a été question des forges qu'Abd-El-Kader avait établies et des mines abondantes qui les alimentaient. Enfin il a interrogé tour à tour les divers chefs de service sur les besoins de l'arrondissement.

                Il a quitté Milianah le lendemain à 7 heures du matin.
                Avant son départ il a demandé au maire d'être auprès de la population l'interprète de sa satisfaction pour le bon accueil qu'il avait reçu :
                " Votre ville est charmante et certainement, a-t-il ajouté, je reviendrai la visiter. "
                Aussitôt après son départ M. Martin a adressé à la population la proclamation suivante :
                " Chers concitoyens, Notre plus beau rêve s'est réalisé : Sa Majesté l'Empereur est venu visiter nos contrées, et ses impressions, j'ose le proclamer, ont été, on ne peut plus favorables à notre riche et fertile sol.
                Aussi, en quittant notre ville m'a-t-il chargé de vous témoigner sa satisfaction de la réception que vous lui avez faite et son intention de s'occuper des intérêts de Milianah.
                Nous étions déjà dévoués par conviction à la dynastie de notre Souverain ; aujourd'hui nous le serons encore davantage par le sentiment de la plus vive reconnaissance. "

Napoléon III en Algérie
par Octave Tessier correspondant du Ministère
et l'Instruction Publique
pour les travaux historiques. Édition 1868

Blidah
Envoyé par M. Christian Graille

                  Blidah, chef-lieu de sous-préfecture est situé à l'extrémité Sud de la plaine de la Mitidja, à 48 kilomètres d'Alger sur la route de Médéah.
                  La commune de Blidah comprend quatre annexes :
                  - Joinville, Montpensier, Dalmatie et Béni-Méred.

                  Sa population totale est de 11.563 habitants.
                  L'origine de Blidah ne semble pas remonter à l'époque romaine. Aucune ruine du moins ne le laisse supposer.
                  Cette ville, très peuplée du temps des Turcs, fut détruite en grande partie par le tremblement de terre de 1825.
                  Elle commençait à se repeupler, en 1830, quand le maréchal De Bourmont essaya de s'en emparer.
                  Attaquée de nouveau vers la fin de 1830, par le maréchal Clauzel, prise et évacuée ensuite par le duc de Rovigo et par le maréchal Vallée, en 1834 et 1838, elle ne fut occupée définitivement qu'à partir de 1839.

                  Les orangeries de Blidah sont renommées ; elles occupent une superficie de 110 hectares, et comprennent 35.000 pieds d'orangers ou de citronniers.
                  Le territoire est d'ailleurs très fertile. Toutes les cultures y réussissent parfaitement. Blidah qui est relié à Alger par un chemin de fer, et qui reçoit les produits de l'intérieur par Médéah, tend à devenir un centre de commerce important.

L'Empereur à Blidah

                  Le 11 mai, à 9 heures et demie du matin, le train impérial qui avait quitté Alger à 8 heures un quart, arrivait dans la gare.
                  Sa Majesté l'Empereur, accompagné de son état-major et d'une suite nombreuse est aussitôt monté en voiture et s'est dirigé vers la ville où il a été reçu par M. Borély la Sapie, maire et par M. Ausone de Chancel, sous-préfet de l'arrondissement.
                  L'édile a prononcé le discours suivant en présentant à l'Empereur les clefs de la ville que portait sur un beau coussin de velours un Arabe :
                  " Sire, la ville espère vous être agréable en vous offrant l'exemple d'un heureux mélange :
                  - de militaires,
                  - de colons et
                  - d'indigènes vivant dans la plus parfaite harmonie et tous animés d'un égal amour de leur souverain.

                  Votre Majesté, qui donne au monde l'exemple des grandes pensées et des œuvres généreuses, a voulu être le rédempteur des indigènes, et par l'Algérie, essayer de ramener l'Orient à la civilisation. Cette noble pensée a fait battre ici de fierté, le cœur des enfants de la France.
                  Les Français n'ont rien perdu des sentiments généreux qui font la gloire de la mère patrie, et que le beau soleil d'Afrique, qui retrempe les courages, n'a fait que fortifier en eux les sentiments de reconnaissance pour le souverain à qui la France doit son statut et sa grandeur. "


                  Puis le cortège est entré dans la ville en passant sous la porte Bab-el-Sebt.
                  La décoration de cette porte, transformée en arc de triomphe, offrait un heureux mélange d'armes étincelantes et de modestes instruments agricoles.
                  Et comme Blidah, la reine de la Mitidja, est par excellence la ville des fleurs et des orangers, on avait eu la poétique pensée d'écrire, sur le fronton de l'arc de triomphe le nom de l'Empereur avec les feuilles, les fleurs et le fruit de l'oranger : charmante idée, exécutée avec goût, et qui a fait dire au spirituel rédacteur du journal le Tell que désormais le nom de l'Empereur appartient à l'Algérie comme à la France , puisqu'il a été écrit, dans les diverses localités visitées en fleurs, en fruits et en toutes espèces de produits du pays et il ajouta :
                  " Scipion mérita le surnom d'africain, Napoléon III est digne de porter celui d'algérien. "

                  Le même goût, la même pensée avait présidé aux décorations de l'intérieur de la ville. Toutes les rues étaient ornées de trophées, d'oriflammes et de fleurs.
                  L'Empereur conservait ainsi le souvenir de magnifiques orangeries qui l'avaient si agréablement surpris quand il avait traversé ces forêts qui entourent la ville d'une ceinture parfumée.
                  Ainsi en lisant les mots : Napoléon III premier colon de l'Algérie sur un écusson qui décorait une maison de la place d'armes, il devait penser que ce titre n'était pas à dédaigner et que les colons qui habitaient cette ville n'étaient pas à plaindre.
                  Pendant son séjour il s'est entretenu plusieurs fois avec le maire et le sous-préfet.

Napoléon III en Algérie
par Octave Tessier correspondant du Ministère
de l'Instruction Publique
et des travaux historiques. Édition 1865


PATRIOTISME REPUBLICAIN
Envoyé par Hugues

       Le concret et l'abstrait : Patrie et République.
       Sacrifice patriote pour l'amour de la France
       Les Lois républicaines, symboles politiques
       Des Elus au pouvoir, parfois jusqu'à l'outrance !

       La Patrie est concrète, on la vit, on la sent !
       Elle est Une et Multiple, du Nord jusqu'au Midi,
       Nous aimons ses régions, nous aimons les accents
       Des Chtis, des Provençaux, charmantes mélodies !

       Partout en France s'élèvent châteaux et cathédrales,
       Témoins de notre histoire, du savoir-faire des hommes,
       Animés par leur foi. Leur culture ancestrale
       Est inscrite dans la pierre, tel un curriculum !

       Et, depuis deux mille ans, sans cesse convoitée,
       Par César, Attila, l'arabe Abd El Rahman,
       La Gaule a enfanté des chefs pour résister :
       Charles Martel, à Poitiers, Jeanne d'Arc, paysanne !

       Et nos voisins Germains, lors de deux guerres mondiales,
       Ont vainement tenté d'amputer la Nation.
       Défendre notre sol, un devoir primordial
       Dont les "poilus" sont la plus brave incarnation !

       La Patrie, comme un chêne, a de profondes racines
       Culturelles et cultuelles, ancrées dans les mémoires
       Des Français, ses enfants. Qu'aucune main assassine
       N'empoisonne un fruit planté sur son terroir !

       Mode de Gouvernement, géré par des élus,
       La République ne vaut que ce que valent ses lois !
       Ces dernières, votées, n'apportent le salut
       Qu'à une "majorité", non à tous les "gaulois" !

       Hors la pierre angulaire, sur laquelle elle repose,
       Que sont les Droits de l'Homme, puis sa Devise Principe,
       Dans la Constitution dont notre Etat dispose,
       La République se meut, sans cesse s'émancipe !

       La devise "Liberté"est, chaque jour, mise à mal :
       Qu'elle soit d'expression, qu'elle soit de circuler,
       La Loi, les Codes, les Autres sont un frein maximal
       Au droit de l'exercer ! Faut-il capituler ?

       Egaux et fraternels, billevisées, chimères,
       Quand les législateurs s'exemptent d'obligations !
       Droit de propriété, non-droit quand des squatters
       S'installent, impunément, dans une habitation.

       Que dire de l'IVG et du Mariage pour Tous ?
       Lois votées au forceps pour des minorités,
       Quand le peuple souverain manifeste et repousse
       Des actes liberticides de pure commodité !

       Gouvernance de l'Etat, s'il est Etat de Droit,
       La République se doit d'être intransigeante,
       Ne jamais tolérer, et ce, en quelqu'endroit,
       Qu'une aire de non-droit à jamais ne s'implante.
Hugues JOLIVET
10 août 2020



 Médéah
Envoyé par M. Christian Graille

                 Chef-lieu de commune et de subdivision militaire, la ville est située à 42 kilomètres Sud de Blidah sur le versant méridional d'un mamelon dont le sommet s'élève à 900 mètres au-dessus du niveau de la mer
                Médéah occupe l'emplacement d'une ancienne ville romaine qui aurait été, selon M. Mac-Carthy la station de Mediae ou Medias ainsi appelée parce qu'elle était à égale distance de Tirinadi (Berouageuïa) et de Sufasar (Amoura).
                La ville bâtie par les Turcs à cet emplacement a elle-même disparu.
                Les constructions françaises qui couvrent déjà une grande étendue de terrain ont remplacé presque partout les vieilles maisons qui tombaient en ruines en 1840 quand notre armée en prit possession.

                Trois minarets encore debout sont les seuls témoignages de l'ancienne importance de cette ville qui fut la capitale de la province de Titteri.
                Des trois mosquées annoncées par ces minarets une seule est encore affectée au culte musulman, la seconde a été transformée en église et la troisième est comprise dans l'enceinte fortifiée, son minaret sert de poste d'observation pour surveiller la vallée.
                Le territoire est très fertile ; la vigne y réussit parfaitement et déjà les vins ont acquis de la réputation. Cette culture occupe près de 500 hectares. La récolte en est abondante, comme du reste celle des autres cultures qui sont appropriées à son climat tempéré.
                Le territoire a toujours été remarqué par sa fertilité et a donné lieu à un dicton arabe : " Médéah est une ville d'abondance ; si le mal y entre le matin, il en sort le soir. "

L'Empereur à Médéah

                Il était près de midi quand l'Empereur a quitté Blidah pour se rendre à Médéah. La route parcourue est peut-être la plus remarquable qui existe en Algérie, où pourtant ;
                - l'imprévu,
                - le pittoresque,
                - les accidents de terrain
                - et les points de vue abondent et font l'objet de l'admiration des touristes les plus difficiles

                C'est d'abord la magnifique plaine de la Mitidja avec sa luxuriante végétation ; puis viennent les riches vergers de l'Oued-el-Kébir et enfin les gorges de la Chiffa. Si avant de pénétrer dans ces gorges profondes on se retourne vers le point de départ, les yeux éblouis s'arrêtent sur le tableau magnifique de la Mitidja, des longues collines du Sahel et de la mer qui se montre par la coupure du Mazafran. C'est dans ce site admirable, connu sous le nom singulier de ruisseau des singes que l'Empereur et sa suite ont fait halte pour déjeuner.
                Puis le cortège est entré dans la gorge de la Chiffa qui est bien, comme le dit M. piesse dans son itinéraire " une des merveilles de l'Algérie. "
                Dans une coupure à pic de cinq lieues de long, la route conquise tantôt sur le rocher qui la surplombe à 100 mètres, et que la mine a dompté, tantôt sur le torrent qui lui cède une partie de son lit.
                Cette œuvre gigantesque accomplie par nos troupes, sous la direction du génie militaire fait le plus grand honneur à l'armée d'Afrique.
                 " Depuis les légions romaines qui maniaient la pioche aussi bien que l'épée a dit avec beaucoup d'à-propos M. le Colonel Ribourt, nulle armée au monde n'a accompli autant de travail ni tant fait pour livrer un grand pays à la culture et à la civilisation. " Il faut qu'on sache, et nous sommes heureux de le redire après lui, car nous aimons à rendre hommage au dévouement de notre glorieuse armée, que lorsque nos soldats ne se battaient point, ils travaillaient.

                Et chaque année durant sept mois, cinquante ou soixante mille soldats étaient échelonnés au travers de la contrée pour :
                - ouvrir des routes,
                - dessécher les marais,
                - combler les fondrières,
                - abaisser les montagnes,
                - faire des ponts, des barrages,
                - bâtir dans les tribus des maisons de commandement, sur les chemins des caravansérails et
                - créer, dans le désert, des oasis naturelles. "


                L'Empereur en parcourant cette magnifique route a dû être fier de son armée d'Afrique qui a su faire de si grandes choses pendant les loisirs de la paix ou entre deux expéditions.
                A quatre heures environ, le souverain arrivait à Médéah où il était reçu avec enthousiasme. M. Dubois, ancien officier supérieur, maire e la ville a prononcé le discours suivant : " Sire, premier magistrat de la cité, je viens à la tête de la municipalité et au nom de la population saluer en vous l'élu de la France et le maître des destinées de notre belle colonie.

                Grâce aux bienfaits que vous n'avez pas cessé de répandre sur notre chère patrie, La confiance toujours indispensables dans les transactions commerciales, s'est rétablie, et à part quelques souffrances que nous cherchons à atténuer et à soulager dans la mesure de nos forces, nous avons éprouvé dès lors un bien-être et une tranquillité dont nous avions été privés pendant de si longues années.
                Votre présence sur cette terre d'Afrique est pour nous une preuve éclatante de la sollicitude que vous étendez sur toutes les parties de votre vaste empire, et je suis heureux d'être l'organe de la reconnaissance de toute cette population qui vous entoure et qui voit en votre présence un gage certain d'avenir et de prospérité pour son pays d'adoption. "

                En traversant la place Napoléon et la place d'armes, coquettement décorées, l'Empereur fut agréablement surpris de l'animation et de la gaîté qui régnait dans cette ville en quelque sorte perdue dans les montagnes.
                Chaque maison, chaque fenêtre était ornée de drapeaux et de banderoles aux couleurs variées.
                Là où les drapeaux avaient manqué, les habitants y avaient suppléé en recouvrant la façade de leurs maisons avec ces riches tentures, ces brillantes étoffes en soie, en damas (étoffe de soie à fleurs ainsi nommée car la manufacture en est venue de Damas) et en brocard (étoffe d'un mélange de plusieurs couleurs et d'or et d'argent) qui entrent dans la composition du vêtement des femmes indigènes.
                Le lendemain 12 mai, l'Empereur rentrait à Alger.

Napoléon III en Algérie
par Octave Tessier correspondant du Ministère
de l'Instruction Publique
pour les travaux historiques. Édition 1868


Chéragas
Envoyé par M. Christian Graille

                 Situé à l'entrée de la plaine de Staouéli, à 14 kilomètres d'Alger et à 12 de Sidi-Ferruch, C'est le chef-lieu d'une commune composée de quatre annexes :
                 - Guyot-ville, Baïnem, Sidi-Ferruch et Staouéli.

                 La population est de 2.300 habitants.
                 Le territoire sur lequel le village a été construit était occupé par une tribu qui émigra en 1840.

                 Deux ans après (22 août 1832) des colons s'y établissaient et formaient un hameau qui a été constitué en commune le 31 décembre 1856.
                 La culture des plantes odoriférantes apportées par M. Mercarin et par divers autres cultivateurs du département du Var a été une source de richesse pour ce centre agricole qui a prospéré et qui est aujourd'hui un des villages les plus jolis et les plus riches de l'arrondissement d'Alger.
                 On y remarque une belle place sur laquelle s'élève une élégante fontaine, ornée du buste en bronze du Maréchal Pélissier, duc de Malakoff.

                 Les terres sont fertiles et bien cultivées. Mais ce qui a surtout contribué au développement de ce village, c'est la double industrie de la distillerie du géranium et la fabrication du crin végétal, dit crin Averseng du nom de l'inventeur.
                 Le géranium qui en France végète péniblement et seulement dans certaines expositions choisies où il donne une seule coupe par an, croît ici avec une abondance extraordinaire en plein champ, sans autres soins que quelques binages et même sans irrigations.
                 Cette plante peut donner jusqu'à trois coupes en mai, en septembre, en décembre ou en Janvier.
                 L'essence de géranium qui remplace dans la parfumerie, pour la confection des pommades, savons et huiles, l'essence de roses, valait, il y a vingt ans jusqu'à 130 francs le kilogramme à Grasse ; la concurrence de Chéragas et la plus grande facilité de production l'on fait tomber, il y a quatre ou cinq ans jusqu'à 55 francs.

                 Maintenant par les progrès de la consommation et la demande de Paris et de Londres les prix se sont élevés à 75 et 80 francs ce qui donne encore une belle marge.
                 Cette industrie occupe dans la commune, y compris la Trappe, plus de 100 ouvriers et donne pour plus de 200.000 francs de produits.
                 Elle est d'ailleurs très utile à la colonisation, en ce sens qu'elle oblige les distillateurs à faire opérer des défrichements pour se procurer le combustible nécessaire au chauffage des alambics ; on peut donc ajouter les défricheurs au nombre de ceux que le géranium fait vivre.
                 L'autre industrie, celle qui utilise le palmier nain, n'intéresse pas moins la colonisation. Le palmier nain (chamœrops humilis) a fait longtemps, par la profondeur, la ténacité et l'inextricable lacis de ses racines, le désespoir des cultivateurs en Algérie.
                 Les frais de défrichement d'un hectare de terre, couvert de palmiers nains, pouvait coûter 300 à 400 francs, très faiblement compensés par le prix des racines comme combustible ou pour la fabrication du charbon.

                 De fortes primes étaient accordées à son extirpation. On voyait cependant les indigènes employer ses feuilles et ses tiges, mêlées au poil de chameau et à la laine, à fabriquer l'étoffe des tentes. Ils en faisaient :
                 - des paniers, des nattes, des corbeilles, des chapeaux, des éventails, sacs
                 Et généralement tous les ouvrages :
                 - de sparterie (travail artisanal et fabrication d'objets tressés ou confectionnés avec des fibres végétales),
                 - de corderie,
                 - de tapisserie, en commun avec l'alfa et le diss.

                 Ces applications inspirèrent l'idée de travailler le palmier nain pour en obtenir un crin végétal ou crin d'Afrique ; cette exploitation a donné lieu à des établissements importants, munis de brevets, dont les principaux sont ceux de MM. Aversen et Cie, à Toulouse et de M. Bénier à Alger.
                 A ces renseignements qui sont extraits du catalogue spécial des produits de l'Algérie à l'exposition de Londres, nous joignons quelques détails fournis par M. Averseng, fondateur de cette industrie et conseiller municipal de la commune de Chéragas. Une grave maladie obligea l'inventeur à rentrer en France.

                 Il trouva à Toulouse quelques faibles capitaux pour commencer son exploitation et faire apprécier ses produits. Mais en 1859, il vint de nouveau s'installer à Chéragas où il créa un grand établissement qui a donné les meilleurs résultats. Cette fabrication s'élève aujourd'hui à trois millions de kilogrammes environ.
                 L'avantage du crin végétal sur toutes les autres matières propres à la garniture des meubles et voitures, consiste :
                 - 1° dans le bon marché puisqu'il ne coûte, en moyenne, que le 10e du crin animal,
                 - 2° dans sa légèreté ; à volume égal il ne pèse que moitié du crin ordinaire,
                 - 3° il est d'un travail plus facile,
                 - 4° il n'a pas l'inconvénient qu'a le crin animal de produire la vermine dans les meubles.

                 M. Averseng, qui achète le produit du travail des peigneurs des différents villages du Sahel, soit en moyenne 3.000 kilos par jour, fait vivre près de 1.000 personnes, plus le personnel de la fabrique qui se compose de 60 ouvriers tant européens qu'indigènes.

L'empereur à Chéragas

                 Dès le lendemain de son arrivée à Alger l'Empereur voulut se mettre en route pour les villages de l'arrondissement et voir, par lui-même, l'état de la colonisation. Accompagné :
                 - de M. le Maréchal Mac-Mahon, Gouverneur Général,
                 - de MM. les Généraux Fleury et Castelnau ses aides de camp,
                 - de M. le Général Wimpffen Commandant de la province et
                 - de M. Poignant, Préfet du département, Il était reçu dans la commune de Chéragas.

                 Toute la population,
                 - la municipalité et le curé en tête,
                 - l'école des garçons,
                 - celle des filles,
                 - l'asile communal dirigé par les sœurs de la doctrine chrétienne,
                 - les orphelinats protestants avec leur pasteur étaient venus se ranger en haies sous la magnifique avenue de trembles qui précède l'entrée du village et forme comme un immense arc de triomphe naturel.

                 Les indigènes de la commune prévenus un peu tard et occupés des préparatifs de leur fête de l'Aïd-Kebir qui avait lieu le lendemain n'étaient venus qu'en petit nombre.
                 Le souverain félicita l'édile en disant : " Monsieur le Maire, si toute l'Algérie ressemblait à votre commune, il ne nous resterait bien peu de chose à faire. "
                 Il remercia par quelques mots le maire et les habitants du bon accueil qu'on lui faisait et les félicita du progrès de leur culture.
                 Il se préoccupa des autres cultures et on lui répondit qu'outre les céréales de toute espèce,
                 - les jardins maraîchers, le tabac, le coton, les mûriers,
                 La commune possédait une industrie toute spéciale, celle de la distillation des essences.

                 Il s'informa ensuite du chiffre de la population et de la proportion des naissances et des décès. Il lui fut répondu :
                 - que la commune toute entière avait 2.300 habitants dont 700 indigènes dans de véritables petits villages avec arbres, vignes et jardins,
                 - que le chef-lieu était peuple de 650 Européens dont le chiffre croissant tous les ans, - qu'en 1864, au 1er avril on avait y compris les indigènes voisins de Chéragas, pour une population de 1.100 habitants 20 naissances et seulement 2 décès,
                 - que cette année au 4 mai on avait déjà 15 naissances et seulement 3 décès européens dont une femme de 92 ans mais
                 - que les indigènes avaient un peu payé leur tribut aux rigueurs de l'hiver, qu'en somme, chaque année les naissances étaient toujours plus que doubles des décès.

                 Le surlendemain en revenant de Coléah, l'Empereur s'arrêta de nouveau à Chéragas après avoir traversé le village de Zéralda et rentra à Alger en passant par les pentes de la Bouzaréah.
Napoléon III en Algérie
par Octave Tessier, correspondant du Ministère
de l'Instruction Publique
pour les travaux historiques. Édition 1865.


La Sénia
Envoyé par M. Christian Graille

           Le village est situé à 8 kilomètres d'Oran et à 13 de Valmy ; sa population est de 652 habitants, peuplé en grande partie des Espagnols.
           Il a été créé le 10 juillet 1844 et annexé à la commune d'Oran le 31 décembre 1856. Les colons se livrent particulièrement à la culture maraîchère dont les produits trouvent un facile écoulement sur les marchés d'Oran.
           Cependant on remarque plusieurs fermes assez importantes.

L'Empereur à la Sénia

           Dès le lendemain de son arrivée à Oran l'Empereur a voulu, comme il l'avait fait à Alger, visiter les villages agricoles de l'arrondissement afin de juger, par lui-même, des travaux accomplis par les colons et l'état des cultures européennes.
           Quatre kilomètres d'Oran, sur la route de la Sénia il a fait arrêter sa voiture devant, Il a examiné avec plaisir la petite exposition agricole qui avait été placée à l'entrée de l'avenue de cette jolie ferme.

           Au milieu des oranges, des citrons et d'autres produits s'étalait un superbe bouquet composé de toutes les plus belles variétés de fleurs qui lui fut offert par une délicieuse enfant de six ans qui lui adressa un charmant petit discours :
           " Sire, daignez accepter ces fleurs. Je voudrais avec mes petites mains :
           - les semer sur votre route,
           - ôter les épines des roses,
           - en écarter tous les soucis afin que le souvenir de votre voyage d'Oran soit pour vous un souvenir de bonheur et pour toute la population qui vous chérit et vous désire un bienfait sans prix."


           M. le Général Deligny lui présenta le propriétaire de la ferme, ancien colon et Administrateur de la Sénia, actuellement 1er adjoint de la ville d'Oran.
           Le souverain le complimenta sur le bon aspect de ses cultures et sur la beauté de ses fruits. Il lui remit la croix de la Légion d'honneur. <
br />           Après cette courte station, le souverain se rendit au village de la Sénia :
           - Le village était en fête,
           - les rues et les places étaient pavoisées,
           - des guirlandes de fleurs,
           - des couronnes de verdure formaient comme un berceau, partout où le cortège devait passer.

           Il pria M. Royer, maire adjoint, de féliciter en son nom les courageux colons qui avaient transformé si heureusement des terres jadis couvertes de broussailles et de palmiers nains.
           Puis le cortège quitta le village.
Napoléon III en Algérie par
Octave Tessier correspondant du Ministère
de l'Instruction Publique
pour les travaux historiques. Édition 1865.



Relizane
Envoyé par M. Christian Graille

           Situé dans la plaine de la Mina à 55 kilomètres Sud-Est de Mostaganem.
           La population qui comprend deux annexes Hillil et Bouguirat est de 2.500 habitants.
           On a trouvé des sous d'or du Bas-Empire et quelques vestiges d'antiquité qui font supposer que les romains y possédaient un établissement. Les turcs ont également occupé ce territoire.
           Ils avaient construit sur la Mina un barrage assez considérable qui a été réédifié depuis peu d'années.

           Le décret de création de Relizane est du 24 janvier 1857, mais le peuplement c'est-à-dire la distribution des terres n'a commencé qu'en 1858 et s'est continué jusqu'en 1863.

           Ce centre n'a donc que cinq à six années d'existence et il est très remarquable qu'en si peu de temps le chiffre de sa population ait pu s'élever à 2.500 habitants.
           Ce rapide accroissement est dû à la fertilité du territoire qui est arrosé par les eaux de la Mina et par l'excellente situation de Relizane, entre cette rivière et la route d'Alger à Oran, sur la ligne du chemin de fer en cours d'exécution.
           La petite ville a été créée par l'autorité militaire ; elle n'a été remise à l'Administration civile que le 1er avril 1865, date du décret qui l'a constituée en commune et il a institué un commissariat civil.

L'Empereur à Relizane

           De grands préparatifs avaient été faits par les colons pour recevoir l'Empereur.
           On espérait qu'il pourrait consacrer quelques heures à ce centre important ; mais par une circonstance restée sans explication 8 ou 140.000 Arabes qui voulaient solliciter une amnistie en faveur des prisonniers faits à la suite de la dernière insurrection, ont envahi Relizane et de lui ont point permis d'y circuler librement et qu'il a dû quitter le village sans mettre pied à terre.
           Nous allons cependant résumer les détails de la visite impériale que nous trouvons dans une correspondance particulière et dans les récits des journaux d'Oran et de Mostaganem :
           " C'était, lisons-nous, dans une lettre écrite par un habitant, c'était avec une bien vive impatience que depuis huit jours notre ville attendait la visite de l'Empereur.

           Tous les habitants sans distinction de nationalité ou de religion, avaient voulu témoigner de leur reconnaissance et leur espoir en l'auguste visite qu'ils allaient recevoir :
           - Arcs de triomphe,
           - pavillons aux couleurs nationales,
           - mâts de verdure pavoisés,

           Rien ne manquaient aux embellissements. Mais ce qui surtout avait été soigné c'était une exposition agricole qui avait été spontanément préparée.

           Devant le pavillon de l'horloge s'élevaient deux superbes trophées formés avec les produits du sol : aux gerbes de blé et d'orge déjà mûres, venaient se marier le lin et des branches d'arbres fruitiers pliant sous leur fardeau ; et au-dessus de tout cela, le roi du pays, le coton, en capsule, égrené et passant aux égreneuses.
           Puis les instruments aratoires et à côté les animaux de travail. Tous les colons avaient répondu à l'appel pour prouver qu'ils existent en Algérie et que les ennemis de la colonisation :
           - ne connaissent pas,
           - ou plutôt ne veulent pas connaître les sérieux efforts que l'on fait tous les jours,
           - les résultats que l'on obtient
           - et ceux que l'on obtiendra maintenant que la protection de Sa Majesté nous est assurée. "

           Le 21 mai, vers midi et demi l'Empereur arrivait devant le barrage de la Mina situé à trois kilomètres de Relizane et s'arrêta pour examiner les travaux avant de poursuivre sa route vers Relizane.
           A l'entrée de la ville s'élevait un arc de triomphe aux monumentales proportions.
           Les fonctionnaires et les notables de la localité s'étaient réunis au premier avis donné par un cavalier parti du village de l'Hillil.
           Les pompiers, la milice et trois compagnies d'infanterie formaient la haie.

           M. Silvestre nommé récemment commissaire civil et maire du district prononça l'allocution suivante :
           " L'an dernier, à pareille époque, l'insurrection semait le ravage et la mort dans nos campagnes.
           Quel changement inespéré ! Quel bonheur inouï !
           Vous êtes au milieu de nous, au milieu de ces colons si cruellement éprouvés !
           Sire, s'il est un point de l'Algérie qui atteste la puissance de la colonisation c'est sans contredit la ville naissante qui a l'insigne honneur de recevoir la visite de Votre Majesté.
           Appelé depuis quelques jours à succéder à l'autorité militaire qui l'a administrée jusqu'à présent avec tant d'intelligence, j'éprouve un véritable bonheur d'être l'interprète de la profonde gratitude et des vœux de la population dans une circonstance aussi heureuse pour elle.
           Relizane ne compte que six années d'existence et malgré la fièvre des premiers temps et les malheurs qui l'on frappée, elle renferme 2.500 habitants :
           - La propriété urbaine et rurale y a acquis une valeur de quatre millions,
           - la culture du coton y couvre une superficie de 1.000 hectares,
           - c'est ici que le plus vaste champ est ouvert aux compagnies financières dont Votre Majesté annonce la venue.
           - Cinq grands travaux coïncidant avec l'achèvement de la voie ferrée doivent être donné à ce centre un développement considérable et lui assurer l'avenir le plus prospère :
           - Construction d'un barrage réservoir supérieur qui permettra d'arroser 25.000 hectares,
           - achèvement du réseau actuel des canaux d'irrigation,
           - élévation et distribution en ville des eaux de la Mina,
           - construction des établissements militaires destinés à recevoir la garnison, qui doit assurer définitivement la sécurité de la contrée en contenant dans les montagnes les turbulents Flittas,
           - enfin édification d'un hôpital pour les besoin de l'armée et de la colonisation. "


           L'Empereur a adressé à M. Silvestre plusieurs questions auxquelles il a répondu avec précision. " Notre éloignement, dit le rédacteur du courrier d'Oran, auquel nous empruntons ces détails, ne nous a pas permis de les entendre tous mais nous savons qu'il a été parlé :
           - du moyen d'emmagasiner les eaux de la Mina,
           - du développement pris par la culture du coton,
           - du nombre et de la valeur des fermes disséminées dans la plaine,
           - du chiffre de la population et des victimes de l'insurrection,
           - de la création d'une ferme impériale sur mille hectares de terrains domaniaux disponibles, création qui se trouverait dans les meilleures conditions de réussite et qui servirait d'exemple aux cultivateurs d'une contrée de plus de 20.000 hectares. "

           M. Migette, agriculteur, qui après avoir montré son aptitude et sa capacité aux environs de Mostaganem, en y créant un superbe domaine, est venu s'installer à Relizane sur-le-champ de bataille presque vierge de la colonisation.
           En effet qu'est-ce qu'une culture de mille ou deux mille hectares en face d'une plaine de vingt quatre mille hectares d'étendue qui bientôt sera irrigable.
           M. Migette deviendra donc un planteur distingué en utilisant et en déployant dans cette fortunée contrée sa longue expérience agricole.
           La fille de ce planteur a présenté une gracieuse corbeille bleue remplie de coton et de fleurs et a prononcé un petit compliment. :
           " Sire, nous vous offrons ces modestes produits du travail de nos mains et de celui de nos pères.
           Les unes se faneront bientôt mais nous espérons que vous voudrez bien conserver les autres pour les présenter à notre gracieuse souveraine et au Prince impérial comme le tribut de nos respectueux hommages et de notre dévouement. "


           L'Empereur a adressé quelques paroles de remerciement et a continué sa marche ; mais à partir de ce moment, il n'a pas été possible de contenir la foule des Arabes avides de voir le Sultan des Français.
           Les flots grossissaient toujours et la voiture impériale dût s'arrêter entourée de plus de 2.000 burnous.
           L'Empereur toujours calme et souriant au milieu de ces hommes dont la plupart avaient combattu contre nous l'année dernière et voulant leur donner un preuve manifeste de sa bienveillance ordonna la libération d'un certain nombre de prisonniers retenus en France.
           " Nous avons, dit une correspondance, salué de nos respect le souverain le remerciant mille fois de sa visite.
           Il a dû se convaincre qu'une poignée d'intrépides colons ne pouvait pas être abandonnée sans défense, entourée de plus de quarante mille Arabes.
           Il a pu juger du sort qui serait réservé à la colonie de Relizane, si une autre fois, comme il l'a essayé l'année dernière, l'Arabe tentait d'accomplir un drame sanglant à l'instar de celui des vêpres siciliennes.
           Il a vu les montagnes du Dharar, les Flittas et notre belle et luxuriante vallée de vingt-quatre mille hectares. Il a dû emporter deux convictions bien arrêtées :
           - Celle de la nécessité du grand barrage réservoir et,
           - celle de la création d'une subdivision pour la défense de la colonie de Relizane.
           Nos besoins et nos vœux sont connus, ils seront comblés et satisfaits. "

           Enfin le cortège rentra à six heures un quart à Mostaganem.

Napoléon III en Algérie
par Octave Tessier correspondant du Ministère
de l'Enseignement Public
pour les travaux historiques. Édition 1865.



PHOTOS DU CENTENAIRE
Envoyée par divers lecteurs


Le Défilé des Portes de Fer



Saint Denis du Sig
Envoyé par M. Christian Graille

           Chef-lieu de commune est situé à 52 kilomètres d'Oran, vers le Sud-Est, sur la rive droite du Sig. Sa population est de 3.963 habitants.
           Cette petite ville a été fondée en 1845 sur l'emplacement d'un camp qui avait été établi pendant les premières années de l'occupation d'Oran.
           Elle a la forme d'un vaste quadrilatère, divisé en îlots rectangulaires, et au centre duquel se trouve une large place, plantée d'arbres comme ses principales rues.
           Saint Denis, où doit aboutir le premier réseau de chemin de fer de la province d'Oran, est le foyer d'activité de la plaine qu'arrose et fertilise le Sig, en lui donnant son nom.
           Au milieu d'un pays où toutes les cultures prospèrent et où l'on compte déjà plus d'un établissement remarquable d'exploitation et d'industrie agricole, Saint Denis est devenu naturellement un fort marché où affluent chaque dimanche 7 à 8.000 Arabes et les Européens des nombreux centres de colonisation qui l'environnent.

           Le territoire de Saint Denis du Sig est fécondé par les eaux d'un magnifique barrage en maçonnerie dont les canaux ont plus de 30.000 mètres de développement.
           Par la richesse et la variété de sa culture, la plaine de Saint Denis du Sig est comparable à la plaine de la Mitidja et la ville elle-même n'est pas sans analogie avec Boufarik.
           Parmi les grands établissements agricoles crées aux environs on remarque l'union du Sig à 3 kilomètres Est de ce centre de population.
           Cette vaste propriété d'une contenance superficielle de 1.800 hectares est une des mieux exploitées de la province : on peut citer encore les fermes de MM :
           - Capmas, Masquelier, Ferré, Sibour dans lesquelles on cultive le coton sur une grande échelle.

           Par un décret du 1er avril 1865, les territoires de l'Habra et de Ferregaux ont été annexés à la commune de Saint Denis du Sig.
           L'adjudication de 24.000 hectares disponibles de l'Habra à une puissante compagnie va donner un développement considérable aux travaux agricoles dans cette partie de la province d'Oran où déjà l'agriculture a fait de très notables progrès.

L'Empereur à Saint Denis du Sig

           La visite de l'Empereur est ainsi racontée dans une lettre adressée à l'écho d'Oran :
           " Le lendemain de la visite de l'Empereur à Oran, les habitants de Saint Denis du Sig étaient prévenus, par une proclamation de M. Olivier, leur commissaire civil, que sa Majesté daignerait venir juger elle-même leurs travaux.
           Aussitôt chacun se prépare à recevoir dignement l'Auguste voyageur.
           On se réunit, on se groupe pour élever des arcs de triomphe.
           La commune est pauvre : elle ne peut faire grand-chose mais la cotisation individuelle y suppléera.

           Une remarque à faire sur les ovations dont l'Empereur est l'objet dans sa marche triomphale à travers notre belle colonie, c'est que partout l'enthousiasme est spontané ; qu'il ne porte pas cette estampille administrative, bien connue de ceux qui ont déjà vu d'autres monarques parcourir leurs États.
           Ici comme ailleurs, rien de commande. Les ouvriers d'art dressent un arc de triomphe à l'entrée de la ville avec cette inscription :
           Les ouvriers d'art à Napoléon III.
           Un peu plus loin, les Espagnols en érigent un autre :
           A l'Empereur, la colonie espagnole reconnaissante !
           La communauté israélite ne veut pas rester en retard sur ses concitoyens, elle dresse aussi son arc de triomphe avec un verset de la bible pour inscription :
           Béni tu entreras, béni tu sortiras.

           Un quatrième arc de triomphe, tout en verdure, garni de coton et de laine, est préparé un peu plus loin.
           Partout sur le passage présumé de l'Empereur, se pressent :
           - des girandoles,
           - des bannières,
           - des drapeaux.
           Quatre jeunes filles représentant les quatre communautés :
           - Française,
           - espagnole,
           - israélite,
           - arabe, toutes en costume national, lui offrirent un immense bouquet.
           L'Empereur, visiblement ému remercia les petites filles qui furent bientôt remplacées par quatre petits garçons de l'école communale qui, eux aussi, voulaient donner un témoignage de l'esprit dans lequel les populations civiles de l'Algérie sont élevées. "

           En se rendant au Sig, sa Majesté a remarqué une oasis délicieuse au milieu des terres cultivées par les Arabes et sur lesquelles on chercherait en vain un abri contre les ardeurs du soleil.
           C'était la belle propriété de M. Ferré, située à Pont de l'Ougas et qu'on aperçoit à une distance de cinq kilomètres en ligne directe de la route d'Oran au Sig.
           Les belles plantations et les arbres produisent un effet délicieux et reposent agréablement les yeux fatigués par le désert qu'affichent les cultures des indigènes. Ce tableau gagna la curiosité de l'Empereur qui voulut voir de près cette luxuriante végétation.

           L'intelligent M. Ferré avait heureusement placé, à l'entrée de sa ferme, quelques produits agricoles qui permirent au souverain de s'entretenir avec le cultivateur :
           - Faites donc voir ce coton.
           - Voilà Sire,
           - Il est très beau ; c'est vous qui l'avait cultivé ?
           - Oui Sire.
           - Combien en avez-vous d'hectares cette année ?
           - Trente, Sire.
           - Combien y-a-t-il d'année que vous cultivez le coton ?
           - Depuis l'origine de cette culture dans le pays.
           - Combien avez-vous pu produire ?
           - Sire je ne pourrais le dire en ce moment.
           - Ces bœufs sont à vous ?
           - Oui Sire.
           - Sont-ils du pays ?
           - Je ne sais pas mais je les ai achetés sur place.

           Ainsi se termina la visite de Napoléon III à Saint Denis du Sig.

Napoléon III en Algérie
par Octave Tessier, correspondant du Ministère
de l'Instruction Publique
pour les travaux historiques. Édition 1865.



Sidi-Bel-Abbès
Envoyé par M. Christian Graille

                  Chef-lieu de commune et de subdivision militaire, est situé à 82 kilomètres Sud d'Oran, sur la route qui relie Tlemcen à Mascara.
                  Cette commune comprend deux annexes : Sidi-Lhassen et Sidi-Brahim.
                  Sa population totale est de 6.587 habitants.
                  En 1843, une colonne commandée par le Général Bedeau vint s'établir sur le territoire des Béni-Amer et construisit sur la rive droite de la Mekerra et à peu de distance de la Kouba de Sidi-Bel-Abbès, une redoute qui prit le nom de ce marabout et dans laquelle on établit une forte garnison, destinée à tenir en respect la puissante et turbulente confédération des Béni-Amer.
                  Ceux-ci, se voyant surveillés abandonnèrent, au nombre de 25.000, le territoire de Sidi-Bel-Abbès et transportèrent leurs tentes au Maroc.

                  La fertilité de ce territoire, devenue ainsi la propriété de l'État,
                  - l'abondance de ses eaux,
                  - sa salubrité,
                  - sa position avancée au point de vue stratégique,
                  Déterminèrent le Gouvernement à l'occuper de manière définitive.

                  Un décret, en date du 5 janvier 1849, y créa une ville qui fut érigée en chef-lieu de commune le 31 décembre 1856 et qui est administrée par un commissaire civil depuis le 1er janvier 1857.
                  " Sidi-Bel-Abbès, dit M Piesse, dans son itinéraire de l'Algérie, est aujourd'hui une ville toute française, sortie grande et belle, avec sa corbeille de verdure, dans l'espace de dix années seulement, d'un marécage de la Mekerra. "

L'Empereur à Sidi-Bel-Abbès

                  Le 16 mai à huit heures du matin, l'Empereur partait d'Oran pour aller visiter Sidi-Bel-Abbès. Sa Majesté s'arrêta un instant à Valmy où elle fut haranguée par M. Edouard Peyre, maire de cette petite commune, et poursuivit sa route vers Sidi-Bel-Abbès.
                  " En quittant Valmy dit le correspondant du moniteur du soir, qui a suivi l'Empereur dans ce voyage, la colonisation européenne disparaît pour ainsi dire ; et ce ne sont plus que de vastes étendues occupées par les populations arabes. Sur tout ce long parcours, les douars arabes étaient venus planter les tentes sur le bord de la route et lorsque sa Majesté passait devant l'un de ces rassemblements nomades, les femmes faisaient entendre le toulouil, cri aigu de joie aux modulations stridentes, et les robustes filles de la tente venaient présenter à la portière de la calèche impériale le panier d'œufs et la jatte de lait de chèvre.

                  Arrivé sur le territoire de Sidi-Bel-Abbès je ne saurais vous dépeindre l'effet de transition qui se produit ; c'est plus que de l'étonnement, c'est presque de l'émotion.
                  La végétation surgit subitement sans aucune préparation. On passe de l'infertilité apparente à la fertilité la plus robuste ; les champs aux moissons dorées succèdent aux vergers et aux vignobles verdoyants.

                  L'abondance se développe sous toutes ses formes et se manifeste dans les produits les plus divers ; c'est une véritable débauche de végétation, et l'esprit le plus complaisant à peine à se persuader que toute cette richesse agricole a été créée en quelques années et qu'elle est l'œuvre de nos braves colons arrivés ici sans autres ressources que les forces brachiales. C'est au milieu de cette oasis que se cache Sidi-Bel-Abbès, ville régulière comme une ville américaine jetée au milieu d'un jardin féerique. "
                  A trois heures et demie, l'Empereur faisait son entrée et M.Villetard de Prunières, maire de la ville lui offrait les clefs de la ville.
                  Il passa ensuite sous un arc de triomphe en verdure élevé par les soins de la municipalité et portant l'inscription suivante :
                  A son fondateur, la ville de Sidi-Bel-Abbès reconnaissante.

                  Un second arc de triomphe avait été dressé par les habitants et était décoré d'instruments et de produits agricoles.
                  Sa Majesté est descendue à l'hôtel de la subdivision où, après le défilé de la milice et des troupes de la garnison qui avaient formé la haie sur son passage et s'est rendue au jardin de M. Bastide qui lui a montré : ses vignes, son verger, ses plantations dont l'Empereur a été très satisfait.
                  A 6 heures et demie, diner officiel, où ont été invités :
                  - le commissaire civil,
                  - le juge de paix,
                  - le curé,
                  - le commandant de la milice.

                  Le diner a duré jusqu'à neuf heures. Le juge de paix a remis à l'Empereur, au nom de la population une pétition :
                  " La ville de Sidi-Bel-Abbès, Sire, a enfanté par un de vos décrets.
                  Son nom ne se rattache à aucun souvenir historique, à aucune de ces actions héroïques semées par notre glorieuse armée à chacune des étapes de sa marche.
                  Sidi-Bel-Abbès, votre fille, demande à porter votre glorieux nom.
                  La compagnie des chemins de fer a mis la main au réseau algérien.
                  La ville, éloignée du littoral, craint d'être privée pendant longtemps des bénéfices immenses de la vapeur.

                  Elle vient solliciter de votre Majesté impériale un ordre qui lui permette d'espérer que dans un avenir très rapproché, elle sera soudée à la grande ligne algérienne.
                  Des routes de communication avec Mascara et Tlemcen sont indispensables, tant au point de vue stratégique que commercial.
                  Une route tracée sur Tlemcen est impraticable, celle de Mascara n'est qu'en projet. Cet état de chose prive notre ville d'un débouché assuré pour son industrie minotière et renchérit le prix des farines chez ses voisines obligées d'en acheter à Oran.

                  La création et le libre parcours de ces routes serait un bienfait immense, et Sidi-Bel-Abbès, point central, pourrait jouir de sa position topographique qui, avec :
                  - son sol si fertile,
                  - ses irrigations,
                  - sa population agricole,
                  - ses usines,
                  - son commerce assure son présent et lui permette d'aspirer à un riche avenir dans les horizons duquel elle ne peut se défendre de voir poindre sa transformation en chef-lieu de division militaire.

                  Le barrage de Tabia a créé pour ce pays une richesse incalculable, il a assuré son agriculture ; mais augmenter sa réserve pour étendre la zone irrigable et nous mettre à l'abri des années de forte sécheresse qui peuvent tout compromettre nous parait indispensable. De vastes domaines sont entre les mains du Domaine et restent improductifs.
                  Leur remise à la colonisation amènerait l'augmentation de la population et assurerait d'autant la richesse et la sécurité du pays. "

                  Sa Majesté a précisé qu'elle était peu disposée à changer les noms des villes mais accepta d'accorder que le nom de Napoléon fut ajouté à celui de Bel-Abbès qui désormais doit s'appeler Bel-Abbès-Napoléon.
                  Elle a en outre gracieusement permis à son interlocuteur d'annoncer cette décision. Le lendemain, à 7 heures du matin, l'Empereur a quitté la ville puis s'est arrêté à Sidi-Brahim et au village des Trembles où il a accueilli avec bonté les demandes de plusieurs colons.

Napoléon III en Algérie
par Octave Tessier, correspondant du Ministère
de l'Instruction Publique
pour les travaux et des historiques. Édition 1865.


Après, Après...
Envoyé par Daniel


       et le mois est déjà fini.
       ... et l'année est presque écoulée.
       ... et déjà 40, 50 ou 70 ans de nos vies sont passés.
       ... et on se rend compte qu’on a perdu nos parents, des amis.
       Et on réalise qu'il est trop tard pour revenir en arrière ...
       Alors…. Essayons malgré tout, de profiter à fond du temps qui nous reste...
       N'arrêtons pas de chercher à avoir des activités qui nous plaisent...
       Mettons de la couleur dans notre grisaille...
       Sourions aux petites choses de la vie qui mettent du baume dans nos cœurs.

       Et malgré tout, il nous faut continuer de profiter avec sérénité de ce temps qui nous reste. Essayons d'éliminer les "après" ...
       Je le fais après ..
       Je dirai après ...
       J'y penserai après.
       On laisse tout pour plus tard comme si "après" était à nous.

       Car ce qu'on ne comprend pas, c'est que :
       Après, le café se refroidit ...
       Après, les priorités changent ...
       Après, le charme est rompu ...
       Après, la santé passe ...
       Après, les enfants grandissent ...
       Après, les parents vieillissent ...
       Après, les promesses sont oubliées ...
       Après, le jour devient la nuit ...
       Après, la vie se termine ...
       Et après c’est souvent trop tard....

       Alors... Ne laissons rien pour plus tard...
       Car en attendant toujours à plus tard, nous pouvons perdre les meilleurs moments,
       Les meilleures expériences,
       Les meilleurs amis,
       La meilleure famille...
       Le jour est aujourd'hui... L'instant est maintenant...

       Nous ne sommes plus à l'âge où nous pouvons nous permettre de reporter à demain ce qui doit être fait tout de suite.

Anonyme


HISTOIRE DE BÔNE
PAR RENE BOUYAC
Contrôleur civil suppléant Interprète militaire hors cadre
Source Gallica
DEUXIEME PARTIE
BONE DEPUIS 1830

        CHAPITRE X
Le général Lafontaine. - Massacre du sous-lieutenant Alleaume et de son escorte dans l'Edough. - Révolte de Si Zerdoude. - Le général Randon est nommé au commandement de la subdivision de Bône. Son administration. - Ouverture de la route de l'Edough - Camp sur la frontière de Tunis. - Colonne contre les Beni-Salah. - Progrès de la colonisation à Bône. - Différentes créations. - Visite du duc d'Aumale. - Colonne expéditionnaire dans le Sud. - Massacre d'un convoi de blessés par les Ouled Yahya Ben Taleb. - Terrible répression. - Départ du général Randon. - Regrets unanimes de la population.

        Pas un nuage ne s'élevait à l'horizon politique de la province. Les populations, paisibles et rassurées, vaquaient à leurs occupations. Les troupeaux s'éloignaient des douars sans crainte d'être enlevés et, signe caractéristique, les marchés des points que nous occupions regorgeaient des produits de toutes les espèces que nous apportaient les indigènes des tribus les plus éloignées. Il eût été sage de prolonger cet état de choses si profitable au développement de la colonisation. Mais une erreur involontaire vint troubler cette tranquillité, fruit de plusieurs années d'efforts.

        Le cercle de l'Edough, constitué par l'arrêté du mois de novembre 1838, était administré par le caïd Kermiche, qui n'avait jamais cessé de nous donner des preuves du dévouement le plus loyal. Il avait, en très peu de temps, acquis un très grand ascendant sur les populations de montagnards si difficiles à mener et il obtenait sans difficultés le payement des impôts.
        De sourdes calomnies, dictées par la jalousie, le mirent en suspicion auprès de l'autorité civile locale qui, ne pouvant invoquer de motif sérieux contre lui, le fit destituer sous le prétexte d'avoir vendu à son profit le tan provenant de bois appartenant à l'Etat. Or, ces bois, situés dans le massif de l'Edough, n'avaient jamais été remis au service forestier, qui en aurait été certainement très embarrassé, en raison de l'impossibilité d'y placer des agents. En outre, on ne connaissait l'existence de ces forêts que par ouï dire.

        On nomma donc à la place de Kermiche un gendarme maure que cette élévation subite éblouit et qui, de très bonne foi, s'engagea à faire payer l'impôt à toutes les tribus du cercle de l'Edough. Il sollicita une escorte de 25 spahis réguliers sous le commandement d'un officier français. On eut la coupable imprudence de se prêter à cette ridicule équipée. Le sous-lieutenant Alleaume fut désigné. La petite troupe s'engagea dans l'Edough vers le milieu de juin. Quelques jours après, le 20 juin, on apprenait que le malheureux officier, son ordonnance et deux spahis avaient été égorgés chez les Beni-Mahammed. Le caïd et les autres spahis n'avaient dû leur salut qu'à la fuite. Voici ce qui s'était passé :
        Le 19 juin, Alleaume était arrivé le matin avec sa petite troupe chez les Beni-Mahammed ; mal reçu tout d'abord, M. Alleaumne se vit refuser l'orge qu'il demandait pour ses chevaux. Une partie de la journée et la matinée du lendemain furent employées en pourparlers ; le cheik Zerdoude promettait de payer l'impôt aussitôt qu'il aurait pu réunir la somme fixée.

        Dans l'après-midi, M. Alleaume, voyant bien que ces retards ne provenaient que du mauvais vouloir de la tribu, et le caïd ben Berkouchi l'engageant même à quitter promptement le pays, il annonça au cheik l'intention de partir à l'instant. Voulant probablement faire égorger tout le détachement et comptant sans doute sur la nuit pour exécuter son dessein avec plus de facilité, le cheik insistait pour retenir M. Alleaume jusqu'au lendemain, sous prétexte que les tribus voisines étaient en armes, prêtes à l'attaquer. Il promettait de l'accompagner le lendemain avec sa famille et ses enfants, lui garantissant ainsi sécurité et protection.
        Ces raisons ne furent point goûtées par M. Alleaume, qui voulut partir sur-le-champ, mais il était déjà trop tard.
        Le cheik Zerdoude, qui était allé lui-même, il y avait à peine quinze jours, chercher à Bône son diplôme de cheik, pose sa main gauche sur l'épaule de M. Alleaume, tire en même temps un pistolet de dessous son burnous et le tue à brûle-pourpoint. Aussitôt les Arabes, qui se tenaient embusqués dans un bois voisin, se montrent en armes et font feu sur les spahis. Ceux-ci, surpris et effrayés de la mort de leur officier et n'ayant pas leurs chevaux sellés, prennent la fuite dans plusieurs directions, et se sauvent en traversant une rivière à la nage. Ben Berkouchi réussit à s'enfuir (Feraud, histoire, de Philippeville.)

        Le général Lafontaine fut prévenu de cet horrible drame le 21 juin ; il fit partir aussitôt le colonel de Senhilles, de la légion étrangère, avec une assez forte colonne. On ne trouva que le vide, et, pour toute vengeance, on dut se contenter d'incendier quelques gourbis.
        Sur ces entrefaites, Kermiche s'était évadé de la prison où il était détenu et avait cherché un refuge dans son douar, qui reçut à coups de fusil les spahis chargés de le rattraper. Kermiche comprit que cet acte de rébellion le condamnait, et il disparut dans l'Edough.

        Berkouchi, qui s'obstinait à vouloir faire croire à son influence, projeta de s'emparera son profit des grains que Kermiche avait confiés aux Sauhanja de l'Edough. Mais Zerdoude, prévenu, faillit le surprendre et il dut, pour ne pas être massacré, rentrer précipitamment à Bône.
        On comprit la faute qu'on avait commise en plaçant à la tête de populations indomptables un homme d'aussi peu de poids et d'influence que Berkouchi.
        Mais on en commit une autre en le remplaçant par Bou Aïche, caïd des Drides, qui fut encore plus mal accueilli que son prédécesseur. Le général Bugeaud, mécontent de cet état de choses, profita de la santé chancelante du général Lafontaine pour le faire rappeler en France et confia le commandement intérimaire de la subdivision au colonel de Senhilles.

        Chaque année, la perception des impôts sur les tribus frontières de la Tunisie obligeait le bey à un certain déploiement de force. Emu, sans raison, le colonel de Senhilles crut voir dans l'arrivée des Tunisiens une menace pour nos tribus; il réunit quelques troupes et vint camper sur le territoire de la fraction la plus remuante, celle des Chiebna.
        Profitant de son absence, Si Zerdoude se mit à prêcher la guerre sainte et, avec quelques centaines de Kabyles, sema la terreur jusque sous les murs de Bône. Revenant en toute hâte, le colonel de Senhilles, à la tête de quelques compagnies, se mit à la poursuite des partisans de Si Zerdoude et n'eut pas de peine à les rejeter dans les montagnes.
        Le général Randon, qui avait été nommé au commandement de la subdivision de Bône, débarqua le 4 octobre. La ville était encore sous le coup de l'émotion causée par l'attaque des gens de l'Edough qui avaient osé, le 17 septembre, s'avancer jusque dans les jardins sous le canon de la place. Le premier acte du général fut d'interdire toute relation avec la montagne. Il fit publier sa défense dans toutes les tribus.

        Le 6 octobre, les caïds vinrent annoncer au général que les Kabyles préparaient une attaque soudaine contre la ville et les tribus de la plaine. De sévères précautions furent prises, mais la nouvelle était fausse et la tranquillité ne fut pas troublée. Le général s'empressa de lancer des émissaires clans l'Edough et acquit la certitude que dans toute cette révolte il n'y avait qu'un seul grand coupable, Si Zerdoude, dont il convenait de tirer, en temps opportun, une vengeance éclatante. Convaincu que les tribus révoltées ne demandaient qu'à faire leur soumission, il fit répandre le bruit dans les tribus voisines de Bône que si les cheiks de l'Edough venaient implorer leur pardon, peut-être serait-il accordé.

        Quelques jours après, les principaux cheiks, conduits par leur caïd Bou Aïche, se présentaient à Bône, et le général leur accordait leur grâce, sans autre condition que de maintenir sous leur responsabilité la tranquillité du pays et de livrer tous les agitateurs à l'autorité française. Aussitôt après cet acte de soumission, quelques tribus vinrent reprendre leurs campements habituels. Le commandant de la province voulait, pour achever la pacification du pays, le faire parcourir par une colonne. Le général Bugeaud, nommé gouverneur de l'Algérie, avait remplacé le général Galbois par le général Négrier. Le général Randon, qui ne partageait pas cet avis, exprimait ainsi son opinion :
        " Je ne crois pas qu'il faille, sans de mûres réflexions, entreprendre une excursion dans la montagne, non pas que je pense qu'il pût en résulter rien de fâcheux pour nos armes, mais parce qu'il y a encore trop d'excitation clans les esprits, trop de gens compromis pour amener les résultats énergiques qu'il faudrait en attendre. (Documents inédits.)"

        Si le général Randon était résolu à châtier sévèrement les indigènes qui ne se soumettaient pas à notre autorité, il n'était pas disposé à laisser détruire les effets de sa politique ferme et juste par des vexations arbitraires et inutiles qui n'avaient d'autre résultat que d'éloigner les Arabes de nos marchés.
        A la suite d'amendes et d'emprisonnements peu justifiés, il écrivait au sous-directeur de l'intérieur à Bône : " Je n'ai pas besoin de m'appesantir davantage sur les graves inconvénients qui résulteraient de la tolérance d'actes arbitraires commis par des agents de l'autorité dans quelque classe et à quelque hiérarchie du pouvoir qu'ils se trouvent placés. Je ne doute pas que vous ne preniez les mesures les plus énergiques pour les faire cesser."

        Tout en prenant des dispositions pour arriver à la complète pacification de la province de Bône, le général consacrait son temps à l'administration, d'un pays auquel il s'attachait de plus en plus : "J'apprécie tout ce que cette province renferme de prospérité pour l'avenir et je consacrerai volontiers tous mes efforts pour la développer. Je regarde la province de Constantine et de Bône comme devant sauver la question d'occupation ".
        Malheureusement son bon sens eut souvent à lutter contre des mesures parfois prématurées et souvent injustes. C'est ainsi que les expropriations ayant été décidées par le sous-directeur pour cause d'utilité publique, les démolitions laissaient journellement des familles entières sans abri. En vain, le général s'opposait à une mesure aussi impolitique ; il fallut recourir à l'intervention du gouverneur général et les expropriations n'eurent plus lieu qu'en présence d'une nécessité absolue.

        Comme nous venons de le voir, le général Randon eût préféré ne devoir la pacification du pays qu'à la conciliation, mais bien que plusieurs cheiks fussent venus implorer l'aman, les tribus les plus éloignées n'en conservaient pas moins une attitude hostile qu'entretenait Si Zerdoude. Ce dernier avait choisi comme refuge la tribu des Beni-Mahammed et, de là, rayonnait sur tout le massif. Il fallait en finir et punir enfin les auteurs de l'attentat du mois de juin, resté sans vengeance.
        Le général, à la tête des troupes disponibles, s'enfonça dans l'Edough et vint surprendre, par une marche rapide, les Beni-Mahammed en pleine fête de Ramadan. Ils furent complètement dépouillés ; mais Si Zerdoude avait eu le temps de s'enfuir. Quelques jours après, les Beni-Mahammed venaient faire leur soumission et, comme le marché qui se tenait sur leur territoire n'était qu'un foyer de troubles, il fut décidé qu'il aurait lieu sur le territoire des Khoualed. La fin de 1841 fut marquée par de nombreuses soumissions, outre les Beni-Mahammed, les Sanhaudjade l'Edough, les Beni-Guecha, les Oulad-Abd-Allah, les Ouled-Mihoub, fraction des Beni-Salah, etc., envoyèrent leurs cheiks faire amende honorable.

        De nombreux travaux d'amélioration ou d'embellissement étaient en projet. Nous allons voir que le général Randon n'était pas homme à en laisser traîner l'exécution. Reprenant l'oeuvre du général d'Uzer, il mettait les soldats à la disposition de la colonisation.
        Les corps créaient des jardins et des pépinières sur une surface de dix hectares autour dès établissements militaires.
        A Bône même on ne restait pas inactif. Un hôtel s'élevait sous la direction du génie pour le commandant de la subdivision. Un caravansérail, sorte de marché couvert destiné aux Arabes, était construit sur les ruines de l'ancien.
        Enfin, le gouverneur général, longuement sollicité par le général Randon, venait d'accorder l'autorisation d'ouvrir une route dans l'Edough. Les travaux, à la grande joie de tous, civils et militaire, commencèrent le 17 janvier 1842, sous la direction du capitaine du génie Guilmot et se continuèrent jusqu'au 18 avril, jour où les travailleurs arrivèrent sur le plateau du Bou-Zizi. Elle fut complètement terminée le 14 mai

        Les troupes, en moins de trois mois, avaient achevé la route et l'avaient conduite au coeur des montagnes et des forêts, à quatre myriamètres de Bône; les obstacles de la nature étaient vaincus.
        L'Arabe de ces contrées vint au devant du général, non comme un ennemi, mais pressentant que toute la force de sa position était désormais anéantie, il ne cédait plus alors devant une armée destructive animée du sentiment de la guerre, mais devant une oeuvre prodigieuse, miraculeusement établie. (La Seybouse.)
        Le général dut quitter Bône pour marcher contre les Oulad-Dhan, qui avaient refusé de payer l'impôt. Dans une charge qu'il dirigeait lui-même, il tua un Arabe de sa propre main.
        La remise des forêts de l'Edough à l'administration forestière eut lieu le 3 juillet. A cette occasion, le général Randon s'était rendu dans l'Edough avec M. Renou, sous-inspecteur des forêts. Le retour fut marqué par un incident tragique. Le cheval de M. Renou s'étant emporté précipita son cavalier dans un ravin où il se brisa le crâne.

        Au mois de septembre 1844, Bône avait fait d'énormes progrès dans la voie de la colonisation et surtout de son propre développement. La ville offrait alors des rues larges et carrossables, d'élégantes et solides constructions s'y élevaient de toute part. Déjà on songeait à son agrandissement et le projet de la nouvelle enceinte fut dressé. La culture du tabac avait pris une certaine extension, l'industrie séricicole implantée dans le pays par M. Moreau semblait devoir prospérer.
        Des plantations de coton étaient encouragées par l'administration. Enfin des études étaient faites en vue d'exploiter les nombreuses mines de fer qui se trouvaient à proximité de Bône. Ces études avaient été faites par MM. l'ingénieur Tourne et Elie de Mongolfier.
        Une société d'agriculture avait été fondée.

        En rentrant de son expédition du mois d'avril, le général Randon était passé chez les Beni-Salah et avait exigé, comme gage de fidélité, que les cheiks fissent tous leurs efforts pour s'emparer des assassins du capitaine Saget. Le 25 août, la tête d'un des principaux coupables, Mohamed ben Gouem, était exposée sur le marché de Bône et un crieur, placé au pied du poteau qui la soutenait criait d'heure en heure : " La tête qui est sur le poteau est celle de Mohamed ben Gouem, l'un des assassins du capitaine Saget et du caïd Mahmoud. La justice de Dieu est accomplie; ses frères eux-mêmes en ont été les instruments. "

        Le 28 septembre, le duc d'Aumale, commandant supérieur de la province, faisait son entrée à Bône.
        Le lendemain, après avoir reçu les autorités et la société d'agriculture, dont il accepta le patronage, il se rendit sur la place d'Armes où il devait poser la première pierre de la fontaine qui en occupe actuellement le centre. M. de Santeuil, sous-directeur de l'intérieur, reçut le prince et lui adressa un discours qu'il est bon de reproduire, car il est l'expression des vœux de la population et le résumé des efforts tentés jusqu'à ce jour, en vue de la prospérité de Bône :
        "Monseigneur,
        " Le modeste monument dont votre Altesse royale daigne aujourd'hui poser la première pierre est le premier qui soit élevé dans la ville de Bône. Jusqu'à ce jour, l'administration des ponts et chaussées, seule chargée de toutes les constructions civiles, s'était appliquée à satisfaire les besoins d'une nécessité plus immédiate encore. Ainsi, les travaux d'assainissement de la plaine, commencés par le génie militaire, ont été continués, des canaux souterrains ont été établis pour l'écoulement des eaux, de nombreuses plantations ont été faites ; enfin, en ce moment, on pose des conduits qui, partant d'un réservoir commun situé sur un point élevé, distribueront l'eau dans toutes les parties de la ville et la feront jaillir au milieu de cette place. C'est le château d'eau actuel situé dans la rue d'Armandy, près de l'hôtel des ponts et chaussées

        " Malgré tout ce qui a été fait, il reste encore à exécuter bien des travaux indispensables dans cette ville où tout était à faire. Bône aspire à reculer ses murailles ; son enceinte actuelle est trop étroite pour sa population ; nous n'avons point d'église, et presque tous les services administratifs occupent des logements incommodes au prix d'un cher loyer.
        " La population qui nous entoure, en voyant le fils du roi s'arrêter et venir au milieu des ouvriers qui doivent la terminer, poser la première pierre de cette fontaine, a déjà, Dans sa pensée, décoré de votre nom ce simple monument qui rappellera à jamais aux habitants de Bône les heureuses journées où ils auront pu prouver à votre Altesse royale leur dévouement et leur respect. "

        Le 21, le duc d'Aumale se rendit à l'Edough et déjeuna près de la source qui porta, depuis, le nom de Fontaine des Princes.
        Quelque temps après, le général Bedeau le remplaçait dans le commandement de la province.

        Vers la fin de 1842, le bruit du changement du général ayant couru, un Bônois adressa au journal la Phalange, le 30 octobre 1842, l'article suivant :
        " Depuis six ans que je réside ici, nous avons eu quatre généraux et deux intérimaires. Comment se fait-il que les manifestations de regrets qui éclatent de toute part n'aient pas eu lieu au départ des cinq prédécesseurs de M. Randon ? Pourquoi, demandons-nous avec tant d'instance de le conserver pour commandant de notre province ? Vous le comprendrez aisément quand vous saurez ce que M. Randon a fait en Algérie, " Lorsqu'il n'était encore que colonel du 2e chasseurs d'Afrique, M. Randon avait su faire prospérer la ferme de son régiment, et porter au plus haut degré l'ardeur de ses hommes pour les travaux agricoles. Il les avait associés dans les résultats, et, pour soutenir leur zèle, il était toujours au milieu d'eux, surveillant leurs travaux et les encourageant par des paroles, amicales, affectueuses.

        L'exemple du chef étant imité par les autres officiers, le ton fut bientôt, à l'ardeur pour le travail, à la bienveillance pour les travailleurs. " Nommé maréchal de camp et appelé au commandement de la subdivision de Bône, M. Randon s'appliqua d'abord à choisir parmi les terres domaniales celle qui pouvait convenir le mieux à de grandes cultures. L'Allélik, située à six kilomètres environ de Bône, fut choisie.
        " Des charrues, des herses furent confectionnées comme par enchantement, et, en moins de deux mois, nos soldats devinrent des laboureurs, sans cesser pour cela de remplir leurs devoirs militaires.
        " Une partie de l'Allélik était couverte de broussailles ; ces broussailles furent enlevées : on en fit des fagots que l'administration acheta pour chauffer ses fours, ce qui lui permit de faire une économie des deux tiers sur la dépense du bois. Cette première opération augmenta la valeur du terrain et assura une récolte, en fourrage, plus abondante et plus facile à enlever.

        Les soldats étaient heureux de leur situation : d'un côté, ils retiraient de leur travail un bénéfice, une haute paye ; de l'autre, ils se conciliaient l'affection de leur chef, qui se faisait un plaisir et un devoir de leur manifester hautement sa satisfaction.
        "L'activité du général Randon ne s'en tint pas là. Il n'avait pas tardé à reconnaître que nos montagnes de l'Edough renfermaient un trésor. Il résolut de l'y aller chercher. Une reconnaissance fut faite avec soin ; un tracé de route fut ensuite arrêté, et, toutes les mesures étant prises pour assurer le succès de l'entreprise, un beau matin l'on vit partir, musique et colonel en tête, mille hommes de toutes armes s'élançant à la conquête... d'une forêt, d'une forêt qui, jusqu'alors, avait été inaccessible, même aux piétons.
        C'était comme un jour de grande fête : l'entrain était général, le chef avait communiqué son ardeur à tous ses hommes.

        " Plusieurs ateliers ou champs de manoeuvre furent formés, des groupes furent opposés à d'autres groupes, et, la rivalité ainsi établie, les travaux les plus gigantesques ne parurent plus qu'un jeu à nos soldats, excités par les liens affectueux qui les unissaient à leurs officiers et à leur digne général. Vous ne sauriez vous faire une idée des heureux effets de cet accord, malheureusement si rare dans les armées, du soldat avec tous ses chefs ; c'était vraiment merveilleux.
        " L'élan était donné, le ton, comme je vous l'ai dit, était au travail, à l'ardeur et aux rapports affectueux.
        " L'impulsion venait du sommet de la hiérarchie ; chacun était à son poste, rivalisant de zèle et d'adresse, la pioche et la barre à mine résonnaient de tous côtés, et les Kabyles étaient saisis de frayeur et d'admiration en nous voyant ouvrir à notre artillerie un passage dans leurs rochers, qu'ils avaient cru inaccessibles.

        " En moins de 60 jours, 19,000 mètres de route ont été achevés sur les flancs et jusque sur le sommet de la montagne. Grâce à ces travaux, une forêt qui couvre une superficie de plus de 40 kilomètres pourra désormais fournir des bois de construction en abondance. Un chêne apporté à Bône par la première prolonge n'a pas moins de 90 centimètres d'équarrissage ; on peut le voir encore à l'atelier du génie, où il est exposé aux regards des curieux. Ces 19,000 mètres de route n'ont occasionné qu'une dépense de 10,000 francs.
        " Maintenant que le général Randon a montré ce qu'on pouvait accomplir, espérons que le gouvernement lui-même recommandera à tous ses délégués l'exemple donné par ce général. Ce qu'il vient de faire en quatorze mois et avec un effectif moindre que celui dont ses prédécesseurs disposaient, de 1837 à 1840, ne devrait-il pas ouvrir les yeux aux plus aveugles ?

        "Si on nous donnait, 4,000 hommes, si on en mettait 2,600 à Guelma, et si on nous laissait le général Randon, d'ici à un an nous aurions trois routes importantes : celle de La Calle, celle d'El-Arrouch, celle de Guelma, et de plus nous aurions des terres cultivées qui suffiraient à la nourriture de notre effectif.
        " En signe de reconnaissance pour les services que le général Randon nous a rendus, nous avons donné son nom à la route de l'Edough ; et si, malgré le vœu unanime de la population de Bône, notre brave commandant nous est enlevé, nos souvenirs et nos regrets suivront partout l'homme habile à qui nous devons tant. "
        Tout commentaire est inutile après un pareil éloge.

        Le premier centre de colonisation des environs de Bône fut créé à Bou-Zaroura. On lui alloua 800 hectares calculés sur la présence de 52 feux, et on lui donna le nom du premier général qui avait commandé la la province : Duzerville (Que les Arabes appellent Gahmoussia).
        Le périmètre du tribunal de Bône, dont le personnel venait d'être renouvelé en entier, (Président, M. Gazan de la Peyrières ; procureur, M. Pinson de Ménerville.) fut déterminé par ordonnance royale du 12 février 1845. Quelques jours après, le ministre de la guerre déterminait le périmètre de culture autour de Bône.
        Une question qui passionna Bône à cette époque fut celle de l'exploitation des gisements métalliques du Bou-Hamra et du Belieta. Le bruit ayant couru que la concession des mines allait être faite, les habitants de Bône adressèrent une pétition au ministre pour qu'il leur fût réservé, dans l'acte de concession, un certain nombre d'actions. En quelques jours, les listes d'adhésion s'élevaient à 35.000 francs. On craignait surtout que le traitement du minerai ne se fit pas sur place, mais l'arrivée de M. de Bassano, un des trois concessionnaires, vint calmer les appréhensions.

        Depuis 1836, Bel Kassem ben Yacoub, le farouche partisan d'Ahmed, était devenu un de nos meilleurs caïds ; malheureusement pour lui, dans un accès de jalousie, il tua, au mois de novembre 1845, une de ses femmes. Il fut destitué et remplacé par le maure Mohamed Karési, qui s'était fait remarquer par son aptitude à adopter nos usages. Ce fut le premier indigène qui créa une ferme absolument française, où Arabes et Européens étaient employés. La croix de la Légion d'honneur était déjà venue récompenser les services rendus à la colonisation par cet indigène intelligent.
        De tous côtés on rivalisait de zèle pour exploiter les riches terres qui entourent Bône; mais les bras manquaient et la main-d'oeuvre, très élevée, paralysait le bon vouloir de bien des propriétaires. En présence de cette situation, le ministre de la guerre décida que des dépôts d'ouvriers seraient créés à Bône, Philippeville et Oran. Ces dépôts étaient une garantie pour l'ouvrier désireux de travailler en Algérie.

        L'année 1843 ne fut marquée que par les négociations entamées entre le gouvernement français d'une part, représenté par le général Randon, et le gouvernement tunisien. A cet effet, un camp de 3.000 hommes fut installé sur la frontière tunisienne et y séjourna pendant les mois d'octobre, novembre et décembre.
        Le général Randon s'y rendit lui-même et y séjourna pendant deux mois.
        En avril 1844, il visita avec 2.500 hommes le sud-est de la province pour fixer nos frontières encore indécises.
        Le tracé fut exécuté de Tébessa à Djebel-Frima, sur la Medjerda, ce qui diminua, sans les supprimer, les causes de conflits continuels (Mémoires du maréchal Randon).
        La mort de Si Zerdoude avait également mis fin aux velléités de révolte de montagnards de l'Edough.

        L'arrêté du 28 juillet 1838 avait déterminé les limites du territoire civil et communal de Bône; le 12 février 1845 un autre arrêté fixait l'étendue et les limites de l'arrondissement administratif. Déjà, à ce moment, en présence du mouvement des navires dans la rade, mouvement que l'exploitation des mines de fer concédées au Bou-Hamra à M. de Bassano et à Aïn-Mokra à M. Talabot ne pouvait qu'accroître, il fut question de la création d'un port.

        Le premier plan de Bône, dressé par M. Dupin, inspecteur de la voirie, fut exposé au mois de juin dans une salle de la mairie. Il contenait, outre la ville déjà existante, le projet de la nouvelle cité qu'on se proposait de bâtir.
        Au printemps de 1846, la subdivision de Bône jouissait d'une paix profonde.
        Guelma prenait une extension considérable, grâce à la route qui reliait ce centre important à Bône et qui avait été mise en fort bon état.
        Le cercle de La Calle était dans d'excellentes conditions. : de grandes concessions forestières avaient été faites à des hommes considérables, qui y avaient établi des exploitations de liège.
        La tranquillité était bien un peu troublée sur la frontière, mais l'administration y avait l'oeil et les désordres qui s'y produisaient n'arrivaient jamais à compromettre les intérêts européens; c'étaient des discussions se terminant par quelques coups de fusil échangés entre nos tribus et celles de la régence de Tunis.

        Même prospérité dans le cercle de l'Edough. Le général avait pénétré jusqu'au centre des forêts en y pratiquant des routes qui contournaient les pentes les plus abruptes de la montagne et assuraient l'exploitation forestière.
        A quelques lieues de Bône et aussi tout près de la ville, la Compagnie Talabot exploitait les riches minerais de Mokta-el-Hadid et les hauts fourneaux qu'elle avait construits pour la fabrication de la fonte sur la Seybouse. Les Beni-Salah, toujours si turbulents, ne donnaient, lieu à aucune inquiétude.
        Au centre même de la province, à Souk-Ahras, les Hanenchas, autrefois si agités, fréquentaient assidûment les marchés de Bône, et le neveu du vieux Resgui, Mohamed Salah, gouvernait la tribu, aidé de l'influence de son oncle sans donner prise à la moindre réclamation.

        Le compétiteur de Resgui, El Hassnaoui, n'avait plus un partisan dans le pays. Le sud de la province, entre la Medjerda et Tébessa, témoignait par le payement régulier des impôts de ses bonnes dispositions.
        Les Nemenchas, grande tribu du sud, échappaient cependant un peu à notre surveillance.
        Un point noir s'éleva à l'horizon.
        Le général fut informé qu'un chérif, sorti des montagnes de la Tunisie, venait clandestinement prêcher l'insurrection dans nos tribus et exciter les Nemenchas insoumis à la guerre sainte. Rien, du reste, ne dénotait par des signes extérieurs une agitation grave des esprits. Cependant le général Randon jugea prudent de montrer aux incertains les baïonnettes françaises. C'est le moyen presque toujours efficace de raffermir les bons et de faire trembler les méchants.
        Il se mit donc à la tête de ses troupes, 31e de ligne, légion étrangère, 5° hussards, spahis. Il parcourut les tribus en se rapprochant lentement du point qu'on pouvait considérer comme le foyer d'intrigue, c'est-à-dire Tébessa, ville située à la limite de nos tribus soumises.

        Nous allons voir quel drame ensanglanta cette marche. Laissons la parole au général Randon :
        " Jusque là tout allait bien ; la colonne n'avait point été inquiétée, et la grande tribu des Oulad-Yaya-ben-Thaleb, caïd en tête, vint se ranger sur le passage du général, poussant de joyeux cris et apportant à nos soldats une copieuse diffa d'orge et de couscoussou.
        Charmé de cet accueil, le général établit son bivouac sous les murs de Tébessa, d'où il comptait partir pour entrer sur le territoire des Nemenchas. Il savait que le chérif était chez eux et espérait le surprendre par une marche rapide qui, en le coupant de la frontière, l'eût rejeté dans la subdivision de Batna où l'on était sur ses gardes. Or, le pays des Nemenchas passait alors pour très difficile à parcourir : on le disait privé de bois et d'eau ; on ne pouvait donc le traverser qu'avec des troupes alertes. Le général, afin d'alléger sa colonne, renvoya à Bône ses malades, ses écloppés et quelques officiers et soldats qui, ce ayant fini leur temps ", demandaient à rentrer en France. Ils étaient au nombre de cent et quelques ; un jeune sous-aide était chargé de donner, en route, ses soins aux malades. Quelques spahis parurent suffisants pour escorter le convoi en pays ami ; d'ailleurs, le caïd des Oulad-Yaya-ben-Thaleb devait le conduire lui-même jusqu'aux limites de sa tribu, puis le confier au caïd de la tribu suivante, et ainsi de suite jusqu'à Guelma.

        Tous se quittèrent pleins de confiance, ceux qui partaient comme ceux qui restaient.
        " Le lendemain matin, au petit jour, un homme entièrement nu se jetait dans une grand'garde de la légion, couvert de sang, prononçant des paroles inintelligibles dans lesquelles revenaient souvent les mots :
        "Spahis... morto!... morto!... " Conduit à la tente du général, il fut reconnu pour un des spahis de l'escorte du convoi dirigé la veille sur Bône. D'après son dire, ils avaient été inopinément attaqués pendant une halte chez les Oulad-Yaya et massacrés. Lui seul, pensait-il, avait échappé au carnage et à une poursuite acharnée, en jetant derrière lui burnous, turban, zaroual, et en se glissant dans les broussailles, malgré de nombreuses blessures. Quelques instant après, le caïd des Oulad-Yaya-ben-Thaleb, Si Mohamed Tahar, se précipitait aux genoux du général, et, d'une voix brisée par les sanglots, répétait sans cesse qu'il avait été trahi par les siens, qu'il ne voulait pas être le complice d'un pareil attentat, et que, ne pouvant le racheter que par son sang, il apportait sa tête.

        " Le général ne perdit pas le temps en récriminations vaines ; il obtint sans peine du caïd qu'il dirigerait lui-même l'expédition contre sa tribu, et, levant son camp, il lança sa cavalerie pour atteindre au plus vite le théâtre de cet affreux attentat.
        " Peut-être serait-il possible de sauver quelques blessés et de reprendre quelques prisonniers ? Mais, arrivé sur le lieu du massacre, plus d'espoir! Du nombreux campement des Oulad-Yaya, il ne restait plus trace : un hideux charnier, que se disputaient déjà les chacals et les vautours lui avait succédé. Il était facile de reconstruire par l'imagination les péripéties de cet horrible drame. Ici. des cadavres étaient amoncelés, c'étaient ceux des malades surpris sans défense.
        Ailleurs, la terre piétinée attestait les efforts de quelques combattants armés. Partout du sang, des débris ; au loin quelques corps isolés, ceux d'hommes qui avaient succombé après avoir essayé de fuir. Le récit du spahis survivant était confirmé : il ne restait plus qu'à tirer vengeance de cette odieuse, trahison. "

        Une reconnaissance de cavalerie apprit que toute la tribu des Oulad-Yaya-ben-Thaleb, fuyant dans l'est, se concentrait sur une forte position nommée El-Gola ou Rassata. C'était un plateau calcaire en forme de table, à bords escarpés, comme il s'en rencontre dans le pays du Kef. Dès le lendemain on était prêt à l'assaut ; quelques rampes abruptes y donnant accès en certaines places, les spahis, suivis de la légion, les gravirent les premiers. Pour de la cavalerie, arriver là c'était un véritable tour de force ou plutôt d'adresse ; elle y monta cependant au milieu d'une forte fusillade ; les fantassins suivirent et, en un instant, la multitude des Oulad-Yaya était mise à sac ou fuyait en se précipitant du haut des rochers sur le revers boisé de la position. Les traîtres étaient châtiés ; restait à en finir avec les contingents de Tunis et des Nemenchas. Le général demanda des renforts au commandant supérieur de la province de Constantine qui lui envoya le 2° de ligne, des chasseurs à cheval, des spahis et un peu d'artillerie. La jonction eut lieu sous M'daourouch, ancienne Madoura. Le général ramena alors sa colonne dans l'est, ou le chérif groupait de nombreux contingents.

        Sur notre passage le pays était abandonné ; plus un douar, plus un voyageur. A mesure cependant que nous approchions de la frontière, certains symptômes nous avertissaient que nous ne passions pas inaperçus ; la nuit, nos grand'gardes recevaient des coups de feu.
        Enfin, nous nous couchâmes à un joli bivouac, où nous étions entourés d'excellents postes pour nos grand'gardes sur trois faces, la quatrième ayant vue sur une longue plaine en éventail. Le troisième jour, en plein midi, des signes singuliers se manifestèrent.
        Suivant la crête d'une colline, une nombreuse troupe de Kabyles se glissait du côté de nos grand'gardes et, à l'horizon, dans la plaine, un nuage de poussière révélait, l'arrivée d'un corps de cavalerie.
        A l'instant les ordres sont donnés, six cents chevaux s'élancent dans la plaine, l'infanterie se forme en colonne d'attaque pour appuyer les escadrons et dégager les postes extérieurs. Ceux-ci ne furent même pas attaqués; les Kabyles, du haut des crêtes, se voyant surpris au moment où ils croyaient surprendre, franchirent rapidement l'arête de la montagne et disparurent. Mais il ne put en être de même pour leur cavalerie. Elle reçut en plein poitrail le choc des spahis, des chasseurs d'Afrique et des hussards. Toute la tête de colonne se trouva rejetée sur la gauche de nos escadrons qui rabattit les insurgés sur notre infanterie et les sabra jusque sous les baïonnettes.
        A peine nos fantassins osaient-ils faire feu, de peur de tuer nos cavaliers pêle-mêle avec leurs adversaires, Gérard, le tueur de lions, alors maréchal des logis aux spahis de Bône, tua plusieurs cavaliers tunisiens comme dans le combat des Horaces et des Curiaces.

        Deux cavaliers, entre autres, fuyaient devant lui : il atteint le premier et lui passe son sabre au travers du corps. Par un bond de son cheval, il rejoint le second qui, penché sur sa selle, le tenait au bout de son fusil.
        L'Arabe fait feu, manque son coup et tombe sous le sabre de Gérard. La suite de ce combat fut une poursuite acharnée de sept lieues. La nuit et la fatigue des chevaux y mirent un terme forcé. Toute cette cavalerie ne s'arrêta qu'après avoir constaté qu'elle était depuis longtemps déjà sur le pays de Tunis. Combien périt-il d'insurgés ? Nul ne le sut. Après deux jours de marche, nos flanqueurs trouvaient encore dans les broussailles, de distance en distance, des cadavres gonflés par le soleil et déjà décomposés. Les survivants avaient disparu et l'on n'en entendit plus parler. Le général essaya bien encore de les amorcer, en promenant sa colonne le long de la frontière; il fallut retourner pacifiquement sous les murs de Tébessa.

        Les Nemenchas demandèrent leur soumission et la colonne expéditionnaire, dans les journées des 16 et 17 juillet, rentra à Bône, où elle fut reçue aux acclamations enthousiastes de la population. Le général put reprendre ses projets de colonisation, car il aimait profondément ce pays et cette ville naissante que dans la famille on appelait sa fille aînée et dont Bugeaud disait : " Laissons faire Randon dans son pachalik de Bône. "
        Malheureusement pour la province, le général allait bientôt recevoir la récompense de ses hautes capacités et quitter ce pays qui lui devait une partie de sa prospérité. Le 7 juillet vit la population entière à l'embarcadère pour assister au départ de celui qu'elle avait appris à connaître et aimer. Ce fut une manifestation touchante et plus d'une larme brilla dans les yeux de ceux qui étaient venus saluer le général, dont l'émotion avait peine à ne pas éclater.
A SUIVRE
        


EPHEMERIDES
Par M. Bernard Donville
   
            Chers lecteurs de " Alger il y a 60 ans"

            Je me suis dis qu'avec le confinement vous vous embêtiez et qu'il serait bon de profiter de vos temps libres pour vous instructionner...
            Vous y trouverez les noms de Alger républicain, d'Eugène Deshayes,de Mers el Kebir,de Torch, de Lelluch, de "la soif des hommes", de Zaaf,...Si ça ne vous dit rien cela va vous instruire.
            Voici les derniers chapitres de notre évolution dans les éphémérides de l'Algérie Francaise. J'espère que vous les avez appréciées.
            Bonnes lectures et amitiés
            Amitiés, Bernard

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Ephémérides-1922-1935

Ephémérides-1936-1950

Ephémérides-1951-1962


A SUIVRE



Assi-Bou-NIf
Par M. Régis Guillem

        
         Il est 15 heures, ce jeudi 25 mat 1944 lorsque je vois le jour.
         Assi-Bou-Nif, " le puits du père des nez ", tel est le nom du village dans lequel je ne resterai que quelques semaines avant d'aller sous d'autres cieux; mais j'y resterais viscéralement attaché.
         Quel beau mois que ce mois de mai dans notre belle Algérie ; tout est en fleurs, des odeurs par centaines se mélangent et dégagent des parfums indescriptibles, le ciel, d'un bleu pur, sans nuage, se reflète sur cette mer Méditerranée si prisée de nous tous.
         Labourage et pâturage étant les deux mamelles d'Assi-Bou-Nif, jamais désignation ne parut mieux choisie. Le gouvernement la laissa entrevoir, puis la retira et Assi-Bou-Nif resta Assi-Bou-Nif, " le puits du père des nez " disent nos arabisants, à tort ou à raison je ne sais.
         Celui-ci est né modestement, humblement ; certains villages ont grandi à la mode américaine ; Assi-Bou-Nif est resté un tout petit village.

         Le village est situé à une quinzaine de kilomètres d'Oran sur la route qui mène à Mostaganem en passant par I'incontournable Arzew et ses immenses plages de sable fin.
         Le plan du village n'est pas très compliqué, c'est un parallélogramme rectangle.
         Des six rues, trois sont parallèles et perpendiculaires aux trois autres, Autrefois un fossé entourait Assi-Bou-Nif il en reste quelques traces.
         Dès que nous pénétrons à travers la rue principale bordée de poivriers, nous ne ressentons aucune impression particulière. Tour respire l'aisance et la propreté. Les maisons sont basses, une dizaine seulement possède un étage, les rues sont larges, propres, tout comme du reste, les autres villages d'Algérie.

         Cette nouvelle colonie n'existait encore qu'à l'état embryonnaire lorsque le premier contingent de colons y arriva, le 28 décembre 1848.
         C'est donc ce village qui m'a vu naître, c'est encore et toujours dans ce village - havre de bonheur et de paix - que je passais toutes mes vacances scolaires, c'est enfin dans ce village que je connus les premiers frissons et émois des amours juvéniles.
         Maman naquît également à Assi-Bou-Nif ; mes aïeux maternels qui y vivaient aussi étaient originaires de Nijar, bourgade du Sud de l'Espagne dans la Province d'Almeria. La misère, la rudesse de cette région leur fit quitter l'Espagne en 1875 pour l'eldorado de l'Algérie.
         Comme tous les immigrés Espagnols, ils débarquèrent à Oran, puis se retrouvèrent à Assi-Bou-Nif toute nouvelle colonie en manque de main-d'œuvre.
         Ils auraient pu reposer en toute quiétude dans le petit cimetière d'Assi-Bou-Nif où ils furent enterrés.

         Hélas la barbarie fit son oeuvre. En effet, à la proclamation de l'indépendance en 1962, il fut entièrement saccagé par les populations de barbares qui n'ayant pu se venger sur les vivants, s'en prenaient une fois n'est pas coutume, à des morts. Les cercueils furent brisés, les ossements éparpillés ou donnés aux chiens.
         En 1996, de tout le cimetière d'Assi-Bou-Nif, il ne restait plus que quelques tombes qui avaient échappé au vandalisme : Familles Gaillard, Manot, Belmonte, Limas, Arnaud, Abbé Rochais.

         La Sénia, d'où est native ma grand-mère, devint l'aéroport international d'Oran et fut le témoin, en juillet 1962, de l'exode de notre peuple. Grand-mère maternelle qui décéda également à Assi-Bou-Nif, le 18 mars 1939.
         Mes aïeux paternels, eux aussi, étaient d'originaires d'Espagne, de la province de Valence ; ils étaient déjà à Oran avant que la France ne s'y installe.
         Toute la famille Guillem se retrouva, pour des raisons inconnues, à Saint-Cloud, pratiquement à la création de ce village. Ils achetèrent la ferme d'un Parisien qui ne supportant pas le climat, repartit pour la France.
         Les frères (ils devaient être trois) se séparèrent pour un conflit vraisemblablement dû à l'acquisition de cette ferme.
         Un seul resta à Saint-Cloud, mon grand-père y naquit, Papa également.
         La commune de Saint-Cloud fut, dès la conquête française, occupée à plus de 80% par une colonie allemande arrivée là on ne sait comment ; elle se situait à une trentaine de kilomètres d'Oran et toute proche D'Assi-Bou-Nif.

         Papa ne profita pas, hélas, de sa retraite.
         Comme une majorité d'employés des CFÂ (Chemins de fer algériens), il avait été contraint de rester en Algérie pour assurer la formation des nouveaux maîtres.
         De ce séjour imposé, la seule récompense qu'il eut fut plusieurs tentatives d'assassinats ; c'est ainsi que les nouveaux maîtres démontraient leur gratitude envers ceux qui restaient pour assurer leur formation.
         Ce n'est qu'à la troisième tentative à laquelle fort heureusement il échappa que la SNCF se décida à le rapatrier sur le sol métropolitain.
         Tous ces événements affaiblirent sa santé et furent la cause de sa mort le 21 décembre 1969, il était alors âgé de... 54 ans.
         J'avais achevé mon engagement à la Légion étrangère et étais en permission libérable, mon contrat s'achevant le 13 janvier 1970.

         C'est à Assi-Bou-Nif où il était en cantonnement avec son régiment, le 65ème régiment d'artillerie d'Afrique que papa fit la connaissance de maman en 1939. La guerre les sépara, papa partit au front en septembre 1939, il ne revint que fin 1942.
         Il repart pour l'Italie le 26 novembre 1943. Il fera la campagne de France, d'Allemagne et sera de retour en 1945.

         Ce sera d'Assi-Bou-Nif et de la ferme dans laquelle mon oncle Camille, frère de maman, travaillait en tant que commis, que je garde les meilleurs souvenirs.
         C'est bien là en effet et nulle part ailleurs que j'ai passé mes plus belles vacances d'adolescent ; je devrais dire que nous avons passé nos meilleurs moments car mes parents, mes sœurs appréciaient tout autant que moi-même de nous retrouver en famille en ce lieu que je considère toujours comme paradisiaque.
         C'est toujours avec beaucoup de fébrilité que j'attendais les vacances scolaires ; tout aussi bien celles de pâques que les grandes vacances d'été.
         Les départs en vacances étaient toujours de véritables expéditions, ne serait-ce que par les trajets en train et en car.

         Nous quittions Ain-Séfra par le premier train du matin en partance pour Oran. En fait il n'y avait qu'un seul train de voyageurs par jour ; la distance qui nous séparait d'Oran était d'environ 500 kilomètres, le temps que nous mettions pour v parvenir oscillait entre 12 et 15 heures.
         Nous avions, tout au long de ce parcours, le loisir d'apprécier la beauté majestueuse du paysage qui passait indifféremment des étendues de sable au territoire parsemé d'alfa, puis les chotts asséchés dont la couleur d'un blanc éclatant brûlait les yeux ; en atteignant Saïda, c'était le djebel qui faisait un peu froid dans le dos tant il paraissait sauvage, hostile.
         Enfin nous traversions les immensités de jardins d'orangers, mandariniers, pruniers, citronniers et les magnifiques oliveraies alignées avec un style parfait.

         Le voyage se passait plutôt bien ; maman prenait toujours le soin d'emporter une ou deux couvertures qu'elle étirait à même le sol, sous, les banquettes de bois ; c'est ainsi, allongés sur ces couvertures, que nous passions notre voyage soit à dormir, soit à admirer les jambes des autres passagers.
         Enfin nous arrivions à Oran ; le plus long du voyage était fait, nous n'avions plus qu'à marcher environ 200 mètres pour être à la station du car qui nous mènerait à Assi-Bou-Nif. Ma mère, chargée comme un mulet se frayait un passage parmi les nombreux passagers qui étaient déjà là, à croire qu'ils attendaient depuis 24 heures ; en jouant des coudes, mes sœurs et moi n'étions pas en reste pour forcer le passage.

         Le car de la compagnie Angelotti avait une allure qui rivalisait avec celle du train. Pour faire la quinzaine de kilomètres qui séparaient Assi-Bou-Nif d'Oran, il lui fallait pratiquement trois quarts d'heure.
         Après s'être engagé sur la rue de Mostaganem et rejoint l'avenue de Saint-Eugène, nous arrivions sur la route nationale n° 11 " Oran-Mostaganem " en direction d'Arzew cette station balnéaire prisée de tous les oraniens, que nous devions emprunter pour parvenir au village.

         Après avoir dépassé le quatorzième kilomètre, à un tournant brusque, apparaissait tout près la flèche grise et inattendue d'un clocher qui se dressait majestueusement à travers le fouillis d'arbres qui remplissent le fond d'un vallon resserré ; on commence à distinguer quelques maisons.
         Le car semble rendre hommage au clocher car il ralentit et donne l'impression qu'il va s'arrêter. Encore quelques mètres, et le voile d'oliviers, grenadiers, pisas et poivriers se déchire et le village se montre.

         Le village est bâti au pied d'une colline de 104 m d'altitude qu'escaladent jusqu'au sommet les gourbis arabes. Une vieille tour flanquée d'une vieille bâtisse domine l'ensemble. Tour et bâtisse sont les restes d'un moulin à vent mort né ; jamais la vieille tour, moins heureuse que sa compagne de Fleurus, n'a vu tourner ses grandes ailes ; pour elle comme pour les bateaux, la vapeur a détrôné les zéphyrs.

         Une grande ligne droite bordée de platanes nous indique l'arrivée au village. Nous y voici ; à partir de cet instant il nous faut nous frayer tant bien que mal un passage pour accéder à la porte de sortie du car qui se trouvait à l'avant.
         Je me sens fébrile à l'approche de notre dernière étape : le monument aux morts, dans 2 minutes.
         Le car remonte la rue principale, mon regard se porte de droite à gauche ; on dépasse le café Plaza, le coiffeur Alvarez, la boulangerie de Pérez, monsieur Vivler, les PTT, le bourrelier Martinez ; arrivé à hauteur de l'épicerie Térol et du café Sanchez, le car s'arrête, le chauffeur récupère un colis remis par monsieur Sanchez, puis il reprend sa route ; à chaque fois, je jette un regard à l'intérieur de l'épicerie afin de tenter d'apercevoir Bernadette, vainement.

         C'est la fille des épiciers, elle est blonde aux yeux bleus et un sourire illumine toujours son visage sauf lorsque nous nous regardons car là, elle prend un air sérieux, mais nos regards qui ne se détachent pas l'un de I'autre, sont très éloquents.
         Nous laissons de part et d'autre l'école, la mairie, Rostaing, Pinazzo Marcel, le garde Mohamed, Seller Marcel, Latord, Corbière père, Pons, le mécanicien Géronimo chez lequel j'aurai un nombre incalculable d'ampoules dans les paumes de mes mains à force de faire des rodages de soupapes.
         Une autre rue perpendiculaire et le stade de foot avec face à lui, le monument aux morts qui sera notre halte à chaque venue sur Assi-Bou-Nif. Les autres rues sont occupées par les familles Comitré, Pellissier, Montgaillard, Lazaro, Fuentès, Rostaing et bien d'autres dont ma mémoire ne se souvient plus.

         Arrêt au monument aux morts situé face à la Légumcoop, tout au haut de ce que l'on appelle le vieux village et au tout début du " nouveau village " dont la route nous mène à la ferme. Tout le monde descend.
         À présent, c'est à pied que nous parviendrons à la ferme qui se situe sur la route d'Arcole à environ 3 kilomètres du village.

         Nous étions enfin arrivés au terme de notre voyage, le chemin qu'il nous restait à faire, à pied, ne nous gênait guère, nous étions tellement heureux à l'idée de retrouver tout ce que nous aimions, l'oncle et la tante, les cousines, les balades à vélo, la chasse à l'" estak ".
         Nous empruntons la grande rue du village qui devait nous mener à la sortie côté d'Arcole ; c'est du reste dans cette rue que je suis né. De temps en temps maman saluait une personne qui venait à notre encontre et nous embrassait ; à tel point que nous mettions autant de temps pour traverser le village que pour accéder à la ferme.
         A la sortie du village une immense route droite à perte de vue nous faisait face. Là-bas, au loin, nous devinions le chemin bordé d'oliviers qui menait à la ferme ; en attendant nous avancions gaiement en respirant à pleins poumons les diverses odeurs qui jalonnaient notre chemin ; la vigne, les roseaux immenses, les oliviers. Sitôt après avoir franchi la dernière maison, nous avions sur notre droite une immense pépinière dans laquelle les " rappelés " de 1956 avaient établi leur cantonnement.

         Tout de suite derrière apparaît la ferme de Corbière Eugène, un peu plus loin sur notre gauche les jardins de Lambert Seyler jouxtent la ferme de Marcel Seyler. Enfin, après avoir dépassé la ferme de Marcel Seyler nous arrivions au terme de notre voyage.
         Pendant tout ce trajet, rares étaient les personnes que nous croisions : un arabe sur son âne, un véhicule militaire. Après avoir emprunté la route caillouteuse bordée d'oliviers, sur notre gauche, nous apercevons déjà la grosse bâtisse de la ferme. Nous n'étions plus très loin.
         Plus qu'une dizaine de minutes de marche ; la route tournait à droite et nous séparait de l'entrée de la ferme d'environ 300 mètres, à droite nous pouvions remarquer les champs d'artichauts que j'avais hâte de " visiter", sur la droite s'étendait une des nombreuses parcelles de vigne de la ferme.
         Dans ces travées, mon cousin Antoine - appelé familièrement Coco - m'avait enseigné l'art de poser des pièges à perdreaux ; en effet de nombreuses colonies de perdreaux occupaient les vignes.
         Mais les perdreaux n'étaient pas les seuls à occuper les vignes, de nombreux lièvres y logeaient également mais plus difficile à tirer car ils passaient d'une travée à l'autre à vitesse déconcertante.

         Les chiens, Kiki et Tarzan, n'avaient toujours pas décelé notre présence. Ce n'est que lorsque nous étions au bout du chemin, face à l'immense bâtisse qui abritait les ouvriers Marocains qui travaillaient à la ferme, qu'ils se manifestaient avec une telle clameur qu'ils contraignaient les occupants à sortir pour voir ce qui se passait. C'était alors les embrassades, les éclats de rire.
         Un immense rond-point à l'intérieur duquel s'élançaient vers le ciel des pins géants, signalait l'entrée de la ferme et faisait face au grand portail de bois qui donnait accès à la cour intérieure.
         Une rangée de pins, sur la gauche, en bordure de la vigne servait à attacher les vaches ; à gauche, masqués par les grenadiers, nous pouvions deviner les immenses vergers de pruniers, citronniers, mandariniers ; chaque verger avait pour séparation une lignée de sapins. Tout était d'une symétrie parfaite.
         A droite, au coin du mur de la cour, se dressait un mûrier centenaire. Ses branches, tellement grandes, permettaient de faire ombrage et, très souvent, lorsque nous nous retrouvions nombreux, nous dressions la table sous le mûrier, la table étant en fait des planches de bois posées sur des tréteaux.

         Comme c'était bon d'apprécier le succulent gaspacho de la tante Marie.
         Papa, très souvent, armé de sa carabine 5.5 s'asseyait sur le bloc de pierre cubique posé quasiment sous le mûrier, à l'angle du mur, et attendait patiemment qu'un merle vienne en goûter les fruits ; je le revois encore immobile pendant des heures, une cigarette au coin des lèvres.
         A l'arrivée d'un merle, il posait délicatement sa cigarette sur le bord du bloc de pierre, levait lentement sa carabine et. .. pan. Je ne me souviens pas lui avoir vu rater sa cible. J'allais alors récupérer l'oiseau pour l'amener à la tante Marie qui le plumait aussitôt.
         Les vacances commençaient réellement.

         Je ne perdais pas de temps si ce n'est pour enfiler de vieux vêtements et j'enfourchais un vélo afin de revisiter la ferme et voir si rien n'avait changé depuis nos dernières vacances. Je prenais soin de pendre autour de mon cou mon estak, mes poches étaient remplies de petits cailloux que j'avais pris soin de choisir.
         J'étais paré à faire race à toute occasion qui se présenterait ; Ies occasions du reste ne tardaient jamais et je pense être devenu un expert dans le maniement de l'estak car je manquais très rarement une cible.
         Les plus faciles étaient les moineaux, je réussissais dans les mauvais jours à en tuer une bonne quinzaine, par contre les merles et tourterelles étaient plus difficiles à avoir ; les merles parce qu'ils sautillaient en permanence, les tourterelles, elles, étaient toujours perchées à la cime des sapins.

         Je savourais pleinement ces premiers instants et déjà ceux que j'allais goûter tout au long des semaines que nous allions passer à la ferme.
         Chaque année, c'était un éternel recommencement, mais tellement agréable que j'aurais souhaité que cette période puisse se renouveler à tout jamais ou ne jamais s'achever. Rien ne variait dans nos habitudes, pourquoi d'ailleurs aurions-nous voulu les changer ? Nous étions tellement heureux des moments que nous passions, que nous vivions.
         Les journées étaient plus que remplies. Le matin, dès la première heure, après avoir englouti un immense bol de lait sur lequel s'était formée une pellicule de crème de 2 bons millimètres d'épaisseur, je partais en chasse soit seul, soit avec papa ou mon cousin coco (Antoine).
         La chasse, lorsque j'étais seul, durait une paire d'heures et je ramenais régulièrement suffisamment de moineaux pour l'apéritif du midi ; avec papa ou coco, cela pouvait durer jusqu'à 11 heures et demie ou midi. Papa quant à lui, armée de sa carabine 5,5, était le spécialiste des tourterelles et des merles. J'étais admiratif devant la précision du tir de papa surtout lorsque nous apercevions une tourterelle à la cime d'un sapin ; il posait lentement la crosse de sa carabine contre son épaule, visait et tirait 9 fois sur 10 il atteignait sa cible.

         Lorsque je ne chassais pas j'accompagnais tonton qui faisait le tour de la ferme pour contrôler le travail des ouvriers ; bien que nous allions à vélo, cela durait toute la matinée lorsque c'était le matin ; l'après-midi était bien plus longue car nous ne rentrions qu'à la tombée de la nuit. Je peux en expliquer les raisons mais j'étais toujours heureux de passer ces moments avec tonton, sans doute par le fait qu'il m'initiait sur la nature tant sur la faune que sur la flore ; j'étais toujours fasciné et admiratif devant tant de connaissances.

         Aujourd'hui les quelques connaissances que je possède sur la nature. je les dois en grande partie à tonton et plus particulièrement tout ce qui concerne les agrumes, les arbres fruitiers, les arbres d'ornements, la végétation en général ; mes connaissances sur la faune me furent surtout apportées par papa.
         Parfois le matin, j'allais au village faire des courses pour ma tante ou mon oncle ; c'était toujours à l'épicerie Terol.
         C'est ainsi qu'un beau jour je fis la connaissance de Bernadette, la fille des épiciers ; elle était derrière le comptoir et donnait un coup de main à sa mère pour servir les clients, je fus immédiatement attiré par son regard et me dirigeais directement vers elle; elle semblait intriguée par ma présence et visiblement cherchait à savoir qui j'étais. C'était la première fois que nous nous rencontrions. Croyant saisir son interrogation je me présentais en lui indiquant que j'étais en vacances chez mon oncle Camille.

         Dès lors je me rendais de plus en plus serviable avec mes oncle et tante et cherchais tous les prétextes pour me rendre au village effectuer des achats ; notre idylle naquit un beau matin alors que tonton m'avait demandé d'aller lui acheter des cigarettes. Lorsqu'elle me tendit le paquet de cigarettes elle laissa sa main dans la mienne alors que nos regards ne pouvaient se détacher l'un de l'autre, mais nous n'allâmes pas plus loin que les frôlements de main et regards appuyés.
         Lorsque j'allais au village, J'en profitais pour rendre visite à un cousin Daniel et un autre jeune du village, Jean-Pierre Comitré, avec lequel je m'étais lié d'amitié.
         Les après-midi, invariablement, débutaient par une sieste obligatoire. Nous, nous retrouvions donc, mes deux sœurs, ma cousine Camille et moi-même, dans la grande chambre à coucher de mes oncle et tante. Des couvertures étaient posées à même le sol ; ma tante, à chaque fois, avant que I'on aille dans la chambre "donnait un coup de flytox ". L'odeur qui se répandait dans la pièce et qui était destinée à tuer les mouches et moustiques, avait autant de pouvoir sur nous-mêmes car nous ne tardions jamais à nous endormir.
         J'échappais à la sieste dès que j'eus atteint l'âge de 12 ans et en profitais pour errer dans la ferme ; ce n'est qu'à compter de cette époque que tonton m'autorisa à aller chasser avec la carabine. Etait-ce par le fait que je savais l'utiliser ou tout simplement pour avoir une arme avec moi car, à cette époque, la guerre faisait rage et les fermes étaient devenues des cibles privilégiées des terroristes.

         Quoi qu'il en soit, bien que mon oncle me conseillât toujours la plus grande prudence, j'étais moi-même extrêmement vigilant et alors que j'arpentais les bordures de bois ou d'arbres fruitiers, j'observais attentivement au loin et à travers les arbres si je ne voyais pas de présence étrangère à la ferme.
         Dès la tombée de la nuit, tous les ouvriers quittaient leur travail et regagnaient leurs demeures, tous étaient logés à la ferme.
         Le soir, après dîner, nous descendions " prendre le frais " à l'extérieur à l'entrée de l'immense portail de bois. Nous apprécions jusque tard dans la nuit la tiédeur du climat ; le garde écurie, un marocain qui avait son logement à l'intérieur même de la ferme, nous préparait alors un merveilleux thé à la menthe accompagné de petits gâteaux que son épouse avait fait à notre intention, c'était véritablement la douceur de vivre.
         Rien ne laissait supposer que la guerre était présente, rien, hormis le fusil posé contre le mur à portée de main de tonton.
         Pourtant bien que tonton soit méfiant, nous n'envisagions pas que nous puissions être attaqués comme l'étaient la majeure partie des fermes qui restaient les principales cibles des rebelles ; dans de nombreux cas d'ailleurs, c'étaient les ouvriers eux-mêmes qui en étaient les auteurs.
         A la ferme la majeure partie des ouvriers étaient Marocains.
         Tous étaient logés à la ferme dans des maisons en pierre, chacune d'elles avait une cour indépendante et un jardin ; tonton les traitait avec beaucoup d'égard et eux le lui rendaient bien.
         A chaque fête Musulmane nous étions littéralement envahis de victuailles (couscous, zlabias, makrouts) ; c'est dire que ces ouvriers ne semblaient pas malheureux et contrariaient les ragots du colon faisant suer le burnous ".
         Pour dite que je ne craignais nullement les ouvriers, très souvent je me rendais chez eux ou allais les rejoindre dans les coins les plus reculés de la ferme et passais ainsi des heures à discuter avec eux.

         Le calme de la nuit était fréquemment interrompu par les glapissements et hurlements des chacals, parfois le ricanement d'une hyène se faisait également entendre. Les chacals venaient fréquemment à la fin de l'été ; leurs hurlements me glaçaient toujours le sang. Une année, j'eus vraiment une très grosse frayeur. Les hurlements et aboiements étaient si proches que j'avais l'impression que les meutes étaient à l'intérieur de la ferme ; j'observais par la fenêtre, des centaines d'yeux brillaient dans la nuit. Les chacals étaient là, devant le portail d'entrée, ils devaient être plusieurs dizaines.
         Mon cousin et mon oncle décidèrent de s'armer et de leur tirer dessus pour les faire fuir ; il fallait éviter qu'ils ne ravagent les vignes dont les raisins devaient être vendangés dès le début du mois de septembre.
         Les coups de feu ébranlèrent à tel point le silence de la nuit qu'ils attirèrent l'attention de la garnison située à l'entrée du village.
         A peine quelques minutes s'étaient écoulées que nous entendîmes le ronronnement de moteurs. Une patrouille d'une jeep et deux 6x6 pénétrèrent en trombe dans la ferme. Tonton, qui expliqua à l'officier que ce n'était que quelques coups de feu tirés contre des chacals, eut droit à un sermon de la part de l'officier commandant la patrouille qui visiblement n'avait pas apprécié de s'être déplacé pour rien.
         Mon oncle en fut quitte pour offrir à toute l'escouade quelques bouteilles de vin et un jambon.

         Les vacances de Pâques étaient également attendues avec impatience ; d'abord parce que nous revenions de nouveau dans un lieu aimé, d'autre part parce que nos parents suivaient scrupuleusement la tradition pascale qui consistait notamment à cacher des oeufs un peu partout. Cela faisait la distraction des enfants, la mienne par conséquent.
         Notre terrain de recherche était un domaine relativement vaste, mais en général, les oeufs étaient cachés aux abords du jardin proche des immenses bottes de paille qui formaient deux gigantesques pyramides.
         Je m'étais constitué un abri à l'intérieur de l'une d'elles ; sa réalisation avait été très facile : Il m'avait suffi d'ôter deux bottes de paille de I'intérieur et de masquer l'entrée par une autre botte, de sorte que pour accéder à mon abri, je n'avais plus qu'à déplacer une seule botte que je remettais en place une fois à l'intérieur.

         C'est là dans cet abri que je passais des heures à rêvasser et à échapper parfois à quelques menues tâches auxquelles ma tante nous attelait. C'est également à l'intérieur de cette cache, loin du monde, bien au chaud que je connus les prémices de l'amour, si ce mot amour peut convenir à nos premiers frôlements et baisers innocents.
         Pour l'heure, je recherchais désespérément les oeufs camouflés quelque part.
         Régulièrement au cours de ces vacances, toute la famille Oranaise venait nous rejoindre et, régulièrement, nous allions passer la journée à la pépinière située à la sortie du village. C'était d'ailleurs le lieu de rendez-vous de nombreux Oranais qui y venaient pour y manger la mouna et la paella.
         Lors de ces réunions nous passions la journée à rire et chanter, les familles se liaient entre elles ; des liens se créaient avec promesses de se revoir en d'autres occasions. La guerre semblait bien loin et nul à cette époque, n'avait imaginé une seule seconde que tout cela cesserait et qu'il nous faudrait même perdre ces instants magiques.
         Quelquefois nous déjeunions à la ferme ; nous installions alors sous l'énorme mûrier des tréteaux sur lesquels nous disposions des madriers ou des grandes planches et faisions ainsi une table immense autour de laquelle prenaient place 20 à 30 personnes. Et là, nous savourions le fabuleux " gaspacho " que nous faisait tata Marie.
         Cette recette est originaire de la Mancha en Espagne, c'est à l'origine un plat de chasseurs dans lequel on mettait tout le produit de la chasse : lapins, perdrix, canards, cailles, etc. que l'on faisait revenir puis que l'on servait comme un ragoût accompagné de galette coupée en morceaux. A l'origine la galette servait d'assiette. Ce plat rustique, vu sa composition, était élaboré pour de nombreux convives.

         C'était le bonheur à l'état pur. Qu'aurions-nous voulu de plus ? Cela nous suffisait amplement.
         Parmi les tâches dont je devais m'acquitter pour justifier ma pitance, je devais nourrir les volailles, accompagné évidemment de Tata Marie qui craignait toujours le pire ; en effet j'avais pris en affection une oie et j'avais décidé d'en faire ma monture, hélas, elle, pour je ne sais quelle raison, s'y refusait obstinément ce qui me contraignait à la poursuivre avec un bâton afin de lui faire entendre raison. Ces aventures provoquaient chez mon oncle et mes cousines des grands fous rires, en revanche tata ne voyait pas du tout cela comme un amusement et, c'était à mon tour de filer devant le roseau que tenait ma tante et dont je devais apprécier la souplesse, ce qui comme de bien entendu faisait pouffer de rire mes cousines et tonton.
         C'était tout cela qui faisait nos joies. Nous étions proches de la nature, nous nous confondions avec elle et apprécions le bonheur dont elle nous faisait don. Plus tard même, lorsque nous habitâmes " en ville ", en pleine adolescence et face aux problèmes de l'époque, je revenais toujours me " ressourcer " à la ferme.

         Que d'aventures et mésaventures je vécus en ce lieu magique. L'après-midi, au goûter, j'aimais bien monter sur la terrasse surplombant l'écurie et l'étable afin de savourer pleinement le grand air et admirer les plantations d'orangers, de citronniers, de pruniers qui s'étalaient sous mes yeux à l'infini.
         Sur cette terrasse, il y avait la remise de mon oncle dans laquelle étaient pendus de magnifiques jambons et saucissons. Parfois tonton y montait, découpait une tranche de jambon et nous allions tous deux la déguster avec un morceau de pain de campagne qu'avait fait tante Marie.
         Ce jour là, tata Marie m'avait coupé une belle grosse tranche de pain qu'elle avait tartiné de beurre et de confiture.
         Comme d'habitude je grimpais sur la terrasse et m'assis sur le parapet bordant la terrasse ; comble de malchance je n'avais pas remarqué que mes jambes pendaient à hauteur d'un nid de guêpes. Je fus soudain envahi par une nuée de guêpes qui avaient décidé de prendre part à mon goûter.
         Plutôt que leur abandonner mon pain, je me mis à gesticuler et à tenter de les chasser de la main, visiblement elles n'apprécièrent guère car elles m'attaquèrent de toutes parts au visage ; et bien que je leur abandonnasse mon pain et que je m'enfuis à toutes jambes, quelques-unes continuèrent la poursuite pour achever leur oeuvre destructrice.
         J'avais horriblement mal et poussais des cris d'appel : " tata, tata ".
         C'est l'ouvrier marocain qui logeait près de l'écurie qui fut le premier à venir à mon secours ; tata, toute affolée, ne sachant ce qu'il se passait accourrait également. L'ouvrier indiqua à tata un remède qui devait me calmer immédiatement et permettre l'extraction des nombreux dards plantés sur mon visage.
         Il me fallait faire un cataplasme de terre mélangée à de... l'urine. J'avais trop mal pour refuser de m'exécuter, et de toute façon avec tata j'avais pas le choix. Après que tata eu fait le mélange elle me barbouilla le visage avec cette boue ainsi faite. Le résultat fut surprenant car presque immédiatement la douleur disparut ; tata m'indiqua qu'il me fallait garder la boue sur le visage encore un peu de temps avant de la retirer.
         Ce n'est qu'une heure ou deux après que tata consentit à m'ôter la boue du visage. Le résultat là encore était stupéfiant, je n'avais plus aucune boursouflure, juste quelques points rouges aux emplacements des dards.

         Chaque séjour apporta son anecdote, celui-ci me marqua longtemps et j'étais vacciné à tout jamais d'approcher des nids de guêpes.
         J'oubliais très vite cette mésaventure et invariablement poursuivais mes activités qui consistaient en la chasse, pose de pièges, grandes balades à vélo autour de la ferme.
         Ainsi chaque année et invariablement se déroulaient mes vacances à la ferme.

Ce récit est tiré du livre de M. Régis Guillem :
" Et la Levêche souffla sur I'Oranie... "

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Mémoires d'un résistant de l'Algérie française.
Un Peuple sans Mémoire
Est un arbre sans racine

         Et la Levêche souffla sur l'Oranie raconte une histoire dans l'histoire. Ce livre vous entraîne et vous fait vivre la vie d'un département français outre-Méditerranée. Il redonne la vie à des hommes et à des femmes venus d'horizons les plus divers, les plus opposés mais qui toutes et tous forgèrent un pays, du soldat-laboureur au cireur de chaussures. À travers ce récit intime, vous allez vivre, comme si vous y étiez, l'épopée de l'Algérie française lors de ses derniers instants, la vie quotidienne de ces Français des marches profondément attachés à l'image idyllique qu'ils se faisaient de la France métropolitaine, le courage et la pugnacité de ce peuple qui a entièrement construit ce pays. Vous y découvrirez une des plus belles pages de l'Histoire d'une poignée de Français d'Algérie attachée à leur petite patrie jusqu'à lui sacrifier consciemment leur vie.

         L'auteur est natif d'Assi-Bou-Nif, petit village situé entre Oran et Mostaganem. Il vécut ensuite son adolescence dans un quartier d'Oran (Medioni), essentiellement composé de musulmans. Les communautés - Européens, musulmans, juifs, selon les appellations de l'époque - vivaient en parfaite harmonie. En 1952, il a 8 ans lorsque sa famille s'installe à Ain-Séfra, dans le sud oranais, suite à la mutation de son père. La tourmente s'installe alors qu'il n'a que 10 ans. Sa première vision des horreurs de cette guerre sera celle des têtes de voisins, un garde-barrière et son épouse, piquées de part et d'autre des rails de chemin de fer.

         Pourtant, la guerre est bien loin, hormis quelques attaques du FLN. Nul ne se doute alors de l'importance et des conséquences de cette rébellion armée. Régis, comme tous les enfants d'Ain-Séfra, sera élève de l'institution Lavigerie, dirigée par les Pères Blancs ; sur les bancs de l'école les trois communautés sont assises fraternellement. Traditionnellement, l'enseignement est précédé de prières chrétiennes ; chacun les récite, y compris les musulmans et les juifs, sans la moindre remarque de la part de quiconque. Au fil des ans, Régis commence à prendre la mesure de la nature cruelle de la guerre, bien qu'Aïn-Séfra en soit quelque peu épargnée du fait de la présence de la Légion étrangère. Il a 15 ans lorsqu'une nouvelle mutation de son père le conduit à Mostaganem. L'année précédente, le général de Gaulle avait retrouvé le pouvoir en faisant la promesse d'une Algérie définitivement française. Les événements, alors, s'accélèrent et Régis prend chaque jour davantage conscience de l'étendue du parjure de De Gaulle et de la nécessité de se défendre par soi-même. Il commencera à militer dans les rangs de Jeune Nation puis des Légions Nationalistes.

         Le massacre du cirque Monte-Carlo en septembre 1960 à Mostaganem déclenche chez lui une grande détermination. Il s'engage alors ouvertement dans la lutte anti-FLN. Ainsi, d'électron libre, il rejoint ce qui deviendra en quelques semaines I'OAS. Il rejoint Oran puis un maquis implanté dans les monts du Dahra où il se singularisera en combattant l'ALN avec détermination par les armes. Mais la lâcheté de l'armée française, I'obstination de De Gaulle alliée à celle du FLN et la pusillanimité du peuple auront raison de l'Organisation.
         Néanmoins, il tiendra bon. Arrêté par les ATO et remis à la très sévère Mission C d'Oran, il sera cependant brusquement rendu à la vie civile par les ultimes, fragiles, éphémères et tacites accords du 26 juin 1962 entre Katz et les émissaires de l'Organisation. Esseulé, il gagnera difficilement l'inconnue et peu accueillante France.
Pour avoir la suite de ce livre, vous pouvez le commander
à M. Régis Guillem :
regis.guillem@hotmail.fr

Incertitudes...
De Jacques Grieu

      
       Les reverrais-je un jour, mes fairways familiers,
       Mes greens connus par cœur où j'ai cent fois putté ?
       Sous un ciel assombri, nouvelle punition !
       Avec ou sans nos masques, on a interdiction. .

       Le jour où le virus voudra bien se calmer,
       Je serais trop rouillé pour savoir encor jouer !
       Et sans doute trop vieux pour pouvoir réapprendre
       Sur les verts paillassons où il faudra me rendre...

Jacques Grieu                  

LA FEUILLE DE CACTUS
Envoyé par B. Leonelli
   


          Novembre 2020
          N° 312



BULLETIN DE L'EX AMICALE DES RÉFUGIÉS ET RAPATRIÉS DE L'AFRIQUE DU NORD EN SUISSE
ARRAN-HELVETIA
Rédaction : Jean-Marie BERKHOFF- Suisse
Tél. : + 41 026 565 29 07
- Adresse électronique : berkhoff.jean-marie@net.plus.ch
           
Extrait de la préface de 0ctave Homberg
Au livre de Victor Piquet
L'Algérie française - Un siècle de colonisation (1830-1930)

          … Pour avoir l'optimisme et l'énergie voulus, nous devrons d'abord nous affranchir de ce sortilège que l'islam a jeté au galop de ses invasions, sur cette terre jadis féconde…Une œuvre a été interrompue, celle de Rome, et c'est celle-là qu'il faut reprendre. C'est en effet cette œuvre profondément latine, décrite et connue maintenant dans tous ses détails, jalonnée par quelques temples et parfois par une seule colonne, indices de l'ancienne voie, qu'il faut suivre, qu'il s'agit de mener à bonne fin. Il y avait là un grenier qui peu à peu, faute d'eau, faute de travail, s'est vidé. Peu à peu les hommes en toge, les puissants laboureurs de l'Italie, au moment du démembrement de l'Empire, et des effroyables invasions ultérieures, ont reculé pour laisser la place à cet éternel soleil qui, lorsqu'il ne féconde pas, détruit. Des villes jadis puissantes, comme l'attestent à la fois l'étendue et la splendeur de leurs ruines, ont été littéralement enfouies dans le désert comme Timgad, et évoquent de façon saisissante tout ce que l'effort de l'homme avait pu réaliser et qui s'est comme effacé, recouvert par la nature indifférente, dès que cet effort a cessé… Après un long intervalle, sous une nouvelle civilisation, cet effort de l'homme a repris ; nos cultures, nos travaux d'irrigation, les mines qui se sont ouvertes ou réouvertes de tous côtés marquent déjà ce nouveau mouvement en avant…
          Rapporté par Jean-Marie BERKHOFF

Marguerite Lombard (1920-2019)
Pied-Noir, souvenez-vous !

          Pour beaucoup d'entre nous, elle symbolisait la résistance française en Algérie. Entrée dans sa centième année, elle est enlevée à l'affection des siens par un accident vasculaire le 12 mars 2019.
          Sa famille maternelle était arrivée en Algérie en 1832. Un de ses arrière-grands-pères, Alexandre Mauguin (1838-1916), créa à Blida une imprimerie qui existe toujours. Il représenta l'Algérie à l'Assemblée Nationale (1881), puis au Sénat (1885). Son grand-père, le commandant Lombard, originaire du Jura, fut le premier maire de Cherchell (l'antique Césarée). Son père, Pierre Lombard (1884-1966), professeur à la faculté de médecine d'Alger, fut président de la Croix-Rouge en Algérie. Dans la nécrologie de celui-ci, que l'on doit à son petit-fils, le docteur Jacques Larmande, on peut lire : " Après avoir perdu son fils aîné en 1944, mort pour la France dans l'armée d'Afrique, il fut révoqué de ses fonctions pour avoir soutenu le Maréchal Pétain, comme beaucoup de Français d'Afrique du Nord, puis, en l'absence de poursuites, réintégré en 1949 ".

          Marguerite Lombard, née à Alger le 7 janvier 1920, fut professeur de lettres classiques au lycée de jeunes filles de Blida, où elle eut comme élève, entre autres, Assia Djebbar, qui sera élue à l'Académie française, preuve s'il en était besoin, que l'enseignement français en Algérie s'adressait aussi aux Arabes, contrairement aux mensonges souvent proférés en métropole. Marguerite Lombard enseigna ensuite au lycée Lazerges d'Alger. Révoltée par la trahison de De Gaulle, elle rejoint l'OAS au printemps 1961 et seconde le colonel Godard dans la clandestinité. Elle est arrêtée et internée à la caserne des Tagarins de sinistre mémoire (c'est là que le colonel Debrosse organisait la torture des partisans de l'Algérie française). Elle dut sans doute à la notoriété de son père d'échapper aux sévices qui y étaient habituellement pratiqués, y compris sur les femmes. Bien qu'elle n'ait pas participé à des actions violentes, elle est condamnée à 3 ans de prison (sans remise de peine) et à la privation de ses droits civiques et incarcérée à la Petite Roquette, puis à Fresnes,
          A sa libération, elle reprend son activité de professeur de lettres dans des établissements privés et elle ne retrouvera ses droits civiques qu'avec l'amnistie de 1968 qui lui permettra de réintégrer l'enseignement public au lycée d'Amiens, puis à Nice, où elle prit sa retraite.
          Fidèle à son idéal, elle participe activement à la défense des anciens prisonniers politiques de l'Algérie française dans le cadre de l'ADIMAD, dont elle est vice-présidente et du cercle National des Combattants. Elle milite durant de nombreuses années à Nice au Front National et se présente plusieurs fois aux élections.
          Ses obsèques religieuses sont célébrées en l'église Saint-Pierre d'Arène de Nice par les Pères François et Maximilien Scotto, prêtres nées en Algérie. Elle repose au cimetière de l'Est à Nice, où elle a rejoint sa mère Louise et son père Pierre Lombard.
Jean-Marie BERKHOFF
Source : Cercle Algérianiste de Nice
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Nés du creuset de l'Afrique du Nord française
Ils sont notre fierté
Héda Frost/Ducoulombier
Championne de natation
          Née de parents hongrois (ou tchèques ?), le 15 septembre 1936 à Alger, elle habitait à La Vigie. Celle jeune fille blonde aux yeux bleus nageait depuis l'âge de 7 ans, mais sans avoir appris, puisqu'elle participa d'abord à des compétitions de volley-ball. Ce n'est qu'en octobre 1954 qu'elle s'orienta vers la natation, entraînée par M. Soron qui découvrit aussitôt ses capacités de nageuse. En 1955, elle est championne d'Alger des 100 et 800 m nage libre et du 100 m dos. A Tunis, toujours en 1955, elle est championne d'Afrique du Nord des 100 et 400 m nage libre Elle va alors dominer la nage libre en France pendant 8 ans, collectionnant les titres de championne de France (sur 100, 200, 400 et 800 m), les records de France (26 records, restés inégalés pendant 15 ans) et même d'Europe (elle détiendra le record d'Europe du 200 m nage libre). Elle fut 59 fois sélectionnée en équipe de France ! Elle fut membre de l'équipe de France aux jeux olympiques d'été de 1956 (Melbourne) où elle termine 7° de la finale du 400 mètres nage libre, et aux jeux olympiques d'été de 1960 (Rome). Elle participa aussi à deux championnats d'Europe, en 1958 à Budapest et en 1962 à Leipzig, en étant 6 fois finaliste.
          Elle deviendra ensuite entraîneur national, en particulier de la nageuse limougeaude Claude Mandonnaud, qui fut championne d'Europe en 1966.
          Titulaire de la médaille de la jeunesse, des sports et de l'engagement associatif, elle est officiée dans l'ordre national du mérite.
          J'ai de notre blonde championne, un souvenir bien particulier, même si je ne parviens pas à le situer dans le temps : après une compétition qu'elle avait gagnée, alors qu'elle était cadrée en gros plan par la caméra de télévision de Roger Pradines, elle tourna le dos à l'objectif, arborant comme un défi, sur son peignoir, deux énormes pieds noirs. Le reporter (Thierry Roland, si ma mémoire est bonne) en eu le verbe coupé, répétant " hé ben ! hé ben ! ", ne sachant de quelle manière commenter cette manifestation d'appartenance au peuple pied-noir !
          Sur la photo d'elle ci-jointe, sa dédicace à " Philippe ", m'a rappelé que je possédais un autre souvenir d'elle, plus ancien, une autre photo, prise sans doute pendant l'été 1955, à la plage " Mon Rêve " à La Vigie, près de Pointe-Pescade, où elle pose avec ses amis de l'époque : Vivie et Annie, Dane Tubiana et Philippe Fourest (peut-être ce même Philippe de la photo dédicacée). Je recherche activement cette seconde photo !
          JM Berkhoff
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Humour
Maurice, roi des vendeurs

          Eté 1962, Maurice, jeune réfugié de Bab-el-Oued, bien décidé à trouver un emploi, entre dans une boutique, sorte de grand bazar où l'on vend de tout. Le patron lui demande s'il a une expérience de la vente.
          - Si j'ai d'l'expérience ? Dans la vente ??? Aiaiaië ! I'm'demande ça à moi, Maurice !!! J'suis le roi de la vente moi ! Mon cousin il avait une boutique, j'lui ai tout vendu. Maintenant il est parti au soleil tellement j'l'ai rendu riche… Sur la tête de ma mère, y'a pas meilleur vendeur que moi !

          Le patron, amusé par la gouaille du jeune homme, décide de le prendre à l'essai. Le soir il revient pour vérifier ce qu'il a bien pu vendre.
          - Alors, " le roi de la vente ", qu'est-ce que tu as vendu dans la journée ?
          - J'ai fait une seule vente ; sur ma tête patron, il est venu qu'un client !
          - Ce n'est pas très brillant ça, et une vente de combien ?
          - Seulement 650 000 f (*) patron.
          - Quoi ! 650 000 f tout rond ! Mais comment ça ???

          Alors Maurice raconte : Y'a un type qui est v'nu et j'l'i ai vendu un hameçon. Pis j'lui ai proposé la petite canne à pêche au lancer et une série de mouches. Et comme j'l'i ai dit qu'i' peut pas pêcher sans être bien équipé, il a pris aussi la grande canne avec la ligne et les bouchons et un moulinet. J'l'i ai dit : " avec ça tu peux r'monter Moby Dick, sur la tête de ma mère ! ". Après, pour pas qu'il ait honte devant les autres pêcheurs, j'li'ai vendu l'équipement, les bottes le ciré, le bob…Pis j'l'i ai d'mandé où il allait pêcher, et i'm'a dit " sur la côte ". Alors j'li ai dit qu'il f'rait bien d'acheter un bateau pour pêcher au large et j'l'i ai vendu le hors-bord de 12 mètres avec les deux moteurs. Et quand j'li ai demandé comment il allait emmener son bateau sur la côte, i' m'a dit qu'i savait pas, le pôvre ! Alors j'li ai vendu la Mercédès et une remorque pour tracter l'bateau. On a fait les comptes, ça faisait 653.865 f (*) Alors j'li ai dit : comme ti'es un bon client, j'te fais un prix : 650 000 tout rond, mais faut payer cash. Il a dit " j'passe à la banque et j'arrive ". Une demi-heure après, il est rev'nu avec l'argent et il a tout pris. Patron, les sous sont là dans la caisse…
          Le patron regarde l'argent dans la caisse, il n'en croit pas ses yeux, il est scié : " T'as vendu une Mercédès et un hors-bord à un gars qui venait acheter un hameçon ????!!!!

          - - Heu… pas tout à fait patron… En fait, l'client i'v'nait pour acheter une boite de Tampax pour sa femme, alors j'li'ai dit : " Puisque ton week-end il est foutu, pourquoi t'irais pas à la pêche ? " …
(*) francs de l'époque
JMB
Remerciements

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Jane Potin, qui, jusqu'ici, a participé activement a la mise en page et à la distribution de La Feuille de Cactus, se trouve aujourd'hui prise par d'autres tâches ainsi que des obligations familiales. Qu'elle soit chaleureusement remerciée pour son dévouement et l'attachement à notre cause dont elle a fait preuve.



FRANÇAIS ! ALGERIENS !                      
                                   50 ANS DEJA !

Envoyé par Monsieur Alain ALGUDO
Voici un rappel succinct des étapes d'une trahison sciemment organisée contre les Français d'Algérie, que les différents gouvernements et les médias, complices des deux côtés
de la Méditerranée, cachent à nos deux peuples depuis
un demi-siècle

Michel DEBRE en Novembre 1957

" QUE LES ALGERIENS SE RAPPELLENT QUE L'ABANDON DE LA SOUVERAINETE FRANÇAISE EN ALGERIE
EST UN ACTE ILLEGITIME QUI MET TOUS CEUX QUI S'EN RENDENT COMPLICES HORS LA LOI
ET TOUS CEUX QUI S'Y OPPOSENT, QUEL QUE SOIT LE MOYEN EMPLOYE, EN ETAT DE LEGITIME DEFENSE ! "

-o-CHARLES DE GAULLE
( APRES LE " JE VOUS AI COMPRIS )
LE 4 JUIN 1958

" Dans toute l'Algérie, il n'y a que des Français à part entière ! "

Le 5 juin 1958
" L'Algérie est une terre Française, organiquement et pour toujours !"

Le 6 juin 1958 à Mostaganem
" Vive l'Algérie Française ! "

Le 7 juin 1958 à Oran
" OUI,OUI,OUI, La France est ici pour toujours, Elle est ici avec sa vocation millénaire qui s'exprime aujourd'hui en trois mots : Liberté, Egalité, Fraternité….vive Oran, ville que j'aime et que je salue, bonne, chère grande ville d'Oran,
grande ville Française !"

Le 30 octobre 1959
" A quelle hécatombe condamnerions-nous ce pays si nous étions assez stupides et assez lâches pour l'abandonner ! "

Août 1959
" Le drapeau du FLN ne flottera jamais sur Alger, moi vivant ! "

3 mars 1960
" L'indépendance réclamée par Ferhat Abbas et sa bande est une fumisterie ! "

22 octobre 1960
" Les insurgés voudraient que nous leur passions la main. Cela nous ne le ferons jamais ! "
-o-
Puis soudain revirement total, car nous le savons maintenant, son plan, mûri en secret depuis 1954, s'installe, une défaite politique est consommée, l'Armée qu'il n'a cessé d'encourager à détruire l'ennemi, attisant ainsi la haine, est mise sur la touche, il n'est plus question de l'Algérie Française, mais de l'Algérie Algérienne, provoquant un épiphénomène clandestin qui durera11 mois : l'OAS, réaction légitime contre l'insoutenable trahison
et légitimée par la déclaration de Michel DEBRE de novembre 1956.

-o-
Puis, les prétendus" accords d'Evian " qui garantissent la protection des personnes et des biens sont signés !
Là, Charles DE GAULLE se déshonore encore davantage en déclarant :
" Il n'est pas question que l'Armée Française protège les Français d'Algérie
qui n'auront qu'à se débrouiller avec le FLN "
( propos rapportés par l'académicien Eric ROUSSEL)

-o-
Puis il répond à Michel DEBRE lui annonçant que les Français se faisaient massacrer à ORAN le 5 juillet 1962 :
" Eh bien, ils n'avaient qu'à rentrer avant ! "
-o-
Français, Algériens, il faut que vous sachiez qu'il venait de donner, le jour même, des ordres formels à l'Armée de ne pas intervenir, même en cas de danger de mort pour les victimes d'exactions,
en contradiction totale avec les accords qu'il venait de signer…..nous connaissons la suite !

Et après la tragédie, De Gaulle déclare : : " Si je n'étais pas l'Etat, j'aurais été dans l'OAS ! "(interview Michel DROIT)

Notre peuple a subi " le plus grand traître de la V°République" (interview Alain DUHAMEL)

TOUT EST DIT : C'ETAIT DE GAULLE :
Et, par sa fourberie, des centaines de milliers d'êtres humain ont perdu la vie, dans les deux camps !

Alain ALGUDO
Mostaganemois, Français d'Algérie création Française,
et fier de l'être plus que jamais


Incroyable mais vrai !!!
De M. Gomez, novembre 2020
Envoyé par Mme Leonelli.
Article paru dans DREUZ info. de M.GOMEZ            

               Incroyable mais vrai !!! La jeunesse algérienne a la nostalgie de la période coloniale !!! .. Nous sommes à des années lumières de la culpabilisation d’inspiration gauchiste prônée par Macron ..

                « Le temps béni de la colonisation »… et ce n’est pas moi qui le dis ..
                Il se passe quelque chose d’assez extraordinaire en Algérie : « la nostalgie du passé chez les jeunes Algériens ».

                Je lis dans le quotidien « El Watan », de ce début du mois de novembre, un article qui me touche énormément. Pourquoi ? Non loin de la Grande Poste d’Alger se tient une exposition de vieilles photos et cartes postales anciennes.

                Des passants, beaucoup de jeunes surtout des étudiants, s’arrêtent, fouillent, regardent cette photo de la rue Dumont-d’Urville en 1930 (rue Abane Ramdane aujourd’hui) et surtout ils commentent :

                « Il paraît que c’était la belle époque. Nous sommes nés dans les années 90 et tout ce que l’on apprend de l’Algérie ce sont les critiques de nos politiques contre la France, la corruption, le terrorisme et la misère qui va avec.
                A travers les réseaux sociaux on retrouve cette même nostalgie du passé.
                Des centaines de pages consacrées à ces vieilles photos et cartes postales anciennes, et l’on note des commentaires flatteurs :

                « A l’époque de la France, c’était tellement propre .. », « Je donnerai tout pour vivre ces années-là », « La différence est immense », « Autrefois on vivait mieux .. », « A l’époque de la France, l’Algérie avait plus de valeur à l’étranger .. » De plus, des sondages récents montrent que plus de 70% des jeunes algériens rêvent de partir vivre en France.
                « Aujourd’hui je suis trop triste et je suis même très déçu, affirme Hacène, qui gère la page « l’Algérie à une certaine époque » et se dit fasciné par le charme de la ville d’Alger avec le respect mutuel qui existait, la « horma », la quiétude, les femmes en haïk, c’est la plus belle époque qu’a connu l’Algérie ..

                Je me souviens de cette confidence de mon ami Boubekeur (qui fut goal de la sélection algérienne et de l’équipe de l’A.S.Monaco) avant que malheureusement il ne nous quitte définitivement :
                Avant, quand j’allais à Bab-el-Oued dans ma jeunesse avec mes amis français c’était la joie de vivre, le bonheur, les rires, l’amitié.
                Aujourd’hui quand il m’arrive d’y passer, je mesure la différence et je pleure ces années là ….

                Hassène Zerkine, grand collectionneur de cartes postales, raconte : « Quand j’ai commencé cette collection, il y a 40 ans, j’étais loin d’imaginer les questions que se posent les jeunes aujourd’hui. Une grande partie des Algériens qui ont vécu l’époque coloniale n’est plus, et ceux qui sont nés au cours des années 50/60 n’ont de ce passé que des images de guerre. Nombreux donc ignorent que leur passé ne se limite pas à la « révolution de 1954 ». Ils ne savent pas qu’il y avait autre chose aussi. Que les gens vivaient fraternellement, fêtaient les mariages, allaient au cinéma, à la plage, au théâtre, et qu’il y avait une vraie vie culturelle, sportive, artistique.
                Dans mes commentaires sur ma page Facebook je retiens, bien sûr, que la nostalgie du passé est classique, mais cette nostalgie est liée à la situation dégradée de l’environnement et de l’insalubrité qui règne dans l’Algérie indépendante.
                Cette nostalgie, c’est celle de l’ordre et de la propreté de l’époque coloniale. Je m’étonne toujours du fait que les jeunes Algériens « idéalisent » la période coloniale, dépassant ainsi le but recherché par cette exposition qui n’avait pour objectif de présenter le progrès et la civilisation apportés par la France. La décadence actuelle c’est à travers la tenue vestimentaire que je la constate. Regardez ces jeunes femmes avec leur hijab, djebab, où je ne sais quel autre accoutrement qu’elles utilisent de nos jours. C’est ce côté de l’histoire de notre pays que je veux montrer, ce côté que les médias occultent volontairement. Et le constat général c’est : à l’époque de la France « C’était le bon vieux temps ».

                Et là non plus, ce n’est pas moi qui le dis !
                C’est Hocine Aït Hamed, l’un des chefs historiques de la révolution algérienne :
                Chasser les Pieds-Noirs a été plus qu’un crime, une faute, car notre chère Patrie a perdu son identité sociale. Avec les Pieds-Noirs et leur dynamisme, je dis bien les Pieds-Noirs et non les Français, l’Algérie serait aujourd’hui une grande puissance méditerranéenne. Hélas ! Nous devons reconnaitre que nous avons commis des erreurs politiques et stratégiques.

                Une question se pose : Si les jeunes algériens en ont marre de la victimisation officielle et d’entendre leurs vieux politiciens critiquer la France, et qu’ils ressentent une nostalgie de la période française, alors comment le président Macron va-t-il vivre cette évolution pro-française, lui qui a toujours voulu mettre en avant les crimes de la France, et faire culpabiliser les français ?.. Macron va-t-il devoir organiser une nouvelle campagne de victimisation anti-française, pour ramener les jeunes algériens à la raison ??
M. Gomez, novembre 2020


PHOTOS DU CENTENAIRE
Envoyée par divers lecteurs
Danse des Ouled-Naïls

Première messe en Kabylie


Les Rappels au "réveil" national ne manquent pas...
Envoyé par M. Rateau M.
« Celui qui oublie son passé est condamné à le revivre...!!»
Élie Wiesel.

            Lettre adressée à nos concitoyens politiquement aveugles

            Ce qui se passe en Europe, je l’ai vécu en Algérie, avec le FLN.
           Je suis Française.
           Je suis Française, plus encore qu’un Niçois parce que la région où je suis née était française bien avant que la France n’inclue cette partie du Piémont italien.
           Je le suis certainement plus que les Savoyards puisque, eux aussi, n’ont vu la Savoie rejoindre la France que bien après que l’Afrique du Nord ne soit sous domination française.
           Je suis Française, surtout, parce que, depuis 1850, mes ancêtres le sont devenus, par choix.

           Je suis Française parce que mon père – Gloire à Lui ! – s’est battu pour la France qu’il a servie dans la Royale et, particulièrement, à Mers el Kébir, pendant la seconde guerre mondiale.
           Je suis Française, enfin, parce que, au mépris de sa vie, il a combattu, pendant les huit années de cette guerre d’Algérie, ceux qui voulaient nous voler cette terre de France que, finalement, de Gaulle leur a offerte.

           Des Bataclan, des Nice, des Métro Saint-Michel, des Manchester, je les ai vécus à El Halia, à Palestro, puis à Alger au Milk-Bar, à l’Otomatic, au Casino de la corniche ou enfin, ultime horreur, à Oran le 5 juillet 1962(trois mille disparus assassinés)
           Les bombes dans les autocars, sur les voies ferrées pour faire dérailler les trains (sauf celles qui transportaient le pétrole du Sahara, ils n’étaient pas fous !). Les grenades jetées dans la foule faisant des massacres. Les égorgements, les viols, les enlèvements, étaient notre lot quotidien.
           On ne comptait plus les morts, les blessés, amputés. On essayait seulement de sauver les vies qui le pouvaient être encore et d’enterrer, au plus vite, les morts, quand on les retrouvait entiers ou que leur corps avait pu être reconstitué. Nous n'oublierons jamais, jamais ce qu'ils ont fait .
           Ces terroristes n’étaient pas El Qaïda, Daesch ou El Nosra. Non, c’était seulement le FLN algérien. Et ils ont en commun, la sauvagerie, la haine, la barbarie de ceux qui tuent, aujourd’hui, chez nous. Ce sont les mêmes !....

           C’était leur pays, dites-vous ? Oui, j’entends ça depuis 55 ans.
           Mais, aujourd’hui, maintenant, ici, ils le font pourquoi ? C’est, aussi, leur pays, ici ? C’est pour revendiquer ce pays qu’ils tuent hommes, femmes, enfants dans leurs attentats ? Que ferez-vous, demain ? Leur offrirez-vous votre pays dans un écrin d’argent ? Ou bien accepterez-vous cette « partition » envisagée par tous nos politiques, pour acheter la « paix sociale » ? Et surtout récupérer des voix aux votes. Des lâches, vendus.
           Pensez-vous toujours que « notre politique sociale » est responsable de cet état de guerre qu’ils nous livrent ?
           Parce que ceux qui tuent dans nos rues, nos banlieues, nos cités, sont ceux que vous avez nourris, éduqués, surprotégés.

           Etes-vous prêts à les recevoir, demain, en leur déroulant le tapis rouge quand ils viendront s’enorgueillir de leurs attentats passés, devant les caméras de télévision, interrogés avec humilité par les journalistes soumis , pourris ?
           Parce que, cela, aussi je l’ai vécu et je le vis encore.

           La France n’a tiré aucune leçon de son passé, de ses guerres.
           Les Français ne voient que l’arbre qui cache la forêt. Mais la forêt s’émancipe, elle grossit, elle se transforme en une jungle impénétrable, immaitrisable, indéracinable qui les submergera, bientôt, trop tôt, quand, tellement aveuglés par cet arbre, ils n’auront rien vu venir des quartiers chauds.......
           J’ai aimé la France plus que je ne pouvais aimer. Mais cette France-là n’existe plus. Je laisse Celle qu’elle est devenue, à ceux qui persistent à regarder l’arbre et s’apprêtent à le voir disparaître, foudroyé, sans avoir tenté de le protéger.  

Danièle Lopez


A la guerre, on ne répond pas
par des discours émus

Envoyé par B. Leonelli
Boualem Sansal : "La France ne comprend toujours pas ce à quoi elle est confrontée"
Propos recueillis par Anne Rosencher, publié le 18/10/2020
           
     Pour le romancier algérien, notre pays se croit frappé par des terroristes alors qu'il subit une guérilla islamiste qui prend son élan pour un jour atteindre les dimensions d'une guerre totale.

       " Quelle horreur, quelle barbarie, on décapite un prof pour une caricature qui a fait mille fois le tour de la planète ! C'est dire la rancœur et la folie des islamistes. On condamne en rivalisant d'émotion et de formules, on affirme son soutien à la famille de la victime, on rassure le corps enseignant et les parents d'élèves, on appelle à des mesures fortes, on promet la fermeté. Voilà ce qu'on entend sur les ondes. On fait son devoir, on a la conscience tranquille... jusqu'à la prochaine horreur, la prochaine barbarie.

       Tout cela montre que la France ne comprend toujours pas la réalité à laquelle elle est confrontée. Elle se croit frappée par des terroristes, des jeunes fichés S ou pas, alors qu'elle subit une guérilla qui peu à peu prend son élan pour un jour atteindre les dimensions d'une guerre totale, comme beaucoup de pays l'ont vécue et la vivent encore à des degrés divers (Algérie, Mali, Afghanistan, Irak, Syrie, Libye, Somalie).

       L'islamisme est un Etat souverain

       L'islamisme ne fait pas dans le terrorisme et ceux qui égorgent et violent au nom de l'islam ne sont pas des assassins, ni des fous, ni des ignorants. Il faut enfin regarder les choses en face et employer les mots qui conviennent.

       L'islamisme est un Etat souverain, un Etat qui n'a pas de territoire propre, pas de frontières, pas de capitale, pas de citoyens mais des fidèles unis dans la Oumma, présente dans toutes les régions du monde, dans la maison de l'islam et dans la maison de la guerre, pas de constitution mais la charia tirée du saint coran et des hadiths authentiques.
       Ses soldats, policiers, imams, juges et bourreaux ne sont pas des fonctionnaires mais les fidèles eux-mêmes, sans liens hiérarchiques entre eux, agissant chacun selon ses moyens et les circonstances, en solitaire ou avec ses proches, parents, amis, voisins et des volontaires venus de plus loin.

       Allah ordonne à chaque musulman, où qu'il soit dans le monde, d'oeuvrer par tous les moyens à l'expansion de l'islam, de le défendre au prix de sa vie, de combattre les mécréants et de châtier les blasphémateurs et les apostats.

       A la guerre, on ne répond pas par des discours émus

       Cette guerre, il la fait au monde entier, aux musulmans qui n'appliquent pas la charia, aux chrétiens, aux juifs, aux athées. La France est plus fortement touchée en raison de son histoire propre (la colonisation, son soutien aux dictatures arabes, la présence sur son sol d'une émigration nombreuse mal intégrée qui peu à peu s'est détachée de la communauté nationale).
       C'est à cela qu'a obéi le jeune Tchétchène de Conflans Sainte-Honorine. Pour les Français, c'est un assassin, pour les islamistes il s'est comporté en musulman sincère et courageux, il a jugé ce professeur pour blasphème, l'a condamné à mort et l'a exécuté, conformément à la charia. En récompense, il ira au paradis et aura les 72 vierges promises par Allah.

       Il est plus que temps que la France regarde ces choses dans leur réalité nue, et se convainc qu'à la guerre on répond par des actes décisifs et non par des discours émus."

       Boualem Sansal est un romancier algérien, auteur notamment de "2084 : la fin du monde" (Gallimard), qui a remporté de grand prix du roman de l'Académie française en 2015.
       La parole d'un auteur algérien, ingénieur et docteur en économie, ex-haut fonctionnaire - révoqué, bien sûr, pour ses prises de position jugées anti-arabes...-, pour nous convaincre que le mouvement islamiste comporte les mêmes risques pour l'Occident que le nazisme en 1930....

       Boualem Sansal vit toujours, à ses risques et périls, en Algérie, où il veut participer à la démocratisation de son pays.



1954-2020 " Les Toussaint Rouges "
Par M. Gérard Bourgeonnier
Envoyé par Mme Leonelli


         Comme moi mes chers Camarades, et vous mes Amis Français d'Algérie il ne vous aura pas échappé, la similitude et le rappel de souvenirs douloureux de ces deux dates.

         Vous et nous n'avons sans doute pas oublié ce réveil brutal au matin du 1er novembre 1954 par une série d'attentats (70) dans toute l'Algérie Elle sera baptisée " la Toussaint rouge ". C'était le signal d'une guerre de près de huit années, qui allait marquer à jamais près de deux millions de jeunes gens appelés pour un service national bien particulier. Ce sera un conflit qui mettra 44 ans pour avouer son nom : celui de GUERRE. Ce sera pour enfin reconnaître en 1999 aux 27 000 appelés tombés ou disparus sur ce sol français : un droit. Celui de la reconnaissance et l'appellation : de " Morts pour la France " inscrite sur les registres d'état civil et monuments aux morts de nos villes et villages.

         Comme dans toutes ces guerres dites " révolutionnaires " ce sont les intellectuels, les médecins, les enseignants qui en seront les premières victimes. C'est ce couple de jeunes instituteurs, tout juste débarqués de métropole, tombés dans une embuscade près d'Aris qui ouvrira la liste de 76 enseignants assassinés entre le 1er novembre 1954 et le 5 juillet 1962.

         Au cours des milliers de kilomètres de djebels que nous avons parcourus, ce fut la constatation de centaines d'habitations, de fermes, d'écoles incendiées. Une action concertée, d'envergure, afin de faire disparaître la civilisation, l'alphabétisation, la langue française dispensée depuis un siècle dans ces départements français d'alors. Comme dans toutes les possessions Françaises de l'époque c'est la culture, le savoir qu'il fallait détruire, anéantir, au nom d'une indépendance et d'une idéologie communiste.
         En dehors des missions de lutte et de combats, contre la rébellion qui étaient la raison de notre présence (près de 400 000 hommes en 1958-1959) ce sont de nombreux officiers appelés qui remplaceront dans les SAS, ces enseignants disparus. Ils remplaceront également les maires locaux fidèles à la France, eux aussi assassinés. Ils soigneront, administreront et protégeront les récoltes et la nourriture des pillages par le FLN au détriment des populations.

Cela nous vaudra en 2017 et récemment encore, les qualificatifs
de " Barbares, et de criminels contre l'humanité "

         Tout au long de ces années, dans nos unités qui comptaient des Français de Souche Nord-Africaine (FSNA) environ 5 à 10 % la religion n'était apparue et ne posait aucun problème. La nourriture (ration type M) et boissons étaient respectées, sans exigences particulières de prières ou de Ramadan.

         Ce n'est que 30 ans après l'indépendance que la couleur politique et la lutte pour le pouvoir provoqueront l'hécatombe des années quatre-vingt-dix entre les différents mouvements de libération. C'est là qu'apparut la fraction mortifère et expansionniste de la religion musulmane. Nos malheureux moines de Tibhirine ne recherchaient pas l'évangélisation de l'Algérie, mais le bien-être des populations. Ils furent (enlevés par le FLN) les premiers décapités (post-mortem) d'une longue série.

         Alors comment ne pas faire le rapprochement aujourd'hui en cette Toussaint Rouge 2020 : cela pour deux raisons :
         La première, provoquée par un ennemi invisible, un virus invaincu à ce jour qui affiche cette couleur dans l'ensemble du pays et le paralyse dans un immobilisme et une peur irraisonnée depuis des mois.
         La seconde, par un virus dont on connaît parfaitement l'origine et les remèdes. Il s'est répandu avec la complicité et bénédiction de nos édiles comme une pieuvre dotée de milliers de tentacules pendant des années sans que les avertissements, les mises en garde soient entendues.

         Ce virus ressemble à s'y méprendre à celui de 1954 en Algérie dont on connaît la finalité.
         La guerre est déclarée nous dit-on, comme en 40, il ne manque pas un bouton à notre équipement : seul l'indispensable fait défaut : la volonté de réagir et d'agir pour affronter la vérité, la réalité des faits.

         Malgré la répétition, la gravité, de ces actes de barbarie dans le pays des droits de l'homme en l'absence des devoirs : les réponses restent toujours les mêmes : des discours lénifiants, des promesses sans lendemain, des fleurs, des bougies, des marches blanches qui seront oubliées dans quelques semaines.
         Comble de l'imposture, certains journalistes bien-pensants ont encore l'audace de déplorer la mort des assaillants.

         En d'autres temps, certains de nos Grands-pères sont été fusillés pour n'avoir pu sortir de la tranchée sous la puissance de la mitraille : c'était au chemin des dames en 1917.
         Aujourd'hui, je suis surpris d'entendre nos petits enfants se plaindre de ne pouvoir " faire la fête " pendant quelque temps. Il faudrait leur expliquer qu'au même âge après 28 à 30 mois de " vacances " en Algérie : les séquelles morales et physiques pour beaucoup d'entre nous avaient coupé temporairement ou définitivement l'envie " de faire la fête ". C'est l'occasion de leur dire que le cancer qui ronge actuellement notre pays qui développe des métastases dans l'ensemble de nos institutions va nécessiter certains sacrifices pour le sauver.
         A notre âge plus question de jouer les éclaireurs de pointe. Peut-être encore du service dans la réserve citoyenne, gardien des écoles ou des églises pour ne pas renoncer à notre dernier devoir.

         Ce soir mes chers Camarades, et mes chers Amis, j'ai mal à ma France en voyant ce sang d'innocents qui coule dans nos rues, nos écoles, nos églises. Jamais je n'aurais imaginé, il y a 60 ans revoir ces horreurs sur notre sol. Une ultime punition en ce jour d'hommages à nos défunts : ne pouvoir, pour certains, fleurir leurs tombes abandonnées ou outragées en Algérie. Les cloches ne sonnent plus les heures ou les messes, mais le glas de notre société qui sombre dans le néant. Mes yeux s'embuent à la vue de notre drapeau qui brûle, de notre hymne national qui est conspué, des lois de la République qui sont bafouées sans que notre justice ne sanctionne.

         Tout cela dans une passivité coupable de nos concitoyens. Ils regardent passer le train de la démocratie et des libertés sans réaliser qu'il ne passera pas une deuxième fois.
         Je tremble pour l'avenir de mes petits-enfants.

         Dernière minute, à Lyon un archiprêtre orthodoxe est gravement blessé par balles.

Gérard Bourgeonnier - Cherchell 801
Aix en Provence, le 1er novembre 2020


Les nouveaux porteurs de valises.
Par M. Robert Charles PUIG
" Grande est la force de l'habitude qui hébète nos sens ! " Montaigne.


       J'observe notre monde, notre République et cela ne m'inspire que de la tristesse et de la honte car nous en sommes là, encadrés par des porteurs de valises d'un style nouveau. Bien entendu, ce titre, " porteur de valise " nous rappelle une période tragique, un temps où des français, traîtres à la France faisaient le jeu d'un FLN terroriste, un tueur de civils en Algérie.

       Pourquoi ce titre ? Parce que de nos jours, après la décapitation de ce professeur d'un collège, en France, j'ai cru que nos dirigeants, que le premier d'entre-eux avait compris et que son discours à la Sorbonne amenait un changement dans la façon de conduire nos actions contre le djihadisme, l'islam radical et consorts... Comme mal m'a pris de croire au changement de politique envers l'Orient ! Il a suffit que le Qatar éternue, que d'autres pays arabes s'emballent contre la République française et vite, très vite il n'a fallut que quelques heures pour que le premier homme du pays, je n'ose pas dire la France, se plie devant une chaîne TV arabe et tente d'expliquer que ses propos, le jour de la Sorbonne, n'étaient pas ce qu'il fallait entendre... Il y avait des nuances, plein de nuances et que l'islam était toujours roi dans nos rues et nos banlieues.
       C'était une première veste retournée... la seule ?
       Non, cela ne suffisait pas. Alors J-Y le Drian a pris une suite et le voilà en Égypte pour expliquer que le texte de la Sorbonne, les propos des LREM après la décapitation et les meurtres de Nice, ce n'est pas grave, semble-t-il dire, car l'islam en ce pays d'Occident, chez nous n'est pas comparé à l'islam qui tue.

       Moi, je veux bien, mais rien ne me prouve le contraire à ce jour et je pense dire sans me tromper qu'il n'y a qu'un seul islam avec une seule et unique loi : la charia !
       Donc, sans prendre des gants, ne fallait-il pas mieux expliquer à ces dirigeants étrangers d'Orient, que la France compte plus de 270 personnes tuées sur son territoire au " nom de l'islam " ; qu'il y a eu des personnes décapitées comme pour la fête de l'Aïd et que tous ces martyrs ont été assassinés au " nom de l'islam " et que nous n'acceptons " ni " l'insulte, " ni " la menace... Enfin un " ni-ni " qui aurait eu de la valeur ! Alors... avant de jeter la pierre sur la République française qui reçoit tellement de migrants, avant de jouer la fille effarouchée, que tous ces pays arabes balaient devant leurs mosquées et se demander pourquoi ils ne font rien pour conserver leurs tueurs ? Pourquoi, tous ces pays au nom de l'islam laissent faire en Occident, en France, ce qu'ils interdisent chez eux ?

       Nous sommes loin de trouver chez ces pays d'Orient la moindre compréhension à comprendre que nous devons non seulement nous défendre mais AGIR d'autant plus rapidement que ce n'est pas avec la méthode mollassonne de nos élus que nous rendrons à la France son honneur de grande Nation et savent-ils qu'il y a des limites que l'étranger doit respecter : notre droit et si des personnes ne veulent pas le respecter, elles n'ont rien à faire dans nos murs.
       Bien entendu, ce que j'indique là, ce n'est pas ce que notre gouvernement est capable de faire avec son langage à double face et sa soumission tellement voyante à l'Orient ! J'attendais autre chose de nos élus. J'ai que ce que je pensais, en souhaitant me tromper, mais mon doute avait sa raison d'être, hélas.
       Notre pays est lâche de ses élus et c'est grave pour notre devenir.

       Aujourd'hui les voilà tous à Colombey-les-deux-églises... Une commémoration... Chercher chez De Gaulle une inspiration nouvelle pour quoi, pour qui ? Je suis effrayé de constater combien beaucoup l'honorent sans voir l'autre facette de cette figure d'un autre siècle qui a peut-être sauvé le pays... peut-être, mais avec l'armée d'Afrique qu'il oublie dans ses écrits; avec son mépris devant tous les morts d'Algérie en bernant les Pieds-noirs et les musulmans fidèles aux trois couleurs de notre drapeau... Je veux bien, et c'est leurs oignons, de croire encore et toujours en " le général ", mais qu'ils ouvrent les yeux, au moins sur les années de feux en Algérie, qu'ils réfléchissent aux morts nombreux de ce conflit algérien et qu'ils se rendent compte que le pantalon baissé de la République face au FLN a fait de nous cette cible d'aujourd'hui aux pires excès d'un terrorisme islamiste qui se rend compte que nous sommes une proie facile, faible de notre progressisme pacifique.

       Donc, après ces derniers attentats, pas de justice implacable, pas de respect pour notre droit, pas de fermeté dans nos actions... justes de nouveaux porteurs de valises qui, dans leurs bagages, offrent la soumission du pays à l'Orient.

Robert Charles PUIG / novembre 2020       
      


Le bateau ivre.
Par M. Robert Charles PUIG


       C'est Rimbaud dans la tourmente des flots sauvages ou dorés... Trouve-t-il une sortie à son voyage ? Il navigue... De nos jours nous avons d'autres marins qui sur les flots de la politique essaient de tenir la barre d'un gouvernail qui leur échappe des mains...
       Covid-19 et l'insécurité envahissent notre terre, donnent à notre sol républicain l'allure d'un champ de mines où il faut avancer, louvoyer devrais-je dire, mais nos politiciens connaissent-ils l'art de la navigation ? Ils passent d'un propos à l'autre, hésitent, changent de cap à l'envie des tempêtes venues d'Orient et c'est grave pour notre République, en France.

       Je me souviens du discours de Macron à la Sorbonne. Un discours qui paraissait correspondre à l'attente des français après le lâche assassinat, la décapitation d'un professeur qui voulait enseigner la liberté, la libre expression dans une France souveraine... J'ai écouté et je me suis demandé si des actes suivraient l'annonce, puis il y a eu Nice. Encore des " Allah akbar ", encore un couteau islamiste et des morts, presque des égorgements et des décapitations... J'ai cru que la République réagirait, ferait face et condamnerait par des actes forts, et non que par des paroles.

       Le pouvoir avait trop parlé, avait trop semblé intransigeant contre le mal, trop français, trop patriote et cela ne plaisait pas à l'Orient qui s'est élevé contre les propos présidentiels qui gênaient l'islam des banlieues, la salafisme de certaines régions ou territoires... sur notre sol !
       Alors il a fallu mettre la pédale douce sur les propos exprimés...

       De la part du président, une émission à une télévision orientale et une prise de position qui annihile les paroles de la Sorbonne, coupe court à cette idée d'être une République qui s'élève contre le crime... Nous devenons après les tragiques événements une République qui se soumet, qui plaide par l'intermédiaire du président l'excuse et la soumission, un quasi-pardon des mots dits, maudits par l'islam. Est-ce suffisant comme humilité cet asservissement de la République dans une France qui pleure ses martyrs ? Non ! Jean-Yves le Drian en Égypte puis Darmanin au Maghreb, Maroc, Tunisie puis Algérie vont plaider la repentance, l'excuse et pire pour le ministre de l'intérieur, il s'incline au monument des barbares, à Alger.
       Ainsi va une République si peu orgueilleuse d'être la France. Nous payons comptant des années où nous avons laissé faire un islam dévoyé, porteur des miasmes d'une religion qui ne connaît que la loi d'Allah contre les lois de la Constitution française, qui ne veut imposer ses rites orientaux contre la liberté de l'Occident.
       Aujourd'hui où va-t-on entre un Covid-19 mal géré, mal circonscrit et une insécurité qui n'a jamais été aussi forte, aussi dangereuse... Des meurtres pas si gratuits que ça qui s'attaquent à l'Éducation nationale et à notre première religion française, la Chrétienté !

       Ne l'oublions pas ! Cela fait des années que des personnes de bonne volonté évoquent cette crise de nos valeurs occidentales face à l'offensive orientale, mais rien ni fait. Ceux qui alertent sont les coupables qu'il faut éliminer. Seuls ceux qui s'inclinent au progressisme nouveau et parrainent l'islamisme radical sont respectés et peuvent s'exprimer dans les médias, être au parlement ou dans des obédiences secrètes pour nous préparer le grand chambardement : la fin de France.

       Prenons les dernières mesures de notre gouvernement. Il a transformé son texte sur le " Séparatisme " en un texte sur les " Séparatismes " incluant toute une gamme de décisions assouplissant l'idée de combattre le terrorisme de Dae'ch et d'al Qaïda en des mesurettes plus floues, moins visibles, plus contournables... L'islam montre sa puissance et fera semblant de s'incliner à la demande du président. Depuis l'Élysée, en réunissant les membres du CFCM, il croit détenir l'arme suprême pour éviter de voir le salafiste radical, révolutionnaire, nous envahir, mais il " donne " quatre ans pour que cela change, quatre ans pour que les imams turcs, algériens ou marocains ne soient plus dans le paysage français... Quatre ans ! Le temps long avec un CFCM (Conseil français du culte musulman) qui prend ses directives à l'étranger, ses ordres chez les frères musulmans ou dans les sphères wahhabites... Nous sommes loin d'une République de l'Ordre, du Droit et de la Sécurité. Nous sommes mains et pieds liés à un gouvernement qui joue le bateau ivre et qui navigue à vue avec une tendance à croire depuis Manuel Valls, à un islam de France. ERREUR !

Robert Charles PUIG / novembre 2020       
      


Lettre d'information - novembre 2020
www.asafrance.fr
Envoyée Par l'ASAF
      

       Avec la crise économique et financière qu’engendre la Covid, le terrorisme qui frappe, l’impuissance stratégique de l’Europe et les ambitions croissantes de certaines puissances, la France vit une période difficile qui risque de durer et probablement durcir. Il ne s’agit pas de jouer les oiseaux de mauvais augure mais de regarder les réalités en face. Dire les choses telles qu’elles sont suscite parfois des critiques, mais permet de libérer les énergies, de tendre les volontés, de susciter le dépassement de soi et d’exiger la discipline. Encore faut-il que le but soit clair et que les chefs montrent l’exemple. Aujourd’hui le temps n’est plus aux discours filandreux mais aux propos clairs et brefs, à la mobilisation et à l’engagement de tous.

       Pourquoi agir ?

       Aucune victoire dans la guerre contre l’islamisme ou dans la lutte contre la Covid ne sera acquise sans l’engagement déterminé de chaque Français. S’il faut naturellement des chefs clairvoyants et courageux, une armée, des forces de sécurité et un service de santé efficaces, l’adhésion et le soutien de toute la Nation sont indispensables, car chacun d’entre nous porte une part de son destin. Chacun doit donc prendre conscience de la situation et savoir ce qu’il peut et doit faire, dans l’action collective, pour servir au mieux le bien commun et rejeter les intérêts personnels, catégoriels ou communautaristes.
       Les Grecs nous ont appris que l’indépendance de la Nation est la première condition de la liberté individuelle. Cette liberté est fille de la victoire sur ce qui peut nous asservir politiquement, économiquement ou religieusement. La condition pour rester libres individuellement est d’abord de combattre collectivement et, dans ces combats où la France est engagée, il importe que tous les citoyens se réarment moralement et agissent localement.

       Agir face au virus

       Chacun d’entre nous a le devoir d’appliquer rigoureusement les mesures d’hygiène de base inlassablement répétées depuis des mois, pour au moins une raison : si un attentat important se déroulait à nouveau, pourrions-nous accueillir dans les services d’urgence les dizaines voire les centaines de blessés gravement atteints alors que nos hôpitaux sont à flux tendu ? Il conviendrait déjà de retrouver dès à présent des capacités en réserve de réanimation. Cela dépend uniquement de l’application stricte, par chacun de nous, de ce qu’il est convenu d’appeler les gestes barrières. C’est simple, peu onéreux et efficace.

       S’armer contre la désinformation

       Les moyens de communication massifs et non contrôlés facilitent la guerre informationnelle capable de déstabiliser, endoctriner voire terroriser la population. Cette action psychologique via les médias vise à miner notre volonté de résistance. Simultanément, la plupart des mass media répandent l’idéologie de la déconstruction et de la repentance renforçant l’action de nos ennemis et agissant ainsi comme de véritables collaborateurs de ce nouveau totalitarisme. Il faut donc prendre conscience de cette action subversive et sensibiliser notre entourage à cette réalité peu perceptible mais mortifère qui s’attaque insidieusement à la volonté de combattre de chacun d’entre nous. Il nous faut être vigilants : la vérification de la source des informations et de leur crédibilité doit être systématique. Cela passe par un enrichissement permanent de notre culture générale par la lecture et la visite de sites fiables.
       Lutter contre le défaitisme et le neutralisme, le doute et la démission, et renforcer nos forces morales, notre volonté de combattre et de vaincre comme ont su si bien le faire nos aïeux durant les deux guerres mondiales, est le premier acte de résistance. Ils se sont battus pour nous laisser un pays libre ; à notre tour de faire front et vaincre pour laisser en héritage à nos enfants un pays toujours libre et prospère.

       Combattre par le renseignement

       De même que les armées combattent les islamistes à l’extérieur du territoire national et les forces de sécurité sur le sol métropolitain, les services de renseignement - DGSE et DGSI - mènent des actions « de renseignement et d’entrave » en amont pour réduire les risques d’attentats. En effet, la recherche de renseignement est un élément clef du succès dans cette guerre ; tous les citoyens ont dans ce domaine un rôle important à jouer en ayant « le réflexe de signalement. Chacun doit se sentir acteur dans la lutte antiterroriste ».

       Là où nous sommes - quartier, village, zone pavillonnaire -, il ne s’agit pas de jouer à James Bond, mais de relever les comportements inhabituels et autres indices suspects susceptibles d’orienter la recherche de renseignements plus précis par les services spécialisés. C’est à la portée de chacun de faire preuve de vigilance en regardant avec plus d’attention quand il sort dans la rue. « Observer et rendre compte » aujourd’hui au numéro vert de la DGSI, qui figure sur internet, est un acte de combat. En agissant ainsi, chacun participe directement à la défense de la cité, c'est-à-dire de la France. Ce civisme opérationnel, qui s’appuie sur un réarmement moral, constitue un véritable soutien aux formations militaires et policières. En tenue civile, chaque citoyen doit être un combattant ; il s’agit là d’un véritable service national.

       S’engager avec l’ASAF

       L’ASAF, association indépendante, contribue au réarmement moral des citoyens. Elle place le service des intérêts supérieurs du pays au cœur de son action. Elle doit se développer pour participer plus efficacement à l’action civique opérationnelle conformément à sa finalité de soutien à l’armée et aux forces de sécurité. Grâce à vous, elle doit renforcer son maillage local en suscitant l’adhésion massive de tous nos compatriotes - civils, réservistes, anciens militaires, volontaires - qui veulent agir et servir la France.

La RÉDACTION de l’ASAF
www.asafrance.fr


Le p'tit Juju...Il a du répondant !!
Envoyé par Annie


       Un enseignant "de gauche" a demandé aux élèves de sa classe combien d'entre eux étaient des fans de Jean Luc MELENCHON
       Ne sachant pas vraiment ce qu'est un fan de MELENCHON, mais voulant être aimés de l'enseignant, tous les enfants ont levé la main, à l'exception du petit Julien.
       L'enseignant a demandé au petit Julien "Pourquoi as-tu décidé d'être différent ... encore une fois ? "
       Petit Julien a dit : « Parce que je ne suis pas un fan de MELENCHON"
       Le professeur a demandé : "Pourquoi n'es-tu pas un fan de MELENCHON?"
       Julien a dit : « Parce que je suis de droite »
       Le professeur lui a alors demandé pourquoi il est de droite
       Le petit Julien répondit: « Eh bien, ma mère est de droite, mon père est de droite, alors je suis de droite. »
       Le professeur, agacé par sa réponse, lui demanda : "Si ta mère était une idiote et ton père un crétin, tu serais quoi ?"

       Le petit Julien a répondu: « Un fan de MELENCHON » !

       A votre avis : Qui est le provocateur qui ridiculise le "pauvre Mélenchon", celui qui pose des questions idiotes d'enseignant crétin et provocateur ou celui qui donne des réponses logiques d'enfant ?
       Qui respecte la liberté d'expression ? - Qui est irrespectueux ?



" En démocratie,
c'est l'homme qui fait la loi,
en islam, c'est Dieu "

Par le Général (2s) Antoine Martinez
Envoyé par Mme A. Bouhier

Si le discours sur le séparatisme islamique du président de la République, par son diagnostic, a donné l'impression d'une prise de conscience de la menace dont il a stigmatisé et dénoncé les manifestations, il est cependant désespérant et consternant de constater les conclusions qu'il en tire et les remèdes inadaptés qu'il préconise.

         Ses propositions révèlent chez lui, en effet, non seulement une grave méconnaissance de l'islam, mais un reniement absolu de la patrie qui est consubstantiel à cette idéologie mondialiste et progressiste prônée par l'oligarchie financière apatride dont il est le parfait représentant. Le drame qui vient de frapper la France avec ce professeur qui a perdu la vie dans des conditions atroces et barbares témoigne du décalage abyssal entre la réalité de la menace et les solutions avancées.

         Au préalable, deux observations doivent être formulées . La première porte sur le choix du terme " séparatisme " qui constitue un aveu d'échec pour nos dirigeants puisqu'il marque une totale détermination chez ceux à qui il s'applique à refuser le vivre-ensemble et à vouloir donc se séparer. La seconde concerne l'absence de lucidité ou de réalisme et le manque de courage du Chef de l'Etat pour nommer les choses : il parle de séparatisme islamiste au lieu de séparatisme islamique pour ne pas parler de communautarisme, conséquence de l'islamisation du pays elle-même conséquence d'une immigration maghrébine et africaine débridée et délirante. A aucun moment il n'a évoqué cette immigration massive, le cœur du sujet, dont il faut noter l'hostilité à notre égard et qui continuera d'alimenter, si elle n'est pas stoppée, l'islamisation du pays et le martyre programmé pour la France.

         Par ailleurs, il faut rappeler une réalité probablement désagréable à entendre mais qui est essentielle car elle révèle l'incompatibilité de cette immigration avec notre civilisation , notre culture, nos traditions, nos modes de vie, nos valeurs que précisément elle refuse. Il n'est tout de même pas difficile de comprendre - l'actualité quotidienne nous le démontre - que sous les coups de boutoir d'une radicalisation des esprits d'une partie de plus en plus importante de cette immigration nous courrons au-devant de lendemains douloureux car sa culture n'est pas celle de notre conception chrétienne de la liberté, de la dignité et du respect de la personne humaine et de la distinction des pouvoirs ; des valeurs universelles léguées par notre civilisation gréco-romaine et chrétienne, celles de nos racines : Athènes, Rome et Jérusalem.

         Cette immigration aurait dû réaliser et prendre conscience que la misère dans laquelle elle vivait avant de rejoindre notre pays est la conséquence de sa culture fermée à la connaissance, au progrès et à l'émancipation. Elle aurait dû en tirer les conséquences, c'est à dire adhérer pleinement à la société qui l'a accueillie et qui lui a offert des conditions de vie décentes pour donner à ses enfants des perspectives de réussite dans une nouvelle culture. Malheureusement si cette démarche est envisageable pour des individus, elle ne l'est pas pour des peuples.

         Cette démarche est d'autant moins concevable que cette immigration de masse - sujet central mais que le président de la République n'évoque pourtant à aucun moment - est non seulement incompatible avec nos valeurs mais hostile à notre culture. Par ailleurs, cette hostilité ne cesse de croître depuis au moins l'attentat de Charlie Hebdo et ne concerne pas seulement des jeunes issus de l'immigration mais leurs parents car ils sont éduqués dans leurs familles dans la haine de la France et des Français. L'horrible disparition de ce professeur due à ce qu'on peut qualifier de véritable appel au meurtre lancé par ces familles illustre parfaitement cette réalité. Ne pas dénoncer cet embrigadement et ne pas reconnaître l'existence de ce djihad aveugle et barbare sur notre propre sol proclamé et appliqué par la stratégie terroriste édictée par l'Etat islamique et ne pas en tirer les conséquences est coupable et criminel. Des agressions violentes de toutes sortes y compris au couteau avec la volonté de tuer, des meurtres ou des assassinats à caractère raciste et anti-français destinés à terroriser la population sont, en effet, quotidiens. Mais, le Chef de l'Etat - est-ce de l'inconscience, de la naïveté ou au contraire du cynisme - est prêt à passer un pacte avec le diable pour installer un " islam de France ", un islam des Lumières !

         Mais ce n'est pas le rôle de l'Etat d'organiser un culte qui, de plus, véhicule une culture de mort à l'égard des incroyants et de tous ceux qui ne sont pas musulmans et qui, de surcroît, affirme la primauté de la loi coranique sur la loi de la République.

         Le président se fourvoie gravement en pensant que l'islamisme est le dévoiement de l'islam alors qu'il en est sa mise en action. Le drame horrible qui vient de frapper la France avec l'odieux assassinat dans des conditions atroces et barbares de ce professeur d'histoire en est la démonstration. Quant à l'islam des Lumières , c'est une vaste plaisanterie, une ineptie contraire à la nature profonde de cette idéologie totalitaire et conquérante. Il faut bien être conscient que les populations islamiques ne se fondront jamais dans la communauté nationale car cela signifierait l'abandon de la loi islamique, la charia, ce qui est exclu pour elles.

         Alors, non Monsieur le Président, l'islam n'est pas compatible avec la démocratie , avec les valeurs que porte la France et c'est simple à démontrer : en démocratie, c'est l'homme qui fait la loi. En islam, c'est Dieu qui a fait la loi , et il n'est pas permis à l'homme de la changer car elle est définitivement inscrite dans le Coran.

         C'est pourquoi vous n'obtiendrez jamais une réforme de l'islam. Pour comprendre cette guerre qui est menée sur notre propre sol contre ce que représente la France et que vous vous obstinez à ignorer, il faut aller à la racine du mal, c'est à dire dans les textes fondateurs de l'islam et notamment dans le Coran - incompatible avec notre Constitution - qui appelle au meurtre des infidèles, institutionnalise l'infériorité de la femme et refuse la séparation du spirituel et du temporel. Le discours tenu par ceux avec qui vous voulez pactiser n'est donc que manipulation, enfumage et mensonge. En vous focalisant sur les symptômes et non sur les causes et en en tirant des conclusions erronées conduisant à des mesures contraires au bien commun et à l'intérêt de la nation vous ne faîtes qu'aggraver les choses …… Et lorsque confronté à la réalité avec la mort de ce professeur vous déclarez : " ils ne passeront pas ", vous êtes dans le déni car ils sont passés depuis longtemps, ils sont même dans la place. Il en est de même quand vous invoquez " notre histoire commune ". Vous êtes encore dans le déni car c'est précisément parce que notre histoire n'est pas commune que la cohabitation, que le vivre-ensemble avec ceux qui nous veulent du mal est impossible.

         Devant l'évidence de la grande tragédie qui s'annonce, le Chef de l'Etat ne semble pas en avoir pris la mesure. Dans ma lettre ouverte du 13 mars 2018, je lui indiquais que sa prudence, comme celle manifestée par ses prédécesseurs sur certains thèmes comme l'immigration, résonnait, dans le rapport de forces engagé par l'islam et auquel il n'échapperait pas, comme un renoncement à affronter l'esprit totalitaire ( https://volontaires-france.fr/lettre-ouverte-au-president-de-la-republique/ ).

         Nous y sommes à présent, il ne peut pas échapper à ce rapport de forces. Cela dit, les Français se trouvent placés aujourd'hui, malgré eux, dans une situation cornélienne : la soumission à son remplacement déjà engagé en raison de la lächeté de ses dirigeants démontrée depuis de nombreuses années, c'est à dire son suicide, ou le réveil, le sursaut en se mobilisant massivement pour refuser ce funeste horizon. La mort de la France ou sa résurrection… La résignation et l'acceptation de la guerre civile et ethnique ou le renvoi au pays, c'est à dire la remigration des prédateurs pour préserver la paix et l'unité du pays, une paix intenable dans le cas de la présence de deux civilisations antagonistes sur un même sol. Ce sera donc eux ou nous.

         L'Histoire est tragique et le destin d'une nation et d'un peuple ne peut pas s'affranchir à certains moments critiques de démolitions, de renversements ordonnés suivis de reconstructions et d'embellissements. Nous sommes dans ce moment critique aujourd'hui pour notre France fracturée, défigurée et martyrisée, à cette croisée des chemins où le choix de la voie à prendre est capital et exige de ne pas reculer car c'est de la survie même de notre nation, de notre civilisation dont il s'agit.

         Alors, sauf à nier l'évidence, la démonstration de l'incompatibilité de l'islam avec la démocratie et avec nos valeurs et de l'impossibilité de la cohabitation de deux civilisations sur un même sol étant faite, il appartient à nos dirigeants politiques d'adopter et d'appliquer des mesures fortes pour éviter la libanisation du pays.

         Il faut donc stopper rapidement l'immigration de culture islamique, puis, en appliquant strictement les lois de la République, inverser le flux migratoire et se séparer de ceux dont la présence sur notre territoire est illégale et n'ont donc pas le droit de s'y maintenir et de ceux qui haïssent la France et les Français et qui sont invités ainsi à aller s'épanouir dans un pays de même culture.

         Il serait donc suicidaire de poursuivre dans la voie préconisée par le Chef de l'Etat c'est à dire aider l'islam à se structurer dans notre pays .

         A-t-on déjà vu quelqu'un aider son ennemi à le détruire ? - Il faut au contraire appliquer un principe de précaution pour empêcher cette idéologie mortifère, ce corpus politico-juridico-politique totalitaire qui veut notre mort de s'installer en France et tout faire pour le pousser vers la sortie. - Une mosquée n'est pas un lieu de culte au sens communément admis, c'est un lieu où on prêche la charia, la loi islamique, totalement contraire à nos valeurs et qui appelle à combattre et à tuer les non-musulmans .

         La réponse à y apporter est donc claire si on veut être cohérent pour protéger la vie des Français et sauvegarder notre civilisation.

         Le président de la République voudrait, en outre, instaurer l'apprentissage de l'arabe à l'école. - Pour combattre l'islamisme il faudrait donc plus d'islam ? - C'est une pure folie car n'est-ce pas ainsi participer, collaborer, accélérer l'islamisation du pays pourtant contraire à l'intérêt de la nation française ? - Enfin, on ne peut être que dubitatif sur l'emploi par le Chef de l'Etat de formules comme " faire aimer la République " ou " patriotisme républicain "……. Comme toute la classe politique actuelle, il ne cesse de nous parler de république, de pacte républicain, de valeurs républicaines … Mais c'est la France qu'il faut faire aimer, c'est elle notre mère, c'est elle qu'il faut aimer plus que tout. Quant au patriotisme républicain, cela ne veut rien dire.

         Le patriotisme c'est le patriotisme, c'est ce qui ramène à la patrie, précisément à la mère patrie, c'est à dire à l'ensemble des biens que nous avons reçus de nos pères en héritage. Et la patrie établit un lien réel entre l'aspect spirituel et l'aspect matériel, c'est à dire entre la culture et le territoire. C'est la raison pour laquelle deux civilisations ne peuvent pas cohabiter paisiblement sur un même sol.

         L'acte barbare dont a été victime ce professeur illustre parfaitement cette haine viscérale de la France et de ce qu'elle représente pour cette lèpre islamique tolérée, voire favorisée sur notre sol par la lâcheté et la compromission de trop nombreux dirigeants politiques et d'élus. Après l'hommage rendu à cette victime innocente, après les déclarations incantatoires et les promesses, soyons lucides: les actes, comme à l'accoutumée, ne suivront pas.

         C'est donc au peuple français de s'exprimer pour refuser sa soumission et manifester en masse pour s'opposer à cette culture de mort qui n'a pas sa place sur notre sol.

         Mes grandes orientations pour la France présentées récemment contiennent des mesures fortes (pages 20 et 21) propres à s'y opposer et provoquer la rupture nécessaire. Il faut les appliquer .

         Demain, il sera trop tard……

Général (2s) Antoine MARTINEZ
Président des Volontaires Pour la France
Le 2 novembre 2020



LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.
             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens de faire des mises à jour et d'ajouter Oued-Zenati, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.
             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.
             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Clauzel, Duvivier, Duzerville, Guelaat-Bou-Sba, Guelma, Helliopolis, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Oued-Zenati, Penthièvre, Petit et Randon, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :

 LA VILLE DE BÔNE A SUBI UNE MISE A JOUR TRES IMPORTANTE
AU MOIS D'AOUT 2020   

CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 


Le général Maurice Faivre
est mort


"Chers(es) amis (es),
       Une très triste nouvelle Le général Maurice Faivre n'est plus. Sa vie peut se résumer en trois mots : Français, Soldat, Chrétien. Français il aimait sa Patrie de tout cœur. Encore adolescent, engagé dans le scoutisme, il fut aux côtés de son père dans la Résistance.

       Soldat, il combattit pour la liberté en Algérie contre le terrorisme islamiste et ensuite face au totalitarisme soviétique au sein de nos Services de Renseignements. Il s'efforça aussi de sauver ses harkis et de faciliter leur venue en France. Il fut indéfectiblement fidèle à l'honneur militaire qui commande de ne pas abandonner ses compagnons d'armes à l'ennemi.
       Plus tard, historien militaire, il combattit la politique de la Repentance par laquelle certains cherchent à culpabiliser le peuple de France et à abaisser notre pays. Chrétien, il puisait en sa foi catholique l'énergie et la mesure indispensables à l'action.

       Ainsi fut-il dans son secteur en Algérie de ceux qui interdisaient la torture, comme d'ailleurs 90% des cadres de notre Armée. Il montra ainsi que, d'une situation complexe, on peut toujours tenter de sortir par le haut. Sans donner de leçons, sans condamner quiconque, sans tapage ou mises en cause spectaculaires, quotidiennement et fermement, il donna l'exemple.
       Un grand Monsieur nous a quittés ; il nous manquera beaucoup.
              Jean Monneret
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NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers


LUTTE CONTRE LA PANDÉMIE DE COVID-19
À ANNABA

Envoyé par Julien
https://www.liberte-algerie.com/est/vaste-operation-de-nettoiement-a-travers-les-quartiers-del-bouni-349104


Par le matin d'Algérie - l Par M. A. ALLIA le 17-11-2020

Vaste opération de nettoiement
à travers les quartiers d’El-Bouni

        Dans le cadre de la lutte contre la propagation de la pandémie de Covid-19, une vaste opération de nettoiement et de désinfection a été lancée, hier matin, à travers la ville d’El-Bouni.

        Initiée par la daïra en coordination avec les services techniques communaux locaux, cette action a concerné toutes les rues et ruelles, ainsi que les espaces publics et les bâtiments administratifs de cette importante agglomération de la wilaya d’Annaba. De même qu’elle a touché les cités périphériques de Boukhadra I, II et III et Sidi Salem, dont les habitants se sont massivement mobilisés aux côtés des équipes de nettoyage.

        Ainsi, les agents de la commune, en collaboration avec les éléments de la Protection civile et des services de sécurité, les autorités, des élus locaux et des représentants d’associations de quartier, ont procédé au lavage à grande eau et à la stérilisation des espaces ciblés. S’exprimant à propos de cette opération qui devrait se répéter à travers les 12 communes de la wilaya, le chef de daïra d’El-Bouni assure qu’il ne s’agit pas là d’une campagne conjoncturelle. “Nous souhaitons, à travers ces actions de proximité qui entrent dans le cadre des mesures préventives de lutte contre la propagation du nouveau coronavirus, que les citoyens s’imprègnent de la culture de stérilisation et des comportements d’hygiène et de distanciation et que ceux-ci accordent désormais plus d’intérêt à ces gestes basiques”, a souhaité ce responsable.

        Rappelons qu’une opération similaire a eu lieu le week-end dernier à Annaba, où les moyens humains et matériels des entreprises étatiques et privées ont été mobilisés avec en plus la participation des directions de l’hydraulique, des travaux publics et de l’OPGI. Une source proche de la wilaya a assuré que cette action de toilettage et d’aseptisation sera suivie par des travaux d’embellissement et d’aménagement des espaces verts et des aires de jeux au niveau des différents quartiers de la ville chef-lieu.
A. Allia           


NACER DJABI, SOCIOLOGUE

Envoyé par Hervé
https://www.liberte-algerie.com/actualite/le-peuple-a-rompu-avec-le-systeme-349145

Par Liberté Algérie - par Mohamed IOUANOUGHÈNE ET Karim BENAMAR le 17-11-2020

“Le peuple a rompu avec le système”

           Dans cet entretien, le sociologue Nacer Djabi, analyse les résultats du dernier référendum pour la Constitution. S’il est admis que les grandes villes, la Kabylie et la diaspora sont traditionnellement réfractaires aux différentes élections, il retient, comme nouveauté, le rejet massif du scrutin dans des régions, comme les Hauts-Plateaux et le sud du pays, qui ont pourtant constitué jusque-là le réservoir électoral traditionnel du régime.

           Liberté : Le référendum pour la révision de la Constitution a été marqué par un taux d’abstention historique. Comment analysez-vous les résultats de ce scrutin ?
           Nacer Djabi : J'ai toujours défendu l'idée selon laquelle le mouvement de contestation citoyenne, le Hirak en l’occurrence, a réussi à changer profondément les Algériens, et de manière positive. Il n'a pas, en revanche, réussi à transformer le système politique en place qui, en dehors de quelques retouches formelles ici et là, continue de camper sur sa logique à lui, réfractaire à tout changement.

           Le régime en place a tenté de présenter l'annonce des résultats “réels” du référendum comme un gage de sa bonne volonté, en affirmant la vérité aux Algériens, comme l'a fait l'Autorité nationale indépendante des élections (Anie). On essaie de nous convaincre que le système, en acceptant le taux historique d'abstention, que le système a rompu avec les anciennes pratiques frauduleuses lorsqu’il s’agit des urnes. Pis encore, le discours officiel a présenté ces résultats, malgré le taux d’abstention, comme étant “halal” pour paraphraser Mohamed Charfi, président de l’Anie.

           Ce que le régime refuse de reconnaître, c’est que les Algériens, dans leur majorité, comme le démontre encore une fois la dernière échéance, sont convaincus que les élections, dans le cadre du système en place, ne peuvent pas être la solution, encore moins un instrument de changement. Ce n’est pas une nouveauté. Le peuple a rompu avec le système depuis plusieurs années, certes à des degrés différents, et selon les conjonctures et les générations, mais la rupture est là, devant nous.

           À la lumière de ces résultats, on peut conclure que le taux d'abstention est pratiquement le même, dans les grandes villes, en Kabylie ou encore dans la diaspora algérienne à l'étranger qui a connu de profondes transformations ces dernières années. Le réservoir électoral s’aligne de manière éclatante sur la logique de l'opposition. Même dans les Hauts-Plateaux et le sud du pays, où les populations participent traditionnellement aux échéances électorales, l’abstention prédomine. La majorité des populations de ces régions a boudé l'urne.

           C'est une nouveauté qui ne manque pas, de ce point de vue, de nous renseigner sur l'étendue de la profondeur de la rupture entre gouvernants et gouvernés. Pas moins de six wilayas, Ghardaïa, Ouargla, Ilizi, Djelfa, Laghouat et Tindouf ont enregistré des taux d’abstention historiques. Si cette tendance se vérifie lors des prochains scrutins, cela voudra dire que le régime aura perdu sa base sociale (Hauts-Plateaux et le Sud), en plus de la Kabylie et de la diaspora traditionnellement acquises à l'abstention.

           Le président Tebboune a obtenu plus de 4 millions de voix lors de l’élection présidentielle du 12 décembre 2019, alors que 3 millions d'Algériens ont voté lors du référendum. Cela constitue-t-il, selon vous, un recul dans le réservoir électoral du Président ?
           Je ne pense pas que la question est liée ici à la personne de Tebboune en tant que président. Il s'agit d’une tendance de rejet liée au système politique en place qui, soit dit en passant, a perdu ses capacités à mobiliser les électeurs à travers ses instruments traditionnels comme les partis acquis à sa cause ou encore à travers ce qu'il appelle la société civile par laquelle il tente d'étouffer la vie partisane dans le pays.

           Certes, il faut attendre que les prochains scrutins confirment cette tendance mais on peut d'ores et déjà, à la lumière des données publiées par l’Anie, concernant notamment les six wilayas sus-citées, que le régime a perdu des régions jusque-là stratégiques pour lui. À cela s'ajoutent 12 wilayas, dont Biskra, M'sila, El-Oued, Jijel ou encore Béchar où le “non” l'a emporté avec un taux dépassant le taux national en termes de refus.

           Les islamistes sont divisés entre ceux qui ont voté pour la Constitution, ceux qui ont opté pour le “non” et ceux qui ont boycotté le scrutin. Comment interprétez-vous l'attitude électorale des islamistes ?
           La carte politique en Algérie est diversifiée comme c'est le cas dans d'autres pays. C'est dans cette diversité qu'on trouve les islamistes et d'autres forces conservatrices. Un courant d'extrême droite commence à apparaître avec force ces dernières années. Ses propositions ressemblent à celles de l'extrême droite qui existe en Europe ou en Amérique.

           Ce courant se concentre sur les volets racial et culturel à travers la recherche de la pureté raciale qu'il tente de trouver dans l'Histoire, parce qu'il ne croit pas à la diversité et à la pluralité que vivent le monde et l'Algérie. La crise du nationalisme et la faiblesse de la gauche peut expliquer l'émergence de ce courant d'extrême droite qui s'est développé dans les réseaux sociaux à travers lesquels il s'exprime par le biais de batailles qui peuvent parfois aller jusqu'à la menace du tissu social et culturel du pays.

           Je pense que ce que nous vivons est une période de crise politique de l'État-nation dans le domaine intellectuel et pas uniquement politique. Cette crise s'exprime par la montée de ces courants exclusivistes et par la disparition du consensus politique et intellectuel entre les Algériens. Cela est le résultat de contraintes qu'on ne peut pas évoquer longuement comme la crise du nationalisme algérien, qui ne mobilise plus comme avant. Pour revenir aux détails du référendum, il ne faut pas oublier que les données ne laissent pas apparaître la sélection sur la base d'orientation politique ou partisane.

           L'Algérie ne dispose pas d'instituts de sondage capables de nous éclairer sur le comportement électoral sur la base de l'appartenance partisane comme c'est le cas dans d'autres sociétés. Cela n'aide pas à créer un débat politique et intellectuel rationnel susceptible de nous aider à dépasser nos nombreux écueils. On ne peut pas non plus faire une lecture rationnelle des élections.

           La mouvance islamiste a été un des perdants de ce scrutin. Cette échéance a-t-elle signé la fin de l’influence de ce courant ?
           Si vous désignez la période des années 1990, dominées par un courant islamiste radical, représenté par le Front islamique du salut (FIS), je crois que cette période est révolue et il est difficile d'imaginer un retour, du moins dans la configuration qu'on a connue. Il ne faut pas oublier que la société a beaucoup changé. Même ce qui reste des représentants de ce courant ont changé.

           Ils ne représentent plus des organisations, mais plutôt des groupuscules, voire des individualités, dont certaines sont infiltrées, isolées ou en conflit. Ces personnes n'ont pas encore fait de lecture sérieuse de leur expérience politique de sorte à tirer les leçons. Il faut aussi savoir que le fait de rester longtemps à l'étranger et la difficulté de travailler en liberté pour certains de ses éléments a compliqué la situation de ce courant qui connaît des fractures plus profondes, ce qui a conduit à son affaiblissement.

           Il ne faut pas oublier que l'islam politique que représente l'école des Frères musulmans est faible et vit des crises multiples après les multiples fractures qu’il a connues et son incapacité à produire de nouvelles figures intellectuelles et politiques. Paradoxalement, la période du multipartisme et les participations aux gouvernements ont aggravé son image après l'apparition de figures corrompues en son sein. Cela a propulsé des dirigeants du second et troisième rangs, avec des niveaux limités et leur incapacité à convaincre, à occuper le devant de la scène politique.

           La crise que connaît l'école des Frères musulmans qui connaît des défis importants dans son pays de naissance, l'Égypte, et dans l'Orient, en général, et les conflits que vivent les courants religieux dans le monde aggravent la faiblesse du courant islamiste, ici en Algérie, comme cela se passe également après les transformations opérées en Arabie saoudite. Cette faiblesse va aggraver la situation du courant salafiste qui dépendait de ce pays après le revirement opéré par Mohamed Ben Salmane.

           Qu'en est-il du réservoir électoral du pouvoir ?
           Tous les indicateurs fournis par la vie politique depuis le début du Hirak et les résultats du référendum démontrent que le régime politique est perdu, sans base. Cette situation peut avoir de graves conséquences politiques sur les institutions de l'État et non seulement sur le système. Cela plonge le pouvoir dans une crise, puisque les élections constituent pour lui un risque.

           Comment analysez-vous le rejet massif du référendum constitutionnel en Kabylie qui a, faut-il le rappeler, rejeté la présidentielle du 12 décembre 2019 ?
           La Kabylie a exprimé, par différentes manières, y compris par les élections, son lien avec la dimension nationale, même lorsqu'elle boycotte. La Kabylie a choisi la revendication comme moyen d'intégration nationale. L'esprit de revendication indique, au contraire, que cette région est concernée par ce qui se passe dans tout le pays.

           Cela ne semble pas plaire à certaines forces politiques à l'image de celles qui sont présentes dans les institutions qui ont tenté de provoquer (la Kabylie) avec de vieux sujets comme la question de l'emblème amazigh ou l'interdiction des marches des enfants de la région de rejoindre la capitale pour participer à des marches.

           De mon côté, je pense que l'Algérie a résolu la question berbère et se dirige vers l'édification d'une nation forte basée non seulement sur des aspects politiques, mais également sur des questions plus profondes comme celle de la démographie à travers les mariages et les relations tissées par l'activité économique et autres. Cela fait peur aux forces conservatrices qui ne sont pas habituées à ce niveau d'intégration nationale.

           Pensez-vous qu’Abdelmadjid Tebboune peut poursuivre ses missions comme président de la République sans se sentir dans une position de faiblesse ?
           Après le référendum et sa maladie, M. Tebboune n'est plus ce qu'il était.
           Cela va influer négativement sur lui, d'autant plus qu'il n'est pas chanceux depuis son arrivée au pouvoir dans les conditions que l’on sait.
Réalisé par : Mohamed IOUANOUGHÈNE ET Karim BENAMAR                      



« Les ressortissants algériens bloqués à l’étranger n’en peuvent plus »

Envoyé par Carole
https://www.tsa-algerie.com/les-ressortissants-algeriens-bloques-a-letranger-nen-peuvent-plus/


 TSA-Algérie - Par M. Younès Djama 04 Nov. 2020


           Le député de l’émigration, Noureddine Belmeddah, revient dans cet entretien sur la très faible participation de la communauté algérienne à l’étranger lors du référendum sur la révision constitutionnelle tenu dimanche 1er novembre, et évoque la situation des ressortissants algériens bloqués à l’étranger à cause de la fermeture des frontières.

           Le vote de l’émigration lors du référendum sur la révision constitutionnelle a été très faible (un peu plus de 4 %). Comment l’expliquez-vous ?
           Noureddine Belmeddah : Malheureusement, le confinement qui a été instauré dans certains pays européens a fait que les gens ne pouvaient pas sortir, ceci d’un côté. D’un autre côté, des citoyens ont voulu exprimer leur mécontentement par rapport à la fermeture des frontières mais ce n’est qu’un facteur.

           Comment s’est déroulée la campagne pour le référendum pour la communauté nationale à l’étranger. Y a-t-il eu un défaut de communication ?
           Dans des pays européens et même aux États-Unis, les rassemblements sont interdits. Dans certains États, les gens ne peuvent même pas se rassembler au-delà de six personnes. Cet état de fait a fait qu’une bonne partie de notre communauté à l’étranger n’a pas pu prendre connaissance du contenu de la nouvelle Constitution ; de plus, beaucoup de personnes étaient dans l’impossibilité de se déplacer. Dans cette conjoncture, ce qu’ont fait certains partis politiques et des organisations de la société civile en Algérie, dans le cadre de la campagne référendaire, aucun n’a pu le faire à l’étranger. Cette campagne pour le référendum a été impactée plus par la pandémie de Covid-19 et le confinement qui a été instauré par certains pays. C’est pourquoi, je dis que le mécontentement par rapport à la fermeture des frontières n’est qu’un facteur. Le référendum s’est déroulé dans des conditions très difficiles pour la communauté algérienne à l’étranger à cause de la crise sanitaire.

           Le gouvernement algérien reste inflexible sur la question relative à la réouverture des frontières, surtout que de nombreux pays européens connaissent une 2e vague de l’épidémie du Covid-19. Que comptez-vous faire en tant que député de l’émigration ?
           Personnellement, j’ai adressé un courrier à l’adresse du président de la République le 31 août dernier. Par la suite, je me suis entretenu avec plusieurs responsables, dont des membres du comité scientifique de suivi de l’épidémie du Covid-19 et tout particulièrement le Dr Mohamed Bekkat Berkani. Je leur ai exposé les souffrances de la communauté nationale établie à l’étranger et dont ils n’étaient pas au courant. Il y a parmi les personnes bloquées à l’étranger des citoyens qui ont une carte de résidence à l’étranger mais qui vivent en Algérie où ils ont leur travail et leurs familles. Il y a des ressortissants dont les proches sont décédés sans qu’ils aient la possibilité d’assister à leur enterrement, d’autres ont des parents malades. Il y a aussi des Algériens dont les enfants n’ont pas pu passer leur Bac en Algérie, etc. C’est cette réalité que j’ai exposée aux membres du comité scientifique et dont ils n’avaient pas connaissance.

           Et quelle a été la réponse des autorités ?
           Je dois dire que Dr Bekkat Berkani s’est montré très compréhensif et m’a promis de transmettre ces problématiques. Et effectivement, il y a eu un changement dans le discours des membres du comité qui ont commencé à dire qu’il fallait aller vers la prise en charge des cas exceptionnels. D’après les échos qui me sont parvenus, des propositions dans ce sens ont été présentées au président de la République, et qu’après les élections (référendum sur la Constitution, ndlr), une rencontre devrait avoir lieu avec le président de la République et les membres du comité scientifique. Ces derniers devraient exposer les cas exceptionnels pour lesquels des mesures sanitaires seront appliquées.

           Quel message voulez-vous faire passer aux autorités algériennes ?
           Nous souhaitons une issue à cette question car les ressortissants algériens bloqués à l’étranger n’en peuvent plus. Nous sommes en train de faire des collectes en faveur des personnes mourantes pour leur rapatriement, mais la situation ne peut plus durer plus que cela.

           Nous comprenons parfaitement les appréhensions des autorités quant à une éventuelle reprise de l’épidémie si on laisse rentrer les ressortissants, d’autant que les premiers malades algériens atteints de Covid l’ont été par un parent vivant à Marseille. Nous ne cherchons pas à ce que les frontières soient ouvertes à tout le monde, nous voudrions seulement qu’il soit permis aux Algériens de l’étranger de rentrer au pays. Je l’ai déjà dit au Dr Bekkat Berkani et je le répète ici : nous sommes prêts à nous plier à toutes les exigences sanitaires. Nous sommes prêts à prendre en charge notre séjour dans les hôtels. Pour les tests PCR, nous sommes prêts à fournir les tests en 48h au lieu de 72h, avant le voyage. Nous n’accepterons jamais de mettre en péril la santé des Algériens.
Younès Djama                      



Adila Bendimerad : « L’Algérie est plus difficile pour moi en tant que femme »

Envoyé par Pierre
https://www.tsa-algerie.com/adila-bendimerad-lalgerie-est-plus-difficile-pour-moi-en-tant-que-femme/


 TSA-Algérie - Par Younes Djama 02 Nov. 2020

Trois femmes ont été sauvagement assassinées en octobre dernier en Algérie, parmi lesquelles figure la jeune Chaïma, 19 ans, violée, torturé et son corps brulé. Ces assassinats ont choqué les Algériens, et relancé le débat sur les violences faites aux femmes. Un collectif a lancé une campagne pour dire « stop au féminicide ». Parmi les signatures figure Adila Bendimerad. Entretien.

           Vous faites partie d’un groupe d’actrices algériennes qui ont lancé une campagne pour dire « stop au féminicides ». Qu’est-ce qui a présidé à cette initiative et quel en est le contexte ?
           Adila Bendimerad : Il y a eu l’enchaînement macabre de féminicides tout au long de l’année 2020. Après Chaïma qui a été brûlée vive, notre mobilisation a été spontanée et évidente. Face à la menace, il nous a semblé urgent et logique d’agir, d’apparaître unies, d’organiser quelque chose pour participer à la lutte contre ce fléau. Nous avions aussi besoin de nommer ce mal : le féminicide.

           Ce mot n’existe pas en arabe. Il n’existe pas dans nos langues nationales. Il n’est pas nommé dans notre société, ni au niveau de notre justice. Le débat public qui permet la prise de conscience, l’émergence de la pensée, l’apparition de concept, et l’enrichissement du vocabulaire n’a pas suffisamment abordé et assumé ce sujet pour pouvoir le nommer. D’ailleurs des milliers de commentaires prouvent que beaucoup de gens ne comprennent pas et ne font pas la différence entre, par exemple, une femme trafiquante de drogue qui serait assassinée lors d’un règlement de compte, ce qui est un meurtre. Et, lorsqu’on tue une femme parce qu’on considère qu’on a le droit de la contrôler physiquement et moralement, et que si elle refuse on se donne le droit de la harceler, la frapper, la violer, la brûler vive et la tuer. Ceci est un féminicide. Il faut le nommer dans notre langue maternelle, si j’ose dire, pour spécifier le crime et comprendre l’origine de cette barbarie dans notre société.

           Que révèlent ces actes abominables de sur la situation de la femme en Algérie??
           Cela révèle que le serpent continue à se mordre la queue, et que l’hypocrisie générale préfère sacrifier la femme. Je vais vous raconter une histoire dont je suis témoin directe. Un jour, un ami me demande si la petite amie de son meilleur ami peut être hébergée chez moi. Je suis très gênée car je ne la connais pas. Je comprends qu’il s’agit d’une situation de détresse. Je reçois la jeune femme. La fille est étudiante en biologie, elle a perdu son père et travaille en tant que photographe pour les mariages réservés aux femmes afin de nourrir sa mère et ses sœurs. Au début elle faisait les mariages du quartier, ensuite elle travaillait dans tout Alger. Les hommes de la famille des mariés l’accompagnaient à la fin de son travail. Pouvait-elle à 3h du matin être accompagnée par des femmes dans un pays où les femmes seules la nuit se font systématiquement agresser ? Les voisins se sont plaints à sa mère et l’ont menacée physiquement. Ils disent que c’est une honte qu’elle rentre si tard avec des hommes même s’ils savent que ce travail est son gagne-pain.

           Sa mère finit par la renvoyer de la maison lui disant de continuer à se débrouiller pour trouver où dormir. La fille continue de travailler et d’envoyer l’argent à sa mère. À chaque fois qu’elle est hébergée dans un appartement, les voisins se plaignent de sa présence. Une femme seule qui rentre tard ! Je me tourne vers son petit ami avec qui elle est depuis 4 ans, ses parents à lui la connaissent et l’aiment. Ils ont une grande maison et un étage vide avec un studio. Alors je demande pourquoi ne l’hébergent- ils pas ? Il me répond que c’est la honte de demander ça à ses parents alors qu’ils ne sont pas encore mariés. Alors comme ça tout retombe sur les épaules de cette jeune étudiante chétive et timide, dont les lunettes sont plus grosses que son petit visage de moineau ? Pas un voisin, pas une mère, pas un futur beau-père pour se dresser et dire stop ? Elle a « brûlé la mer » comme on dit. Elle vit en Ukraine, sans papiers, dans une ferme, où elle s’occupe d’un couple de vieillards. Eux semblent avoir eu plus de clémence pour elle.

           Beaucoup de femmes dénoncent fréquemment le harcèlement de rue, au travail… pensez-vous qu’il faille rester dans la dénonciation ? Faut-il agir autrement ?
           On ne dénonce pas assez. Ce n’est pas vrai. Dès qu’on dénonce les gens relativisent. Pour l’occasion je vais dire ici quelque chose que je n’aime pas dire publiquement pour ne pas « froisser » mon pays. Mais je vais le dire car il faut que les langues se délient, et je commence par moi-même.

           J’ai voyagé dans une trentaine de pays grâce à mon métier à mes films et au théâtre. Et j’ai voyagé seule depuis mes 25 ans. Je peux vous dire que l’Algérie est plus difficile pour moi en tant que femme dans l’espace public. Combien d’actrices, de techniciennes, d’écrivaines, de danseuses, d’artistes, de productrices étrangères que nous avons reçues ici en Algérie pour des collaborations professionnelles se sont plaintes de ce harcèlement, cette violence de rue. Elles qui ont tellement voyagé, regrettent souvent cet aspect de l’Algérie et en sont choquées. Heureusement que lors des tournages et du travail les choses se passent bien avec les équipes locales, et je salue les hommes de la profession qui sont attentifs à cela et souvent solidaires. Mais l’espace public…

           Et toujours la phrase fatidique qui tombe : « J’ai beaucoup voyagé mais je n’ai jamais vu ça. Pas autant ! » disent-elles avant leur départ. Et oui ça fait mal, on a honte mais maintenant il faut que les langues se délient.

           Les réseaux sociaux regorgent de messages d’insultes et d’invectives à l’égard des femmes algériennes. Les femmes qui dénoncent des comportements qui touchent à leur personne ou à leur manière de se vêtir voire de penser, sont souvent traitées de féministes. Est-ce une tare que de l’être ? Féministe, l’êtes-vous ?
           Lorsque nous avons lancé la campagne, nous nous sommes aperçues que beaucoup faisaient une confusion entre le mot féminicide et féministe…

           Vous dites « les femmes ne sont pas épargnées » ? Mais c’est elles qui subissent le pire, ce n’est pas moi qui le dit c’est la police judiciaire. Allez leur poser des questions, ça fait froid dans le dos. Les plus hauts pics de lynchage concernent les femmes, même la « 3issaba » n’en subit pas autant. Encore une fois ce n’est pas moi qui le dis. Cette idée de féministe ou pas c’est ridicule. Pour moi dire stop aux violences et aux meurtres c’est comme dire j’ai besoin de manger et de boire de l’eau pour vivre. C’est une question basique, simple, vitale et irréductible.

           Pour ceux qui demandent que « veulent-elles ? », que répondiez-vous ?
           Ceux qui se posent cette question devraient à leur niveau faire comme nous, s’organiser, essayer d’agir, de faire quelque chose. Nous ne faisons rien c’est pour cela que la justice et la police ne bougent pas. Les lois qui protègent les femmes existent mais elles ont été faites par l’État. Ce n’est pas la pression de la société civile qui les a fait exister. Elles sont tombées du ciel. Si elles étaient nées de la racine, de la pression populaire, c’est-à-dire des citoyens organisés, elles seraient appliquées naturellement que ça leur plaise ou non. Le changement vient de nous. Les institutions au final sont le reflet de nos exigences. Cette fois les femmes doivent montrer le chemin de la mobilisation avec le soutien inconditionnel des hommes. Cette fois on doit faire monter la pression et exiger des institutions.

           La comédienne été animatrice Mounia Boufeghoul a été l’objet d’une campagne de lynchage en règle sur les réseaux sociaux suite aux propos qu’elle a tenus après le meurtre de la jeune Chaïma. Comment avez-vous vécu cet épisode ?

           Encore un énième épisode de lynchage. Un monde fou a lynché une jeune femme parce qu’elle aurait parlé « impoliment » du harcèlement de rue, parce qu’elle n’a pas parlé « comme une jeune femme devrait parler » avec les « bonnes manières » et la « douceur innée de la femme » ! Il y a des milliers de vrais profils qui l’ont menacé de viol, de la défigurer, de la tuer, de la brûler vive comme Chaïma. Ils l’ont menacée publiquement et sans peur d’être inquiétés. Cela, les bien-pensants ne l’ont pas vu, ils n’ont vu que l’ « impolitesse » et la gaucherie de la jeune femme. Pire, d’autres ont dit qu’elle méritait ces menaces. J’assimile cela à du cannibalisme. On lynche et on se délecte. C’est le chemin direct pour détruire une société et une culture. Le pire c’est « El Djazaïria One » (chaîne TV où officiait l’animatrice, ndlr) qui s’est vantée d’avoir retiré son émission à Mounia, et de l’avoir licenciée. Quelle honte, aucune religion, aucune philosophie, aucune raison, et aucun cœur ne peut avoir de respect pour de tels comportements. C’est vraiment marcher sur le corps d’un blessé pour paraître plus grand en public.
Younes Djama                      



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Dingli christelle

             Bonjour
             Descendante de la famille dingli, on me parle d une ferme leur appartenant en Mondovie, Duzerville, Bone.
             Mon grand-père Charles est le fils de Carmelo Dingli. Ma famille a quitté l Algerie vers 1957 pour la Feance.
             Je ne trouve pas de photo de cette ferme, ni d informations sur Mes ascendants et leurs ascendants venant de Malte.
             Auriez vous des photos de cette ferme?
             Comment puis retrouver des éléments concernant ma famille la bas?
             Merci
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PAUVRES COUPABLES !
Envoyé Par Annie

         
APRÈS UNE TRÈS LONGUE ENQUÊTE,
ILS ONT ENFIN TROUVÉ LES COUPABLES....

          L'enquête a été longue et difficile. Mais on a enfin réussi à identifier les odieux profiteurs suspectés de maintenir à peu près leur niveau de vie en période de crise. On les appelle des retraités. En fait, ce sont des paresseux qui, après 42 années d'activité, donnent un mauvais exemple aux jeunes sans emploi en jouant aux boules ou en réchauffant leurs rhumatismes au soleil. Il était donc grand temps d'imposer davantage leurs pensions.

          Ce rabotage de niche fiscale est d'autant plus urgent que, grâce au progrès de la médecine et de la chirurgie, ces séniors prétendent vivre de plus en plus longtemps sans se préoccuper de la santé de leurs caisses de retraites.

          Et puis, au moins est-on certain que, contrairement à d'autres contribuables plus valides et plus fortunés, ils ne battront pas en retraite pour fuir un pays où les technocrates de Bercy seront un jour les derniers actifs!... C'est vrai que la rumeur enfle de toute part : Ces salauds de retraités qui ont travaillé pendant les trente glorieuses, voilà de nouveaux bons boucs émissaires pour cracher au bassinet. Voilà une belle réforme pour la « France juste » que les guignols au pouvoir nous concoctent !...

          Bien fait pour leur pomme, d'avoir travaillé, cotisé et payé des impôts toute leur vie ! Diminuer leur "soi-disant" train de vie servira au moins à payer tous ces pauvres gens venus de l'extérieur pour faire valoir leurs "soi-disant" droits au pays des "droits de l'homme" ! Quel bonheur de vivre en France ....
Philippe BOUVARD



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